(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Renaud et Armide. Ballet héroïque » pp. 99-108
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(1804) Lettres sur la danse, dernière édition augmentée en 4 vol. Avec les programmes de ballet. Tome III [graphies originales] « [Programmes de ballets] — Renaud et Armide. Ballet héroïque » pp. 99-108

Renaud et Armide.
Ballet héroïque

Personnages.

  • Armide .
  • Renaud .
  • Le chevalier danois .
  • Un esprit sous la figure de Lucinde .
  • Esprits, et démons sous les formes agréables des Plaisirs , de Nymphes et de Nayades .
  • L’Amour .
  • La Haine , la Fureur , la Vengeance .
  • Esprits sous la forme des Graces .

Acte I.

La décoration représente une isle de l’Oronte.

Scène I.

Renaud ayant délivré les captifs d’Armide, cette magicienne prit la résolution de s’en venger : elle attira par les charmes de son art le jeune guerrier sur les bords de l’Oronte ; Renaud s’y arrête : une inscription gravée sur une colonne de marbre frappe ses regards, et excite sa curiosité1, il entre dans une petite barque, la laisse voguer au courant du fleuve et aborde dans l’isle pour y jouir des prodiges que l’inscription annonçoit. Renaud ne trouvant dans cet endroit aucune des merveilles promises, se dispose à regagner le rivage.

Scène II.

Les Nayades sortent du sein des eaux et se frayent un passage à travers les roseaux. Des buissons de roses et des arbres fleuris s’entr’ouvrent ; les Nymphes s’en échappent, et toutes s’empressent à séduire le jeune héros ; les tableaux voluptueux que ces Nymphes lui peignent, les grouppes variés qu’elles forment au tour de lui, l’enchantent et le séduisent ; elles désarment Renaud et se servent de son épée de son casque et de son bouclier, pour embellir leurs jeux, leurs attitudes et leurs positions ; elles le couronnent de fleurs et elles l’enchaînent avec des guirlandes.

Scène III.

Armide paroît et triomphe. Une vapeur soporifique s’empare des sens du jeune guerrier. Les Nymphes le conduisent sur un lit de verdure ombragé par des arbres ; il s’endort et les Nymphes s’empressent à lui peindre les songes les plus agréables.

Armide qui s’étoit cachée derrière un bosquet, vole vers sa proye pour lui porter mille coups ; mais son bras est arrêté par un charme plus puissant que tous ses enchantemens ; elle se reproche sa faiblesse, elle veut une seconde fois frapper sa victime, mais les traits aimables de Renaud, un sourire enchanteur tel que celui que le plaisir et l’amour impriment sur la physionomie, suspendent le coup ; le fer échappe de la main d’Armide ; sa rage fait place aux sentimens les plus tendres ; son cœur qui respiroit la vengeance ne respire plus que 1’amour. Elle va s’asseoir près du jeune héros ; elle 1’enchaîneavec des guirlandes et le transporte dans son palais.

Acte II.

La décoration représente les magnifiques jardins du palais d’Armide.

Scène I.

Cette Princesse paroît avec son vainqueur ; ils sont entourés par un cortège enchanté et voluptueux ; es jeux, les plaisirs, les graces, l’amour et une foule d’amans fortunés composent leur suite et peignent par leurs attitudes et leurs jeux la félicité dont ils jouissent. Ces images séduisantes font sur le cœur du jeune guerrier l’impression la plus vive. Les tableaux animés du plaisir effacent de son ame l’amour de la gloire ; ils préfére les roses aux lauriers ; on orne son vêtement de fleurs ; on le couronne de myrthe ; et enivré de son bonheur, il se jette aux genoux d’Armide. Ces deux amans expriment que rien n’egale leur bonheur. Ils quittent ainsi que leur suite le lieu de la scène, pour parcourir tous les endroits délicieux du jardin enchanté(1).

Scène II.

Ubalde et le chevalier Danois ayant surmonté à l’aide d’un verge d’or les obstacles que la magie leur avoit élevés, paroissent dans ce jardin ; mais ils sont arrêtés par des Nymphes ; elles les invitent à quitter la gloire pour s’abandonner aux plaisirs ; les Graces et l’Amour entourent Ubalde ; il ne resiste que bien foiblement aux pièges de la volupté, et par une force supérieure, il est entraîné vers les objets délicieux qui s’offrent à lui ; il va céder à l’impression de leurs charmes ; mais le chevalier Danois s’empare de la verge d’or ; il l’agite, et les fantômes voluptueux disparoissent à l’instant.

Scène III.

Les deux guerriers vont poursuivre leur entreprise, lorsqu’une Nymphe sons la forme et la figure de Lucinde, jeune Danoise, tendrement aimée du chevalier, l’aborde avec l’empressement du désir ; elle lui rappelle ses sermens, elle lui exprime sa tendresse. Le chevalier Danois oublie tout pour se livrer au plaisir de voir et de retrouver ce qu’il chérit. C’est en vain qu’Ubalde emploie les remontrances pour l’éloigner des charmes qui séduisent sa raison, il n’écoute rien ; Lucinde l’engage à. suivre ses pas ; mais au moment où il se dispose à l’accompagner, Ubalde secoue la baguette d’or ; la fausse Lucinde disparoît, l’illusion cesse, et le chevalier, honteux de cet instant d’égarement, se retire avec Ubalde, en se reprochant sa crédulité et sa foiblesse.

Acte III.

La décoration représente un salon richement décoré du palais d’Armide.

Scène I.

Armide et son amant sont suivis du plus brillant cortège ; ils se placent sur un sopha ; les Jeux, les Plaisirs, les Nymphes, les Graces et les Amours s’empressent à l’envi à exécuter des danses, et à se groupper de diverses manières autour de Renaud et d’Armide. Cette magicienne tient un miroir qui lui a été présenté par l’Amour ; elle y admire les traits réfléchis de Renaud ; le jeune guerrier y cherche à son tour ceux de son amante ; leurs yeux s’y rencontrent ; ils y lisent mutuellement les signes de leur bonheur. Armide emploie tout ce que l’art et la coquéterie peuvent avoir de séduisant, lorsqu’elle est accompagnée par les Graces. Renaud enchanté de sa félicité l’exprime par son action.

Cependant Armide le quitte pour un instant, elle doit vaquer à quelque mystère magique préparé pour lui assurer la possession constante de Renaud. Ce n’est qu’avec douleur qu’il voit cette absence momentanée ; l’Amour dont il brule pour Armide est si violent, que l’idée d’en être séparé un instant, jette le trouble dans son âme.

Scène II.

Ubalde et le chevalier Danois qui ont été présens à ce qui vient de se passer, s’avancent vers Renaud ; à leur aspect, il reste interdit et confus. Ubalde lui présente le bouclier de diamants ; le jeune héros n’a pas plutôt jette les yeux sur ce miroir fidèle qui a la vertu de démasquer les foiblesses et les vices, qu’il recule de honte ; la vue de son ajustement efféminé et des guirlandes dont il est orné, l’enflamme de colère ; il arrache ses vêtemens, il brise sa couronne, il déchire ses guirlandes, et se hâte de se dépouiller de tous les vains ornemens qui ternissent sa gloire.

Le chevalier Danois, profitant de cet instant, fait briller à ses yeux les armes qu’il lui apporte ; Renaud s’en saisit avec transport ; il abhorre sa faute, il déteste sa passion, il regrette les jours qu’il a dérobés à la gloire, à l’honneur et à son devoir, et qu’il a honteusement passés dans la mollesse ; il embrasse les deux chevaliers, et les conjure de l’arracher d’un lieu où son cœur pourroit courir encore quelques nouveaux dangers.

Scène III.

Ils vont partir, lorsqu’Armide instruite par son art de ses malheurs, paroît avec précipitation. Renaud, qui craint de succomber aux attraits séduisans de la magicienne, détourne ses regards et n’ose lever les yeux ; elle l’accable de reproches ; elle passe à la prière ; elle se précipite même aux pieds de Renaud, qui, vivement ébranlé et le cœur flottant entre l’amour et la gloire, ne résiste que foiblement aux nouveaux pièges, que la volupté lui présente. Ses amis, honteux de sa foiblesse, emploient de leur côté tout ce qui peut le ramener à son devoir : ils l’arrachent des bras d’Armide, à la quelle il fait les plus tendres adieux. Cette amante éplorée, ne pouvant soutenir, sans mourir, l’idée désespérante du départ de celui que son cœur idolâtre, tombe évanouie. A cette vue Renaud se dégage des bras des deux chevaliers pour voler aux genoux de sa maîtresse ; il s’y précipite, il prend ses mains ; il les arrose de ses larmes et fait de vains efforts pour la rappeller à la vie. Les deux chevaliers indignés de la foiblesse de Renaud, lui présentent de nouveau le bouclier de diamans et l’arrachent enfin des pieds d’Armide. Le départ de Renaud est accompagné de tous les regrets d’un cœur fortement épris, et qui sacrifie à son devoir l’objet qu’il aime. Ce héros s’éloigne à pas lents en regardant sans cesse Armide, et en peignant tous les sentimens qui déchirent son cœur.

Scène dernière.

Armide en revoyant la lumière ne peut plus douter de l’inconstance de son amant ; c’est envain qu’elle l’appelle et qu’elle éclate en reproches. Désolée de la perte qu’elle vient de faire, elle se livre à tous les sentimens qu’inspire le désespoir. Elle évoque la haine, la fureur et la vengeance. Ces filles de l’enfer accourent et obéissent à sa voix. Armide brise le carquois et les Haches de l’Amour ; elle met en pièces son bandeau, et s’armant du flambeau de la vengeance, elle embrase son palais. Le tonnerre gronde, les éclairs percent la nue, une pluie de feu tombe avec fracas et accèlere les flammes ; Armide monte sur son char ; la vengeance, la haine et la fureur se grouppent à ses côtés ; elle se fraye une route dans les airs. Dans cet instant tout le palais s’écroule, et l’on n’apperçoit qu’un désert épouvantable habité par des monstres.