Chapitre VII.
Témoignage d’un célèbre Jurisconsulte contre les Danses.
Le célèbre jurisconsulte dont je veux parler, c’est M. Louis de Héricourt, connu par son bel ouvrage des lois ecclésiastiques mises dans leur ordre naturel. (Voici comme il parle dans la chapitre 10 qui traite des fêtes, des reliques, etc. art. 8. pag. 348. Il s’agit à la vérité, dans cet article, des danses aux jours de dimanches et de fêtes, mais j’ai déjà observé, qu’outre la profanation de ces saints jours que les danses qu’on y fait entraînent après elles, elles ont, en quelques jours qu’elles se fassent, des dangers et des vices qui en sont inséparables. D’ailleurs, si les danses étoient un divertissement innocent de sa nature, tout ce qu’on devroit recommander par rapport à elles pour les jours de dimanches et de fêtes, ce seroit de n’y pas donner trop de temps en ces saints jours, et surtout de n’y pas employer le temps du service divin. Mais toutes les danses publiques sont expressément défendues ces jours-là, sans aucune restriction ; et, s’il est seulement parlé de danses publiques, c’est que les juges à qui il est ordonné d’employer leur autorité pour l’exécution des lois de l’Eglise sur ce point, ne peuvent à cet égard l’exercer que contre les délits publics.) Ecoutons donc parler M. de Héricourt.
« Les Fidèles, dit-il, doivent consacrer au Seigneur les dimanches et les fêtes, et assister au service divin : c’est pourquoi il est défendu pendant ces jours de faire des actes de justice, de tenir des foires, des marchés et des danses, etc. »
M. de Héricourt cite sur cela le troisième concile de Tolède, dont j’ai
rapporté plus haut les paroles, ensuite l’article 23 de l’ordonnance
d’Orléans de 1560, sous Charles IX, qui porte : « Défendons à tous
juges de
permettre qu’aux jours de dimanches et
de fêtes annuelles et solennelles, aucunes foires et marchés soient
tenus, ni danses publiques faites ; et leur enjoignons de punir ceux qui
y contreviendront. »
Enfin, il rapporte une déclaration de Louis XIV, du 16 décembre 1698 où il
est dit : « Ordonnons que les articles 23, 24, 25 de l’Ordonnance
d’Orléans et le 28.e de celle de Blois, portant
défenses de tenir des foires et des marchés, et des danses publiques les
dimanches et fêtes, d’ouvrir les jeux de paumes et les cabarets ; et aux
bateleurs et autres gens de cette sorte de donner aucune représentation
pendant le service divin, tant les matins que les après-dinées, soient
exécutées. Enjoignons à tous nos juges et autres ressortissans en nos
cours de parlement, de les faire lire et publier dans leurs ressorts
avec notre présente déclaration… et à eux et tous autres juges de punir
les contrevenans, par condamnation d’amendes, et autres peines plus
graves, s’il y échet, suivant l’exigence des cas. »
Voilà, comme
on voit, l’autorité spirituelle et la temporelle réunies à pourvoir à la
sanctification des dimanches et des fêtes, en défendant en ces jours-là les
danses publiques. C’est donc manquer tout à la fois à ce qu’on doit à Dieu,
et aux princes dont la puissance est une image et une émanation de la
sienne, que de permettre, et, ce qui est encore pis, d’autoriser ces danses,
et d’y aller, lorsque par la négligence de ceux
qui
ont le pouvoir de les empêcher, elles ont lieu dans une paroisse ; et
cependant Jésus-Christ nous dit expressément : (Matth. c. 22, v. 21.)
Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce
qui est à Dieu.
Réflexions.
Sur les Textes que l’on vient de citer.
Si, après toutes ces autorités des saintes Ecritures, des saints docteurs, tous ces règlemens des conciles, et toutes ces décisions des théologiens les plus éclairés, et les plus pieux qui viennent d’être rapportés, on ose encore prendre la défense des danses, et que l’on s’obstine à les croire permises, ne montre-t-on pas par là évidemment qu’on ferme volontairement les yeux pour ne pas voir clair en plein jour ; qu’on ne tient aucun compte de tout ce qu’il y a eu et de ce qu’il peut y avoir encore dans l’Eglise de gens les plus éclairés et les plus pieux, et qu’on manque de respect pour l’Eglise même que, dans les conciles, a parlé si clairement et si fortement contre les danses ? Peut-on nier qu’on ne doive obéir à toutes les lois des supérieurs qui sont justes et qui tendent à la gloire de Dieu et au bien des ames ? Les évêques assemblés dans les conciles dont nous avons parlé, n’étoient-ils pas les supérieurs légitimes des Fidèles ? Les jugemens et les règlemens qu’ils ont portés sur les danses, n’ont d’autre but que de garantir les ames du péché, et de les éloigner de ce qui nuiroit à leur salut. De quel droit prétend-on donc s’opposer à ces jugemens et à ces réglemens ? Y a-t-il même de la raison à le faire, et n’est-ce pas une conduite insensée de ne s’y pas rendre ?
Si tous les habiles médecins décidoient d’un commun accord, qu’en vivant de telles et telles manières, ou qu’en usant de telles et telles nourritures, on s’expose à un danger évident de tomber dans quelque maladie mortelle, ne seroit-on pas frappé de leur avis, et ne s’en rapporteroit-on pas à leur jugement, pour se priver de ce qu’ils auroient décidé être contraire à la santé, et pouvoir causer la mort, quelque peine d’ailleurs qu’on pût souffrir de cette privation ? Les principes, sur lesquels les docteurs de l’Eglise décident que les danses sont de leur nature dangereuses et nuisibles à l’ame, ne sont-ils pas beaucoup plus certains que ceux de la médecine ; et ne doit-on pas beaucoup moins prendre de précautions pour conserver la vie du corps, qu’il faudra nécessairement perdre un jour, qu’on n’en doit prendre pour conserver la vie spirituelle de la grâce, que nous pouvons, avec le secours de Dieu, ne perdre jamais, si nous le voulons ? C’est Dieu même qui, comme on l’a fait voir, a révélé dans ses Ecritures, et par la tradition constante des saints pères, que les danses ne peuvent que causer la perte éternelle de ceux et de celles qui les aiment, et qui ne veulent pas y renoncer. C’est donc une vérité certaine et incontestable qu’elles ne sont pas permises ; et cependant on n’y demeure pas moins attaché. Est-ce là rendre l’hommage que l’on doit à la vérité infaillible de Dieu, qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper ? N’est-ce pas manquer de foi, que de ne vouloir pas s’en rapporter à sa parole, et de ne penser qu’à se réjouir en ce monde, sans se mettre en peine de ce qu’on deviendra dans l’autre pour l’éternité ?