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1049. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Les lois, par la nature, n’ont de prise sur l’homme qu’autant qu’il respire ; elles le suivent jusqu’au bord du tombeau : là elles s’arrêtent, et il leur échappe. Les législateurs de l’Égypte eurent les premiers l’idée d’attacher l’homme fortement à quelque chose qui lui survive, et de l’intéresser encore quand il ne serait plus ; ils virent que l’opinion reste sur la terre, quand l’homme en disparaît, et qu’elle porte à travers les siècles, la renommée et le mépris ; ils soumirent donc l’opinion à la loi : alors la loi atteignit l’homme au fond de la tombe, et l’on redouta quelque chose sur la terre, même au-delà de la vie. […] Alors on célébrait l’homme juste ; à l’aspect de sa cendre, on rappelait les lieux, les moments et les jours oh il avait fait des actions vertueuses ; on le remerciait de ce qu’il avait servi la patrie et les hommes ; on proposait son exemple à ceux qui avaient encore à vivre et à mourir. […] Les princes eux-mêmes étaient soumis au jugement, comme le reste des hommes, et ils n’étaient loués que lorsqu’ils l’avaient mérité. […] L’un venait en habits de deuil, et disait : « Il a fait périr ma femme et mes enfants ; j’apporte ici les dernières plaintes qu’ils prononcèrent en mourant : ô juges, vengez-nous. » Un autre : « Il m’a ravi ma liberté et j’étais innocent ; voilà mes chaînes, elles déposent contre lui, et je viens les secouer sur sa tombe. » Des malheureux, en lambeaux, disaient : « Nous avons été arrachés de nos maisons pour bâtir ces pyramides et ces palais : sur chacune de ces pierres que vous voyez, a coulé quelqu’une de nos larmes » ; et souvent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, étendant leurs bras à la fois, s’écriaient tous ensemble : « Il a causé la mort de nos pères, de nos frères, de nos époux, qui ont tous péri dans une guerre injuste ; ô juges !

1050. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je m’en vais chercher des hommes. […] L’homme respira, se reprit, rapprit à s’aimer. […] » Tu t’ennuies, pauvre homme ? […] C’est en nous que vit l’homme futur. […] Pour l’homme, c’est la conscience.

1051. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Qu’est-ce que le fils de l’homme, pour que tu t’en souviennes ?  […] « Je suis un vermisseau écrasé, et non un homme ! […] « Offre à Dieu, ô homme ! […] » s’écrie le poète ; « c’est toi, homme, qui avais ma confiance, ma tendresse, mes secrets ! […] Mais il n’y a plus de chant dans le cœur de l’homme ; les lyres restent muettes, et l’homme passe en silence, sans avoir ni aimé, ni prié, ni chanté.

1052. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

On ne sait, quand on le lit, si c’est l’homme qui est le poème ou si c’est le poème qui est l’homme. […] Homme ou Dieu, tout génie est promis au martyre : Du supplice plus tard on baise l’instrument ; L’homme adore la croix où sa victime expire Et du cachot du Tasse enchâsse le ciment. […] vous donnez le droit de bien mépriser l’homme Qui veut que Dieu l’éclaire et qui hait ses flambeaux ! […] Ce phénomène du génie hérité, accumulé, croissant et enfin fructifiant dans un grand homme frappe l’esprit en étudiant, dans l’histoire ou dans la biographie, les origines morales des hommes supérieurs. […] Léonora elle-même prévint le Tasse du danger de cette rivalité poétique avec un homme si puissant sur l’esprit de son frère.

1053. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Eschyle fait la preuve de l’homme par le géant. […] Elle est d’un homme vivant. […] Athènes, qui avait chassé l’homme, éleva la statue. […] Cet homme ne s’asseyait jamais qu’à terre. […] Il a marqué la transition de l’homme esclave à l’homme libre.

1054. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

On aurait cru jusqu’à la dernière heure au bienfait ininterrompu des lumières, à l’excellence naturelle des hommes. […] L’ancien oratorien et prêtre, l’homme d’étude et l’écrivain en lui, sauf de rares moments, sont toujours venus prendre en biais et tenir en arrêt l’homme politique. […] N’y avait-il pas en lui, durant ces années, un homme jeune, énergique, espérant, dont le ressort, à un certain moment, s’est brisé ou resserré du moins, et dont nous n’avons guère vu que l’homme d’étude survivant qui s’était à la fin comme recloîtré ? […] Il se souciait des hommes pour les éclairer, s’il se peut, jamais pour les diriger et les manier. […] Un homme de haute et sagace observation (M.

1055. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

le cher charmant homme !  […] À force de régulariser l’homme, on le rétrécit. […] Croiriez-vous qu’un pareil homme soit amoureux ? […] Car une psychologie engendre une morale : là où il y a une idée de l’homme, il y a un idéal de l’homme, et Fielding, qui a vu dans l’homme la nature par opposition à la règle, loue dans l’homme la nature par opposition à la règle, en sorte que, selon lui, la vertu n’est qu’un instinct. […] D’un tel homme à de tels hommes, les ménagements seraient de trop.

1056. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Rien ne désigne plus un homme que sa main. […] C’est un organe que l’homme doit à la vie. […] L’homme veut du paraphagaramus. […] Pauvre homme ! […] Aujourd’hui, les grands hommes sont plus haut et le public plus bas.

1057. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Veut-il créer un homme ? […] Ce masque d’érudition, sous lequel étouffait un talent aimable, tombe ; le vrai, le naturel reparaissent, et avec eux l’homme d’esprit et l’homme de goût. […] Voilà l’homme ! […] Il ne demande rien aux hommes et ne dénigre pas les choses. […] L’amitié de l’homme, hélas !

1058. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

M. de Viel-Castel était de ces jeunes esprits, éclos non pas au début, mais sur le déclin de la Restauration, qui en avaient reçu pleinement le souffle politique et l’influence, qui en auraient voulu le succès sans les fautes ; il en a gardé le goût sans en avoir le culte, sans en porter le deuil ; il la connaît à fond, hommes et actes ; il la juge. […] Notez que c’était bien affaire d’État chez lui, non pas récréation ni divertissement pur ; et cette marque de favori, inscrite au front, frappera de discrédit, d’odieux ou de ridicule aux yeux de plusieurs, l’homme de son choix, même quand plus tard cet homme sera un ministre bienveillant et habile. […] Et en tout, je ne conçois pas d’exacte solution politique sans qu’on y fasse entrer cette considération pratique et précise : les hommes étant ce qu’ils sont les hommes étant donnés. […] Il était, vu la disette des hommes dans l’Assemblée, le chef de la petite opposition. […] Un sage a souhaité qu’il fût accordé à l’homme de bien par le ciel de recommencer sa vie, comme on donne une seconde édition d’un premier ouvrage, afin de pouvoir le retoucher et le corriger, en effacer toutes les fautes.

1059. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Swift ou Lucien, voulant mettre les hommes au-dessous des animaux, ne s’y seraient pas mieux pris. […] Un homme vit une couleuvre. […] Cependant, quel rapport y a-t-il, à cet égard, entre les animaux et les hommes ? […] Que peuvent donc avoir de commun les mœurs de l’homme et les habitudes des animaux ? […] Un homme n’aurait pas mieux dit.

1060. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Taconnet a gagné à la perte d’un homme de talent qu’il fallait appointer, et qui, économiquement, s’est trouvé un luxe inutile. […] Ce qui aurait perdu un autre homme lui réussissait. […] Le Suisse de la Revue des Deux Mondes a le puritanisme rêche d’un homme des environs de Genève. […] Véron est le seul homme, en effet, en France, avec Vapereau, qui se soit risqué à dire du bien de Buloz. […] mais dont il reste toujours quelque chose aux yeux des hommes, tellement adorateurs du succès qu’ils en respectent le spectre encore.

1061. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

N’était-ce pas, en effet, un homme de beaucoup d’esprit que celui dont on rencontre de telles pensées à chaque page ? […] Enfin mon homme revint sur le midi, et tout aussitôt je montai à cheval et perçai dans la forêt pour changer d’habit. […] monsieur, que vous parlez de bon sens et en habile homme ! […] Le plus heureux homme du monde n’a jamais tous ces plaisirs à souhait. […] Mariée en 1632, elle mourut, je l’ai dit, en 1656, laissant le chevalier de Méré dans tout son brillant d’homme à la mode.

1062. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

La première de ces épopées est le livre des héros, la seconde est le livre de l’homme. […] Ouvrez la maison, vous ouvrez le cœur de l’homme ! […] C’est que le génie a deux natures : flamme dans la tête de l’homme, chaleur dans le cœur de la femme. […] Pourquoi les hommes et les femmes de tous les temps ont-ils ainsi la pudeur de la douleur ? […] Il peut être un géomètre et un janséniste, il n’est ni un philosophe ni un homme.

1063. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

M. de Talleyrand l’ayant un jour invité à dîner, l’abbé s’excusa en disant qu’il n’était pas homme du monde. […] Il reçut la visite royale en homme que la représentation n’abandonne pas un instant. […] Ces hommes-là étaient ce qu’on appelle des Jansénistes, des prêtres de vieille roche : on les renie, on les conspue aujourd’hui. […] Sainte-Beuve affectionnait ce genre de traits anecdotiques, qui peint l’homme au vif : il en a recueilli toutes les fois qu’il en a trouvé l’occasion et sur des hommes en vue, au nom populaire, qui y avaient considérablement prêté. […] Ce passage sur Voltaire a piqué au vif les ennemis ordinaires du grand homme, et a provoqué M. 

1064. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Tant qu’un homme se souvient, il revit. […] Il n’est plus dans l’homme, il est dans la maladie. […] Rossini est plus homme : ils sont plus anges. […] Qu’importe que la généralité des hommes soit distraite, pourvu que votre Dieu vous écoute ? […] contre l’homme impuissants.

1065. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

. —  Conception de l’homme idéal. […] La littérature est une définition de l’homme. […] Il a l’air d’un homme dégrisé qui se moquerait de l’ivresse. […] Au fond, comme toute littérature, elle est une définition de l’homme, et pour la juger, il faut la comparer à l’homme. […] Il en est ainsi pour les autres hommes.

1066. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Les hommes que le bon sens public a désignés sous le nom d’hommes du lendemain sont dessinés dans la Curée avec une rare énergie, avec une rare vérité. […] Nous dirons la même chose de la différence établie par M. de Ségur entre l’influence d’un siècle sur un homme, et celle d’un homme sur son siècle. […] Il s’est proposé de copier l’homme tel qu’il est, et n’a copié de l’homme que l’élément physiologique. […] M. de Vigny a bien fait de chercher dans l’homme une partie que MM.  […] L’homme du premier acte n’est pas précisément l’homme du second ; souvent le troisième acte nous montre dans ce même homme les symptômes irrécusables d’une révolution inattendue ; mais jamais aucun de ces trois hommes, sous quelque aspect qu’il se révèle à nous, ne réfute l’homme qui l’a précédé.

1067. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Toutes les forces privées et publiques se rassemblent en sa personne, mais ce n’est pas pour assouvir l’homme, c’est pour glorifier le roi. […] Il n’écrase pas l’homme sous l’arbitraire d’un décret inexplicable. […] Sa providence, justifiée par Malebranche et Leibnitz, damne fort bien pour toujours presque tous les hommes. […] Jupiter choquerait dans un autre poëme ; on ne pourrait à la fois prendre les hommes au sérieux et les dieux en plaisanterie. […] Elles peuvent donc garder les dieux d’Homère, et les hommes ne le peuvent pas.

1068. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Ni génie d’un homme, ni commun sentiment n’avaient la force de rejeter le poids encombrant des choses mortes. […] Ces sciences et la philologie se séparent de la littérature : celle-ci garde l’homme moral, et le grand traducteur du siècle, Amyot, offre Plutarque, non aux philosophes, ni aux grammairiens, mais à tous ceux qui veulent savoir ce que c’est que l’homme et que la vie. […] Cela apparaît chez Ronsard, dont la poésie d’homme d’épée et d’homme de collège implique à ce double titre le mépris du bourgeois et du populaire. […] Hommes, œuvres, genres, tout ce qui était pratique ou actuel, tout ce qui servait ou exprimait les intérêts ou les passions de circonstance, prit le dessus. […] Dès le temps des luttes, un grand esprit qui s’est tenu à l’écart des luttes a inarqué le but ; éclairé par le Plutarque d’Amyot, Montaigne fixe à la littérature son domaine, la description de l’homme moral ; très positif sous son apparent scepticisme, il exclut à la fois de son idéal l’érudition encyclopédique et l’indifférence morale, et ramène le type italien de l’homme complet au type plus réduit et plus solide de l’honnête homme.

1069. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Un jour elle rencontre un autre homme pour qui elle sent qu’elle est faite et qui lui donnera, elle en est sûre d’avance, des joies supérieures ; bref, « son homme. » Et l’homme sent en lui un avertissement pareil et un désir égal. […] C’est un sportsman accompli, et c’est « l’homme du monde » en soi. […] J’avais gardé les instincts d’un homme primitif, vous les avez réveillés. […] L’homme est le dieu qui veut sa créature tout entière. […] Cet homme a la perfection dans la grâce ; il est l’extrême fleur du génie latin.

1070. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Au moment où apparaissait, sur la guillotine, le condamné à mort, elle s’écrie : « Comme je me payerais cet homme ! […] * * * — Il est une corruption des vieilles civilisations qui incite l’homme à ne plus prendre de plaisir qu’aux œuvres de l’homme, et à s’embêter des œuvres de Dieu. […] Chicard, un homme très bête, mais parlant toujours, toujours, toujours. […] Il n’y eut pas une rixe entre hommes pendant trois ou quatre ans que cela dura. […] Peu d’artistes, peu d’hommes de lettres, je me rappelle seulement un vaudevilliste.

1071. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Otez le style, que reste-t-il de ces grands hommes ? […] L’Amérique et sa démocratie sont à la veille de recevoir du temps le plus rude coup que le temps puisse porter aux vaines combinaisons des hommes. […] Homme de formalisme politique qui a tout vu dans certaines formes extérieures, comme si l’âme de la politique était là, la ressemblance l’a fait croire à l’identité. […] Il y a bien un chapitre spécial, mais vague comme l’est d’ordinaire la pensée de l’auteur, sur la séparation des classes, « qui a causé toutes les maladies dont l’ancien Régime est mort » ; un autre sur l’irréligion, « la passion dominante du xviiie  siècle » ; un autre, enfin, sur les hommes de lettres devenant de fait les hommes politiques du moment. […] Laissons toutes ces incohérences d’un homme qui ne s’entend pas avec lui-même.

1072. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Ses amis, c’étaient Chateaubriand, qui n’a rien dit de son ami qu’après sa mort, l’excellent, homme ! […] » Il dit encore : « Il n’y a bien souvent dans Bonald que l’attitude et l’insistance d’un homme qui affirme résolument. […] L’homme peut faire singerie de tout, et, d’ailleurs, l’effort jamais ne fut la force. […] On ne pouvait pas dire non plus de lui : cet ange d’homme, comme on dit : ce diable d’homme ! […] Le Christianisme a cela de bon qu’il élève sans peine le moindre grimaud au-dessus du plus grand homme de l’antiquité.

1073. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Le nœud gordien de cet homme complexe, ils ne le dénouent ni ne le coupent. […] Un grand artiste qui a fait entrer sa puissante fantaisie dans l’histoire, Honoré de Balzac, a écrit : « La destinée d’un homme fort est le despotisme. […] Quelque temps après la mort de Charles-Quint, dit cette légende, une nuit, un cortège nombreux d’hommes d’armes et de moines tenant des flambeaux, porta vers le sommet d’une montagne un cercueil couvert de blasons et d’insignes impériaux. […] En vérité, c’est trop modeste pour des hommes qui ont la réputation d’être des historiens. […] Sans précisément interdire ces détails, nous aimerions mieux la recherche des causes morales qui font les grands hommes que toutes ces notions inférieures qui ne sont que l’histoire de la bête humaine.

1074. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

… mais la Correspondance est là… une malingre chose humaine, apte aux tendresses du cœur et enfermant sa vie entre deux ou trois amitiés d’hommes et de femmes, qui le consolèrent toujours de tout dans les afflictions de sa gloire. […] Le 24 mai 1826, écrivant à la comtesse de Seult, un de ces anges d’amitié comme il en passa plusieurs dans sa vie, il se définissait sans regret, sans amertume et même sans tristesse : « un homme pauvre, sans nom, sans place, sans position, à qui bien prenait de ne rien demander aux hommes et de ne vouloir absolument rien d’eux » ; et excepté le sans nom, car la gloire, à cette heure-là, faisait du sien le plus beau qu’il y eût alors en Europe, tout était vrai dans cette définition qu’il donna de lui-même et qui resta vraie, même quand il eut abandonné Dieu pour les hommes. […] L’ambitieux détruit dans le Lamennais officiel, l’homme de la rancune et de la vengeance croule du coup et disparaît. […] Elles sont spirituelles, en effet, et elles doivent l’être énormément pour le paraître encore du sein des flammes de tant de colères ; car la colère éteint d’ordinaire l’esprit d’un homme en l’enflammant. […] On y verra, du moins, qu’il n’était pas, comme homme, le violent d’âme et de passion égoïste comme on l’avait fait, et que, comme talent, il n’était pas non plus uniquement le violent de couleurs, de mouvement et d’idées, dans lequel on a vu trop exclusivement son génie.

1075. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

On n’a pas tous les jours à juger un homme de la personnalité d’Agrippa. […] Il fut troué dix-sept fois à la poitrine, et il aurait pu y être troué quarante, au jeu qu’il jouait, à cette époque inouïe où tous les hommes, jusqu’aux pâles mignons, semblaient amoureux de la mort, et, comme des valets dans les bras de leurs maîtresses, faisaient les insolents avec elle ! Homme de camp, homme de cour, homme de temple, il était tout cela ensemble ou tour à tour. […] Il n’y a plus qu’une des faces de cet homme qui en avait trois comme Hécate. […] Il a le tempérament qu’ont les hommes primitifs, les hommes qui commencent les races ; car il en a commencé une et il est un des primitifs de la Poésie française.

1076. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Les livres, se disait-elle, ont toujours plus d’esprit que les hommes qu’on rencontre. […] Ce sont des hommes dans la tête desquels rien de nouveau ne peut entrer. […] Je n’étais pas homme à compromettre mon secret en le communiquant. […] Décidément, Sismondi n’était plus un homme de ce siècle quand il mourut (25 juin 1842). […] Il était homme de cabinet et homme du monde, sans que l’un nuisît à l’autre.

1077. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Un Anglais572 remarque que l’un des premiers mots que l’on emploie pour louer un homme est de dire « qu’il se présente parfaitement bien ». […] monsieur, disait Lacroix encore tout chaud de sa mésaventure, l’affreuse distance que l’orgueil et les préjugés mettent entre les hommes !  […] En 1789, elle est pleine et va crever. « Le titre le plus respectable de la noblesse française, écrit Chamfort, c’est de descendre immédiatement de quelque trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou dix millions d’hommes nus, ancêtres de la nation actuelle. […] Jamais les hommes n’ont perdu à ce point le sens des choses réelles. […] Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre, et cela a mis moins de distance entre les hommes.

1078. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

… On allait partout disant : « Enfin, nous allons donc avoir un homme, un grand homme !  […] Mirbeau se sera dit : « Voilà mon homme, voilà mon grand homme !  […] … répliquait l’homme, désappointé. […] l’homme ! […] dit cet homme doux et juste.

1079. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

C’est qu’il est par trop contre nature qu’un homme se moque si clairement de soi-même. […] Assurément Molière, homme de génie, est supérieur à ce benêt qu’on admire dans les Cours de littérature, et qui s’appelle Destouches. […] Molière, homme de génie, s’il en fût, a eu le malheur de travailler pour cette société-là. […] Si nous ne savions pas par cœur les textes mêmes de ces arrêts, sévères, nous tremblerions pour notre réputation d’hommes d’esprit. […] Ce seul mot de Sainte-Pélagie, pour un homme titré, vieillit Molière.

1080. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

C’est le sentiment de la nuance qui fait l’homme poli et modéré. […] Un homme de nos jours a présenté le même contraste avec une rare vigueur, c’est M. de Lamennais. […] Cet homme, qui était, dans le commerce de la vie d’une grande bonté, devenait intraitable jusqu’à la folie pour ceux qui ne pensaient pas comme lui. […] Jésus recherchait les humbles et les rebutés de toute sorte ; les pharisiens voyaient en cela une insulte à leur religion d’hommes comme il faut. […] Une admirable parabole rendait cette pensée avec infiniment de charme et de justesse. « Un jour, disait-il, deux hommes montèrent au temple pour prier.

1081. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Nous le comprendrions comme nous comprenons le siècle d’Auguste, de Périclès, de Charlemagne, et autant du moins qu’il est possible à l’homme de comprendre ce qui n’est plus. […] Dans ce moment où la mollesse de l’opinion sur tant de choses est la torpille qui engourdit les plus énergiques cerveaux, il faudrait, pour bien juger de la politique de Louis XIV, avoir plus que de l’historien dans la tête : il faudrait y avoir de l’homme d’État. […] Jusqu’à Louis XIV, en effet, tous les hommes vraiment forts qui avaient paru au pouvoir avaient agité le terrible problème de l’unité dans l’État, qui est l’idéal de la Politique. […] Mettez par la pensée Louis XIV à la place de Henri IV, et Henri IV à la place de Louis XIV, et vous n’aurez rien changé peut-être à la politique de leur époque, tant il est des logiques de situation qui viennent modifier ces grandes individualités politiques qui sont moins des hommes que des systèmes ! […] Obligé, par le sujet même de son livre, de parler d’hommes qui n’eurent jamais nulle part, à l’exception de quatre ou cinq d’entre eux peut-être, ce haut pavé historique qui agit tant et tout d’abord sur l’imagination du lecteur, il n’a pas, selon nous, assez contenu son récit entre ces quelques hommes vraiment dignes du regard de l’histoire, et il est tombé dans les infiniment petits d’une longue suite de biographies.

1082. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

, fut tout à la fois homme et femme, non pas seulement dans ses jeux, mais dans ses goûts et ses facultés. […] chez elle l’homme n’emporta jamais entièrement la femme, et chez lui la femme n’abolit jamais tout à fait l’homme. Dans ce temps du xviiie  siècle, dans ce temps d’anarchie si universelle que le désordre semblait passer jusque dans la physiologie humaine, et où des Chevalières d’Éon intéressaient toute l’Europe, la monstruosité s’arrêtait à cette limite, chez Gustave III et Catherine II, que l’homme qui gagne les batailles, l’homme toujours l’épée au vent, quand le danger souffle, était perpétuellement debout en Gustave l’efféminé, dans le Sardanapale au miroir qui ne demandait pas mieux, ma foi ! […] Eh bien, c’est ce phénomène qui saute aux yeux dans la vie de Gustave III, c’est cet hermaphrodisme de son personnage historique, qu’il eût été intéressant d’étudier et de mettre en valeur dans le récit qu’on eût fait du règne de cet homme qui avait, à la fois, trop et trop peu pour être cette simplicité équilibrée et toute-puissante que l’on appelle un grand homme ! […] car il eut beau être équivoque en bien des points, cet homme-femme par la vanité, le mensonge, la parure et l’inconsistance, il était et resta un homme par l’audace.

1083. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Il est vrai qu’on a publié en Angleterre les Lettres et la Correspondance de Nelson, et c’est là un recueil spécial — technique et intime — dont un homme qui serait historien dans tous les sens du mot eût tiré un grand parti : mais M.  […] Il y avait enfin à donner cette noble leçon à l’Angleterre, de l’impartialité de la France dans le jugement des grands hommes anglais, et à payer la basse Histoire de Bonaparte, par Walter Scott, avec une histoire magnanime de Nelson ! […] Forgues et de tout homme ; mais, l’amusant, l’odieux besoin de l’amusant a dominé, et l’épopée du Bonaparte des mers a été étriquée, en un petit volume de poche, commode à emporter à la campagne. […] La peine des grands hommes, comme leur récompense, c’est leur immortalité ! […] Et ce n’était là encore que le commencement, — que la plus faible partie des contrastes qui se jouaient dans Nelson, cet homme impétueux, quelquefois si calme, cet homme calme quelquefois si terriblement impétueux.

1084. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Il est vrai qu’on a publié en Angleterre les Lettres et la Correspondance de Nelson, et c’est là un recueil spécial, — technique et intime, — dont un homme qui serait historien dans tous les sens du mot eût tiré un grand parti ; mais M.  […] Il y avait, enfin, à donner cette noble leçon à l’Angleterre de l’impartialité de la France dans le jugement des grands hommes anglais, et à payer la basse Histoire de Bonaparte, par Walter Scott, avec une histoire magnanime de Nelson ! […] Forgues et de tout homme ; mais l’amusant, l’odieux besoin de l’amusant a dominé, et l’épopée du Bonaparte des mers a été étriquée en un petit volume de poche, commode à emporter à la campagne. […] La peine des grands hommes, comme leur récompense, c’est leur immortalité ! […] Et ce n’était là encore que le commencement, — que la plus faible partie des contrastes qui se jouaient dans Nelson, cet homme impétueux quelquefois si calme, cet homme calme quelquefois si terriblement impétueux.

1085. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Les hommes vont à ce qui leur ressemble, et Charles de Rémusat a en lui bien des raisons d’aller vers Abélard. […] L’amour de Charles de Rémusat pour un homme qu’il trouve un grand homme, est un amour… d’Abélard après son malheur. […] pour courir après Abélard, lequel l’y renvoie avec la brutalité d’un homme excusable, dans sa position, d’avoir quelque humeur. […] Regardez comme il y a diminué et calomnié l’homme de l’Église, le grand saint Bernard ! […] Voir le 1er vol. des Œuvres et les Hommes, 1re série.

1086. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Laissons dire les hommes sans bonne foi ! […] Le cercle de raisonnements dans lequel tourne, depuis tant de siècles, cette ivre créature qu’on appelle l’homme, s’est épuisé et fermé sur lui. […] Immuable destin de la pensée de l’homme ! […] Le prêtre, l’homme qui veut convaincre et allumer la foi dans les âmes, est toujours en première ligne chez l’abbé Brispot. […] Il fait le siège du cœur de l’homme avec tous les arts qui répondent aux nobles instincts de la créature de Dieu.

1087. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il avait le sans-gêne toujours impertinent de l’homme heureux, et non pas de l’homme heureux, sans chemise, de l’abbé Casti, mais de l’homme heureux « qui en a dix-sept cents sur le dos », comme disent les Anglais, ces utilitaires ! […] Pour moi, je me défierais toujours un peu d’une faculté qui ne se serait pas révélée déjà dans l’ensemble de l’esprit d’un homme et qui y pousserait tout à coup. […] Ce sont deux portraits du même homme, et, vous le savez, c’est bien moins le mérite du modèle que l’art du peintre qui fait la valeur des portraits. […] le Neveu de Rameau de Diderot n’est que l’homme d’un café, du café Procope. […] Il s’agit d’un homme et de la fin d’un monde dans M. 

1088. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Tant vaut l’homme et tant vaut la cause ! […] Le style, dit Buffon, c’est l’homme, et quelquefois c’est possible ; mais quelquefois aussi ne serait-ce pas le contraire de l’homme ? […] « Levez les yeux, à homme ! […] l’homme en lui était si difficile à estimer ! […] L’erreur de l’abbé napolitain, d’ailleurs, est assez familière aux hommes d’État, ou pour mieux dire aux hommes d’action.

1089. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Les gouvernements nommaient à cette fonction sacrée les hommes qu’ils croyaient le plus dignes de cette judicature de la tombe, de cette magistrature de la vérité. […] Louis XIV, par exemple, investissait bien deux des plus honnêtes grands hommes de son temps, Boileau et Racine, du soin de raconter une des campagnes qu’il menait en personne. […] Mais si de tels choix étaient excellents, les attributs de la fonction, relevés encore par le choix des hommes, devaient être plus éclatants et plus comptés. La charge d’historiographe n’était guère que la bague au doigt d’un homme de lettres, — une charge modeste. […] De tous les intérêts sur lesquels il est besoin de fixer l’opinion des hommes, c’est, après tout, l’intérêt de nos mémoires qui importe le plus.

1090. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

L’abbé Prévost, sous cet aspect, n’a rien à envier à tous ces hommes. […] Je laisse à juger quels devoient être, depuis l’âge de vingt à vingt-cinq ans, le cœur et les sentiments d’un homme qui a composé le Cléveland trente-cinq ou trente-six. […] Il commença dès lors, selon toute apparence, à rédiger les Mémoires d’un Homme de qualité, et en même temps, par la multitude d’histoires intéressantes qu’il contait à ravir, il faisait le charme des veillées du cloître. […] La démarcation entre les deux marquis, entre le marquis simple homme de qualité et le marquis fils de duc, est tranchée fidèlement ; la prérogative ducale reluit dans toute la splendeur du préjugé. […] Je trouve dans les lettres de mademoiselle Aïssé (1728) : « Il y a ici un nouveau livre intitulé Mémoires d’un Homme de qualité retiré du monde.

1091. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

C’est là un danger social contre lequel doivent se réunir toutes les forces des hommes de bien. […] On peut être homme du peuple, homme de travail, et s’instruire en le lisant. […] Savez-vous que cet homme, dont le nom met hors des gonds les plus sages, est le plus distingué de sa génération ? […] C’est l’homme éclairé et ami des choses de l’esprit qui préside à la justice et aux cultes : c’est M.  […] Cessons donc le plus tôt possible, hommes et femmes, d’être des enfants : ce sera difficile à bien des femmes, direz-vous, — à bien des hommes aussi.

1092. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Leur architecture dite cyclopéenne, où la main de l’homme conserve dans ses ouvrages l’empreinte monumentale et divine de la force des temps et de la rusticité de la nature, l’élégance dorienne de leurs ruines de temples, le dessin inexpliqué de leurs vases, plus grecs que la Grèce elle-même, et aussi naïfs que l’âge primitif de l’homme, tout cela atteste qu’une science inconnue de l’humanité civilisée a coulé aux bords de l’Arno des rochers de la Toscane. […] Il fonda une académie à Florence, et s’attacha ainsi la faveur des hommes de lettres de sa patrie. […] « Cette perte cruelle fut déplorée par tout ce qu’il y avait à Florence d’hommes spirituels et éloquents ; ils s’empressèrent de célébrer, soit en vers, soit en prose, la mémoire d’une personne si accomplie. […] Ainsi l’ambition, l’envie, la vengeance, les passions les plus sanglantes des hommes se coalisaient pour un crime commun. […] Le pape ordonna secrètement au roi de Naples, alors son allié, de faire avancer deux mille hommes vers les États toscans pour seconder ses desseins lorsque la conjuration serait accomplie.

1093. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

« On n’est plus le même homme !  […] Un travailleur, quelque opinion qu’il professe, reconnaît dans son métier l’homme de valeur. […] Voilà l’homme. […] Ils sont, comme nous, des hommes formés par le travail. […] Ses amis se souviennent de lui, aussi loin qu’ils regardent, comme d’un homme fait.

1094. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

. — En quoi naturelle il l’homme. — Son caractère oriental. — Conjectures diverses sur les rencontres et les imitations du génie humain. — L’ode hébraïque. […] Maintenant ces deux points de l’Asie, ces deux foyers de l’idolâtrie et du monothéisme, agissaient-ils au loin sur la croyance et l’imagination des hommes ? […] et n’a-t-il pas en même temps prétendu que cette première imposition des noms venait d’une nature divine et supérieure il l’homme ? […] Il n’est donné à l’esprit de l’homme de luire à cette hauteur que par éclairs. […] quels hommes tu nous as tués !

1095. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Elle aurait, comme étude de l’homme, bien du prix. […] L’homme moral est plus tôt formé qu’on ne croit. […] Je prendrai presque au hasard ; l’homme saisi dans l’intimité achèvera de s’y dessiner. […] Il faut avouer aussi que cet aimable homme ne sait pas mal son métier. […] Voir sur cet homme de bien la très-utile Notice de M. 

1096. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

la parole n’a-t-elle pas été donnée à l’homme pour expliquer ses sentiments ? […] Hommes bien élevés, hommes de goût dans tous les états337 ! […] La cour délicate et polie de Charles II eut en horreur l’homme et son poème. […] Elle ne sort pas tout d’un coup de la tête d’un homme de génie. […] C’est un homme complet.

1097. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Le lord, homme d’esprit, lui répondit doucement. […] Swift ne s’adresse pas à l’homme en général, mais à certains hommes. […] La société rebute encore plus que l’homme. […] Il faut découvrir le yahou sous l’homme. […] On a parlé beaucoup des grands hommes malheureux, de Pascal par exemple.

1098. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Une réserve générale, qu’il nous convient avant tout de faire avec M. de Carné pour être ensuite plus à même de l’examiner dans ses conclusions et de le louer, c’est qu’il n’a évidemment été nourri à admirer et à aimer que bien peu des choses et des hommes qui pour nous, enfants de la Révolution ou de l’Empire, ont ravi notre admiration première. […] Comme M. de La Fayette pour nous n’est pas un de ces hommes qu’on discute ni qu’on justifie, nous citerons simplement à M. de Carné, pour réfuter son dédain, ces deux versets d’un chant tout récent du poëte polonais Miçkiewicz : « Et les peuples se corrompaient de plus en plus, et il ne se trouva plus parmi eux qu’un seul homme citoyen et soldat. — Et cet homme conseillait de cesser de combattre pour l’intérêt, et de défendre la liberté du prochain ; et il est allé lui-même combattre pour elle dans la terre de la liberté, en Amérique. Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux. […] Et c’est ce qui ne nous paraît pas très-éloigné entre les hommes comme M. de Carné et nous. […] Franz de Champagny, l’historien des Césars ; un homme excellent et droit, M.

1099. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

. — Un homme à sa naissance n’est pas une table rase. […] Il semble parfois qu’il ait fallu plusieurs essais pour faire un grand homme ou une femme supérieure. […] Il est banal de constater qu’il existe un rapport entre l’homme et les choses qui l’environnent. […] Comment se figurer les grands hommes ainsi suspendus dans le vide, séparés de tout ce qui les environne ? […] Que d’idées, que de sensations et de sentiments entrent ainsi dans l’homme par tous les pores !

1100. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

L’homme passe dans l’entre-deux. Et c’est précisément l’homme, que nous donne ce Journal de Louis XVI tiré à la lumière. L’homme, dans Louis XVI, n’avait pas encore été saisi. […] Plus prince qu’homme en cela, sa maîtresse favorite, à lui, fut la chasse ; mais, lui aussi, il trouva là son Parc-aux-Cerfs. […] Les bêtes à tuer dans ses forêts lut bouchaient tout, à ce Roi qui, dans son État et pour le bien de son État, n’a jamais su faire tuer deux hommes !

1101. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

L’idée de l’égalité des hommes est active et puissante. […] C’est pour se réaliser, nous dirait-on, que les idées égalitaires ont fait naître telles ou telles formes sociales ; c’est parce qu’ils voulaient vivre en égaux que les hommes se sont groupés suivant les modes que vous avez discernés. […] N’est-il pas vraisemblable, par exemple, que, là où les hommes se jugent égaux, ils s’assimileront naturellement les uns aux autres, et tendront à unifier leurs groupes ? […] Par exemple, si l’on voulait expliquer pourquoi la différenciation a crû dans les sociétés modernes, pourquoi les groupements partiels s’y sont multipliés et entrecroisés, il faudrait tenir compte non pas seulement de l’augmentation du nombre des hommes agglomérés, mais des fins diverses qu’ils se sont fixées, et des moyens que la nature ou l’industrie a mis à leur disposition pour réaliser ces fins. D’ailleurs, le nombre des hommes agglomérés ne s’augmente pas de lui-même et mécaniquement : en même temps que de conditions physiologiques, on sait qu’il dépend de conditions psychologiques qu’il s’agirait d’analyser et de classer. — Inversement l’homogénéité d’une société dépend de conditions physiologiques en même temps que de conditions psychologiques.

1102. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Un homme qui décrit, analyse et classe les phénomènes de la pensée comme MM.  […] Faut-il y ajouter l’homme ? […] Est-ce une portion de l’homme : son âme ? […] La physiologie a-t-elle jamais cru, sinon dans son enfance, qu’elle n’avait que l’homme pour objet ? […] Quand un homme voit ou entend, c’est lui, c’est l’être conscient qui voit ou entend.

1103. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Des hommes ont fait la Terreur, et d’autres hommes l’ont laissé faire. […] ces « hommes forts » de M.  […] l’homme fort s’est angélisé ; l’homme fort, c’est aujourd’hui Thouvenin. […] Quel homme ! […] Cela allume notre homme.

1104. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

pour un homme, c’est un homme !  […] que les hommes sont donc vertueux ! […] C’est qu’il y a deux hommes en M.  […] Scribe, le moins touranien des hommes. […] C’est beau, un homme qui lue !

1105. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Gerbier, Port-Royal et Clairaut, ce jeune, homme choisissait bien en tout point ses parrains intellectuels. […] Je continue de donner idée de l’homme sans fausse révérence et dans le ton qui peut nous le rendre le plus au vrai. […] Ce n’était pas précisément un homme d’État que M.  […] » Et voilà mon homme coiffé47. — Sur M.  […] Cet homme de parti y insinue contre moi de petites infamies calomnieuses : il fait entendre, par exemple, que j’ai dû avoir quelque obligation à M. 

1106. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Je n’ai point vu d’homme moins embarrassé. […] Il a raconté gaiement cette conversion et en homme d’esprit qui ne craint que le ridicule. […] Voilà le faible de l’homme merveilleusement touché. […] Cela est bon à dire et surtout à chanter ; mais l’homme en lui n’était pas d’accord. […] Il est vrai qu’il garde, à travers tout, de l’honnête homme, c’est-à-dire de l’homme aimable ; mais cet honnête homme, à quoi sert-il ?

1107. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

En Russie, Bernardin s’était fait un ami intime d’un homme cordial et bon qu’il y avait rencontré, le Genevois Duval, joaillier de la Couronne. […] Cet homme de génie, âgé de plus de quarante ans, si pauvre qu’il est obligé, quand il veut voir M.  […] J’aurai présenté de beaux tableaux, j’aurai consolé, fortifié et rassuré l’homme dans le passage rapide de la vie. […] Mon ami, vous vous êtes trop séquestré du monde ; vous ne connaissez plus ni les hommes ni la marche des affaires. […] Vous êtes bon, simple, modeste, et il y a des moments où vous semblez avoir pris pour modèle votre ami Jean-Jacques, le plus vain de tous les hommes.

1108. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

De votre côté, vous êtes incapable d’user de ceci autrement qu’en galant homme, comme vous feriez de votre propre bien patrimonial, en bon propriétaire et bon père de famille. […] Je désire, en vérité, de très bon cœur, que votre jouissance soit longue, et que vous puissiez continuer encore trente ans à illustrer votre siècle : car, malgré vos faiblesses, vous resterez toujours un très grand homme… dans vos écrits. […] c’est un homme dangereux !  […] Je puis produire ces belles choses à l’Académie, et je ne crois pas qu’un tel homme vous convienne. D’Alembert, comme tout homme de parti, sans examiner, sans discuter, entre dans la prévention de son chef et confrère.

1109. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Les effets graduels et nuancés ne conviennent guère aux mœurs démocratiques ; et comme c’était toujours du peuple qu’il fallait se faire entendre et se faire applaudir, on se livrait, pour l’amuser, aux contrastes saillants qui frappent aisément tous les hommes. […] C’est à l’homme que vous vous adressez dans la tragédie ; mais c’est une telle époque, c’est un tel peuple, ce sont de telles mœurs, qu’il faut connaître pour obtenir dans la comédie un succès populaire : les pleurs sont pris dans la nature, et la plaisanterie dans les habitudes. […] Ces portraits des hommes vivants, ces épigrammes sur les faits contemporains, sont des plaisanteries de famille et des succès d’un jour, qui doivent ennuyer les nations et les siècles ; le mérite de tels ouvrages peut disparaître même d’une année à l’autre. […] Le peuple d’Athènes, comme je l’ai déjà dit, était extrêmement susceptible d’enthousiasme ; mais il n’en aimait pas moins la satire qui insultait aux hommes supérieurs. […] Ce qu’on avait toujours craint pour la république, c’était l’ascendant que pourrait prendre sur elle un de ses grands hommes ; ce qui la fit périr, ce fut son indifférence pour tous.

1110. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

. — L’Homme qui rit (1869) […] Nul homme parmi nous n’a été plus constant et plus progressif. […] Victor Hugo fut un très grand homme ; ce fut surtout un homme extraordinaire, vraiment unique. […] C’était le moins libre des hommes, et cela ne lui pesait pas. […] C’était un de ces hommes énormes qui s’augmentent sans cesse de tout.

1111. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Car cet « Homme de bien », savez-vous, c’était l’homme du temps (1845). […] Ce sont les hommes de second ordre, les hommes qu’on appelle « hommes de talent » qui en ont une. […] Mais te voilà un homme. […] Elle tombe dans une machination ténébreuse d’hommes violents contre hommes violents. […] C’est un fanatique cet homme-là !

1112. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Un magnétisme d’outre-tombe enveloppe cet homme accablé. […] Il était né conducteur d’hommes. […] C’était le rêve d’un homme éveillé. […] Qu’était-ce, sinon le « rêve d’un homme éveillé » ? […] Malheureux, il les lut en homme.

1113. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

. —  L’Essai sur l’homme. […] Les hommes de l’autre siècle étaient tout autres. […] Moins l’homme est propre à la vie sociale, plus il est propre à la vie solitaire. […] On pourrait appeler la littérature environnante la bibliothèque de l’homme sensible. […] En effet, la tirade est le propre de l’homme sensible.

1114. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Sans doute, en un pareil moment, au milieu d’un si orageux conflit de toutes les choses et de tous les hommes, en présence de ce concile tumultueux de toutes les idées, de toutes les croyances, de toutes les erreurs, occupées à rédiger et à débattre en discussion publique la formule de l’humanité au dix-neuvième siècle, c’est folie de publier un volume de pauvres vers désintéressés. […] Ce n’est partout, sur le sol de la vieille Europe, que guerres religieuses, guerres civiles, guerres pour un dogme, guerres pour un sacrement, guerres pour une idée, de peuple à peuple, de roi à roi, d’homme à homme, que cliquetis d’épées toujours tirées et de docteurs toujours irrités, que commotions politiques, que chutes et écroulements des choses anciennes, que bruyant et sonore avènement des nouveautés ; en même temps, ce n’est dans l’art que chefs-d’œuvre. […] Car la poésie ne s’adresse pas seulement au sujet de telle monarchie, au sénateur de telle oligarchie, au citoyen de telle république, au natif de telle nation ; elle s’adresse à l’homme, à l’homme tout entier. […] L’artiste, comme l’auteur le comprend, qui prouve la vitalité de l’art au milieu d’une révolution, le poëte qui fait acte de poésie entre deux émeutes, est un grand homme, un génie, un œil, ὀφθαλμός, comme dit admirablement la métaphore grecque. […] Il sait fort bien du reste qu’Empédocle n’est pas un grand homme, et qu’il n’est resté de lui que sa chaussure.

1115. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Malgré la puissance de niaiserie dont l’esprit de parti investit certains hommes, il est permis de douter qu’il y ait un assez robuste dadais pour penser cela. […] Nous n’avons qu’à caractériser rapidement un homme ou une œuvre. […] Erreur accoutumée aux hommes ! […] Voilà la vraie gloire de style qui lui restera, et dont se souviendra la Critique quand le mépris aura chassé de l’attention des hommes les chimères qu’il nous donne comme les réalités de l’avenir. […] La féodalité elle-même n’avait été à son heure qu’un progrès relatif vers cette centralisation supérieure où le génie de la France tendait, à travers l’action de ses plus grands hommes.

1116. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Il doit avoir les qualités d’un homme d’État. […] À son sens, un homme marié était un homme perdu. […] Les hommes étaient coiffés en coup de vent. […] Ce grand homme a pris à tout le monde. […] Enfin, il est homme de parti.

1117. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Collé était donc un homme très-gai ; il faut en passer par là et s’y tenir, quoique ce soit un lieu commun. […] Un pur homme de lettres, Duclos, n’eût point entendu de cette oreille et eût trouvé ce genre de grâce au-dessous de son caractère. […] Collé fut son homme. […] Boileau n’a-t-il pas dit qu'un homme né chagrin plaît par son chagrin même ? […] Il convient d’observer un certain art dans l’arrangement des réputations : les grands hommes sont faits pour être connus et étudiés tout entiers ; mais, quand un homme n’a eu qu’un coin de talent, il est inutile de s’étendre sur tout ce qui n’est pas ce talent même.

1118. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Il y a eu deux Lauzun qui tous deux ont couru brillamment la même carrière, celle d’homme à la mode : le Lauzun du temps de Louis XIV et celui du règne de Louis XVI. […] Il est remarquable pourtant que cet homme qui, par bel air, ne paraît s’occuper que de femmes, et qui croirait déroger à son personnage s’il ne prenait note du moindre minois qu’il rencontre, n’entre pas dans plus de développements quand il aborde les choses sérieuses et les hommes considérables. […] C’est qu’à moins d’être un homme du premier ordre, un homme qui en réunit et en assemble plusieurs en lui, on ne saurait, eût-on trente ans et même cinquante, s’affranchir jamais du cachet qu’une pareille vie première imprime à l’âme, à la volonté, à toute l’existence. Il est fâcheux d’avoir été un roué et un fat si brillant : à moins d’être décidément un grand homme, on ne vient plus à bout d’être un homme simplement solide et estimable. […] Ce n’est pas les hommes qu’on accuse ; d’autres, à leur place, eussent fait de même : des plébéiens parvenus eussent fait comme les Lauzun, et seulement avec moins d’élégance.

1119. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

L’homme était bon, généreux, honnête. […] C’est aux autres hommes à sentir et à penser comme lui. […] Ici l’extrême bienveillance et l’exquise politesse de l’homme ont nui au poète. […] Les hommes ne se pétrissent pas entre eux comme des morceaux de terre glaise. […] Je n’en blâme l’homme en aucune façon, mais le satirique en souffre.

1120. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Ce très grand homme de lettres avait commencé par être un homme de science2. […] Le monde existe, et l’homme. […] En un mot, l’homme connaît qu’il est misérable. […] Autant dire à l’homme : « Mène une existence d’insecte. » Mais l’homme n’est pas un insecte. […] Il y vit, homme fait, une grande partie de l’année.

1121. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Pour apprécier le caractère de l’homme d’administration en M.  […] Daru était resté au fond l’homme de ses débuts, de ses études premières et de ses goûts littéraires variés. […] Me voilà tout naturellement ramené à l’homme de lettres en M.  […] L’industrie s’en est mêlée, l’homme de lettres, même le plus glorieux, est devenu un vendeur comme un autre. […] Campenon fait de même : cet homme de lettres, qui resta jusqu’à la fin parfaitement doux et gracieux, écrivait à M. 

1122. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Voilà, somme toute, un homme distingué, mais un poète assez mal préparé, ce semble, pour chanter les beautés de la vie retirée et champêtre, et pour en goûter toutes les douceurs. […] » — « Comme peu d’hommes. » — « Il a de l’oreille ?  […] qu’un grand poète est un homme rare !  […] Ce Catéchisme commence par une analyse de l’homme et une analyse de la femme. […] De quelle manière le poète y envisageait-il ce besoin de retraite, de solitude et de campagne qui, à un certain moment, est le vœu de tous, de l’homme d’État, de l’homme de loi, du marchand comme du poète ?

1123. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Le fils du plus souple des hommes, du doucereux Le Tellier, eut bien de la peine à se plier d’abord à ce manège. […] Louvois a senti de bonne heure qu’avec tout ce qu’il exécute déjà et ce qu’il prépare il lui faut avoir des hommes à lui, rien qu’à lui. […] Vauban doit à Louvois ce que tout homme de talent prise le plus, l’occasion de montrer au grand jour ses talents. […] Vauban était, de fait, le plus humain des hommes de guerre. […] Homme antique, qui au génie d’un Français nouveau unit toutes les qualités des vieux Gaulois, ou mieux peut-être des Romains de vieille roche.

1124. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il s’y détache comme des profils nettement tranchés, celui de l’homme de guerre, par exemple, tel qu’il apparaissait à nu et se dessinait au lendemain du premier Empire : « L’homme qui a toujours vécu dans les camps réduit toutes les questions de morale au mot d’honneur, tous les devoirs à l’observation de la discipline, et la vertu à la bravoure. […] A peine peut-on espérer atteindre aux limites de l’esprit : quel homme prétendrait les reculer ? […] Tant de luttes et de combats, tant d’inimitiés soulevées depuis, tant de bruits contradictoires, d’injures et de calomnies même, ont pu obscurcir l’idée qu’on se fait de l’homme et en altérer l’impression, que j’ai tenu à dégager nettement ce premier portrait authentique d’Émile. […] Une pensée généreuse de progrès et d’amélioration sociale qu’il ne perdait jamais de vue le lui disait non moins nettement : car cet homme, qui parut de bonne heure si mêlé et si plongé dans les affaires, avait son but, sa visée supérieure et constante. […] Il avait désormais contre lui tout un parti, tout un groupe d’hommes passionnés qui, ardents à venger les résultats d’une rencontre qui n’avait rien eu d’inévitable et qu’on aurait pu prévenir, s’étaient juré de tout faire pour le perdre politiquement, socialement, et qui ne reculèrent devant aucun moyen.

1125. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Nous avons affaire à un peintre en effet, non à un homme d’action, d’intrigue et de mouvement. […] L’homme de goût est tout le contraire, et s’il paraît décisif, c’est que le goût aussi, dans ses décisions, n’hésite pas. […] Valincour, homme du monde, écrivain amateur, esprit délicat, ne mérite en rien ces sévérités de M.  […] Heureux homme, après tout, que La Bruyère ! […] A faire mieux saisir la physionomie de l’homme.

1126. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ainsi, dans cette partie des Mémoires l’homme officiel a tout dérobé, le solennel est venu se mettre au-devant de la mystérieuse folie. […] Ives, savant homme qui a besoin d’un secrétaire, d’un collaborateur. […] J’ai prononcé le mot d’homme à bonnes fortunes ; il convient de l’expliquer à l’instant et de le relever. M. de Chateaubriand était un homme à bonnes fortunes, mais il l’était comme Louis XIV ou comme Jupiter. […] cet homme-là que nous avons vu à la fin, assis, muet, maussade, disant non à toute chose, cet homme cloué dans tous ses membres, et qui se ronge de rage comme un vieux lion, il a sous main des retours charmants, des éclairs.

1127. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Ce qu’il est avant tout, en même temps qu’un homme d’humeur, c’est un homme d’art et de goût ; c’est un habile et, par endroits, un exquis écrivain : là est sa supériorité et sa gloire. […] Avant 1815, on a un autre Courier, qui a devancé l’autre et qui l’explique, mais qui n’a rien encore de l’homme de parti ; soldat déjà trop peu discipliné sous la République, devenu incompatible et tout à fait récalcitrant sous l’Empire, mais curieux de l’étude, amateur du beau en tout ; un Grec, un Napolitain, un Italien des beaux temps, le moins Gaulois possible ; s’abandonnant tant qu’il peut à tous les caprices de sa libre vocation ; indépendant avec délices ; délicat et quinteux ; misanthrope et pourtant heureux ; jouissant des beautés de la nature, adorant les anciens, méprisant les hommes, ne croyant surtout pas aux grands hommes, faisant son choix de très peu d’amis. […] Il se lia fort pendant son séjour à Toulouse avec un Polonais, homme de mérite et d’érudition, M.  […] Pour moi, m’est avis que cet enchaînement de sottises et d’atrocités, qu’on appelle histoire, ne mérite guère l’attention d’un homme sensé. […] Plutarque à présent me fait crever de rire : je ne crois plus aux grands hommes.

1128. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Il conçut l’idée d’un ouvrage qui pût sourire à ce grand homme (comme on disait alors) par l’assemblage de connaissances nécessaires à l’exécution. […] Un homme riche, qui représente, a force cuisiniers, force services d’entrées et d’entremets, des fruits montés d’une manière élégante (dont l’usage, par parenthèse, nous vient d’Italie). […] Quel homme a jamais mieux su manier sa langue dans tous les tons, sublime, moral, tendre, noble ou badin ? […] De retour à Dijon (1740), il devient président de simple conseiller qu’il était ; il se marie ; il vit plus en plein que jamais de sa vie de magistrat, de sa vie d’homme du pays, et aussi d’homme de lettres au sens d’autrefois. […] Il est très instruit et fort homme de bien.

1129. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Bilâli — L’homme au piti, etc.). […] Chez nous ils préfèrent les hommes grands à nez droit, portant la barbe, noire de préférence. […] Aussi serait-il mal venu à prêcher l’intégrité aux hommes. […] Ils représentent volontiers l’homme comme l’ingrat par excellence (V. […] -F. : L’ami indiscret ; L’homme prudent en paroles.

1130. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

C’est que l’homme est une intelligence et que le fleuve est un élément. […] L’homme est Dieu par la pensée… » Et cela continue. […] Il tire la vie de l’élément vers la vie de la plante et de l’animal, l’animal et la plante vers l’homme, l’homme vers Dieu. […] Homme, élève ton âme ! […] Tous les érotomanes célèbres ont été, je crois, de méchants hommes.

1131. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point. […] Qu’était l’homme ? […] Dieu, que cet homme a le sentiment de la ruine !  […] toujours un homme, hélas ! […] N’écrivez jamais, Marie, à l’homme qui vous aimera ! 

1132. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Peut-on supposer dans un homme, & un homme instruit comme le P. le Bossu, une méprise aussi grossière que celle de confondre fable, apologue, avec fable, constitution d’un poëme. […] Boivin, homme sçavant &, qui plus est, d’esprit & de goût, se déclara vivement pour madame Dacier. […] Il se piquoit d’être l’homme de France qui contoit le mieux. […] Il parle tour à tour en homme de lettres, en homme vertueux, en citoyen. […] quelle image vive & naturelle de la vie ordinaire des hommes !

1133. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Il ne peut se persuader qu’à ce point le plus culminant de notre crise révolutionnaire, des hommes jeunes, au regard perçant et imperturbable, n’aient rien vu dans l’avenir, et qu’ils aient été que de misérables radoteurs du passé. […] Portant ces vues générales dans l’examen des individus, et s’enquérant scrupuleusement des faits biographiques et psychologiques, il prononce sur les hommes des jugements dans lesquels il n’entre pas moins de courage que de sagacité. […] Thiers, dit-il, écrivait ceci au sein d’une paix profonde, et loin des circonstances qui entraînèrent des hommes non moins sensibles que lui à suivre un drapeau ensanglanté, qu’ils regardaient comme celui de l’indépendance de la liberté du pays. […] Mais non : les hommes ne manquent jamais aux circonstances. […] Laurent une tête forte et logique, un coup d’œil pénétrant et sûr : il est homme à marcher d’un pied ferme sur cette crête sanglante de la Montagne, qui donnerait des vertiges à tant d’autres.

1134. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

En Allemagne, Goethe meurt le dernier de son siècle, après avoir vu passer presque tous les poètes nés avec lui ou de lui ; une ère différente, une ère de politique et de pratique sociale s’inaugure, et elle cherche encore ses hommes. […] , le devoir des générations nouvelles, leur piété bien entendue envers les mânes de ces hommes dont la grandeur et les vrais bienfaits ont racheté les faiblesses, consiste, au défaut du génie que Dieu seul dispense, à ne pas s’endormir dans un lâche sommeil ni dans des intérêts étroits et vulgaires, à ne pas s’égarer dans de chétives ambitions, à ne pas croupir au giron de quelque pouvoir corrompu et corrupteur, mais à marcher avec constance, développant leur pensée, défendant leur droit, n’abdiquant aucune portion de la vérité, la cherchant dans la méditation et l’étude, la répandant par la parole, et fidèles à tout ce qui relève l’homme et l’honore. […] C’était, dans le roman, un de ces génies qu’on est convenu d’appeler impartiaux et désintéressés, parce qu’ils savent réfléchir la vie comme elle est en elle-même, peindre l’homme de toutes les variétés de la passion ou des circonstances, et qu’ils ne mêlent en apparence à ces peintures et à ces représentations fidèles rien de leur propre impression ni de leur propre personnalité. […] Né à Édimbourg, le 15 août 1771, d’un père, homme de loi (writer of the signet), et d’une mère un peu poëte, à laquelle surtout il paraît avoir dû ses brillantes qualités, qualités naturelles, le jeune Scott fut destiné de bonne heure à l’étude du droit et au barreau. […] La postérité retranchera sans doute quelque chose à notre admiration de ses œuvres ; mais il lui en restera toujours assez pour demeurer un grand créateur, un homme immense, un peintre immortel de l’homme !

1135. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

L’écrivain est toujours assez facile à juger, mais l’homme ne l’est pas également. […] qu’un homme est difficile à connaître, même quand cet homme n’est pas nous-même, et qu’il est tout simplement un autre ! Dès qu’on cherche l’homme dans l’écrivain, le lien du moral au talent, on ne saurait étudier de trop près, de trop bonne heure, tandis et à mesure que l’objet vit. […] Il est (qu’on veuille y songer) un niveau de réputation au-dessous duquel on ôte tout ce qu’on peut aux hommes de talent ou même de génie en louanges et en gloire. […] Ainsi se concilient les deux penchants des hommes en masse : idolâtrie et détraction.

1136. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Car un homme de lettres ne laisse rien perdre. […] Et comment cet homme de peu de mine sut-il s’y prendre ? […] et s’il fut plus coupable que nous ne souhaiterions, dans quelle mesure fut-il excusé par l’agacement si naturel que donne un homme de génie à un homme extrêmement intelligent, et par l’impossibilité où étaient les deux amis de se comprendre et de se pénétrer, impossibilité que leur intimité même devait rendre plus irritante ? […] Et puis, tout cela c’est de la vie, de la vie vraie, toute palpitante, et rien n’est plus intéressant que la vie elle-même, fût-ce celle du plus vulgaire des hommes. […] Ce sera chez tel homme complètement obscur ou chez telle humble femme qui n’a jamais écrit.

1137. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Or je ne sçais quoi de froid dans les exclamations, de forcé dans le geste, et de gêné dans la contenance, décelent toûjours l’acteur indolent pour un homme que l’art seul fait mouvoir, et qui voudroit nous faire pleurer sans ressentir lui-même aucune affliction, caractere odieux, et qui tient quelque chose de celui d’imposteur. Tous ceux qui exercent un de ces arts dont le but est d’émouvoir les autres hommes, doivent s’attendre d’être jugez suivant la maxime d’Horace : que pour faire pleurer les autres il faut être affligé. […] Comme les femmes ont une sensibilité plus soudaine, et qui est plus à la disposition de leur volonté, que la sensibilité des hommes, comme elles ont, pour parler ainsi, plus de souplesse dans le coeur que les hommes, elles réussissent mieux que les hommes à faire ce que Quintilien exige de tous ceux qui veulent se mêler de déclamer. […] En un mot les hommes ne se prêtent pas d’aussi-bonne grace que les femmes aux sentimens du personnage qu’ils veulent joüer. […] Depuis soixante ans que le théatre de l’opera est ouvert, on n’y a point vû d’homme exceller dans l’art de la déclamation propre pour accompagner une récitation ralentie par le chant, autant que Mademoiselle Rochoix.

1138. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Ils deviennent des hommes au-dessous du médiocre aussi-tôt qu’ils sortent de leur sphere. […] il est comme impossible, dit Platon, que le même homme excelle en des ouvrages d’un genre different… etc. . Ceux des peintres qui ont excellé à peindre l’ame des hommes, et à bien exprimer toutes les passions, ont été des coloristes médiocres. […] Chaque genre de poësie demande un talent particulier, et la nature ne sçauroit gueres donner un talent éminent à un homme, que ce ne soit à l’exclusion des autres talents. […] Il arrive donc aux hommes, dans toutes les professions, ce qu’il leur arrive dans la science des jeux.

1139. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Après tout, l’homme est toujours le même. […] Cet anonyme homme d’État qui, dans la pièce de M.  […] » disaient les hommes d’État et les généraux de son temps. […] Mignet, on le comprend, n’a pu nous parler d’hommes tels que M.  […] quel aimable grand homme !

1140. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Cet homme de haute taille, d’une belle et noble physionomie, à l’air martial et intelligent, portait boucles d’oreilles. Cela dit, prenons-le par ses bons côtés, par ses saillies qui souvent vont fort loin dans le vrai et dans le sérieux, prenons-le dans sa parfaite connaissance de la vie, du monde et des hommes. […] Il y a une lettre du prince à un émigré des plus distingués, M. de Meilhan, ancien administrateur, homme de lettres et homme d’esprit. […] Le prince de Ligne déroba sa douleur de guerrier sous le sourire de l’homme du monde et sous l’indifférence du philosophe. […] J’avais bonne idée des hommes.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il n’est pas jusqu’à ce prix de la carpe et du brochet, cinq sous et trois sous, qui ne sente le roi homme de ménage, le roi de la poule au pot. […] Envovez-moi Licerace (l’homme de confiance), disant qu’il va à Paris. […] Henri IV avait songé à épouser Corisandre comme il songea plus tard à épouser Gabrielle : car il y avait en lui de l’homme d’habitude en même temps que de l’inconstant. […] Je ne puis faillir d’être bientôt ou fou ou habile homme. […] Henri IV (et cela me plaît en lui) n’est pas un de ces génies et de ces grands hommes qui jaillissent tout formés des mains de la nature et de la fortune.

1142. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

S’il me fallait diriger un seul homme, surtout s’il était jeune, je ne l’oserais faire dans un pareil moment. […] Mais que cet homme-là m’a volé d’idées !  […] Le pauvre homme était à Sainte-Pélagie (18.26), comme qui dirait aujourd’hui à Clichy. […] Pour relever le moral de cet excellent homme, il s’humilie et se rabaisse à son tour, en y mettant de la gentillesse. […] Voilà notre homme heureux, mais, dans son besoin de malencontre, il se met encore en peine ; il se tourmente de se voir décoré quand Béranger ne l’est pas.

1143. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Vous (c’est à Rousseau qu’il parlait), vous achèverez de haïr tous les hommes, et lui (Diderot), finira de les aimer. […] Vous ne souhaitez que le bonheur des hommes, et vous leur en montrez la voie par vos écrits. […] le plus honnête homme et le plus vertueux qu’il connût, « l’homme le plus près de sa conscience. […] Ni le méchant ni l’homme de bien ne trouvent de satisfaction sur la terre. […] — Mais n’ai-je pas eu raison de dire que Ducis a trop de sensibilité d’homme et de père pour un artiste ?

1144. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Un intérêt sérieux ramène l’attention sur les hommes qui ont contribué à restaurer la société après les convulsions et les tempêtes. […] Il a de ces résumés de jugement qui sont plus frappants pour nous que la démonstration qu’il en donne : « Si la science de former les hommes, dit-il, était inconnue avant M.  […] » Ce petit écrit renferme déjà tout l’homme et le chrétien en Portalis. […] Il est plus aisé de rendre des décrets que de former des hommes. » Il demande donc du temps et du soin pour corriger et ramener les esprits. […] Le moment de détruire était passé ; celui de gouverner, qui ne se rencontre jamais qu’avec l’homme qui gouverne, n’était pas encore venu.

1145. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Fortoul, a fait tout ce qu’on pouvait attendre d’un homme dont la jeunesse a été nourrie des vives leçons de cet enseignement littéraire élevé. […] En littérature, la tradition sans doute est chose délicate, et qui ne se renoue pas si aisément ; mais, outre que l’héritage de ces hommes célèbres est depuis longtemps déjà aux mains d’hommes instruits et habiles qui en savent le prix et le poids, je dirai que la grande tradition ne se continue jamais par les disciples, mais par de nouveaux maîtres qui, en paraissant, reprennent l’ensemble des faits et des idées par d’autres aspects, et qui se placent d’eux-mêmes sur des hauteurs qui font la chaîne. […] Villemain ne s’est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d’homme d’État. […] Tout jeune homme se croyait fait pour être homme de lettres, tout homme de lettres pour être journaliste, tout journaliste pour être ministre ou président de l’État. […] Le professorat n’est plus un état ; le journalisme n’est plus une carrière ; pour se faire homme de lettres à l’heure qu’il est, il faut se sentir une dure vocation.

1146. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

C’était l’homme qui oubliait le plus les pensées des autres pour se concentrer dans les siennes. […] Quels sont les biens et les maux qu’elle est capable de procurer aux hommes ? […] Un des plus grands bienfaits de la démocratie, c’est la douceur des mœurs et les progrès de la sociabilité parmi les hommes. […] Dans une société où une distinction a disparu, où tous les hommes ne sont plus que des individus égaux, la seule force décisive est celle du nombre. […] Toutes les fois qu’on se mêle des intérêts des hommes, on est sûr de ne pas leur plaire.

1147. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Le sage craint l’homme d’un seul livre. Que dirons-nous de l’homme d’un seul journal ? […] Que la règle morale s’impose à l’homme de goût, comme à tous les hommes, mais qu’elle ne s’impose pas au goût ! […] Ce n’est pas l’avis de beaucoup d’hommes. […] Ce qu’il a rencontré, ce sont des hommes, et il a extrait de ces hommes de quoi former ces caractères.

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