(1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 28 décembre. Les Ballets Léonidoff. »
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(1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 28 décembre. Les Ballets Léonidoff. »

28 décembre. Les Ballets Léonidoff.

Le plateau du Théâtre des Champs-Élysées, disions-nous dans une conférence récente, est devenu le lieu où s’affrontent, se mesurent et s’étreignent les diverses civilisations théâtrales de l’univers. Et nous applaudissons à la largeur de vues, à l’éclectisme utile de M. Jacques Hébertot quand il nous ramène Zacconi ou nous révèle Stanislavsky.

D’autres fois, par contre, nous aurions préféré une méthode plus sévèrement raisonnée, une sélection plus plausible des spectacles qu’il nous offre.

Les « Ballets Léonidoff » qui se produisent actuellement sur la plus belle scène de Paris ne causent qu’une profonde stupeur. C’est là du Diaghilev pour sous-préfecture, du Massine de pacotille ou bien du Balieff laborieusement démarqué. Aucune nouveauté de conception, aucune qualité solide d’exécution qui aurait pu suppléer au manque de trouvailles inédites. « L’arracheur de dents », pantomime vénitienne n’est pas sans charme ; il y a là un décor simplifié avec goût. Mais nous avons vu Pulcinella et Les femmes de bonne humeur : à quoi bon cette piquette après ces grands crus. Mais il y a encore une certaine Pyrrhique où l’on voit l’Iliade accouplée avec une polonaise de Chopin ; l’agencement décoratif, les thèmes plastiques touchent au comble du mauvais goût prétentieux et grandiloquent : esthétique digne du hall d’un palace moderne.

L’interprétation est fort inégale ; on distingue quelques professionnels aux qualités techniques considérables : M. Caorsi, M. Cercass — bien proportionné, élégant et susceptible de faire de grands progrès. Il y a encore un prologue qui, comme l’héroïne d’un poème de Verlaine, « parlait italien avec un accent russe ». Quant à la protagoniste et maîtresse de ballet, Mme Ileana Léonidoff, elle n’a réellement aucun des dons requis pour réaliser ce qu’elle a conçu ; ni autorité plastique, ni sensibilité vivace, ni cet élan naïf qui peut suppléer quelquefois aux défaillances du métier. Elle fait des pointes avec acharnement hissée comme sur des échasses sur ses chaussons rembourrés à outrance, ce qui fait vilainement dévier les linéaments des pieds. Somme toute les « pointes » ne font pas l’étoile et Mme Léonidoff ne fait pas grand honneur à 1’« off » par lequel se termine son nom.