6 janvier. Quelques danses sur des airs populaires espagnols.
Mlle Lolita Osorio est revenue à la Comédie des Champs-Élysées pour y danser sur des airs espagnols populaires. Je sors de son spectacle et déjà les particularités de ses diverses danses se confondent un peu dans ma mémoire. Mais le charme intense et délicat de toute sa juvénile personne subsiste et domine ce qu’il pourrait y avoir d’incertitude dans son exécution. Mlle Osorio a le corps des derniers torses de jeunes filles que Rodin exposa. Ses bras maigriots, mais ronds, aux coudes de fillette encore un peu pointus, ondulent, jouent, s’alanguissent, agissent ; c’est là son vrai instrument, car les jambes ne font que suivre ; le rythme de ses talons est tâtonnant et pauvre ; il n’a rien de la musicalité ni de la virtuosité d’une Argentina. Par contre certains déhanchements, certains portements du corps ont déjà l’allure magnifique des grandes Espagnoles. Une danse orientale nous fit admirer, malgré la discrétion des voiles, un nu d’une élégance parfaite ; ventre de la forme la plus pure, dos admirable qui se creuse aux reins et juste assez de gorge « pour remplir les deux mains d’un honnête homme »
comme il se disait au xviiie
siècle. Une candeur et une décence parfaite dans tout cela. Ce qui déconcerte un peu, ce sont les œillades de commande et les sourires forcés qui se plaquent sur son joli minois d’adolescente brune ; ce fard de cabotinage dépare son naturel charmant.
Les « vendredis de danse » ont pris ce pli dangereux de nous offrir, pour nous désennuyer pendant que la danseuse change de costume, le tour du chant. Nous aurions préféré rester à attendre tranquillement devant le rideau baissé que de subir ces auditions blafardes où l’on gâche de la belle musique.