Loret, lettre du 24 juillet 1660
Une grande Troupe, ou Famille
De Comédiens de Castille
Se sont établis dans Paris,
Séjour des jeux, danses et ris.
Pour considérer leur manière,
J’allai voir leur Pièce première,
Donnant à leur Portier, tout Franc,
La somme d’un bel écu blanc.
Je n’entendis point leurs paroles ;
Mais tant Espagnols, qu’Espagnoles,
Tant comiques, que sérieux,
Firent, chacun, tout de leur mieux,
Et, quelques-uns, par excellence,
À juger selon l’apparence.
Ils chantent, ils dansent Ballets,
Tantôt graves, tantôt follets ;
Leurs femmes ne sont pas fort belles,
Mais paraissent spirituelles,
Leurs sarabandes et leurs pas
Ont de la grâce et des appâts,
Comme nouveau ils divertissent,
Et de leurs castagnettes ravissent :
Enfin, je puisse être cocu,
Si je leur plaignis mon écu ;
Et je crois que tout honnête Homme
Leur doit porter pareille somme
Pour subvenir à leur besoin,
Puisqu’il sont venus, de si loin,
Avecque Comédie et danse,
Donner du plaisir à la France.