Chapitre VII.
Objection : On a toujours dansé.
On objecte en sixième lieu, en faveur des danses, que dans tous les temps et dans tous les lieux, elles ont été en usage, surtout dans les occasions de réjouissances publiques. Est-il croyable, dit-on, que s’il y avoit tant de mal ou tant de danger, l’usage en fût si ancien et si répandu ? Ne devroit-on pas être arrêté par la considération de cette multitude innombrable de personnes qui se permettent ce plaisir, ou qui l’approuvent dans les autres, et contre lesquelles il faut nécessairement prononcer un jugement de condamnation, si l’on condamne les danses ?
Réponse. Combien de péchés et même de désordres
pourra-t-on excuser, si la coutume, qui les rend très-ordinaires et
très-communs, est une excuse légitime ? « Comme les hommes, dit saint Augustin, (liv. 3 de la doctrine
chrétienne, c. 10, n.° 15.) sont portés à juger de la nature
du péché par leurs usages et par leurs coutumes, plutôt que par la
malice de la convoitise, il arrive souvent qu’on croit ne devoir blâmer
que ce que les gens de son pays et de son temps ont coutume de
condamner ; et pareillement
ne rien louer et
approuver que ce qui est communément approuvé par ceux avec qui l’on est
en commerce. »
Mais est-ce là une règle bien sûre pour juger sainement des choses et pour se
bien conduire ? Et que deviendra en beaucoup d’occasions l’observation de la
loi de Dieu, si la coutume (qui est très-souvent contraire) est une règle de
conduite ? Qu’est-ce qui fait la coutume ? C’est la multitude qui se porte à
des actions qui passent ainsi en coutume. Or, Dieu disoit à son ancien
peuple dans le livre de l’Exode : (c. 23, v. 2.)
Vous ne
suivrez point la multitude pour faire le mal.
C’est la
multitude qui marche
par le chemin large et
spacieux
, dont Jésus-Christ dit,
qu’il mène à la perdition
, comme il dit au
contraire du chemin qui mène à la vie,
qu’il est
étroit
, et qu’il y en a peu qui le trouvent. (Matth.
c. 7, vv. 13 et 14.) Laisser donc le chemin étroit pour marcher par la voie
large en suivant les mauvaises coutumes, et par elles la multitude, c’est
renoncer à la vie éternelle, et courir à l’enfer où la multitude se
précipite sans cesse. Lorsque saint Paul écrit aux Romains : (c. 12, v. 2.)
Ne vous conformez pas au siècle
présent
, n’est-ce pas comme s’il disoit : Ne suivez pas les
mauvaises coutumes du monde, non plus que ses mauvaises maximes et ses
mauvais exemples ?
Tertullien, exhortant les chrétiens à ne pas suivre les coutumes contraires à
la loi de Dieu, établit ce grand principe qu’il ne
faudroit jamais perdre de vue : (traité du voile des vierges, c. 1.)
« Que ni le temps, ni la dignité des personnes, ni les priviléges
des pays ne peuvent prescrire contre la loi de Dieu ; car c’est
quelqu’une de ces trois choses qui donne ordinairement lieu à la coutume
qui, ne subsistant d’abord que par l’ignorance ou la simplicité des
hommes, se fortifie ensuite par l’usage, et s’élève contre la vérité.
Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ s’est appelé la vérité et non pas la
coutume »
; par conséquent, en nous ordonnant de suivre la
vérité, il nous défend de nous régler par la coutume.
Saint Cyprien dans sa lettre à Pompée, évêque de Sabra, (la
74.e de l’édition d’Oxford, p. 317.)
établit le même principe. « La mauvaise coutume,
dit-il, ne doit point prévaloir sur la vérité : car une
coutume qui n’a point la vérité pour fondement, est une vieille erreur.
Laissons donc l’erreur, et suivons la vérité qui est toujours
victorieuse. C’est ce que Jésus-Christ nous présente dans l’Evangile,
lorsqu’il dit : Je suis la vérité, (Jean. c. 14, v. 6.) C’est pourquoi,
si nous sommes en Jésus-Christ, et si nous avons en nous J. C., si nous
demeurons dans la vérité et si la vérité demeure en nous, tenons-nous
attachés à ce qui est vrai, plutôt qu’à ce qui est selon la
coutume. »
Saint Jean Chrysostôme expliquant à son peuple l’endroit de la Genèse, où il
est parlé du mariage de Jacob avec Rachel, (c. 29.) en prend occasion de
parler contre
les danses et les autres désordres
qui avoient lieu de son temps aux noces, et qui étoient autorisés par la
coutume. (hom. 56, sur la Genès. tom. 4,
p. 139.) « Vous voyez, dit-il, dans le
mariage dont vous venez de lire l’histoire, avec quelle modestie les
anciens patriarches célébroient leurs noces. Y entendoit-on le son des
flûtes et des autres instrumens de musique ? Y voyoit-on ces danses
diaboliques qu’on voit parmi nous ?
Et comme on prétendoit
justifier cet abus par la coutume, ce saint docteur détruit ainsi cette
vaine excuse :
Nùm tunc choreæ
diabolicæ ?
»« Je sais bien qu’il y en a plusieurs à qui la coutume
sert de prétexte ; mais nous sommes obligés de dire ce qui doit servir à
leur salut, et ce qui peut les délivrer des supplices de l’autre vie. Où
il s’agit de la perte des ames, comment osez-vous m’alléguer la
coutume ? J’en ai une bien meilleure à vous opposer : c’est celle des
anciens patriarches, quoiqu’ils aient vécu dans un temps où la lumière
de notre sainte religion ne brilloit pas avec l’éclat où elle a paru
depuis la prédication de l’Evangile… Si ce que vous faites est honnête
et utile, il faut toujours le faire, quand ce ne seroit pas la coutume :
mais s’il est mauvais et pernicieux, il faut vous en abstenir, quand
même la coutume en seroit établie. Si ce qui est passé en coutume est
par là légitime, les voleurs, les adultères et toute autre espèce de
méchans pourront, selon la coutume, être jugés
innocens, puisque depuis long-temps il y a dans le monde des adultères
et des voleurs. Mais bien loin qu’en faisant mal, on puisse tirer de la
coutume aucun avantage ni aucune excuse, on est au contraire d’autant
plus condamnable, qu’on n’a pas eu la force de surmonter une mauvaise
coutume. Ne violons donc pas les lois divines pour suivre les usages du
monde, et ne préférons pas à ces lois saintes les pernicieuses coutumes
qui sont les lois de celui qui trouve son plaisir dans notre perte ; je
veux dire du démon :
Ce saint ne
pouvoit se lasser de faire éclater son zèle contre le mépris très-réel qu’on
fait de Dieu, quoiqu’on ne se l’avoue pas à soi-même, en prétendant
justifier par la coutume ce qui est mauvais à ses yeux. Parlant encore dans
une de ses homélies sur la première épître aux Corinthiens, (hom. 12, tom. 10, p. 104, et suiv.) contre ce
qui dans les noces déshonoroit la sainteté du mariage, et en particulier
contre la coutume des danses, il fait d’abord observer à ses auditeurs, que
le mariage étoit regardé comme une chose très-honorable chez les étrangers,
c’est-à-dire chez les païens :
Illius enim lex sunt hæc qui
gaudet de interitu nostro.
»« Cependant,
ajoute-t-il, le mariage étant fait, il se passe aux noces les
choses les plus ridicules et les plus indécentes, dont beaucoup de
personnes n’aperçoivent pas le ridicule et l’indécence, trompées
qu’elles sont par la coutume, et n’ayant qu’elle dans
l’esprit. »
Et quelles sont ces choses indécentes autorisées
par la coutume, qui, selon saint Jean Chrysostôme, déshonorent le mariage ?
« Ce sont, dit-il, les danses, les
paroles et les chansons déshonnêtes, les excès de viande et de vin ; en
un mot, tout ce que le diable y introduit de mauvais. Je sais qu’en
reprenant ces désordres, je paroîtrai ridicule à plusieurs, et qu’on
m’accusera de manquer d’esprit et de sens en voulant abolir ces
anciennes lois : cependant, je ne puis garder sur cela le silence.
Peut-être que si tous ne reçoivent pas bien ce que je me crois obligé de
dire contre ces abus, au moins quelques-uns, quoiqu’en petit nombre, en
profiteront ; et qu’ils aimeront mieux être raillés avec nous, que de se
moquer et de rire de nous, mais d’un ris digne de larmes et des plus
grands supplices… Je souffrirai donc de devenir l’objet des railleries
de plusieurs personnes, pourvu que mon discours puisse porter quelque
fruit ; et en effet, ne me rendrois-je pas moi-même ridicule et
répréhensible, si, pendant que je vous exhorte à ne vous point mettre en
peine de la gloire qui vient des hommes, j’étois moi-même attaqué de la
maladie qui la fait rechercher, comme on la recherche quand on craint
leurs railleries et leurs mépris ? »
J’ai cité plusieurs lettres de saint Augustin à Alipe, où il lui raconte
comment il étoit venu à bout de faire cesser parmi les catholiques
d’Hypponne certains festins pleins
d’excès et de
désordres, qu’on avoit coutume de faire en Afrique dans les églises, les
jours des fêtes des saints, et particulièrement des martyrs. Nous avons vu
quelle vive impression le discours du saint docteur à ce sujet fit sur ses
auditeurs. Cependant, le lendemain on vint lui dire que quelques-uns de ceux
même qui l’avoient écouté, murmuroient encore, et que la coutume avoit tant
d’empire sur eux, qu’ils disoient entre eux : Pourquoi nous ôter
présentement ce qu’on nous a souffert depuis si long-temps ? Ceux qui nous
ont laissé faire ce qu’on veut nous retrancher aujourd’hui, n’étoient-ils
pas chrétiens aussi bien que ceux-ci ? Que répondit saint Augustin à cela ?
Il le marque à Alipe en ces termes : (lett. 29, n.° 8.)
« Je leur dis que la meilleure et la plus courte réponse que je
pourrai faire à ceux qui parloient ainsi, étoit de leur dire : Otons au
moins présentement ce qu’il y a si longtemps qu’on auroit dû
ôter. »
Ce saint, repassant sous les yeux de Dieu ses égaremens passés, gémit en
particulier sur ceux dans lesquels les mauvaises coutumes l’avoient
entraîné ; et en déplorant son propre malheur, il déplore en même temps
celui de tant de mauvais chrétiens qui croient pouvoir faire innocemment ce
qui paroît autorisé par la coutume, et qui par là se perdent sans y penser.
(Confess. l. 1, c. 13, n.° 25.) « Malheureux
torrent de la coutume, s’écrie ce saint pénitent
dans ses confessions, où sont ceux qui te résistent ? Ne te
verrons-nous jamais à sec ? Et jusques à
quand entraîneras-tu les malheureux enfans d’Adam dans cette mer si
profonde et si orageuse, dont ceux même qui se tiennent au bois de la
croix du Sauveur ont tant de peine à se sauver ? »
Qu’est-ce que
se tenir au bois de la croix du Sauveur, pour n’être pas entraîné par le
torrent de la coutume ? C’est opposer les lois de l’Evangile et les exemples
de Jésus-Christ à toutes les mauvaises coutumes et à tous les mauvais
exemples. Et n’est-ce pas évidemment pour nous faire sentir que c’est ce que
doit faire tout chrétien, que Tertullien a dit ce que j’ai rapporté, que
Jésus-Christ ne s’est pas appelé la coutume, mais la
vérité ?
On a vu plus haut le canon 22 du troisième concile de Tolède, où les pasteurs et les magistrats sont exhortés à employer toute leur autorité pour abolir la coutume pleine d’irréligion, qui s’étoit introduite parmi le peuple, de déshonorer par des danses, les fêtes des saints. Le concile ne pensoit donc point que des abus et des désordres fussent plus tolérables pour être passés en coutume.
Le pape Nicolas I, dans une de ses lettres à l’empereur Michel, parlant d’une
coutume très-pernicieuse au clergé et au peuple, qui s’étoit introduite, lui
dit « qu’il veut d’autant plus s’appliquer à la déraciner de
l’Eglise, qu’il a appris par les saints canons, qu’une mauvaise coutume
ne doit pas être moins évitée qu’une pernicieuse corruption »
.
(Labbe, tom. 8. des conciles,
p. 292.)
C’étoit une coutume presque universelle parmi les Israélites des dix tribus, d’aller adorer le veau d’or que Jéroboam, roi d’Israël, avoit fait faire. Mais l’Ecriture rapporte que Tobie fuyoit seul l’exemple de tous les autres, et qu’il alloit à Jérusalem au temple du Seigneur, où il adoroit le Seigneur son Dieu, en lui offrant fidèlement les prémices et les dîmes de tous ses biens. (Tobie, c. 1, vv. 2 et suiv.) Cette coutume, si contraire à la loi de Dieu, ne faisoit donc aucune impression sur l’esprit et le cœur du jeune Tobie : pourquoi en feroit-elle sur nous ? Ne devons-nous pas à Dieu la même fidélité que ce saint homme ? Et nous est-il plus permis qu’à lui de nous écarter de la vérité, en suivant les coutumes qu’elle condamne ?
Dans l’objection à laquelle je réponds, on prétend que, dans les
réjouissances publiques, le bal et les danses, qui y sont ordinaires, et qui
font partie de ces réjouissances, sont permis. Mais nous avons entendu saint
Paul nous dire
que c’est dans le Seigneur
, c’est-à-dire sans l’offenser, et en conservant
toujours une exacte modestie,
qu’il se faut réjouir
. Cette maxime de saint
Paul ne doit-elle pas être suivie dans les réjouissances publiques comme
dans les particulières ? Et n’avons-nous pas montré que dans les danses il
ne peut y avoir de modestie, et qu’il s’y commet, au contraire,
ordinairement beaucoup de péchés ?
Après quelque grand événement
favorable à un état
et au roi qui le gouverne, comme la naissance d’un prince, une grande
victoire remportée, la Religion nous porte à aller au temple du Seigneur
pour lui rendre des actions de grâces publiques ; mais lorsqu’aux cantiques
d’actions de grâces on fait succéder les bals, les danses et d’autres
divertissemens profanes, ne peut-on pas alors demander avec saint Paul :
Quelle union peut-il y avoir entre la justice et l’iniquité ?
Quel commerce entre la lumière et les ténèbres ? Quel
accord entre Jésus-Christ et Bélial ?
(2. Cor. c. 6,
vv. 14 et 15.)
Personne ne s’intéresse plus sincèrement au bien des rois et des états que les bons chrétiens ; ils se font un devoir de religion de prier souvent pour la santé et la vie des rois, pour la prospérité de leurs armes, pour éviter les fléaux dont l’état peut être menacé, pour faire cesser ceux dont il est affligé : par une suite nécessaire de ce sentiment, tout ce qui est favorable au prince et à l’état fait le sujet de leur joie ; mais alors leur joie et les témoignages publics qu’ils en donnent, prenant leur source dans la piété, sont dignes de la sainteté du christianisme, parce qu’ils ne les font jamais sortir des bornes étroites de la tempérance, de la modestie et de toutes les autres vertus qui font le vrai chrétien.
C’est sous ce caractère que Tertullien représentoit autrefois les chrétiens
dans son apologétique, ou défense des premiers chrétiens
contre les calomnies des païens. On
accusoit les
chrétiens de ne pas célébrer, comme ils devoient, la naissance des
empereurs, ou les victoires qu’ils avoient remportées sur leurs ennemis.
Cette injuste accusation étoit fondée sur ce qu’en ces fêtes publiques ils
ne se livroient pas aux mêmes excès et aux mêmes désordres que les païens.
C’est un des points sur lesquels Tertullien prend leur défense. (c. 75.)
« Vous traitez, dit-il, les chrétiens
en ennemis publics, parce qu’ils ne rendent pas aux empereurs des
honneurs vains, faux et téméraires ; et que professant la vraie
religion, ils célèbrent la fête de leur naissance ou de leurs triomphes,
plutôt par les mouvemens d’une conscience pure, que par les désordres
d’une honteuse débauche. Ne peut-on témoigner son affection pour
l’empereur qu’en dressant des tables au milieu des rues, en mangeant
dans les places, en changeant la ville en une grande taverne, en
répandant sur le pavé tant de vin qu’il se change en boue, en courant
par bandes dans les rues comme des insensés, en cherchant partout à
satisfaire ses désirs impudîques ? Ne peut-on donc prendre part à la
joie publique qu’en se déshonorant publiquement ? Et convient-il de
faire aux fêtes des empereurs, des choses qu’on regarderoit comme
indécentes les autres jours ? Quoi ! ceux qui vivent dans les règles
d’une exacte discipline, afin que leurs prières obtiennent le salut de
l’empereur, changeront de conduite pour honorer
l’empereur ? et la licence et la corruption passeront
pour piété ? Ce qui sert à allumer la concupiscence, sera réputé un acte
de religion ? Oh ! que nous méritons bien d’être condamnés ! Pourquoi,
en effet, par notre chasteté, notre sobriété et la régularité de notre
conduite, paroissons-nous vouloir abolir les fêtes et les réjouissances
qui se font pour les empereurs, en ne prenant point de part aux
désordres qui s’y commettent ? »
Et pour montrer que les
empereurs n’avoient pas de sujets plus fidèles et plus remplis de respect et
d’amour pour eux que les chrétiens, Tertullien ajoute peu après : (c. 39.)
« Nous prions pour les empereurs, pour leurs ministres, pour les
puissances, pour le bon état des affaires et pour la tranquillité
publique. »
N’est-ce pas là donner des preuves plus réelles de l’amour qu’on a pour le prince et pour le bien de l’état, que de se livrer dans les réjouissances publiques à toutes sortes de folies et d’excès ?
Salvien, prêtre de Marseille, (l. 5, de Providentiâ.) se
plaignoit de ce que de son temps, après avoir reçu de Dieu quelque faveur
publique, on alloit, en signe de réjouissance et avec plus d’ardeur, en
foule aux spectacles qui étoient alors en usage. Appliquons aux danses ce
que Salvien dit des spectacles usités de son temps : ses raisonnemens, tous
puisés dans le fond de la Religion, nous apprendront si l’occasion d’une
réjouissance publique peut rendre les bals et les
danses plus légitimes qu’en tout autre temps. « Extravagance
monstrueuse ! s’écrie ce saint homme,
vouloir honorer Jésus-Christ par des spectacles (ou par des danses)
lorsque nous avons reçu de lui quelque bienfait, après une victoire, et
lorsqu’il a donné un heureux succès à quelqu’une de nos entreprises !
Par une telle conduite, faisons-nous autre chose qu’imiter la conduite
d’un homme qui accableroit d’injures son bienfaiteur, qui l’outrageroit
dans le temps même qu’il lui marqueroit plus d’amitié ; et qui, pendant
qu’il l’embrasse, lui plongeroit un poignard dans le sein ? Qui peut
douter que celui-là ne se rende coupable d’un grand crime, qui rend le
mal pour le bien, pendant qu’il ne lui est pas permis de rendre le mal
pour le mal ?… O extrême folie ! nous offrons à Jésus-Christ pour ses
bienfaits les impuretés du théâtre, (ou des danses et nous lui immolons
pour victimes des divertissemens très-honteux ! Est-ce là ce qu’il est
venu nous apprendre quand il est né dans le monde, revêtu d’une chair
comme la nòtre ?… Voilà sans doute une belle manière de lui rendre tout
ce qu’il a fait et souffert pour nous, qu’après avoir été rachetés par
sa mort, nous lui offrions une vie si criminelle !
Jésus-Christ
, dit saint Pierre, (ép. 1, c. 2, v. 21.)
a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin
que vous marchiez sur ses pas.
Est-ce en allant aux
spectacles et aux danses, que
nous suivons
Jésus-Christ ? Est-ce là l’exemple qu’il nous a donné, lui dont il étoit
dit dans l’Evangile, qu’il a pleuré, mais dont on ne dit pas qu’il ait
jamais ri ? Quant à nous, nous ne nous contentons pas de rire et de nous
réjouir, si nous ne le faisons follement et en nous abandonnant au
péché, et si les impuretés et les crimes ne se trouvent mêlés dans nos
ris. Quelle erreur et quelle folie est cela, qu’une joie toute simple ne
nous paroisse pas en être une, et que nous ne croyions nous bien
divertir, que quand le péché accompagne nos divertissemens ! L’apôtre
saint Pierre (c. 1, v. 15.) nous exhorte à être saints dans
toute la conduite de notre vie, comme celui qui nous a appelés est
saint. Qu’on voie donc la sainteté éclater en nous,
non-seulement quand nous nous acquittons des devoirs de la religion, et
dans ce qui y a un rapport plus direct, mais dans nos actions même les
plus communes, et par conséquent dans nos divertissemens et nos
réjouissances. »