(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — L’épouse persanne. Ballet héroï-pantomime. » pp. 197-206
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(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — L’épouse persanne. Ballet héroï-pantomime. » pp. 197-206

L’épouse persanne.
Ballet héroï-pantomime.

Personnages.

Le Sophi de Perse.

Zélis, Sultane favorite.

Zulmire, epouse du Sophi.

Usbeck, frère de Zulmire.

Fatnie, autre Sultane.

Première partie.

La décoration représente les jardins du Sérail du Sophi de Perse ; la droite de la scène offre une terrasse ornée de balustrades et ombragée par de riches étoffes ; derrière cette terrasse s’élève une partie des vastes bâtimens du Sérail, des bosquets couronnés d’arbres sont plantés vers la gauche ; du même côté et à l’extrémité du théâtre, on découvre un grand escalier ; le fond offre un massif d’arbres en forme circulaire, au milieu des quels est placé un bassin orné de jets et de nappes d’eau.

Une partie des femmes du Sérail sont grouppées sur la terrasse ; d’autres sont assises à l’entour du bassin ; celles-cy font de la musique, tandis que celles-là prennent l’amusement de la pêche. Plusieurs Sultanes assises sous les berceaux s’occupent à différens ouvrages : la Sultane favorite, placée sur un riche sopha, forme le grouppe principal de ce tableau ; elle est entourée de plusieurs Sultanes qui lui présentent les fleurs dont elle compose un bouquet pour le Sophi ; l’assortiment et le mélange ingénieux des couleurs doivent lui peindre ses sentimens, des esclaves sont dispersés sur l’escalier dans différentes attitudes ; cette scène tranquille et contrastée de tableaux reçoit un nouveau mouvement par l’arrivée des Eunuques et des Bostangis. Les uns présentent aux Sultanes des rafraîchissemens et des parfums ; les autres, des Fleurs et des fruits.

Zélis, Sultane favorite demande un miroir ; on le lui présente ; elle s’y regarde avec complaisance ; sourit à ses attraits, essaye ses mouvemens et ses gestes : ceux-ci deviennent plus expressifs, et ceux-là plus voluptueux, cette glace fidelle, en reproduisant ses charmes, semble lui en prêter encore de nouveaux.

A l’aspect d’un miroir, la broderie, la pêche, la lecture et la promenade sont sacrifiées ; les Sultanes accourent ; mais Zélis jeune et belle, parconséquent capricieuse et jalouse, ordonne qu’on emporte la glace, elle propose des danses ; elle fait un geste ; soudain une musique tendre et mélodieuse se fait entendre derrière les bosquets. Les sultanes déploient à l’envi leurs grâces, leur élégance et leur agilité.

Un bruit d’instrumens militaires interrompt ces jeux et annonce l’arrivée du Sophi. Il est devancé et suivi par un cortège nombreux ; il paroît ; on tombe à ses pieds ; les esclaves se retirent : il reste seul au milieu de ses femmes.

Zélis vole dans ses bras, lui présente un bosquet ; l’Empereur le reçoit, et en le parcourant des yeux, il y découvre les sentimens les plus tendres. Toutes les Sultanes s’empressent autour de lui et expriment le désir qu’elles ont de lui plaire. Le Sophi paroît moins occupé des tableaux voluptueux qu’on lui présente que du secret qu’il va révéler. Zélis, qui lit dans le cœur de son amant, exprime de tendres inquiétudes ; elle le presse de lui confier le sujet de son agitation. Ce Prince balance, et dans l’instant où il va dévoiler le mystère, qui percera le cœur de Zélis, le chef des Eunuques paroît et lui annonce l’arrivée de la nouvelle épouse ; Zélis tombe mourante aux genoux du Sophi : les autres Sultanes expriment les divers mouvemens dont elles sont agitées. Le Sophi relève Zélis et fait de vains efforts pour la consoler. Ce Prince voulant s’arracher à une situation qui déchire son ame se retire en recommandant Zélis aux soins de ses compagnes. Il leur ordonne de se placer sur la terrasse, pour donner plus de pompe à l’entrée de celle qui va partager son trône.

Une marche triomphale composée des troupes et des grands Officiers de la Couronne, des Eunuques, des Bostangis, des Muets, des Nains, précède la nouvelle épouse : elle est dans une espèce de chaise à porteurs de la plus grande richesse. Son frère la suit ; il est porté sur un palanquin ; l’Empereur est entouré de sa cour. Zulmire, (c’est le nom de la nouvelle épouse), se présente voilée ; il la conjure d’oter ce voile qui lui dérobe tant d’attraits. Zulmire obéit en tremblant ; le voile tombe ; les roses de la modestie et de l’innocence ajoutent encore à la beauté. Le Sophi frappé de tant d’éclat recule de surprise et d’admiration. Ce mouvement fait croire à Zulmire que ses attraits n’ont pas fait l’impression qu’elle espéroit ; elle court vers son frère en se couvrant le visage de ses mains. L’Empereur transporté d’amour, vole à ses genoux ; Zulmire se tourne tendrement vers lui et se précipite dans ses bras. L’instant où le voile de Zulmire est enlevé, est marqué par l’action variée des femmes du Sérail, on voit la douleur impérieuse des unes ; l’affliction muette, mais plus douloureuse des autres ; la consolation maligne de celles qui n’espèrent plus rien et l’ambition irritée de celles qui espèrent encore.

Le Sophi au comble du bonheur ordonne aux femmes de son Sérail de rendre hommage à Zulmire ; elles obéissent ; elles approchent par grouppes, et exécutent cet ordre cruel avec plus ou moins de respect. L’infortunée Zélis se refuse aux volontés de son maître, elle est, pour ainsi dire, entraînée à cet hommage forcé par le chef des Eunuques ; elle s’avance suivie des principales Sultanes ; et au moment où elle va s’humilier, elle lève les yeux sur sa rivale, chancelle et tombe évanouie. Zulmire, vivement touchée de sa situation, oublie son rang pour la secourir. Le frère de Zulmire frappé de la beauté de Zélis, lui prodigue les plus tendres soins ; elle ouvre enfin les yeux, mais rencontrant ceux de sa rivale et se trouvant entre ses bras elle s’en échappe avec horreur, et fuit en exprimant son désespoir.

Le Sophi touché de la sensibilité de Zulmire l’en aime davantage ; et, pour faire diversion à cette scène affligeante, il ordonne des jeux ; on se livre à des danses : Zulmire y déploie toutes les grâces de son âge et toutes celles de la beauté, dans un pas de trois dialogué entre elle, le Sophi et son frère. Les deux amans expriment leur commun bonheur ; et Usbeck le partage. Cette fête variée termine la première partie de ce spectacle.

Seconde partie.

La décoration représente un cabinet du Sophi.

Il vient y attendre Zélis. Elle lui a demandé un entretien particulier qu’il n’a pu lui refuser. Il peint l’inquiétude : son cœur naturellement sensible et qui ne s’est détaché que par des raisons d’etat, ne peut voir sans intérêt le désespoir d’une femme qu’il à tendrement aimée. Zélis, accompagnée de Fatnie, Sultane impérieuse et méchante, se présente à l’Empereur ; ce Prince ordonne a Fatnie de se retirer ; Zélis seule emploie tous les moyens possibles pour rappeler son amant à ses premières chaînes ; mais ne pouvant le vaincre, elle lui présente un poignard et son sein. Le Sophi vivement émû promet à Zélis ses soins, ses égards et son amitié. Cette amante éperdue se retire en exprimant son désespoir ; le Sophi la suit pour la calmer.

Fatnie, qui avoit épié malignement cette scène, se livre à tous les projets de sa vengeance ; elle veut que Zélis en soit le fatal instrument. Celle-ci arrive ; Fatnie profite du trouble qui l’agite ; elle lui donne les conseils les plus horribles ; lui présente un poignard, et lui fait entendre que le même coup doit frapper l’inconstant et sa rivale. A cette proposition Zélis recule épouvantée ; c’est en vain que Fatnie lui montre la nécessité de se venger ; Zélis naturellement tendre n’écoute que sa douleur : mais Fatnie lui montre dans l’éloignement le Sophi baisant la main de Zulmire, elle devient furieuse, arrache le poignard des mains de Fatnie, et lui promet en se retirant avec elle de se livrer aux excès de la plus cruelle vengeance.

Le Sophi entre avec Zulmire, leur action offre le tableau du bonheur. Ils touchent l’un et l’autre au moment qui va les unir ; après un pas plein d’action, ils s’asseyent sur un sopha. Un esclave présente à Zulmire une corbeille de fleurs. Elle en mélange les couleurs d’après les sentimens de son cœur. Pendant cette scène la cruelle Fatnie paroît vers le fond avec Zélis : elle cherche à raffermir son bras mal assuré, elle la pousse, pour ainsi dire, vers le crime ; Zélis approche, lève une main tremblante ; le Sophi se retourne ; le fer lui échappe ; elle tombe aux pieds de son amant et de sa rivale ; les inonde des larmes du repentir, déclare sa complice, relève le poignard pour s’en percer le sein : Zulmire la désarme : le Sophi irrité appelle ; on accourt, on enchaîne Fatnie. L’Empereur ordonne son supplice. La tendre Zulmire se précipite à ses pieds. Elle veut que le jour de son bonheur soit marqué par celui de sa clémence. Zélis frappée de tant de vertus presse contre son sein cette femme généreuse. Zulmire la relève et l’embrasse et lui promet ; la plus tendre amitié. On avertit l’Empereur que tout est prêt pour la cérémonie ; il présente la main à Zulmire ; Usbeck offre la sienne à Zélis, ils partent accompagnées du plus brillant cortège pour se rendre à la Mosquée.

Troisièle et dernière partie.

La décoration représente la Mosquée du Sophi, ornée de galeries et de tribunes : un superbe trône s’élève dans le fond de ce vaste édifice ; des candélabres chargés de girandoles et des lustres d’une forme singulière décorent ce monument. Des cassolettes sur des trépieds exhalent des parfums.

Sur une marche guerrière les troupes formant la garde du Sophi paroissent, et, après plusieurs évolutions elles font l’exercice suivant le costume Persan ; ensuite viennent les grands Officiers de l’Empire, les Eunuques, les Bostangis ; après eux les Ambassadeurs et leur suite : les femmes du Sérail précedent l’Em-pereur. La jeune Reine, Usbeck, Zélis et les Dervis l’accompagnent ; la garde impériale ferme cette marche pompeuse ; chaque quadrille se place successivement et par rang dans les différentes parties de ce grand éditice ; le Sophi monte sur son trône ; Zulmire est à ses pieds ; Usbeck et Zélis sont placés plus bas ; les grands Officiers de l’Empire entourent le Sophi ; les troupes forment une double haie.

Des esclaves déploient et placent à terre les tapis nécessaires à cette cérémonie. Le silence succède au bruit éclatant de la musique : le Sophi pose la main sur le livre de la loi ; les assistants tombent à genoux ; il met ensuite le diadême sur la tête de Zulmire ; il la montre au peuple comme l’épouse qu’il a adoptée et que son cœur a choisie ; il la place sur son trône : dans ce moment on se prosterne la face contre terre : le bruit de l’artillerie, celui des instrumens militaires, tout annonce un instant précieux aux vœux du Souverain et à la satisfaction de ses sujets ; on se relève ; on exprime l’allégresse et la joye ; la danse en étant le symbole, on s’y livre avec transport ; chacun exprime la gaieté suivant le costume de ces climats. Après cette fête variée à la quelle le Sophi ne dédaigne point de s’associer, et que Zélis et Usbeck embellissent encore, l’Empereur remonte sur son trône. Tous ceux qui ont assisté à cette auguste cérémonie l’entourent et forment un groupe général qui termine le spectacle.

FIN.