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1382. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Nous supposerons que S′ est un duplicata du système S, que les deux systèmes sont identiques, qu’ils déroulent au-dedans d’eux la même histoire. […] En chacun des trois points M′, N′, P′ se déroule une série d’événements qui constitue l’histoire du lieu. […] Ce qui, en M′ et P′, fait partie du présent de l’observateur en N′, apparaît à cet observateur du dehors comme d’autant plus en arrière dans l’histoire passée du lieu M′, d’autant plus en avant dans l’histoire à venir du lieu P′, que la vitesse du système est plus considérable. Élevons alors sur la droite M′ P′, dans les deux directions opposées, les perpendiculaires M′ H′ et P′ K′, et supposons que tous les événements de l’histoire passée du lieu M′ soient échelonnés le long de M′ H′, tous ceux de l’histoire à venir du lieu P′ le long de P′ K′. […] Les relations resteront donc les mêmes si nous faisons de S′ un double de S, déroulant la même histoire que S et ayant commencé par coïncider avec lui.

1383. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Ici se place l’histoire du ruban. […] « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos arts et nos sciences se sont avancés à la perfection. » Cela est prouvé par l’histoire (l’histoire comme on l’enseignait dans les collèges). […] Mais il reste sur les prières de madame d’Houdetot, qui craint des « histoires ». […] Mon Dieu, que d’histoires ! […] Je n’ai considéré que l’action même du roman, — « l’histoire ».

1384. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Viendront ensuite les œuvres politiques proprement dites, notamment la Chronique des cinquante jours, qui est devenue comme une partie intégrante de l’histoire de la Révolution. […] Il lisait tous les ouvrages de philosophie, de politique, de législation, de morale et d’histoire les plus autorisés de son temps, Locke, Adam Smith, Bonnet, Montesquieu et les économistes. […] J’insiste sur ces jours intérieurs qu’il nous ouvre, parce que l’histoire secrète de Roederer fut celle alors de beaucoup d’autres, parce qu’il ne fut pas le seul à avoir ce qu’on peut appeler sa période de Rousseau, et pour qu’on voie aussi à quel degré primitif de chaleur mûrirent tant de qualités solides et fortes que plus tard on apprécia en lui. […] Il prenait part à tous les sujets sérieux, traités ou proposés par l’Académie de Metz, dont il était un des membres dirigeants ; il pensait à concourir pour l’Éloge de Louis XII, proposé par l’Académie française, et se prenait dès lors pour ce roi, père du peuple, de cette prédilection presque paradoxale qui, dans ses heures de loisir, dominera désormais tous ses points de vue sur l’histoire et la société française des derniers siècles. […] Raconter en détail les travaux de Roederer à la Constituante, ce serait en grande partie repasser toute l’histoire de cette Assemblée même.

1385. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il trousse l’histoire en épigramme. […] En histoire naturelle, en métaphysique, en morale, il se fatigue à découvrir quelque grand principe, et il n’y parvient pas. […] La Beaumelle a reproché quelque part à Voltaire une réponse que celui-ci aurait faite au père de lord Bolingbrocke : Lorsque le lord Saint-Jean, père du vicomte de Bolingbrocke, vous dit au sujet d’un fait tronqué et embelli de l’Histoire de Charles XII : « Convenez que les choses ne se passèrent pas ainsi » ; vous lui répondîtes : « Et vous, milord20, convenez que cela est bien mieux comme je le rapporte. […] L’histoire est chose sacrée. […] [NdA] Dans son Histoire philosophique de l’Académie de Prusse (1851).

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M.  […] On doit des remerciements à tous ceux qui nous apportent sur quelque partie de l’histoire des informations et des lumières nouvelles : on en doit à ceux même qui nous les apportent à contrecœur et en grondant51 ; à plus forte raison, à ceux qui le font de bonne grâce, dans la seule vue du public et par zèle pour la vérité. […] Rathery qui, depuis bien des années, s’est appliqué à la littérature sérieuse et historique, et qui a fait preuve, dans maint travail critique, d’un rare esprit d’exactitude et de finesse, rend en ce moment un véritable service en publiant, au nom de la Société de l’histoire de France, les journaux et mémoires du marquis d’Argenson. […] Sans entrer dans des détails qui seraient aujourd’hui sans intérêt, disons seulement qu’au sein même de la Société de l’histoire de France les droits de la vérité historique pure et entière, non adoucie et déguisée, non adultérée et sophistiquée, ont trouvé de chauds défenseurs et des appuis en la personne de MM.  […] Chauvelin est un personnage politique important, qui ne s’était jamais complètement dégagé, dans l’histoire, de l’ombre du cardinal de Fleury, et que l’on doit à d’Argenson, aujourd’hui, de bien connaître.

1387. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

L’histoire suivante se répandit dans Paris et courut sur la fin de 1679. […] L’histoire courut avec variantes et embellissements, et chacun y mettait une suite à sa guise. […] M. de Harlay, en toutes ces démarches qui ont gravé à jamais son nom dans l’histoire de la Compagnie, était animé du noble désir de la servir, et aussi peut-être de la crainte que si l’Académie venait à se choisir, après le chancelier Séguier, un second protecteur au-dessous du trône, ce protecteur ne fût pas lui, encore si nouveau et l’un des derniers élus. […] Allusion à quelque autre histoire de nuit ; on n’a que le choix des historiettes avec M. de Harlay 51. Il paraît qu’à propos du prélat on avait aussi jasé de Mme de La Meilleraye ; c’étaient des histoires déjà anciennes que le scandale présent ravivait.

1388. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

La religion de l’histoire, en ce qu’elle a de fondamental, repose sur des pièces authentiques, actes et papiers d’État, traités, instructions, dépêches et correspondances, etc. […] Nous y verrons un à un tous les fils dont se compose la trame la plus solide de l’histoire, le dessous et l’envers de la tapisserie ; nous apprendrons à y connaître au naturel quelques figures de diplomates guerriers, d’hommes d’État, gens d’esprit ou même écrivains originaux, que les récits du dehors et le spectacle de l’avant-scène laissaient à peine soupçonner43. L’histoire sévère se détend un peu et se diversifie, la libre curiosité commence dans les recherches que je vois faire depuis quelque temps au comte Hector de Laferrière : il trouve ou on lui communique, par exemple, un livre de dépenses de Marguerite, reine de Navarre, la sœur de François Ier, et il en profite pour nous donner une Étude ingénieuse et plus précise qu’on ne l’avait fait encore sur les dernières années de cette bonne et estimable princesse44. Depuis lors, M. de Laferrière est passé à l’histoire pure, en allant prendre copie en Russie des nombreuses lettres de Catherine de Médicis que possède la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg ; mais il est resté fidèle à la variété de ses goûts et à sa littérature première en y ajoutant, chemin faisant, quantité de menu butin recueilli ou glané sur d’autres branches plus agréables qui s’offraient à lui. […] Feuillet de Conches a, depuis des années, réuni avec une ardeur, avec une passion qui n’a d’égale que son obligeance, des raretés sans nombre, depuis les pièces qui sont le plus faites pour éclairer l’histoire jusqu’à celles qui ne sont que des amusements, des singularités biographiques et morales.

1389. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

C’est là l’histoire de tout organisme. […] En littérature, les œuvres primitives comprennent tout ; l’Écriture contient la théologie, la cosmogonie, l’histoire, la législation, la morale, etc., des Hébreux ; dans l’Iliade, il y a des éléments religieux, militaires, épiques, lyriques, dramatiques ; tout cela forme plus tard autant de genres. […] N’explique-t-on pas de même l’histoire par des interventions surnaturelles, par l’action prépondérante des grands hommes ; au lieu de comprendre que le grand homme ne peut que troubler, retarder ou aider l’évolution générale, mais que, prise dans sa totalité, elle reste en dehors de son atteinte. […] Telle est l’histoire psychologique de la genèse de la science. […] Mais ce qu’il importe de bien comprendre, c’est que l’idée d’évolution, soit qu’elle explique les phénomènes cosmiques et biologiques, soit qu’elle pénètre dans le monde de la pensée et de l’histoire, n’explique jamais les causes premières.

1390. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Telle est l’histoire des Danaïdes, écrite et fixée par les mythographes : la critique moderne l’a liquéfiée en l’analysant. […] La Grèce écrivit sur l’onde, traça en l’air, sculpta dans la terre sa première histoire. […] Une admirable histoire, racontée par Hérodote, montre à quel point les Grecs croyaient le droit des Suppliants sacré pour les dieux, — Pactyas, le Lydien, chef d’une révolte contre les Perses, s’était enfui devant leur armée, et il avait cherché un refuge chez les Cyméens. […] Si vous portiez des arcs, je vous prendrais pour elles. » — On dirait un baron du moyen âge, la tête pleine d’histoires de goules et de sorcières barbaresques, questionnant avec une sévérité soupçonneuse quelque bande noire d’Égyptiennes qui serait venue camper sous sa ville. […] L’année de Salamine ou de l’Orestie, des frontons du Parthénon ou de l’Histoire d’Hérodote lue à Olympie, compte davantage dans l’existence de l’humanité que les périodes millénaires des chronologies de Memphis.

1391. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Montesquieu, après la publication de L’Esprit des lois, écrivait à l’abbé de Guasco, qui était alors en Angleterre : « Dites à milord Chesterfield que rien ne me flatte tant que son approbation, mais que, puisqu’il me lit pour la troisième fois, il ne sera que plus en état de me dire ce qu’il y a à corriger et à rectifier dans mon ouvrage : rien ne m’instruirait mieux que ses observations et sa critique. » C’est Chesterfield qui, parlant un jour à Montesquieu de la promptitude des Français pour les révolutions et de leur impatience pour les lentes réformes, disait ce mot qui résume toute notre histoire : « Vous autres Français, vous savez faire des barricades, mais vous n’élèverez jamais de barrières. » Lord Chesterfield goûtait certes Voltaire ; il disait à propos du Siècle de Louis XIV : « Lord Bolingbroke m’avait appris comment on doit lire l’histoire, Voltaire m’apprend comment il faut l’écrire. » Mais en même temps, avec ce sens pratique qui n’abandonne guère les gens d’esprit de l’autre côté du détroit, il sentait les imprudences de Voltaire et les désapprouvait. […] Chesterfield enseigne et résume en français à son fils les premiers éléments de la mythologie, de l’histoire. […] Il parle français parfaitement, il sait beaucoup de latin et de grec, et il a l’histoire ancienne et moderne au bout des doigts. […] À propos des femmes encore, s’il semble bien dédaigneux parfois, il leur fait ailleurs réparation, et surtout, quoi qu’il en pense, il ne permet pas à son fils d’en trop médire : Vous paraissez croire que, depuis Ève jusqu’à nos jours, elles ont fait beaucoup de mal ; pour ce qui est de cette dame-là, je vous l’abandonne ; mais, depuis son temps, l’histoire vous apprend que les hommes ont fait dans le monde beaucoup plus de mal que les femmes ; et à vrai dire, je vous conseillerais de ne vous fier ni aux uns ni aux autres qu’autant que cela est absolument nécessaire.

1392. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Le héros de roman s’était heurté contre la réalité et s’y était brisé : il va essayer, dans la seconde partie de sa vie, d’être un héros d’histoire, mais la fortune lui en refusera l’occasion, et, en la lui refusant, elle ne sera que juste. […] Personne ne lit l’histoire, et c’est dans les mémoires que se forme l’instruction des salons. […] Ils ne semblent que frivoles au premier abord ; ils ont un côté sérieux, bien plus durable, et l’histoire les enregistre au nombre des pièces à charge dans le grand procès du xviiie  siècle. […] Il y a eu plainte portée devant la justice comme pour un fait qui n’est pas encore entré dans le vaste domaine de l’histoire, et, en conséquence, jugement et condamnation (26 janvier 1859). […] Une lettre de Mme de Buffon à Biron, écrite quelques jours après le 10 août et la chute de la monarchie, et que MM. de Goncourt ont publiée dans leur Histoire de Marie-Antoinette (2e édition, p. 331), montre à nu la légèreté, la faiblesse, l’imprévoyance et les illusions de ce parti d’Orléans, dont ils étaient si complètement l’un et l’autre.

1393. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Napoléon (on n’a pas tous les jours des feuilletonistes de ce calibre-là), entrant dans l’analyse de la pièce, remarque qu’en restant dans les données de l’histoire et de la tradition, l’auteur aurait pu imprimer à sa tragédie une force et une couleur dramatique qui lui manquent entièrement : Le caractère de Philippe le Bel, pense-t-il, prince violent, impétueux, emporté dans toutes ses passions, absolu dans toutes ses volontés, implacable dans ses ressentiments et jaloux jusqu’à l’excès de son autorité, pouvait être théâtral, et ce caractère eût été conforme à l’histoire. […] Quand il composera des ouvrages en prose, tels que son Histoire du droit municipal en France (1829), il ne fera guère autre chose que de mettre en ordre et de classer chronologiquement les notes recueillies dans ses recherches, que de vider ses sacs et de ranger ses matériaux par chapitres avec aussi peu de lien que possible. […] Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait : Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous. […] Thiers, dans son XVIIIe volume de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, a noté un second jour parlementaire mémorable dans la vie politique de M. 

1394. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Combien de grandes choses dans l’histoire ne tiennent qu’à un cheveu ! […] Un homme de beaucoup d’esprit, et, ce qui vaut mieux, d’un très bon et judicieux esprit, M. de Sainte-Aulaire, a fait de cette vue l’idée principale de son Histoire de la Fronde ; il s’est attaché à en dégager en quelque sorte l’élément constitutionnel trop tôt masqué et dénaturé au gré des factions. […] Bazin n’ait conçu son ouvrage sur la même période de notre histoire que pour contrecarrer pied à pied le point de vue de M. de Sainte-Aulaire. […] Ce sont là des exordes qui comptent dans l’histoire. […] Cette galerie, dont les traits cent fois répétés et reproduits depuis remplissent toutes nos histoires, est la gloire du pinceau français, et on peut dire qu’avant Saint-Simon il ne s’était rien écrit de plus vif, de plus éclatant, de plus merveilleusement animé.

1395. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Rien de tel ne se montre dans les Mémoires de Louis XIV, non plus que dans ceux de Napoléon ; c’est de l’histoire toute pure, ce sont les réflexions d’hommes qui parlent de leur art, et le plus grand des arts, celui de régner. […] La roue de l’histoire, qui tourné sans cesse, nous a ramenés au point de vue qu’il faut pour mieux comprendre peut-être ce que c’est qu’une nature royale et souveraine, et de quel usage elle est dans une société : donnons-nous un moment le plaisir de la considérer en Louis XIV dans sa pureté et son exaltation héréditaire, et avant que Mirabeau soit venu. […] L’idée de gloire, qui est inséparable de Louis XIV, s’y mêle, et, comme l’avenir aura un jour à s’occuper de ses actions, comme la passion et le génie des divers écrivains devront s’y exercer, il veut que son fils trouve là de quoi redresser l’histoire si elle vient à se méprendre. […] Regrettait d’en être venu si tard à l’étude de l’histoire, il considère que « la connaissance de ces grands événements que le monde a produits en divers siècles, étant digérée par un esprit solide et agissant, peut servir à fortifier la raison dans toutes les délibérations importantes ». […] [NdA] Depuis que ceci est écrit, un professeur d’histoire de l’Université, M. 

1396. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

On publia en 1730, sous le titre bizarre d’Histoire de la mère et du fils, c’est-à-dire de Marie de Médicis et de Louis XIII, un fragment d’histoire commençant à la mort de Henri IV, et qu’on attribua à Mézeray, par la raison que le manuscrit s’était trouvé à sa mort parmi ses papiers. […] On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine. […] Richelieu, dans la description de ces scènes qui suivirent le meurtre du maréchal d’Ancre, est un grand peintre d’histoire.

1397. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Son Jules César est aussi plein de Plutarque que Britannicus l’est de Tacite ; et, s’il n’a pas appris l’histoire mieux que personne, il faut dire qu’il l’a devinée, au moins quant aux caractères, mieux que personne ne l’a jamais sue. […] Prenant les discours généraux que Buffon a mis en tête de quelques volumes de son Histoire naturelle, il les apprécie littérairement comme ferait un homme né sous l’étoile française de Malherbe, de Pascal et de Despréaux : « On est justement étonné, dit-il, de lire des discours de cent pages, écrits, depuis la première jusqu’à la dernière, toujours avec la même noblesse, avec le même feu, ornés du coloris le plus brillant et le plus vrai. » Ce n’était certes plus un étranger celui qui appréciait à ce point la convenance et la beauté continue du style. […] Les qualités qui manquent à Voltaire pour être un historien véritable, il les sent également : En général, il faut un génie profond et grave pour l’histoire. La légèreté, la facilité, les grâces, tout ce qui fait de M. de Voltaire un philosophe si séduisant et le premier bel esprit du siècle, tout cela convient peu à la dignité de l’histoire. […] Ses Mémoires secrets, « ouvrage qui tient un milieu fort intéressant entre le genre des mémoires particuliers et celui de l’histoire générale », sont aujourd’hui le seul livre à lire de lui : justice leur est rendue par Grimm en quinze lignes.

1398. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

J’ai lu quelque part l’histoire d’un sous-lieutenant que les hasards de la bataille, la disparition de ses chefs tués ou blessés, avaient appelé à l’honneur de commander le régiment : toute sa vie il y pensa, toute sa vie il en parla, et du souvenir de ces quelques heures son existence entière restait imprégnée. […] L’histoire, elle, ne se recommence pas ; la bataille d’Austerlitz s’est livrée une fois, et ne se livrera jamais plus. Les mêmes conditions historiques ne pouvant se reproduire, le même fait historique ne saurait reparaître ; et comme une loi exprime nécessairement qu’à certaines causes, toujours les mêmes, correspondra un effet toujours le même aussi, l’histoire proprement dite ne porte pas sur des lois, mais sur des faits particuliers et sur les circonstances, non moins particulières, où ils se sont accomplis. […] vous étudiez les documents, vous les critiquez, vous écrivez une page d’histoire. […] Maintenant, que l’attention à la vie vienne à faiblir un instant — je ne parle pas ici de l’attention volontaire, qui est momentanée et individuelle, mais d’une attention constante, commune à tous, imposée par la nature et qu’on pourrait appeler « l’attention de l’espèce » — alors l’esprit, dont le regard était maintenu de force en avant, se détend et par là même se retourne en arrière ; il y retrouve toute son histoire.

1399. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

C’est bien Eschyle qu’on peut appeler le prophète du polythéisme, l’homme doué d’une seconde vue, sublime, énergique, terrible, et, avec les événements et les hommes de l’histoire, faisant apparaître les visions de son âme. […] Mais, à part ces lacunes de l’histoire littéraire, comment ne lirait-on pas ailleurs que dans Suidas, quelques mois sur Pindare, auteur tragique ? […] Mais, sans anticiper ici sur l’histoire de cette décadence que nous rencontrerons plus tard, essayons de marquer par quelques autres détails ce qui dut inspirer et retenir dans le cercle lyrique la vocation du poëte thébain. […] La Grèce, si polie dans ses arts, si républicaine dans ses lois, et menacée d’épreuves si terribles et si proches, voulait l’histoire pour témoin et la lyre pour auxiliaire. […] N’oublions pas ce qu’atteste l’histoire : ces jeux de force, de vaillance et d’agilité, ces quatre grandes écoles d’Olympie, de Delphes, de l’Isthme et de Némée préparaient et inspiraient la race des vainqueurs de l’Asie.

1400. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Une fois de l’Académie des Inscriptions, il remplaça Fauriel dans la Commission de l’Histoire littéraire de la France (1844). […] Dès 1844, par son association au comité de l’Histoire littéraire de la France, M.  […] Il a son explication de l’histoire, sa loi trouvée ; il applique ensuite sa formule à des cas particuliers : elle est, en toute rencontre, un peu rigide, cette formule, et arrange quelque peu les choses après coup. […] Barthélémy Saint-Hilaire d’accepter une chaire d’Histoire de la médecine qu’il avait dessein de fonder en sa faveur à la Faculté même de médecine. […] Littré a consacré à l’Histoire de la vie et des idées d’Auguste Comte n’a pas tardé à paraître.

1401. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Le petit café des derviches conteurs d’histoires, où donc est-il ? […] n’est-ce pas là toute l’histoire de cette sanglante aventure qui n’a pas eu encore d’explication plausible ? […] L’histoire d’un pou peut être plus belle que celle d’Alexandre. […] Et puis, c’est toujours la vieille histoire de la paille et de la poutre. […] Études d’histoire. — 1891.

1402. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Qu’auraient fait Platon, Démosthène, ou Thucydide même (s’il est question d’histoire), pour écrire ceci en style sublime ? […] On le démontrerait jusqu’à l’évidence, en faisant l’histoire du procédé matériel dans la description. […] « Les grandes pensées, dit Marmontel, prennent habituellement la forme de l’antithèse. » L’histoire de l’antithèse serait l’histoire même de la littérature. […] Chaque antithèse répond ici à un fait d’histoire. […] « J’étudiais, écrit M. de Ségur, en 1815, avant d’entreprendre son histoire, j’étudiais nos livres d’histoire moderne ; quel que fût leur mérite, il m’inspira peu.

1403. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Ils m’apprirent les longues histoires de Cronos, qui a créé le monde, et de son fils, qui a, dit-on, accompli un voyage sur la terre. […] Où donc est caché le trésor de ces vieilles histoires ? […] Grégoire de Tours nous a raconté l’histoire de ce Winnoch, qui passa par Tours en allant à Jérusalem, portant pour tout vêtement des peaux de brebis dépouillées de leur laine. […] Ce qu’il savait de contes, de proverbes, d’histoires à faire mourir de rire ne peut se concevoir. […] Pierre fit connaître des histoires moins vieillies, qu’il prenait dans les livres, mais qu’il accommodait au goût du pays.

1404. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Ceci n’est pas tout à fait exact, et l’auteur fait là de l’histoire littéraire à sa fantaisie. […] M. du Camp nous donne là une histoire littéraire qui est par trop à vol d’oiseau et bien moins exacte que ses impressions de voyage. […] Brizeux, dans son dernier recueil, s’applique à tirer des simples histoires de la vie privée leur fleur de morale et de poésie. […] Certes, M. de Lamartine a rendu en 1848 à la société des services dont il serait ingrat de perdre le souvenir ; mais littérairement, depuis des années, soit qu’il écrive l’Histoire de Turquie, soit qu’il emprunte celle de Russie à M. 

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

questions inutiles, oiseuses et presque misérables à poser aujourd’hui en présence des accomplissements souverains de l’histoire. […] Il en est de l’histoire comme de la nature : elle essaye avant de réussir, elle ébauche avant de créer. […] Sa vie est un feuillet déchiré, mais qui précède immédiatement un des plus mémorables chapitres du livre auguste de l’Histoire. Dans une histoire universelle, si courte qu’elle soit, et fût-elle à la Bossuet, il est sûr par là d’être nommé.

1406. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

En 1806-1807, il est en Espagne avec Arago ; celui-ci, dans les pages pleines d’animation où il a raconté les accidents et aventures de cette expédition scientifique (Histoire de ma jeunesse), nous fait entrevoir que, vers la fin, Biot le laissa un peu en peine et le quitta peut-être un peu plus tôt qu’il n’aurait dû. […] L’histoire des relations de M.  […] Biot n’était pas moins opposé, dans l’histoire particulière des savants, à ce qui les fait trop connaître par les côtés singuliers et intimes de leur nature. […] certes, quand il écrivait son Essai sur l’Histoire des Sciences pendant la Révolution, M. 

1407. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Que d’autres aillent s’amuser et s’éterniser dans ces vieilles contrées usées de Rome, de la Grèce ou de Byzance, lui il était allé choisir exprès un pays de monstres et de ruines, l’Afrique, — non pas l’Égypte trop décrite déjà, trop civilisée, trop connue, mais une cité dont l’emplacement même a longtemps fait doute parmi les savants, une nation éteinte dont le langage lui-même est aboli, et dans les fastes de cette nation un événement qui ne réveille aucun souvenir illustre, et qui fait partie de la plus ingrate histoire. […] Giscon était près de réussir dans la composition qui se négociait, lorsque deux hommes dont l’histoire a conservé les noms se jetèrent à la traverse : un certain Campanien nommé Spendius, autrefois esclave chez les Romains, homme fort et hardi jusqu’à la témérité, et qui craignait, si les affaires s’arrangeaient, d’être rendu à son maître comme fugitif ; et un certain Mathos, Africain, qui, engagé dans la première sédition, avait tout intérêt à pousser les choses à l’extrémité. […] L’archéologie est à la mode ; elle est devenue non plus une auxiliaire, mais, si l’on n’y prend garde, une maîtresse de l’histoire. […] A part ces deux grands noms, des plus beaux, il est vrai, et des plus présents entre tous ceux de la poésie et de l’histoire, on sait très-peu et l’on s’inquiète peu aussi de Carthage et de son intérieur.

1408. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

de Racine s’acquerra autant de réputation dans l’histoire que dans la poésie, mais je doute qu’il soit fidèle historien. […] Le Roi, abbé de Haute-Fontaine, personnage estimable, généreux de nature et d’humeur libérale, de plus d’ambition peut-être que de talent, d’un mérite réel toutefois, et qui est fort connu dans l’histoire ecclésiastique du XVe siècle. […] Il relisait avec M. de Tillemont les volumes manuscrits de son Histoire ecclésiastique ; il surveillait la réimpression des Réflexions morales du Père Quesnel ; il collationnait avec de nouveaux traducteurs de saint Augustin, et l’original à la main, le texte de leur traduction. […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure.

1409. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Trois ou quatre fois dans les dix siècles que compte son histoire littéraire, il a fait effort pour se créer une poésie lyrique : ce n’est que de nos jours qu’il a vraiment réussi. […] Les chanteurs nous font surtout l’histoire extérieure de leur amour : la situation prime tout, et ainsi la chanson prend un caractère dramatique et narratif. Il y en avait qui mettaient en scène les deux amants, ou bien la fille avec sa mère, la femme avec son mari : d’autres, comme celles d’Aalis ou de Robin, qui furent très populaires, étaient des histoires en couplets, des contes chantés, des romances. […] L’histoire de ses amours avec la dame de Fayel est toute romanesque. — Thibaut IV, comte de Champagne et roi de Navarre (1201-1253), prit part à la croisade contre les Albigeois et à la révolte des grands vassaux contre la régente Blanche de Castille.

1410. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Il n’est pas mauvais de s’être essayé à la tragédie dans les conservatoires ou la peinture d’histoire dans les athénées, même si l’on doit fleurir comme « artiste de genre ». […] Toute une méthode historique, celle de l’histoire à jugements, est doucement bafouée en ce seul mot d’un écrivain intelligent et spirituel… Si l’on ne lit ainsi, on ne comprend pas. […] Mais tout de même ils les comprennent, les aiment, les estiment. — Nous chérissons entre les poètes mûris un Heredia, épris de toutes histoires et de toutes écritures, entre les critiques un Céard, savant compréhensif, entre les romanciers un Hennique, artiste de souplesse, ennobli d’érudition. […] C’est un problème spécial d’histoire littéraire.

1411. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Mieux vaut donc aborder directement la question et remonter à la cause primordiale et commune de toutes les variations dont l’histoire de l’humanité nous offre le spectacle. […] C’est à ce besoin de changement que répondent mille choses dans la vie de tous les jours : l’institution des récréations et des vacances dans les écoles ; l’habitude d’entremêler dans l’enseignement divers sujets d’études, histoire, langues, mathématiques ; les brusques volte-face de la mode ; le goût des voyages et des jeux ; les règles de rhétorique qui recommandent à l’écrivain de réveiller l’attention par la diversité des tournures, etc. […] Cela dit, vérifions si l’histoire confirme la loi que nous avons posée. […] Ce que suggère sur ce point la logique, l’histoire le confirme abondamment.

1412. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Il est une manière d’envisager Marie-Antoinette qui me paraît la vraie, et que je voudrais bien définir, parce que c’est de ce côté que me paraît devoir être aussi le jugement définitif de l’histoire. […] Et encore (10 octobre 1791) : « La reine, avec de l’esprit et un courage éprouvé, laisse cependant échapper toutes les occasions qui se présentent de s’emparer des rênes du gouvernement, et d’entourer le roi de gens fidèles, dévoués à la servir et à sauver l’État avec elle et par elle. » En effet, on ne revient pas d’une si longue et si habituelle légèreté en un jour ; ce n’eût pas été trop du génie d’une Catherine de Russie pour lutter contre les dangers si imprévus à celle qui n’avait jamais ouvert un livre d’histoire en sa vie, et qui avait rêvé une royauté de loisir et de village à Trianon : c’est assez que cette frivolité passée n’ait en rien entamé ni abaissé le cœur, et qu’il se soit trouvé dans l’épreuve aussi généreux, aussi fier, aussi royal et aussi pleinement doué qu’il pouvait l’être en sortant des mains de la nature. […] Les lettres qu’on a déjà publiées d’elle, d’autres qu’on publiera un jour, permettront d’établir cette portion de l’histoire avec certitude. […] Edmond et Jules de Goncourt, dans leur Histoire de Marie-Antoinette (1858), où ils ont donné tant de curieux documents inédits en y mêlant du brillant et du généreux, se prononcent avec énergie contre toute espèce de supposition et de concession à cet égard : « Non, s’écrient-ils, Marie-Antoinette n’a pas besoin d’excuse ; non, la calomnie n’a pas été médisance : Marie-Antoinette est demeurée pure. » Sans être chevalier à ce point, sans avoir de parti pris, sans répondre de rien, on peut, je le répète, et l’on doit, si l’on est simplement honnête homme et sensible, conserver tout le respect et un intérêt tendre pour la reine et pour la femme en Marie-Antoinette.

1413. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

C’est dans tous les genres que, du règne d’Henri IV à la Révolution, notre Prose multiplie ses chefs-d’œuvre ; pamphlets vengeurs tels que la Ménippée et les Provinciales, pensées, maximes, portraits, mémoires, traités de morale, correspondance, éloquence sacrée, histoire, comédie, roman, conte, rien ne lui est étranger. De notre temps si la Prose s’altère sur quelques points, c’est pour s’enrichir par tant de conquêtes : rappelons-nous la comédie élargissant son domaine, le roman agrandi suscitant ses véritables chefs-d’œuvre, l’histoire faisant de son champ jadis étroit tout un monde d’explorations et de découvertes, la critique vraiment fondée et promue à la dignité d’un genre original où cinq à six hommes supérieurs ont véritablement créé, l’érudition réconciliée avec le beau style et devenue l’une des provinces de la haute littérature, la politique rendant parfois de mauvais services à la pureté de la langue, mais produisant aussi dans la presse et à la tribune d’admirables écrits de polémique et de non moins admirables discours, la philosophie et la religion enfin pour de nouveaux besoins et avec de nouveaux interprètes se créant aussi une langue nouvelle. […] Gaston Pâris dans son Histoire poétique de Charlemagne, est sortie de nos ébauches d’épopée. […] Histoire de la littérature française, t. 

1414. (1903) Propos de théâtre. Première série

L’histoire morale de l’homme écrite par lui-même quand il se prend au sérieux, c’est la tragédie. […] Il est très dangereux, et jusqu’à présent il semble vain de l’appliquer aux sciences morales et littéraires, parce que si l’histoire naturelle est longue, l’histoire humaine est infiniment courte. […] L’histoire est bien difficile à écrire. […] On a remarqué le goût de Corneille pour l’histoire, et M.  […] Le Temple a dans le drame son histoire, et comme une vie propre.

1415. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Début d’un article sur l’histoire de César Il y a deux sortes et comme deux races de Césars ; les Césars par nature et par génie, et les Césars par volonté. […] Mais si l’un de ces seconds Césars s’avisait, par culte, de vouloir écrire l’histoire du premier, gare à l’application naïve et crue qu’il ferait de son système !

1416. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] On peut être embarrassé de peindre le caractère du peuple athénien, et de résumer en quelques traits l’histoire du paysan français, tandis que l’on se tirerait convenablement du portrait du vieillard Dêmos ou de la vie de Jacques Bonhomme.

1417. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Son Discours sur l’Histoire universelle est un chef-d’œuvre, qui réunit tout à la fois ce que le génie a de plus sublime, la politique de plus profond, la morale de plus sage, le style de plus vigoureux & de plus brillant, l’art de plus étonnant. […] M. de Voltaire auroit dû s’en tenir à ce jugement, qui faisoit honneur à ses lumieres & à son goût, & ne pas dire, dans un autre Ouvrage, que le Discours sur l’Histoire universelle n’est qu’une éloquente déclamation qui peut éblouir un jeune Prince, mais qui contente peu les Savans ; ce qui ne prouve que son injustice & son inconséquence.

1418. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Pourquoi un peintre d’histoire est-il communément un mauvais portraitiste ? […] Voltaire fait l’histoire comme les grands statuaires anciens fesaient le buste ; comme les peintres savants de nos jours font le portrait.

1419. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Ce qui seroit un mensonge dans l’histoire de Charles VII ne l’est pas dans le poëme de la pucelle. […] Or comme la verité est l’ame de l’histoire, la vrai-semblance est l’ame de la poësie.

1420. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Carle Maratte aïant été choisi comme le premier peintre de Rome pour mettre la main au plafond dont je parle, et sur lequel Raphaël a représenté l’histoire de Psyché, ce galant homme n’y voulut rien retoucher qu’au pastel, afin, dit-il, que s’il se trouve un jour quelqu’un plus digne que moi d’associer son pinceau avec celui de Raphaël, il puisse effacer mon ouvrage pour y substituer le sien. […] Tous ces tableaux qui représentent differens évenemens de l’histoire de Persée, sont à Gennes dans le palais du marquis Grillo, qui païa le faussaire mieux que les grands maîtres, dont il se faisoit le singe, n’avoient été païez dans leur temps.

1421. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

C’est encore de la vie élégante que ces livres ; mais ce n’en est plus la théorie : c’en est l’histoire. […] Par une ingénieuse combinaison, il a, pour ainsi dire, raccourci et concentré, dans cette encadrure d’une chasse, dans cette verte bordure des bois, l’esprit de chaque règne et par là il a élevé son livre au niveau d’un livre d’histoire.

1422. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Ainsi, par exemple, un grand ouvrage de Lerminier sur les Législateurs et les Constitutions de la Grèce antique, — un livre pensé, médité, presque une découverte en histoire, — et dont la Critique, par parenthèse, préoccupée des choses présentes, commérant d’une voix hâtée sur des œuvres éphémères, n’a pas pu ou voulu parler comme elle le devait. […] Il reste donc acquis à l’histoire de ce temps-ci que la scène de la publicité sérieuse n’est occupée que par des individualités déjà connues, par des talents mûris ; mais la maturité est un point bien vite dépassé dans la rapidité de la durée !

1423. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

En effet, cette manière d’écrire l’histoire d’une époque, en la tournant autour d’un livre considérable ou d’une œuvre justement exhumée, nous semble plus intéressante, plus concentrée et plus vivante que l’histoire qui se déploie d’elle-même, dans son ordre chronologique et dans le mouvement général de ses événements.

1424. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Nous savons par l’histoire, que plusieurs des rois d’Égypte qui avaient foulé leurs peuples pour élever ces pyramides immenses, furent flétris par la loi, et privés des tombeaux qu’ils s’étaient eux-mêmes construits. […] Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.

1425. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Non seulement les vues sur le monde et sur l’homme, les idées générales de toute espèce y abondent, mais encore les renseignements positifs et même techniques y fourmillent, petits faits semés par milliers, détails multipliés et précis sur l’astronomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l’histoire de tous les peuples, expériences innombrables et personnelles d’un homme qui par lui-même a lu les textes, manié les instruments, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes, et qui, par la netteté de sa merveilleuse mémoire, par la vivacité de son imagination toujours flambante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la tête, tout ce qu’il dit à mesure qu’il le dit. […] Car c’est là le trait le plus frappant de ce style, la rapidité prodigieuse, le défilé éblouissant et vertigineux de choses toujours nouvelles, idées, images, événements, paysages, récits, dialogues, petites peintures abréviatives, qui se suivent en courant comme dans une lanterne magique, presque aussitôt retirées que présentées par le magicien impatient qui en un clin d’œil fait le tour du monde, et qui, enchevêtrant coup sur coup l’histoire, la fable, la vérité, la fantaisie, le temps présent, le temps passé, encadre son œuvre tantôt dans une parade aussi saugrenue que celles de la foire, tantôt dans une féerie plus magnifique que toutes celles de l’Opéra. […] Il y prend le dé de la conversation, conduit l’orgie, et par contagion, par gageure, dit à lui seul plus d’ordures et plus de « gueulées » que tous les convives476  Pareillement, dans ses drames, dans ses Essais sur Claude et Néron, dans son Commentaire sur Sénèque, dans ses additions à l’Histoire philosophique de Raynal, il force le ton. […] Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel. […] Sand, Histoire de ma vie, I, 73.

1426. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Ce qu’il y a de romantique, au meilleur sens du mot (qui n’est pas le plus juste), dans Bajazet, c’est l’intelligence de l’histoire et de la couleur locale, et c’est aussi la grande tuerie du cinquième acte. […] Deschanel n’a, du reste, rien écrit de plus spirituel ni de plus amusant que l’histoire des représentations d’Esther. […] Apparemment parce que la Bible contient l’histoire et la littérature d’un peuple d’Orient et que le chef du romantisme a fait des Orientales. […] Ajoutez que Mithridate a plusieurs fois la pensée de tuer ses fils, Racine a enregistré fidèlement les actes les plus significatifs que lui attribue l’histoire : a-t-il senti l’abîme creusé par ces faits et gestes entre le roi du Pont et un prince occidental du XVIIe siècle ? […] Et les détails étrange et sanglants empruntés à l’histoire ou à la légende s’effacent ou n’ont plus qu’une valeur symbolique.

1427. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

C’est donc la vieille histoire de Gretchen. Adam pardonne à la coupable et, déjà bon auparavant, il devient excellent par la douleur  De même, le Moulin sur la Floss, c’est l’histoire de deux enfants, Tom et Maggie, l’un d’une honnêteté un peu dure, l’autre d’une sensibilité un peu désordonnée, que la ruine complète de leurs parents surprend au moment de l’adolescence, et que l’épreuve de la souffrance fortifie et rend meilleurs  Et Middlemarch, c’est la vie, minutieusement contée  oh ! […] Ce qui frappe dans ces romans, qui sont tous des histoires de conscience, c’est la constante préoccupation morale dont ils sont marqués à chaque page, et c’est la sympathie cordiale et attentive de l’auteur pour les formes les plus modestes et les plus ordinaires de la vie humaine. […] Ainsi  sauf dans deux ou trois pièces où il semble se défier de ses rêves et les railler  les drames d’Ibsen sont des crises de conscience, des histoires de révolte et d’affranchissement, ou d’essais d’affranchissement moral. […] Car, non seulement l’Éducation sentimentale est l’histoire de deux jeunes gens, très particuliers comme individus et très généraux comme types, puisqu’ils représentent, l’un, le jeune homme romantique, et l’autre, le jeune homme positiviste, et cela juste à l’heure où la période du positivisme va succéder chez nous à celle du romantisme ; et non seulement cette histoire se combine avec une étude des idées et des mœurs dans les dernières années du règne de Louis-Philippe : l’Éducation sentimentale est quelque chose de plus : l’histoire pittoresque et morale, sociale et politique, de la Révolution de 1848 ; elle nous dit, et avec profondeur, les barricades et les clubs, la rue et les salons, et elle nous montre cette chose extraordinaire : la confrontation effarée des bourgeois avec la Révolution, cette Révolution que leurs pères ont faite soixante ans auparavant, mais qu’ils croient terminée, puisqu’elle les a enrichis, qu’ils s’indignent de voir recommencer ou plutôt qu’ils ne reconnaissent plus quand c’est eux à leur tour qu’elle menace, et qu’ils renient alors avec épouvante et colère.

1428. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Voici, en deux mots, l’histoire qu’elle nous a contée. […] Je n’en sais rien, à moins que l’histoire ne me le dise. […] la ravissante histoire ! […] Et ils nous ont raconté une histoire par-dessus le marché. […] On y enseignera au peuple l’histoire de la Révolution, et toute l’histoire de France considérée au point de vue révolutionnaire.

1429. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

L’histoire de cette comédie est singulière. […] les droits de l’histoire, dans ce royaume de France, livré à toutes les corruptions de l’esprit et des sens. […] Histoire de toutes les grandes origines ! […] Rien de plus funèbre que ce dénouement d’une histoire d’amour, depuis l’histoire d’Héloïse et d’Abeilard ! […] Et voilà de quels respects nous entourons notre propre histoire !

1430. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Nous n’avons qu’un moyen de combler ces lacunes ; à défaut de l’histoire détaillée, il nous reste l’histoire générale ; plus que jamais, pour comprendre l’œuvre, nous sommes obligés de considérer le peuple qui l’a faite, les mœurs qui la suggéraient, et le milieu où elle est née. […] Si on lui demande son nom, il a toujours quelque nouvelle histoire ou généalogie toute prête et bien arrangée. […] Cette fois encore, c’est la structure physique de la contrée qui a laissé sur l’intelligence de la race l’empreinte que nous retrouvons dans son œuvre et dans son histoire. […] Son livre est un document d’histoire ; ses contemporains ont eu les mœurs qu’il décrit ; son Olympe lui-même n’est qu’une famille grecque. […] Par degrés sa figure s’était dessinée et son histoire s’était accrue.

1431. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Plusieurs médecins ont cité l’histoire d’une fille de vingt-cinq ans, très ignorante et ne sachant pas même lire, qui, devenue malade, récitait d’assez longs morceaux de latin, de grec et d’hébreu rabbinique, mais qui, une fois guérie, parlait tout au plus sa propre langue. […] Si l’air est très beau et nous a touchés très fort, nous ajoutons que nous avons été transportés, enlevés, ravis, que nous avons oublié le monde et nous-mêmes, que pendant plusieurs minutes notre âme était comme morte et insensible à tout, saut aux sons. — Et, de fait, il y a des exemples nombreux où, sous l’empire d’une idée dominante, toutes les autres sensations, même violentes, deviennent nulles ; telle est l’histoire de Pascal, qui, une nuit, pour oublier de grandes douleurs de dents, résolvait le problème de la cycloïde ; telle est celle d’Archimède, qui, occupé à tracer des figures géométriques, n’avait pas entendu la prise de Syracuse. […] V On arrive ainsi à concevoir par une vue d’ensemble l’histoire des images et partant celle des idées dans un esprit humain. […] Autres faits analogues dans le Dictionnaire d’histoire naturelle, publié par M.  […] Dietrich a conservé l’histoire d’un individu qui avait oublié la moitié des mots et se rappelait les faits.

1432. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Comptez aussi, et pour beaucoup, pour ces mauvais résultats (en bonne comédie et en bonne morale) de l’art dramatique, l’intervention directe de la comédienne et du comédien, dans ces fables et dans ces histoires qui enseignent à pécher10. […] En ne prenant que la fleur de la plus pure antiquité, il ferait un ouvrage exquis et délicieux. » Le Jour du feuilleton. — L’École des femmes. — L’Épreuve nouvelle. — Mademoiselle Doze Nous étions donc réunis tous les trois, chacun de nous rêvant à quelque tristesse cachée ; dans la cheminée le feu était vif, au ciel le soleil était pâle ; le dimanche jetait son froid et son silence dans la ville. — Allons, leur dis-je, vous êtes heureux, vous autres, chantez ou rêvez à votre aise ; moi, il faut que je raconte mon histoire de chaque semaine. […] Voilà cette histoire ; elle est bien simple, elle est facile à raconter ; et si vous n’étiez pas venu me chagriner par votre sortie contre Molière, je ne m’en serais pas mal tiré. […] vous me criez aux oreilles, vous entrez ici comme la tempête, vous déclamez à outrance, vous me faites mal, vous me faites peur : le moyen de raconter une si honnête histoire au milieu de tout ce bruit que vous faites là ! […]  » Et la manière de les raconter ; quelle admirable place il laisse en fin de compte, à la critique et à l’histoire !

1433. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

C’a été son premier mot, c’est ce qu’il a dit dans le prologue des premières fables, à Mgr le Dauphin : Je chante les héros dont Esope est le père ; Troupe de qui l’histoire, encor que mensongère, Contient des vérités qui servent de leçons. […] Leurs poèmes abondent en histoires de ce genre. […] Cunisset-Carnot nous montre que les moines de La Fontaine ont supposé toute cette histoire. […] Les fables prouvant que les animaux ont de l’esprit, qui sont renfermées dans le Discours à Mme de La Sablière, c’est-à-dire dans la fable première du livre dixième, sont celles-ci : la fable, ou plutôt l’histoire du vieux cerf qui se substitue au jeune cerf lorsque, chassé, il ne peut plus soutenir la course. […] Ensuite vient l’histoire exacte des castors, des castors qui, non seulement ont l’instinct animal, l’instinct proprement dit animal, mais l’instinct social, qui ont une hiérarchie dans les cités qu’ils édifient.

1434. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Puis, à côté de l’étude, vint l’émulation ; et, pendant plusieurs règnes, sous l’abri d’une domination qui, avec l’Égypte, embrassait Cyrène et la Syrie, dans le mouvement d’un peuple, sinon libre, au moins curieux, savant et voyageur, sous la protection d’une cour fastueuse, toute possédée du goût et du luxe des arts, tous les talents où s’était illustrée la Grèce, hormis l’éloquence politique et l’histoire, furent cultivés avec autant d’habileté que d’ardeur. […] Que l’esprit ne craigne donc pas de se plaire et de s’arrêter à ces charmantes études, qui renferment une si grande part de l’histoire des peuples ! […] « Il est lui-même placé souverainement au faîte des cieux ; et il accomplit toutes choses sur la terre, ayant en soi le commencement, le milieu et la fin. » Bien des observations d’histoire et de goût peuvent naître de la différence de ces deux fragments. […] Mais n’épuisons pas ici le faux lyrisme de ces hymnes orphiques : il n’y a là qu’une curiosité pour l’histoire des opinions plutôt que pour celle de l’art. […] Suivant Strabon, « l’histoire de la création avait été transmise aux Égyptiens par un berger de Chaldée ».

1435. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Il arriva là, on se l’explique aisément, ce qui s’est produit en plus d’un cas analogue que présente l’histoire, et, par exemple, à la mort de l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket. […] C’est cela même qui est trop, qui exprime trop manifestement le mépris qu’on a des hommes et des peuples, et qui, sinon dans le présent, à coup sûr dans l’histoire, prend une importance et des proportions que d’abord on ne soupçonnait pas. […] L’anecdote secrète devient énorme en s’éloignant, monstrueuse ; et dans un règne glorieux, l’histoire (ô honte !)

1436. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Necker, M. d’Alton-Shée n’a répondu qu’en faisant ces jours derniers une conférence toute littéraire, où il a retracé « l’histoire de la calomnie », en la prenant depuis Thersite jusqu’à Iago et à Basile : cette conférence, pleine d’intérêt et de talent, et à laquelle n’a cessé de présider un goût sévère, était traversée pourtant d’éclairs soudains et d’allusions vibrantes. […] Dès l’âge de la première communion, il regimbait à ce qu’on lui enseignait d’histoire ou de morale évangélique. […] Varin, pour l’histoire, M. 

1437. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Dans l’anxiété où l’on est, dans l’incertitude du but où la société européenne est poussée, on est allé demander des enseignements, des augures rassurants ou contraires, des raisons de se hâter ou de craindre, à ce grand peuple qui offre soixante années de prospérité croissante sous une forme politique jusque-là inaccoutumée dans l’histoire. […] Un fait dominant a frappé son esprit, dans l’histoire des diverses nations depuis plusieurs siècles. […] Pleins d’un amour sincère pour la patrie, ils sont prêts à faire pour elle de grands sacrifices : cependant la civilisation trouve souvent en eux des adversaires ; ils confondent ses abus avec ses bienfaits, et dans leur esprit l’idée du mal est indissolublement unie à celle du nouveau. » Cette absence de lien entre les opinions et les goûts, entre les actes et les sentiments, entre l’énergie des désirs et la justesse des vues, ce divorce trop habituel entre les convictions chrétiennes restantes et les sympathies de l’avenir, toute cette confusion morale attriste le jeune philosophe et lui semble un symptôme presque unique dans l’histoire.

1438. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

L’histoire a répudié le ton oratoire et moralisant des anciens : elle n’admet l’évocation dramatique des temps passés que si elle éclaire l’enchaînement des causes et des effets dont le tissu est vraiment l’histoire. […] L’histoire, la vie, le monde présentent à chaque moment des problèmes qui, dans l’état actuel de nos connaissances, ne peuvent être résolus : il faut avoir le tact de le comprendre et la modestie de s’abstenir.

1439. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Par là périt l’histoire, et le lyrisme se résout en éloquence. […] Elle n’interroge pas l’histoire, et critique la tradition. […] À consulter : Vinet, Histoire de la littérature française au xviiie  siècle, Paris, 1853, 2 vol. in-8 (l’Introduction) ; Brunetière, la Formation de l’idée de progrès, au t. 

1440. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Corneille enseigne à corser un sujet par l’histoire, les intrigues de palais. […] L’histoire des mœurs peut enregistrer la superficielle émotion patriotique qui se manifeste à propos du Siège de Calais (1763) : mais De Belloy en lui-même n’intéresse pas l’histoire littéraire.

1441. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

L’histoire est contée par le grave Mélandryon à quatre Corynthiennes. […] Mais l’essence du conte est : une histoire débitée par un, parlant à d’autres qui écoutent. […] Je le félicite de l’avoir fait dans le français le plus adéquat, le plus collant, le plus digestif, le plus classique (s’il m’est permis d’évoquer, par de justes épithètes, la logique, la plastique, l’hygiène et l’histoire).

1442. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Pour cela il faudrait que le cœur fût devenu du bronze, comme la plume de l’Histoire, qui, dit-on, est de ce métal. […] … Et tel sera toujours le sort de tout homme qui osera écrire l’histoire de son temps, quand les faits, qui la font, saignent et brûlent encore. […] Il a ajouté, au milieu des préparatifs et des agitations du départ, une courte préface où il professe hautement que ces cinq mois sont les plus beaux de l’histoire de France ! 

1443. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

L’impartialité leur est inconnue… Quand donc je lis dans Mme Henry Gréville l’histoire de ces héros de roman qui sont tous des Grandissons russes, je me demande si cette femme aimable, cette peintre de portraits et de tableaux de genre, à l’étranger, n’a vraiment pas trop embelli la Russie ! […] La princesse Oghérof, en dehors de ces détails russes dont Mme Henry Gréville aime à poudrer le fond de ses romans, est une histoire d’amour qui serait vulgaire sans le renoncement des deux amoureux, l’un à l’autre, et par là, l’échappement à l’adultère, — l’éternel adultère de tous les romans contemporains ! […] On voudrait que ce punch et l’histoire qu’on fait flamber avec ce punch, ne finit jamais !

1444. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Mais il est nécessaire que le prêtre y soit, c’est-à-dire le père appuyé sur la tradition religieuse ; car, au point où nous voilà arrivés dans l’Histoire, impossible d’élever un enfant en dehors des idées chrétiennes. […] L’Histoire est une seconde destinée. […] Corne a tout dit quand il nous a parlé de la vie sociale sans nous montrer en quoi elle consiste, et du monde, cette notion aplatie entre les deux tempes d’une tête de femme ; car le monde, c’est six mille ans de tradition, d’influences et d’Histoire que nous portons tous plus ou moins sur notre pensée, — c’est cent cinquante générations d’un milliard chaque, et non pas le xixe  siècle tout court, et à Paris !

1445. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues19, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues — puisque son nom se prononce encore — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire. […] Son nom restera dans l’histoire des lettres, car il est dans la correspondance du diable d’homme qui tient son siècle dans sa main, comme Charlemagne tenait son globe ; mais on s’étonnera des mérites que Voltaire a mis sous ce nom.

1446. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Le railleur continuait : « Il n’y a pas d’histoire humaine qui ne s’arrête à une époque où l’Inde florissante jouissait de tout le superflu de la société perfectionnée. […] Parisot ne nous donne aucun détail, ce qui est regrettable, — car si le poème n’est rien moins qu’un chef-d’œuvre, s’il intéresse assez peu la Critique littéraire, qui cherche des émotions et des modèles, il intéresse au moins l’Archéologie et l’Histoire, il est une date, un jalon, et il pourrait être un phare dans les brillantes ténèbres de la civilisation asiatique ; — le Ramayâna est un poème mythologique vaste et confus, très digne enfin de la société tour à tour hallucinée et endormie dont il est l’expression à la fois ivre et rêveuse. […] Parisot vante beaucoup trop pour un chrétien (car nous avons mieux que tout cela, nous, et non pas dans des poèmes aux idéalités menteuses, mais en pleine réalité, en pleine histoire), n’est guères, il faut bien en convenir, que débris épars de traditions antérieures, membres coupés d’une vérité primitive, de la grande Massacrée dont les lambeaux ont été semés dans tous les pays du monde pour qu’on sût partout qu’elle avait existé, complète, quelque parti Si donc un reflet troublé ou affaibli d’une poésie quelconque pénètre à travers l’inextricable fourré d’un poème où la plus forte attention peut s’égarer comme un éléphant dans les jungles, cette poésie n’appartient ni à la pensée de Valmiki, ni à l’esprit de sa race.

1447. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues, — puisque son nom se prononce encore, — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire. […] Son nom restera dans l’histoire des lettres, car il est dans la correspondance du diable d’homme qui tient son siècle dans sa main, comme Charlemagne tenait son globe, mais on s’étonnera des mérites que Voltaire a mis sous ce nom.

1448. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

C’est de l’histoire. […] Cette différence dans la composition de ce qui n’est qu’un dialogue à ce qui est un livre — de ce qui n’est qu’une joute de morale entre deux interlocuteurs, et un feu roulant d’épigrammes littéraires dont le temps a émoussé la pointe ; d’anecdotes obscures et de commérages, à ce qui est l’histoire d’un siècle, liée autour d’un homme, — à ce qui est une question de société et de nature humaine, — cette différence doit produire mille autres conséquences différentes de celle-là qui est fondamentale, et elle n’a pas manqué de les produire. […] Janin, et ce monde qui fut la plus puissante des monarchies, craque, éclate et croule de toutes parts, en des épisodes comme l’histoire superbe des trois filles du marquis de Nesle, et cet homme qui meurt avec ce monde c’est le Neveu de Rameau, souffleté d’abord et tué ensuite de la main de son fils, dont lui-même a fait un parricide !

1449. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Tous trois appartiennent à la même génération, à une génération importante dans l’histoire intellectuelle du dix-neuvième siècle. […] Cette histoire, ce sera peut-être à nous, spectateurs du film, de la voir. […] Il n’y a pas plus d’histoire dans sa vie que dans celle de l’Inde. […] Mais la question est de savoir si, pour traverser les fanges de l’histoire, une chaussure ne vaut pas mieux qu’une autre ». […] L’histoire imprévisible s’est déroulée.

1450. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Et puis à quoi bon introduire ce chien dans l’histoire ? […] ce n’est pas ainsi qu’on écrit la grande et sérieuse histoire, celle qui est, comme dit Thucydide, une œuvre éternelle et à toujours, « ϰτῆμα ἐς ἀεί ». […] LIV Alexandre Dumas disait de Lamartine après les Girondins : « Il a élevé l’histoire à la hauteur du roman. » C’est bien le même Dumas qui disait : « Qu’est-ce que l’histoire ? […] Degérando ne sent pas que Royer-Collard a été un événement en philosophie, et Lacretelle, que Guizot en a été un en histoire. […] » — J’entends définir le livre de Lamartine : L’histoire de la Révolution vue dans les imaginations du temps.

1451. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

En étudiant l’histoire de France, il a cru découvrir, dit-il, qu’à la fin du xve  siècle et au commencement du xvie , ce qu’on appelle la Révolution française était consommé, que la liberté reposait sur une Constitution libre, et que c’était Louis XII, le Père du peuple, qui avait accompli tout cela. […] Il y a d’ailleurs, indépendamment de toute conjecture, une idée vraie et neuve dans son livre, c’est de ressaisir à distance l’histoire de la conversation, d’en noter l’empire en France, de reconnaître et de suivre à côté de la littérature régulière cette collaboration insensible des femmes, à laquelle on avait trop peu songé jusque-là. […] Roederer a donné son Mémoire, combien d’écrivains n’ont-ils pas recommencé l’histoire de l’hôtel de Rambouillet ou de quelques-unes des héroïnes qui y figurent ! […] L’histoire politique le nommera ; mais ce qui est mieux encore, sans être précisément un écrivain et en ne paraissant qu’un amateur, il a marqué par ses idées et ses vues sa place dans l’histoire de la littérature et de la société françaises68.

1452. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Parcourant rapidement l’histoire de la dernière moitié du xviiie  siècle, il montre comment une révolution s’est préparée et est devenue possible en France ; il démêle un à un les fils du câble qui a fini par se rompre : il insiste toutefois sur cette conviction que le câble pouvait résister à la tempête, pourvu qu’il y eût à bord un bon pilote. […] En cette même année 1790, M. de Meilhan publia un petit roman ou conte philosophique dans le goût de Zadig, et intitulé Les Deux Cousins, histoire véritable ; il l’avait composé en quelques jours à la campagne, après une conversation. […] On y reconnaît à chaque page l’homme qui parle de ce qu’il sait et de ce qu’il a pratiqué ; on y lit quantité d’anecdotes qui sont de source et d’original, et qui méritent d’entrer dans l’histoire. […] [NdA] Si je n’ai pu retrouver le roman de L’Émigré de M. de Meilhan, j’ai à indiquer de lui un projet de publication dont je ne vois pas qu’il soit fait mention nulle part, c’est un Prospectus avec préface de Mémoires sur la vie du maréchal duc de Richelieu, pour servir à l’histoire du xviiie  siècle, par M.  […] Vous ne devez pas être inquiet de ce que quelques morceaux épars et isolés, tirés de ses portefeuilles, seront peut-être imprimés : ils ne pourront jamais faire un corps d’histoire, et ne présenteront aucune liaison.

1453. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il appelle à son aide les différents faits analogues dans l’histoire ; il discute les divers cas, le possible et le vraisemblable ; il est bien résolu en ceci, qu’il pense que la contre-révolution ne peut se faire qu’en France : mais de quelle manière y arriver ? […] Ma bibliothèque était composée en grande partie de livres sur la jurisprudence et sur l’histoire de France ; un de mes oncles qui était évêque m’avait, laissé une collection complète des procès-verbaux du Clergé, etc., etc. » ; et il montre que la Révolution qui s’accomplit a déjà mis beaucoup de ces livres à la réforme, et qu’elle va simplifier bien des sciences. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire. […] Le temps fait perdre de leur prix non seulement aux pensées des hommes, mais à leurs actions, à mesure que des actions semblables se multiplient ; des exemples de valeur héroïque, des mots sublimes inspirés par l’héroïsme militaire ou patriotique, qu’on admirait chez les anciens, sont devenus des lieux communs ; dès qu’on entend commencer l’histoire, on en devine la fin et le trait, comme on devine souvent l’hémistiche d’un vers ; l’esprit se blase ainsi sur tout ; l’amour-propre même s’use ; les triomphes, les honneurs, les applaudissements multipliés n’offrent plus le même attrait, et l’homme, de jour en jour, doit être moins avide de succès qu’il voit prodiguer à un grand nombre de personnes, et souvent à des hommes méprisables.

1454. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Leur Histoire de Marie-Antoinette les a désignés à l’attention des lecteurs sérieux, qui aiment pourtant du nouveau dans des sujets connus. […] Il ne faudrait pas essayer de faire l’histoire de Mme de Boufflers, dans sa jeunesse ; ses mœurs furent celles du grand monde de son temps, c’est-à-dire plus que légères. […] Comme rien n’est plus difficile que de faire l’histoire d’un salon et d’une personne qui n’a pas eu d’autre règne, parce que ces annales légères ne se fixent pas, que tout le monde les sait ou croit les savoir à un moment, et qu’ensuite, une ou deux générations disparues, on ne trouve plus rien que de vague et de fuyant dans le lointain, comme devant un pastel dont la poussière s’est envolée, je crois que le mieux, pour se faire aujourd’hui une idée précise de Mme de Luxembourg, serait de la prendre dans ses relations avec Jean-Jacques à Montmorency ; puis dans ses relations avec les Choiseul et avec Mme du Deffand ; ici, du moins, on a des témoignages écrits et qui ont de la suite. […] » — « Monsieur3, répondit-elle, je sais l’histoire de France », indiquant par là que l’histoire de France et celle des Montmorency se confondaient.

1455. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] Prisonnier par accident, enlevé par une guérilla, enfermé, frappé de langueur, mourant après seize mois de misère sur un lit d’agonie, il ne parvenait point à apprendre distinctement son nom à la France et à l’histoire. […] » (Ainsi finit l’histoire.) […] Telle est cette touchante histoire qui tranche, ce me semble, sur les autres récits de cette époque célèbre. […] L’espoir d’un prochain secours ranima les cœurs les plus abattus… » (Jomini, Histoire des Guerres de la Révolution, tome XIII, p. 223.)

1456. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Pour les gens du métier qui savent combien ces jugements portés sur les livres du jour par les critiques compétents sont utiles à l’histoire littéraire, et combien, à une certaine distance, il devient difficile de se les procurer dans des feuilles si vite disparues, il semblera tout naturel qu’un homme qui connaît autant les circonstances et les destinées des livres que M. […] On se lasse, et si l’on aime véritablement les lettres, si une instruction solide n’a cessé de s’accroître et de se raffiner au milieu et au moyen même des épreuves, on est en mesure alors d’aborder ce que j’appelle, en un sens très-général, la critique, c’est-à-dire quelque branche de l’histoire littéraire ou de l’appréciation des œuvres. […] Cet épisode intéressant de l’histoire litttéraire de la Restauration se trouve raconté dans le livre de M. […] Quoi qu’il en soit, pour insister sur un point capital de l’histoire littéraire de ces dernières années, je suis de ceux qui estiment que l’école dite romantique a été dissoute par le fait même de la révolution de Juillet. […] Parmi les morceaux d’une histoire littéraire plus lointaine et plus désintéressée, il faut mettre au premier rang la notice sur Camoëns, vrai petit chef-d’œuvre où la curiosité de l’étude et l’exquis de l’érudition viennent se fondre dans un sentiment bien délicat de cette chevaleresque poésie.

1457. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Histoire des pertes. — § I. […] Lesage et Rollin ne paraîtront plus dans cette histoire ; mais nous retrouverons tout à l’heure les trois grands écrivains qui développent et enrichissent la langue fidèlement continuée par ces deux génies aimables, derniers représentants de la pure tradition du dix-septième siècle. La science politique et sociale dans Montesquieu, l’histoire dans Voltaire, l’exposition éloquente des découvertes scientifiques dans Buffon, sont comme autant de facultés nouvelles de l’esprit français. […] L’histoire des lettres françaises doit être sévère pour ce poète dont le caractère gâta le talent, et dont la vie offre, entre autres scandales, celui d’un auteur de poésies sacrées qui n’a tout son talent que dans l’épigramme licencieuse. […] L’histoire n’a rien à ôter à André Chénier de cette consécration dont tous les motifs n’étaient pas désintéressés.

1458. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Il y a dans l’histoire de la littérature française plusieurs de ces réveils. […] Je ne peux pas vous faire ici, année par année et jour par jour, l’histoire de ce mouvement littéraire. […] Je crois qu’en étudiant l’histoire de ce que nous pourrions appeler les méthodes d’expressions poétiques, nous en arriverions assez aisément à conclure que la principale et la plus habituellement usitée fut à peu près celle-ci : La poésie consistait donc à ce que le poète cherchât, par les moyens en son pouvoir, à imposer au lecteur son émotion et sa pensée. […] Les Dieux et les Héros demeurent pour eux des personnages du passé, à demi historiques, personnages d’une histoire sans doute merveilleuse qui est celle d’un monde plus beau, plus grand, plus pittoresque par l’éloignement et la distance où il est du nôtre. […] J’aurais voulu le faire plus clairement et plus explicitement, mais je serais heureux d’avoir réussi à vous montrer sur le mur de l’histoire littéraire la treille poétique d’aujourd’hui.

1459. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Cette histoire de la laideur métamorphosée en grâce, au coup de la baguette de fée de l’Amour, n’est pas nouvelle ; on la retrouverait, en cherchant bien, variée et reproduite sous mille formes, dans les récits des conteurs de la France et de l’Italie. […] Sandeau : un Héritage ; un de ces contes d’Allemagne tels que sait les écrire le poète de Marianna et de Mademoiselle de la Seiglière, tendres et plaintives histoires doucement filées, lentement dévidées, semées de mille nuances exquises et légères, et qu’on dirait destinées à ces blondes jeunes filles des pays du Rhin qui, tout en lisant, filent le rouet ou tricotent les bas de Marguerite et veulent se perdre doucement dans les rêves du coeur, sans laisser échapper une maille. […] Et il dit vrai : l’amour et l’amitié se rencontrant aux pieds d’une femme, c’est le lion et l’agneau qui viennent boire à l’onde de la même source : l’un mangera l’autre ; et l’histoire naturelle est là pour vous dire que le mangeur ne sera ni l’amitié ni l’agneau. […] C’est ici que l’histoire se gâte et que l’artiste de génie du prologue va se terminer brusquement en gredin, par des transitions de pains à cacheter et de colle à bouche. […] Néron — s’il m’est permis de passer du maraud au tyran et des petites maisons de la comédie à la ménagerie de l’histoire — Néron empoisonnera son frère, tuera sa mère, brûlera Rome, mais il jouera de la flûte sur cet amas monstrueux de ruines et de crimes, et le seul remords qu’il éprouvera lorsqu’il saisira, d’une main énervée, l’épée du suicide, ce sera celui de priver le monde d’un virtuose tel que lui : Qualis artifex pereo !

1460. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

À la veille de son début au théâtre, quand on allait représenter sa tragédie de Warwick (novembre 1763), il avait déjà, grâce à ses bons amis les auteurs, une réputation affreuse ; on racontait, en l’exagérant, l’histoire des couplets satiriques composés au sortir du collège : « Cette petite horreur, nous dit Collé dans son Journal, m’a déjà été confirmée par deux ou trois personnes, et je n’ai encore vu qui que ce soit qui ait contredit ou nié le fait. » Lorsque cette tragédie de Warwick, qui, malgré tout, avait fort bien réussi, fut reprise en janvier 1765, les ennemis s’arrangèrent si bien, que le cinquième acte fut hué : « Je n’ai jamais vu de ma vie, nous dit encore Collé, arriver un pareil échec à une reprise ; le contraire arrive plus ordinairement, les applaudissements redoublent au lieu de diminuer. […] Duclos a terminé son Histoire de Louis XI en disant : « Tout mis en balance, c’était un roi. » Gaillard, en rappelant ce mot, essaye de l’appliquer à La Harpe, et il dit « qu’à tout prendre, c’était un homme ». […] Voici une histoire très vraie que j’ai entendu plus d’une fois raconter de la bouche même de l’aimable personne qui en avait été témoin et un peu complice. […] Toute une histoire avait été préparée pour motiver une intrusion aussi imprévue : « On arrivait de Paris, on avait un service pressant à demander, on n’avait pu se décider à attendre au lendemain, etc. » Bref, M. de La Harpe, le soir, se retire du salon et monte dans son appartement. […] Laya, sous le nº 285, était comprise l’Histoire de la Révolution française, par M. 

1461. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

C’est l’exposition, l’analyse, & la discussion de ces caractères qui font l’objet de son livre ; c’est l’histoire de l’état actuel de la langue écrite qu’il y présente. […] L’histoire, de l’aveu même des éditeurs, y est totalement négligée ; on n’y parle d’aucun de ces faits qui piquent la curiosité, ou qui instruisent sur les mœurs des différens siécles ; on n’y fait connoître aucun de ces hommes fameux qui ont bien mérité des Lettres ou de la patrie, ou dont les vices & les passions ont été funestes aux Empires & à l’humanité. […] L’histoire naturelle de l’homme, celle des animaux, & particuliérement la connoissance, l’usage & la vertu des plantes & des minéraux, devoient être traités avec soin dans un Dictionnaire qui s’arroge le titre d’universel. […] Ce sont tous ces défauts du Dictionnaire de Trévoux qui ont fait naître l’idée du Grand Vocabulaire françois, contenant l’explication de chaque mot considéré dans ses diverses acceptions grammaticales, propres, figurées, synonimes & relatives ; les loix de l’orthographe, celles de la prosodie ou prononciation, tant familiere qu’oratoire ; les principes généraux & particuliers de la Grammaire ; les regles de la versification, & généralement tout ce qui a rapport à l’éloquence & à la poésie ; la géographie ancienne & moderne ; le blason, ou l’art heraldique ; la mythologie ; l’histoire naturelle des animaux, des plantes & des minéraux ; l’exposé des dogmes de la Religion & des faits principaux de l’histoire sacrée, ecclésiastique & profane ; des détails raisonnés & philosophiques sur l’œconomie, le commerce, la marine, la politique, la jurisprudence civile, canonique & bénéficiale ; l’anatomie, la médecine, la chirurgie, la chymie, la physique, les mathématiques, la musique, la peinture, la sculpture, la gravure, l’architecture, &c.

1462. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ce n’est pas précisément de la caricature, c’est de l’histoire, de la triviale et terrible réalité. — Dans une chambre pauvre et triste, la chambre traditionnelle du prolétaire, aux meubles banals et indispensables, le corps d’un ouvrier nu, en chemise et en bonnet de coton, gît sur le dos, tout de son long, les jambes et les bras écartés. […] Robert Macaire, Mœurs conjugales, Types parisiens, Profils et silhouettes, les Baigneurs, les Baigneuses, les Canotiers parisiens, les Bas-bleus, Pastorales, Histoire ancienne, les Bons Bourgeois, les Gens de Justice, la journée de M.  […] J’ai deux remarques importantes à faire à propos de deux de ces séries, Robert Macaire et l’Histoire ancienne. — Robert Macaire fut l’inauguration décisive de la caricature de mœurs. […] L’Histoire ancienne me paraît une chose importante, parce que c’est pour ainsi dire la meilleure paraphrase du vers célèbre : Qui nous délivrera des Grecs et des Romains ? […] Il faudra feuilleter ces œuvres-là pour comprendre l’histoire des dernières années de la monarchie.

1463. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

. — histoire des écoles d’alexandrie, par m. jules simon. — jasmin. […] — Parmi les publications sérieuses, il faut noter l’Histoire de l’Ecole d’Alexandrie, par M.

1464. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

La ballade, à peine altérée en passant de bouche en bouche, le raconte au long : Ors, écoutez naïve histoire, Histoire des jours d’autrefois, Quand chevaliers aimaient la gloire, Dieu, les dames et les tournois.

1465. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

. — Histoire d’un pion (1854). — Un homme fort en théorie (1854). — Dictionnaire du pêcheur (1855). — La Main du diable (1855). — La Pénélope normande (1855). — Les Animaux nuisibles (1856). — Histoires normandes (1856). — Lettres de mon jardin (1856). — Promenades hors de mon jardin (1856). — Rose et Jean (1857). — Encore les femmes (1858). — Menus propos (1859). — Roses noires et blanches (1859). — Sous les orangers (1859). — En fumant (1861). — Les Pleurs (1861)

1466. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Deux années encore, et l’histoire de l’art français du xviiie  siècle, dans toutes ses manifestations véritablement françaises, était terminée. […] Préface de la première édition (1881)54 En ce temps, où les choses, dont le poète latin a signalé la mélancolique vie latente, sont associées si largement par la description littéraire moderne, à l’histoire de l’Humanité, pourquoi n’écrirait-on pas les mémoires des choses, au milieu desquelles s’est écoulée une existence d’homme ?

1467. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Le vieillard, assis sur la montagne, fait l’histoire des deux familles exilées ; il raconte les travaux, les amours, les soucis de leur vie : Paul et Virginie n’avaient ni horloges, ni almanachs, ni livres de chronologie, d’histoire et de philosophie.

1468. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Telle étoit l’histoire de Niobé, représentée avec quatorze ou quinze statuës liées entr’elles par une même action. […] Il est vrai que les personnes curieuses y devoient avoir déja connoissance des découvertes du pere Manuël D’Almeïda et du pere Hieronimo Lobo, quoique l’histoire de la haute éthiopie du pere Tellez, qui le premier a donné ces découvertes au public, ne fut pas encore imprimée.

1469. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

Nous voïons aussi par l’histoire des peintres que les coloristes sont parvenus plus tard à une grande réputation que les peintres célebres par leur poësie. […] Les experts dans l’art de connoître la main des grands maîtres, ne sont bien d’accord entr’eux que sur ces tableaux célebres, qui, pour parler ainsi, ont déja fait leur fortune, et dont tout le monde sçait l’histoire.

1470. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Quant à l’assertion : « On ne devient pas original, on l’est », c’est une des plus criantes énormités qui se puissent lire, un de ces paradoxes contre qui proteste toute l’histoire de notre littérature. […] Des Histoires grotesques et sérieuses (NdA)

1471. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Camille Lemonnier a touché à tous les genres ou presque, histoire, géographie, critique d’art, etc. […] Ils résument tout, philosophie, histoire, critique, et le roman, qui est la synthèse des synthèses ? […] N’est-ce pas plutôt l’histoire d’une âme avec ses deux éléments, féminin et mâle ? […] Monsieur Destrémeaux ; Une histoire de l’autre monde. […] L’Allemagne amoureuse, Histoires militaires, La Vie viennoise, etc.

1472. (1932) Les idées politiques de la France

Leurs figures anciennes demeurent aujourd’hui reconnaissables ; chacune relève d’une tradition qui l’enracine en pleine histoire. […] Mais l’industrialisme a d’abord une histoire proprement dite, une histoire centenaire, qui remonte au saint-simonisme. […] Un des mots-clefs de l’histoire de France est ici un mot de Léon Bourgeois, à l’époque du ralliement. […] » La césure du vers que représentait cette époque dans le grand poème de l’histoire de France tombait en effet là. […] On songe à l’Histoire Comique d’Anatole France.

1473. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

  L’histoire des poèmes de Vielé-Griffin se confond avec l’histoire de ses pensées. […] Étudier un courant poétique, à une époque déterminée de notre histoire, c’est dévoiler du même coup les tendances de la science et de la morale. […] Ici le poète a voulu exprimer par l’histoire anecdotique la mentalité d’un peuple gouverné par « un curieux homme ». […] Le premier livre, Histoires de France, synthétise l’émotion cérébrale du poète à travers le temps. […] Ne parle-t-on pas de lois rythmiques en morale et en histoire ?

1474. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Gandar a eu un dessein qu’il est bon de connaître pour mieux apprécier l’intention de son étude sur Ronsard ; il consacre la meilleure partie des loisirs que lui laisse l’enseignement à une histoire des hellénistes français de la Renaissance. […] Ronsard n’a pas évité le léger ridicule qui se mêle à ces sortes d’histoires : Le mari, spectateur d’un acte si piteux, Eut le sein et les yeux de larmes tout moiteux. […] Il a publié, dans son élégant volume, la vie de Ronsard par Guillaume Colletet, qui fait partie de l’histoire des poètes français appartenant à la bibliothèque du Louvre. […] Michelet dans le dernier volume publié de son Histoire de France, où il traite de la Renaissance des lettres, a réengagé de plus belle le procès contre Ronsard : Dans une des tours du château de Meudon, dit-il, le cardinal de Lorraine, ce protecteur des lettres, logeait un maniaque enragé de travail, de frénétique orgueil, le capitaine Ronsard, ex-page de la maison de Guise.

1475. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Le fait est qu’en nous présentant de Maistre diplomate, il le passait préalablement dans je ne sais quelle teinture de philosophie de l’histoire, il nous le préparait moyennant des recettes qui ont cours apparemment dans la patrie de Vico comme dans celle de Hegel. […] C’est le présent dont nous sommes les témoins intelligents, qui éclaire pour nous le passé ; c’est la vie présente et que nous vivons, qui nous apprend à bien lire dans l’histoire, dans cette histoire humaine qui n’a été qu’un perpétuel mouvement. […] Au lieu d’expliquer les événements de l’histoire par les causes secondes, naturelles, par le rapport exact des faits, et même quand il a cette explication sous la main, il passe outre, il veut quelque chose au-delà ; il s’y complaît.

1476. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

On dirait véritablement que l’histoire littéraire, comme la nature, à la veille d’une grande création, au moment où elle va enfanter et produire un grand individu nouveau, s’essaye et prélude par des ébauches moindres, par des moules préparatoires un peu indécis, mais approchants, qui donnent déjà quelque idée du prochain génie, mais qui, à son apparition, se brisent comme inutiles avant de s’achever et de s’accomplir. […] Veuillez bien remarquer et noter la gradation, dont la trace est sensible dans l’histoire littéraire. […] Sans doute, et je suis le premier à le reconnaître, la méthode de Maine de Biran, qui consiste proprement à saisir et à présenter dans un cours d’observations psychologiques la véritable histoire de l’âme, n’a pas attendu pour se produire « ces toutes dernières années » ; je n’ai garde d’oublier les Jouffroy, les Damiron, et M.  […] Je le trouve nommé plusieurs fois dans l’Histoire du Gouvernement parlementaire de M. 

1477. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

C’était un cours de rhétorique parlementaire très-forte, ou même de philosophie de l’histoire, qui en valait bien un autre. […] Il recueillit de tout cela des impressions profondes, ineffaçables, de ces impressions qui ne devraient jamais être séparées de l’histoire, et sans lesquelles elle n’est que froide et morte, toujours plus ou moins menteuse. Et on ne la comprend, l’histoire, que quand on la revivifie avec ces impressions devinées, ressaisies dans le passé, à l’aide de celles que nous éprouvons nous-mêmes dans le présent. […] L’orateur, à un endroit, a très-bien caractérisé et loué le style uni et limpide de M. de Bausset, qui réfléchit quelque chose de ce XVIIe siècle dont il parcourt l’histoire.

1478. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Érudit universel à la mode du xvie  siècle, homme du monde à celle du xviie , ayant le goût de la politique, de l’histoire, de la philosophie, poète, ou du moins faiseur de poèmes, son vrai caractère, celui par lequel, même après la Pucelle, il conserva son autorité dans les salons et la confiance de Colbert, ce fut d’être l’« expert », le critique des œuvres littéraires. […] Deux ouvrages de Descartes marquent surtout dans l’histoire littéraire : le Discours de la Méthode (1637) et le Traité des Passion (16491. […] De la même source se tirait aussi facilement l’exclusion du lyrisme et de l’histoire. […] Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, 2 v. in-18, 1868, 2e éd. ; G.

1479. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Necker devient le héros de la Révolution française, le centre où tout se ramène ; et quand elle veut raconter son rôle, elle se trouve conduite à faire l’histoire de l’Europe, de Louis XVI à Napoléon : cette substitution de sujets lui semble nécessaire. […] Elle affirme que « la littérature romantique est la seule qui soit susceptible encore d’être perfectionnée, parce qu’ayant ses racines dans notre propre sol, elle est la seule qui puisse croître et se vivifier de nouveau : elle exprime notre religion ; elle rappelle notre histoire… ; elle se sert de nos impressions personnelles pour nous émouvoir641 ». […] On voit qu’elle a beaucoup causé avec des hommes qui étaient au courant des plus récentes découvertes, des hypothèses les plus hardies de la philologie ou de l’histoire. […] Il y a quelque chose de très singulier dans la différence d’un peuple à un autre ; le climat, l’aspect de la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements de l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autres, contribuent à ces diversités ; et nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air : on se trouve donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui la reçoit643. » Le conseil était bon et pratique : nous nous en sommes aperçus plus d’une fois en ce siècle, nous autres Français.

1480. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Quand Marmont eut raconté tout d’une suite et d’une teneur au jeune prince l’histoire de son père jusqu’à la fin de la première campagne d’Italie, il passa sans transition à 1814, prenant le récit dans ses deux points les plus saillants et embrassant la destinée dans ses deux extrémités les plus décisives et les plus glorieuses. Le jeune prince comprit à l’instant les grandeurs et les faiblesses de cette dernière campagne de 1814, et par où elle avait manqué ; il dit à ce sujet ce mot remarquable, et qui a déjà été cité : « Mon père et ma mère n’auraient dû jamais s’éloigner de Paris, l’un pour la guerre, l’autre pour la paix. » La curiosité une fois apaisée sur ces parties à la fois les plus classiques et les plus vives, Marmont reprit chronologiquement la suite des campagnes, l’expédition d’Égypte, la campagne de Marengo, celles d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Russie : il recommanda vivement au jeune prince, pour cette dernière, l’Histoire de M. de Ségur, non pas comme l’ouvrage le plus didactique ni peut-être le plus complet militairement, mais comme celui où l’on trouve le plus la vérité de l’impression. […] Il l’embrassa et lui envoya, peu de jours après, son portrait : « Le duc de Reichstadt, dit M. de Montbel, y est représenté à mi-corps, assis vis-à-vis du buste de son père, ayant l’air d’écouter avec beaucoup d’intérêt en dehors du tableau. » Au bas, il avait écrit de sa main les vers d’Hippolyte à Théramène : Attaché près de moi par un zèle sincère, Tu me contais alors l’histoire de mon père. […] Non, la France ne saurait renier celui qui justifia si bien les grandeurs déjà commencées de l’histoire, et qui montra de sa présence et de sa personne, dans ces diverses contrées du monde où il parut, que la renommée lointaine ne mentait pas.

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