(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre neuvième. Le maître » pp. 96-103
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(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre neuvième. Le maître » pp. 96-103

Chapitre neuvième.
Le maître

[1] Il faut qu’un danseur, élevé à la meilleure école, parvienne au premier rang par son exécution. Celui qui de l’art de la danse ne possède que la théorie, ne sera jamais un parfait démonstrateur70. Il faut avoir été premier danseur pour être un bon maître ; tout autre sans cela n’enseignera que par routine, machinalement, et n’aura jamais rien de certain dans ses leçons et dans la manière de les démontrer. Il ne donnera point les vrais moyens d’exécuter, et par conséquent de réussir et de se distinguer dans l’art qu’il enseigne. Un élève qui sortira des mains d’un tel maître, manquera d’abord de perfection, il ne possédera pas l’esprit de son art, sa danse sera froide, sans expression, sans âme et sans grâce. Il n’offrira qu’un tableau manquant de correction dans le dessin, d’un très faible coloris, et qui n’aura ni dégradations ni clair-obscur. Si donc ces qualités essentielles à la peinture, comme à la danse, n’existent pas, l’ouvrage ne pourra jamais intéresser ni plaire71.

[2] Le maître qui a exercé son art, et à qui une longue expérience donne des moyens plus étendus, ayant à former un danseur, examinera premièrement si la construction physique du jeune élève est disposée pour l’exercice de la danse72, et si en grandissant il pourra faire pompe d’une taille élégante, de formes bien faites et gracieuses ; car sans ces dons naturels et sans des dispositions qui puissent promettre de rapides progrès, l’écolier n’acquerra jamais ni un grand talent, ni une haute réputation.

                « … se adeguata
Non avrà la figura, non imprenda
Un’ arte sì gentile e delicata 73. » [traduction]

Riccoboni b.

[3] À peine le maître aura-t-il dégrossi l’élève par les premiers exercices, qu’il devra lui apprendre la leçon 74 et le perfectionner par les temps d’école, par les principaux pas de la danse, et alors lui indiquer et lui faire adopter le genre de danse qui est convenable à ses dispositions, à sa construction physique et à son sexe.

[4] L’homme doit avoir une manière de danser qui diffère de celle de la femme ; les temps de vigueur, de force et l’exécution hardie, majestueuse du premier, ne siéraient point à la seconde, qui ne doit plaire et briller, que par des mouvements gracieux et souples, par de jolis pas terre-à-terre, et par une décente volupté dans ses attitudes75.

[5] Ceux qui possèdent une belle taille seront destinés, par le maître, au genre sérieux, à la danse noble. Celui ou celle qui n’offrira qu’une stature moyenne avec des formes élancées et délicates, sera livré au genre demi-caractère ou mixte. Tous ceux d’une taille plus que médiocre et d’une construction forte et ramassée, s’adonneront au genre comique et aux pas caractéristiques. Le maître doit terminer ses instructions et ses leçons, en donnant à l’élève l’esprit, le sentiment, le charme de son art, pour en faire un artiste accompli76. Il faut qu’il lui démontre bien sa différence qu’il y a d’un genre de danse à l’autre, qu’il en fixe bien précisément l’exécution et qu’enfin il apprenne à l’écolier quelles sont les diverses manières de danser qu’exigeront l’habit et les costumes dont il devra se revêtir selon l’occurrence77.