Chapitre V.
Objection : On n’a pas été tenté dans les Danses.
On a, dit-on, assisté à des danses, sans avoir été attaqué des tentations auxquelles on dit qu’elles exposent, et sans rien éprouver des mauvais effets qu’on leur attribue. Mais je demande : veille-t-on assez sur son cœur pour s’apercevoir de tout le mal qui s’y passe ? Craint-on assez le péché pour être alarmé des funestes impressions que fait sur l’ame ce qui y porte ? Que de fautes, surtout intérieures, que bien des gens commettent sans presque y penser en les commettant ou après les avoir commises !
Cependant, je suppose pour un moment, ce que j’ai bien de la peine à croire,
que jamais on n’ait souffert aucun préjudice ni
aucun dommage spirituel de la fréquentation des danses. Dans cette
supposition, je réponds avec saint Jean Chrysostôme : (hom. 37, in Matth. tom. 7, p. 424.)
« N’est-ce pas certainement un grand dommage et un grand
préjudice pour votre ame et pour votre salut, d’employer si mal un temps
dont tous les momens doivent vous être infiniment précieux, et d’être
pour les autres un sujet de scandale ? En effet, quand vous sortiriez de
ces divertissemens sans qu’ils aient produit en vous aucun mauvais
effet, pouvez-vous n’être pas coupable en inspirant aux autres, par
votre exemple, une plus grande ardeur pour ces plaisirs si dangereux ?
Par là, tous les désordres qui en naissent, à l’égard de tant de
personnes, si vous voulez, plus foibles que vous, retombent sur votre
tête : car comme il n’y auroit personne qui s’empressât de préparer les
lieux et les assemblées destinés à ces divertissemens, si personne n’y
étoit présent, il s’en suit qu’il est certain qu’il suffit d’en être
spectateur et d’y prendre part, pour être condamné au feu de l’enfer
aussi bien que ceux pour qui ils auront été une occasion de péché. Quand
donc vous pourriez prendre part à ces divertissemens sans que votre
chasteté en souffrît, ce que je ne crois pas possible, vous ne
laisseriez pas d’être sévèrement puni pour avoir contribué par votre
mauvais exemple à la perte des autres. Certainement, quelque chaste que
vous
puissiez être, vous le seriez encore
davantage en fuyant ces plaisirs si dangereux. Ne contestons donc pas
inutilement, et n’imaginons pas de vaines excuses ni des défenses qui ne
peuvent nous servir devant Dieu. Notre grande défense consiste à nous
éloigner de cette fournaise de Babylone, et à fuir, comme le chaste
Joseph, cette Egyptienne séductrice, quand, pour nous sauver de ses
piéges et de ses mains, il faudroit abandonner tout et nos habits même.
Par là nous nous procurerons les vrais et solides plaisirs ; par la paix
de la conscience qui ne sera point troublée par des remords, nous
mènerons en ce monde une vie pure et chaste, et nous obtiendrons en
l’autre la vie éternelle, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. »