(1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre II. Preuves contre les Danses, tirées des Saintes Ecritures. » pp. 11-22
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(1769) Traité contre les danses [graphies originales] « Traité contre les danses. [Première partie.] — Chapitre II. Preuves contre les Danses, tirées des Saintes Ecritures. » pp. 11-22

Chapitre II.

Preuves contre les Danses, tirées des Saintes Ecritures.

Les saintes Ecritures défendent, 1.° de regarder trop attentivement et avec délibération des personnes d’un sexe différent ; 2.° de converser souvent sans nécessité et trop familièrement avec elles ; 3.° de se conduire et d’agir trop librement à leur égard : or, tout cela se trouve dans les danses plus qu’ailleurs, et d’une manière plus dangereuse ; et tout cela s’y trouve, non comme un accessoire qu’on peut en séparer, mais comme étant le fond, la base et l’ame, si on peut parler ainsi, de la danse.

Par rapport aux regards qu’on jette sur des personnes d’un sexe différent, délibérément et avec attention, le Saint-Esprit dit dans le chapitre 9 du livre de l’ecclésiastique (v. 3.). Ne regardez pas une femme volage dans ses désirs, de peur que vous ne tombiez dans ses filets. (v. 5.) N’arrêtez point vos regards sur une fille, de peur que sa beauté ne vous devienne un sujet de chute. (v. 8.) Détournez vos yeux d’une femme parée, et ne regardez point une beauté étrangère. (v. 9.) Plusieurs se sont perdus par la beauté d’une femme : car c’est par là que la concupiscence s’embrase comme un feu. Dans un autre chapitre du même livre, le Saint-Esprit dit encore : (c : 25, v. 28.) Ne faites point attention à la beauté d’une femme, et ne la considérez point parce qu’elle est agréable. (v. 33.) La femme a été le principe du péché, et c’est par elle que nous mourons tous.

Jésus-Christ nous a marqué non-seulement le danger, mais le mal qu’il y a dans les regards qu’on fait volontairement et avec attention sur les personnes d’un sexe différent, lorsqu’il a dit : (Matth. c. 5, v. 28.) Quiconque regarde une femme avec un mauvais désir pour elle, a déjà commis l’adultère dans son cœur. Selon cette parole de la vérité même, combien y a-t-il de gens dont la vie n’est qu’un adultère continuel !

C’est parce que le saint homme Job craignoit le danger et le mal qu’il y a dans les regards, qu’il disoit : (c. 3.1, v. 1.) J’ai fait un pacte avec mes yeux ; car pourquoi aurois-je considéré une vierge ? Est-il bien facile de garder dans les danses un pareil pacte, que tout bon chrétien est obligé de faire comme Job ? Si on l’avoit fait comme lui, bien loin de courir aux danses, ne les fuiroit-on pas comme une des occasions les plus dangereuses et les plus ordinaires de pécher ? Que dis-je, n’est-il pas au contraire de l’essence de la danse de fixer ses regards sur la personne ? N’est-ce pas la première leçon que des maîtres corrupteurs donnent et inculquent à leurs malheureux élèves ? et cela seul ne porte-t-il pas sur le front sa condamnation ?

A l’égard des conversations trop fréquentes et sans les précautions nécessaires avec des personnes d’un sexe différent, surtout avec celles qui sont volages, qui aiment à rire et à se divertir, et dont les discours ne sont propres qu’à amollir le cœur, le Saint-Esprit dit dans le même livre de l’Ecclésiastique et dans le même chapitre 9 (v. 4.) : Ne vous trouvez pas avec une femme qui danse, et ne l’écoutez pas, de peur que vous ne périssiez par la force de ses charmes. (v. 11.) Plusieurs ayant été surpris par la beauté d’une femme étrangère, ont été rejetés de Dieu ; car l’entretien de ces femmes brûle comme un feu.

Dans le chapitre 42 du même livre, le Saint-Esprit nous donne encore cet avis : (vv. 12 et 13.) Ne demeurez point au milieu des femmes ; car comme le ver s’engendre dans les vêtemens, ainsi l’iniquité de l’homme vient de la femme  ; c’est-à-dire comme le ver se forme dans les vêtemens, sans qu’on s’en aperçoive, que, lorsqu’il n’est plus temps d’y remédier, ainsi le mal spirituel qui naît des conversations trop fréquentes et trop familières avec les personnes d’un autre sexe, est un mal qui ne s’aperçoit pas d’abord, parce qu’il a gagné insensiblement le cœur, passant des yeux dans les pensées et les désirs, et trop souvent des désirs dans les actions.

Pour mieux faire sentir cette vérité, le Saint-Esprit ajoute (v. 14.) : Un homme qui vous fait du mal, vaut mieux qu’une femme qui vous fait du bien, et qui devient un sujet de confusion et de honte. Quel peut être le sens de cette sentence si extraordinaire ? Elle signifie que la méchanceté d’un homme qui nous afflige est moins à craindre que les manières douces et agréables d’une femme, même vertueuse et bienfaisante. Pourquoi ? Parce que le mal que fait un méchant homme, peut servir à exercer la patience, et être par là une occasion d’acquérir des mérites ; au lieu qu’une femme qui gagne et attire par ses bonnes manières et par ses bienfaits, peut devenir un sujet de chute.

Le Saint-Esprit, parlant en particulier dans la livre des proverbes, des personnes de l’autre sexe dont la fréquentation et les entretiens sont plus dangereux, parce qu’elles sont plus portées et plus propres à séduire ceux qui ont l’imprudence de s’arrêter avec elles, dit de ces sortes de personnes : (Prov. c. 5, vv. 3 à 8.) Les lèvres de la prostituée sont comme le rayon d’où coule le miel, et son gosier est plus doux que l’huile ; mais la fin en est amère comme l’absinthe, et perçante comme l’épée à deux tranchans : ses pieds descendent dans la mort, ses pas s’enfoncent jusqu’aux enfers ; ils ne vont point par le sentier de la vie ; ses démarches sont vagabondes et impénétrables : maintenant donc, mon fils, écoutez-moi, et ne vous détournez point des paroles de ma bouche : éloignez d’elle votre voie, et n’approchez point de la porte de sa maison. Combien trouve-t-on dans les assemblées de danses de jeunes personnes, qui à la vérité, ne sont pas des prostituées comme celles dont Salomon parle en cet endroit, mais qui du moins sont très-volages, et dont on peut dire que par là leurs lèvres, jusqu’à un certain point, sont comme le rayon du miel , par ce qu’il y a d’agréable et de séduisant dans leurs discours efféminés ! Si on peut dire avec le Saint-Esprit, que les pas de ces sortes de personnes s’enfoncent jusqu’aux enfers , (en ce sens que, n’y tombant pas tout d’un coup, du moins ils y descendent comme insensiblement et par degrés,) combien doit-on craindre, en s’attachant à elles, de descendre avec elles dans les enfers où leurs pas les conduisent !

Enfin, l’écrivain sacré défend les manières trop familières et trop libres d’agir avec des personnes d’un sexe différent. Ces sortes de familiarités passent souvent dans le monde pour des choses indifférentes et sans danger ; cependant le Saint-Esprit nous dit que se les permettre, c’est cacher le feu dans son sein, et prétendre en même temps qu’on ne sera pas brûlé. C’est dans le chapitre 6.° du livre des Proverbes, que le Saint-Esprit parle ainsi (vv. 27, 28 et 29.)

C’est encore pour nous avertir de fuir les manières trop libres d’agir avec des personnes d’un autre-sexe, qu’il est dit dans le livre de l’ecclésiastique : (c. 9, vv. 12 et 13.) Ne vous asseyez jamais avec la femme d’un autre ; ne soyez point à table avec elle, appuyé sur le coude : ne disputez point avec elle en buvant du vin, de peur que votre cœur ne se tourne vers elle, et que votre affection ne vous fasse tomber dans la perdition.

Il est aisé de comprendre que les précautions et la retenue que le Saint-Esprit recommande aux hommes dans tous les endroits qui viennent d’être rapportés, à l’égard des femmes, sont également nécessaires aux femmes par rapport aux hommes, et leur sont par conséquent également recommandées par le Saint-Esprit.

Que tous craignent donc les écueils, qui n’ont que trop souvent fait faire à la chasteté de funestes naufrages. Dieu a permis que plusieurs justes s’y soient brisés, afin que la chute des forts fasse trembler les foibles ; et que tous apprennent que le plus sûr moyen d’éviter les plus grands désordres, est d’en fuir les occasions, et même les moindres apparences. Nous ne sommes pas plus saints que David, plus sages que Salomon, plus forts que Samson ; et on sait combien les occasions où ces grands personnages se sont trouvés, leur ont été funestes. La vue de Bethsabée, femme d’Urie, fit tomber David dans l’adultère. (Liv. 2 des Rois, c. 11.) La trop grande complaisance de Samson pour Dalila lui fit perdre ses forces, et le fit tomber entre les mains de ses ennemis. (Liv. des juges, c. 16.) Enfin, on voit dans l’histoire des Rois, (L. 3, c. 11.) que les femmes étrangères que Salomon aima passionnément, corrompirent à un tel point le cœur de ce roi, auparavant si sage, qu’elles lui firent suivre des dieux étrangers. Qui ne doit pas trembler à la vue de ces exemples effrayans ! Ne pas craindre ce qui peut conduire au mal, c’est donner trop sujet de penser qu’on y est déjà engagé. Aussi Jésus-Christ dit-il : (Matth. c. 5, vv. 29 et 30.) Que si notre œil droit ou notre main droite sont pour nous une occasion de péché, nous devons les arracher et les jeter loin de nous. Il est évident que par l’œil et la main qui seroient une occasion de péché, J. C. a voulu marquer quelque chose qui nous seroit aussi cher et aussi nécessaire que l’œil et la main droite. Il veut alors qu’on arrache cet œil, qu’on coupe cette main, ce qui ne pourroit se faire sans une très-grande douleur ; pour marquer que quoi qu’il en puisse coûter pour se séparer des occasions de péché, il faut s’y résoudre et le faire. Il ajoute qu’il faut jeter loin de soi cet œil et cette main qu’on a arrachés, parce qu’ils étoient une occasion de péché, pour nous apprendre que nous ne saurions mettre une trop grande distance entre nous et ce qui peut nous exposer au danger d’offenser Dieu, le péché étant le plus grand de tous les maux. Les plus grandes précautions sont particulièrement nécessaires à la conservation de la chasteté ; la modestie la plus exacte dans les regards, les paroles et les manières, en est le plus fort rempart. Ces deux vertus se soutiennent mutuellement : et quiconque en néglige une, ne peut garder l’autre. L’auteur du traité contre les spectacles, dit : « Que fait au spectacle un chrétien fidèle, à qui il n’est pas permis de penser volontairement aux vices, ces pensées lui en faisant perdre la retenue, et le rendant plus hardi à se porter aux crimes ? » Je dis de même : Que fait au milieu des danses un chrétien fidèle qui ne doit rien éviter avec tant de soin que le péché, ni rien tant craindre que la perte ou l’affoiblissement de la chasteté ? Quid inter hæc christianus fidelis, facit, cui vitia non licet nec cogitare, ut in ipsis depositâ verecundiâ audacior fiat ad crimina ? Cet ancien auteur ajoute : « L’ame de l’homme tendant naturellement au vice, et y tombant facilement d’elle-même, que fera-t-elle, si elle y est poussée par tous ce qui l’environne, qu’elle voit et qu’elle entend ? » Cùvimens hominis ad vitia ipsa ducætur, quæ spontè corruit : quid faciet si fuerit impulsa ? « Il faut donc, conclut-il, détourner notre esprit et notre cœur de toutes ces choses qui ne peuvent que porter au mal : Avocandus est animus ab istis. »

Les saintes Ecritures nous fournissent une seconde preuve contre les danses dans ces paroles du prophète Isaïe : (c. 3, vv. 16 et 17.) Parce que les filles de Sion se sont redressées, qu’elles ont marché la tête haute, qu’elles ont fait des signes des yeux, qu’elles se sont donné des airs de mollesse dans leurs démarches étudiées et contraintes, le Seigneur rendra sale et chauve la tête des filles de Sion ; et il les réduira à la nudité la plus honteuse. Ce qui est reproché aux filles de Sion, ne se trouve-t-il pas dans les danses qui se font parmi nous ? N’y voit-on pas les filles chrétiennes affecter de s’y redresser comme faisoient autrefois les filles de Sion contre lesquelles le prophète s’élève ? N’y font-elles pas des signes des yeux, qui sont pour elles et pour ceux à qui elles les font comme des messagers d’impureté ? Ne s’y donnent-elles pas dans les mouvemens étudiés et contraints qui font proprement les danses, des airs de mollesse qui ne montrent que trop le dérèglement intérieur de l’ame ? Saint Basile, expliquant cet endroit, dans son commentaire sur Isaïe, (tom. 1, pag. 464.) dit qu’une fille, telle que le saint prophète la représente, jette par ses regards et ses gestes peu modestes et trop libres, dans le cœur de ceux qui la voient, un poison mortel : Aspectu ipso exitiosum quoddam virus jaculatur. Après quoi le saint docteur ajoute : Ah ! plût-à-Dieu qu’on ne pût pas faire encore aujourd’hui aux filles chrétiennes le reproche que le prophète Isaïe faisoit autrefois aux filles juives ! Atque utinam Ecclesie quoque filiabus hoc idem exprobrari non posset !

Une troisième preuve contre les danses, tirée des saintes Ecritures, c’est que Jésus-Christ et ses Apôtres nous y donnent, par rapport à l’importante et difficile affaire de notre salut, plusieurs avis qu’il est impossible de suivre dans les danses, et contre lesquels même elles vont directement.

En saint Matthieu, Jésus Christ nous dit : (c. 26, v. 41.) Veillez et priez, afin que vous ne tombiez point dans la tentation  ; et dans saint Luc. (c. 21, v. 36.) C’est en tout temps que Jésus-Christ dit qu’il faut prier et veiller.

L’apôtre saint Pierre nous donne le même avis en ces termes : (1. ép. c. 5, v. 8.) Soyez sur vos gardes, et veillez : car le démon tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qu’il pourra dévorer. Manqueroit-on assez de bonne foi pour ne pas reconnoître que le temps et la circonstance des danses, sont un temps et une des circonstances où le démon est plus occupé à tourner autour des ames pour les perdre, et où il lui est plus facile de les dévorer, c’est-à-dire de s’en rendre le maître, en les faisant tomber dans le péché ? C’est donc aussi là un temps et une circonstance où la prière et la vigilance, qui nous sont tant recommandées en tout temps, sont plus nécessaires. Mais qui est-ce qui oseroit dire que le temps où l’on danse est propre à remplir ce double devoir ? L’extrême dissipation qui est inséparable des danses, n’en rend-elle pas incapable ? Y pense-t-on même le moins du monde à s’en acquitter ?

Saint Paul recommande aux chrétiens, (ép. aux Rom. c. 6, v. 13.) de ne point abandonner les membres de leurs corps au péché pour lui servir d’armés d’iniquités . N’est-ce pas aller directement contre ce précepte, que d’employer à la danse des pieds que Dieu ne nous a donnés que pour marcher décemment et avec modestie, et pour aller où le devoir et nos besoins nous appellent ? Ne pourroit-on pas même dire que Dieu est comme foulé aux pieds des personnes qui dansent ; parce qu’elles mettent, en quelque sorte, sous leurs pieds sa loi, en la violant en beaucoup de manières, et donnant à d’autres occasion de la violer ?

Le même saint Apôtre exhorte les Ephésiens, et nous en leur personne, à ne donner point de lieu et d’entrée au diable . (c. 4, v. 27.) Et dans ces danses n’ouvrez-vous pas au démon toutes les portes de ses sens, et en particulier vos yeux et vos oreilles, comme pour l’inviter à entrer dans votre ame sans la moindre résistance ?

Voici un autre avis de saint Paul dans son épître aux Colossiens. (c. 3, vv. 5 et 6.) Faites mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous, la fornication, l’impureté, les abominations, les mauvais désirs ; puisque ce sont ces excès qui font tomber la colère de Dieu sur les hommes rebelles à la vérité. Bien loin que dans les danses on fasse mourir les membres de l’homme terrestre, qui sont les passions et les vices, tout au contraire, n’y contribue-t-on pas à leur donner plus de vie et d’activité ? Qu’on s’examine bien au sortir des assemblées de danses, et qu’on soit sincère ; pourra-t-on s’empêcher de reconnoître que les passions sont plus animées, que les tentations sont plus fréquentes et plus violentes, et qu’on a moins de force pour leur résister ? J’en prends à témoins les personnes qui ont autrefois le plus aimé ce pernicieux divertissement, mais que la grâce a touchées ; ne reconnoissent-elles pas, en gémissant, qu’elles y ont commis, et en même temps vu commettre à d’autres beaucoup de fautes ? Et ne sont-elles pas d’autant plus croyables sur ce point, que parlant contre elles-mêmes, elles ne le font que par un amour de la vérité, qui ne peut être suspect, et qui leur fait désirer de réparer, par l’humble aveu qu’elles font de leurs anciennes fautes, le mauvais exemple qu’elles ont donné ?