(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — La mort d’agamemnon. ballet tragique. en cinq actes.  » pp. 141-169
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(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome IV [graphies originales] « [Programmes de ballets] — La mort d’agamemnon. ballet tragique. en cinq actes.  » pp. 141-169

La mort d’agamemnon.
ballet tragique.
en cinq actes.

Reflexions justificatives

sur le choix et l’ordonnance du sujet.

Quelques personnes seront sans doute étonnées, qu’ayant pris la mort d’Agamemnon pour le sujet d’un ballet, je ne me sois pas renfermé dans cette catastrophe ; elles blameront la hardiesse que j’ai eu d’y joindre la vengeance d’Oreste et de terminer ce spectacle par la mort de Clytemnestre et d’Egisthe, par le desespoir et le fureurs d’Oreste.

Peut-être me reprocheront-elles encore d’avoir rapproché deux évenemens, dans le vrai peu éloigné mais qu’elles affecteront d’éloigner encore : elles crieront à l’anathême, elles diront que sans respect pour les Anciens, j’ai secoué hardiment les règles dont ils ont fait la base de ces immortels chefs-d’œuvres, que toutes les nations ont constamment pris pour leurs modèles. Qui sait si elles n’ajouteront pas même que c’est moins licence de ma part, que defaut de connoissances, et que je n’ai lu ni Eschyle, ni Sophocle, ni Euripide, ni Séneque.

Il n’est pas douteux que la mort d’Agamemnon, la vengeance d’Oreste, ses fureurs, ne fournissent les sujets de trois Drames ; tous les trois ont été traités par les Auteurs Anciens, et après eux par les Modernes ; ceux-ci n’ont pas cru devoir imiter servilement leurs prédécesseurs ; ils ont retranché des personnages, ils en ont substitué d’autres ; ils ont supprimé les chœurs ; chacun d’eux enfin s’est laissé entrainer à l’impulsion de son génie, à son imagination, et ils ont, pour ainsi dire, habillé les drames anciens au goût du siècle pour le quel ils écrivoient

Mais il suffit de dire, sans entrer dans tous ces détails qu’un ballet n’est pas un drame, qu’une production de ce genre ne peut se subordonner aux regles étroites d’Aristote. J’ajoute encore qu’il est impossible à la danse de dialoguer tranquillement ; que tout ce qui tient au raisonnement froid ne peut être exprimé par elle ; qu’il faut dans un ballet beaucoup de spectacle et d’action pour suppléer à la parole, beaucoup de passions et de sentimens ; et qu’il faut que ces sentimens et ces passions soient vivement exprimés, pour produire de grands effets, c’est toujours en grand que la pantomime doit peindre ; elle doit employer les couleurs les plus fortes et les traits les plus hardis, parce que toutes les demi-teintes ne répandent qu’un vague obscur et indécis sur le caractère de telle ou telle passion, et sur l’action de la pantomime qui, dans ce cas, est toujours froide et indéterminée ; les passions ont d’ailleurs tant d’analogie entre elles qne le plus grand nombre se ressembleroient, si l’on négligeoit de les caractériser par des traits particuliers qui empêchent les spectateurs de les prendre l’une pour l’autre.

Le choix des mots, la tournure des pensées, la belle élocution, les sentences, les portraits, les récits, les monologues raisonnés, le dialogue ; voilà ce qui est réservé au drame ; il faut donc que le maître de ballets, privé de tous ces secours, sache s’en passer ; qu’il ait l’art de les remplacer par des scenes de situation, par des tableaux frappans, par des coups de théatre bien préparés, mais toujours inattendus, par une action vive, par des grouppes bien dessinés et artistement contrastés, par la pompe du spectacle et par un costume vraisemblable ; telles sont les règles de mon art ; celles du drame sont chargées d’entraves ; loin de m’y assujettir, je dois en éviter de nouvelles, et me mettre au dessus de celles qui n’ont jamais été crées pour la danse. Ces règles qui rétrécissent l’imagination, les auteurs modernes les secoüent journellement ; le célèbre Shakespéar, ce génie brillant de la scène Anglaise, les laissa toujours derrière lui.

J’ai donc rapproché les évenemens dans mon ballet, parce qu’il falloit absolument le faire, et je n’aurai rien à me reprocher, si les tableaux que je présenterai, peuvent affecter l’ame du spectateur, et lui faire successivement éprouver tous les sentimens que je m’efforce de peindre.

Après avoir prouvé qu’un ballet pantomime n’est ni ne peut être un drame, j’ose croire que, s’il peut être comparé à quelque genre de poésie, ce n’est qu’au poëme ; mais il a une analogie bien plus parfaite avec la peinture : celle-ci est une pantomine fixe et tranquille ; celui-là est une pantomime vivante ; l’une parle, inspire et touche par une imitation parfaite de la nature, l’autre séduit et intéresse par l’expression vraie de la nature elle-même. La peinture a des règles de proportion, de contraste, de position, d’opposition, de distribution, d’harmonie ; la danse a les mêmes principes. Ce qui fait tableau en peinture, fait tableau en danse : l’effet de ces deux arts est égal, tous deux ont le même but à remplir, ils doivent parler au cœur par les yeux ; l’un et l’autre sont privés de la parole ; l’expression des têtes, l’action des bras, les positions mâles et hardies, voilà ce qui parle en danse comme en peinture ; tout ce qui est adopté par la danse peut former des tableaux, et tout ce qui fait tableau dans la peinture peut servir

de modèle à la danse, de même que tout ce qui est rejetté par le peintre doit l’être par le maître de ballets.

Revenons à présent aux reproches qu’on pourra me faire d’avoir réuni deux actions, ou d’avoir rapproché deux événemens qui au fond, ne sont pas trop éloignés, mais qui n’en fourniront pas moins à la critique, (qui grossit tout) l’occasion de m’accuser d’un Anachronisme aussi hardi que celui de Virgile, qui, sans s’inquiéter, de ce qu’on en diroit, a réuni Enée et Didon, quoiqu’il y eût entre eux un intervalle de trois cents ans.

Je n’ai pas prétendu imiter simplement l’Agamemnon des Grecs, j’y ai joint encore l’Electre et une partie des Euménides, pour former un ensemble qui pût fournir à l’action, et au mouvement rapide et précis qu’exigent les scènes pantomimes. La mort d’Agamemnon ne m’eût donné qu’un tableau, qui seroit devenu d’autant plus révoltant que le crime seroit resté impuni ; j’eûsse été privé de tous les contrastes qui naissent de la diversité des personnages, relativement aux intérêts particuliers qui les divisent, et les font agir différemment. La licence que je me suis permis, me fait gagner du coté de l’intérêt et des situations, ce que j’aurois perdu par une exactitude scrupuleuse. Je multiplie les incidens et les coups de théâtre, j’accumule les tableaux et la pompe, et je me sers du corps de ballet comme les anciens de leurs chœurs ; j’ai préféré la richesse à l’extrême régularité, et mon sujet est conduit de façon, que si je substituois des noms supposés à ceux de mes acteurs, on ne pourroit rien me reprocher, mais j’ai cru que des noms célébres et si souvent chantés par les poètes feroient plus d’impression ; jai préféré enfin le vraisemblable qui pouvoit intéresser, à un vrai qui n’eût produit que des sensations foibles et une action tiède et dépourvue du degré de chaleur qu’exige une représentation pantomime.

Oreste, si j’en crois le sentiment particulier de quelques auteurs, étoit frere puiné d’Iphigénie ; cette Princesse fut conduite en Aulide pour être mariée, selon quelques-uns, et selon d’autres, pour y être sacrifiée. A partir de cette époque, on ne pourroit refuser vingt ans et plus à Oreste ; mais en rejettant cette idée pour suivre la plus commune, et par conséquent celle qui ne souffre aucune contestation ; Oreste étoit fort jeune lorsqu’Agamemnon fut unanimement choisi pour chef de l’armée des Grecs ; le siège de Troye a duré dix années ; si l’on ajoute le tems qui s’écoula pendant les disputes qui s’élevèrent entre les chefs de l’armée, celui du retard apporté à son départ par les vents contraires, et celui qu’employa Agamemnon, tant pour la joindre, que pour son retour à Mycènes, on se persuadera facilement que tout ce temps réuni à l’âge tendre qu’Oreste pouvoit avoir, formoit un laps de quinze années au moins ; or, cet age est bien plus que suffisant à un héros, pour immoler à sa vengeance l’assassin de son père et l’usurpateur de son trône.

Si toutes ces raisons paroissent trop foibles encore pour ma justification, j’y ajoute la nécessité qui m’a fait une loi de me conduire comme je l’ai fait ; personne n’étant censé connoître mieux qu’un artiste, la disette et la pénurie de son art ; je me flalte que le public éclairé me fera la grace de s’en rapporter à moi sur le peu de ressources que fournit celui de la danse.

Je ne dois pas être jugé par les mêmes loix qui condamneroient un auteur dramatique ; il n’est aucune règle écrite par un homme de l’art pour la poètique de la danse ; il n’en existe point. Je suis le premier, qui ait osé écrire et qui ait eu le courage de faire quitter les sabots, les guitarres, les Rateaux et les Viélles, pour faire chausser le cothurne à mes danseurs et leur faire représenter des actions nobles et héroïques.

Si l’on eût chargé un célébré peintre de tracer l’histoire de la mort d’Agamemnon et de la vengeance d’Oreste, l’arrivée triomphale de ce Prince à Mycènes eût caracterisé son premier tableau.

Sa mort et celle de Cassandre eussent formé le second. D’un côté, il auroit peint la douleur d’Electre et d’Iphise, embrassant le corps ensanglanté de leur père ; de l’autre, il eût fait éclater la joye barbare d’Egisthe et de Clytemnestre.

L’arrivée imprévue d’Oreste, sa reconnoissance avec Electre, l’indignation de ce Prince, lorsqu’il voit sa sœur dans les fers, sa colère et sa fureur, lorsqu’elle lui montre le poignard encore tout fumant du sang d’Agamemnon ; toutes ces situations qui déterminent les ressorts des grandes passions, eussent fourni plus de situations qu’il n’en faut pour la composition du troisième tableau.

Le quatrième eût représenté la mort de Clytemnestre et d’Egisthe. L’instant où Oreste lève le voile qui lui déroboit les traits de sa mère qu’il vient de poignarder involontairement ; cet instant où reculant avec horreur, il exprimeroit les regrets et le desespoir, qui peuvent déchirer une ame sensible, l’artiste ne l’eût pas manqué. Le peuple fuyant épouvanté, Iphise et Electre paroissant s’écrier : c’est ma mère ! des femmes grouppées dans les attitudes de la douleur, qui entoureroient Clytemnestre ; tout cela entreroit dans la distribution et dans l’ordonnance de sa composition.

Le dernier tableau offriroit le supplice d’Oreste effrayé par les Euménides, tourmenté par le Crime, le remords et le desespoir personnifiés, et déchiré enfin par le spectre ensanglanté de sa mère.

Ce peintre, en artiste habile, ne se fut pas arrêté à peindre de petites choses, ni toutes les circonstances froides et minutieuses qui accompagnent ordinairement la vie privée ; il eut, ainsi que moi, choisi tous les instans d’éclat et tous les momens où les grandes passions auroient été en mouvement ; ce sont elles qui fournissent les couleurs et les pinceaux, et qui, en faisant parler la toile, semblent encore faire mouvoir les personnages.

Il y a eu, j’en conviens et je finis par là, plus de hardiesse à traiter le sujet dont il s’agit, qu’à rapprocher un fils de la maison paternelle pour venger la mort de l’auteur de ses jours, et je sens toute la difficulté du succès. Il a fallu, en effet, que je renoncâsse au méchanique de la danse, pour faire briller la pantomime ; il faut que les danseurs parlent, qu’ils expriment leurs pensées par le secours des gestes et par les traits de la physionomie ; il faut que tous leurs mouvemens, que toute leur action, leur silence même, soient significatifs, éloquens, et adaptés avec précision aux traits caractérisés de la musique et à la mesure variée des airs. Je n’eûsse jamais osé entreprendre un ouvrage d’un genre aussi neuf, si les bontés du public et son indulgence ne m’avoient encouragé ; cette nouvelle entreprise est un tribut de ma reconnoissance ; puisse-je avoir réussi et mériter enfin avec justice les éloges, qu’il a daigné me prodiguer tant de fois avec complaisance.

Personnages.

Agamemnon, Roi de Mycènes.

Clytemnestre, epouse d’Agamemnon.

Egisthe, amant de Clytemnestre, usurpateur secret du trône de Mycènes.

Electre,

Iphise, } filles d’Agamemnon et de Clytemnestre.

Cassandre, fille de Priam, captive d’Agamemnon.

Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre.

Pylade, ami d’Oreste.

Un Messager.

Principaux officiers d’Agamemnon.

Dames du Palais.

Soldats Grecs.

Esclaves Troyens.

Peuples de Mycènes.

Le Grand Prêtre, des Sacrificateurs et des Enfant.

Les Euménides.

Le Crime, le Remords et le désespoir personnifiés.

L’ombre de Clytemnestre. ,

Les chœurs cachés.

Acte premier.
Le théâtre représente une partie des jardins de Mycènes.

Scène i.

Egisthe et Clytemnestre paroissent ; ils se livrent à l’idée de leur commun bonheur ; ils n’attendent qu’une circonstance heureuse pour faire éclater les sentimens qui unissent leurs cœurs, mais cette circonstance trop éloignée, et fort incertaine encore, pénètre l’ame de Clytemnestre de la plus vive inquiétude ; un songe funeste lui a peint les plus affreux présages. Egisthe, non moins inquiet que la Reine, se jette à ses pieds, et, en lui jurant un amour et une reconnoissance éternelle, il lui promet que son bras saura la délivrer de tous les objets qui pourroient s’opposer à leur mutuelle félicité.

Scène ii.

Dans ce moment un bruit éloigné de timbales et de trompettes se fait entendre, et jette Egisthe et Clytemnestre dans le plus grand effroi : Egisthe se relève avec autant de précipitation que de crainte.

Scène iii.

Un Messager envoyé par Agamemnon se prosterne aux pieds de la Reine, et lui remet une lettre de la part de ce Prince. Clytemnestre la prend d’un main tremblante, et de l’autre, lui fait signe de se relever. Le Messager se retire vers le fond du théâtre.

La crainte s’empare du cœur de Clytemnestre ; une sueur froide imprime sur ses traits une pâleur mortelle ; elle ne peut se déterminer à lire ce fatal billet. Voulant dérober à tous les yeux sa situation et son trouble, elle ordonne au Messager de se retirer, et par l’effort violent qu’elle fait sur elle-même, elle lui sourit agréablement, et lui fait entendre que son message va mettre fin à ses douleurs et à ses infortunes.

Scène IV.

Clytemnestre et Egisthe se rapprochent : Clytemnestre lui montre en frémissant l’écrit fatal ; elle hésite, et l’ouvre avec un mouvement qui peint l’agi-tation de son ame.

Ils s’enhardissent, et en font la lecture ; chaque phrase les glace d’effroi ; celle qui annonce qu’Agamemnon suit les pas du Messager, porte au cœur de Clytemnestre le coup le plus accablant. Egisthe partage les mêmes sentimens, et ils ne sortent de cette situation que pour se livrer au désespoir. Egisthe veut poignarder Agamemnon ; Clytemnestre recule épouvantée ; Egisthe veut fuir, se donner la mort ; la Reine tremble, s’oppose à sa fuite à ses transports, et, pour le conserver, paroît consentir à son dessein cruel. Un instant après son cœur dément ce qu’elle vient d’avouer ; elle se reproche sa barbarie, elle est effrayée de l’énormité d’nn tel crime. Egisthe qui n’a de ressource que dans la fuite ou dans la trahison, s’irrite, s’emporte, menace ; son bras accoutumé au meurtre, sa main exercée au Parricide, ne cherche que de nouvelles victimes, Clytetmnestre, qui dans un instant aussi fatal, ne sait à quoi se résoudre, cède et s’unit au projet d’Egisthe. Ils sorteut l’un et l’autre avec cette agitation qui exprime la fureur, le remords, et le désespoir.

Acte II.

La décoration représente une magnifique colonnade du palais de Mycènes, à travers la quelle on voit une porte triomphale et la principale place de la ville.

La colonnade est ornée de tous les trophées que les Rois d’Argos et de Mycènes ont enlevés dans les différentes victoires qu’ils ont remportées sur leurs ennemis.

Scène i.

Une foule innombrable de peuple s’assemble sur la place, pour voir son Roi, qui, après douze ans d’absence, rentre dans ses états couvert de gloire et en triomphateur. Déjà le son des trompettes, des timbales et des autres instrumens consacrés à la guerre fait retentir les airs ; des soldats Grecs, marchant en ordre, ouvrent cette entrée triomphale ; ils portent les trophées de la victoire : d’autres sont chargés des trésors et des dépouilles des vaincus ; plusieurs captifs Troyens paroissent dans les fers ; les plus distingués sont enchaînés au char du vainqueur. Les principaux officiers d’Agamemmon portent les riches présens destinés à la Reine et à ses enfans. Ce Prince est dans son char ; Cassandre, .Princesse Troyenne et fille de Priam est placée à sa gauche ; le peuple de Mycènes suit ce char, en jettant des cris d’allégresse et et portant des couronnes de laurier, tandis qu’une autre partie s’empresse à parsemer de fleurs les chemins par les quels Agamemnon doit passer,

Scène ii.

Ce Prince, en descendant de son char, est reçu par sa famille et par tout ce qui compose sa cour ; il embrasse Clytemnestre et se jette dans les bras d’Electre et d’Iphise ; le perfide Egisthe tombe à ses genoux et le peuple transporté d’allégresse s’empresse de témoigner au vainqueur de Troye son admiration et son respect. Mais ce Prince ne voyant point l’objet le plus cher à son cœur, cherche Oreste dans tout ce qui l’environne et le demande avec l’empressement de l’amour paternel. Electre baisse les yeux et garde le silence ; Clytemnestre d’abord embarrassée assure Agamemnon qu’il le verra incessamment, et, pour éluder une nouvelle question, elle vole vers Cassandre ; elle détache ses fers et l’embrasse, mais elle exprime en s’éloignant d’elle la haine la plus implacable. Cette Reine et Egisthe saisissent tous les in-*stans, où ils ne sont pas appercus, pour faire éclater les sentimens cruels qui les agitent.

Agamemnon qui partage la félicité de sa famille et la joye de son peuple, ordonne à ses guerriers de commercer des fêtes ; il ne dédaigne point de s’y associer et engage sa famille à les embellir.

Scène iii.

Cette fête générale est interrompue pendant quelques instans par un pas en action entre Agamemnon, Clytenmestre, Egisthe, Electre, Iphise et Cassandre ; cette scène dialoguée, en développant le caractère et les passions de chaque personnage, sert encore au nœud de l’action. Agamemnon prodigue les plus tendres caresses à Iphise et à Electre ; ces Princesses au comble du bonheur ne peuvent se détacher des bras de leur père. Electre, qui connoît la cruauté de sa mère, la barbarie et l’ambition d’Egisthe, frémit d’inquiétude et de crainte. Cassandre, en exprimant sa douleur, lit dans l’âme d’Egisthe et de Clytemnestre le projet barbare que la haine y a gravé. Egisthe et Clytemnestre en embrassant Agamemnon, employent tous les détours de la politique, pour lui montrer combien ils sont charmés de son retour ; mais, leur haine les trahissant à chaque instant, en fait découvrir les traces.

La fête recommence, et après plusieurs pas adaptés au sujet et au caractère mâle et héroïque de ce genre, elle se termine par un pas de progression dont la dernière figure offre un grouppe pyramidal orné de tous les trophées de la victoire, propres à caractériser la pompe et la majesté qui règnoient dans les entrées et les fêtes triomphales des anciens.

Acte III.

La décoration représente un salon : deux grandes croisées ouvertes ont vue sur la terrasse et les jardins du palais. La porte est placée au milieu de ces deux croisées ; des colonnes ou pilastres separent ces trois ouvertures et forment un avant-corps assez saillant pour se dérober aux regards des personnes qui sont dans ce salon.

Scène i.

Clytemnestre, dont la vue de Cassandre a redoublé la haîne, paroît avec Egisthe ; elle lui offre d’une main sa couronne, et de l’autre un poignard avec la condition qu’il tranchera tout à la fois les jours de son époux et ceux de la fille de Priam. Elle veut armer les mains d’Egisthe du fer homicide : celui-ci, quoiqu’accoutumé au meurtre, voyant de plus près l’instant de le commettre, n’en reçoit la proposition de la Reine qu’avec effroi ; mais les emportemens de Clytemnestre, ses reproches, ses menaces et l’éclat du trône le déterminent. Il lui promet de lui obéir, et il lui jure que son bras la délivrera bientôt de deux objets qui lui sont odieux.

Pendant cette scène, les jeunes Princesses, qui se sont arrêtées à l’une des croisées, ont été témoins du complot, et en ont pénétré l’horrible mystère : elles s’éloignent rapidement pour porter à leur père ce funeste avis.

Scène ii.

Clytemnestre sort en peignant tout à la fois son impatience, son inquiétude et le trouble qui l’agite.

Scène iii.

Egisthe seul s’abandonne à ses réflexions ; l’idée du double crime qu’il s’est engagé de commettre, porte à son cœur le cri du remords ; tantôt il envisage le bonheur et les grandeurs qui l’attendent ; tantôt il voit le bras de la vengeance armé pour le punir : le fer est prêt à tomber de ses mains. Dans ce moment, un bruit soudain frappe ses oreilles, et porte à son cœur déchiré un nouvel effroi ; il fuit et se dérobe à l’aide des colonnes.

Scène iv.

Agamemnon et Cassandre entrent dans le salon de la Reine, sans appercevoir Egisthe. Cassandre, frappée d’un pressentiment funeste, ne peut s’empêcher de frémir sur le sort qui l’attend, et sur celui dont elle voit qu’Agamemnon est menacé. Ce Prince fait des efforts inutiles pour éloigner des présages aussi tristes ; mais Cassandre, qui a l’art de lire dans l’avenir, voit le palais ensanglanté ; elle y voit les Euménides accompagnées de la haine, de la vengeance et du Crime ; la mort suit cette troupe infernale. Elle est prête à frapper. Tels sont les tableaux effrayans que cette Princesse découvre en reculant d’horreur, et aux quels Agamemnon ne peut croire.

Pendant cette scène, Egisthe, que les colonnes dérobent aux regards des autres personnages, est indécis sur le choix de la première victime ; il semble que la crainte et le remords retiennent son bras et balancent dans son cœur le crime et la fureur.

Scène v.

C’est dans ce moment de trouble et d’irrésolution que Clytemnestre paroît ; on diroit à son action, qu’elle est accompagnée par les furies ; elle reproche à Egisthe sa foiblesse, son peu d’empressement à la servir et son parjure ; elle veut lui arracher le fer dont elle a armé son bras, pour s’en servir contre Agamemnon ; Egisthe ne pouvant plus supporter ses reproches, ses menaces et ses emportemens s’élance comme un furieux, et porte ses premiers coups sur Agamemnon ; il vole ensuite vers Cassandre, qui, dévouée à la mort, marche au devant de lui ; sa fermeté et son courage arrêtent le bras d’Egisthe, mais Clytemnestre, qui lui crie ; frappe, achève ! ranime toute sa barbarie ; il plonge le poignard dans le sein de Cassandre. Clytemnestre goûte alors l’horrible plaisir de la vengeance plainement assouvie. Egisthe jette le poignard aux pieds de Cassandre. Les meurtriers se retirent, et, quoique s’applaudissant de leurs forfaits, ils expriment cependant dans leur action le trouble qui suit les grandes crimes.

Scène vi.

Electre et Iphise , qui ont vainement cherhé leur père dans le palais ; ardentes à le sauver, courent précipitamment, en continuant leur recherche. A la vue de Cassandre assassinée et de leur père mourant, elles jettent des cris de désespoir ; elles se précipitent sur le corps ensanglanté d’Agamemnon, en exprimant ce que le regret et la douleur ont de plus déchirant.

Agamemnon leur tend des bras mourans, il reçoit leurs soupirs et leurs larmes. Electre furieuse se relève livrée aux transports du désespoir, puis elle revient aux pieds d’Agamemnon, que la jeune Iphise n’a point cessé d’arroser de ses larmes.

Scène vii.

Les cris d’Eleclre ont attiré les Dames et les Officiers du Palais, déjà prévenus par l’epouvante qu’Electre a semée. Elle leur montre leur Roi assassiné, respirant à peine, et Cassandre privée de la lumière. A ce double spectacle d’horreur les Officiers volent au secours de leur Roi, et les femmes se grouppent autour de Cassandre.

Scène viii.

Egisthe et Clytemnestre ajoutent à la noirceur de leur forfait : ils paraissent avec l’empressement de l’amitié ; ils affectent une douleur et une pitié que leurs yeux et leur physionomie démentent ; ils se jettent aux pieds d’Agamemnon ; ce Prince rejette ces perfides témoignages avec un dédain et une horreur qui avancent ses derniers momens. Clytemnestre et Egisthe mettent le comble à leur crime, en accusant Cassandre du meurtre d’Agamemnon ; le poignard qui est à ses pieds, leur paraissant un indice propre à les justifier, et à détourner les soupçons, Clytemnestre s’en saisit, le montre aux Officiers, accuse Cassandre, et est prête à les persuader par cette imposture. Agamemnon faisant un dernier effort se relève, justifie Cassandre, et déclare qu’Egisthe et Clytemnestre sont ses assassins ; puis se retournant vers ses enfans il les embrasse et meurt. Electre est partagée entre là fureur, le désespoir et la vengeance.

Pendant la scène précédente où Clytemnestre et Egisthe paroîssent déplorer leur infortune, Electre les regardoit avec les yeux de l’indignation, du mépris et de la colère ; mais dans le moment qu’Agamemnon les accuse et confirme cette affreuse vérité, elle se livre à tous les sentimens qui l’agitent, elle éclate en reproches, elle menace, elle insulte, elle jure à Egisthe que son bras saura venger la mort de son père, punir un lâche assassin et un infâme usurpateur. Clytemnestre et Egisthe anéantis par l’accusation publique d’Agamemnon, se retirent en exprimant tout à la fois la honte et la rage qu’imprime dans l’ame et sur la physionomie l’horreur d’un crime découvert.

Scène ix.

Electre vole aux pieds de son père, lui parle, le serre dans ses bras, mais le trouvant glacé et couvert du voile éternel de la mort, elle recule épouvantée et se livre aux transports d’une affliction vive et fortement sentie. Iphise mêle ses pleurs aux larmes de sa sœur ; elles se jettent encore sur le corps d’Agamemnon qui n’existe plus : les Officiers l’emportent ; les femmes du Palais enlévent Cassandre. Electre et Iphise suivent le corps d’Agamemnon en fondant en larmes, et en exprimant tout ce que la douleur a de plus amer et de plus véhément.

Acte IV.
La décoration représente un salon faisant partie des appartemens d’Electre et d’Iphise.

Scène i.

Ces Princesses paroissent ; elles sont couvertes de Deuil, ainsi que les femmes de leur suite. Electre et Iphise expriment la situation de leurs ames. Le chœur, à l’imitation des anciens, joint ses larmes à leurs sanglots. Electre, à la vue du poignard encore tout fumant du sang d’Agamemnon, frémit et exhale sa fureur, puis elle retombe dans sa première tristesse ; Iphise et les femmes font de vains efforts pour la consoler.

Scène ii.

Clytemnestre, éffrayée de son crime et persécutée par les remords, cherche vainement des secours capables de la consoler ; elle accourt vers Electre, elle implore sa pitié, elle cherche à s’excuser ; mais Electre, loin de se laisser toucher, la fuit avec horreur, lui jure de venger la mort de son père et s’abandonne à toute sa fureur. Iphise se jette aux pieds de Clytemnestre, qui, offensée des menaces d’Electre, se livre à son ressentiment ; elle supplie cette mère irritée de pardonner à la douleur et au désespoir de sa sœur ; mais cette Reine qui craint tout de la vengeance d’Electre, sort en la menaçant, et en lui faisant entendre qu’elle la fera promptement repentir de son insolence.

Scène iii.

Electre furieuse et hors d’elle-même, fait peu d’attention aux menaces de la Reine.

Une de ses femmes lui annonce l’arrivée de deux étrangers qui veulent se mettre à ses pieds et qui ont quelques secrets de la dernière importance à lui communiquer ; elle consent à les recevoir, et frappée d’un pressentiment heureux elle se livre à la douceur de penser qu’elle aura quelques nouvelles d’Oreste.

Scène iv.

Les etrangers sont intrnduits. Oreste, pour ménager à sa sœur une reconnoissance qui pourroit lui causer une émotion trop vive, se jette a ses pieds et lui présente une lettre. Electre la prend, mais en fixant ses regards sur les traits du jeune étranger, elle y reconnoît tous ceux de son frère ; elle tréssaille de joie, elle recule, elle avance, elle lui tend les bras ; le plaisir l’empêche de voler à lui ; l’excès d’un bonheur aussi vif et aussi inattendu semble anéantir toutes ses facultés. Oreste se relève, éprouve la même émotion, les mêmes sentimens, et se jette dans les bras de sa sœur ; il lui présente son ami fidèle ; et Electre lui montre sa sœur Iphise qui étoit au Berceau lorsqu’il quitta Mycènes ; il l’embrasse tendrement et remercie de ciel du bonheur qu’il lui accorde.

Electre, craignant que cette félicité ne lui soit ravie, et que son vengeur ne devienne la troisième victime de la fureur d’Egisthe, prie sa sœur et engage ses femmes à veiller à la conservation d’un objet si cher à son cœur ; elles se dispersent pour garder les différens passages qui aboutissent à son appartement, afin qu’elle ne soit point surprise par les ennemis de sa famille.

Scène v.

Oreste, qui voit ses sœurs et leurs femmes en deuil, demande à Electre la cause d’un appareil aussi lugubre ; elle vent parler ; les pleurs et les sanglots étouffent sa voix. Oreste, frappé du plus affreux préssentiment, la presse et exige qu’elle s’explique. Electre tout en larmes lui montre le poignard teint du sang d’Agamemnon, et lui dit que c’est le fer dont le cruel Egisthe s’est servi pour percer le cœur de leur père. A ce recit Oreste frémit d’épouvante et de rage ; il se jette dans les bras de Pylade, puis courant dans les bras de sa sœur, il se saisit du poignard, et veut aller chercher Egisthe pour le percer de mille coups. Sa sœur et Pylade l’arrêtent.

Scène vi.

Dans ce moment, la jeune Iphise et les femmes accourent succéssivement ; elles annoncent en tremblant, l’arrivée du Tyran, A cette nouvelle, Oreste veut l’attendre et lui donner la mort ; mais ses sœurs suspendent un instant sa vengeance et le déterminent à se soustraire aux yeux d’Egisthe. Electre confie la garde de son frère à l’amitié de Pylade, et aux soins vigilans de ses femmes.

Scène vii.

Egisthe entre ; les plaintes amères que la Reine vient de lui porter, ont excité sa colère ; il est suivi des principaux Officiers du Palais. A son aspect, toute : la fureur d’Electre semble renaître ; elle le traite avec mépris, elle l’accable de reproches ; le Tyran, indigné ordonne qu’on la charge de fers. A la vue des chaînes, Electre frémit de rage ; elle les reçoit avec une tranquillité dédaigneuse, puis s’approchant du Tyran avec un air furieux, elle lui dit que ces fers honteux n’arrêteront point son bras, et qu’elle saura le punir de tous ses forfaits. La jeune Iphise, craignant tout des emportemens de sa sœur, et du ressentiment d’Egisthe, tombe a ses genoux pour le calmer, mais Electre, appercevant sa sœur dans cette posture humiliante, recule d’indignation ; vole et l’arrache d’une situation ; qui avilit la fille d’Agamemnon, en disant au Tyran que c’est à lui à tomber à leurs pieds. Egisthe, outré de colère et frappé des menaces terribles d’Electre, sort avec précipitation, en ordonnant aux Officiers de lui repondre d’elle ; Iphise suit les pas d’Egisthe pour tacher de le fléchir.

Scène viii.

Electre, à la vue de ses fers, exprime son désespoir ; elle a cependant l’art de se servir de cet état humiliant, pour captiver le cœur de tous les Officiers, à la garde des quels elle est confiée ; elle leur montre ses chaînes, elle les attendrit, elle les intéresse, elle les range de son parti ; et lorsqu’elle leur rappelle les derniers instans d’Agamemnon accusant Egisthe des coups dont il expire, ils frémissent d’horreur.

Scène ix.

Oreste et Pylade paroîssent. Les Officiers s’avancent pour se saisir de l’un et de l’autre ; mais Electre leur crie : c’est mon frère, c’est votre Roi ! elle leur montre comme un témoignage de cette vérité, le sabre et le bouclier qu’Agamemnon avoit déstinée à ce Prince, et qu’elle lui avoit remis, lorsque, pour le dérober à la cruauté d’Egisthe, elle l’éloigna de Mycènes.

Les Officiers pénétrés d’amour et de respect pour l’héritier légitime de leur Roi, tombent et se prosternent aux pieds d’Oreste, qui, en les embrassant, leur promet une reconnoissance éternelle. Oreste et Electre au comble de leurs vœux, expriment le plaisir que donne l’espoir d’une vengeance légitime. Electre remet à son frère le poignard teint du sang d’Agamemnon, afin qu’il le lave dans celui d’Egisthe, elle lui recommande de ne point épargner cette infâme victime, elle lui montre qu’il faut le percer de mille coups, et le traîner mourant et baigné dans son sang aux pieds du tombeau d’Agamemnon. Oreste, qui seconde les fureurs d’Electre, lui jure qu’il ne portera que des coups assurés, qu’il brisera ses chaînes et qu’il purgera la terre d’un monstre excérable. Ils quittent la scène, ainsi que les personnes de leur suite, en exprimant le plaisir de se revoir, de se venger, et de sacrifier le barbare Egisthe aux manes d’Agamemnon.

Acte V.
La scène est dans la nuit.

La décoration représente un bois de cyprès, orné de tombeaux, d’urnes, de pyramides, de cariatides qui supportent des lampes sépulchrales. Le tombeau des Rois d’Argos et de Mycènes forme la partie principale de cette décoration. Ce monument auguste est en marbre blanc, ainsi que les pyramides, les tombeaux et les urnes. Les portes du grand tombeau sont de bronze et enrichies de bas-reliefs. En les ouvrant, on découvre un souterrain obscur, éclairé par une lampe sépulchrale ; au milieu s’élève une tombe entourée par un grouppe de figures de marbre qui expriment les regrets et la douleur.

Scène i.

Oreste et Pylade paroîssent dans ce bois sombre qui ne reçoit d’autre lumière que celle des lampes funèbres. Avant de consommer sa vengeance, Oreste veut aller faire des libations sur la tombe de son père ; il entre dans le tombeau, il descend dans le souterrain qui y est pratiqué. Pylade en ferme les portes et se cache dans les bosquets obscurs qui entourent le monument.

Scène ii.

Une marche triste et lugubre annonce l’arrivée de la pompe funèbre ; des Gardes portent des flambeaux ; la Reine, les Princesses et leur suite sont couvertes de crêpes noirs, et tiennent dans leurs mains des branches de cyprès ; Egisthe a ses armes et son bouclier couverts de crêpe, ainsi que les Officiers et les troupes qui l’accompagnent. Tous les trophées d’Agamemnon sont également couverts de voiles noirs. Des Prêtres, des Sacrificateurs portent des encensoirs et des vases sacrés. Des enfans portent des fleurs. Des soldats tiennent des carreaux de deuil qu’ils placent autour du tombeau.

Après cette marche triste et silencieuse, des femmes dansent un hymne autour de l’autel ; elles déposent leurs branches de cyprès sur les marches du tombeau, et elles s’y prosternent dans les attitudes de la douleur, les enfans jettent des fleurs.

Cette cérémonie terminée, tous tombent à genoux et demeurent dans le silence le plus respectueux. Le Grand Prêtre se prépare aux fonctions sacrées de son ministère ; déjà l’encens brûle, on lui présente les vases destinés aux libations ; mais le ciel en courroux ne répond a tous les vœux qui lui sont offerts que par des éclairs et des coups de tonnerre.

Scène iii,

Le tombeau s’ouvre ; on y voit Oreste accompagné des Euménides. Il sort de ce monument ; la rage et le désespoir se peignent dans son action ; il apperçoit sa victime, il se précipite avec fureur sur Egisthe, lui porte un coup de poignard et leve le bras pour redoubler ; mais Clytemnestre couvrant de son corps celui d’Egisthe reçoit le coup mortel réservé au Tyran. Electre qui s’élance pour arrêter le bras de son frère, en criant : C’est ma mère (1) ne peut arriver à tems. Oreste furieux n’entend, ne voit rien, et livré à tous les transports de la vengeance, il se jette une seconde fois sur Egisthe et le perce de plusieurs coups. Cependant frappé d’une terreur soudaine, il se retourne, voit une femme expirante, et ses sœurs en larmes ; il marche à pas chancelans, il lève d’une main tremblante le voile qui lui dérobe les traits de celle à qui il vient involontairement de donner la mort ; à l’aspect de sa mère, il recule d’horreur et d’effroi, il veut se frapper, mais Electre et Pylade volent à son secours et le désarment ; il tombe sans connoissance sur une tombeau peu élevée. Le peuple épouvanté fuit de toutes part. On entraine Egisthe et Clytemnestre.

Scène iv.

Dans ce moment les furies sortent du tombeau pour exhaler leur joye barbare : elles appellent le Crime, le Remords et le Désespoir, pour mieux déchirer le cœur du malheureux Oreste ; les sifllemens de leurs serpens sont leurs cris d’allégresse.

Cependant Oreste revient à lui, il revoit avec la lumière les objets hideux qui le persécutent. La troupe infernale se grouppe sans cesse autour de lui pour le tourmenter, et le poursuit sans relâche. C’est en vain qu’il conjure ; rien ne peut fléchir leur barbarie. Oreste furieux s’abandonne à l’horreur qui le déchire : son action peint avec l’égarement et l’effroi, tout ce que le Crime, le Remords et le désespoir lui retracent d’horrible ; il fuit, mais la terre s’entrouve sous ses pas.

scene v.

L’ombre terrible et menaçante de Clytemnestre lui apparoît, et lui montre la plaie toute saignante qui a frayé jusqu’à son cœur un chemin à la mort. Oreste à cet aspect épouvantable recule, frémit, se jette aux pieds de l’ombre, la conjure d’une voix foible et mourante de croire que son cœur est innocent, et que sa main seule est criminelle. L’ombre lui répond d’une voix menaçante et terrible, rejette ses pleurs, ses sanglots, et disparoît.

Scène vi et dernière.

Oreste qui ne peut plus supporter la vie, et qui est sans cesse livré à la barbarie des Euménides, et déchiré par les reproches que le Crime, le Remords et le désespoir portent à son cœur, veut se donner la mort ; mais Pylade, Electre et Iphise, toujours attentifs à sa conservation, s’opposent à ses transports funestes. Le malheureux Oreste tombe dans leurs bras accablé sous le poids de ses douleurs, sans sentiment et sans connoissance. Les Furies, le Crime, le Remords et le Désespoir, tous ces monstres infernaux se grouppent autour de lui, pour ne le plus abandonner.

FIN.