(1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Methode povr les dames. » pp. 53-69
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(1623) Apologie de la danse et la parfaite méthode de l’enseigner tant aux cavaliers qu’aux dames [graphies originales] « Methode povr les dames. » pp. 53-69

Methode povr les dames.

Il est indubitable que la beauté des Dames a seruy de subiect aux enuieux, pour blasmer cest exercice : Car disent ils, si les perfections d’vn beau visage armé desia de mil mignardises & d’appas sont anoblies des graces de la danse, y aura il des yeux assez chastes pour soustenir l’esclat de tant de traits & d’atraits sans alarmes. Mais voyez mes Dames la responce que ie leur ay faicte en l’Apologie de ce traité, où vous aprendrez que l’on s’offence à tort d’vne intention innocente, & qu’il n’y a que les circonstances des temps & des lieux qui puissent rendre vos actions blasmables, ce que si vous considerez bien, vous n’attacherez iamais vostre creance à ces superstitieuses persuasions. Quitez donc ces opinions anticipees, & suiuez ces pas, qui seuls vous peuuent acheminer à la bien-seance, vous asseurant que si vous les accompagnez de la grauité, & de la modestie (deux graces principales qui doiuent tousiours regler vos actions) vous receurez du fruict de mes enseignemens vn contentement incroyable.

Plusieurs maistres estiment qu’il n’est pas necessaire d’obliger vne Dame à porter les pointes des pieds ouuertes, & se fondent seulement sur ce que n’estant pas subiectes à estre veuës, il n’importe qu’elle action elles ayent.

Ie suiurois certes en cela leur opinion pour le soulagement de celles qu’vne mauuaise habitude contraint à les porter en dedans, si l’experience ne me donnoit loy de soustenir le contraire.

Car comme on ne me sçauroit nyer que l’action du corps ne suiue naturellement en dansant celle des pieds, ie m’asseure si on prend garde aux mouuemens qui se font tant des espaules que du reste du corps, en les ouurant & fermant, ou si on fait comparaison de la grace de quelqu’vne qui en dansant à les pointes des pieds en dedans, auec celle qu’elle aura les ayant ouuertes qu’on aprouuera mon aduis.

Des principes.

Et pource que le visage d’vne Dame est le premier obiect qui attire les yeux des regardans pour iuger de sa grace, il faut en premier lieu s’estudier à luy bien placer la teste & regler sa veuë, qui doit tousiours estre esgalle de sa hauteur en dansant, puis luy faire mettre les pieds assez pres l’vn de l’autre, les pointes ouuertes, & ainsi la tenant par les deux mains, luy faire faire quelques demarches graues & en droicte ligne, pour luy aquerir l’air auec lequel elle doit aborder ou receuoir vne compagnie, cela gaigné qu’elle aprene à faire la reuerence en ceste sorte.

De la reverence.

Lors que sa discretion luy fera iuger le temps de saluer la compagnie qu’elle reçoit ou qu’elle aborde, il faut qu’elle escarte tant soit peu l’vn des pieds à costé, & d’vn mesme temps glisser doucement l’autre quasi tout ioignant, les pointes ouuertes, lors sans s’arrester que bien peu, ayant les bras negligement estendus sur les costez, elle doit auec le plus de douceur qu’il sera possible plier esgalement les deux genoüils, non en auant comme font plusieurs, qui pour tenir les pointes des pieds closes s’en aquittent assez mal, mais chacun de son costé, & si elle la desire descendre tres-basse & y tenir quand & quand le corps droit & ferme, qu’elle leue doucement les talons en se soutenant sur la pointe des pieds à mesure qu’elle pliera les genoüils, & lors qu’elle l’aura tiree au point qu’elle la voudra faire, faut tout aussi tost luy faire remonter de mesme air qu’elle aura descendu. Mais il faut luy aprendre que selon les occasions elle les doit faire plus ou moins humbles, y obseruant toutes fois vne mediocrité, à fin qu’on ne la puisse blasmer d’affecterie, au reste il est necessaire en la commençant de regarder en face la compagnie, mais pour ne s’esloigner de la modestie, en pliant les genoüils faut faire descendre la veuë auec le corps qu’on releuera en finissant, sans l’arrester à regarder personne fixement en face, pource que cela tient de l’effronterie.

Et parce qu’en faisant des visites il se rencontre quelque fois diuerses compagnies en vn mesme lieu, lesquelles vne Dame est obligee (soit par bien seance ou autrement) de salüer simplement en passant, & aussi qu’il seroit ennuieux de faire tousiours vne profonde reuerance, principalement parmy les complimens ceremonieux qui se font en telles occasions, ou aux ceremonies d’vn depart apres le premier congé pris d’vne compagnie, ie diray comme il s’en faut acquitter.

Premierement apres qu’on aura fait vne reuerence de pied ferme auant qu’aborder vne compagnie, comme il a esté dict cy dessus, il faut selon que les personnes seront placees porter (chemin faisant) vn pas de costé en se tournant vis à vis de ceux qu’on saluë, que si la compagnie est à main droicte, que ce soit du pied gauche, & si à gauche, du droict, & en mesme temps glisser tout à loisir l’autre deuant, & sans s’arrester sur ceste action, apres auoir doucement & bien peu plié les deux genoüils, il faut faire releuer de mesme qu’on aura descendu, en glissant comme insensiblement le pied qui se trouuera derriere, duquel on fera le premier pas pour continuer son chemin ; On doit au surplus faire exercer souuent ceste mesme reuerence sur l’vn & sur l’autre pied, & faire cognoistre qu’il est tres à propos de la faire de ceste sorte en presence de ceux auec lesquels on s’entretient, à fin qu’aux occasions on ne soit pas surpris, & qu’auec vne grace asseuree on puisse s’en acquitter dignement.

Et d’autant que les danses les plus vsitees sont les plus nobles & necessaires, & par consequent plus sortables à mon dessein, & que pour s’acquitter dignement d’icelles, les pas & les démarches plus naturelles sont non seulement les plus requises aux Dames, mais sans comparaison les plus propres pour leur acquerir vn port naïf, & vne action bien plus belle, qu’vn meslange confus de diuerses decoupeures & agitation de corps esloigné de toute bien seance, & que les bransles qui sont tous plains de grauité & de modestie, sont aussi plus propres pour leur asseurer la grace & adoucir l’air : ce n’est pas sans raison que ie veux commencer par là.

Dv premier bransle.

Ie diray donc que le Bransle simple composé de huict pas, (apres auoir faict la reuerence telle que ie la viens de d’escrire, qui sera commencee du pied droict, tant deuant la compagnie qu’en tournant deuant vn Caualier,) se commence du pied gauche qu’on portera à costé, à la pointe duquel (la iambe bien tenduë) on fera glisser sans effort le pied droict sur le mouuement d’iceluy, en faisant d’vn mesme temps tourner tant soit peu l’espaule gauche en dehors, sans esbranler le corps, car la seule action du pied suffit, si la pointe en est bien ouuerte ; Puis pour faire le troisiesme pas faut desgager le pied gauche, & le porter esgal à l’autre, esloigné de demy pied seulement, & là dessus en esleuant le corps tout d’vne piece sur le mouuement des pieds, assembler en glissant le talon droict au gauche, & au cinquiesme porter le gauche à costé, esloigné comme le premier, puis pour faire le sixiesme glisser seulement le droict iusqu’à ce qu’il paruienne derriere au talon de l’autre, alors sans plier en tout les genoüils, s’esleuant tant soit peu sur la pointe du pied qui se trouue derriere, faut porter le septiesme pas à costé, esgal & esloigné comme le troisiesme, & finir par vn pas qu’on glissera du pied droict à la pointe de l’autre, semblable au deuxiesme, à fin de recommencer.

Mais à fin qu’il n’y ait rien à dire aux actions de celles qui danseront ce Bransle, il faut que le corps & la teste y soient tenus droicts & fermes, en sorte que tous les mouuemens procedent de la hanche & des pieds, sans hausser en tout les espaules ny plier les genoüils, du moins que tres peu, à fin que les actions n’en soient forcees, les pointes des pieds ouuertes, & que les trois premiers pas soient assis plats à terre, & tout le reste sur le mouuement des pieds, excepté le dernier, comme i’ay desia dict, tenant tousiours la veuë esgale de sa hauteur, l’action de laquelle ne doit tourner qu’auec le corps, sans aucun mouuement de la teste.

Dv bransle gay.

Tovt de mesmes qu’il a esté dict pour vn Caualier, il faut qu’vne Dame commence le Bransle Gay par le dernier pas, à fin de bien prendre la cadance, & pour ce faire en pliant tant soit peu les genoüils, on assemblera le talon droict au gauche en glissant, & se releuant sur la pointe de tous les deux ; Puis commençant le premier des quatre pas dont il est composé, il faut escarter le pied gauche à costé, & faire que d’vn mesme temps l’autre le suiue de pres en glissant, iusqu’à ce qu’il paruienne au talon, & au troisiesme sans plier les genoüils, glisser doucement le pied gauche à costé sur le talon la pointe releuee, puis en pliant les genoüils, assembler comme on aura faict pour prendre la cadance, à fin de recommencer.

Il faut toutes fois notter qu’à tous les pas assemblez de ce bransle, & non ailleurs (pour ne rien forcer, & danser sans contrainte,) il faut plier tant soit peu les genoüils, mais il est sur tout necessaire de se releuer sur la pointe des pieds, & si quelquefois pour diuersifier on veut faire glisser au deuxiesme pas le pied droict derriere, en sorte que le corps tournant vn peu du costé de celuy qu’on meine, la veuë tourne aussi & non autrement, on le pourra faire, sans leur permettre, comme font plusieurs de regarder par dessus les espaules, ny certains branslemens de corps, que quelques vns y font obseruer, dont les actions sont fort des agreables.

Dv bransle de Poictov.

Le troisiesme est le bransle de Poictou, où il faut compter douze pas, lequel se commence (apres vne reuerence qu’on fera semblable à celle du premier,) par vn temps ou deux, auec vn ou plusieurs pas coulez, en tournant deuant celuy qu’on meine, selon que la Musique pourra obliger pour prendre la cadence.

Ceste entree se doit finir les pieds esloignez d’enuiron demy pied, & lors portant la main droicte au costé sur la ceinture, il faut poursuiure face à face de tous ceux du bransle sur les pas qui suiuent.

Premierement, il faut plier vn peu les genoüils & assembler (en glissant) le talon droict au gauche, en se releuant sur la pointe des pieds, & sans s’arrester là dessus, porter le pied gauche à costé, & le droict deuant sur le mouuement d’iceux, puis au quatriesme, en desgageant le pied gauche, le glisser doucement à demy pied de l’autre, & au cinquiesme, assembler comme au premier, pour puis apres couler quatre pas sur le mouuement des pieds, les iambes bien tenduës, & parce qu’au neufiesme le pied droict se trouue deuant, il faut glisser le pied gauche à costé pour assembler encore vne fois le droict, à fin de desgager au douziesme le pied gauche, comme au quatriesme pour recommencer, & ainsi continuer sur ces mesmes pas.

Et lors qu’on sera paruenu à celuy qui occupe la derniere place du bransle, faut tourner sur la main gauche, & reprendre à peu pres le chemin qu’on aura faict en relaschant la main du costé, & ouurir les bras, pour mener auec plus de liberté, & ainsi on pourra finir par vne reuerence, & laisser la compagnie en bel ordre, ce qui se doit faire en cadance, mais auparauant la reuerence, on peut finir en ceste sorte.

Apres auoir assemble le premier pas du pied droict en glissant, & escarter vn peu le gauche à costé tournant deuant celuy qu’on meine, faire deux pas lentement en arriere, s’esleuant sur le mouuement du pied qui sera à terre, puis en pliant vn peu les genoüils, releuer le pied droict qui se trouue deuant, & couler cinq menus pas en reculant sur la pointe des pieds, apres lesquels ayant quitté la main de celuy qu’on meine, faire vne reuerence en se tournant deuant la compagnie, & vne autre deuant celuy qu’on aura mené.

A ce bransle ne faut iamais plier les genoüils, que comme insensiblement aux pas assemblez, tenant tousiours le corps & la teste ferme, à fin de le couler doucement de costé, & pour empescher de tourner le dos à celuy qu’on meine (deffaut ordinaire à plusieurs) il faut porter les pointes des pieds fort ouuertes, principalement celle du droict.

Dv quatriesme bransle.

Le quatriesme bransle, se nomme le bransle double de Poictou, auquel nous compterons quinze pas à fin de le faire mieux comprendre. Les cinq premiers se font ne plus ne moins comme les cinq premiers du precedant, & parce que les pieds se trouuent ioints ensemble, il faut au sixiesme escarter le pied gauche, à fin d’assembler au septiesme encore vne fois, puis au huictiesme rapporter le pied droict de son costé, en retirant tant soit peu en arriere, & glisser au neufiesme le gauche du mesme costé sur la pointe pour assembler, alors en pliant doucement les genoüils au dixiesme, faut releuer le pied gauche en l’air, qu’on escartera de son costé pour marquer onze, apres lequel faisant porter au douziesme le pied droict deuant quasi à la pointe de l’autre, en dégageant au treziesme le gauche, qui sera glissé à costé, faut que le droict le suiue de prés au quatorziesme, & aussi tost qu’il viendra à se ioindre, on doit escarter le gauche, qui est le quinziesme, & continuer ainsi durant qu’on iouëra l’air.

Mais faut remarquer qu’à tous les pas assemblez, les pointes des pieds ouuertes, il se faut releuer sur icelles sans faire aucun mouuement des espaules en dedans, ny dehors, ains tenir tousiours le corps droict & esgal.

Dv cinqviesme bransle.

Le cinquiesme se faict de mesme le precedant, excepté qu’en celuy-cy on fait deux glissades en retrogradant du costé droict, & en l’autre on n’en fait qu’vne, au partir desquelles on releue le pied gauche comme au precedant, & le portant à costé on fait seulement vn pas coupé pour finir.

Pour la derniere diuersité des pas de la suitte des bransles, ils se font sur les deux derniers couplets du dernier d’iceux. Au premier desquels, sans quasi bouger d’vne place, on glisse doucement le pied droict pres du gauche, en se releuant sur le mouuement d’iceux, & à l’instant laschant le gauche à costé, & rapportant l’autre en sa place, on tourne vn peu l’espaule droicte en dehors, que le corps tout d’vne piece doit suiure, puis on faict les mesmes trois pas de l’autre costé, commençant du pied gauche, si bien qu’apres auoir tourné l’espaule gauche en dehors, il faut faire vne retirade du pied droict sans leuer le gauche, que sur le mouuement d’iceluy en pliant vn peu les genoüils, & vne toute semblable de l’autre pied. Plus pliant esgalement les genoüils il faut rapporter le pied gauche en l’air, pour d’iceluy marquer vn pas à costé, qui sera à l’instant suiuy d’vn pas coupé du pied droict.

A ce dernier couplet il faut faire vn temps en coulant lentement le pied droit par dessus le gauche, & vn autre du gauche en le desgageant & portant à costé, puis deux glissades du costé gauche, & deux autres du costé droit semblables à celles du cinquiesme, si bien que pour finir il ne faut que plier doucement les genoüils pour releuer le pied gauche en l’air, lequel estant porté à costé sera suiuy d’vn pas couppé.

De la gavotte.

Qvand à la Gauotte qu’on danse à la fin des bransles, les pas & les actions en sont si communes & si cogneuës de chacun qu’il seroit inutile de la descrire par le menu, d’aillieurs qu’on la danse diuersement en plusieurs lieux, comme en Normandie où on en danse trois, desquelles les airs sont non seulement differents, mais les pas & les figures. Et en Flandre, en Artois, & ailleurs, il s’en danse aussi trois toutes differentes dont les airs, les actions, les pas, & les figures n’ont rien de semblable aux susdites.

De la covrante.

Apres auoir consideré la diuersité des pas de courante qu’on fait auiourd’huy, ie n’en ay point trouué qu’vne Dame peust acquerir auec plus de facilité, n’y qui luy donne vne action plus belle ny plus aduantageuse que ceux cy.

Quand elle aura faict la reuerence comme i’ay enseigné aux bransles, se resouuenant de tenir les pointes des pieds ouuertes, il luy faudra faire porter negligemment trois pas sans chasser, ny s’esleuer hors terre, mais pliant vn peu les genoüils se releuer sur la pointe du pied qui se trouuera à terre, faisant retirer auec la mesme douceur tant soit peu l’espaule du costé du pied qui aduance, & apres auoir fait chasser le troisiesme faire vn pas porté & vn pas chassé sur l’vn, puis sur l’autre pied, iusqu’à la fin, sur tous lesquels pas, faut faire plier esgalement les genoüils, à fin que le corps bien droit suiue l’action des pieds, & prendre garde que le pied qui chasse soit porté esgal au costé du chassé, & s’esleuant hors terre sur le pas porté, faut couler doucement le chassé tombant tousiours sur la pointe des pieds, il y faut pourtant obseruer vne mesure vn peu viste sans bransler la teste, aduancer le ventre, ny plier de la ceinture, & en pliant les genoüils tenir le corps droit d’vne façon esgale, sans pancher de costé ny d’autre ; au surplus ces mesmes pas seront fort aduantageux pour celles qui manquent de disposition, ne peuuent s’esleuer hors terre. Car si elles se plient vn peu bas esgalement sur tous les pas, & se releuent sur la pointe des pieds elles paroistront quasi s’esleuer autant que celles qui saustent, & auec cest aduantage que leurs actions en seront beaucoup plus douces. Au surplus le maistre doit prendre garde que selon la composition de celles qui ont la taille gastee, il est necessaire de faire porter aux vnes le pas chassé deuant en forme d’vn pas couppé, aux autres par derriere, selon que leur deffaut obligera.

De la gaillarde.

Il faut premierement apres auoir esté conduite en presence de la compagnie, faire les deux reuerences qu’on obserue ordinairement aux Gaillardes, de mesme celle dont i’ay cy deuant parlé aux Bransles, & au partir de la derniere continuër le chemin vers le haut bout du lieu où l’on danse, par autant de desmarches que la Musique peut obliger pour prendre la cadence. Puis commencer par vn pas couppé qui se fait du pied droict, apres lequel pliant vn peu les genoüils faut faire escarter vn pas du pied droit en tournant fort le corps en dedans, apres lequel s’esleuant sur la pointe des pieds faire que le pied gauche chasse quasi du talon le droit en l’air, qu’il faudra poser à l’instant à terre en releuant le gauche, auec lequel il faut à mesme temps coupper vn pas comme on fait pour prendre la cadence, & ainsi continüer sur l’autre pied sans sauter ou s’esleuer hors terre des deux pieds à la fois, mais couler doucement tous les pas sur le seul mouuement des pieds, & ne plier les genoüils qu’vn peu qu’au commencement de tous les cinq pas, & pource que toutes les fois que durant vne gaillarde on commence les cinq pas du pied gauche, on est obligé de tourner le corps en dehors, faut que ce ne soit qu’à moitié vers les extremitez, c’est à dire qu’il faut faire tourner beaucoup en dedans & bien peu en dehors tenant les extremitez du lieu, & à fin que la Dame n’incommode celuy auec lequel elle danse, ayant fait vn tour de salle sur les susdits pas, elle doit s’arrester au bout d’ambas, attendant qu’il ait acheué pour faire vne reuerence en presence de la compagnie, & finir d’vne autre deuant celuy qui dansera auec elle.

Ie parlerois d’vne autre forte de pas qui ont bonne grace estans bien faits par vne Dame, si la negligence qu’on apporte auiourd’huy à danser la Gaillarde ne m’en empeschoit.

Pour clorre donc ce que i’ay entrepris de traitter quand à present sur le suject de ceste Methode, ie conseille à celles qui n’auront pas apris à danser, ou qui pour auoir discontinué ne se souuiennent plus des obseruations requises à la Gaillarde, de s’en aquitter par la promenade d’vn tour de salle au partir des susdites reuerences, comme pratiquent auiourd’huy plusieurs des mieux dansantes. Car celles-là sont fort blasmables qui par timidité ou par desdain, desobligent (par vn ie ne sçay pas danser) ceux qui leur font l’honneur de les en prier, & quoy qu’elles croyent en estre honnestement quittes par telles ou semblables paroles, qui sans doute auroient bonne grace, si elles estoient priees de quelque autre danse, ne laissent pas pourtant en celle-cy où la qualité de leur excuse se change en pur refus d’offenser la courtoisie d’vn Caualier que la honte de se veoir refusé feroit volontiers rougir, s’il n’auoit la grace assez asseuree, ou n’estoit d’humeur propre pour tourner le tout en raillerie.

Ie me suis contenté de traicter seulement de ces danses comme les plus vtiles, lesquelles ie n’ay point voulu enrichir d’vne plus grande diuersité de pas, quoy que ie l’eusse peu. Voire mesmes de ceux que la plume semble trouuer plus difficiles, pource que mon desir ne s’estant qu’à donner grauité, & vne modestie qu’on ne doit point rechercher dans la curiosité & meslange des passages, qui n’ont bonne grace que sous les pieds d’vn baladin. Ioint que ce n’est pas icy qu’vn essay que i’ay resolu faire gouster auant que d’entreprendre d’auantage, & n’attens que l’honneur des commandemens de ceux en faueur de qui ie me donne au public, pour traicter plus au long vn sujet que leurs merites authorisent si dignement, & l’annoblir d’autre sorte de danses, tant pour le contentement des plus curieux, que pour le soulagement de ceux qui font profession de les enseigner, & bien que ie face en cela, comme en toute autre chose, vne humble confession de mon insuffisance, si esperay-ie qu’outre que la gloire que ie me suis promise en les obeyssant, me pourroit rendre aysé tout ce que tout le monde pense tenir de l’impossible. Dieu fauorisera mon intention de la grace que ie luy demanderay, qu’il ne refuse iamais aux iustes requestes comme sera la mienne.