(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — La Descente d’Orphée aux Enfers. Ballet héroï-pantomime. » pp. 215-224
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(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — La Descente d’Orphée aux Enfers. Ballet héroï-pantomime. » pp. 215-224

La Descente d’Orphée aux Enfers.
Ballet héroï-pantomime.

Personnages.

  • Orphée .
  • Euridice .
  • L’Amour .
  • Pluton .
  • Proserpine .
  • Bacchus .
  • Juges des enfers .
  • Les Euménides.
  • Démons et spectres.
  • Caron .
  • Femmes de la Thrace.
  • Bergers et Bergères.
  • Bacchantes.
  • Faunes, Satyres et Silvains.

Première partie.

La décoration représente un lieu aride et inhabité.

Scène I.

Orphée, en proye à sa douleur, ne peut se consoler de la perte d’Euridice ; il invoque l’Amour et l’appelle à son secours. Ce dieu sensible à la prière du chantre de la Thrace, a résolu de le conduire aux Enfers et de lui rendre Euridice.

Scène II.

L’Amour paroît ; Orphée tombe à ses pieds, et les sons touchans de sa Lyre expriment la reconnaissance.

La terre s’entr’ouvre, l’Amour lui ordonne de le suivre. Guidé par ce dieu et éclairé par son flambeau, il disparoît avec lui.

Seconde partie.

La décoration représente un bras de l’Achéron ; de l’autre coté de ce fleuve on apperçoit les portes de l’Enfer, et des rochers dont les extrémités lancent des flammes : Caron est assis sur la proüe de sa barque.

Scène I.

Ce vieux Nautonier frémit de rage à la vue d’un mortel ; il ordonne à Orphée de quitter le rivage, et celui-ci le supplie de le passer à l’autre bord. Inspiré par l’Amour, il tourbe sa Lyre divine. Ses chants tendres et mélodieux dérident le front sourcilleux de l’inéxorable Nautonier ; il s’adoucit, reçoit Orphée dans sa nacelle et le conduit vers les sombres bords de l’empire de Pluton.

 

Le silence du chagrin fait place à l’horreur que lui fait éprouver la vue des tristes lieux, où son amour l’a conduit. D’un coté, il ne voit que des antres et des rochers affreux, de l’autre, il apperçoit les portes de l’Enfer ; il n’entend que des plaintes lamentables, que des voix gémissantes, que des cris de rage et de désespoir, poussés par les ombres criminelles. La terreur glace ses sens, et l’arrête ; mais animé par l’Amour qui guide invisiblement ses pas, et par l’espoir de revoir l’objet que son cœur adore, il marche d’un air plus assuré et arrive à la porte des Enfers. Les sons de sa lyre l’ébranlent, et ses accens harmonieux l’ouvrent. Il triomphe de la rage et des aboyemens de Cerbère : c’est vainement qu’une troupe de Démons armés de torches s’oppose à son passage : la terreur d’abord le rend immobile, mais ranimant les accens de sa lyre, il avance ; il voit avec effroi les tourmens horribles aux quels les grands Criminels sont condamnés. Les Danaïdes suspendent leurs pénibles fonctions ; le malheureux Ixion se repose sur sa roue ; le rocher de Sisyphe reste immobile ; Tantale oublie sa soif dévorante, les cizeaux des inflexibles parques s’échappent de leurs mains ; les Euménides cessent leurs persécutions, et les noirs Spectres du Tartare dansent autour d’Orphée.

Troisième partie.

La décoration représente les Champs Elisés.

Scène I.

La vue d’un mortel étonne les ombres heureuses : de jeunes amans morts d’amour quittent leurs berceaux de myrthe et d’amarantes ; des héros qui ont versé leur sang pour la défense et la gloire de leur patrie abandonnent leurs allées ombragées de lauriers : Les poètes qui ont chanté leurs victoires, quittent les monts fleuris et les eaux argentés qui en découlent. Orphée bientôt se trouve environné par toutes ces ombres heureuses. Les accords de sa lyre retracent aux unes, les douceurs de l’Amour, aux autres les avantages de la gloire ; et chaque ombre se sent, pour ainsi dire, ramenée à son premier penchant, par l’expression vraie qu’Orphée donne à ses accens ; Les jeunes ombres se rassemblent et forment des danses autour de lui.

 

Cependant Orphée ne voit point sa chere Euridice, il la cherche, l’appelle et la nomme cent fois.

 

Un enfant, et cet enfant, c’est l’Amour, transformé en ombre le conduit près d’un berceau couvert de roses et de jasmin, sous le quel est une ombre assise, dans une attitude, qui exprime l’abattement et la tristesse ; cet enfant engage Orphée à se servir de sa lyre ; Euridice écoute, se lève, marche vers Orphée ; elle s’arrête, s’avance, recule et trésaille de joye. L’enfant soulève le voile qui déroboit ses traits. Orphée revoit sa chere Euridice, tombe à ses pieds et la reçoit dans ses bras. Toutes les ombres se réunissent près des epoux et forment un grouppe général qui exprime à la fois l’étonnement l’admiration et le bonheur.

Le jeune enfant s’approche d’Orphée, lui dit un mot à l’oreille et disparoît ; il lui a ordonné de se rendre au palais de Pluton ; Orphée quitte à regret sa chère Euridice, et lui promet, en lui faisant les plus tendres adieux, de revenir promptement. Euridice le suit des yeux et fait des vœux pour son retour.

Quatrième partie.

La décoration représente le Palais de Pluton. Ce Dieu et Proserpine sont assis sur leur trône ; les Juges des Enfers et la cour infernale l’environnent.

Scène I.

L’Amour a répandu sa douce influence. Orphée paroît et se prosterne devant ces divinités. Il les supplie de lui rendre sa chère Euridice, et mêle à ses chants les accords enchanteurs de sa lyre : Pluton est ému et Proserpine attendrie ; le Dieu ordonne aux Juges de son empire de remettre Euridice à son époux ; mais il y joint une condition pénible et affligeante, celle de ne point jetter un regard sur Euridice tant qu’il sera dans son empire. Orphée exprime sa reconnoissance, et la cour du Dieu des Enfers se livre à des danses que les chants d’Orphée animent.

Cinquième partie.

La décoration offre l’aspect d’une grotte des Enfers voisine de l’Achéron.

Scène I.

Orphée y est conduit ; Euridice lui est rendue. On lui renouvelle l’ordre immuable de Pluton, et on lui montre le chemin le plus court ; pour arriver à la barque de Caron.

Euridice enchantée vole vers son époux ; il lui tend la main sans la regarder ; elle le conjure et le presse de jetter les yeux sur elle. Fidèle au décret de Pluton, il refuse de la regarder ; Euridice passe de tous cotés ; il fuit et détourne la tête, en exprimant le tourment qu’il endure : Euridice le conjure de nouveau de répondre à son impatience et de jetter un regard sur elle ; ses refus l’offensent, elle les attribue à son indifférence, et quitte sa main en exprimant son dépit. Orphée l’appelle ; elle boude et ne revient pas. Orphée désespéré croit qu’Euridice l’a abandonné, ou que l’enfer jaloux de son bonheur la lui a ravie ; il se retourne et la voit.

Scène II.

Dans cet instant des démons, conduits par les furies, s’élancent sur elle et l’arrachent des bras de son époux ; l’Amour lui prête de l’énergie et du courage : elle lutte contre ces monstres. Orphée animé des mêmes sentimens, se réunit à Euridice : par un nouvel effort les démons séparent ces deux époux pour la seconde fois ; mais animés du désir de se rejoindre, ils se dégagent de leurs bras, et volent l’un à l’autre. Les furies irritées de cette résistance parviennent enfin à arracher Euridice des bras d’Orphée, tandis que celui-ci est enveloppé par les démons. L’Enfer triomphe ; les furies enlèvent Euridice, et les noirs spectres du Tartare entraînent Orphée hors de ce lieu de douleur et d’épouvante1.

Sixième partie.

La décoration représente le mont Rhodope : l’Hebre serpente au bas de ses coteaux.

Scène I.

Orphée inconsolable de la double perte d’Euridice cherche la solitude pour s’abandonner entièrement à sa douleur. Quelques femmes attirées par les charmes de l’harmonie l’engagent à quitter ces affreux déserts pour venir habiter des lieux plus agréables ; Orphée, toujours fidèle à son épouse, méprise leurs conseils ; aussi insensible à leurs charmes qu’aux attraits de la volupté dont elles lui retracent l’image, il les fuit avec dédain : Ces femmes irritées le quittent en exprimant leur dépit, et en le menaçant d’une vengeance éclatante.

Scène II.

Aux accens de la lyre d’Orphée, la décoration change successivement de forme, et s’embellit par gradation : les arbres viennent se ranger à la place des rochers ; les ronces se métamorphosent en fleurs, les autres se transforment en berceaux ; le coteau enfante des vignes qui en croissant s’unissent pour former de leurs pampres des guirlandes ; les oiseaux s’empressent, à répéter les chants d’Orphée ; des bergers et des Bergères quittent leurs hameaux pour se livrer aux transports de leur innocente joie : ils lui présentent des fleurs et des fruits, et ils expriment par des danses simples et naïves le bonheur qu’ils ont de le posséder dans leur voisinage ; la nature enfin, semble rendre hommage au chantre de la Thrace, en s’empressant d’embéllir sa sollitude par ces agréables métamorphoses.

Scène III.

Les femmes irritées paroissent à la tête des bacchantes : elles sont armées de Thyrses, plusieurs d’entre elles tiennent des instrumens consacrés au culte de Bacchus. Enivrées de leur bacchique fureur, elles cherchent le malheureux Orphée pour l’immoler à leur rage ; elles ne l’ont pas plutôt apperçu, qu’elles s’élancent sur lui ; moins sensibles que les rochers, elles ne répondent à ses accens qu’en lui portant des coups redoublés de leurs thyrses, et en le renversant sur un rocher pour le sacrifier à leur rage.

Scène IV et dernière.

Bacchus justement irrité, et s’intéressant aux jours d’un mortel qui fait le plus bel ornement de ses fêtes, paroît, et descend du Mont Rhodope : ce Dieu est dans un char traîné par des tigres ; une foule de Satyres et de Silvains le devance, et il est suivi par une troupe de jeunes Faunes : les Bacchantes, effrayées des regards de ce Dieu, reculent et n’osent plus lever les yeux.

La terre s’entr’ouvre ; il en sort une légère vapeur, qui, en se dissipant insensiblement, laisse voir l’Amour et Euridice. La présence de ce Dieu charmant ranime bientôt Orphée ; il ouvre ses yeux mourants, il se relève ; mais qu’elle est sa surprise lorsqu’il s’apperçoit qu’Euridice lui est rendue par les mains de l’Amour ; transporté de joye, il rend hommage à l’enfant de Cythère, et il partage sa reconnoissance entre l’Amour et Bacchus ; puis se retournant vers son épouse, il se livre à tous les transports de la tendresse ; les faunes, les Silvains et les Satyres s’unissent aux Bacchantes par des danses vives et voluptueuses. L’Amour et Bacchus prennent part à cette fête qui est l’ouvrage de leur bonté. Orphée et Euridice au comble du bonheur, expriment leur reconnaissance et leur félicité ; et ce ballet se termine par une bacchanale et un grouppe général qui peint tout à la fois les charmes de l’Amour et les plaisirs de Bacchus.