(1887) Ces Demoiselles de l’Opéra « V. Pastels après décès. » pp. 54-87
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(1887) Ces Demoiselles de l’Opéra « V. Pastels après décès. » pp. 54-87

V
Pastels après décès.

Essaim d’ombres. — Mesdemoiselles Lafontaine, Subligny, Desmatins. — L’ancienne laveuse de vaisselle. — La leçon de mademoiselle Le Rochois. — Recette contre l’embonpoint. — Mesdemoiselles Florence et Prevost. — La Camargo. — Caleçon et précaution. — Le festin de Gruer. — Un bal décolleté. — Ingénieuse idée de Roger de Beauvoir. — Madrigal de Voltaire. — Mademoiselle Sallé. — Réformes dans le costume. — Mesdemoiselles Rolland, Poulette, Mariette, Lyonnais, Heinel, Leduc, Allard, Grandi, Audinot, Cléophile. — La Guimard. — Ses dépenses. — Sa table. — Son théâtre. — Son hôtel. — Ses dettes. — Mesdemoiselles Peslin, Beaupré, Renard et Miller.

Il s’agit, — maintenant, — de descendre au foyer…

Le foyer de la danse !…

Joseph Prudhomme n’hésite pas à affirmer que « c’est le temple de la Volupté. »

Bon Joseph !…

Nous y entrerons tout à l’heure.

Mais, par les escaliers et par les corridors, voici que tout un essaim d’ombres charmantes tourbillonne et froufroute autour de nous…

Lumineuses et impalpables, elles émergent de la nuit du passé, et s’en viennent, en planant à travers les années, des lieux que l’Opéra a habités depuis deux siècles, — du Jeu de Paume de la Bouteille, rue Mazarine, et du Jeu de Paume du Bel-Air, rue de Vaugirard, des deux salles du Palais-Royal et de l’hôtel de la rue Saint-Nicaise, des Tuileries et de la Porte-Saint-Martin, de la Montansier et de la place Louvois…

Et, toutes, elles sollicitent l’aumône d’une plumée d’encre et d’un coup de chapeau, — d’un sourire et d’un souvenir !

Ne leur refusons point cet hommage posthume et passons une rapide revue de ces belles et folles créatures du bon vieux temps, — délirantes sangsues qui pompaient l’or des grands seigneurs et des traitants, l’éparpillaient en pluie de fantaisies ruineuses, et finissaient, le plus souvent, par mourir à l’hôpital, dans le voisinage des gazetiers et des rimeurs auxquels elles avaient fait largesse de pistoles et de baisers !

***

Voici la première danseuse qui ait paru sur la scène de l’Opéra, où, avant elle, quelques dames, — madame la Dauphine, la princesse de Conti, mademoiselle de Nantes, — avaient seules figuré dans les ballets de la cour :

Mademoiselle Lafontaine

dont le début, le 16 mai 1621 dans le Triomphe de l’Amour, fut plus qu’un événement, — une révolution presque.

Les ballerines dont le public s’était contenté jusqu’alors appartenaient, en effet, au « sexe fort, » et le masque, les vêtements féminins, les formes arrondies par l’art et le coton, dont s’affublait ce singulier corps de ballet, ne provoquaient qu’un enthousiasme essentiellement modéré.

Mademoiselle Lafontaine, — la première des premières danseuses, — l’unique en ce moment, — reçut le titre de Reine de la danse, qu’elle daigna partager, du reste, avec mademoiselle Lepeintre, mademoiselle Fernon, mademoiselle Roland, première du nom, et

Mademoiselle Subligny

toutes quatre ses contemporaines, — ou à peu près, — mais dont la dernière seule a eu l’honneur de voir son portrait prendre place parmi les vingt médaillons ovales qui décorent le foyer actuel de la danse à l’Opéra.

Mademoiselle Desmatins

qui finit chanteuse, avait eu de bruyants succès comme ballerine, et c’est en cette qualité que sa réputation avait commencé.

Ancienne laveuse de vaisselle à l’auberge du Plat-d’étain, au carré Saint-Martin, mademoiselle Desmatins était physiquement la créature la plus accomplie qui se pût voir ; mais son inintelligence égalait sa beauté.

Un jour que mademoiselle Le Rochois lui faisait travailler, dans le rôle de Médée, la scène du troisième acte où l’amante abandonnée adresse ses adieux à Jason qu’elle adore :

— Pénétrez-vous bien de la situation, dit le professeur à l’élève ; si vous étiez délaissée par un homme que vous aimeriez avec passion, que feriez-vous ?

— Je chercherais un autre amant, répondit mademoiselle Desmatins.

— En ce cas, nous perdons toutes deux notre temps, répliqua mademoiselle Le Rochois.

Et la leçon en resta là.

Voici, du reste, un spécimen de l’orthographe de cette artiste pris dans un billet qu’elle envoyait à l’un de ses galants :

« Notre anfan ai maure ; vien de boneure ; le mien ai de te voire. »

Mademoiselle Desmatins se trouvait si belle dans ses habits de reine ou de magicienne, qu’elle les gardait souvent après le spectacle. Elle tenait sa cour chez elle comme au théâtre ; ses domestiques la servaient à genoux. C’était du reste une gastronome intrépide ; elle s’aperçut un peu tard des résultats d’une chère succulente et délicate ; sa taille s’arrondit outre mesure ; ses formes élégantes s’effacèrent sous un embonpoint alarmant.

Croyant y parer, elle se mit à boire du vinaigre, ce qui ne servit qu’à lui ruiner la poitrine et la voix. Une autre fois elle se fit ouvrir le ventre et enlever neuf livres de graisse ; mais six semaines après elle mourut des suites de cette opération (1715).

Mademoiselle Florence

fut, — comme mademoiselle d’Uzée, comme mademoiselle Émilie Dupré, comme mademoiselle Quinault-Dufresne, — une des maîtresses avouées du Régent.

Un archevêque naquit de ces relations intimes.

L’abbé de Saint-Albin, fils de Philippe d’Orléans et de mademoiselle Florence, — et inscrit sous le nom de Cauche, valet de chambre du prince, — occupa le siège de Cambrai.

Mademoiselle Prevost

est la première danseuse qui ait exécuté un ballet pantomime avec Balon, comme elle artiste à l’Opéra.

La scène choisie fut la dernière d’Horace, de Corneille, mise en musique par Mouret.

La représentation eut lieu sur le théâtre de Sceaux, à la demande et sous les yeux de la duchesse du Maine.

L’effet produit fut immense : les acteurs sur le théâtre, les illustres spectateurs dans la salle, tout le monde pleurait.

Mademoiselle Prevost quitta l’Opéra en 1730.

Mlle Marie-Anne Cupis De Camargo

débuta, le 5 mai 1726, dans les Caractères de la Danse.

Selon quelques-uns de ses historiographes, elle appartenait à une famille noble, originaire d’Espagne.

Son père, prétend au contraire la Biographie des artistes belges, était un ancien maître de danse flamand appelé Just Cupis, dit Camargot et non Camargo : il avait été condamné, pour vol d’argenterie, chez le marquis d’Asch à Bruxelles, à un emprisonnement de six mois et au bannissement perpétuel.

Sa fille, selon les uns, avait reçu des leçons de mademoiselle Prévost.

Selon les autres, cette dernière, — alors dans tout l’éclat de sa réputation et de son pouvoir, — abusa de celui-ci pour faire reléguer la débutante parmi les comparses de la figuration.

La jeune Marie-Anne ne se tint pas pour vaincue, et, un soir qu’un danseur manquait son entrée, elle s’élança sur la scène et improvisa un pas qui porta à son comble l’enthousiasme de la salle.

Mademoiselle Prévost était éclipsée.

***

Mademoiselle de Camargo est la première qui se soit mêlée de danser avec les jambes, — les autres, jusqu’alors, n’ayant guère dansé qu’avec la tête et les bras.

« Les jetés battus, la royale, l’entrechat coupé sans frottement, tous ces temps si difficiles, lit-on dans les Lettres sur les arts imitateurs, elle les enlevait avec une facilité merveilleuse. Elle excellait aussi dans les gavotes, les rigodons, les lours et les tambourins. Les gargouillades lui semblant peu décentes, elle les remplaçait par des sauts basques d’avant en arrière extrêmement gracieux. C’est elle qui, avant toutes, — en 1750, — battit des entrechats à quatre.

Mais son triomphe était un certain pas de menuet qu’elle exécutait sur le bord des rampes d’un côté à l’autre du théâtre. Chaque soir, le public attendait ce passage avec la plus vive impatience. Beaucoup de gens venaient à l’Opéra uniquement pour applaudir ce tour de force et se retiraient aussitôt qu’ils y avaient assisté. »

Ajoutons qu’en dépit de « sa verve capriolante, de ses jetés, de ses flic-flac et de sa grande élévation, » cette jeune personne dansait avec « une décence extrême. » Elle avait « une manière si adroite de prendre ses pas sous elle que jamais on ne put apercevoir sa jambe au-dessus du genou. »

De là, préoccupation extrême. La cour et la ville se renvoyaient cette question :

— Camargo porte-t-elle, — oui ou non, — un caleçon ?

D’aucuns tirèrent l’épée pour ou contre…

Des paris considérables s’établirent…

Pendant des mois, on épia un mouvement révélateur…

A la fin, les parieurs députèrent chez la ballerine trois des leurs, chargés de lui demander la vérité à cet endroit…

Quand ceux-ci se furent expliqués, Marie-Anne devint pourpre et baissa les yeux…

Puis, dessinant une cérémonieuse révérence « pour s’efforcer de cacher son pudique embarras, » elle répondit d’une voix émue :

— Hé ! messieurs, vous imaginez-vous qu’une fille honnête et de qualité ose se produire sur la scène sans cette précaution ?

Le soir, cette repartie était connue de tout Paris ; on célébrait sur tous les tons la sage retenue de la noble demoiselle, et ce que nos rats d’aujourd’hui appellent tutu ou cousu recevait de la mode le nom bien autrement aimable et bien autrement symbolique de précaution.

Est-ce donc le caleçon de mademoiselle de Camargo qui a donné à Beaumarchais l’idée de la Précaution inutile ?

***

Moins d’une année après cette singulière ambassade et cette solennelle déclaration, — le 15 juin 1731, — il y avait fête galante à l’hôtel de l’Académie. Le directeur Gruer traitait. Ce Gruer était un amphitryon d’Epicure : il raffolait des jolies femmes et des beaux esprits, des vins vieux et des mets exquis, de toutes les musiques et de tous les parfums. Lorsqu’on festoyait chez Gruer, mademoiselle de Charolais avait accoutumé de dire :

« Sardanapale dîne chez Lucullus. »

Ce soir-là, autour de la table étincelante de fleurs, de cristaux, de porcelaines et d’orfévreries, se groupaient, entre autres impures, mesdemoiselles Pélissier Petitpas, Duval du Tillet et Marie-Anne Cupis de Camargo.

Les invitées de Gruer — l’histoire nous a conservé ce détail — étaient coiffées selon la dernière mode — en pouf à l’égarement du cœur et de l’esprit, et mademoiselle de Camargo en racine droite, avec sept pointes à l’espagnole.

On venait de servir le dessert. La conversation se montrait non moins épicée que la cuisine. Le champagne pavoisait les coupes de mousse et les fronts de folie. Un orchestre invisible préludait dans un salon voisin…

— Si nous dansions ? s’écria la Pélissier.

— Danser !…

— Pourquoi pas ?… Chaque soir, nous nous fatiguons pour plaire à ces messieurs et gagner notre vie. Quand nous danserions pour nous amuser, une pauvre petite fois, par hasard !…

— Y songez-vous ? Avec une chaleur pareille !…

Gruer sourit :

— Il y aurait un moyen, fit-il.

— Lequel ?

— Le plus frais des costumes est de n’en pas avoir.

Les ballerines se cabrèrent avec indignation…

— Très bien, poursuivit le directeur tranquillement, mettons que je n’ai pas parlé. Et, pourtant, les dryades et les hamadryades n’affichaient point de semblables scrupules avec les faunes et les sylvains. Il est vrai qu’étant d’origine supérieure et extra-terrestre, ces nymphes n’avaient pas à redouter qu’on relevât une imperfection dans leur corps ainsi dénudé…

Les pensionnaires de Gruer bondirent…

Leurs atours — arrachés — volèrent de ci de là…

En un instant, elles n’eurent plus pour tout vêtement que leur pouf à l’égarement de l’esprit et du cœur…

Quant à la Camargo, il ne lui restait guère que sa racine droite et ses sept pointes à l’espagnole…

Nous voilà bien loin de la précaution d’une fille honnête et de qualité !

Gruer était un personnage bizarre et magnifique :

— Ouvrez les fenêtres ! commanda-t-il à ses laquais. Il faut que le bon peuple de Paris ait sa part de notre régal.

On obéit…

Les fenêtres furent ouvertes…

Il était deux heures de l’après-midi…

Les voisins, les passants, plusieurs milliers de personnes participèrent — des yeux — à cette sauterie sans… apparat.

Le lendemain, à son petit-lever, on entretint le roi de cette espièglerie. Le jeune Louis XV en rit à gorge déployée. Mais il fallait une satisfaction à la morale publique…

Gruer perdit son privilège…

Mademoiselle de Camargo n’avait plus rien à perdre.

Un peu plus d’un siècle plus tard, le docteur Véron arrêtait, en compagnie de Malitourne et de Roger de Beauvoir, le programme d’un souper de carnaval qu’il se proposait d’offrir à ses intimes dans les salons de la direction.

— Au dessert, disait-il, nous aurons le corps de ballet en maillot.

— Pourquoi en maillot ? demanda Roger. Souvenez-vous de votre prédécesseur Gruer. Vous lui ressemblez beaucoup. Osez-lui ressembler davantage.

— Cher ami, vous n’y pensez pas ! La décence… ma position… le scandale…

— Bon, nous sommes en janvier, la chose se passera de nuit, les fenêtres seront fermées, l’on renverra les domestiques…

— Vous oubliez l’orchestre…

— C’est juste. Mais l’orchestre n’y verra rien. Je m’en charge.

Roger tint parole :

Le soir de ce bal déc… olleté, il amena au docteur Véron tous les musiciens — du café des Aveugles.

***

Revenons à la Camargo.

Elle était laide. « Un vrai monstre, » écrit un contemporain. Noverre n’est pas moins explicite : « J’ai vu danser Mlle de Camargo ; c’est à tort que quelques auteurs lui ont prêté des grâces : la nature lui avait refusé tout ce qu’il faut pour en avoir. » Aussitôt qu’elle entrait en scène, on oubliait sa figure. On n’avait pas, d’ailleurs, le loisir de la remarquer, tellement l’artiste était vive et légère. Puis, sa physionomie changeait ; ses yeux noirs devenaient pleins de provocations, et sa bouche aux lèvres minces laissait apercevoir ses dents blanches. Cahusac ajoute : « C’est en vain qu’on chercherait un enjouement plus franc et une vivacité plus naturelle. »

Alerte et forte en sa souplesse,
La brune Camargo sautait…

Et elle sautait si haut, si haut, si haut, qu’on aurait dit qu’elle allait se perdre dans les frises !…

Sa rivale, — la blonde Sallé, — glissait sur le théâtre, nonchalante, voluptueuse et poétique…

La première représentait l’école d’élévation.

La seconde, l’école d’expression.

Voltaire n’osa pas décider entre les deux :

Ah ! Camargo, que vous êtes brillante !
Mais que Sallé, grands dieux ! est ravissante !
Que vos pas sont légers, et que les siens sont doux !
Elle est inimitable et vous êtes nouvelle.
Les Nymphes sautent comme vous,
Et les Grâces dansent comme elle.

La Camargo donna le ton. Toutes les modes nouvelles prirent son nom. Son cordonnier fit fortune avec le genre de chaussures qu’elle avait adopté. Toutes les femmes voulaient être chaussées à la Camargo.

Sur l’air d’un duo chanté dans Pyrame et Thisbé, on fit une contredanse que l’on appela la Camargo.

Ce fut le premier motif de danse fabriqué avec un morceau d’opéra.

Maîtresse du comte de Clermont, prince du sang et propriétaire de six abbayes par droit de tonsure, mademoiselle de Camargo, pendant l’absence de son amant, que ses devoirs de lieutenant général des armées du roi avaient emmené loin de Paris, ne voulut pas paraître sur la scène : elle ne reprit son service qu’au retour du prince.

Mademoiselle de Camargo quitta le théâtre en 1751, et mourut à Paris, en 1770, âgée de soixante ans et regrettée de tous comme un modèle de charité et de modestie.

Mademoiselle Sallé.

Chorégraphe et mime remarquables. Ce fut au théâtre de Covent-Garden de Londres qu’elle donna ses deux grands ballets pantomimes : Pygmalion et Ariane, qui furent plus tard représentés à Paris, mais à la Comédie-Italienne, les portes de l’Opéra leur étant restées fermées. L’auteur, en effet, était en brouille avec l’administration de ce dernier, qui avait refusé d’adopter ses idées sur les réformes du costume.

En Angleterre, mademoiselle Sallé avait dansé sans paniers, sans jupe, et sans autre ornement sur la tête que sa propre chevelure. Elle ne portait, d’ailleurs, avec son corset et un jupon, qu’une simple robe de mousseline « tournée en draperie et ajustée suivant le modèle d’une statue grecque. » Cette innovation ne l’empêcha point d’être si vivement goûtée par nos voisins d’outre-Manche, qu’à une représentation donnée à son bénéfice, les places furent prises d’assaut, l’épée à la main, et que la bénéficiaire, au milieu des applaudissements frénétiques, reçut, sous forme de pralines et de papillotes renfermant des bank-notes et des guinées, une somme qui fit monter la recette à plus de deux cent mille livres.

M. de Voltaire, qui ne croyait à rien, croyait à la vertu de mademoiselle Sallé, — ce qui prouve qu’il faut absolument croire à quelque chose :

De tous les cœurs et du sien la maîtresse,
Elle alluma des feux qui lui sont inconnus.
De Diane c’est la prêtresse
Dansant sous les traits de Vénus.

En citant ces vers, Castil Blaze ajoute : « Cette ingénieuse antithèse pourrait faire croire que mademoiselle Sallé conserva toute sa vie cette paisible indifférence qui doit épargner tant de peines et de regrets aux danseuses de l’Opéra. Il paraît, hélas ! que cette rigueur n’était qu’une feinte, une retraite simulée, une embuscade pour surprendre avec plus d’avantages l’ennemi et acquérir un butin plus considérable. Des vertus de cette espèce ont, dans tous les temps, brillé sur nos théâtres. »

Mademoiselle Roland.

Celle-ci tint honorablement état entre les deux précédentes, ainsi que l’attestent les vers suivants :

De Camargo, de Sallé, de Roland,
Maint connaisseur exalte le talent.
Sallé, dit l’un, l’emporte par la grâce ;
Roland, dit l’autre, excelle en enjoûment,
Et chacun voit avec étonnement
Les pas hardis, la noble et vive audace
De Camargo.
Entre les trois la victoire balance ;
Mais si j’étais le berger fabuleux,
Je ne sais quoi de grand, de merveilleux,
Me forcerait à couronner la danse
De Camargo.

Mlles Mariette et Poulette

Les deux sœurs. La première eut tant d’influence à l’Opéra que, sur un refus de gratification que lui firent ses directeurs, Le Comte et Lebœuf, ceux-ci furent révoqués et exilés. La seconde enflamma tellement le cœur incandescent d’un gentilhomme à qui elle résistait, que ce dernier incendia la maison qu’habitait la cruelle, pour avoir l’occasion de l’emporter dans l’hôtel somptueux qu’il voulait lui offrir.

Mademoiselle Lyonnais

Elle commença à six cents livres et finit par en gagner treize cents, plus « cent livres de pain et de vin. » Son plus grand succès fut Zoroastre. Elle y dansait la gargouillade, pas brillant et difficile que les femmes n’osaient pas aborder :

Quand, sous la forme d’un démon,
Lyonnais parait sur la scène,
Chacun dit à son compagnon :
Je sens que le diable m’entraîne.

La fin de l’existence de mademoiselle Lyonnais ne fut pas heureuse. On lit, en effet, dans les Mémoires du temps : « Voyez la Lyonnais. Pendant quinze ans, elle a mené une vie jalousée par tout ce que la capitale renferme de femmes aimables. Débarrassée de son mari, que le comte de Maurepas chassa de l’Académie royale sous prétexte que le sacrement n’était pas fait pour des gens de cette espèce, rien ne manquait à ses plaisirs. Le comte du Bourget la quitta avec toute l’honnêteté qu’on doit à une fille qu’on estime. Que fait ma danseuse ? Elle passe des bras de l’homme le plus aimable dans ceux d’un gagiste de l’Opéra, avec qui elle fait la fortune de Ramponneau, en s’enivrant périodiquement deux fois par jour avec du vin à quatre sous le pot. »

Mademoiselle Heinel

Anne-Fredérique Heinel arrivait de Stuttgard quand elle se produisit à Paris, à l’âge de dix-huit ans, en 1767.

« Ses charmes, écrit Bachaumont, ont séduit M. de Lauraguais au point de lui faire oublier ceux de mademoiselle Arnould. Il a donné trente mille livres à cette Allemande pour présent de noces, vingt mille livres à un frère qu’elle aimait beaucoup, un ameublement, un carrosse, etc., etc., etc. » (29 avril 1768.)

La même chroniqueur ajoute, le 28 juin suivant :

« Les spectateurs de l’Opéra souffrent impatiemment de l’absence de mademoiselle Heinel, cette danseuse si propre à exciter leur lubricité. Par une fatalité malheureuse qui empoisonne presque toujours nos plaisirs, celle-ci s’est trouvée chatouillée d’une maladie de peau qui se communique avec rapidité, et qui a fait dire plaisamment qu’elle avait fait de son amant un prince de Galles. »

En 1775, des remords de conscience avaient fait prendre à mademoiselle Heinel la détermination de se retirer dans un couvent ; mais elle s’en échappait une fois par semaine pour aller danser à la cour. Elle épousa plus tard Gaëtan Vestris et vécut jusqu’en 1808.

Mademoiselle Le Duc

Celle-ci n’était encore que figurante quand elle avait supplanté la Camargo dans le cœur du comte de Clermont.

Ce dernier venait de la doter du marquisat de Courvoy, lorsqu’un ordre du roi lui enjoignit de rallier son régiment, lequel tenait campagne en Flandre. Il obéit. Quelques jours après, sa maîtresse, déguisée en jeune cadet, partit pour le rejoindre. On la reconnut à la frontière, et la police la fit revenir à Paris.

Plusieurs semaines se passèrent ; puis, M. de Clermont tomba dangereusement malade.

Sa famille, qui ne laissait approcher personne de son lit, fit appeler un prêtre pour l’exhorter à bien mourir…

Un petit abbé se présenta et fut installé au chevet du moribond…

Moins d’une semaine plus tard, le comte, rétabli par un miracle, se sauvait à Rouen, où il épousait son confesseur.

Celui-ci n’était autre que mademoiselle Le Duc.

Avant d’être princesse de Clermont, mademoiselle Le Duc avait eu, sinon des jours, du moins des nuits agitées ; ce qui me fait le croire, c’est que je lis dans une chronique de l’époque :

« A l’occasion de mademoiselle Le Duc, dont l’éclat importun offusquait les yeux de quelques filles du même ordre, on examinait les avantages et les inconvénients d’une fortune rapide. Quand on eut bien disserté sur cette matière, la demoiselle Carton, qui est d’excellent conseil et très utile à l’Opéra pour diriger la conduite de ses compagnes, prit la parole, et, s’adressant aux envieuses de mademoiselle Le Duc, leur dit :

— « Eh ! mes pauvres filles, vous n’entendez rien à votre bonheur ; au métier que nous faisons, il est bien plus agréable de faire sa fortune sou à sou que tout d’un coup. »

Mademoiselle Allard

Son talent lui avait fait obtenir le privilège, jusqu’alors sans exemple, de composer elle-même ses entrées.

Elle était douée d’une surprenante vigueur de jarret, et son regard dur la servait singulièrement dans l’expression des sentiments de jalousie et de colère.

« En 1763, dit Bachaumont, l’Opéra fut à la veille de perdre mademoiselle Allard. Un malheureux accident était survenu, chez elle, au duc de Mazarin qui était son protecteur et lui donnait de l’or à pleines mains. On avait prétendu qu’elle était infidèle à son amant et qu’un rival trouvé dans son appartement avait fait essuyer au duc un traitement peu digne d’un homme de qualité. Cet accident obligea mademoiselle Allard à quitter un instant Paris. »

On raconte qu’en 1767, un seigneur allemand, fort riche, voulut épouser cette artiste, et que sur le refus qu’il en reçut, il signifia à celle-ci qu’il en était réduit à se brûler la cervelle, mais qu’il irait d’abord la lui brûler à elle-même. Mademoiselle Allard n’échappa à ce danger qu’en implorant la protection du lieutenant de police.

Elle avait eu aussi pour amant Bontemps, premier valet de chambre du roi, qui mourut en 1766. A cette occasion, dit Bachaumont, mademoiselle Allard déclara que pendant six semaines elle ne pourrait paraître en public. Cette ballerine prit sa retraite en 1781.

Mademoiselle Grandi

dont la galanterie fit grand bruit en son temps, désireuse de recevoir la visite du roi de Danemark, lors du voyage de ce prince à Paris, en 1768, lui fit remettre une copie en miniature de ses attraits dépouillés de toute espèce d’ornement, — merveille d’exécution et ressemblance garantie.

C’est à elle que le marquis de Louvois, à qui elle avait demandé quelques chatons pour ajouter à un collier, envoya un assortiment de petits chats vivants et miaulants.

Mademoiselle Audinot

est connue par un trait qui n’a pas rencontré beaucoup d’imitateurs, dans le personnel de l’Opéra :

Ayant appris que le duc de Lauzun allait être obligé de s’expatrier, elle réalisa toute sa fortune et en expédia le montant — près de cent mille livres — à son ancien amant.

Le duc refusa, et la danseuse se montra fort humiliée de ce refus.

Mademoiselle Cléophile

L’ambassadeur d’Espagne mettait des trésors à ses pieds. L’or, chez elle, étincelait partout. Jusque dans sa bouche, dont la voûte palatine était formée d’un dôme de ce précieux métal !

En 1773, elle se rendit aux vœux de La Harpe, qui, depuis longtemps, soupirait à ses genoux en vers anacréontiques et langoureux.

En 1775, elle se produisit à Longchamps dans un équipage à six chevaux d’une rare magnificence.

Elle faisait assaut de luxe et de beauté avec la Duthé. La richesse des écuries, des harnais, des vêtements, l’abondance et l’éclat des diamants, tout semblait assurer le triomphe de Cléophile. Les juges du camp décidèrent, cependant, que ce minois chiffonné ne pouvait lutter avec la correction froide du masque de sa rivale. « La fillette faillit en crever de dépit. »

Mademoiselle Dorival

Celle-ci s’étant permis d’envoyer… promener Gaëtan Vestris, qui la fatiguait de ses poursuites, ce maître de ballet obtint contre elle une lettre de cachet et la fit enfermer au For-l’Evêque.

Mais lorsque les admirateurs de la ballerine connurent le fait et les circonstances qui l’avaient motivé, ils se rendirent au théâtre bien résolus à faire payer à Vestris cet injuste abus de pouvoir.

Aussitôt que le danseur parut en scène, il fut assailli par une bordée de sifflets, des cris, des huées, et le parterre exigea que la belle captive lui fût ramenée sur l’heure par son persécuteur lui-même.

Celui-ci, pour obéir à cette injonction, s’étant rendu au For-l’Évêque, y tomba au milieu d’un joyeux souper que mademoiselle Dorival terminait avec des amis.

La danseuse et le danseur se réconcilièrent, le verre en main, pendant que le public attendait l’exécution de ses volontés. Puis ils revinrent à l’Opéra, aussi bien l’un que l’autre, et reparurent dans un pas qui se sentait singulièrement de leurs copieuses libations. On ne les en acclama pas moins, — et les spectateurs se retirèrent triomphants, et, ajoute un contemporain, « non moins enivrés que les artistes qu’ils venaient d’applaudir. »

Mademoiselle Théodore

était en même temps d’une instruction rare parmi les danseuses et d’une sagesse qui ne donnait prise à aucune méchanceté.

Subissant toutefois la loi de la nature, et le cœur envahi par la passion, elle allait se retirer du théâtre, lorsque d’Auberval, à qui elle ne voulait se donner qu’en mariage, touché de son amour pour lui, l’épousa.

Mademoiselle Théodore, pour quelques épigrammes spirituelles dites et écrites sur l’Opéra et sa direction, fut d’abord, au retour d’un voyage qu’elle avait fait à Londres, conduite à la Force, puis exilée de Paris pendant dix-huit jours.

Mademoiselle Guimard

Marie-Madeleine Guimard naquit, à Paris, le 20 octobre 1743. Elle appartint d’abord au ballet de la Comédie-Française et fut engagée à l’Opéra en 1762. Elle avait à peine dix-neuf ans.

« Mademoiselle Guimard, dit Bachaumont (mai 1762), le nouveau sujet dont l’Opéra vient de faire l’acquisition, a doublé mademoiselle Allard, avec le plus grand succès, dans les Caractères de la Danse. Elle est d’une légèreté digne de Terpsychore. Il ne lui manque que des grâces un peu plus arrondies dans certaines parties de son rôle. »

Noverre, dans ses Lettres sur la danse, fait ainsi le portrait de cette danseuse : « Mademoiselle Guimard fixa les applaudissements depuis son début jusqu’à sa retraite. Gracieuse naturellement, elle ne courut jamais après les difficultés. Une aimable et noble simplicité régnait en sa danse ; elle se dessinait avec un goût parfait et mettait de l’expression et du sentiment dans ses mouvements. Après avoir dansé longtemps le genre sérieux, elle l’abandonna pour se livrer au genre mixte. Elle était inimitable dans les ballets anacréontiques. En quittant le théâtre, cette virtuose emporta ce genre agréable avec elle. »

***

En 1766, comme elle exécutait un pas dans les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour, mademoiselle Guimard reçut sur l’un de ses bras — qui fut brisé — un morceau de décor détaché du cintre.

Une messe fut chantée à Notre-Dame pour obtenir du ciel la prompte guérison du membre lésé.

Avec cela, médiocrement commode comme pensionnaire, si j’en crois le crayon suivant :

« La Guimard a des caprices entre toutes. On ne peut compter sur elle. Elle a des protégés qu’elle couvre et des protecteurs puissants qui la couvrent. Son arrogance n’a pas de nom. Les mutins se réunissent chez elle. Personne ne la vaut pour organiser une merveilleuse cabale, et madame de Saint-Huberty elle-même, aussi mauvaise qu’elle soit pour son prochain, ne le prend pas de plus haut avec ses directeurs. Ce que la Guimard veut, bon gré, mal gré, il faut qu’on le veuille. Il n’y a jamais, en somme, de contentés que les mécontents. »

***

Mademoiselle Guimard était d’une maigreur extrême ; on l’avait surnommée le Squelette des Grâces.

— Ce petit ver à soie devrait être plus gras ; il ronge une si bonne feuille, dit un jour Sophie Arnould en faisant allusion à la feuille des bénéfices que l’évêque d’Orléans, monseigneur de Jarente, avait mise à la disposition de la danseuee, qui possédait en outre, par le prince de Soubise, la capitainerie des chasses, pour lesquelles elle délivrait les permis, dans les forêts royales, sous sa propre signature.

Monseigneur de Choiseul, archevêque de Cambrai, monseigneur Desnos, évêque de Verdun, le fermier général Delabarre se faisaient remarquer, parmi ses courtisans les plus assidus.

Avec eux, M. de la Borde, valet de chambre ordinaire du roi, était un de ses amants utiles.

« Il ne contribua pas peu, rapporte Bachaumont, à soutenir le luxe de cette demoiselle.

Toutefois, il se tenait modestement et toujours dans la plus grande réserve, sortant comme les autres, et même avant les autres, des soupers qu’elle donnait toutes les semaines.

La maison de la célèbre courtisane Deschamps, ses ameublements, ses équipages n’approchaient en rien de la somptuosité de cette moderne Terpsychore.

Elle avait trois soupers par semaine : l’un composé des seigneurs de la cour ; l’autre d’acteurs, d’artistes et de savants ; enfin le troisième, véritable priapée où étaient invitées les filles les plus séduisantes, les plus lascives et où la luxure et la débauche étaient portées au comble. »

Son hôtel de la Chaussée-d’Antin avait un théâtre dont les loges étaient drapées de satin rose rehaussé d’un galon d’argent. Des bougies parfumées éclairaient la salle : c’était le Théâtre de Terpyschore.

« Tout le monde, dit Bachaumont, brigue l’honneur d’être admis à ces spectacles. Mademoiselle Guimard y joue quelquefois, mais son organe sépulcral ne répond pas à ses autres talents. C’est une courtisane qui fera vraiment époque par son art dans le raffinement des voluptés et dans les orgies qui se célèbrent chez elle et dont on rapporte des choses merveilleuses. »

Ce Théâtre était, en outre, affirment, les Mémoires du temps le rendez-vous ordinaire des plus jolies filles de Paris et des plus aimables libertins. Il y avait des loges grillées pour les honnêtes femmes, pour les gens d’église, et pour les personnages graves qui craignaient de se compromettre parmi cette multitude de foiles et d’étourdis. On y jouait d’abord des pièces dans le ton badin ; on y arriva bientôt à l’égrillardise et, enfin, à des exhibitions, à ce que prétend Alphonse Royer, dont le scandale ne saurait être toléré de nos jours. Ces saynètes érotiques ont été réunies dans un recueil, intitulé Théâtre d’amour, qui n’a jamais été livré à l’impression et qui contient Junon et Ganymède, la Vierge de Babylone, Minette et Finette. Ce précieux manuscrit est aujourd’hui, toujours d’après Alphonse Royer, en possession de M. Hankey.

***

Mademoiselle Guimard passait l’été dans une villa à Pantin.

Là encore, elle avait un théâtre où elle donnait des représentations.

Ce fut sur cette scène suburbaine qu’elle « enleva » avec d’Auberval cette fameuse fricassée que le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette voulurent voir exécuter à Choisy, et qui valut à la ballerine une pension de six mille livres et à Despréaux, son partenaire dans cette circonstance, une pension de mille livres.

La « moderne Terpsychore » était fort généreuse : l’or, qui lui arrivait comme un fleuve, s’échappait de ses mains en torrents.

Aussi avait-elle contracté de nombreuses dettes auxquelles, dès 1769, elle ne pouvait faire face, si l’on en croit Bachaumont :

« Le public craint de perdre la Guimard. On dit qu’elle est à la veille de faire banqueroute. On assure que le prince de Soubise lui retire les deux mille écus par mois dont il la gratifiait, ce qui lui fait soixante-douze mille Ivres de rentes de moins par an. D’un autre côté, M. de La Borde est ruiné et ne peut plus contribuer aux amusements de cette nymphe. Elle a été obligée de suspendre ses délicieux spectacles, et divers créanciers la tourmentent. On évalue à plus de quatre cent mille livres le montant de l’argent qu’il lui faudrait pour le présent (9 juillet 1769). »

Un peu plus tard, elle obtint l’autorisation de mettre son hôtel en loterie et plaça pour trois cent mille livres de billets.

La comtesse du Lau, qui n’avait pris qu’un billet de vingt livres, gagna cet immeuble, construit par l’architecte Ledoux, et son splendide ameublement.

***

Pendant trente ans, mademoiselle Guimard n’eut que vingt ans.

En effet, à cet âge, la danseuse avait fait faire son portrait ; et, plus tard, assise devant une glace de Venise qui le reflétait, elle peignait chaque matin sa figure, raccordant celle-ci à la ressemblance de celui-là.

Elle avait soixante-quatre ans, lorsque, cédant aux sollicitations d’amis intimes, elle consentit à donner pour eux seuls une définitivement dernière représentation.

En cette circonstance, elle exigea que l’on descendît assez le rideau pour qu’il fût impossible aux spectateurs de voir autre chose que le travail de ses jambes, dont le temps avait respecté l’agilité et les formes pures et délicates.

Mademoiselle Guimard prit sa retraite en 1790, et mourut en 1816, âgée de soixante-treize ans.

Mademoiselle Peslin

fut une des artistes qui, en compagnie de mesdemoiselles Guimard, Allard, Théodore et Heinel, vit sa statuette offerte à l’admiration publique à la suite d’une souscription faite parmi les habitués de l’Opéra.

Mademoiselle Beaupré

Célèbre par son carrosse en porcelaine et ses quatre chevaux isabelle, cadeau du prince de Montbarrey.

La duchesse de Valentinois possédant un équipage de même composition, le quatrain suivant lui fut envoyé :

Belle Valentinois, laissez sous la remise
Ce carrosse fragile avec raison vanté ;
La vertu d’Opéra doit en toute entreprise
L’emporter en fragilité.

Mademoiselle Renard

protégée également, avant, pendant ou après, par le prince de Montbarrey, était associée avec lui pour l’exploitation d’une industrie toute spéciale : quiconque voulait, par ce ministre, arriver à une faveur du roi, était imposé d’une certaine somme, versée préalablement entre les mains de la danseuse.

Ce commerce fut révélé par la plainte d’un officier général qui, ayant compté cinquante mille francs pour obtenir la décoration, n’avait rien reçu.

Mademoiselle Miller

Danseuse adroite, mime intelligente. Elle épousa, en 1789, le maître de ballets Pierre Gardel. Noverre disait de cette virtuose :

« De ses yeux jaillissent des diamants. »