Chapitre XVI.
Du Cérémonial que l’on observe au grand Bal du Roy.
J’ay cru ne pouvoir donner une description plus capable d’inspirer de l’attention pour les cérémonies, & les regles des Bals particuliers, que de faire d’abord une petite relation du grand Bal du Roy ; comme étant celui qui occupe le premier rang, & auquel on doit se conformer pour les autres Bals particuliers ; tant par l’ordre qui s’y garde, que par le respect & la politesse que l’on y observe.
Il faut sçavoir d’abord, qu’il n’y a personne admis dans le Cercle, que les Princes & Princesses du Sang, ensuite les Ducs & Pairs, & les Duchesses : & après les autres Seigneurs & Dames de la Cour, chacun selon le rang qu’ils doivent occuper ; mais les Dames sont assises sur le devant, & les Seigneurs aussi assis derriere les Dames : quoique je les aye réprésenté debout ; mais c’est afin de donner moins de confusion à mes groupes de Figures, & les rendre plus distinctes.
Ainsi chacun étant placé dans le même ordre, lorsque Sa Majesté souhaite de commencer, elle se leve, & toute la Cour en fait de même.
Le Roy se place à l’endroit de l’appartement où l’on doit commencer de danser, (qui est du côté de l’Orchestre.) Du tems du feu Roy, c’étoit la Reine avec qui Sa Majesté figuroit, au deffaut, c’étoit la premiere Princesse du Sang que Sa Majesté prenoit, & se plaçoient les premiers, & chacun se venoit placer derriere leurs Majestez à la file, chacun selon leur rang. Sçavoir, Monseigneur & Madame la Dauphine, Monsieur & Madame ; ainsi des autres Princes & Seigneurs ; tous les Seigneurs sont d’un côté à la gauche, & les Dames à la droite : & dans ce même ordre on se fait la reverence l’un devant l’autre, ensuite Sa Majesté & sa Dame mene le branle, qui étoit la danse par où les Bals de la Cour se commençoient, tous les Seigneurs & Dames suivent leurs Majestez, chacun de leur côté, & à la fin du couplet, le Roy & la Reine se mettoient à la queuë, & celui & celle qui étoient derriere leurs Majestez menent le branle à leur tour ; ensuite se vont placer derriere le Roy & la Reine, & successivement des autres de deux en deux, jusqu’à ce que leurs Majestez soient revenus les premiers : après quoy ils dansent la Gavotte, qui se danse dans le même ordre du branle, qui est de se remettre à la queuë jusqu’à ce qu’ils soient revenus devant, & les branles finis on se fait de pareilles reverences en se quittant, que celles que l’on a fait avant de danser.
Ensuite ce sont les danses à deux, autrefois c’étoit la courante qui se dansoit aprés les branles, & même Louis Quatorze d’heureuse mémoire la dansoit mieux que personne de sa Cour, ce que je dirai dans la suite ; mais à présent c’est le menuet qui se danse après les branles.
C’est pourquoi après que le Roy a dansé le premier menuet, il va se placer, & tout le monde pour lors s’asseoit, d’autant que lorsque Sa Majesté danse tout le monde est debout ; après quoy le Prince qui doit danser lorsque Sa Majesté est placée, il lui fait une très-profonde reverence, ensuite il vient à l’endroit où est la Reine, ou premiere Princesse, & font ensemble les reverences que l’on fait avant de danser, & de suite ils dansent le menuet, & aprés le menuet on fait de pareilles reverences que celles que l’on a fait devant. Ensuite ce Seigneur fait une reverence très-profonde à cette Princesse en la quittant, parce que l’on ne va-pas reconduire chez le Roy.
Du même instant-il fait deux ou trois pas en avant, pour adresser une autre reverence à la Princesse ou Dame qui doit danser à son tour, afin de la convier de venir danser, & là il l’attend, afin de faire tous les deux une reverence très-profonde au Roy, de même qu’il est réprésenté par ces deux Figures 1. 2. ensuite ils descendent un peu plus bas, comme ces deux autres Figures 3. 4. le réprésentent, & font ensemble les reverences que l’on fait ordinairement avant de danser, & dansent le menuet, ils font à la fin du menuet les reverences que l’on fait ordinairement ; ensuite il fait une reverence en arriere en quittant la Dame, & se va mettre à sa place ; mais la Dame observe le même cérémonial pour convier un autre Prince, ce qui se pratique successivement jusqu’à la fin. Mais si Sa Majesté souhaite que l’on danse quelqu’autre danse, c’est un des premiers Gentilhommes de la Chambre qui le dit, ce qui n’empêche pas que l’on n’observe toujours les pareilles reverences.