Chapitre XI.
Des Révérences de differentes façons.
Ayant prévenu le Lecteur dans l’article précedent par la maniere d’ôter son chapeau, il me reste maintenant de lui parler de chaque reverence en particulier pour lui en faire connoître la difference, en lui montrant la maniere de les faire à propos, suivant les differentes occasions où il se trouve tous les jours.
Je commencerai par celle en avant : le corps droit, glissez le pied devant vous, soit le droit ou le gauche, (mais je dis le pied droit pour m’assujettir à mes Figures démonstratives qui en parlent,) pour le passer à la proportion ordinaire qui est la quatriéme Position, telle qu’elle est representée par ces deux Figures qui expriment dans leurs attitudes la droiture du corps, desquelles le pied est passé devant, afin de vous faire remarquer que le corps ne se doit incliner ou plier qu’après que vous aurez commencé de passer le pied, parce que le corps suit la jambe▶, & qu’elle se doit faire de suite, ce qui se voit par les deux autres Figures qui sont pliées.
Je dis donc que vous devez passer le pied doucement devant vous, en laissant le corps posé sur le pied de derriere, duquel son genouil est obligé de se plier par le poids du corps : au lieu que la ◀jambe▶ qui est devant doit être fort étenduë : mais l’inclination du corps se fait de suite plus ou moins profonde selon la qualité des personnes que vous saluez, & la tête même s’incline, ce qui est encore une des parties essentielles de la reverence, en vous pliant la ceinture, n’étendez pas le genouil de la ◀jambe qui reste derriere, parce que cela feroit lever la hanche, & de plus vous feroit paroître le corps de travers, au lieu qu’étant comme je vous le démontre, toutes les parties se soutiennent par leur opposé : mais lorsque vous vous redressez, que ce soit avec la même douceur que vous vous êtes plié : & en vous redressant, laissez poser le corps sur le pied de devant, ce qui donne la liberté à celui de derriere d’agir, soit pour aller en avant, ou se porter à côté pour faire une seconde reverence qui se fait ordinairement en arriere, ce que j’expliquerai dans la maniere de faire les reverences en entrant dans un appartement.
Quant à la reverence en passant, elle se fait comme celle en avant, excepté qu’il faut effacer le corps en passant devant les personnes que vous saluez. Effacer signifie que vous vous tournez à demi du côté qu’elles sont, mais en glissant devant soi le pied qui se trouve de leur côté, soit à droit, soit à gauche : en se pliant de la ceinture & s’inclinant la tête du même tems, ainsi que j’ai tâché de l’exprimer dans cette Figure.
Elle saluë du côté gauche, ainsi c’est le pied gauche qui s’est glissé devant ; ce qui s’observe de même du côté droit : mais comme cette reverence se pratique en differens lieux, elle mérite que je fasse ressentir les endroits où on la doit faire avec plus d’attention. Par exemple, lorsque vous passez dans une ruëil ne la faut faire que très-légerement, c’est à proprement parler, une reverence en marchant.
Mais pour celles qui se font dans les promenades, comme aux Thuilleries ou autres semblables où est ordinairement l’assemblée que nous disons du beau monde, il ne faut pas les faire avec la même legereté, elles doivent être faites plus modérément, elles ont beaucoup plus de grace.
On doit aussi faire attention que lorsque l’on se promene, on tient ordinairement le chapeau dessous le bras ; si quelqu’un d’un rang au-dessus de vous vous salue, c’est de prendre votre chapeau de la main droite, & de faire de suite votre reverence très-profonde pour marquer plus de respect.
Autre remarque très-necessaire, c’est que lorsque vous pliez le corps, de ne pas incliner si fort la tête que l’on ne puisse vous envisager, faute d’autant plus grossiere que vous jettez la personne dans le doute de sçavoir si c’est elle que vous saluez, de même qu’avant de commencer votre reverence de regarder modestement la personne, ce que l’on appelle adresser sa reverence avant de la faire, je suis très-persuadé que lorsque l’on fera attention à ces remarques que je viens de faire on ne fasse ces reverences avec toute la grace qu’elles méritent d’être faites. Mais comme rien n’est plus capable de nous apprendre que de repeter souvent ce que nous voulons sçavoir ; c’est à cette occasion que j’exhorte sur tout cette illustre Jeunesse qui demeure dans les Academies & les Colleges de s’appliquer à bien faire ces reverences, plus exposée qu’elle est que par-tout ailleurs par les frequentes rencontres qu’elle fait, & qu’elle ne peut éviter en allant & venant, soit de leurs Maîtres ou de leurs Regents, qu’elle elle obligée indispensablement de saluer ou de leur rendre le salut. Je l’exhorte, dis-je, de s’y appliquer pour qu’elle en acquiert l’habitude, si bien qu’elle ne se trouve pas décontenancée, comme il lui arrive très-souvent dans les compagnies extraordinaires dans lesquelles elle se trouve rarement.