Chapitre III. Suite du Précédent
Henri IV avait été élevé dans un Pays où l’on danse en naissant. Il ne fut question, dit le Duc de Sully dans ses Mémoires97, pendant tout le temps du séjour de ce Prince en Béarn, que de réjouissances et de galanteries. Le goût de Madame sœur du Roi pour ces divertissements lui était une ressource inépuisable. J’appris auprès de cette Princesse, continue Sully, le métier de courtisan dans lequel j’étais fort neuf. Elle eut la bonté de me mettre de toutes ses parties ; et je me souviens, qu’elle voulut bien m’apprendre elle-même le pas d’un ballet qui fut exécuté avec beaucoup de magnificence.
Aussi la Danse fut-elle un des amusements favoris d’Henri IV. Il semblait trouver dans les charmes de cet exercice, lorsqu’il fut parvenu au trône, le dédommagement d’une partie des travaux qu’il lui avait coûté à conquérir. Sully, le grave Sully98, était l’ordonnateur des Spectacles qui amusaient ce bon Prince ; mais il les lui offrait en Ministre Philosophe, et Henri IV les recevait en grand Roi.
On lui annonça un jour, pendant une de ces Fêtes▶, la prise d’Amiens par l’armée Espagnole. Ce coup est du Ciel, dit-il, c’est assez fait le Roi de France : il est temps de faire le Roi de Navarre ; et se retournant du côté de la belle Gabrielle, qui, comme lui, portait les habits de la ◀Fête▶, et qui fondait en larmes, il lui dit : Ma Maîtresse, il faut quitter nos armes, et monter à cheval, pour faire une autre guerre. Le jour même en effet, il rassembla quelques Troupes, marcha à Amiens avec elles, et le premier.
Les grands Rois donnent toujours leur ton aux Cours même des autres Rois. On dansa dans tous les États de l’Europe, parce que cet exercice était à la mode à la Cour d’Henri IV. Je trouve dans les Mémoires du temps, qu’on y exécuta plus de quatre-vingts grands Ballets, depuis 1689 jusqu’en 1610, beaucoup de Bals magnifiques, et un très grand nombre de Mascarades fort singulières.
Ce bon Roi99 avait une sorte de passion pour ce genre d’amusement. Peut-être est-ce durant son règne, que les Français ont le plus dansé, et qu’ils se sont le mieux battus. [Voir ◀Fêtes▶ de la Cour de France]