(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre deuxième — Chapitre V. Des Bals Masqués »
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(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Seconde partie — Livre deuxième — Chapitre V. Des Bals Masqués »

Chapitre V. Des Bals Masqués

On s’ennuyait à Rome dans les Bals de cérémonie, et on s’amusait dans la célébration des Fêtes Saturnales sous mille déguisements différents. Le goût pour le plaisir fit bientôt un seul de ces deux genres. On garda les Bals sérieux pour les occasions de grande représentation, et on donna des bals masqués dans les circonstances où l’on voulut rire.

Les aventures que le Masque servait, ou faisait naître, les caractères divers de Danse qu’il donnait occasion d’imaginer, l’amusement des préparatifs, le charme de l’exécution, les équivoques badines auxquelles l’incognito donnait lieu, firent et devaient faire le succès de cet amusement, qui tient autant à l’esprit qu’à la joie. Il a été extrêmement à la mode pendant près de deux cents ans, on a surtout donné des Bals masqués magnifiques durant le règne de Louis XIV, mais les bals publics, dont je parlerai bientôt, firent tomber tous les autres pendant la Régence, et la mode des premiers n’est pas encore revenue.

Les Grecs n’ont point eu ce genre, il semble entièrement appartenir aux Romains. Mais ces derniers l’ont connu fort tard, et il paraît surprenant que les masques en usage aux Théâtres des uns et des autres n’en aient pas plutôt donné l’idée.

La Danse simple est le fond du Bal masqué, aussi bien que des Bals de parade. On l’y emploie sans action ; mais on lui a donné presque toujours un caractère.

Parmi les moyens d’amusement sans nombre que ce genre procure, il a des inconvénients et il a causé des malheurs.

Néron masqué indécemment courait les rues de Rome pendant les nuits, tournait en ridicule la gravité des Sénateurs, et déshonorait sans scrupule les plus honnêtes femmes de Rome.

Dans un Bal Masqué que la Duchesse de Berry donna aux Gobelins le 29 janvier 1393, le Roi Charles VI qui y était venu masqué en Sauvage, faillit à être brûlé vif par l’imprudente curiosité du Duc d’Orléans. Le Comte de Jouy et le Bâtard de Foix y périrent, le jeune Nantouillet ne se sauva qu’en se plongeant dans une cuve pleine d’eau, qu’un heureux hasard lui fit rencontrer.

Mais les règles qu’on a établies pour maintenir l’ordre, la paix et la sûreté dans ces sortes de plaisirs, en a banni presque tous les dangers, et un peu de prudence dans le choix des Mascarades peut aisément en prévenir tous les malheurs.