(1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1663 — 8 janvier : Ballet des Arts — La Muse Historique de Loret — Loret, lettre du 20 janvier 1663 »
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(1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1663 — 8 janvier : Ballet des Arts — La Muse Historique de Loret — Loret, lettre du 20 janvier 1663 »

Loret, lettre du 20 janvier 1663

Moi, votre très humble Valet,
Fus, Lundi dernier, au Ballet,
Au Ballet des Arts, c’est-à-dire,
Le Ballet du Roi notre Sire,
Qui sous son Règne glorieux,
Dans Paris et maints autres lieux,
Fait refleurir par excellence,
Les Arts, les Lettres, et la Science :
Mais pour parler sincèrement
De ce beau divertissement,
Il était rempli de merveilles
Pour les yeux et pour les oreilles,
Il me parut digne des Dieux,
Et jamais on ne dansa mieux ;
Outre la parfaite harmonie
D’une admirable symphonie,
Dont Baptiste, esprit transcendant,
Était Chef et Surintendant,
Quatre Filles, qui sont de celles
Qu’on admire pour Chanterelles,
Firent alternativement
Goûter un doux contentement
Par leurs voix claires et sereines,
Plutôt Angéliques qu’humaines,
Et dont, par curiosité,
Tu peux voir les noms à côté.
Je ne parlerai point du reste
De ce Ballet pompeux et leste ;
On en a fait un Imprimé,
Où tout est si bien exprimé,
Qu’aux Curieux il peut suffire,
Et qu’on doit acheter et lire :
Mais je désire, en ce moment,
Dire deux mots, tant seulement,
De cinq admirables Personnes,
De cinq adorables Mignonnes,
Qui dans cet illustre Ballet
Jouèrent si bien leur Rollet
De Bergères et d’Amazones,
Que je crois que sous les cinq Zones,
Et partout où luit le Soleil,
Il ne se voit rien de pareil
Madame en était la première,
Qui paraissait toute lumière,
Tant par ses habits précieux
Que par l’éclat de ses beaux yeux ;
On ne pouvait, sans allégresse,
Voir danser icelle Princesse,
Et rien n’égalait les appas
De sa grâce et de ses beaux pas :
C’est ce qu’on ne lui peut débattre ;
Voici les noms des autres quatre.
La Pucelle de Saint-Simon,
Fille d’un Duc, de grand renom,
Et d’une Mère fort charmante,
Fille, dont la beauté naissante,
Se rend digne, de jour en jour,
D’admiration et d’amour,
Fille, enfin, le rare modèle
D’une âme si noble et si belle,
Qu’on peut nommer l’âme et le corps,
Deux incomparables trésors.
Mortemar, cet Ange visible
Qui toucherait le moins sensible,
Qu’on ne peut voir sans soupirer,
Ni, mêmement, sans l’adorer,
À qui tout cœur doit rendre hommage,
Et dont l’angélique visage,
Fait, sans cesse, des amoureux,
Mais n’en fera qu’un seul heureux.
L’agréable de la Vallière,
Qui d’une excellente manière,
Et d’un air plus divin qu’humain,
Dansa la Houlette à la main,
Puis après, changeant de cadence,
En Amazone, avec la lance,
Ayant le port et la fierté
D’une Belle de qualité.
Cévigny, pour qui l’Assemblée
Était de merveille comblée,
Chacun paraissant enchanté
De sa danse et de sa beauté ;
Fille jeune, Fille brillante,
Fille de mine ravissante,
Et dont les jolis agréments
Charment les cœurs à tous moments.
Voilà ce que j’avais à dire
Dudit Ballet de notre Sire,
Que je prétends bien de revoir,
S’il plaît à Dieu, Lundi, le soir,
Pour lorgner encor la Personne
De ce Brave Porte-Couronne,
Dont la grâce et l’agilité,
Le port, la taille et majesté
Sont autant d’objets qui ravissent,
Et ses bons sujets réjouissent ;
Bref, qui mieux qu’on ne peut penser,
Se connaît des mieux à danser,
Soit par haut, ou soit, terre à terre,
Aussi bien qu’à faire la guerre.