(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VIII. Ressource unique des Danseurs modernes »
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(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre quatrième — Chapitre VIII. Ressource unique des Danseurs modernes »

Chapitre VIII. Ressource unique des Danseurs modernes

Un Maître Écrivain est un Expert qui enseigne à faire des lettres. Un Maître à danser est un Artiste qui montre à faire des pas. Le premier n’est pas plus éloigné de ce que nous appelons dans la Littérature, un Écrivain, que le second l’est de ce qui peut mériter au théâtre le nom de Danseur.

Outre les éléments de son Art, il faut au Danseur, comme à l’Écrivain, un style dont ils sont la matière première ; et ce style est plus ou moins estimable, selon qu’il rend, qu’il exprime, qu’il peint avec élégance, une plus grande quantité de choses estimables, agréables, utiles.

Si j’étais donc chargé de la conduite d’un jeune Danseur en qui j’aurais aperçu de l’intelligence, quelque amour pour la gloire, et un véritable talent, je lui dirais : Commencez par avoir un style ; mais prenez garde que ce style soit à vous. Soyez original, si vous aspirez à être un jour quelque chose. Sans cette première condition, soyez sûr de n’être jamais rien.

Je passerais de cette première vérité à une seconde. L’Art de la Danse simple, lui dirais-je, a été poussé de nos jours aussi loin qu’il soit possible de le porter. Nul homme ne s’est mieux dessiné encore que Dupré ; nul ne fera les pas avec plus d’élégance ; nul n’ajustera ses attitudes avec plus de noblesse. [Voir Chaconne, Entrechat, Gargouillade] N’espérez pas de surpasser les grâces de Mademoiselle Sallé. Vous vous flattez, si vous croyez arriver jamais à une gaieté plus franche, à une précision plus naturelle, que celles qui brillaient dans la Danse de Mademoiselle Camargo. [Voir Entrechat] Il semble que ces trois sujets aient épuisé ces sortes de ressources de l’Art ; mais, par bonheur, la Danse en action vous reste. C’est un champ vaste, encore en friche : osez le cultiver. Vous trouverez d’abord quelques épines : ne vous rebutez pas : opiniâtrez vous. La moisson la plus abondante ne tardera pas à vous dédommager de vos peines. Connaissez votre siècle : il aime les Arts. Tout ce qu’ils tentent pour lui plaire, est sûr d’être accueilli : tout ce qui a l’avantage d’y réussir, est sûr de la gloire ; et il est rare qu’un Artiste qu’il couronne ait longtemps à se plaindre de la Fortune.