Belton et Eliza.
Ballet pantomime.
En un acte
Sujet du ballet.
Le fondement de ce ballet porte sur deux faits historiques ; le premier est celui d’un jeune Officier Anglais, qui ayant séduit la fille d’un Cacique, et en ayant eu plusieurs enfans, conçoit et exécute l’imfâme projet de la vendre à des marchands étrangers.
Le second est celui de la résolution que prennent les habitans de la Pensylvanie de donner la liberté à tous leurs esclaves, et de ne garder auprès d’eux que des domestiques libres.
Ce sujet est tiré en partie de l’Abbé Raynal.
PERSONNAGES.
Belton, Officier Anglais.
Eliza, jeune Indienne, enlevée à sa famille par Belton.
Zoraïm, Indien, frère d’Eliza.
Zirca, Père d’Eliza, Cacique.
Fatmé, mère d’Eliza.
Amazili, sœur d’Eliza.
Négotians Européens,
Habitans de la Pensylvanie.
Officiers Anglais.
Quakers.
Matelots.
La scène est en Pensylvanie.
La décoration réprésente des habitations et des plantations voisines de la mer.
Scène i.
Plusieurs Colons, Quakers et Officiers Anglois sont répandus sur la scène ; les uns jouent, les autres boivent et conversent ensemble, tandis qu’une grande troupe de Nègres et de Négresses travaillent(1).
Scène ii.
Pendant cette action▶, un jeune Officier Anglais nommé Belton paroît inquiet et préoccupé. Il est suivi par Eliza, jeune femme Indienne d’une rare beauté. Ses vives caresses, ses tendres soins, apprennent au spectateur qu’elle est unie à Belton par les liens les plus sacrés ; et on voit à la gêne qui accompagne toutes les ◀actions▶ de ce jeune homme, qu’il est entièrement refroidi pour l’objet de son ancien attachement. Il cherche à éloigner Eliza ; lui donne une commission, et la congédie avec les feintes marques de sa tendresse.
L’heure annonce que le travail des Nègres est fini, ils ferment leurs atteliers ; font leur repas, puis exécutent des danses et des jeux nationaux, avec tous les instrumens en usage dans leurs pays.
Scène iii.
Un grand bruit d’acclamations interrompt ce divertissement. On voit arriver un vaisseau qui mouille bientôt au rivage ; ce navire porte des commerçans Européens qui viennent faire trafic avec les Colons. Ils descendent et sont acceuillis par les habitans, les Quakers et les Anglais. Leurs matelots commencent à décharger une partie de leurs machandises, et posent les balots sur la rive. Les Nègres de l’habitation les aident, et marquent par leurs mines toute la curiosité de leur caractère.
Belton tire à part un des nouveaux arrivés ; il lui fait entendre, qu’il a un marché à conclure, mais qu’il exige du secret ; il lui donne rendez-vous pour le lendemain avant la pointe du jour.
Les Colons, Quakers et Officiers emmènent les négocians Européens dans leurs logis ; les Nègres s’emparent de leurs matelots ; et tout le monde se retire.
Scène iv.
La nuit commence à étendre ses voiles ; on distingue dans l’obscurité un sauvage Indien de belle apparence, qui arrive le long de la côte. C’est Zoraïm, frère de la jeune Indienne, amante de Belton. Il parcourt la scène et cherche les habitations. Comme il se décide a sortir par un des flancs du théâtre, il rencontre sa sœur, qui vient pour retrouver Belton ; elle reçonnoit son frère, veut se jetter dans ses bras ; il la repouse avec douceur et semble lui reprocher d’avoir abandonné son père, sa mère et lui-même, pour suivre un étranger séducteur. Il lui ordonne de le quitter et de le suivre à l’instant.
Scène v.
La jeune femme fait ses efforts pour l’appaiser ; elle court chercher deux enfans encore très-foibles et lui dit, que ce sont là les liens qui l’attachent à Belton ; elle le conjure de venir le voir, l’assure qu’il est digne d’être son frère. L’Indien est touché. Il embrasse sa sœur ; elle l’engage à venir dans son logis ; il se décide, il prend les deux enfans dans ses bras et la suit.
Scène vi.
Belton paroît retournant dans son logement. Il reconnoît le frère de sa maîtresse qui emporte ses deux enfans et s’achemine vers sa cabane. Il est désespéré. Il ne veut pas le joindre ; il appelle un esclave ; écrit un billet par le quel il instruit Eliza qu il n’ira pas chez lui cette nuit, et lui assigne à elle-même un rendez-vous sur le bord de la mer, avant la pointe du jour.
L’esclave va porter ce billet, et Belton se retire.
Scène vii.
Le jour commence à poindre insensiblement. Eliza arrive la première au rendez-vous. Elle voit venir de loin Belton, qui paroît accablé. Elle vole vers lui ; Belton prend un extérieur forcé pour répondre aux questions de sa maîtresse ; mais le trouble cruel dont il est agité perce à travers ses ◀actions ; enfin on apperçoit à l’étonnement douloureux de la jeune femme, qu’il lui déclare qu’il faut se séparer.
Trois négocians Européens paroîssent. Belton les tire à part et leur propose de leur vendre sa maitresse. Un deux va l’examiner, et apprend par son recit le crime affreux que va commettre l’Officiér Anglois ; il en instruit ses confrères ; tous reculent d’horreur. La jeune femme est bientôt instruite par leurs propos du projet de son perfide amant. Elle veut lui parler ; Belton devient furieux ; il est prêt à la maltraiter. Les trois négocians se disent un mot à l’oreille ; l’un d’eux tire une bourse et la donne à Belton, qui s’en va. La jeune Indienne veut courir ; elle tombe évanouie entre les bras de ses nouveaux maîtres.
Scène viii.
Cependant le jour s’est levé. Les Colons, les Quakers, les Officiers arrivent successivement pour traiter avec les étrangers. Ils sont surpris du spectacle qu’ils voient. Les trois marchands leur apprennent ce dont il s’agit ; ils ajoutent qu’ils ont payé la jeune femme pour la soustraire à la violence de Belton et qu’ils la rendent à la colonie. Le frère de l’Indienne vient à son tour ; il est instruit de tout ; il demande Belton, mais il s’est retiré. L’Indien donne les marques de la plus violente colère et part comme un trait. Tous se retirent et emmenent l’Indienne.
Scène ix.
Belton paroît dans le fond de la scène suivi de quelques esclaves chargés de balots ; il va vers une chaloupe qui est à flot. De l’autre côté, Zoraïm arrive suivi d’une troupe de sauvages et arrête Belton. Les sauvages veulent tomber sur lui ; Zoraïm les retient ; il reproche à Belton sa perfidie et lui offre le combat. Belton l’accepte. L’Indien se debarrasse de son carquois, de son arc ; prend un bouclier et un casse-tête : il donne les mêmes armes à Belton qui jette son epée. Quelques esclaves de ce dernier s’échappent pour donner l’allarme dans l’habitation. Le combat commence ; il est vif, mais l’Indien est terrassé ; les sauvages veulent aller au secours de leur chef, mais la foule des habitans et des nègres, qui survient, se jette à la traverse, et dégage Zoraïm. Eliza accourt échevelée et se jette dans les bras de son frère, qui est déespéré de n’avoir pu assouvir sa vengeance. Belton est rejetté avec horreur par les colons et par les officiers, ses Camarades ; il est frappé de repentir ; il perce la foule et se précipite aux pieds de sa maîtresse ; elle le repousse avec indignation ; son frère l’exhorte à ne pas se laisser fléchir. Belton jette avec fureur la bourse qui contient le prix de son crime. Il revient à sa maitresse ; lui offre ainsi qu’à son frère une épée pour lui percer le sein. Mais ils le repoussent et restent inflexibles. Belton sort un moment et reparoît avec ses deux enfans dans ses bras ; il tombe à genoux ; la jeune femme vole à ses enfans ; ils paroîssent implorer la grace de leur père.
Scène x.
Dans ce moment Zirca et Fatmé qui ont suivi avec Amazili leur fille les pas de Zoraïm leur fils, paroîssent inopinément. Témoins de la scène qui se passe, ils expriment leur surprise et leur indignation ; Eliza vole dans les bras de son père et de sa mère ; ils la repoussent ; elle tombe à leurs pieds ; elle les arrose des larmes du repentir et de l’amour filial. Belton plus honteux et plus contrit que jamais, se traîne sur ses genoux vers ce père irrité ; sollicite son pardon ou la mort ; les deux jeunes enfans accourent ; ils joignent leurs prières et leurs pleurs à ceux de leur mère. Zirca ne pouvant être insensible à la vue d’un tableau si touchant ni résister aux prières des habitans, relève Belton et lui pardonne. Eliza se précipite dans les bras de son père et de sa mère ; elle leur exprime ainsi que Belton son amour, son respect et sa reconnoissance. Les deux petits enfans ne sont pas oubliés. Zirca les prend dans ses bras, les presse contre son sein et les éleve vers le ciel. Belton, prodigue ses tendres caresses à Amazili sa sœur ; il est uni à sa chere Eliza. La joie et l’allégresse régnent dans tous les cœurs et brillent dans tous les yeux.
Scène xi.
L’assemblée vivement touchée de la scène qui vient de se passer, et voulant terminer ce beau jour par un acte de bienfaisance accorde la liberté aux nëgres. Ils sont rangés d’un coté de la scène. Les colons leur otent la petite chaîne qu’ils portent en signe d’esclavage ; les nouveaux affranchis tombent aux pieds de leurs libérateurs ; mais ceux-ci les relèvent et les embrassent en signe de fraternité.
Ce petit ballet est terminé par des danses particulières et générales. Chacune d’elles a un caractère distinctif et offre de grandes oppositions dans les genres. C’est au maître de ballets à observer cette variété et à la saisir ; car les Anglais et les Anglaises ne dansent point comme les nègres et les négresses, et les Indiens ne dansent point comme ceux-ci. Au reste, ce ballet doit peindre l’allégresse générale avec les nuances délicates que chaque quadrille exige.
FIN.