(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VI. Preuves de la possibilité de la Danse en action »
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(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VI. Preuves de la possibilité de la Danse en action »

Chapitre VI. Preuves de la possibilité de la Danse en action

La parole n’est pas plus expressive que le geste. La Peinture qui retrace à nos yeux les images les plus sortes ou les plus riantes, ne les compose que des attitudes, du mouvement des bras, du jeu des traits du visage, qui sont les parties dont la Danse est composée comme elle. [Voir Geste, Geste (Danse), Geste (Chant du Théâtre)]

Mais la Peinture n’a qu’un moment qu’elle puisse exprimer. La Danse théâtrale a tous les moments successifs qu’elle veut peindre. Sa marche va de tableaux en tableaux, auxquels le mouvement donne la vie. Il n’est qu’imité dans la Peinture. Il est toujours réel dans la Danse.

Elle agit toujours par sa nature. Il ne lui manque sur notre Théâtre que l’intention. Elle va à droite et à gauche : elle avance et recule : elle dessine des pas. Il ne faut que l’arrangement de ces mêmes choses, pour rendre aux yeux quelque action théâtrale que ce puisse être.

L’histoire de l’Art prouve que les Danseurs de génie n’ont eu que ce seul secours, pour exprimer toutes les passions humaines, et les possibilités sont dans tous les temps les mêmes.

En 1732, Mademoiselle Sallé représenta à Londres avec le plus grand succès deux actions dramatiques complètes, l’Ariane et le Pygmalion.

Il n’y a pas trente ans que feue Madame la Duchesse du Maine fit composer des Symphonies145 sur la scène du quatrième Acte des Horaces, dans laquelle le jeune Horace tue Camille. Un Danseur et une Danseuse représentèrent cette action à Sceaux ; et leur Danse la peignit avec toute la force et le pathétique dont elle est susceptible.

Nous voyons tous les jours le bas comique rendu avec naïveté par la Danse. L’Italie est en possession de ce genre ; et il n’est point d’action de cette espèce qu’on ne peigne sur ses Théâtres d’une manière, sinon parfaite, du moins satisfaisante. Or, ce que la Danse fait par-delà les monts dans le bas, ne saurait lui être impossible en France dans le noble ; puisqu’elle y est très supérieure par le nombre des sujets et par la qualité des talents.

On ne doit se défier ni de ses forces, ni de l’Art, lorsqu’on a l’ambition d’exceller. Ce que les Romains ont vu faire à Pylade et à Bathylle peut encore être exécuté par de jeunes gens exercés, qui ont tous les mouvements expressifs et faciles. La Danse, sur notre Théâtre, n’a plus besoin que de guides, de bons principes, et d’une lumière qui, comme le feu sacré, ne s’éteigne jamais. Qu’on se persuade que le siècle qui a produit, dans les Lettres, L’Esprit des lois, la Henriade, l’Histoire naturelle, et l’Encyclopédie, peut aller aussi loin, dans les Arts, que le siècle même d’Auguste.