Robinet, lettre du 7 juillet 1668
NOS COMIQUES ITALIENS,
Les plus admirables Chrétiens
Qui paraissent sur le Théâtre,
Si que chacun les idolâtre,
Nous régalent, pour le présent,
D’un Sujet, certe, archi-plaisant,95
Je le puis dire sans contrôle,96
Et même où chacun fait son Rôle,
Sans nul doute, admirablement.
Ah ! que j’aime le Testament
Que dict l’ARLEQUIN malade,
Cet Acteur qui n’a rien de fade,
Et son grotesque Playdoyer,
Où nous l’entendons foudroyer
Le DOCTEUR qui, par l’ÉMÉTIQUE,
A fait faire une fin tragique
À SCARAMOUCHE, qui, mourant
Et sur le Théâtre expirant,
Fait aussi rire à gorge pleine !
Qu’OLARIA, Magicienne,
Qui provoque à venger sa mort,
Par ses manières me plaît fort,
Et que très volontiers mes Carmes
Préconisent ici ses charmes !
Que TRIVELIN, pareillement,
Me fait de bien à tout moment
Et, par sa belle humeur, dilate
Mon cœur, et mon foie et ma rate !
Et que le reste des Acteurs,
De Chagrins autant d’Enchanteurs,
Me ravissent dans cette Pièce ;
Où chacun se croit à Liesse !
Mais que dire de leurs Ballets,
Si bien concertés, si follets,
Et de leurs Danseurs admirables
Dont plusieurs sont incomparables ?
Que dire de leurs grands Concerts,
Où l’on reconnaît des EXPERTS
Les Nouveautés et les Merveilles
Dignes des Royales Oreilles ?
Que dire encor des Ornements,
De tous les riches Changements
Par qui la Scène est si brillante,
Et si superbe, et si riante,
En un mot, du pompeux Tombeau
De leur Scaramouche nouveau ?
Ah ! sans que la Colle je fiche,
Je ne puis dedans cette Affiche,
Non plus qu’eux dedans leur Placard,
Vous en mettre même le Quart.