(1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1661 — 19 février : Ballet de l’Impatience — La Muse Historique de Loret — Loret, lettre du 26 février 1661 »
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(1671) Témoignages des gazettes en vers sur les spectacles dansés entre 1660 et 1671 «  1661 — 19 février : Ballet de l’Impatience — La Muse Historique de Loret — Loret, lettre du 26 février 1661 »

Loret, lettre du 26 février 1661

Malgré la dur[e]té qu’accompagne,
Un certain Breton de Bretagne,
Officier moderne du Roi,
Ce me semble, nommé Taloi,
Qui par caprice, ou par grimace,
M’obligea de changer de place,
Et tout plein d’autres Gens d’honneur,
Qu’il irrita, le bon Seigneur ;
En dépit, donc, de l’incartade
D’icelui, sujet à boutade,
Plus ravi qu’on ne peut penser,
Mardi dernier, je vis danser,
Dans toute sa magnificence,
Le Ballet de l’Impatience,
Qui me parut, en bonne foi,
Digne d’un illustre et Grand Roi :
Ses seize admirables Entrées
Par moi, de près considérées,
(Car, nonobstant ledit Breton,
J’étais placé comme un Caton)
Que, sans mentir, on trouva telles
Qu’un chacun les jugea très belles.
Ce fut le Roi qui commença,
Et si parfaitement dansa,
Qu’il ravissait les yeux, sans cesse,
Par ses pas et sa noble adresse ;
Dont Thérèse, qui le voyait,
Et qui ses louanges oyait,
Donnait, par ses yeux, mainte marque
Combien elle aimait ce Monarque.
Plusieurs, de haute qualité,
Dansant avec sa Majesté,
Le plus qu’ils purent, l’imitèrent,
Et qui plus, qui moins, excellèrent
Avec d’autres Danseurs mêlés,
Tous choisis et tous signalés.
La Belle Giraud11, dont la taille
Agrée en quelque part qu’elle aille,
Et l’aimable De la Faveur,
Pour qui je sens quelque ferveur,
Firent si bien ce qu’elles firent,
Que bien des cœurs elles ravirent.
Des Danseurs, quoi que la plupart
Dans mon cœur aient quelque part,
Par prudence, ou philosophie,
Aucun d’eux je ne spécifie,
Les oubliés seraient jaloux,
Et je ne puis les nommer tous :
Car leur nombre (que je ne mente)
Passe quarante, ou, du moins, trente ;
Cela fait que je m’en tairai,
Et d’eux, seulement, je dirai
Que tous ces Danseurs d’importance
Sont la Fleur des Danseurs de France ;
Et jusques au petit Dupin,
Pas guères plus grand qu’un Lapin,
Il contrefit (foi de Poète)
Si naïvement la Chouette,
En battant de l’aile et dansant,
Qu’on peut de lui, dire en passant,
Qu’il fit presque pâmer de rire
Toute la Cour de notre Sire.
Si les Danseurs firent des mieux
Pour plaire à tout plein de beaux yeux,
Les instruments pour les oreilles
Ne firent pas moins de merveilles ;
Les huit Récits furent fort beaux,
Animés par des airs nouveaux,
Et par des voix incomparables
De divers Chantres admirables
Qui firent d’excellents débuts,
Tant les barbus, que non barbus.
Mais, surtout, les trois Chanteresses,
Ou, plutôt, trois Enchanteresses,
Charmèrent par leurs doux accords
Tous ceux qui les oyaient, alors.
Anna, l’agréable Segnore,12
Qu’en secret, dans mon coeur, j’honore,
Joua dans ce Royal Ballet
Excellemment bien son Rollet.
La Barre, qui comble de joie,
Soit qu’on l’écoute, ou qu’on la voie,
Avait un air noble et touchant
Dans son visage et dans son chant.
Et cette inimitable Hilaire,
Qu’autre part on nomme Élisaire,
Fit bien voir là, que son talent
En cet Art, est très excellent.
Bouti, dont l’âme est si polie,
Originaire d’Italie,
Dudit Ballet est l’inventeur.
Hesselin en est Conducteur,
Hesselin, Homme de remarque,
Et qui des plaisirs du Monarque,
Qu’il sert avec un cœur ardent,
Est l’unique Surintendant :
Et le renommé Sieur Baptiste,
Qu’on dit n’être plus grand juriste,
A, sur tout plein de tons divers,
Composé presque tous les airs :
Toutefois, je me persuade,
Sans que d’honneur, je le dégrade,
Que Beauchamp, Danseur sans égal,
Et Dolivet, le jovial,
En leur méthode, inimitables,
Estimés tels des plus capables,
Bref, Gens qui ne sont pas communs,
En ont, aussi, fait quelques-uns.
Mais trêve de Ballets, de Danses,
Et d’autres telles circonstances,
Dont je ne dirai bien, ni mal,
Jusques en l’autre Carnaval,
Où Taloi, cet Homme si rogue,
N’aura peut-être, plus de vogue.