Vous tous qui connaissez l’hymne d’Athénagène, cet adieu qu’il laissait à ses compagnons au moment de les quitter pour s’élancer dans la flamme, vous connaissez aussi la croyance des martyrs sur l’Esprit-Saint ! […] Certes, ce beau génie d’une époque de décadence, cet orateur qui, s’il est permis de mêler deux termes contraires, nous semble un Isocrate passionné, se laisse entraîner parfois, dans ses discours mêmes, à des mouvements d’une vivacité presque lyrique : témoin ses adieux à sa tribune patriarcale de Constantinople, à son peuple, à son auditoire, au sanctuaire qu’il a défendu, aux fidèles qu’il a charmés, à la terre, au ciel, à la Trinité même. […] » Ici vient un torrent d’expressions abstraites, où se laisse emporter le poëte pour atteindre jusqu’au Dieu qu’il adore, père et fils de lui-même, unité antérieure à l’unité même, origine et centre de tous les êtres. […] Il garde une opinion à part, et longtemps laissée libre, sur l’époque de la création des âmes ; il partage le dissentiment d’Origène quant à l’éternité des peines. […] Il appartient à l’art, en quelque sorte, plus qu’à la religion ; et cependant cet art, qu’il aimait, et auquel les épreuves et les émotions de sa vie le ramenaient sans cesse, ne nous a laissé que des chants religieux : ni les maux de sa patrie ni ses douleurs privées ne se retrouvent dans ses vers.
Ça lui donne du plaisir, ou le laisse froid, et voilà tout. […] Il faut laisser cela et s’enfermer dans une opinion comme dans une tour. […] Laissons les hommes chercher librement leurs plaisirs. […] Nulle illusion n’était laissée aux hommes ni sur eux-mêmes ni sur le maître de leurs âmes. […] Sa lenteur à s’émouvoir la laisse d’un pas en arrière, et l’homme ne tourne jamais la tête.
Je l’ai entendu parler femmes, bouquins, cuisine ; et la manière dont il en parle, ne peut laisser aucun doute sur cette qualité distinguée de l’homme. […] Il laisse percer le désir de retourner en Orient, au Japon, me peignant le soulèvement de cœur qu’il a, en entrant dans une gare d’Europe devant les affiches Bobœuf, etc. […] Et la conversation va aux poisons, à la fabrication desquels les naturels du pays excellent, entre autres d’un poison trouvé dans les cadavres des cimetières, et qui ne laisse aucune trace. […] Il parle de Réjane, proclame qu’elle a été admirable, alors que dans son écroulement moral, elle l’a forcé, pour ne pas l’y laisser, de la suivre dans sa tournée. […] Une fois la princesse m’avait dit, connaissant toute mon admiration pour Gavarni : « Vous savez, Goncourt, les dessins de La Mode, je vous les laisse dans mon testament. » Eh bien !
Laissons aux choses leur caractère et leur nom. […] Pour laisser le champ libre à l’amour adultère de sa femme. […] Quinze ans, je me suis senti sous vos pieds, et vous m’y avez laissé. […] Mais quelle est la conclusion qui sort de ce livre, quelle est surtout l’impression que laissent ses hideuses peintures ? […] combats avec tes armes et laisse-moi les miennes.
Le Moraliste, lui, ne se laisse pas prendre à ce mirage de bonheur. […] Ce qui, au contraire, le laisse indifférent jusqu’à l’oubli, c’est l’individu, la personne isolée et séparée. […] Elle s’y est soumise comme elle se fût laissée aller à des conditions meurtrières. […] Ces vagabondages de sa mémoire ont d’ailleurs laissé leur trace évidente dans les vagabondages des héros de ses romans. […] Se révolter, c’est subir encore une influence, à rebours, il est vrai : mais la profonde, la grande originalité ne se laisse dominer ni dans un sens ni dans l’autre.
Cette fois encore, c’est la structure physique de la contrée qui a laissé sur l’intelligence de la race l’empreinte que nous retrouvons dans son œuvre et dans son histoire. […] Il s’agit de paysans athéniens qui célèbrent le retour de la paix. « Quelle joie, quelle joie de déposer le casque et de laisser là fromages et oignons ! […] L’habillement n’est chez eux qu’un accessoire lâche qui laisse au corps sa liberté, et qu’à volonté, en un instant, on peut jeter bas. — même simplicité pour la seconde enveloppe de l’homme, je veux dire la maison. […] Philoctète blessé a été abandonné dans une île avec ses armes ; on vient le chercher parce qu’on a besoin de ses flèches ; il s’indigne, il refuse, et à la fin, sur l’ordre d’Hercule, il se laisse fléchir. […] Il semble même qu’à ce moment l’étude de la grammaire et de la musique cessait pour laisser entrer le jeune homme dans une classe plus spéciale et plus haute.
« Pour ce qui est d’Hannon (le lait de chienne, soit dit en passant, n’est point une plaisanterie, mais il était et est encore un remède contre la lèpre : voyez le Dictionnaire des sciences médicales, article Lèpre ; mauvais article d’ailleurs et dont j’ai rectifié les données d’après mes propres observations faites à Damas et en Nubie), — Hannon, dis-je, s’échappe, parce que les Mercenaires le laissent volontairement s’échapper. […] « Même lorsqu’on imitait, il y avait une certaine ignorance première, une demi-science qui prêtait à l’imagination et lui laissait de sa latitude. […] « Laissez-moi maintenant vous féliciter de tant d’observations fines et justes que je rencontre dans vos pages et vous remercier du flatteur témoignage de confiance que vous sollicitez de moi. […] Lacaussade, après quelques intervalles de congé (car je ne laissais pas de le fatiguer souvent et de le mettre sur les dents, comme on dit), me revint plus d’une fois comme auxiliaire : Pendant ces intervalles et ces absences, j’avais, pour le remplacer, un de nos jeunes et aimables amis, poëte également, M. […] Mal informé, j’ai laissé échapper une note sur son compte (au tome V d’une réimpression des Causeries du Lundi) ; mieux instruit, je retire aujourd’hui et j’efface entièrement cette note, dont j’ai reconnu la sévérité injuste.
tout, mais étaient disposés, si on les eût laissés faire, à énerver tout. […] Chapelain aurait voulu, par respect pour l’étymologie, qu’on gardât la vieille orthographe de Charactère, Cholère, avec ch, et qu’on laissât l’écriture hérissée de ces lettres capables de dérouter à tout moment et d’égarer en ce qui est de la prononciation courante. […] Moins on a étudié, et plus on va droit dans ces choses de l’usage : on se laisse aller, sans se roidir, au fil du courant. […] Sous prétexte de continuer ce curieux, mais interminable Dictionnaire historique, elle abandonne et néglige de tenir au courant son Dictionnaire de l’usage ; elle se laisse devancer et déborder par tous les lexicographes libres et les Furetières du dehors, Furetières plus probes et plus savants que ceux d’autrefois et envers qui elle affecte de se donner presque les mêmes torts. […] Certes nous devons, dans cette rapidité de plume qui est la condition moderne, nous tromper quelquefois et laisser échapper des fautes ; mais qu’est-ce que M.
« … Mon sort a été d’une rigueur ces derniers temps à ne pas me laisser reprendre haleine. […] monsieur, pour l’amour du roi et de la reine, ne laissez pas faire une telle chose. […] En reprenant les lettres par elle écrites à son frère de Douai à la date où je les ai laissées, nous retrouvons les gênes obscures, les humbles misères consolées, et tout d’abord cette modique pension qu’elle touchait auparavant avec une sorte de pudeur, mais qu’elle appelle maintenant comme un bienfait : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse. […] … — Oui, je vous remercie pour elle, sainte et douce colombe ; je vous remercie pour moi — et pour vous — d’avoir été son ami. — Laissez-moi me signer la vôtre, — Marceline Desbordes-Valmore. » — Le timbre de la poste porte la date du 18 février : Ondine venait de mourir.
Il me semble que la paix est devenue d’une nécessité indispensable pour nous ; et comme tous les autres moyens de l’obtenir ont été jusqu’ici sans succès, j’ai mieux aimé m’exposer moi-même à quelque danger, que de laisser la ville dans la détresse où elle se trouve : je prétends donc, si vous le permettez, me rendre directement à Naples ; espérant que, puisque c’est contre moi personnellement que sont dirigés les coups de nos ennemis, je pourrai, en me livrant entre leurs mains, rendre la paix à mes concitoyens. […] La paix qu’il venait de rapporter à son pays lui laissait le loisir de se livrer aux arts et aux lettres. […] Il serait trop difficile de vous donner des instructions précises sur ce qui regarde votre conduite et vos conversations ; je me bornerai donc à vous recommander d’avoir avec les cardinaux et les autres personnes élevées en dignité le langage du respect et de la déférence, sans néanmoins renoncer à vous servir de votre propre raison, et vous laisser entraîner par les passions des autres, qui peuvent être égarés par des motifs peu estimables. […] « Dernièrement, dit-il, je me laissai entraîner à un de ses sermons, plutôt, à dire le vrai, par curiosité que dans l’espoir d’y trouver un grand intérêt. […] Son début était frappant et son regard plein d’expression ; je commençai à m’intéresser sérieusement à ce qu’il allait dire. — Il commence ; je suis attentif : une voix sonore, des expressions choisies, des sentiments élevés. — Il établit les divisions de son sujet : je les saisis sans peine ; rien d’obscur, rien d’inutile, rien de fade et de languissant. — Il développe ses arguments ; je me sens embarrassé. — Il réfute le sophisme, et mon embarras se dissipe. — Il amène un récit analogue au sujet ; je me sens intéressé. — Il module sa voix en accents variés qui me charment. — Il se livre à une sorte de gaieté ; je souris involontairement. — Il entame une argumentation sérieuse ; je cède à la force des vérités qu’il me présente. — Il s’adresse aux passions ; les larmes inondent mon visage. — Il tonne avec l’accent de la colère ; je frémis, je tremble ; je voudrais être loin de ce lieu terrible. » « Valori nous a laissé, sur les sujets particuliers qui occupaient l’attention de Laurent et de ses amis dans leurs entrevues au couvent de San-Gallo, des détails qu’il tenait de la bouche de Mariano lui-même.
Mais laissons la plaisanterie, et déplorons, une fois de plus, que notre pays soit infecté par la politique à tel point que toute question d’intérêt national y soit immédiatement considérée comme une affaire de parti. […] Enfin, il eût peut-être été utile, à notre époque où l’influence de la morale religieuse disparaît, de laisser à l’enfant cette éducation qui façonna les plus honnêtes gens de notre histoire. […] Mais qu’on me laisse dire ! […] Pour ce qui est de l’étude du français, certes, il y a lieu de ne pas la laisser s’affaiblir ; et c’est avec peine que je vois, dans mon entourage, des jeunes gens qui ont fait des études classiques, commettre, dans la rédaction des observations des malades, des fautes d’orthographe grossières. […] Mais laissez-moi apprendre à vos lecteurs qu’une très grande maison d’édition (Larousse) travaille à la recherche d’une sorte de moyen mécanique de faire interpréter instantanément, en toutes langues, certains signes équivalents, les mêmes pour tous les pays.
Elle est la réponse naturelle de l’homme, réponse contradictoire et unifiée à la fois, aux contradictions du monde, de la vie et de l’esprit, elle le laisse à la fois s’adapter à la réalité la plus large et tâcher d’adapter la réalité à lui, dans la mesure où cela est possible. […] » ne laissa pas d’être, à ses heures, un ironiste clairvoyant. […] Et les vraies occasions n’en sont pas si fréquentes qu’il soit prudent de les laisser échapper. […] Si elle ne va pas jusqu’à nous suggérer qu’un âne Pour Dieu qui nous voit tous est autant qu’un ânier, cependant elle nous laissera entendre que l’âne, l’ânier, et même les princes et les rois, et les savants, et les artistes, et les philosophes, quelles que soient les différences qui les séparent les uns des autres, sont peu de chose dans le monde et qu’il conviendrait mieux à leur nature de ne pas s’accabler entre eux de leur haine et de leurs dédains. […] Elle prétendra que le véritable intérêt de la société, ce qui peut le mieux la faire grandir, c’est de laisser l’individu acquérir son maximum de personnalité.
Après plusieurs cruelles années, années de faim et de désillusionnement, et juste au moment où, dans le Hollandais Volant, Wagner reprochait au ciel de ne le laisser ni mourir, ni trouver l’amour qui le sauvât (I, 21-24), à ce moment, une transformation subite, presque fantastique, avait tout changé ; Wagner avait été appelé à Dresde, son opéra Rienzi avait eu un grand succès ; une mort inopinée avait permis de le nommer chef d’orchestre ; après la plus noire misère, il était débarrassé de tous soucis, dans une position assurée, et, ce qui pour l’artiste était bien plus, avec le plus beau théâtre de l’Allemagne à ses ordres pour réaliser toutes ses inspirations (IV, 338). […] Lohengrin, cette figure qui lui était déjà apparue à Paris en même temps que celle de Tannhaeuser, mais qui ne lui avait laissé qu’une « impression presque désagréable » (IV, 353), s’empara de nouveau de sa fantaisie. […] Les écailles lui tombèrent des yeux et, soudainement, il s’aperçut qu’il avait vécu jusqu’à ce jour dans un rêve, qu’il était seul, qu’aucun lien n’existait entre le public pour lequel il écrivait et lui, entre ce théâtre dont le dégoût couvait dans son cœur depuis le premier jour de son entrée et le poète, le musicien, qui avait rêvé autre chose qu’un « établissement pour l’exploitation de l’art » ; même les « serrements de mains de ses amis » le laissaient sans consolation. […] Il doutait de tout, lui dont le trait essentiel fut la foi, lui qui jamais ne dévia, qui ne se laissa détourner de sa voie toute d’affirmation et de divin espoir, ni par la critique, ni par la misère, — ni par le succès ; et il nous dit à propos de Lohengrîn : « Moi aussi, je me sentis invinciblement poussé à demander, d’où viens-tu, et pourquoi ? […] La musique contient donc aussi des contradictions, même nombreuses ; si le charme incomparable des mélodies peut les faire oublier, elles n’en existent pas moins. — Ainsi l’on trouve dans l’ensemble de l’œuvre, poème et musique, ce que l’étude des conditions sous lesquelles elle a été composée laissait prévoir : un conflit de tendances.
Si les cuivres laissent à désirer (du moins les trombones et le quatuor des tubas), les cordes sont excellentes, et les violons en particulier ont donné des effets d’un incomparable éclat. […] Houston Stewart Chamberlain, qui, s’il laisse de côté quelques parties importantes de l’œuvre de Wagner, comme les idées politiques et religieuses de ce penseur, a néanmoins été chercher la compréhension de Wagner à la seule source où elle se trouve, dans ses œuvres théoriques, en un mot dans cette série de traités sur l’art, qui remplit ses « Gesammelte Schriften ». […] Une fois en face du drame, le spectateur doit se laisser aller aux différentes impressions qu’il reçoit ; il doit être simplement l’esclave de ses sens, de ce que Wagner appelle « Gefühle », avec qui l’œuvre d’art doit être en communication immédiate. […] Wagner a supprimé l’orchestre et n’a laissé que le son. […] La distance de l’objet à nous se mesurera pour notre œil par la trace que laisse, en coupant le terrain, un plan mené par l’axe vertical du personnage et la droite menée de son pied à notre œil.
Seroit-ce encore un excès de sévérité, que de reprocher à M. de Voltaire de s'être trop délecté à prodiguer les Portraits ; de n'avoir pas répandu dans ces Portraits assez de variété ; de les dessiner tous de la même maniere ; de les peindre des mêmes couleurs ; de n'y avoir ménagé d'autre contraste que celui des antitheses ; de les terminer constamment par des pointes ou des sentences ; d'oublier ensuite, dans le cours de l'action, l'idée qu'il a donnée de ses Personnages, pour les laisser agir au hasard, sans aucune conformité avec le caractere sous lequel il les annoncés ? […] Il en a parcouru toutes les parties, & par-tout il a laissé l’empreinte de ses ravages. […] Incapable de soutenir une narration continue, moins pour faciliter l’attention, que pour ménager des repos à sa plume, trop pétillante pour avoir une force toujours égale, il circonscrit les objets, les divise, les isole avec une incohérence qui laisse la liberté d’extraire & de transporter les chapitres, sans nuire à l’ordonnance de l’Ouvrage, ce qui prouve qu’il n’y en a aucune. […] Quel Philosophe, qu’un Auteur qu’on ne peut ni définir ni suivre, qui laisse ses Lecteurs dans un doute perpétuel sur ses vrais sentimens ! […] Aussi amateur de la dispute, que les Scaliger, les Garasse, les Saumaise, il les a laissés bien loin derriere lui, toutes les fois qu’il a fait couler de sa plume des torrens d’injures, de sarcasmes & de grossiéretés.
L’homme a laissé les Sept tirant au sort les portes où chacun d’eux conduira sa troupe : — « Choisis donc les meilleurs guerriers, dit-il au jeune roi, et place les promptement aux avenues de la ville. » C’est alors que le Chœur des femmes entonne sa longue plainte par des litanies de dieux protecteurs appelés à l’aide : Arès d’abord, patron de la guerre : — « Antique enfant de cette terre, regarde cette ville que tu as tant aimée autrefois. » — Puis Zeus « Père » universel ». […] Sa chevelure s’envole vers le ciel, son sang pleut sur la terre, ses jambes et ses bras tournent comme les rayons de la roue d’Ixion, et le tronc calciné retombe sur le sol. » Chose étrange, Capanée n’avait pas laissé un mauvais renom dans l’antiquité. […] La femme grecque fut le coryphée de cette longue file de pleureuses : on la voit, dès les plus hauts âges, chargée de gémir pour tous sur les morts, de leur parler et de les prier, de leur montrer la pince vide qu’ils laissent au foyer de ceux qui survivent. […] tu es mort jeune, et tu m’as laissée veuve dans mes demeures, et je ne crois pas qu’il parvienne à la puberté, ce fils que nous avons engendré tous deux, malheureux que nous sommes ! Avant cela, cette ville sera renversée de son faîte, puisque son défenseur a péri, toi qui la protégeais, et ses femmes fidèles et ses petits enfants. » Et elle termine par ce regret d’une spiritualité pénétrante. — « Hector, tu me laisses en proie à d’affreuses douleurs, car en mourant tu ne m’as point tendu les bras de ton lit, et tu ne m’auras point dit quelque sage parole dont je puisse me souvenir, les jours et les nuits, en versant des larmes. » — La vieille Hécube vient ensuite ; plus haineuse et plus sombre dans son désespoir.
C’est par le style, par l’exécution, que ce dernier surtout laissait des regrets : Je ne saurais vous rendre, m’écrit M. […] Il comprit à l’instant qu’il avait affaire, non pas, comme on le disait dans le monde des purs classiques et de Marie-Joseph, à un jeune poète intéressant, qui promettait beaucoup et qui avait laissé des fragments incorrects qu’il aurait perfectionnés avec l’âge, mais à un maître déjà puissant, novateur, hardi et pur à la fois, pur jusque dans ses négligences. […] Ne s’est-il pas permis çà et là quelques retouches dont il s’est vanté ensuite et dont il s’est laissé louer en les exagérant48 ? […] Je laisse de côté l’intention politique, je passe par-dessus le hiatus du dernier vers ; mais opérer une sortie, est-ce possible en poésie, et dans un autre style que celui du bulletin ? […] Je n’imaginais point que tant de respect pût laisser place à tant d’affection ; qu’on pût aimer le même homme et l’adorer. » Et, rappelant l’instant de cette bénédiction solennelle il s’écrie dans sa pieuse extase : Étais-je encore sur cette terre quand vos regards ont rencontré les miens, quand vos mains se sont étendues vers moi ?
Ce frein, trop fort pour la société déjà policée qui se laisse persuader d’en faire usage, va paralyser son énergie au lieu de la régler et va la placer dans une situation d’infériorité, vis-à-vis des autres groupes. […] Ainsi la même idée qui nous désarme le laisse armé. […] *** Après avoir montré dans l’idéal humanitaire, tel qu’en fait il s’exerce, une attitude d’utilité particulière engendrée par l’instinct de puissance des races anglo-saxonnes, on peut pousser plus loin la démonstration et faire voir comment ce même idéal, succédané du christianisme, est encore, sous son déguisement religieux et philosophique, et coloré d’une nuance nouvelle, une attitude combative, d’attaque et de défense, au profit de certains groupes, au détriment de ceux qui se laissent prendre au déguisement d’un intérêt particulier en idée générale. […] Cela ne vit pas, mais ce n’en est pas moins là, au fond de nous-mêmes, et jamais nous ne parvenons à nous en délivrer. » Cette croyance morte, en effet, a laissé son empreinte dans la loi religieuse et civile, dans la coutume, dans les prescriptions écrites, dans l’ordre établi. […] Si par exemple, le défunt avait laissé un fils et une fille, la loi autorisait le mariage entre le frère et la sœur, pourvu qu’ils ne fussent pas nés de la même mère.
Il lui faut pour l’exercer, un énorme effort, une contention qui fait saillir les veines de son front, et le laisse brisé de fatigue. […] Il m’a laissé partir avec un air indifférent. […] Je l’avais laissé dans le jardin, quand je suis rentré, tout heureux, tout animé des espérances remuées entre Édouard et moi ; je l’ai trouvé, son chapeau de paille sur les yeux, assis dans une immobilité effrayante, le regard fixé à terre… Je lui ai parlé, il ne m’a pas répondu… Oh ! […] * * * La bière descend les marches de l’escalier, où, sans le lui laisser voir, j’ai si souvent rattrapé, par derrière, l’équilibre de ses pas trébuchants. […] C’est sur ce lit, pendant ses derniers mois de souffrance, de faiblesse, de maladresse, que je l’ai souvent aidé à s’habiller et à se déshabiller… Sur la table de nuit a été laissé le volume de Bescherelle, mis sous son oreiller, pour exhausser sa triste tête de mort ; les fleurs dont j’ai entouré son agonie sont séchées dans la cheminée, mêlées aux enveloppes bleues des bougies allumées sur sa bière ; et sur la table de travail, au milieu de lettres et de cartes de visite de la première heure, sont jetés pêle-mêle les livres de prières de Pélagie.
Et pour ne nous laisser aucun doute sur cette complète identification, il nous l’affirme en toute droiture et en toute énergie. […] Malgré sa placidité, Zola laissa parfois éclater sa haine de l’idéalisme nouveau […] L’idée du dualisme — (ou de pluralisme dans d’autres systèmes anti-monistes) — sépare l’esprit et la force de la matière, comme deux substances essentiellement différentes, mais que l’une des deux puisse exister sans l’autre et se laisser constater, on n’en apporte aucune preuve expérimentale12 ». […] Si le sens profond de la réalité avait plus puissamment éclairé le naturalisme, il n’est pas imprudent d’affirmer que sa fortune serait autrement décisive aujourd’hui, et qu’il n’aurait pas laissé à d’autres le soin de faire triompher le réalisme pratique et vécu. […] Il n’est pas vrai, que j’aie voulu corrompre et décourager les esprits, et, si cette opinion me laisse indifférent à cette heure, c’est que je ne crois pas à sa durée.
Nulle part le génie de la Grèce dorienne, ionienne et attique ne fut plus admiré, plus finement étudié, plus imité que dans Alexandrie ; nulle part tous les trésors de science, d’art inventif et d’imagination populaire, que laissaient après soi plusieurs générations héroïques et inspirées, ne pouvaient être aussi bien recueillis. […] Ce n’est pas tout : par une témérité qui n’a pas laissé de monuments, le Muséum d’Alexandrie ne craignait pas de remanier les grands sujets et de refaire les grandes œuvres des poëtes tragiques d’Athènes. […] Une grande inégalité se marqua dans le mouvement d’étude et de savoir qui suivit la conquête macédonienne, et qui fut la seule grandeur-morale laissée à l’homme déchu désormais de cette noble liberté, de cette souveraineté de soi-même, qu’avait tant aimée la Grèce. […] Tout cela, comme secondaire, tu l’as volontiers laissé à des dieux inférieurs ; mais tu l’es réservé pour toi les conducteurs des villes, qui ont sous leurs mains le laboureur, le guerrier, le rameur, tous enfin ; car qui n’est pas rangé sous la puissance du souverain ? […] ayant besoin de sommeil, en effet, il te fallait dormir et laisser la jeune fille, avec ses compagnes, jouer auprès de sa mère chérie jusqu’au point du jour, puisque, et le matin, et à l’aurore, et d’années en années, ô Ménélas, elle est ton épouse.
Son destinataire est parti sans laisser d’adresse. […] Il semble que l’observation minutieuse des détails ne laisse pas assez de temps à Gaston Chérau pour analyser profondément son personnage. […] Laissez-le parler, tenez-vous tranquille. […] Aurait-il apporté une pensée et des sentiments à un parti de gauche, comme son biographe le laisse entendre ? […] Mais en le quittant, je formais le vœu qu’il ne soit pas ainsi laissé à l’abandon par tant de jeunes Français.
Cet helléniste, ou cet économiste, ou ce musicien, qui séjourne là-bas pendant six semaines, n’a d’autre devoir que de laisser derrière lui un sillage d’idées. […] Il ignorait les effusions du cœur, les élans, et ces moments magnifiques où le poète n’a plus qu’à laisser conduire sa plume par son démon intérieur. […] Que lui fallait-il, pour laisser aux hommes ce chef-d’œuvre de poésie, cette forêt décrite dans Alastor, et qui ne sortira plus de leur souvenir ? […] « Même la poésie de Victor Hugo me laisse froid ; j’ai le malheur de n’être pas capable d’admirer Olympio22… » M. […] Laissez-moi cette chimère, elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous76.
Mais ils laissent dans Tolède une atmosphère où plus d’un, qui ne s’en doute pas, gagnerait à fréquenter. […] Non, saint François n’a pas laissé de postérité directe. […] L’élément qualitatif par excellence, l’élément moral, ne se laisse pas réduire en équations ni évaluer en argent. […] Inébranlable pessimiste, il a voulu nous laisser une impression lugubre. […] Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, — et crée de ton silence la musique des nuits.
mais toutes les sociétés humaines ont laissé des preuves de la même assiduité aux travaux littéraires, sans que leur zèle produisît des résultats aussi éclatants. […] Les chefs des monarchies européennes ont aboli cette maxime, faites et laissez dire. […] Je vous en laisse les juges. […] L’ivrogne égaré ne laisse-t-il pas à l’abandon sa femme ou sa maîtresse ; et ne rentrera-t-il pas à contretemps chez elles, ou trop tard pour son honneur ? […] Que ne laisse-t-il en repos nos maris, sans leur ouvrir les yeux, et leur faire prendre garde à des choses dont ils ne s’avisent pas ?
Ce qu’il attaque, renverse et laisse sur le carreau, ce n’est pas eux, et ce ne sont pas non plus les idées éternelles de la morale, de la religion, de l’art et de la politique ; c’est le mensonge du Divin. […] » En nous faisant pénétrer jusqu’au fond de la personne de ses héros comiques ou tragiques, Shakespeare ne nous laisse rien voir, rien deviner de la sienne. […] Les Schlegel se sont laissé entraîner trop loin dans la voie de la réaction. […] Et dès lors, ce côté personnel de la passion, qui contredit leur nature divine, se laisse représenter comme une fausse exagération. […] Sur ces limites extérieures, loin de laisser ses figures, dépourvues du prestige poétique, s’absorber dans l’étroitesse de leurs idées, Shakespeare leur donne d’autant plus de verve et d’imagination.
On va le chercher et il rentre, mais il n’a pas laissé ses manies à la porte. […] Pour ce qui est du mal qui s’y rencontre ou s’y peut rencontrer, je laisse à Dieu seul le soin de les corriger ou de les réformer. […] Son emphase complimenteuse, sa déclaration que la boucle de cheveux est placée au ciel parmi les astres, tout son attirail de phrases n’est qu’une parade de galanterie qui laisse percer l’indélicatesse et la grossièreté […] Je laisse là l’enlumineur, le machiniste, l’entrepreneur d’effets littéraires, et je vais chercher le poëte ailleurs. […] Il prend la première venue, s’enferme plusieurs jours avec elle, boit sec, s’endort, et la laisse s’enfuir avec son argenterie et ses habits.
Les protecteurs auront le nom de « patrons du Bühnenfestspiel de Bayreuth L’exécution de l’entreprise sera laissée à mes soins. […] Cet Alléluia par sa souveraine onction et son glorieux éclat, nous rend la joie, la confiance, l’espérance, et nous laisse comme inondés d’un céleste rafraîchissement. […] Mais bientôt celles-ci, souvent répétées, ont laissé dans l’âme une empreinte : elles s’y sont liées, au point que l’une d’elle évoqua les autres. […] Elle y a exercé un caractère spécial ; qui s’est imprimé aux premiers contes même qu’elle nous a laissés. […] Laissera-t-on que je cherche, dans quelques œuvres littéraires récentes, les exemples pareils d’une littérature wagnérienne ?
La sensibilité est une révélation, l’art est un métier ; elles doivent le laisser aux hommes, ces ouvriers de la vie ; leur art, à elles, est de sentir, et leur poésie est d’aimer. […] « Laissez chanter ce qu’il veut à ce poète : les chants les plus nouveaux sont toujours ceux que les hommes rassemblés préfèrent ; retournez dans votre appartement ; reprenez vos travaux habituels, la toile et le fuseau. […] continua-t-elle. — C’est que la douleur défigure le visage, répondit une de mes sœurs, et que nous n’aimons pas nous laisser voir enlaidies par les larmes. — N’est-ce pas aussi, répondis-je à mon tour, parce que la douleur est une faiblesse et que l’homme doit se montrer fort, même contre le chagrin ? […] Elles détellent les mules et les laissent en liberté, près du fleuve rapide, brouter les gras pâturages ; puis de leurs mains elles tirent du chariot le linge et le plongent dans l’onde ; elles le foulent à l’envi dans ces profonds bassins. […] Il avait honte devant les Phéaciens de laisser couler les larmes de ses yeux.
quand l’histoire s’abaisse et se souille, ne pas abaisser son jugement, ne pas laisser souiller sa pensée, et c’est là ce que Μ. de Cassagnac a su faire. […] Voilà pourquoi on ôte de son nom, dans l’intérêt de ce qu’on veut apprendre aux hommes, l’injure glorifiante des partis que par fierté peut-être on aimerait à y laisser. […] Ils laisseront parler sans lui répondre ce diable de savant qui débute tard, mais qui a trente ans de calorique accumulé à son service, et passer sur leur poil hérissé, avec une patience de Job, mais plus muette, cette tempête philologique qui souffle sur eux du fond du livre de Granier de Cassagnac. […] Cette thèse, qu’il dresse sur leurs débris, il la déduit du fait historique des invasions gauloises, qui ont laissé partout des traces de leur passage dans des mots de même origine, retrouvés toujours, malgré les mêlées des peuples et leurs transfusions. […] Si Granier de Cassagnac, avec un génie d’écrivain qui pouvait le mener droit à la gloire, n’est allé qu’à la renommée ; s’il n’a pas laissé derrière lui un de ces livres achevés, accomplis, qui barrent le flot du temps et que le temps n’emporte pas, c’est qu’il y eut évidemment pour lui un intérêt supérieur à l’intérêt de sa personne et de sa gloire.
Le génie libre et si prodigieusement spontané de Shakespeare est aussi profondément antipathique aux divisions arbitraires qu’on en fait que pourrait l’être l’Océan aux bouteilles dans lesquelles on voudrait enfermer ses vagues resplendissantes, pour en faire mieux admirer l’azur, au lieu de les laisser tranquillement déferler sur la grève immense ! […] C’est cela qui est une impertinence, et nous la laisserons à Hazlitt. […] enfin, pour n’avoir pas laissé l’admiration de Shakespeare tuer en soi le sentiment français ! […] Vous vous la rappelez, cette jeunesse orageuse et folle de Henri, qui alors s’appelait Hai, qui s’intitulait en riant un gentilhomme des ténèbres et un mignon de la lune, et qui se laissait tutoyer par le vieux Falstaff, ce courtisan de cabaret et ce bouffon de génie chauffé incendiairement au vin d’Espagne ! […] Il n’a pas voulu qu’un genre quelconque de surnaturel intervînt dans la transfiguration de son personnage, et il a laissé, à dessein, du Hai dans son Henri V.
Après une première lecture rapide, qui ne lui avait laissé sentir que l’intérêt d’une narration toujours animée malgré son étendue, toujours claire et limpide malgré la variété des objets et, pour ainsi dire, la quantité des affluents, M. […] Il est dans son fauteuil quand il écrit, et il vous y laisse en le lisant : ou, s’il se lève, ce n’est que pour faire deux ou trois tours de chambre, pendant lesquels il arrange sa phrase et concerte son expression. […] Malgré ce léger apprêt, toute cette correspondance ne laisse pas d’être d’un doux et assez vif agrément. […] [NdA] L’effet que font ces chapitres, l’impression générale qu’ils laissent dans l’esprit n’ont jamais été mieux rendus que dans un passage du Journal de Sismondi, à la date du 29 janvier 1799 : Les deux derniers chapitres (15e et 16e) de Gibbon, dit-il, sont l’un, sur l’établissement de la religion chrétienne, et l’autre, sur les persécutions qu’elle a éprouvées.
Son orgueil serait au désespoir de laisser deviner ses sentiments. Mais au moment où ce défaut sommeille, en ces instants reposés où il redevient Italien, Milanais, ou Parisien du bon temps ; quand il se trouve dans un cercle de gens qui l’entendent, et de la bienveillance de qui il est sûr (car ce moqueur à la prompte attaque avait, notez-le, un secret besoin de bienveillance), l’esprit de Beyle, tranquillisé du côté de son faible, se joue en saillies vives, en aperçus hardis, heureux et gais, et en parlant des arts, de leur charme pour l’imagination, et de leur divine influence pour la félicité des délicats, il laisse même entrevoir je ne sais quoi de doux et de tendre dans ses sentiments, ou du moins l’éclair d’une mélancolie rapide : Un salon de huit ou dix personnes aimables, a-t-il dit, où la conversation est gaie, anecdotique et où l’on prend du punch léger à minuit et demi73, est l’endroit du monde où je me trouve le mieux. […] Il faut laisser aux peuples divers leur génie, tout en cherchant à le féconder et à l’étendre. […] Anders, de la Bibliothèque impériale, la note suivante qui ne laisse rien à désirer pour l’éclaircissement de l’énigme bibliographique que présente le premier ouvrage de Beyle : L’ouvrage de Beyle sur Haydn, publié d’abord sous le pseudonyme de Bombet (1814), puis sous celui de Stendhal (1817), n’est pas une simple traduction des Haydine de Carpani.
En attendant, et tout en s’excusant de la sorte, ce roi, encore tout chaud et tout poudreux de la guerre de Sept Ans, ne laisse pas de payer tribut à l’idée philosophique, en se faisant l’abréviateur et l’éditeur de Bayle. Il réitère à ce propos, comme en mainte autre occasion, sa profession de foi en ces matières spéculatives : « Vous avez grande raison de dire, mon cher frère, qu’on ne fera pas de grands progrès dans la métaphysique ; c’est une région où il faudrait voler, et nous manquons d’ailes. » Frédéric ne se laisse pas enlever volontiers jusqu’à la région des étoiles : il craint trop les nuages. […] Mais, mon cher frère, laisser usurper à l’Autriche une autorité despotique en Allemagne, c’est lui fournir des forces contre nous-mêmes et la rendre beaucoup plus formidable qu’elle ne l’est déjà ; et c’est ce qu’aucun homme qui se trouve dans le poste que j’occupe ne doit tolérer. » C’était pour Frédéric une question d’honneur et une question d’influence. […] Ce talent était assez médiocre ; mais le prince Henri ne laissait échapper aucune occasion de l’exercer.
Il passe sa vie à chercher un point d’appui en lui, à s’assurer que ce point central spirituel existe indépendant du dehors, qu’il n’est pas complètement à la merci des choses ou de la machine intérieure ; et quand il croit avoir trouvé ce point d’appui (arx animi), ce moi permanent, cette force et cette cause, il ne s’y tient pas, il le laisse et n’en fait rien ; il se repent « d’avoir trop compté sur lui-même » ; il va ailleurs, et demande secours, comme dans un naufrage, à l’esprit universel. […] Quoiqu’il se soit laissé faire et qu’il n’ait jamais refusé les fonctions publiques, tous ses penchants, toutes ses qualités étaient pour la vie privée : « Les goûts simples qui s’allient avec les études abstraites donnent une sorte de candeur, de timidité, qui fait aimer la vie domestique. » N’ayant de valeur que dans la solitude ou dans un cercle intime qui l’appréciait, et où ses facultés reluisent quelques instants, son état habituel, au sein d’une grande assemblée, tout le temps qu’il en fut membre, était un état de timidité et de crainte : Je me sens plus faible, disait-il, au milieu de tant d’hommes forts ; je ne me mets pas en rapport avec eux : je cesse d’être moi sans me confondre avec les autres. […] Au lieu d’appliquer ses facultés avec suite, il les laisse vaguer, tournoyer, et se dévorer sur place. […] Mais ce sont des éclairs qui ne laissent aucune trace dans la vie commune, ou dans l’exercice des facultés qui s’y rapportent ; je retombe après m’être élevé.
Je laissai dire ; je commençai. […] Il compte fort en dernier lieu, pour réaliser ce beau rêve, sur le fidèle Bachelier, valet de chambre du roi, et introducteur de Mme de Mailly, la première maîtresse : ce parti d’alcôve et d’antichambre lui paraît pour le quart d’heure, et tant qu’il en espère son avancement, le plus patriotique et le plus honorable : « En effet, tout l’autre parti radote ou trompe, et celui-ci est seul ferme, solide, dans les vrais intérêts de la couronne et plein d’amour pour la personne du roi. » D’Argenson, qui se laisse appuyer par Bachelier, appelle cela être dans l’intrigue passivement. […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas. […] La mort du dernier grand-duc, qui ne laissait pas d’enfants (1737), vint, selon lui, rouvrir des facilités nouvelles.
L’amitié qu’ils se portent les engage à ne rien laisser voir de leur passion à celle qui en est l’objet : elle aime l’un des deux ; elle lui déclare son amour ; il n’a pas la force de lui cacher ses sentiments, mais il court en avertir son rival. […] Le chagrin que vous prétendez avoir voulu m’éviter ne pouvait être que retardé, et l’état d’incertitude où vous m’avez laissée était plus pénible sans doute que la pleine connaissance du fait. Concevez tous les motifs que j’avais de croire l’histoire fabuleuse ; combien ma surprise et mon ignorance que j’exprimais naïvement dans mes lettres (elle était à Pougues) contribuaient à la faire regarder comme telle par les personnes qui concluaient, ainsi que moi, que le baron d’Holbach n’eût pas dû être votre premier confident ; enfin, le déplaisir que vous m’avez causé par une conduite qui déroge un peu, ce me semble, à l’amitié que vous m’avez promise. » Puis, en venant au fond, elle estime que son ami le philosophe s’est laissé bien vivement emporter au sujet d’une injustice cruelle dont il a été l’objet, et dont une pauvre tête égarée a pu seule se rendre coupable : « Mais vous, au lieu de vous irriter contre un malheureux qui ne peut vous nuire, et qui se ruine entièrement lui-même, que n’avez-vous laissé agir cette pitié généreuse, dont vous êtes si susceptible ?
Mais enfin je retrouve quelqu’un qui laisse la note dans son naturel et qui me prend par mes fibres délicates, sans me heurter, sans m’offenser et me faire souffrir. […] « L’ingénieuse absence avait agi sans nous et pour nous. » Un jour donc, Dominique se laisse aller à ouvrir son cœur et à livrer le secret de sa jeunesse à son nouvel ami, devenu son hôte au château des Trembles, — c’est ainsi qu’on nomme sa maison de famille ; — et cet ami, à son tour, nous fait part de la confidence. […] Vous dire comment une particularité de si peu de valeur a pu se fixer dans ma mémoire, avec la date précise de l’année et, peut-être bien, du jour, au point de trouver sa place en ce moment dans la conversation d’un homme plus que mûr, je l’ignore ; mais si je vous cite ce fait entre mille autres, c’est afin de vous indiquer que quelque chose se dégageait déjà de ma vie extérieure, et qu’il se formait en moi je ne sais quelle mémoire spéciale assez peu sensible aux faits, mais d’une aptitude singulière à se pénétrer des impressions. » Un précepteur qu’on lui donne, pour le mettre en état d’entrer bientôt au collège, ne réussit qu’à partager l’esprit du jeune enfant et à y introduire un élément d’étude régulière, sans rien supprimer d’une sensibilité vague et discrète qui ne se laissait pas soupçonner. […] C’est égal, de quelque côté qu’on la prenne, cette fin laisse, selon moi. à désirer ; et, comme dans un certain nombre de romans vrais, mais auxquels il fallait un dénouement, je suis bien sûr qu’ici, s’il y a quelque réalité dessous, la vérité n’a été suivie que jusqu’à un certain point et jusqu’à un certain endroit.
Le mieux, maintenant, est de la laisser parler elle-même : « (Mars 1833.) […] Vous usurpez un droit qu’il faut nous laisser, entendez-vous ? […] « À vous, « George. » J’ai beaucoup dit, je n’ai pourtant que laissé entrevoir la profondeur de cette crise du sixième lustre. […] Elle a su être naturelle sous les systèmes, comme elle s’est trouvée passionnée sous ses magnificences de talent. — Je dis encore bien des choses que j’ai besoin qu’on aille chercher en moi en m’interrogeant ; car, seul et abandonné à moi-même, j’aime mieux laisser dormir, sans en remuer les abîmes, tous ces beaux lacs profonds du passé. »
Il développe avec toute sa science et sa pénétration les rapides indications de Bossuet, quand il nous expose le fond de l’âme romaine, cet amour de la liberté, du travail et de la patrie, la force des institutions militaires, et de la discipline ; l’ardeur des luttes intestines, qui tiennent les esprits toujours actifs, toujours en haleine, et qui s’effacent toujours dans les occasions de danger extérieur ; la constance de la nation dans les revers, et cette maxime de ne faire jamais la paix que vainqueurs ; enfin l’habileté du sénat, dont la substance se réduit à trois principes : soutenir les peuples contre les rois, laisser aux vaincus leurs mœurs, et ne prendre qu’un ennemi à la fois. […] Chacune de ces périodes a laissé son dépôt dans l’Esprit des Lois ; des pensées très hétérogènes, qui appartiennent à des états d’esprit inconciliables, y forment comme de : couches superposées, et d’autres fois se pénètrent, s’enchevêtrent s’amalgament. […] En 1716 et dans les années suivantes, Montesquieu se laisse gagner au goût des sciences physiques et naturelles. […] La théorie développée dans ce curieux opuscule a laissé des traces dans l’Esprit des Lois, mais des traces éparses et confuses, recouvertes sans cesse par un système différent, dont le fond est cette idée chère à Montesquieu que de la construction de la machine législative dépend la destinée des peuples, et qu’un rouage ôté ou placé à propos sauve ou perd tout : or qu’y a-t-il de plus contraire au fatalisme politique que la superstition sociologique, la foi aux artifices constitutionnels ?
Et alors, toutes celles que ce milieu n’explique pas, il affecte de les laisser de côté. […] Il fallait laisser ce sujet à Gaboriau, qui se serait peu étendu sur la psychologie du nouvel Hamlet et se fût rattrapé sur la partie mélodramatique et judiciaire. […] Qui n’a connu cette impuissance, soit pour en jouir (car du moins elle nous laisse tranquilles et de sang-froid et elle a des airs de distinction intellectuelle), soit, à certains moments, pour en souffrir, quand on sent le vide de la vie incroyante, détachée et uniquement curieuse, et comme il serait bon d’aimer, et comme on peut faire du mal en n’aimant pas ? […] Mais ce à quoi les écrivains russes sont amenés par le mouvement spontané de leurs âmes religieuses et rêveuses, par l’étude des cœurs simples et par le spectacle d’infinies souffrances et d’infinies résignations, nous y arrivons, je crois, par la banqueroute de l’analyse et de la critique, par le sentiment du vide qu’elles font en nous et de la somme énorme d’inexpliqué qu’elles laissent dans le monde.
Il eût tenu pour déplacé tout souci de plaire ; les séductions les plus légitimes du talent, il se les interdisait ; à dessein, il laissait son style un peu négligé. […] Ils ne se laissent point attaquer par la méthode scolastique. […] Le but de la nature a été atteint ; un puissant effort a été tenté ; une vie admirable a été réalisée, et alors, avec cette insouciance qui la caractérise, l’enchanteresse nous abandonne, et nous laisse en proie aux tristes oiseaux de nuit. Mais laissons là ces amères pensées ; car il est quelque chose que nous gardons de lui : ce sont les leçons qu’il nous a données, cet ardent amour du droit et de la vérité, qui ont été l’âme de sa vie.
Mais laissons, si l’on veut, la question ouverte sur ce point, au moins est-il clair que pour l’homme, le plus hétérogène des animaux, c’est dans les subdivisions civilisées de l’espèce que l’hétérogénéité s’est le plus produite ; que l’espèce est devenue plus hétérogène en vertu de la multiplication des races et de la différenciation des races entre elles. […] Laissons maintenant M. […] Un court essai sur l’Anthropomorphisme laisse entrevoir comment l’idée de développement peut transformer aussi l’étude des religions, depuis le fétichisme le plus grossier jusqu’aux formes les plus épurées du monothéisme. […] Tout ce qui dépasse l’expérience lui échappe ; elle ne fait, comme Hume le disait de la physique, « que reculer un peu notre ignorance135. » Aussi laisserons-nous l’auteur lui-même conclure sur ce point.
Barnave n’était connu auparavant que comme orateur ; mais l’orateur, toujours en représentation et en scène, ne laisse pas suffisamment percer l’homme. […] La sympathie de nos cœurs calmait le sien ; je lui montrais notre Du Gua (c’est le nom de son frère) plus heureux que nous, heureux, si nos cœurs lui étaient connus, de toutes les traces qu’il y a laissées. […] Il confesse que l’amour de la popularité fut longtemps son faible et son idole, et que, s’il dévia un moment de la droiture de sa ligne, ce fut pour la ressaisir quand il la vit près de s’échapper : Dès qu’un homme faible, a-t-il remarqué, sent échapper la popularité, il fait mille efforts pour la retenir, et, pour l’ordinaire, ce moment est celui où on manque le plus à son opinion, et où l’on peut se laisser entraîner aux plus folles et aux plus funestes extravagances. — Pour un homme de caractère, l’abus contraire serait plutôt à craindre, et, tout comme l’autre y eût mis de la lâcheté, il serait enclin à y mettre du dépit. […] Une telle déclaration, placée en regard du récit de Mme Campan, ne laisse pas d’embarrasser, je le répète, et de jeter dans une vraie perplexité ; car on se refuse à admettre que Barnave ait parlé simplement ici comme un avocat qui se croit en droit de nier tout ce qui n’est pas prouvé.
Le duc de Lauzun, d’ailleurs, a laissé des Mémoires, et par là il appartient de droit à la littérature. […] Quant à sa carrière, on ne lui laissa pas le temps d’y songer : « On me fit entrer à douze ans, dit-il, dans le régiment des Gardes (françaises), dont le roi me promit la survivance, et je sus, à cet âge, que j’étais destiné à une fortune immense et à la plus belle place du royaume, sans être obligé de me donner la peine d’être un bon sujet. » A quatorze ans, il commença sa carrière de Richelieu et de don Juan. […] De toutes les images, celle du bourreau est assurément la plus révoltante, la plus impossible à rapprocher de la figure de l’être aimable qui, jusqu’à la fin, avait gardé quelque chose de ce joli oiseau effarouché auquel la comparait Mme Du Deffand, et de cette timide jeune fille de onze ans qu’un baiser de Jean-Jacques laissait toute confuse et interdite. […] Elle s’en cachait comme d’une affection coupable, et que son mari a toujours ignorée… Elle était grande, bien faite, extrêmement fraîche ; mais de gros yeux qui n’y voyaient pas, et où il était impossible de démêler tout ce qu’elle avait de mérite et d’esprit, la déparaient un peu… Mme de Biron, pure, délicate, extrêmement timide, d’un caractère doux et sage, ne laissait voir que dans l’intimité un esprit aussi élevé qu’original.
S’il est vrai que Raynouard, comme on l’a dit, ait laissé des mémoires, on doit inviter ceux qui en sont possesseurs à les publier pour éclairer cette première moitié de sa vie, dont quelques points seulement sont connus. […] Mais allant chez ma future, j’entrai un jour par la cuisine, où la domestique venait de laisser fuir le lait qui était sur le feu, et elle la grondait, mais sur un tel ton, que je me suis dit : Ce ne sera pas pour cette fois encore. […] [NdA] Cette tragédie en cinq actes et en vers fut représentée pour la première fois le 22 juin 1810, à Saint-Cloud, devant l’Empereur, « qui, avant de la laisser jouer au Théâtre-Français, voulut qu’elle fût donnée à la Cour ». […] L’Empereur en a paru convaincu, et a dit qu’ayant été trompé une fois à la lecture d’une tragédie, il n’en laisserait désormais jouer aucune qu’elle n’eût été préalablement représentée sur le théâtre de la Cour. » (Journal et souvenirs de Stanislas Girardin, t.
Son plus grave excès fut envers Marie-Joseph Chénier à qui il lâcha l’accusation d’avoir laissé périr son frère : — un terrible chat-en-jambe, comme il disait. […] Michaud s’y laissa trop renflammer. […] À part cette légère critique qui ne me vient à l’esprit que parce que ce sont des lettres, on se laisse aller agréablement à ce voyage, fait en toute bonne foi et sincérité. […] Il en est comme d’un flacon d’essence qui se brise ; la goutte exhalée se répand sur l’ensemble de leur esprit et y laisse un petit parfum.
J’ai parlé de philosophie et de métaphysique : même à cette date où Frédéric s’y laisse le plus initier, il ne faut pas croire qu’il sorte pour cela de son tour d’esprit pratique et de son caractère. […] Le Frédéric de Remusberg, même dans ses accès de métaphysique, ne se laissera donc pas emporter plus loin que ne lui permet le bon sens ; mais ce qui fait le cachet de cette correspondance de jeunesse, c’est l’absence de toute ironie, et, même dans le doute, un sérieux digne de ces sujets graves. […] On saisit ici un sentiment d’une grande délicatesse, et où il laisse percer avec une sorte de pudeur le désir de devenir roi ; il s’en repent aussitôt, car c’est la même chose que de désirer la mort d’un père : Je me flatte de la douce espérance de vous voir à Berlin avant votre départ ; je n’aurai que des larmes pour vous reconduire, et des souhaits pour vous accompagner. […] On me laisse peu de repos, mais l’intérieur est tranquille, et je puis vous assurer que je n’ai jamais été plus philosophe qu’en cette occasion-ci.
Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse bientôt aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. […] En lelisant, je ne puis m’empêcher de penser à Pierre Loti : à travers ces lignes le plus souvent sèches, on entrevoit les mêmes visions qui passent dans Pêcheur d’Islande ; on devine l’inguérissable nostalgie du marin qui s’attache à chaque coin de terre où il séjourne, s’en fait une patrie, et ensuite ne se trouve plus chez lui nulle part, même au pays natal, ayant éparpillé de son cœur sur toute la surface du globe. « Le départ du Pola, qui nous laisse ici, rompt l’unique lien qui nous rattachait encore à la patrie. […] Aussi n’aboutissonsnous plus du tout, comme chez Pierre Loti, à la mélancolie vague et oisive du rêveur qui laisse courir son rêve devant ses regards : c’est la différence profonde du pur artiste et du savant. […] On peut même ajouter que, d’après les données actuelles de la science, le conscient n’est pas tout et est souvent superficiel ; aussi l’inconscient doit-il être présent et se laisser sentir dans l’œuvre d’art partout où il existe dans la réalité, si l’on veut donner l’impression de la vie.
Laisse-les faire, mais proteste, et déclare-leur la manière (mispat) dont les rois les traiteront. […] L’abbé de Saint-Pierre a laissé derrière lui un mot et un songe ; le mot est de lui : Bienfaisance ; le songe est de nous tous : Fraternité. […] Quand Bayle émet avec sang-froid cette maxime : « Il vaut mieux affaiblir la grâce « d’une pensée que d’irriter un tyran », je souris, je connais l’homme ; je songe au persécuté presque proscrit, et je sens bien qu’il s’est laissé aller à la tentation d’affirmer, uniquement pour me donner la démangeaison de contester. […] L’âme d’Alceste laisse échapper de toutes parts l’éclair des « haines vigoureuses ».
Nonobstant, le livre laissé là, qui est à peine une œuvre, se trouve être un chef-d’œuvre, de par une puissance bien plus rare encore que le talent. […] Pas une brise, si ce n’est de temps à autre une bouffée, venue on sait d’où, qui soulève un peu la ramée, promène çà et là des senteurs plus suaves, puis tombe et vous laisse enivré. » Et ailleurs, après avoir peint la forêt et son monde de bruits, elle s’avance au point du fourré où il y a le calme. […] Protestante encore, comme, à plus d’un accord, son livre le révèle, mais catholique d’âme, catholique d’essence, faite pour venir à nous un Jour, et si elle n’y vient pas, digne d’être de nous éternellement regrettée, elle a comme perdu sa personnalité de femme dans la profondeur de sa foi religieuse, et elle y a trouvé plus qu’elle ne pouvait y laisser, car l’ombre de Dieu sur notre pensée, vaut mieux que notre pensée, fût-elle du génie. […] L’Église a laissé faire au Dante son rêve immense et elle a souffert dans son sein ces autres poëtes, appelés mystiques, qui souvent ont été des Saints, et qui, eux aussi, ont cherché à percer le ciel de leur regard et à voir ce qu’il y avait derrière cette éternité éblouissante !
Les habitudes glorieuses de l’Empire ont laissé dans les mœurs et le caractère de la nation un pli qu’elles y avaient trouvé déjà : en temps ordinaire, nulle nation ne se prête autant à être gouvernée, à être administrée que la nôtre, et n’y voit plus de commodités et moins d’inconvénients. […] Washington ne fut pas laissé trop longtemps à l’ombre de son figuier. […] Le Directoire, divisé, déconsidéré, le laissa d’autant plus facilement arriver, que Barras le regardait encore comme son protégé, et que Sieyès espérait en faire son instrument. […] Il vaudrait mieux le moins démontrer de soi et laisser les autres conclure. […] En arrivant à Olmütz, on lui confisque quelques livres que les Prussiens lui avaient laissés, notamment le livre de l’Esprit et celui du Sens commun ; sur quoi La Fayette demande poliment si le Gouvernement les regarde comme de contrebande.
Vous respecterez les choses respectées, si vous n’en regardez que la surface, si vous les prenez telles qu’elles se donnent, si vous vous laissez duper par la belle apparence qu’elles ne manquent jamais de revêtir. […] IV Le soir de la bataille, ordinairement on se délasse : on badine, on raille, on cause, en prose, en vers ; mais ce soir continue la journée, et l’esprit qui a laissé sa trace dans les affaires laisse sa trace dans les amusements. […] Jamais d’épithètes ; il laisse sa pensée telle qu’elle est, l’estimant pour elle-même et pour elle seule, n’ayant besoin ni d’ornements, ni de préparation, ni d’allongements ; élevé au-dessus des procédés de métier, des conventions d’école, de la vanité de rimailleur, des difficultés de l’art, maître de son sujet et de lui-même. […] nous devons tous être prêts pour la mort. — Qu’est-ce qu’il a laissé ? […] Il flagelle la raison après la science, et ne laisse rien subsister de tout l’esprit humain.
Des femmes vous laissent, on ne sait pourquoi, comme une petite fleur dans les pensées. […] ces larmes-là, c’est ce qu’il laissera de mieux. […] Le diplomate, presque ecclésiastique qu’il y a en lui, laisse percer de ces comédies une sourde colère. […] Il y a chez ces êtres une habitude de changer de peau, qui ne laisse pas en eux un bonhomme sur lequel on puisse mettre la main. […] On ne laisse pas entendre un mot.
Initié à la raison des choses, le lecteur n’aurait qu’à se laisser aller de toute sa conviction au récit, et à reposer son intelligence dans le spectacle à la fois varié et continu qui se produirait sous ses yeux par un développement nécessaire, et qu’il ne pourrait s’empêcher de voir ni de comprendre. […] Quant aux hommes, il est vrai, l’historien ne s’occupe guère de les gourmander ou de les louanger à propos de chaque action, il les prend pour ce qu’ils sont, les laisse devenir ce qu’ils peuvent, les quitte, les retrouve, suivant qu’ils s’offrent ou non sur sa route, et se garde surtout de faire d’aucun son héros ou sa victime.
Dans les comédies anglaises, on trouve rarement des caractères vraiment anglais : la dignité d’un peuple libre s’oppose peut-être chez les Anglais, comme chez les Romains, à ce qu’ils laissent représenter leurs propres mœurs sur le théâtre. […] Nous avons parlé des malheurs qui sont résultés pour les Athéniens de leur goût immodéré pour la plaisanterie ; et la France nous fournirait un grand exemple à l’appui de celui-là, si la puissance des événements de la révolution avait laissé les caractères à leur développement naturel.
Quand nous buvons, ou que nous marchons, ou que nous nous servons pour quelque effet de quelqu’un de nos membres, nous prévoyons, d’après un fait perçu, un fait que nous ne percevons pas encore ; les animaux font de même : à la couleur et à l’odeur d’un objet, ils le mangent ou le laissent. — Dans tous ces cas, une expérience présente suggère l’idée d’une autre expérience possible ; nous faisons la première et nous imaginons la seconde ; l’aperception d’un événement, objet ou caractère éveille la conception d’un autre événement, objet ou caractère. […] Entre les deux opérations sont une infinité d’états intermédiaires qui occupent tout l’intervalle ; ces états relient la demi-vision intense à la notation sèche, par une série de dégradations, d’effacements, de déperditions, qui peu à peu ne laissent subsister de l’image complète et puissante qu’un simple mot.
Autrefois il y avait place pour ce petit rôle assez innocent du savant de la Restauration ; rôle demi-courtisanesque, manière de se laisser prendre pour un homme solide, qui hoche la tête sur les ambitieuses nouveautés, façon de s’attacher à des mécènes ducs et pairs, qui pour suprême faveur vous admettraient au nombre des meubles de leur salon ou des antiques de leur cabinet ; sous tout cela quelque chose d’assez peu sérieux, le rire niais de la vanité, si agaçant quand il se mêle aux choses sérieuses ! […] Laissons les gens du vieux temps dire petitement pour l’apologie de la science : « Elle est nécessaire comme toute autre chose ; elle orne, elle donne du lustre à un pays, etc. » Niaiserie que tout cela !
Il ne doit pas seulement laisser faire ; il doit fournir à l’homme les conditions de son perfectionnement. […] Il n’y a que des barbares ou des gens à courte vue qui puissent se laisser prendre à des objections superficielles comme celles que fait naître au premier coup d’œil la multiplicité des emplois scientifiques.
Comme tous les poètes qui méditent et qui superposent constamment leur esprit à l’univers, il laisserait rayonner, à travers toutes ses créations, poëmes ou drames, la splendeur de la création de Dieu. […] Il ne laisse pas aller au hasard ce qu’on veut bien appeler son inspiration.
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine. […] * De l’empreinte profonde et grave qu’a laissée Ce chaos de la vie à ma sombre pensée, De cette vision du mouvant genre humain, Ce livre, où près d’hier on entrevoit demain, Est sorti, reflétant de poëme en poëme Toute cette clarté vertigineuse et blême ; Pendant que mon cerveau douloureux le couvait, La légende est parfois venue à mon chevet, Mystérieuse sœur de l’histoire sinistre ; Et toutes deux ont mis leur doigt sur ce registre.
Sur le devant, à terre, dans l’espace vide que laissent les figures, proche des pieds de la mère, une poule qui conduit ses poussins auxquels la petite fille jette du pain ; une terrine pleine d’eau, et sur le bord de la terrine, un poussin, le bec en l’air, pour laisser descendre dans son jabot l’eau qu’il a bue.
Il ne s’en laisse jamais écarter pour long-temps, et il y révient toûjours malgré les autres, et quelquefois malgré lui-même. […] Mais il se trouva que le génie seul de cet enfant n’avoit pas laissé de le mener jusques à l’intelligence de plusieurs propositions d’Euclide.
Ainsi les géometres, les médecins et les théologiens, ou ceux qui sans avoir mis l’enseigne de ces sciences ne laissent pas de les sçavoir, sont les seuls qui puissent juger d’un ouvrage qui traite de leur science. […] Quoique cette réponse soit sans replique, je ne laisserai pas de la fortifier encore par une refléxion.
Et laissons là le Vinci qui nous reporte trop loin ; laissons aussi ces expressions de dilettantisme, de renanisme qui sont dégoûtantes de demi-culture et sentent la chronique où on les a gâchées.
Encore faut-il que ce public veuille bien se laisser convaincre et séduire ; il ne croit que lorsqu’il est disposé à croire, et, dans le succès des livres, sa part est souvent plus grande que celle de l’auteur. […] — Et j’ai laissé de côté ses excès, ses scandales, ses désastres et ses hontes, Rosbach, le traité de Paris, Mme du Barry, la banqueroute. — Le dégoût vient ; décidément, tout est mal. […] En 1782511 un personnage de Mme de Genlis écrit : « Il y a cinq ans je les avais laissées ne songeant qu’à leur parure, à l’arrangement de leurs soupers ; je les retrouve toutes savantes et beaux-esprits. » Dans le cabinet d’une dame à la mode, on trouve, à côté d’un petit autel dédié à la Bienfaisance ou à l’Amitié, un dictionnaire d’histoire naturelle, des traités de physique et de chimie. […] On laissait un libre cours à tous les écrits réformateurs, à tous les projets d’innovation, aux pensées les plus libérales, aux systèmes les plus hardis. […] Pendant un hiver rigoureux, il laisse chaque jour les pauvres envahir ses cuisines.
Homère m’a laissé la muse, Et si mon esprit ne m’abuse, Je vais faire ce qu’il eût fait. […] Aussi, bon nombre de gens s’y laissèrent-ils prendre. […] Il ne s’adjugea pas le triomphe, il se le laissa décerner. […] Il a gardé l’air et il laisse deviner jusqu’à l’attitude que lui a prêtée la médisance contemporaine. […] Plusieurs parmi les meilleurs chrétiens, se laissèrent prendre aux aimables avances de son doute.
J’ai vu M. de Quélen ; il m’a laissé l’idée du parfait évêque de l’ancien régime. […] Tout lui parut à reconstruire, depuis les bâtiments, où le marteau ne laissa d’entier que les murs, jusqu’au plan des études, que M. […] Mais, en rhétorique, je laissai un renom douteux. […] Nous y laisserions presque toujours notre tête ou nos ailes. […] J’essayerai enfin de montrer comment l’étude directe du christianisme, entreprise dans l’esprit le plus sérieux, ne me laissa plus assez de foi pour être un prêtre sincère, et m’inspira, d’un autre côté, trop de respect pour que je pusse me résigner à jouer avec les croyances les plus respectables une odieuse comédie.
On les réfuta par le succès prodigieux & constant de ce genre ; par l’intérêt vif qu’y prenoient les femmes ; par l’impression que laissent toujours sur les cœurs même les moins vertueux les tableaux de la vertu, quoique placés dans un faux jour ; par la nécessité d’admettre un commencement à toute nouveauté utile. […] On a défini leur théâtre, ainsi que celui de la foire, un théâtre consacré précisément au mauvais goût, à la médisance : mais ils appellent, de ce jugement, à celui du public, à la bonne critique qu’ils font quelquefois d’une nouveauté à laquelle on s’est laissé séduire. […] Je laisse aux Bossuet, aux Fénélon, le soin d’écraser sous les armes de la leur, sous les poids de leur autorité épiscopale, tous les sophismes en faveur des spectacles. […] Un écrivain Anglois, pour remédier à l’extrême licence des comiques de sa nation, est d’avis qu’on y établisse des censeurs éclairés & vertueux qui repassent sur les pièces tant anciennes que nouvelles, & n’y laissent rien de grossier, rien d’équivoque, rien qui puisse offenser la pudeur. […] Tout ce qui pense chez eux, la laisse s’enivrer & fumer, & se rend en foule à la comédie à Carouge.
Mais celui de Grand, il ne le prit point ; il le lui laissa. […] Ils ont emporté avec eux une quatrième race, et les tristes descendants qu’ils ont laissés derrière eux ont montré ce que cette quatrième race aurait été. […] … Naturellement, il laisse ces grandes questions dans l’ombre, — dans l’ombre du mépris de son temps, — mais il ne les met jamais dans la clarté de son esprit. […] Michelet, cet halluciné dans l’Histoire, est l’historien qui doit laisser le plus sa détestable influence sur l’imagination de la génération présente et des générations qui vont suivre. […] À peine son récit est-il coupé par quelques ironies qui laissent voir la pensée de l’homme politique au désespoir et qui se trahit, çà et là, par des mots terribles.
De mémoire dans l’histoire littéraire de son temps, il en aurait pu laisser une grande, élevée et pure. […] Pour le résumer en quelques traits, c’était, dans le temps qu’il avait toute sa vitalité normale, un talent extérieur, riche en mots, qui remuait puissamment la langue à la condition de la troubler, et qui y laissait un profond sillage, justement parce qu’il l’avait beaucoup troublée. […] En les lisant, il faut rire comme le pré au loriot et l’étang à la macreuse, et puis, les laisser dans l’ornière ! […] Il se vante même d’entendre bien les indécences de cette fonction mythologique : Le brin d’herbe devient familier avec moi, Et, sans s’apercevoir que je suis là, les roses Laissent faire aux bourdons toutes sortes de choses ! […] Laissons-le donc sur cette menace.
On n’a laissé à la Critique que son bout de petit texte, que son bout de tapis ou de paillasson sur lequel elle n’a encore bien juste que la place de s’agenouiller entre deux fastueuses citations du grand homme en grands caractères. […] — mais, dans ces derniers temps, la notion de l’harmonie dans les choses de la pensée, dans les masses d’un livre, roman ou drame, dans la distribution des faits ou des effets, est absolument tombée de son cerveau, et si je parlais comme lui je dirais qu’elle y a laissé un trou énorme. […] Faire d’un grand seigneur un enfant volé qu’on a mutilé, et du bateleur mutilé un pair d’Angleterre, qui laisse là la pairie pour retourner à sa boite roulante de bateleur, telle est cette action, qui sautille, commune et capricante, par-dessus les dissertations et à travers toutes les impossibilités d’un conte de fée sans fée ; car on sait où l’on est dans la Belle au bois dormant de Perrault : on sait qu’on est dans le monde surnaturel de la féerie ; mais, dans l’Homme qui rit, on ne sait plus où l’on se trouve. […] Je pourrais, comme on dit, chercher la petite bête dans un livre qui en est plein, de petites bêtes… Mais je dédaigne cette manière taquine de critiquer un homme, et je la laisse à mes pieds, par respect pour l’ancien talent d’Hugo. […] Je laisse à découvrir le sexe des cloportes aux enfants.
Pluton se laisse fléchir ; il permet à Proserpine d’aller visiter sa mère. […] Comment une chose si légère laisserait-elle après elle cette lourde dépouille ? […] La société se laisse décimer avec l’obéissance passive d’une armée. […] Il se laissa conduire, soucieux et morose encore. […] Elle la tenoit renfermée au Retiro, sans la laisser même sortir de son appartement.
Il ne paraît pas, à la vérité, que les Delille et les Thomas, d’ordinaire, laissent derrière eux grand’chose d’inimprimé. […] Ce que l’on apprend de plus clair, à consulter les « notes » qu’un grand écrivain a laissées, c’est trop souvent à ne plus sentir le prix de ce qu’il a lui-même achevé. […] Régnier dans son Avant-Propos, à les comparer entre elles, on peut dire qu’il a, en quelque sorte, laissé la bride sur le cou à ses imprimeurs. […] Munier-Jolain, et des analyses mieux faites, ne laisserait pas, j’imagine, d’être instructive à cet égard, peut-être même divertissante ; — à moins pourtant qu’elle ne nous attristât. […] on peut laisser échapper, sans presque y prendre garde, un petit Écrit pour l’art !
Laissons ces élégances, dont M. […] Il faut les laisser parler. […] Laissons cela. […] Laissez-les dire. […] cela est (laissez-moi vous le dire) d’une abominable goujaterie.
Nous avons laissé vendre à l’encan les manuscrits de Balzac et démolir sa maison. […] C’est, parallèlement, la peinture de l’esclavage où le célibataire Rouget se laisse réduire par une servante-maîtresse. […] Comment lui obéir et ne pas les laisser couler, ces impuissantes larmes, devant cette noble promesse brisée ? […] Bonne ou mauvaise, il a une esthétique, et qui ne laisse pas son jugement tout à fait indépendant. […] Laissons-le régner en maître dans ce pays dont il a tué ou chassé les habitants.
Et Beethoven, lorsque, sans chapeau, sans habit, il se laissait arrêter comme vagabond ? […] C’est par faiblesse intellectuelle que les ménages ouvriers se laissent déborder par la progéniture. […] Pourquoi ne punirait-on pas, au lieu du voleur, qui a des excuses, l’imbécile qui s’est laissé voler ? […] Des pèlerins boiteux ont-ils, oui ou non, laissé leurs béquilles à Éphèse ou à Lourdes ? […] Au lieu de la guerre, je propose la paix ; je laisse la vie à celui qui me la laisse, — et à celui qui m’a retiré de l’abîme et qui en m’en retirant y est tombé lui-même, je jette à mon tour la corde du salut.
Mayenne, voyant que la ville de Laon allait être investie, se hâta d’en sortir et y laissa son second fils, M. de Sommarive, avec Jeannin pour conseiller et Du Bourg pour gouverneur militaire. […] Sur cet avis, à quelque prix que ce fût, il voulut faire voile, et s’en alla sur le port, où la bonne fortune lui présenta le vice-amiral de Zélande, qui avait ordre de le passer avec trois vaisseaux de guerre qu’il avait laissés à la rade… Il partit, continue Saumaise, quelque résistance que lui fît l’amiral, et fûmes trois jours entiers les voiles abattues et pliées, à n’aller que par marée, quelquefois à la bouline et toujours avec travail ; cependant notre bon vieillard, quelque malade qu’il fût, ne se voulut coucher et dit qu’un homme de bien ne passait point la mer dans un lit. […] J’ai laissé ce récit dans son admiration un peu naïve, comme étant celui d’un témoin qui s’est peut-être exagéré le péril, mais qui rend du moins une vive impression personnelle.
Il sentira bientôt qu’il faut laisser aux lieux d’où il vient toute cette phraséologie scientifique et théologique qui s’adresse plus aux lecteurs de Munich ou de Tubingen qu’à nous. […] Scherer ne se laisse pas distraire un seul instant de son objet principal ; sa plume a quelque chose d’inflexible. […] On arrangera tout cela un jour après moi, on en tirera ce qu’on pourra ; je ne m’en charge pas, et je laisse ce soin aux autres.
Dans les trois volumes publiés jusqu’à ce jour sur la Vie de Bossuet, et qui ne comprennent cependant encore qu’un premier tiers de sa carrière publique jusqu’en 1670, il épuise les sources, les informations ; il ne laisse rien d’inexploré. […] Les mondains spirituels et malins lui pardonnent peu cependant de s’être laissé duper par Louis XIV et Mme de Montespan, ou plutôt par la passion du cœur, et pour avoir vu les deux amants bien et dûment confessés, absous et admis à la réconciliation pendant un jubilé, de les avoir crus si solidement convertis qu’ils pussent ensuite se revoir à la Cour sans danger, devant témoins. […] Visiblement destiné à l’éloquence de la chaire et à l’action de l’orateur, on ne lui laissa pas complètement ignorer l’action même du théâtre : il vit donc des spectacles dans sa jeunesse, mais sans s’y attacher ; et après en avoir profité pour ce qui le concernait, il n’en fut que plus sévère ensuite contre la Comédie, jusqu’à nous sembler violent même et cruellement injuste : son jugement sur Molière restera une des taches, une des inintelligences comme des duretés de Bossuet.
Sans laisser sur l’onde un seul pli. […] — Le sang fume sur l’hécatombe, L’impie et le tyran frappent sans se lasser, Détourne tes regards et laisse-les passer ! […] Modelon, un de ses neveux du côté maternel, qui a dit très bien de lui : La France a ses Gilbert, il est de leur famille ; et qui se propose, un jour ou l’autre, de faire de ses œuvres une réédition plus complète, précédée d’une étude où tous les détails de sa vie morale intime seront exposés avec fidélité et affection : il est bien, il est convenable de ne laisser aucune ombre sur cette figure poétique la plus caractérisée et la plus intéressante que la Savoie ait produite dans ces derniers temps.
Mon livre viendra, malgré tout, en son temps. » 46 De la même maladie Aubryet nous laisse, outre des descriptions exactes à en frissonner comme celles précédemment citées, une très curieuse étude de « Psychologie mondaine ». […] Il finit par le trouver, sous l’aspect le plus mesquin d’un vulgaire chandelier de cuivre (la forêt aux troncs d’or), le long duquel sa chandelle, en bavant, laissait des traînées de vert-de-gris (les singes d’émeraude). […] Mais ses sensations n’en furent pas moins véhémentes… Au lieu de se laisser surmener, torturer par ces forces qui l’envahissaient, au lieu de s’y complaire, il les restituait sous forme de travail. » 45.
Quel effet pouvaient produire cette violence monotone, ces termes si forts, qui laissaient l’âme si froide ? […] Ce qui est sublime dans quelques discours anciens, ce sont les mots que l’on ne peut ni prévoir, ni oublier, et qui laissent trace dans les siècles, comme de belles actions. […] L’imperfection humaine laisse toujours un côté sans défense ; et la raison n’a d’autre usage que de nous décider pour la majorité des avantages contre telle ou telle objection partielle.
Mais la transition de Marot à Ronsard se fait surtout par l’école lyonnaise : Despériers s’y rattache, et par ses longs séjours à Lyon, et par ses vers dont la médiocre qualité laisse pourtant apercevoir quelque profondeur sérieuse de sentiment et certain effort d’invention rythmique. […] « Laisse, dit Du Bellay, toutes ces vieilles poésies françoises aux Jeux Floraux de Toulouse et au puy de Rouen, comme Rondeaux, Ballades, Virelais, Chants royaux, Chansons, et autres telles épiceries… — Jette-toi à ces plaisants épigrammes, … à l’imitation d’un Martial… Distille… ces pitoyables élégies, à l’exemple d’un Ovide, d’un Tibulle et d’un Properce… — Chante-moi ces odes inconnues encore de la muse françoise, d’un luth bien accordé au son de la lyre grecque et romaine. » On pourra faire des épitres, élégiaques comme Ovide, ou morales comme Horace ; des satires, à la façon d’Horace. […] 6° Plus originale, plus audacieuse est la méthode si fort préconisée par Ronsard : le provignement des mots : « Si les vieux mots abolis par l’usage ont laissé quelque rejeton, tu le pourras provigner, amender et cultiver, afin qu’il se repeuple de nouveau. » Ainsi de lobbe, on tirera lobber, de verve, verver, d’essoine, essoiner.
Villemain traçait les lignes générales, les grandes directions d’une vaste période : il laissait flotter dans ces larges cadres les individus, de qui émanent immédiatement les œuvres. […] Dans son effort pour constituer la psychologie scientifique, Taine s’est comparé souvent au naturaliste, botaniste ou anatomiste ; d’autres fois, au chimiste ; parfois il a donné ses recherches comme des problèmes de mécanique : ces comparaisons ne laissent pas de révéler quelque incertitude sur le caractère de l’objet étudié. […] Fromentin, enfin, a laissé, dans ses Maîtres d’autrefois (1876), un remarquable essai de critique d’art.
Soulary, l’opinion courante, où il y a, naturellement, à prendre et à laisser. […] Comme les choses les plus connues le sont toujours moins qu’on ne croit, et que, dans tous les cas, il peut se trouver d’honnêtes gens qui ne sachent point par cœur ce morceau fameux, on me laissera le remettre sous les yeux du lecteur. […] Un jour le poète, étant mort, va, suivi de son chien, frapper à la porte du Paradis ; et, comme saint Pierre ne veut pas laisser entrer le fidèle animal et que saint Roch lui-même, invoqué, fait le cafard et se récuse, le poète et son chien errent à l’aventure dans la région où sont les ombres des bêtes… Et cela est un rêve, et cela s’appelle Dans les limbes, et il est difficile d’imaginer un badinage plus soigné et plus long.
Il faut prendre garde aussi que certains traits de leur vie, qui nous laisseraient indifférents si nous les rencontrions dans une vie d’homme, ne nous disposent à la rigueur ou à trop d’indulgence et que nous ne soyons induits à trop bien traiter celles qui ont été vertueuses et trop mal celles qui ne l’ont pas été — à moins que ce ne soit tout juste le contraire. […] Tous les hommes qui ont traversé votre vie, Musset, Lamennais, Chopin, Pierre Leroux, Jean Reynaud, ont laissé dans votre œuvre des traces vivantes de leur passage, car vous étiez toute sympathie. […] La plupart (et c’est heureux) n’ont point fait profession d’écrire, n’ont laissé que des lettres, des mémoires et des ouvrages d’éducation.
Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs. […] Charles Maurras Verlaine laisse un grand nom ; mais je ne sais s’il laisse une œuvre.
Aucun des deux ne voudra être vaincu en générosité, et, pour ne pas laisser entrevoir son désabusement, chacun redoublera de prévenances, parlera de l’avenir avec de célestes espérances, traitera le reste du monde avec un dédain fastueux, cachera ses larmes sous l’ironie et la jactance, et fera de la ruse le premier de ses devoirs. […] L’enthousiasme où l’âme s’est laissé emporter dans les premiers jours de l’engagement a métamorphosé à son insu toutes ses facultés. […] S’il aimait une autre femme, s’il s’était laissé prendre à une affection passagère, je concevrais le pardon ; ce serait générosité pure, et la reconnaissance pourrait assurer la fidélité à venir.
Les autres se laissent guider par l’intuition et font du premier coup des conquêtes rapides, mais quelquefois précaires, ainsi que de hardis cavaliers d’avant-garde. […] Laissons là cette comparaison et revenons aux Mathématiques. […] Les analystes, pour ne pas laisser échapper ces analogies cachées, c’est-à-dire pour pouvoir être inventeurs, doivent, sans le secours des sens et de l’imagination, avoir le sentiment direct de ce qui fait l’unité d’un raisonnement, de ce qui en fait pour ainsi dire l’âme et la vie intime.
La vie austère qu’il avait menée, les souvenirs terribles qu’il avait laissés, et sous l’impression desquels l’Orient vit encore 275, cette sombre image qui, jusqu’à nos jours, fait trembler et tue, toute cette mythologie, pleine de vengeance et de terreurs, frappaient vivement les esprits et marquaient, en quelque sorte, d’un signe de naissance tous les enfantements populaires. […] Josèphe, qui le toucha presque par son maître Banou, le laisse entendre à mots couverts 308, et la catastrophe qui mit fin à ses jours semble le supposer. […] La position inférieure de son mari, à l’égard des autres personnes de sa famille, ne lui laissait aucun repos ; elle voulait être souveraine à tout prix 324.
Ce qui précède peut laisser entrevoir combien l’auteur excelle dans cette méthode de naturaliste, qui consiste à classer et à décrire ; mais voici des analyses d’un ordre, plus difficile, celles qui ont pour objet la perception de l’extériorité et de l’étendue. […] L’absence de marques déterminées, pour limiter le commencement et la fin du mouvement musculaire, laisse à notre sensation de mouvement un certain caractère vague. […] La douleur trouble la digestion, la joie l’active, la peur dessèche la langue et cause une sueur froide ; le cœur, les poumons, la glande lactée chez les femmes ressentent le contre-coup des émotions ; la glande lacrymale qui secrète constamment son liquide, le laisse échapper avec plus d’abondance, sous l’action des émotions tendres.
Tantôt on retrouve en elle ce sourire intérieur de la vie, cette tendresse intarissable de l’âme et du regard, et surtout ce rayon de lumière si serein de raison, si imbibé de sensibilité, qui ruisselait comme une caresse éternelle de son œil un peu profond et un peu voilé, comme si elle n’eût pas voulu laisser jaillir toute la clarté et tout l’amour qu’elle avait dans ses beaux yeux. Tantôt ses traits sont si délicats, ses yeux noirs ont un regard si candide et si pénétrant ; sa peau transparente laisse tellement apercevoir sous son tissu un peu pâle le bleu des veines et la mobile rougeur de ses moindres émotions ; ses cheveux très noirs, mais très fins, tombent avec tant d’ondoiements et des courbes si soyeuses le long de ses joues jusque sur ses épaules, qu’il est impossible de dire si elle a dix-huit ou trente ans. […] Cette phraséologie abondante et monotone finit par lasser ceux mêmes qui aimaient le plus à se laisser bercer à la belle langue du poète.
Elle accordoit avec ce goût un soin extrême de la parure, l’amour de la danse & des fêtes, une affectation à laisser entrevoir une très-belle gorge. […] Avec son beau systême de ne s’inquiéter de rien, elle n’avoit pas laissé d’agir & de se précautionner contre les orages qui la menaçoient. […] Il se confirma dans ses idées, lorsque l’archevêque de Cambrai lui eut laissé entrevoir les siennes, dans une conversation qu’ils eurent ensemble.
Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur. […] Il s’est représenté l’épopée comme une reine auguste assise sur un trône, et dont le front chargé de nuages laisse entrevoir de vastes projets et d’étranges révolutions : au lieu qu’il s’est figuré la tragédie, éplorée et le poignard en main, telle qu’on la présente, accompagnée de la terreur et de la compassion, précédée par le désespoir, et bientôt suivie de la tristesse et du deuil. […] Un sujet de pure imagination préviendrait le spectateur incrédule et l’empêcherait de concourir à se laisser tromper.
On n’est jamais sûr de n’avoir pas laissé échapper quelque antécédent qui concorde ou qui diffère comme le conséquent, en même temps et de la même manière que l’unique antécédent connu. […] Les chances de laisser un phénomène se dérober sont bien supérieures à celles de n’en négliger aucun. […] Il est vrai qu’il s’en est produit de plus importants dans la suite de l’évolution zoologique, mais ils n’ont laissé d’eux-mêmes que de rares et obscurs vestiges, et il est encore plus difficile de retrouver les conditions qui les ont déterminés.
Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] Les coloristes doux, les talents fins, les hommes de pastels et de nuances, trouvent leur compte à ces dégradations d’une splendeur qui vient de disparaître dans la magnificence de son centre, à ces demi-teintes qu’elle a laissées et qui ne manquent ni d’éclat, ni de profondeur, ni surtout de mélancolie. […] L’image du roi, et peut-il être de beaucoup d’autres, le poursuivait, et ne laissait reposer nulle part ce Juif errant de la jalousie.
ce n’étaient pas des articles ; laissons ce terme d’un journalisme odieux ! […] Dans les décisions les plus importantes, elle s’est laissée aller aux mille contradictions qui sont dans sa nature », Enfin, il n’y a que la fierté d’une femme comme il faut, ayant horreur des livres modernes et des grossièretés de l’adultère, pour que celle-ci — hardie comme une princesse douairière ! […] L’auteur les a laissés très respectueusement dans la Bible, mais il s’est permis de prendre leurs noms pour mieux dire que c’est l’homme et la femme de tous les mariages qui vont lui passer par les mains !