Chapitre X. Des Actions▶ principales en Danse
Notre Tragédie et notre Comédie ont une étendue et une durée qui sont soutenues par les charmes du discours, par la finesse des détails, par la variété des saillies de l’esprit. L’◀action▶ se divise en Actes ; chaque Acte est partagé en Scènes ; les Scènes amènent successivement les situations ; les situations, à leur tour, entretiennent la chaleur, forment le nœud, conduisent au dénouement, et le préparent.
Telles doivent être, mais avec plus de précision encore, les Tragédies et les Comédies en Danse : je dis, avec plus de précision, parce que le geste est plus précis que le discours. Il faut plusieurs mots, pour exprimer une pensée : un seul mouvement peut peindre plusieurs pensées, et quelquefois la plus sorte situation. Il faut donc quel l’◀action▶ théâtrale marche toujours avec la plus grande rapidité, qu’il n’y ait point d’entrée, de figure, de pas inutile. Une bonne Pièce de Théâtre en Danse doit être un Extrait serré d’une excellente Pièce Dramatique écrite.
La Danse, comme la Peinture, ne retrace à nos yeux que les situations ; et toute situation véritablement théâtrale n’est autre chose qu’un tableau vivant.
S’il arrive donc un jour, que quelque Danseur de génie entreprenne de représenter sur notre Théâtre Lyrique une grande ◀action▶, qu’il commence par en extraire toutes les situations propres à fournir des tableaux à la Peinture. Il n’y a que ces parties qui doivent entrer dans son dessein : toutes les autres sont défectueuses ou inutiles : elles ne feraient que l’embarrasser, le rendre confus, froid, et de mauvais goût.
Si ces situations sont en grand nombre, si elles se succèdent naturellement, si leur enchaînement les conduit avec rapidité à une dernière, qui dénoue facilement et fortement l’◀action ; le choix est sûr. A ces marques infaillibles de l’effet théâtral, on ne saurait se méprendre.
Mais dans l’exécution, on ne doit point s’écarter de cet objet unique. Ce ne sont que des tableaux successifs qu’on a à peindre, et qu’il faut animer de toute l’expression, qui peut résulter des mouvements passionnés de la Danse.
C’était-là sans doute le grand secret de Pylade ; et peut-être est-il, pour tous les genres, la boussole la plus sûre de l’Art du Théâtre.