Chapitre VIII.
Témoignages des Païens même contre les Danses.
Si on n’a pas honte de refuser de se rendre aux vérités révélées dans les
saintes Ecritures et dans la tradition, et enseignées unanimement par tous
les docteurs de l’Eglise, qu’on rougisse du moins de ne pas penser sur les
danses aussi sainement que l’ont fait plusieurs sages païens. Salluste, un de leurs historiens, dans son livre de
la conjuration de Catilina, (c. 15.) remarque que cet ennemi de la
république fit entrer plusieurs femmes dans sa conjuration, espérant
qu’elles engageroient leurs maris à se joindre à lui, ou que, s’ils ne le
vouloient pas, il les feroit mourir par elles. Entre ces femmes, Salluste
nomme en particulier Sempronia, qui étoit une femme distinguée par sa
naissance et par sa beauté, qui savoit très-bien
le
grec et le latin ; mais Salluste ajoute en même temps, qu’elle savoit mieux
chanter et danser qu’une honnête femme ne devoit le savoir :
Litteris græcis et latinis docta, psallere, saltare
elegantiùs quàm necesse est probæ
: aussi remarque-t-il
aussitôt après, « qu’elle étoit dominée par l’impureté ; qu’elle
alloit plus souvent chercher les hommes, que les hommes ne la
cherchoient ; et que ce qui pouvoit servir à contenter ses passions, lui
étoit plus cher que son honneur et sa pudeur »
. Ce portrait
d’une habile danseuse est-il bien favorable aux danses ?
Cicéron, le plus célèbre des orateurs et des philosophes de l’ancienne Rome,
exprime non-seulement son sentiment particulier, mais encore l’opinion
commune sur la danse, dans un plaidoyer en faveur de Lucius Lucinus Muréna,
lieutenant-général de Lucullus dans les provinces d’Asie, et depuis consul.
Un des reproches que l’on faisoit à Muréna, étoit qu’il avoit dansé en
Asie : cette accusation parut à Cicéron si grave et si forte, qu’il n’eut
garde de justifier Muréna, supposé qu’il eût dansé, comme s’il n’avoit rien
fait en cela de bien répréhensible ; mais il nia constamment le fait : ce
qu’il dit à ce sujet est tout-à-fait remarquable. « Caton, dit-il, appelle Lucius Muréna un danseur.
S’il lui fait avec vérité ce reproche, c’est une accusation bien forte
et bien grave ; mais s’il est faux, c’est un sanglant outrage fait à
Muréna. C’est
pourquoi, votre autorité étant
si grande, ô Marc Caton ! vous devez prendre garde à ne point donner
témérairement le nom de danseur à un consul du peuple romain ; mais pour
donner quelque fondement à votre accusation, vous devez auparavant
considérer et faire voir à quels vices il faut que celui contre qui vous
l’intentez ait été sujet, pour rendre croyable ce que vous lui
reprochez ; car on ne peut guère trouver quelqu’un qui danse, étant
sobre, à moins qu’il ne soit fou :
Le fondement de
cette maxime est qu’en effet les mouvemens, les gestes et les sauts des
personnes qui dansent, sont absolument contraires à ceux d’une personne qui
se possède, et semblent marquer que celles en qui on les voit, sont comme en
fureur et ne sont pas maîtresses d’elles-mêmes. C’est ce qui fait dire à
Louis Vivès, précepteur de l’empereur Charles-Quint, dans un excellent
ouvrage qu’il a fait, sur la manière de bien élever une fille
chrétienne, au titre des danses, après avoir rapporté les paroles
des deux païens que je viens de citer :
Nemo ferè saltat
sobrius, nisi insanus
. »« Je me souviens d’avoir
entendu dire que quelques personnes arrivées depuis peu en France, ayant
vu des femmes danser, en furent si effrayées, qu’elles prirent la fuite,
les croyant et les disant agitées de quelque fureur extraordinaire. En
effet, ajoute Vivès, qui est-ce qui, n’ayant jamais vu personne danser,
peut, la première fois qu’il en voit, ne pas
croire que celles qu’il voit danser sont en fureur, rien n’étant plus
contraire à l’état d’une personne sensée que celui où l’on se met en
dansant ?
Ac profectò quis non mulieres furore
correptas credat, cùm saltant ; si saltantes anteà nunquàm
spectavit ?
»
Selon Æmilius Probus, les Romains estimoient que la danse devoit être mise au
rang des choses vicieuses :
Scimus saltare etiam in vitiis poni.
Scipion
témoigne sa douleur, dans une oraison contre Tibérius Gracchus, de ce qu’il
avoit vu en sa jeunesse une école où il y avoit cinq cents personnes, tant
garçons que filles, qui apprenoient à danser.
On voit ici que la saine raison, qui étoit la seule lumière qui éclairât les Païens, privés de celle de la Foi, vient se joindre à la Religion pour condamner et interdire les danses.