Chapitre V. De quelques Danses des Romains
Les Bacchanales, qu’originairement les Prêtres et les Prêtresses de Bacchus, exécutaient à l’exclusion du Peuple, furent dans les suites imitées par tous les Grecs sans distinction ; mais l’ivresse, les convulsions, la fureur qui était de l’essence primitive de ces Danses, furent dans l’imitation métamorphosées en des expressions de gaieté, de plaisir et de volupté.
Ainsi les Grecs en formant les Danses lascives qui étaient les copies des Bacchanales, ne retinrent de celles-ci que la liberté et la joie. Ils substituèrent aux premières figures, des figures nouvelles plus piquantes. Les Danses de Bacchus devinrent les Danses de l’Amour, et successivement les danses de l’Amour furent le tableau de la plus effrénée licence.
Les Romains moins délicats, et peut-être plus ardents pour le plaisir, commencèrent d’abord par où les Grecs avaient fini. Les Danses nuptiales, qui, sous cette dénomination nouvelle, étaient les mêmes, que celles dont on vient de parler, furent la peinture la plus licencieuse, et firent les délices de Rome. Elles étaient exécutées dans tous les mariages considérables par des Danseurs à gages ; mais les Citoyens qui étaient pas assez riches pour s’en procurer dans ces occasions, y suppléaient par eux-mêmes, et joignaient à la licence du sujet toute la grossièreté de l’exécution.
Les Grecs furent des modèles honnêtes, en comparaison de la dissolution monstrueuse de leurs copies. Tibère, ainsi qu’on l’a dit plus haut, bannit de Rome37 sur ce prétexte, toutes les troupes de danseurs et jusqu’aux Maîtres de Danses.
Mais la jeunesse Romaine prit la place des baladins qu’on venait de chasser. Le Peuple suivit l’exemple que lui donnait la Noblesse : bientôt il n’y eut plus de distinction sur ce point entre les plus grands noms et la plus vile canaille de Rome.
On vit pendant le Règne de Domitien, jusqu’à des Pères Conscrits, qui s’avilirent en public par cet indigne exercice. Ils furent exclus du Sénat, et ils eurent la bassesse de se consoler de cette flétrissure, parce qu’elle leur acquérait le droit de continuer impunément de la mériter.