Chapitre XI. Des danses Baladoires, des Brandons, etc.
Rien n’est si prompt que les progrès de la licence. Les Institutions les plus sages qu’elle corrompt, dégénèrent en peu de temps en des pratiques folles et nuisibles.
C’est en vain qu’on s’efforcerait alors de s’opposer aux progrès du mal avec ces faibles tempérances que la douceur suggère. Le grand, l’unique remède est d’oser, avec courage et sans balancer, extirper le mal même jusque dans ses racines. Elles repousseraient, sans cette précaution, des tiges nouvelles et plus dangereuses encore que celles qu’on aurait arrachées.
Telle fut la conduite violente, mais nécessaire, que l’Église tint, en apercevant les inconvénients, les désordres, les crimes qui s’étaient glissés dans la Danse sacrée des Chrétiens.
La joie sainte des solennités, qui, en passant de l’âme jusqu’au sens, devint bientôt moins pure, les deux sexes qu’elles rassemblaient, la nuit, si propice à la séduction, qui était le temps marqué pour la célébration de presque toutes les grandes Fêtes, plus que tout cela, peut-être le refroidissement de la ferveur, qui ne fut plus capable dès lors d’étouffer les autres mouvements, voilà quels furent les principes d’un débordement intolérable, qui dégrada des pratiques autrefois dignes de louanges.
Alors, les solennités des Chrétiens devinrent des rendez-vous de libertinage, et ne furent que les prétextes d’une infâme dissolution. Les Danses Baladoires qui prirent la place des Danses sacrées n’étaient plus qu’un assemblage monstrueux de piété, de débauche et de superstition. Le Pape Zacharie fit un Décret en 744 pour les défendre : dans les suites, les Évêques, les Rois, les Empereurs, s’unirent tous à lui pour les proscrire ; et la Danse sacrée, quelque innocente qu’elle eût été dans son institution primitive, fut jugée dès lors assez dangereuse, pour engager la sagesse du Clergé à ne la plus mêler aux autres cérémonies de l’Église32.
La Danse des brandons et celle de la Saint-Jean échappèrent néanmoins à la proscription ; et on renouvela celle du premier jour de Mai, qui était qu’un reste de celles que l’idolâtrie avoir établies. On exécutait la première à la lueur de plusieurs flambeaux de paille, le premier Dimanche de Carême, et la seconde autour des feux qu’on allumait dans les rues la veille de la Fête de Saint Jean. On trouvera dans la suite33, la description de la troisième.
Il n’en reste plus de nos jours que quelques faibles traces. Des plaisirs plus vifs et moins grossiers ont succédé à ces divertissements, et le luxe a plus contribué à les abolir, que les Décrets des Papes, et les Mandements des Évêques.