Chapitre VIII. De la Danse des Anciens considérée comme exercice.
On représentait les Dieux occupés, après la défaite des Titans, à des danses nobles qui peignaient leur combat, et leur triomphe. C’est alors que Minerve, selon la Mythologie des Grecs, imagina la Memphitique . On la dansait avec l’épée, le javelot, et le bouclier. On y retraçait par les mouvements, les positions et les figures, toutes les évolutions militaires. Il fallait la plus grande adresse, et beaucoup de force pour rendre d’une manière agréable et précise, les expressions vives, fortes, et légères, dont elle était composée.
Tous les hommes ont un penchant naturel à l’imitation, de là le progrès rapide des usages, le succès étonnant des modes, l’établissement ferme des préjugés ; mais comme ce penchant tient d’une manière intime à la vanité, et qu’elle n’est jamais frappée que de ce qui lui en impose, c’est toujours vers des objets plus élevés que soi qu’il nous pousse et nous entraîne.
Les Rois n’imitent point les grands Seigneurs qui les entourent et qui les copient. Le Peuple se modèle sans cesse sur la Bourgeoisie, qui ne se croit point Peuple, et qui aurait honte de lui ressembler.
Il en fut ainsi dans les temps reculés. Ces fougueux Aventuriers à qui on donna le nom de Héros, et dont l’orgueil ne voyait qu’en pitié tous les autres hommes, fixèrent leurs regards sur les Dieux, et ils les imitèrent.
La Danse armée fut dès lors leur exercice journalier. Couverts d’une armure brillante, animés par une symphonie guerrière, le javelot d’une main, le bouclier de l’autre, ils formaient ainsi des jeux qui flattaient leur vanité, et qu’ils croyaient dignes de leur courage. Tels furent les amusements de Castor et Pollux39 et de cette jeunesse impétueuse qui courait avec eux à la conquête de la Toison d’or. Telles furent encore, pendant les ennuis d’un long siège, les occupations de cette foule de guerriers que la querelle de Ménélas avait rassemblés devant Troie. [Voir Danses militaires, Danse pyrrhique]
Dans les temps héroïques, d’ailleurs, la guerre était le seul chemin ouvert à la gloire. Les hommes qui se croyaient nés pour elle, devaient par conséquent ne s’occuper que des exercices qui pouvaient rendre leur corps plus souple, et plus vigoureux. La raison négligée, ressemblait à ces fruits grossiers qui naissent dans nos champs sans culture. La force, l’adresse, le courage, furent les vertus des premiers héros. Les qualités de l’âme, l’amour de l’ordre, le désir du bonheur des hommes ont été depuis, les vertus plus précieuses des sages.