VIII
sarah bernhardt. — le rêve et la réalité
J’avais à peu près seize ans. Je jouais alors les ingénues ; sur les scènes de province, lorsque parut à l’horizon théâtral l’annonce que la plus grande tragédienne des temps modernes, Sarah Bernhardt ; la plus célèbre des actrices françaises ; allait venir en Amérique. Quel événement ! Nous l’attendions avec la curiosité la plus fébrile, car la divine Sarah n’était pas un être comme nous autres ; c’était un esprit doué de génie.
Ce qui faisait battre mon cœur et me faisait verser des larmes abondantes, c’est que j’étais sûre dé ne jamais arriver à la voir, cette merveilleuse fée de la scène ! Je savais d’avance qu’il n’y aurait pas de place pour quelque chose d’aussi insignifiant que moi. Les journaux lui consacraient des colonnes entières et je lisais tout ce qui la concernait. Les journaux disaient que les places étaient louées entièrement et pour des semaines et des semaines et que pas une centième partie de ceux qui désiraient la voir ne pourraient réaliser ce désir. Le bureau de location était assiégé par les spéculateurs. Hélas ! tout cela signifiait qu’il ne restait guère d’espoir pour moi. Je ne sais si Sarah était déjà venue en Amérique, car j’avais toujours été en tournée dans les Etats de l’Ouest avec de petites troupes nomades. Pour moi c’était donc sa première, sa toute première visite. Enfin le fameux jour arriva. Un transatlantique emportant de nombreuses députations et un orchestre alla à sa rencontre. Combien tout cela m’impressionnait ! J’y voyais un juste hommage rendu au génie. Elle était venue. Elle était là ! Ah ! si je pouvais seulement la voir, ne fût-ce que de loin, même de très loin. Mais où et comment ? Je ne le savais pas et continuai à lire les jounaux, me grisant des articles qui parlaient d’elle. C’était de la magie, de l’irréel, un conte de fées.
Enfin, elle donna sa première représentation. Le public, les journalistes semblaient devenir fous, complètement fous.
Les acteurs et actrices de New-York lui adressèrent une pétition, la priant de donner une matinée pour qu’ils pussent l’applaudir et étudier son grand art.
Miracle ! Elle accepta, elle promit ! Ma résolution fut vite prise.
Toutes fraîches débarquées à New-York, ma mère et moi étions des étrangères dans la grande ville. Mais j’avais heureusement beaucoup de courage sans le savoir. Lorsque j’appris que Sarah allait jouer pour les artistes, je dis à ma mère :
— Maintenant, je vais la voir.
— Il y a tant d’artistes célèbres à New-York, répondit ma mère, comment veux-tu qu’il y ait de la place pour toi ?
Je n’avais pas pensé à cela ; aussi me levai-je en disant :
— Alors, il faut que je me dépêche.
— Comment t’y prendras-tu ? demanda ma mère.
Je m’arrêtai un moment pour réfléchir.
— Je ne sais pas, répliquai-je, mais d’une façon ou d’une autre il faut que je la voie. Je vais aller chez le directeur de son théâtre.
— Mais il ne voudra pas te recevoir.
Je n’avais pas pensé à cela non plus, mais je ne m’attendais pas à un échec. De plus, dans l’Ouest, on ne m’avait jamais traitée de la sorte. Je ne savais pas encore, il est vrai, que les gens là-bas étaient plus simples et plus primitifs que ceux de New-York. L’objection ne me parut pas formidable, et je me mis en roule avec ma mère qui m’accompagnait toujours et m’obéissait en toutes choses, sans que j’eusse le moins du monde l’idée que ce n’était pas moi qui obéissais.
Donc nous voilà parties, et, après une demi-heure de marche, nous arrivons au théâtre. Le directeur n’était pas encore là. Nous nous assîmes pour l’attendre. Beaucoup de gens entrèrent, quelques-uns séjournèrent, d’autres s’en furent. Tous étaient agités, pressés et avaient l’air anxieux. Que demandaient-ils ? Allaient-ils emporter tous les billets ? Et la foule augmentait, augmentait au point que je vis s’éloigner, puis disparaître dans le lointain mes pauvres billets, sur lesquels je comptais tant :
Ce directeur ne viendrait-il jamais ?
Ah ! enfin, un grand bruit qui se rapproche… Un groupe de messieurs passe en coup de vent, et sans s’occuper de qui que ce soit, s’engouffre dans le cadre d’une porte sur laquelle on lit : « Défense d’entrer. » Personne de nous ne sait plus que faire.
Tout le monde se dévisageait. La plupart de ceux qui faisaient antichambre étaient des hommes. Mes nerfs à bout ne me permirent pas d’attendre davantage, et je dis à l’oreille de ma mère :
— Je vais aller frapper à la porte.
Elle devint toute pâle, mais je n’avais plus le choix et c’était le seul moyen d’en finir, même si cela devait briser mon cœur qui battait si fort que je le crus sur le point d’éclater.
La tête me tournait, je n’y voyais plus… Je m’approchai de la porte et frappai un coup timide.
J’eus la sensation d’avoir commis un crime tellement ce petit coup résonna brutalement dans mes oreilles. Un « entrez » qui me sembla lugubre répondit et j’ouvris la porte.
Machinalement j’avançai, me trouvai au milieu d’un groupe sans savoir auquel de ces messieurs m’adresser. Au comble de l’embarras, je restai debout au milieu de la pièce tandis que tout le monde me regardait. Alors je réunis tout mon courage et je débitai, d’un seul trait, tout à la ronde :
— Messieurs, je voudrais bien voir le directeur de ce théâtre, s’il vous plaît ?
Quand je m’arrêtai de parler, mes dents se mirent à claquer si fort que j’en eus la langue toute coupée.
Un monsieur, qui me sembla plus important que les autres, s’avança et me dit :
— Que désirez-vous de lui, petite fille ?
Mon Dieu, me faudrait-il à nouveau parler devant tous ces gens ? Et, à ma stupéfaction, j’entendis, comme si c’était celle d’une autre, ma voix qui disait d’un ton ferme :
— Voilà, monsieur. Je suis une artiste, et je voudrais venir, avec ma mère, à la matinée que Sarah Bernhardt donne pour nous.
— Qui êtes-vous, et où jouez-vous ?
Ici le ton perdit de son assurance, quand la voix reprit :
— Vous ne devez pas connaître mon nom, monsieur… On ne le connaît pas ici… C’est Loïe Fuller… Je viens de l’Ouest… pour tâcher de trouver un engagement… Je ne joue nulle part pour l’instant,… mais je pense que cela… n’a pas d’importance… et que peut-être vous me laisserez tout de même… la voir si… je vous le demande.
— Où est votre mère ?
— Là, dehors.
Et je désignai la porte.
— Cette dame pâle, à la figure si douce ?
— Oui, monsieur… Elle est pâle,… parce qu’elle a peur !
— Et vous, avez-vous peur aussi ?
La voix ferme reparut :
— Non, monsieur.
Il me regarda, un sourire erra sur ses lèvres, un peu ironique, et il dit :
— Alors vous croyez que vous êtes une artiste ?
Sa remarque me blessa jusqu’au fond de l’âme, mais je sentis que je devais tout supporter. J’éprouvai seulement une grande envie de pleurer.
Mon assurance s’en ressentit.
— Je n’ai jamais pensé cela, répondis-je. Mais je voudrais devenir une artiste… un jour… si je le pouvais.
— Et c’est pour cela que vous désirez voir jouer la grande tragédienne française ?
— Oui,… je suppose… mais je n’ai pensé qu’à mon… immense désir de la voir… et c’est pour cela… que je suis venue ici.
— Eh bien ! je vais vous donner des places pour vous et pour votre mère.
— Oh ! merci, monsieur.
Le directeur tira une carte de sa poche, y traça quelques mots et me la tendit. C’était un laissez-passer pour voir jouer Sarah Bernhardt !…
Je regardai la carte, je regardai le directeur. Il souriait. Je souris. Il tendit la main, je tendis les deux miennes. Tandis qu’il tenait mes mains, il me dit :
— Vous avez ma carte, venez me voir ; peut-être pourrai-je vous trouver un engagement, petite fille !
Ce fut encore une nouvelle joie, une joie pas vaine, car la promesse de cet homme devait se réaliser.
— Merci, merci beaucoup, monsieur.
Je m’en allai, aveuglée par les larmes de bonheur que je ne pouvais plus retenir, et, rejoignant ma mère, je sortis du théâtre.
— Qu’y a-t-il, chère Loïe ? Qu’ont-ils dit, pour faire pleurer ainsi mon enfant ? Qu’y a-t-il ?
— Maman…, maman…, j’ai un billet… pour La voir !…
— Ah ! je suis bien contente mon enfant !
— Et j’ai une place pour vous aussi.
Le grand jour survint. Nous étions placées, ma mère et moi, au milieu des fauteuils d’orchestre Autour de nous il n’y avait que des artistes américains. Dans les loges, il y avait les directeurs de tous les théâtres de New-York et leurs femmes. La salle était bondée. Les trois coups annoncèrent le lever du rideau. Le silence se fit et la pièce commença. Je ne comprenais pas un mot et personne autour, de moi, je crois, ne comprenait davantage. Mais tout le monde attendait le grand moment. Elle apparut, il y eut un silence, un silence presque pénible dans cette grande salle archipleine. Chacun retenait sa respiration. Elle s’avança légère, paraissant à peine effleurer le sol, puis s’arrêta au milieu de la scène et regarda le public, ce public d’acteurs.
Soudain le délire éclata, une folie passa dans l’air, et pendant une demi-heure ce fut elle — empêchée de jouer par les clameurs de la salle — qui sembla le public. Elle regardait, — tour à tour intéressée, passionnée, émue, — cette foule frémissante qui jouait, magnifique et sincère, un rôle d’indescriptible enthousiasme.
Pourtant le calme et le silence se rétablirent. Sarah Bernhardt s’avança et se mit à réciter son rôle. Je croyais voir son âme, sa vie, sa grandeur, elle m’absorbait dans sa personnalité.
Je ne vis pas les décors, je n’entendis pas la pièce : je ne vis, je n’entendis qu’Elle.
Il y eut des applaudissements frénétiques, des rappels et des rappels après chaque acte, puis le rideau tomba sur la scène finale que suivit un grand tumulte de bravos et de cris.
Maintenant le public sortait lentement, comme au regret de quitter l’atmosphère de la scène.
Tandis que je m’en allais, une voix d’or — la voix d’or — se mit à résonner, disant des mots que je ne pouvais pas comprendre. « Je t’aime ! je t’aime ! » C’était aussi comme du cristal qui tintait dans mes oreilles.
Qui aurait pu penser alors que la pauvre petite fille de l’Ouest viendrait un jour à Paris, y monterait sur une scène, elle aussi, devant un public frémissant d’enthousiasme et que Sarah Bernhardt se trouverait dans la salle à son tour pour applaudir cette petite fille de l’Ouest, comme la petite fille de l’Ouest venait de l’applaudir aujourd’hui ?…
Je dansais aux Folies-Bergère. A une matinée, on vint me dire que Sarah Bernhardt était dans une loge avec sa petite fille. Rêvais-je ? Mon idole était là. Et pour moi ! Etait-ce possible ?
J’entrai en scène, et regardai le public qui emplissait la salle du haut en bas. Dans ma grande robe blanche, immobile, j’attendais la fin des applaudissements.
Je dansai, et malgré qu’elle ne dût pas le savoir, je dansai pour elle. J’oubliai tout le reste. Je revécus le fameux jour de New-York et la revis, elle, à la matinée merveilleuse. Et maintenant c’était une matinée où elle était venue pour me voir, spécialement pour me voir, elle ; mon idole !
J’avais fini.
Elle s’était levée dans sa loge ; se penchait vers moi pour m’applaudir et m’applaudir encore. Le rideau s’était relevé plusieurs fois. Mon cerveau bouillonnait. Etait-ce vrai ? Etait-ce moi ? Etait-ce Elle ?
Je devenais, à mon tour, le public et, comme je ne voyais qu’elle ; « son public ». Et voilà qu’elle jouait, à ma profonde, à ma délicieuse émotion, le rôle de toute la salle résumé dans son applaudissement désiré.
Un jour, un ami me mena chez Sarah Bernhardt : Cela se réalisait, mais me paraissait tout de même un rêve. Je ne pouvais ni parler, ni presque respirer, à peine pouvais-je prendre sur moi de la régarder.
J’étais en présence de mon idole…
Plus tard elle m’invita à déjeuner chez elle, parce que je l’avais priée de se laisser photographier par un des meilleurs photographes de San-Francisco, qui avait accompli le voyage tout exprès pour faire le portrait de Sarah Bernhardt, chez elle dans son merveilleux atelier. Elle avait consenti. Je lui avais amené mon compatriote et, très gracieusement, elle avait posé pour lui. Il était si heureux de la bonne aubaine, si reconnaissant, le brave homme !
Sarah m’avait demandé de venir déjeuner chez elle, le jour où il lui montrerait les épreuves.
A midi exactement, je fis mon entrée. Bientôt après, elle apparut dans le grand atelier, me prit dans ses bras, et appuya un baiser sur chacune de mes joues : Tout cela fut si simple, si naturel… et si extraordinaire.
Nous déjeunions, Sarah au bout de la table, le dos tourné à la fenêtre, assise dans une superbe stalle ; pareille à quelque trône écussonné, dont le dossier dépassait de beaucoup sa tête nimbée d’or. Sarah était mon idole une fois de plus. J’étais placée à sa droite. Il y avait encore d’autres invités, dont j’ai oublié les noms, tant ma pensée était pleine d’elle seule. Sa voix sonnait dans mes oreilles. Je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle disait, mais chaque syllabe me faisait vibrer. Tout à coup ; on annonça le photographe : Sarah le laissa entrer. C’était un petit vieux, d’environ 60 ans, avec de jolis cheveux blancs tout bouclés. Il avait l’air si content. Il s’approcha de Sarah et mit dans ses mains tendues un paquet d’épreuves qu’il venait de tirer. Elle les regarda lentement l’une après l’autre… puis sa voix ; sa voix d’or éclata dans les notes aiguës et me désespéra. Ce qu’elle disait, je ne le savais toujours pas. Mais je vis qu’elle déchirait les photographies en mille morceaux et les jetait aux pieds de mon compatriote. Lui non plus ne comprenait pas le français. Pâle, décomposé, il me demanda de traduire ce que disait Sarah. Mais elle ne me laissa pas le temps de répondre. Elle criait, cette fois en anglais : « Horrible ! horrible ! »
— Que dit-elle ? demanda-t-il en faisant autour de son oreille un cornet de sa main.
Bonheur ! Il était sourd ! Je lui fis signe de se pencher vers moi pour que je pusse lui parler à l’oreille.
— Elle dit que ces portraits ne sont pas dignes de votre œuvre. Elle a vu vos merveilleuses photographies. Il faut que vous reveniez pour recommencer la pose.
— Ah ! elle dit cela ! répliqua-t-il avec un joyeux sourire sur les lèvres. Elle a raison. Mes photographies ne sont pas bonnes. Mais le jour en est cause. Il ne faisait pas assez clair, et ce sont des photographies d’intérieur. Il faudra essayer plusieurs fois, pour tâcher de réussir. Voulez-vous convenir d’un autre rendez-vous ?
Je promis, mais sans espérance et parce que, par charité, il fallait bien promettre.
Il serra la main de mon idole, la mienne, et prit congé.
Sarah devait ce jour-là me procurer une heureuse surprise. Elle consentit, quand je le lui demandai, à poser de nouveau, et je regrettai que le petit vieux ne fût plus là pour voir combien elle était désolée de la peine qu’elle lui avait faite. Elle était « désolée », et cela me fit l’aimer davantage.
Sa flamme, trop vive, trop ardente, avait provoqué un ruineux incendie tout à l’heure.
Et voici que cette même flamme, à présent, se faisait douce, bonne et réchauffante…
Un jour, à Londres, j’allai à un banquet de 1,500 couverts donné en l’honneur de Sarah Bernhardt. J’attendais parmi ceux qui la connaissaient personnellement et qui devaient être placés à sa table, au milieu du grand hall. Elle arriva avec presque une heure de retard ; elle dit combien elle était fâchée de nous avoir fait attendre… et que c’était la faute de son cocher.
A l’issue du banquet, le président fit un long speech. Sarah prononça, en retour, quelques mots harmonieux en anglais. De loin je regardais mon idole. Je l’entendais dire, dans ma langue maternelle, qu’elle était heureuse, et je l’aimais toujours.
Un jour, à Paris, tout dernièrement, on m’annonça la visite de l’administrateur du théâtre Sarah Bernhardt. Je le reçus, tout en me demandant pourquoi l’administrateur de mon idole venait me voir. Il m’expliqua que Mme Sarah Bernhardt désirait savoir si je ne pouvais pas lui donner certaines indications au sujet de l’éclairage de sa nouvelle pièce, La Belle au Bois dormant. J’étais malade, au lit, mais je m’étais levée pour le recevoir. Je lui promis que j’irais voir Sarah le lendemain. La commission avait été mal rapportée, et elle avait compris que je viendrais le jour même. Lorsqu’elle comprit qu’elle ne pouvait compter sur moi que pour le lendemain, elle déclara que j’étais tombée malade bien subitement.
La chose me blessa au vif, car j’aimais toujours Sarah. Le lendemain j’allai chez elle et elle vit combien j’étais souffrante, car je ne pouvais proférer un son. Elle me prit dans ses bras, et m’appela son trésor. Cela suffit. Tout ce que j’avais était à elle, et j’aurais tout fait, tout donné, pour lui rendre service. Et j’assistai à une répétition pour me rendre compte de ce qu’il lui faudrait comme éclairage.
A son tour elle vint à mon théâtre après la représentation, pour voir quelques éclairages que j’avais installés spécialement pour sa pièce et dans le seul but de lui être agréable. Elle avait amené quelques personnes. Pour elle, je fis bon accueil à tous. Parmi eux, il y avait son électricien. Chaque fois que je prenais la peine de montrer quelque chose à Sarah, on entendait l’électricien dire :
— Mais je peux faire ça… C’est facile à copier… Oh ! je peux faire ça aussi… Tout cela n’est rien…
Comme toujours pendant mes séances, les spectateurs étaient dans l’obscurité, et une de mes amies, qui s’était placée auprès de Sarah pour entendre ce qu’elle disait d’admiratif, fut pétrifiée par ce qu’elle entendit. En s’en allant Sarah me remercia comme elle remerciait la foule, en m’inondant de belles paroles.
Le lendemain matin l’entreprenant directeur du théâtre où je dansais, annonça, dans tous les journaux, — et cela sans m’avoir consultée, — que Sarah Bernhardt était venue voir les éclairages de Loïe Fuller pour la nouvelle pièce de MM. Richepin et Cain, la Belle au Bois dormant.
J’envoyai quelqu’un auprès de Sarah pour lui demander lequel de mes éclairages elle désirait.
Et voici ce qu’elle répondit :
— Mes électriciens se mettraient en grève s’ils pensaient que je pusse leur adjoindre quelqu’un. Tout ce dont j’ai besoin, ils disent qu’ils peuvent le faire. Ce n’est du reste qu’un rideau de gaze, et une lampe qui tourne. Mille choses affectueuses à Loïe.
Mais n’est-ce pas moi seule qu’il faut rendre responsable de ma désillusion ?
Je m’étais imaginé je ne sais quoi, parce que Sarah Bernhardt est une artiste de génie.
Mais elle est aussi une femme, et il m’a fallu vingt ans pour l’apprendre.
Elle est une femme, je ne saurais plus, maintenant, l’oublier, mais elle reste mon idole, quand même.