(1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre XI. On doit non-seulement éviter les Danses, mais on doit même éviter, autant qu’on peut, d’être présent aux danses. » pp. 126-131
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(1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre XI. On doit non-seulement éviter les Danses, mais on doit même éviter, autant qu’on peut, d’être présent aux danses. » pp. 126-131

Chapitre XI.

On doit non-seulement éviter les Danses, mais on doit même éviter, autant qu’on peut, d’être présent aux danses.

Si l’on ne doit pas aimer à danser, on ne doit pas non plus aimer à voir danser les autres. Prendre plaisir à être spectateur ou spectatrice des danses, c’est leur donner une sorte d’approbation, et par là y participer en sa manière. Et saint Paul déclare (Rom. c. 1, v. 32) que non-seulement ceux qui font les choses défendues (dont il venoit de parler) méritent la mort, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font . Il écrit aussi aux Ephésiens (ch. 5, v. 11.) : Ne prenez point de part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les.

De plus, si on trouve du plaisir à voir danser, on ne peut guère tarder à en trouver à danser soi-même ; et si on a eu jusqu’alors de la répugnance à le faire, on sera facilement excité par l’exemple des autres, qu’on aura aimé à voir dans ce divertissement, à le rechercher et à s’y livrer soi-même, pour peu qu’on puisse le faire avec bienséance. Enfin, on ne peut s’arrêter à regarder les danses sans être en même temps témoin de beaucoup de familiarités et de libertés criminelles qu’ont ensemble les personnes de différent sexe, ou en dansant, ou après avoir dansé. Et combien cette vue est-elle capable de produire dans l’ame de mauvaises pensées et de mauvais désirs, qu’on ne peut alors dire être involontaires, puisqu’on veut ce qui les produit !

Voici encore ce qu’enseignent sur cela les ministres protestans dans leur chapitre dixième de leur traité contre les danses. Il est si conforme aux principes de la religion et si solidement prouvé par les saintes Ecritures, qu’il ne peut être que très-utile de le mettre sous les yeux des catholiques : « S’il est besoin de se trouver aux compagnies quelquefois, il le faut faire prudemment, et selon que nous sommes enseignés, regarder avec discrétion quelles sont les compagnies que nous voulons fréquenter ; car il n’est pas permis de se réunir à toutes sortes de gens, de peur que tombant dans la compagnie de gens déréglés, l’on ne communique au mal, et que de mauvaises paroles ou actions on n’en remporte quelque vice… Il faut user du conseil que les anciens conciles donnoient jadis aux chrétiens quand ils seroient à quelques noces, qu’ils mangeassent sobrement et honnêtement ; et les tables étant levées, si les ménétriers entroient pour commencer les danses, qu’ils partissent de là. Qu’ils se retirent donc ; et s’ils ont fait une faute de s’être approchés de telles assemblées du monde, qu’ils n’ajoutent pas une seconde faute d’être ou parties, ou spectateurs des actions qu’ils doivent condamner. Mais ce sera malhonnête, disent-ils, de laisser la compagnie. Soit ; la faute en est aux autres qui vous en donnent l’occasion ; car quand vous aurez été appelé par vos amis, et que vous serez là avec eux tant qu’il vous sera permis pour votre salut et votre honneur, vous aurez abondamment satisfait à l’amitié ; mais que sous quelque prétexte vous oubliiez les devoirs de votre profession, il n’y a point de raison d’agir ainsi, parce qu’il ne fut jamais permis que l’amitié liât si fort, que de faire l’un complice et compagnon des vices de l’autre. C’est ici plutôt que la sainte et constante hardiesse chrétienne se doit montrer, à ne point participer aux œuvres mauvaises, mais plutôt à les reprendre et les condamner, si ce n’est de paroles, pour le moins par une soudaine retraite, et par tous les témoignages qu’on ne les approuve point. Tout ce qu’ils pourront dire de ceux qui se retirent, sera qu’ils ne veulent point danser, c’est-à-dire qu’ils sont chrétiens, ennemis des vices ; qu’ils détestent le mal jusqu’aux apparences ; qu’ils renoncent au monde et à ses plaisirs, et fuient toutes les occasions qui portent au mal : si cela leur déplaît, ce n’est que ce qui nous a été promis par ces paroles de la première épître de saint Pierre (c. 4, v. 4.) Ils trouvent maintenant étrange que vous ne couriez plus avec eux, comme vous faisiez autrefois, à ces assemblées de débauche et d’intempérance, et ils prennent de là sujet de vous charger d’exécrations. Mais il est à espérer aussi que notre constance en touchera plusieurs qui, si nous participions à de telles actions, suivroient notre exemple. »

N’étant permis à personne d’aimer à regarder les danses, que doit-on donc penser des ecclésiastiques, et surtout des curés qui, lorsqu’il se fait des danses dans leurs paroisses, en sont tranquilles spectateurs dans le lieu même de l’assemblée ? Quel doute qu’ils ne se rendent d’autant plus criminels devant Dieu, que leur exemple est plus capable de faire impression, et qu’on est plus porté à s’en prévaloir pour regarder comme permis un divertissement qu’on n’est déjà que trop porté à justifier, quelque mauvais qu’il soit ? Un curé qui se rendra spectateur des danses qui se font dans sa paroisse, aura-t-il bien du zèle et de la force pour les condamner dans la chaire et au confessional ? et auroit-il bonne grâce à le faire s’il l’entreprenoit ? Cependant n’est-ce pas pour lui un devoir indispensable de s’élever souvent contre la source de tant de maux ? C’est ce que saint Charles recommandoit aux curés de son diocèse : et tout curé qui néglige de le faire, ne doit-il pas prendre pour lui ces paroles de Dieu dans la prophétie d’Ezéchiel ? (c. 33, v. 6.) Que si la sentinelle voyant venir l’épée ne sonne pas de la trompette, et que le peuple ne se tenant point sur ses gardes, l’épée vienne et leur ôte la vie, ils seront surpris dans leur iniquité ; mais néanmoins je redemanderai son sang à la sentinelle. C’est là un langage figuré dont Dieu donne lui-même l’explication sur-le-champ, en ajoutant : (v. 7) Fils de l’homme, vous êtes donc celui que j’ai établi pour servir de sentinelle à la maison d’Israël : vous écouterez les paroles de ma bouche, et vous leur annoncerez ce que je vous aurai dit. Ce qui est dit ici au prophète Ezéchiel, ne regarde-t-il pas aussi tous ceux qui ont la charge des ames ? Ils sont établis comme des sentinelles sur le troupeau qui leur est confié, pour examiner et considérer tout ce qui peut nuire aux ames dont ils sont chargés, pour les en avertir, et pour employer tous leurs soins à les en garantir. Est-ce là ce que font, par rapport aux danses, les curés qui y assistent ? Leur présence dit-elle à ceux et à celles qu’ils voient danser : Vous vous livrez à un divertissement très-dangereux et très-mauvais ? ne semble-t-elle pas au contraire leur dire : Je trouve bon et j’approuve que vous vous réjouissiez comme vous faites ? Il est vrai que les curés qui ne se font point de scrupule d’être présens aux danses de leurs paroissiens, prétendent excuser une conduite si peu pastorale et si opposée à toutes les règles, en disant que leur présence peut servir à arrêter des libertés criminelles qui s’y prendroient, et bien des péchés qui pourroient s’y commettre si leur présence ne retenoit pas ceux qui dansent. Mais en s’appuyant d’une si mauvaise raison, ces curés ne doivent-ils pas craindre que Jésus-Christ en les jugeant ne leur dise : (Luc. c. 19, v. 22.) Méchant serviteur, je vous condamne par votre propre bouche ! En effet, s’ils croient leur présence aux danses nécessaire, ou du moins utile pour empêcher des désordres qu’ils croient avoir lieu de craindre, ils conviennent donc que les danses peuvent facilement donner lieu à ces désordres ; et dès-lors, bien loin de paroître approuver les danses par leur présence, ne doivent-ils pas au contraire employer tout ce qu’ils ont de zèle et d’autorité à les empêcher, s’il est possible, dans leurs paroisses ? Qui voudroit excuser un officier de guerre, qui verroit tranquillement et sans rien dire, les soldats qu’il commande, piller les lieux par lesquels il les conduiroit, sous prétexte qu’il seroit là présent pour les empêcher d’attenter à la vie de ceux dont ils prendroient le bien ? Quand on est chargé de la conduite des autres, on ne doit pas se borner à n’empêcher que les plus grands maux ; on doit encore s’opposer, autant qu’on le peut, à tous. Je veux même que la présence des curés qui assistent aux danses, arrête certaines libertés plus grandes ; (ce qui est fort douteux, parce que de tels curés ne se font guère respecter ni craindre.) En arrêtant ainsi la main, c’est-à-dire les actions extérieures, arrêteront-ils le cœur, c’est-à-dire les mauvais désirs et les autres mauvais effets cachés, que les danses des personnes de différent sexe produisent naturellement ? Si donc un curé, qui a des lumières et du zèle, désire bien sincèrement de s’opposer aux maux sans nombre et très-grands qui naissent des danses, quel parti prendra-t-il ? Ce ne sera pas d’être présent à ces danses ; mais de parler souvent en chaire contre elles ; d’exhorter avec charité et avec douceur les personnes de la paroisse qui les aiment, à y renoncer ; d’être ferme et de ne point admettre aux sacremens ceux et celles qui refuseront de se rendre à ses avis ; de faire à Dieu de fréquentes et de ferventes prières pour obtenir de sa miséricorde qu’il ouvre le cœur de ses paroissiens à ses exhortations ; et, s’il ne peut, par tous les efforts et toute l’industrie de son zèle, arrêter un mal dont il sent toutes les funestes suites, il ne doit pas se décourager pour cela ; mais redoubler dans le secret ses gémissemens, espérant qu’ils ne seront pas entièrement sans fruit pour quelques-uns de ceux qui en auront été l’objet ; ou que s’ils ne leur servent pas, ils lui serviront à lui-même, en attirant sur lui, pour sa propre sanctification, les grâces qu’il n’aura pas obtenues pour la sanctification des autres.