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1043. (1890) L’avenir de la science « XX »

Perdiguier a beau nous dire que son histoire est pour les ouvriers ; que tous ses devanciers ont traité l’histoire en hommes classiques, en pédants de collège ; je ne sache pas qu’à y ait deux histoires, une pour les lettrés, une pour les illettrés ; et je ne connais qu’une seule classe d’hommes capables de l’écrire : ce sont les savants brisés par une longue culture intellectuelle à toutes les finesses de la critique. […] Chez nous, on accorde à l’art quelques subventions péniblement marchandées, non par le besoin qu’on éprouve de voir la pensée nationale traduite en grandes œuvres, non par l’impulsion intime qui porte l’homme à réaliser la beauté, mais par une vue réfléchie et critique, parce qu’on reconnaît, on ne sait trop pourquoi, que l’art doit avoir sa place et qu’on ne veut pas rester en arrière du passé.

1044. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Un critique de beaucoup de talent me soutenait dernièrement que ma philosophie m’obligeait à être toujours éploré. […] Votre cordialité, vos marques d’estime comptent entre les récompenses de ma vie, et, quoi qu’en disent les critiques qui voudraient me confiner dans un De profundis perpétuel, je continuerai d’être gai, puisque votre accueil m’assure que, depuis quarante-sept ans que j’ai quitté la Bretagne, je n’ai pas en somme démérité.

1045. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

La véhémence de mes critiques nous a séparés à jamais. […] Jammes à quelque excès de critique.

1046. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Notre critique se refuse à définir le goût, parce que les goûts sont variables. […] Les Maîtres de la critique au dix-septième siècle, p. 208 (NdA)

1047. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Qu’il nous menace, tant qu’il voudra, maintenant, de sa critique contre les premiers temps du Christianisme, il ne trouvera jamais de sujet d’un scandale supérieur à la Vie de Jésus qu’il nous a donnée. […] je trouve aussi dans ce livre tous les vices de la pensée d’un homme qui se déprave de plus en plus, et qui, à chaque nouveau volume, augmente l’embarras de la Critique la plus résolue, par un système historique que l’on ne peut résumer que par le mot dont il devrait bien faire son titre : « De la Porcherie dans l’Histoire ! 

1048. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

La critique ordinaire ne le fait pas. […] Qu’on lui livre tout cela, il est content et ne critique pas les points de départ. […] Un critique bienveillant, M.  […] Je laisse bruire, sans y répondre, la critique vulgaire, et j’observe que, sans nous avoir donné « des livres », M.  […] Vignier, mais celui de ses lecteurs, admirateurs et critiques.

1049. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Rien de mieux, si la doctrine eût été complète, et si la raison, instruite par l’histoire, devenue critique, eût été en état de comprendre la rivale qu’elle remplaçait. […] À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits. […] Mais, du même coup, elle a cessé d’être critique et clairvoyante ; elle ne tolère plus les contradictions ou le doute, elle n’admet plus les restrictions ni les nuances ; elle ne sait plus ou elle apprécie mal ses preuves. […] Par malheur, au dix-huitième siècle, la raison était classique, et les aptitudes aussi bien que les documents lui manquaient pour comprendre la tradition. — D’abord on ignorait l’histoire ; l’érudition rebutait parce qu’elle est ennuyeuse et lourde ; on dédaignait les doctes compilations, les grands recueils de textes, le lent travail de la critique. […] Un critique, un psychologue ne verrait là qu’un cas singulier, l’effet d’une structure mentale extraordinaire et discordante, analogue à celle d’Hamlet, de Chatterton, de René, de Werther, propre à la poésie, impropre à la vie.

1050. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Elle se sentit vengée ; elle mit sa gloire nationale dans la Henriade : de plus, le patriotisme qui s’attachait au nom de Henri IV s’attacha au poëme où il était célébré, ce fut presque un blasphème qu’une critique contre cette épopée. […] Son coup d’œil d’ensemble généralisait bien les détails, et sa critique, plus sûre qu’on ne le croyait, popularisait bien l’érudition. […] Un critique partial et injurieux, mais d’un goût plus classique et plus sûr que Piron, l’auteur de l’Année littéraire, Fréron, s’acharna à toutes les publications du grand poëte. Voltaire méprisa Piron, il eut le tort de relever par des injures les critiques de Fréron. […] Enfin, le plus puissant critique d’idées qui soit jamais né depuis Aristote parmi les hommes.

1051. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

C’est un livre d’amoureux qui n’a pas eu encore le temps d’être lassé de son amour, de critique heureux de la possession de son sujet. […] Poètes, critiques, romanciers, historiens littéraires marchent tous au même but. […] Oserai-je dire qu’il en est un peu du génie de Shakespeare par rapport à la critique comme de la théologie de saint Thomas par rapport à l’incrédulité. Ses drames ont réponse à toutes les objections, à toutes les critiques, et il n’est observation si mince et si subtile qu’ils ne semblent avoir prévue. […] Nous ne croyons pas que le microscope critique puisse découvrir au-delà de Sterne quelque chose qui ressemble encore à du génie.

1052. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Quant à moi, je garde une modestie qui me sied, et je m’en tiens à la critique. […] Cuvillier-Fleury, qui était un vieux critique fort convaincu. […] Oui, monsieur, le critique est tour à tour orateur, philosophe, historien. […] Le critique est tout cela, ou du moins il peut l’être. […] On peut dire qu’avec lui la critique est décidément sortie de l’âge théologique.

1053. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

On aura beau me dire que les critiques ne doivent pas être innocents. […] Et c’est précisément ce que M. de Maupassant ravit aux critiques. […] Larousse manque absolument de critique et de sérieux. […] Lamartine l’a bien senti, malgré son peu de critique et d’étude. […] La critique savante de M. 

1054. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

La critique consiste à se placer au centre des créateurs, à les juger d’après leurs intentions. […] Voici quelques-unes des innombrables questions auxquelles doit répondre le vrai critique. […] En outre, une nuée de critiques s’est abattue sur l’ennemi des pédagogues et des compilateurs. […] Hanotaux est autant écrivain qu’historien ; par là il relève de la critique littéraire. […] Le critique nous ramène au créateur.

1055. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

. — Souvenirs de théâtre, d’art et de critique (1883). […] L’artiste grandit, la critique tombe. […] [Précis historique et critique de la littérature française (1895).]

1056. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

L’ancienne critique dogmatique, telle que la concevaient Boileau, La Harpe, Nisard ou Brunetière, la critique qui fixait des étalons moraux, sociaux, littéraires et qui reconnaissait aux œuvres plus ou moins de valeur suivant qu’elles se conformaient plus ou moins à ces étalons semble de plus en plus abandonnée. Si la tolérance du public et même des critiques à l’égard de l’individualisme artistique est assez grande de nos jours, cela ne veut pas dire que l’originalité esthétique en soit facilitée.

1057. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Sur ce nom seul de Madame Récamier, toute l’Europe courra lire ces deux volumes, si la Critique n’avertit pas… et toute l’Europe sera attrapée. […] peut-être aussi sur l’imagination des critiques ; car il y aura des critiques qui n’oseront jamais dire que ce livre n’est pas d’un intérêt dévorant et qu’il n’ajoute rien à la gloire de personne, pas même à celle de la femme pour laquelle il a été écrit, et qui pouvait très bien, sans que pour cela on l’oubliât, se passer d’un si vide hommage !

1058. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Les Hébreux au contraire, étrangers aux nations païennes, comme l’attestent Josèphe et Lactance, n’en connurent pas moins le nombre exact des années écoulées depuis la création ; c’est le calcul de Philon, approuvé par les critiques les plus sévères, et dont celui d’Eusèbe ne s’écarte d’ailleurs que de quinze cents ans, différence bien légère en comparaison des altérations monstrueuses qu’ont fait subir à la chronologie les Chaldéens, les Scythes, les Égyptiens et les Chinois. […] D’habiles critiques ont porté plus loin le scepticisme : ils ont pensé que la guerre de Troie n’avait jamais eu lieu, du moins telle qu’Homère la raconte ; et ils ont renvoyé à la Bibliothèque de l’Imposture les Dictys de Crète, et les Darès de Phrygie, qui en ont écrit l’histoire en prose, comme s’ils eussent été contemporains. […] Orphée surtout, si on le considère comme un individu, offre aux yeux de la critique l’assemblage de mille monstres bizarres. — D’abord il vient de Thrace, pays plus connu comme la patrie de Mars, que comme le berceau de la civilisation. — Ce Thrace sait si bien le grec qu’il compose en cette langue des vers d’une poésie admirable. — Il ne trouve encore que des bêtes farouches dans ces Grecs, auxquels tant de siècles auparavant Deucalion a enseigné la piété envers les dieux, dont Hellen a formé une même nation en leur donnant une langue commune, chez lesquels enfin règne depuis trois cents ans la maison d’Inachus. — Orphée trouve la Grèce sauvage, et en quelques années elle fait assez de progrès pour qu’il puisse suivre Jason à la conquête de la Toison d’or ; remarquez que la marine n’est point un des premiers arts dont s’occupent les peuples. — Dans cette expédition il a pour compagnons Castor et Pollux, frères d’Hélène, dont l’enlèvement causa la fameuse guerre de Troie.

1059. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Il contient de quoi étonner tous les matins les Charcot de la critique, ces charlatans ahuris. […] Les femmes, même d’un très grand talent, semblent privées des facultés critiques. […] La femme n’a guère l’esprit critique ; elle a, merveilleusement, l’intelligence cabotine. […] Les injures, publiques ou privées, signées ou anonymes, que souleva ma critique franche me furent autant de joies. […] Je fais de la critique et je ne parle jamais que d’attitudes littéraires.

1060. (1899) Arabesques pp. 1-223

En effet : un des écrivains qui se montrèrent le plus acrimonieux contre mes critiques bafoua et parodia naguère M.  […] Une autre critique formulée contre moi est celle-ci : j’ai varié dans mes opinions. […] Ernest Raynaud, Maurice du Plessys et Raymond de La Tailhède ; un critique : M.  […] Dans ses œuvres de critique, elle attaque ce qui n’est conforme ni à la raison, ni au bonheur. […] Comme critique, il s’est prouvé plutôt… aveugle ?

1061. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Mais le critique, qui croit le moins possible sur parole, et que cet excès même de précaution met sur ses gardes, ne considère que les dates publiques et constatées par l’impression. […] Pourquoi, me suis-je demandé souvent, pourquoi donc suis-je un critique ? […] Il se demanda d’abord ce qu’il aurait fait en ces journées critiques et sanglantes de juillet 1830, s’il était resté dans cette garde royale où il comptait tant d’amis. […] Les esprits jeunes, poétiques, exclusivement littéraires, les esprits plus ou moins féminins et non critiques, lui donnaient raison aussi par leur émotion. […] Je ne me ferai pas plus modeste que je ne le suis, mais si M. de Vigny avait eu la moindre chance d’entrer à ce moment, je me fusse volontiers et à l’instant effacé devant lui, accordant le pas à l’éminence du talent, ou même seulement à la prééminence de la poésie ; car ce n’était pas à titre de poète que mes amis me présentaient, c’était comme un simple critique et prosateur.

1062. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Cette méthode, cette critique, il ne faut pas l’attendre de ces premiers chercheurs, avant tout empressés et zélés. […] Des imperfections de détail, des inadvertances d’exécution qui ont été relevées par des critiques gens du métier23, des généralisations trop hâtives, ne sauraient enlever à cette Histoire et au Cours professé par M.  […] Ils publièrent textes sur textes, chansons de Geste, chansons proprement dites, lais, fabliaux, miracles et mystères, tout un fonds de littérature longtemps perdu et ignoré, souvent agréable pour le lecteur instruit, et qui appelle surtout l’attention du critique et du philosophe. […] On est pourtant amené à penser que le contestable l’emporte dans ce système sur le plausible, quand on lit l’examen critique qu’en a fait M.  […] L’honneur d’avoir, le premier, appliqué la critique littéraire proprement dite à nos vieux monuments, étant compromis chez Génin par trop de paradoxes et de partis pris, on doit lui savoir gré surtout d’avoir amené deux excellents esprits, M. 

1063. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Le mauvais goût est un manque de mesure et de critique exercée sur soi, plutôt qu’un manque de puissance dans la production des idées et des images. D’autres, enfin, ont fait consister la décadence dans le triomphe de l’esprit critique et analyste venant paralyser l’élan du génie créateur. […] La critique de notre temps a subi l’influence de cette maladie littéraire. […] Mais le comble, c’est de voir le critique, plutôt que d’apprécier les œuvres d’autrui, annoncer qu’il va vous parler de lui-même à propos des œuvres d’autrui. […] La véritable critique et la véritable œuvre littéraire doivent également rechercher le sérieux et l’impersonnel.

1064. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Voyez, un jour d’ouverture, les critiques d’art errer d’un air mélancolique dans les longues salles ; ils clignent les yeux et semblent composer un pensum. […] Enfin, il y a l’ascendant des coteries spéciales, critiques d’art, collectionneurs, amateurs et théoriciens. […] D’ailleurs, un critique est un buisson sur une route ; à tous les moutons qui passent il enlève un peu de laine. […] Mérimée aussi pouvait s’éprendre et adorer ; mais, au bout d’un temps, le critique en lui se réveillait, jugeait la déesse, trouvait qu’elle n’était pas assez divine. […] C’est le moment critique : on est tenu de choisir une voie et pour toute la vie ; mais comment choisir entre tant de voies, quand on n’en a essayé aucune ?

1065. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

J’admire de bon cœur la majesté d’une telle critique. […] — Et ne dites pas non plus que la critique personnelle, la critique impressionniste, la critique voluptueuse, comme vous voudrez l’appeler, est bien pauvre vraiment, et bien mesquine, comparée à l’autre critique, à celle qui fait entrer le ressouvenir des siècles dans chacune de ses appréciations. […] Qui donc disait que les critiques étaient gens inutiles ? […] Ducros les juge en critique. […] Il faut d’abord laisser de côté les critiques qui portent sur certaines invraisemblances de l’action ; car on y peut toujours répondre, et il n’y a pas une pièce de théâtre au monde qui ne prête à des critiques de ce genre.

1066. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Au lieu de cela, Gœthe, le plus grand des critiques modernes et de tous les temps (car il a profité des bénéfices de son siècle), est toujours resté pour nous un étranger, un demi-inconnu, une sorte de majestueuse énigme, un Jupiter-Ammon à distance dans son sanctuaire ; et tous les efforts qu’on fait, non pour le populariser (cela ne se pourra jamais), mais pour le naturaliser parmi nous, n’ont réussi jusqu’à présent qu’à demi. […] Il rédigea ensuite une sorte de traité de critique et de poétique à son intention. […] Là-dessus et d’après ce qu’on lui en rapporta, Eckermann prit courage, adressa son traité critique manuscrit à Gœthe, et se mit lui-même en route à pied et en pèlerin pour Weimar, sans autre dessein d’abord que de faire connaissance avec le grand poëte, son idole. […] Plaçant alors devant Eckermann deux volumes du Journal littéraire de Francfort, dans lequel il avait publié, très jeune, des articles de critique en 1772, 1773 : « Ils ne sont pas signés, dit-il, mais comme vous connaissez ma manière de penser, vous les distinguerez bien des autres.

1067. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard ; un homme d’État ne refuse jamais d’être ministre quand l’occasion convenable s’en présente : c’était un grand critique en toute matière, et en politique également. […] Royer-Collard que j’entends parler en ce moment) ne sont pas les meilleurs conseillers, tant s’en faut, dans les situations critiques, et ils l’ont bien prouvé à des reprises différentes. […] Sa longue et belle existence permit à toutes ses qualités, je l’ai dit, de se développer à leur avantage et à leur honneur ; il usa, à force de durer et de vivre, toutes les critiques dont il avait été l’objet, et celles qui étaient injustes, et celles qui n’étaient que transitoires. […] Le moment politique était des plus critiques à cette heure ; on était la veille de l’avènement du parti déjà tout-puissant, et la philosophie ainsi que l’université n’avaient guère faveur, comme on sait, auprès des royalistes : une pareille conduite connue et dénoncée compromettait l’Université au plus haut degré.

1068. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

On n’y compte que les années critiques, décisives. 1636 est une de ces années, comme 1656 en sera une par les Provinciales. […] J’ai souvent pensé que ce serait à un jeune homme plutôt qu’à un critique vieilli d’expliquer le Cid, de le lire à haute voix et de dire ce qu’il en ressent : je me suis donné, une fois, cette sorte de satisfaction et j’ai fait cette épreuve ; je me suis fait lire le Cid par un jeune ami : c’était lui qui me le commentait comme à vue d’œil par la fraîcheur, la vivacité des sentiments qui s’éveillaient, qui se levaient à tout instant en lui. […] Un grand critique à ses heures perdues, Napoléon, assistant, sous le Consulat, à une représentation du Cid et s’apercevant qu’on avait supprimé le rôle de l’infante, en demanda le motif ; et comme on lui répondit que le rôle avait été jugé inutile et ridicule ; « Tout au contraire, s’écria-t-il, ce rôle est fort bien imaginé. […] Un jour, ce critique si distingué que j’aime à nommer et qui s’est trouvé trop perdu pour nous dans la Suisse française, M. 

1069. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Deux bataillons se présentent à la fois, mais Napoléon en fait rentrer un avec grande colère, car c’était sa dernière ressource… » Il y eut un moment des plus critiques. […] « Je recommande de nouveau à Son Excellence cet officier qui pourra rendre de grands services dans l’état-major des armées de Sa Majesté, et qui a mérité la continuation de son activité par ceux qu’il a déjà rendus à la France à l’époque critique de l’an vii. […] Au tome III (page 393 et suivantes) de son grand Traité, il rapprochait cette bataille de celle de Torgau, livrée par Frédéric en 1760, faisant remarquer toutefois que « s’il y avait de la ressemblance dans les résultats des deux affaires, il y avait une grande différence dans les dispositions antérieures et dans l’ordonnance du combat. » Il s’attachait à faire ressortir ce qu’il y avait de grand dans la combinaison première de Napoléon, « indépendamment de ce qu’il avait pu y avoir de fautif dans l’exécution. » Au sujet du retard de Ney, il l’attribuait à ce que l’aide de camp s’était « égaré en chemin », et, supposant les ordres donnés à temps, il concluait que « ce sont de ces choses qu’un général peut ordonner, mais qu’il ne peut pas forcer. » Il est à remarquer que cette phrase d’excuse et apologétique a disparu depuis dans l’édition définitive du Traité (chapitre xxvi), et qu’un paragraphe a été ajouté pour dire au contraire, par manière de critique, que « ces deux sanglantes journées prouvent également combien le succès d’une attaque est douteux, lorsqu’elle est dirigée sur le front et le centre d’un ennemi bien concentré ; en supposant même qu’on remporte la victoire, on l’achète toujours trop cher pour en profiter. […] Mais il n’a jamais varié sur la part personnelle à faire à la présence d’esprit et au courage de Napoléon pendant l’instant critique où il l’avait vu à l’œuvre.

1070. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

J’allais omettre une spirituelle dissertation sur Ronsard et Malherbe, que le professeur Amiel écrivait pour les collèges et gymnase de Genève, à l’ouverture de l’année scolaire 1849-1850 ; nouvelle preuve de l’intérêt que les pays circonvoisins et de langue française mettaient à ce genre de questions, qu’on dirait renouvelées de Balzac et que la critique de notre siècle rajeunit. […] Il était nécessaire pour cela que les critiques qui s’occupent des poètes du xvie  siècle y arrivassent préparés par la connaissance des époques antérieures, par la pratique du moyen âge et par la science de l’antiquité. […] Nous reconnaissons le même procédé critique (sauf des exagérations peut-être sur quelques points) dans les notices qui ont accompagné le choix intitulé Les Poètes français, dirigé par M.  […] Pour moi, quand je relis aujourd’hui ce petit livre de l’Illustration de Du Bellay, qui nous fait assister à un moment décisif et critique pour la langue et la littérature françaises, je sens le besoin de me bien représenter les circonstances parfaitement claires et définies où il parut et que notre érudition bien récente sur les anciennes sources françaises, sur les regrettables épopées du haut moyen âge, ne saurait, du jour au lendemain, changer et retourner.

1071. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Aujourd’hui il n’en est plus ainsi : la critique s’est remise en marche ; à y bien voir, elle n’avait jamais abdiqué ; elle avait toujours eu ses studieux asiles, ses doctes laboratoires, à Oxford, à Leyde ; mais le mouvement se poursuivait à l’ombre, sans éclater au dehors. Ç’a été surtout depuis soixante ans environ, ç’a été depuis Wolf, qu’un nouveau signal a été donné, et que la critique est rentrée délibérément en campagne. […] Les littératures modernes, à leur tour, ont enfanté et enfantent chaque jour des œuvres d’une imagination puissante et contagieuse qui n’ont rien de commun avec la tradition et que la critique préconise. […] Il reste à voir comment et avec quel succès Du Bellay a relevé en poète le gant qu’il avait si fièrement jeté comme critique et comme héraut d’armes.

1072. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Letronne demeure encore en ces matières notre admirable érudit et notre critique défensif par excellence. […] La critique pourra trouver qu’il les prodigue ; ce n’est pas trop au lecteur de s’en plaindre, car cette manière de mettre un nom de notre connaissance au bout de la pensée éclaire et détermine singulièrement, même quand cela est poussé un peu loin. […] Ces restitutions rapides, ces plaisirs de coup d’œil, ces inductions avenantes, font précisément le triomphe et le jeu de la critique littéraire. L’histoire en a profité cette fois, mais elle les admet peu en général ; son front, d’ordinaire impassible, ne laisse guère monter jusqu’à lui les mille éclairs sous-entendus et les sourires ; — et voilà pourquoi, en pur critique littéraire que je suis, j’ai toujours crainte de m’approcher, comme aussi j’ai peine à juger du masque de cette muse sévère.

1073. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Et puisque j’en suis sur cet ordre de critiques, je me permettrai de trouver encore que M.  […] Eynard nous montre que s’il avait voulu appliquer dans tout son ouvrage le même esprit de critique, il s’en fût acquitté très-finement ; mais dès qu’il aborde la vie religieuse de Mme de Krüdner, lui qui a été si adroit à pénétrer la personne mondaine, il croit tout d’abord à la sainte : il s’arrête saisi de respect, n’examinant plus, et ne voulant pas admettre que, même sur un fond incontestable de croyance et d’illusion, c’est-à-dire de sincérité, il a dû se glisser bien des réminiscences plus ou moins involontaires de ce premier jeu, bien des retours de cet ancien savoir-faire. […] Eynard, sur quelques points, n’a pas eu toute la critique qu’on aurait pu exiger, je noterai (et le biographe du médecin Tissot me comprendra) qu’Ymbert Galloix, que nous avons beaucoup connu et vu mourir, n’avait réellement pas de génie, mais une sensibilité exaltée, maladive, surexcitée, et qu’il est mort s’énervant lui-même. […] Eynard s’autorise, à cet endroit, du témoignage de M. de Gérando, qui avait conduit Mme de Krüdner à Saint-Lazare, et il me réprimande doucement du sourire que j’ai mêlé à mon éloge ; mais cette critique, qu’il le sache bien, ce n’est pas moi qui l’ai faite : c’est M. de Gérando lui-même, qui, interrogé par moi, me répondit en ce sens.

1074. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Weiss d’être un critique ondoyant et capricieux et de n’avoir pas dans sa poche un mètre invariable pour mesurer les œuvres de l’esprit ? […] Comment donc la critique littéraire pourrait-elle se constituer en doctrine ? […] Mais dogmatique ou non, la critique, quelles que soient ses prétentions, ne va jamais qu’à définir l’impression que fait sur nous, à un moment donné, telle oeuvre d’art où l’écrivain a lui-même noté l’impression qu’il recevait du monde à une certaine heure. […] Et, naturellement, il fit aussi de la critique littéraire, et de la plus libre et de la plus pénétrante ; et son esprit s’élargit encore à voir quelle est la variété des esprits.

1075. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Cependant un critique délicat, Suard105, le loue de qualités qui auraient manqué à ceux-ci. […] Je défierais le critique le plus exercé, s’il ne sait pas l’endroit de mémoire, de reconnaître à qui appartient une pensée exprimée en perfection. […] Les critiques contemporains n’avaient pas manqué de reconnaître, la prévention aidant, par où péchaient les Caractères. […] On doit ce renseignement au savant et spirituel auteur du Dictionnaire critique de Biographie et d’Histoire, A.

1076. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

« Prenons garde, disait la Harpe, défendant la Henriade contre la critique, c’est le seul poème épique que nous ayons » ; comme s’il n’était pas plus honorable pour la France de n’avoir pas de poème épique du tout que d’en admirer un médiocre ! […] C’est moins de la critique que de la guerre, et je n’affirmerais pas que ces prophètes de malheur et ces éplucheurs de mots aient été purs du péché d’envie ; cependant, ne sont-ils pas plus près de la vérité dernière sur la Henriade que la Harpe, qui ne trouve à porter au compte des fautes qu’un seul exemple de « vérités communes exprimées en vers communs ? […] Quand la Harpe, d’accord avec les critiques de Voltaire sur le défaut d’invention de la Henriade, y vante les beautés de style, que veut-il nous persuader ? […] Il est plus poète là où il se déprend de lui-même, où il se transforme, où il revêt quelqu’une de ces dix mille âmes qu’une ingénieuse critique prête à Shakspeare42.

1077. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Le mot avait été prononcé pour la première fois par un critique du Temps, M.  […] Peu soucieux des préjugés, ils les heurtent de front, au risque de les démolir, mais sans crainte de s’y briser. » Et encore : « La critique tiendra la première place dans le Décadent. […] Les critiques du Décadent n’auront que l’art pour critérium ; ils sont trop indépendants pour que des souvenirs hostiles ou amis puissent influer sur leur tempérament : leurs verdicts seront donc définitifs et sans appel !  […] Henry Fouquier se plaint, dans l’Écho de Paris, d’allusions à la corruptibilité de sa critique.

1078. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Notes critiques sur M.  […] Paul Bourget entreprit la réédition de son œuvre complète1, la critique manifesta de se soucier de l’événement avec une précipitation qui n’était pas exempte de trouble. […] Et cela dit combien c’est se leurrer que de vouloir faire de la critique objective dans un ordre de contingences tout subjectif ; et cela dit aussi que tout ce qu’un écrivain adopte, — pour ne pas parler de ce qu’il pourrait lui arriver de créer, — est extrêmement représentatif de sa manière d’être, de son essence, et qu’il peut enfin y avoir autant de manières d’être ému, analogiquement estimables, pourvu qu’elles apparaissent également sincères, qu’il y a de modes de sentir et de goûts formés et distingués. […] Et, d’autre part, si le droit reste en quelque sorte acquis à la critique d’incriminer une évolution dans un genre bien délimité, quand il doit en résulter pour celui-ci une inadmissible altération de caractère, il n’y a pas moins loin d’une telle mesure générale au radicalisme littéraire, qui voudrait aller jusqu’à imposer une casuistique rigoureuse aux formes génériques de l’expression.

1079. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Turgot, dont les principes étaient fort intéressés dans la question, s’est expliqué sur le livre de Galiani, et, sans en méconnaître l’agrément, il a écrit quelques mots qui marquent bien l’opposition des vues, des inspirations et des doctrines : Je n’aime pas non plus, dit-il après quelques critiques sur sa méthode sautillante et faite pour dérouter, je n’aime pas à le voir toujours si prudent, si ennemi de l’enthousiasme, si fort d’accord avec tous les Ne quid nimis et avec tous ces gens qui jouissent du présent, et qui sont fort aises qu’on laisse aller le monde comme il va, parce qu’il va fort bien pour eux, gens qui, ayant leur lit bien fait, ne veulent pas qu’on le remue. […] À l’occasion d’une exposition au Louvre et de je ne sais quelle critique qu’on en avait faite : Je remarque, dit-il, que le caractère dominant des Français perce toujours. […] Je profite des critiques, toutes les fois qu’on me dénonce de ces fautes, mais je n’aime pas qu’on m’en impute de tout à fait imaginaires. […] Mehl, dans Le Bibliographe alsacien, n’a pu s’empêcher de relever quelque chose du procédé, qui n’a pas échappé non plus à l’auteur d’une note dans la Revue critique du 6 octobre 1866.

1080. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Si l’abbé Maury n’a pas dans le détail cette fertilité ingénieuse de métaphores et d’images qui égaie continuellement le langage de la critique chez Quintilien, il n’est nullement dépourvu de comparaisons et de similitudes. […] Il n’abuse jamais du procédé de Diderot qui consiste à refaire à sa manière ce qu’il critique, mais il use à son tour du droit d’un maître en indiquant comment on aurait pu faire mieux. […] Sa critique de Massillon a paru sévère ; elle était hardie au moment où il la fit, et elle n’est que juste. […] Cette intelligence profonde de Bourdaloue me semble le chef-d’œuvre critique de Maury.

1081. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Comme critique, il n’est autre également qu’un ample et naïf collecteur de préceptes et d’exemples. […] On a besoin, pour bien sentir ces mérites un peu usés de Rollin, de se reporter aux critiques qui lui furent adressées dans le temps par quelques-uns de ses collègues de l’Université. […] Ces fleurettes avaient choqué le sévère et assez judicieux Gibert, qui trouvait plutôt en Cicéron du large et du majestueux : « En quoi il n’a pas pris garde, observait-il de Rollin, qu’il a fait comme celui qui disait que M. de Turenne était un joli homme. » Ce Gibert, dans sa critique du Traité des études, n’est point à mépriser ; esprit didactique et dogmatique, austère et sec, il montre assez bien en quoi Rollin manque de rigueur d’analyse et déroge aux antiques modèles. […] Rollin lui-même désarme quand il déclare en commençant et qu’il répète en toute occasion n’aspirer à rien de plus, dans son Histoire, qu’à être « un bon compilateur. » On passe donc sur son absence continuelle de discussion et de critique, heureux de trouver chez lui un beau cours naturel de narration et un parfum de moralité salubre qui s’y mêle.

1082. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Dieu a beau être là, cela n’ôte rien, on l’a vu, à l’aigreur des critiques ; les plus grands esprits sont les plus contestés. […] Les négateurs ne sont pas des critiques. […] C’est du reste un champ possible pour l’érudition comparée et la critique sérieuse. […] V Une des causes probables de la folie feinte de Hamlet n’a pas été jusqu’ici indiquée par les critiques.

1083. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

L’acuité du sens critique, le détestable et dissolvant esprit d’analyse l’enveloppent de façon qu’il ne peut plus éprouver ni sensation ni sentiment. […] En dépit des critiques profondes que la raison suscite contre leur œuvre, elle captive par un certain attrait ; elle pénètre par un charme qui ne s’explique qu’imparfaitement. […] Dans une courte étude de la Critique philosophique 263, M.  […] Au point de vue de l’art, toute critique nous paraîtrait frapper dans le vide, et toute discussion nous semblerait oiseuse. […] D’abord, et d’une manière générale, ne devrait-on pas en finir avec ce mode de critique qui consiste à exécuter en bloc un écrivain sous prétexte que tout ce qu’il a écrit ne renferme aucune signification ?

1084. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Ces manques de justesse dans un panégyriste nous font souffrir plus qu’il ne faudrait, nous autres critiques littéraires qui y regardons de plus près. […] Guizot a su si bien choisir les termes de ses éloges qu’ils impliquent la critique et la leçon. — Il a maintenu, en présence du religieux catholique, l’autorité supérieure et souveraine de l’Évangile ; et comme s’il estimait, par là, avoir suffisamment assuré son drapeau, il a cru pouvoir aller plus loin que le récipiendaire qui s’était borné à faire allusion, en passant, à la question romaine. — Ici je demande la permission de ne pas insister.

1085. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Il y a une quinzaine d’années environ qu’un critique aussi instruit que spirituel, chargé, dans le Journal de l’Empire, d’examiner les traductions nouvelles qui paraissaient alors en foule, s’avisa un matin, comme par boutade et pour couper court à sa tâche, de signifier nettement que les grands écrivains de l’antiquité étaient et seraient à jamais intraduisibles, et qu’il y avait bien de la simplicité à se donner sérieusement le soin Ingrat de les reproduire. […] Nous nous permettrons cependant de soumettre avec doute et respect au savant interprète quelques critiques légères, dont il appréciera la valeur.

1086. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Si nous revenons sur un sujet aussi fastidieux que facile, c’est moins pour nous acharner aux côtés faibles et honteux d’un homme de génie, que pour confirmer notre critique dans l’esprit de nos lecteurs, et justifier, s’il est besoin, notre jugement. […] Sir Walter Scott a tronqué et obscurci à plaisir ces beaux faits d’armes ; il s’est cru même obligé, en patriote fervent, d’égayer son récit par une critique littéraire des proclamations du jeune général, et d’y relever l’enflure et les sesquipedalia verba.

1087. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

J’ai dû dire qu’il était bien difficile à des esprits exacts, armés de critique et se livrant à l’examen, de croire ce qu’on croyait autrefois. […] Oyez plutôt : — « Un critique de beaucoup d’esprit a donné une excellente formule de la spéculation de M. 

1088. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Je me figure voir assis là, parmi vous, le critique qui, vers 1910 ou 1920, fera le procès du XIXe siècle. […] » Voilà ce que dira le critique conservateur du XXe siècle.

1089. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Mais les deux critiques furent reçues bien différemment. […] Tel est ce critique admirable ; Il sera toujours indécis, Lequel l’emporte, en ses écrits, De l’utile ou de l’agréable.

1090. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Gustave Planche me contait un jour qu’ayant hasardé quelques critiques sur le style parfois tourmenté de Balzac, celui-ci l’avait prié de noter, plume à la main, les fautes qui le choquaient. […] Le critique, dans sa superbe, ne comprenait pas l’humilité d’un grand artiste.

1091. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

On dit encore que le vieillard est moribond, et qu’il a le visage d’un agonisant… Le docteur Gatti dit que ces critiques-là n’ont jamais vu de malades, et que celui-ci a bien encore trois ans à vivre. […] Que… et que mille diables emportent les critiques et moi tout le premier !

1092. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Il est vrai qu’au sentiment des meilleurs critiques le traité contre les spectacles que je viens de citer, n’est pas de saint Cyprien, ainsi son autorité ne seroit point d’un poids bien considerable, s’il s’agissoit d’une question de théologie. […] Justin martyr, et que les critiques ne reconnoissent pas pour être de lui.

1093. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Si les critiques qui ont voulu censurer ou éclaircir la poëtique d’Aristote eussent fait attention à la signification de saltatio, ils n’auroient pas trouvé si bizarre que les choeurs des anciens dansassent, même dans les endroits les plus tristes des tragédies. […] Ce sont ces évolutions reglées, pour ainsi dire, lesquelles ont beaucoup aidé à faire prendre aux critiques la saltation des choeurs, pour des ballets à notre mode.

1094. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

A propos d’un Werther en musique, il y a quelques années, averti par les observations de plusieurs critiques éminents de l’insignifiance et de la puérilité du Werther de Goethe, je relus Werther, que je n’avais pas lu depuis à peu près un demi-siècle, ayant accoutumé de relire plutôt Faust et le Divan, Je fus certainement moins ému qu’à seize ans ; je ne pleurai point ; mais je fus frappé de la solidité de l’ouvrage, de l’admirable disposition des parties, de la progression lente et forte, de tout ce qu’il y a enfin de savant dans cet ouvrage d’un étudiant et qui ne se retrouve plus du tout, beaucoup plus tard, dans les Affinités électives. […] C’est ainsi qu’à relire, on se compare à soi-même, on note les hausses et les décadences — plus souvent celles-ci — de sa sensibilité ; les pertes et les gains — plus souvent ceux-ci — de notre intelligence générale et de notre intelligence critique, et l’on trace ainsi les courbes de sa vie intellectuelle et morale.

1095. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Critique sagace et parole comptée quand il s’agit de l’appréciation des livres et des hommes, Rapetti, qui réunit la capacité étendue et diverse de l’historien au sens incessamment aiguisé du jurisconsulte, a été plus frappé que personne du caractère qu’offrent ces mémoires de Raguse où l’inconsistance essaie d’être retorse et réussit à se montrer telle, et où les machiavélismes et les sophismes de la défense brouillent la faute pour la couvrir. […] Rapetti, qui ne se contente pas de discuter le fait unique de cette défection dans laquelle tous les autres actes plus ou moins glorieux de la vie de Marmont se sont perdus comme dans un abîme, nous a résumé, en quelques pages fermes et profondes, cette existence que le maréchal nous a fastueusement étalée dans plusieurs volumes de Mémoires, et c’est de l’ensemble étreint de toute cette vie que le vigoureux et habile critique a déduit et fait sortir la défection.

1096. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Étudier la raison d’un succès est toujours une belle question en critique… S’il est un livre pour lequel le journalisme ait battu de tous ses tambours, — et aux champs encore, — c’est ce livre des Réfractaires 24… L’auteur en fut un, m’a-t-on dit ; ce qui prouve, Dieu merci ! […] … et voilà la grande critique à faire de son livre, qui ne conclut point, qui n’a aucune des conséquences sévères et absolues auxquelles je m’attendais en ouvrant cet ouvrage, dont le titre est plus grand que l’idée.

1097. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

La critique doit donc les en prévenir. […] Nous n’aurions pas parlé si sévèrement de ce volume, nous n’aurions pas attaché le plomb de notre critique à cette gaze que le premier vent emportera sans avoir besoin de la déchirer, si, par-dessus la tête et l’ouvrage d’About, nous n’avions vu toute une plaie d’Égypte, nous n’avions aperçu le long zigzag de tous les touristes de France venant apporter leurs notes de voyage à toute bibliothèque qui se croira obligée de les accepter !

1098. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Mais nous l’avons dit déjà, c’est par cette infériorité très réelle et que la Critique doit indiquer, que Topffer plaira davantage à cette moyenne d’âmes pour lesquelles il a écrit, et qui ne comprendraient rien d’ailleurs au troisième dessous du génie. […] Cependant, si flatteuse qu’elle soit, lorsque surtout elle est donnée par un artiste et un critique aussi éminent que Sainte-Beuve, cette appellation éclaire-t-elle bien réellement toutes les faces et toutes les ressources du talent d’écrivain de l’auteur des Zig-Zags ?

1099. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Eh bien, c’est ce nom (et quelques circonstances) qui a fait (chez nous du moins) à Leopardi son commencement de renommée… Les poètes, comme on le sait, sont rarement des critiques, et, dans tous les cas, Alfred de Musset n’était que poète. […] Je connais trop ces vieilles fins de non-recevoir pour les admettre, ces bâtons mis dans les roues de la Critique pour l’arrêter et qui les cassent si elfe est un peu vigoureuse.

1100. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Malgré ces quelques livres cependant, auxquels la Critique d’un journal, qui s’écrit toujours un peu debout, devait de s’asseoir pour en parler plus à l’aise, comme dit Montesquieu d’Alexandre, malgré ces productions trop clairsemées et plus distinguées que les autres, tous ceux qui suivent le mouvement littéraire contemporain ont pu s’assurer que la littérature n’a point encore reçu des événements politiques qui ont changé la face de notre pays, et l’ont pénétré de meilleures influences, ce qu’ils se permettaient d’espérer. […] Un rare esprit qu’on n’accusera point de mysticité, un des critiques de ce temps qui prend le mieux l’aire de vent de l’esprit humain dans une époque, Philarète Chasles, signalait hier encore ce mouvement singulier de la pensée moderne vers le surnaturel et vers l’infini, et nous prouvait par toute une littérature spéciale, en Angleterre et en Amérique, à quel point ce mouvement actuel est entraînant et accéléré.

1101. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Mais en poésie, où tout est Sentiment et Expression, ces deux purs dons de Dieu, comme la Beauté et la Naissance, le travail compte pour rien quand il est tout seul, et voilà pourquoi la Critique, qu’on croit dédaigneuse et qui ne veut pas même être sévère, laisse là, en fait de poésie, les violettes de la médiocrité, d’autant plus cachées sous le foin de leur gazon que leur parfum ne les trahit pas. […] Aujourd’hui, par un hasard heureux, les deux poètes dont nous avons à parler tranchent vivement sur le fond vulgaire des rimeurs contemporains, et sont vraiment dignes du regard et du jugement de la Critique.

1102. (1901) Figures et caractères

Robert de Bonnières, ou la Critique des Mœurs de M.  […] Sa charmante figure de poète prend des traits de critique avisé. […] Le critique y venge sa double déconvenue de poète et de romancier. […] Le critique ou, plus abstraitement, la Critique, a, en effet, des façons qui lui sont propres. […] Notre critique fut âpre et outrancière, mais elle ne fut point exclusive.

1103. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

À la critique, il reproche non sans raison d’avoir enfermé en quelque sorte les artistes dans un cercle étroit de formules consacrées d’où elle ne leur permet pas de se dégager. […] Les lacunes de notre enseignement d’art et les erreurs de la critique ne suffisent pas toutefois pour expliquer l’anémie, l’appauvrissement de la matière artistique, comme il dit. […] On peut appliquer à chacune de ses partitions, comme à chacun de ses drames, ce que Kant dit de sa Critique de la raison pure. […] Et le 4 janvier 1889, il adressait à Georges Brandes, son premier critique, ce billet étrange : « À l’ami Georges ! […] Il ne considérait pas la philosophie, et par conséquent la critique, comme un ensemble de vérités abstraites et impersonnelles, mais comme l’expression d’un tempérament, d’une personnalité.

1104. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le cours de cet astre amène de temps à autre des époques critiques pour les nations. […] Elle est écrite avec précaution, mais avec critique et bonne foi. […] Aussi ce fut la source d’un défaut que les critiques remarquent ; non sans raison. […] Ses amitiés, et plus souvent encore ses haines, furent les guides de sa critique. […] L’exposition des faits historiques montre, au contraire, peu d’érudition et de critique.

1105. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Pour nous, cette publication nouvelle nous est une occasion heureuse, que nous ne laisserons pas échapper, de réparer envers Louise Labé un oubli, une légèreté involontaire qu’un critique ami, M. […] Cette célébrité même et le caractère passionné de ses poésies furent cause qu’après sa mort il se forma insensiblement sur elle une légende qui, accueillie et propagée sans beaucoup d’examen par des critiques d’ordinaire plus circonspects, par Antoine Du Verdier et Bayle, recouvrit bientôt le vrai et finit par rendre l’intéressante figure tout à fait méconnaissable. […] , on arrive toutefois à la mieux voir, à la voir tout autre qu’à travers les badineries des commentateurs érudits, lesquels ont fait ici, en sens inverse, ce que tant de bons légendaires ont fait pour leurs saints et saintes ; je veux dire qu’ils n’ont apporté aucune critique en leur récit, et qu’ils se sont tout simplement délectés à médire, comme les autres à glorifier. […] Je ne prétendrai jamais faire de Louise Labé une Julie d’Angennes, mais en bonne critique il faut grandement rabattre de tous ces madrigaux. […] Mais toutes ces critiques incontestables se taisent devant de petits tableaux achevés comme celui-ci, où se résument au naturel les mille gracieuses versatilités et contradictions d’amour : Je vis, je meurs ; je me brusle et me noye ; J’ai chaud extresme en endurant froidure ; La vie m’est et trop molle et trop dure ; J’ai grands ennuis entremeslés de joye.

1106. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Monsieur Despréaux condamne aussi ce commencement de l’Alaric : je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. et ces deux grands critiques après avoir donné un exemple du ridicule, proposent pour modéle de la perfection, l’un, le début de l’odissée : muse, raconte-moi les avantures de cet homme, qui après la prise de Troye, vit tant de pays et tant de moeurs différentes ; l’autre, ce commencement de l’Enéïde : je chante cet homme qui contraint de fuir les rivages de Troye, aborda enfin en Italie . mais supposons un moment que ces quatre propositions soient des commencemens d’ode. Il faudra changer la critique ; et en condamnant celles d’Homere et de Virgile, comme trop simples, proposer les deux autres, comme le modéle de la pompe qui convient à l’ode. […] Ses descriptions sont vives, ses comparaisons justes et choisies, ses figures variées ; mais il ne s’en permet jamais de trop hardies ; et sage jusques dans ses emportemens, comme l’a dit un grand critique, il a presque toujours fait voir qu’on peut être raisonnable, sans être froid. […] De quelque beauté pourtant que fussent les vers de Malherbe, ils ne laissérent pas de donner encore beaucoup de prise à la critique. […] C’est la meilleure excuse que je puisse donner à des personnes que j’honore et qui m’ont fait des critiques judicieuses, dont je n’ai pû profiter.

1107. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Non, Monsieur, bien loin de mettre de l’amertume dans mes récriminations, j’emploierai avec vous ce ton paternel que peut me permettre mon âge ; et dans la critique même de votre conduite, j’écarterai cette ironie amère plus déchirante que l’injure, et cette fausse pitié plus insultante que le mépris. […] Si nous obtenions un succès, il était aussi franc que mérité ; et malgré la critique injuste d’un journal, dont la vénalité était connue11, l’auteur pouvait jouir de son triomphe, car il l’avait obtenu sans intrigue et sans scandale. […] Peut-être il ne m’appartient pas d’en faire une critique raisonnée ; et d’ailleurs cela nous mènerait trop loin ; mais cependant, comme vous et vos partisans avez plus d’une fois critiqué tous nos grands auteurs et jeté le plus grand mépris sur ce que vous appelez la littérature de l’empire, dont j’ai l’honneur de faire partie, il doit m’être permis de vous dire, le plus poliment que je pourrai, ce que je pense de vos drames. […] Monsieur, je n’ai point l’honneur d’être connu de vous ; je n’ai pas plus de titre pour vous donner des conseils que je n’en ai pour faire la critique de vos ouvrages ; et si j’ai pris cette liberté, c’est que j’ai conçu l’espoir, tout en éclairant le public et le gouvernement sur la cause de la décadence de notre beau théâtre, de détruire quelques-unes de vos erreurs romantiques et de rappeler tous nos jeunes auteurs à des idées plus saines sur notre littérature dramatique. […] En effet, je les ai vus tous se conformer à son goût, s’instruire à ses critiques quelquefois très bruyantes, et ne pas appeler même de son jugement.

1108. (1900) Molière pp. -283

Je veux vous présenter ici Molière tel que je le conçois, en lui appliquant mes procédés propres de critique, procédés qui consistent à ne pas séparer de la littérature l’histoire et le tableau historique de l’heure et du temps, mais aussi de ne pas trop écraser la littérature et l’esthétique sous l’histoire, comme le font trop la critique allemande et la nouvelle école de critique française. […] Je ne donne pas raison à toutes les critiques de madame Riccoboni, de Fénelon, de Bourdaloue, de Jean-Jacques Rousseau, ce n’est pas mon dessein, mais je m’abrite derrière ces autorités pour faire d’autres critiques qu’elles n’ont pas connues. […] M. de Pourceaugnac est un des personnages qui ont fait dire à beaucoup de critiques, et de grands critiques, à Fénelon, par exemple, à Vauvenargues, et même un peu à Boileau, que les personnages de Molière étaient outrés. […] La tradition des critiques classiques, du corps des critiques, je le dis en passant, n’est pas toujours de trop admirer, elle est bien souvent de ne pas assez admirer, et cela est arrivé plus qu’on ne croit en ce qui concerne Molière. […] On ne peut pas interdire aux femmes de se piquer de critique philosophique, incidemment du moins, et d’une façon aussi heureuse que madame de Staël.

1109. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Hugo ne relève plus de la critique littéraire, car la critique n’a plus de conseils à lui donner. […] Si c’est une gageure, nous nous récusons, car la critique littéraire n’est pas appelée à juger de telles parties. […] Sauf quelques légères modifications que nous avons indiquées, la critique ne peut qu’approuver les théories de M.  […] Comment croire à la jalousie de la critique, lorsque la critique proclame en toute occasion les principes posés par M.  […] Il est bien entendu que son érudition n’a pas de bornes et défie toutes les critiques.

1110. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il faisait en critique exactement ce que Balzac avait fait dans le roman. […] En tant que critique, je suis si éloigné des idées de M.  […] Il est arrivé ainsi que le critique qui ne voulait être qu’historien a fait de mauvaises pages d’histoire parce qu’il restait bon critique. […] Quelle singulière critique ! […] Cela contrariera le critique de 1950.

1111. (1876) Romanciers contemporains

Qui, dans la critique, peut aspirer à continuer les Villemain, les Saint-Marc Girardin, les Nisard ? […] Aussi insistons-nous avec l’énergie d’un critique qui accomplit un acte de justice. […] Malgré les critiques que nous venons de lui adresser, le livre de M.  […] Certains critiques se soucient peu d’être conséquents avec eux-mêmes. […] Tantôt s’offre une objection nouvelle, et le penseur a le temps de la dérober à la critique et de corriger un défaut de construction.

1112. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Les critiques ne s’en sont pas doutés : ils ont jugé ses comédies comme des livres. […] On a reconnu dans Alceste M. de Montausier, qui ressemble autant à Oronte : mais on y a reconnu aussi Molière ; et Boileau s’est nommé enfin comme l’original du critique des mauvais sonnets. […] Don Juan et la Critique espagnole, tr. par Magnabal, in-18, Paris, 1893. Brunetière, Études critiques, t. 1 et IV ; Époq. du th. fr. […] I ; Fénelon, Lettre à l’Acad., Projet d’un traité sur la comédie ; Vauvenargues, Réflexions critiques sur quelques poètes ; Scherer, le Temps du 18 mars 1882 ; au contraire, M. 

1113. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Et lorsque cette grosse ignorance du critique des choses parisiennes, a causé une petite rumeur dans la salle il a bien voulu me trouver un peu de talent, mais un talent néfaste pour le talent de Daudet. * * * — Ils sont bons les critiques, aujourd’hui, avec la promesse qu’ils nous font du règne, sous très peu de jours, d’une littérature à la Berquin. […] la sale hypocrisie de certains critiques. Un de ces critiques ne disait-il pas à propos de La Faustin, que les devoirs de son métier l’avaient forcé, malgré lui, à jeter les yeux sur les œuvres du marquis de Sade ? Et ces jours-ci, Guy de Maupassant me racontait que ce même critique l’avait prié de solliciter pour lui de Kistemaeckers et autres éditeurs belges, un envoi de la série des livres obscènes, publiés de l’autre côté de la frontière.

1114. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Gustave Planche était le critique attitré de la Revue des Deux Mondes. […] Ce sont là, n’en doutez pas, des ouvrages durables et qui assurent à Théophile Gautier une des plus honorables places parmi nos critiques littéraires, la première peut-être parmi nos critiques d’art. […] Il ne fut pas un critique pointu. […] Ici la critique égale vraiment le chef-d’œuvre. […] C’est bien dans cette posture de critique narquois et désabusé que la postérité le verra.

1115. (1923) Nouvelles études et autres figures

Mais il corrige toujours ce que cette critique pourrait avoir de mesquin par une admiration aussi sincère que perspicace. […] Gautier ne sentit pas la leçon ou, si vous aimez mieux, la critique indirecte. […] Si elle n’a pas obscurci son esprit critique, elle l’a réduit à l’impuissance d’un simple témoin. […] Au contraire ce sont nos écoles, notre théâtre, notre roman, notre critique qui ont influé sur elle. […] Il ne les a accompagnés ni chez les critiques ni dans les bureaux de rédaction.

1116. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Avant d’être à Versailles et pendant qu’il pratiquait la médecine à Aix, Lieutaud avait lu avec des yeux sévères un traité de Sénac, premier médecin du roi ; il envoya ses réflexions critiques à un libraire de Paris pour les publier, mais avec permission de les communiquer auparavant à l’auteur qu’elles intéressaient. […] Profitez, s’il y a lieu, de la critique sans y répondre, et sans vous en offenser ; car sa blessure en elle-même est légère, elle ne s’aigrit que par le mouvement. […] Déjà il avait indirectement répondu (dans son Éloge de M. de Lamure) à ceux qui lui reprochaient de se trop répandre : Pourquoi, dit froidement la critique, faire tant de choses à la fois ?

1117. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Pour nous, si nous nous risquons à en parler, c’est que nous ne nous guérirons jamais de cette vieille habitude d’aller à ce qui est vivant, de nous arrêter à chaque vaillant début d’un talent neuf et vigoureux, et de lui payer publiquement ce premier et bien légitime hommage, — l’attention, — dussions-nous mêler aux éloges quelques remarques critiques et quelques observations morales. […] Nous autres critiques, placés entre la tradition et l’innovation, c’est notre plaisir de rappeler sans cesse le passé à propos du présent, de les comparer, de faire valoir l’œuvre ancienne en même temps que d’accueillir la nouvelle (car je ne parle pas de ceux qui sont toujours prêts à immoler systématiquement l’une à l’autre). […] Quelques autres prétendent que le cas de Roger est trop singulier et trop poussé à bout pour être tout à fait vrai, que l’impitoyable rigueur logique avec laquelle procède sa passion est plus logique que la vérité même, ou du moins que la vraisemblance en pareil cas ; que cette impression se prononce surtout en avançant, et qu’on y croit sentir un parti pris ; que ce n’est que quand on invente que l’on est tenté ainsi d’exagérer, et que tout s’expliquerait pour la critique s’il n’y avait de tout à fait observés que les trois quarts de l’histoire de Roger, le reste étant inventé et composé.

1118. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

J’allais (tant l’art de l’arrangeur est parfait, et tant il a mis d’attention à se dérober), — j’allais oublier d’avertir que le tout est lié par un récit biographique rapide, par des transitions indispensables, par des fils adroits et légers ; que toutes les explications nécessaires au lecteur lui sont agréablement et brièvement données, qu’elles viennent à propos au devant de lui ; que tous les petits faits, toutes les anecdotes qui se rattachent au cercle de Mme Récamier, celles qu’elle aimait à raconter elle-même, nous sont rendues avec ce tour net et dans cette nuance qui était le ton particulier de son salon ; qu’une fine critique, toujours convenable, corrige et relève, par-ci par-là, le trop de douceur dans les portraits. […] Mme Récamier, le voyant, depuis sa rentrée aux affaires et son triomphe de la guerre d’Espagne, plus ardent, plus exalté et enivré que jamais, moins maniable probablement dans l’intimité, prit le parti d’aller à Rome, sur la fin de 1823 : dans son système d’amitié constante, mais d’amitié pure et non orageuse, elle jugea prudent, à cette heure critique, de s’éloigner pendant un certain temps, et de lui laisser jeter, avec ses fumées de victoire, ses derniers feux, — Mme Cornuel aurait dit, sa dernière gourme de jeunesse62. […] [NdA] C’est ce double sentiment d’admiration persistante pour l’écrivain et de vérité entière sur l’homme, que j’ai essayé de rendre dans mon ouvrage Chateaubriand et son groupe littéraire ; la plupart des critiques n’ont voulu y voir qu’une chose, qui n’y est pas, le désir de rabaisser Chateaubriand ; les lecteurs français sont si pressés et si inattentifs qu’ils n’admettent guère qu’une idée à la fois.

1119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Sachons donc gré à l’auteur des présents mémoires d’avoir rempli son dessein, même au prix de tant de détails qui sont de pure étiquette, de nous avoir tenus au courant de tous les pas et démarches du roi, de la reine, du principal ministre, de livrer ces faits tout secs et nus à notre critique, à nos réflexions : à voir le soin et le scrupule de ponctualité qu’apporte dans les moindres circonstances de son narré le noble chroniqueur, je suis tenté de l’appeler (toute proportion gardée) le Tillemont de la Cour. […] Parmi les historiettes rétrospectives qui se glissent dans les nouvelles courantes et dans le menu du jour, il en est une des plus piquantes sur Colbert ; mais comme, ici, M. de Luynes ne la tient que de seconde ou de troisième main, il y aurait à vérifier si tout ce récit concorde en effet avec les circonstances auxquelles il se rattache : tel qu’il est, je le livre à l’exacte critique de l’historien de Colbert, M.  […] Mme de Vintimille, liguée avec Mme de Mailly, ne s’était jamais senti de force à faire ce coup d’État dans l’âme du roi, et un jour qu’en une circonstance critique Mme de Mailly et elle avaient essayé de lutter directement contre l’influence du cardinal, au moment même de réussir sur l’objet en question, elles virent en définitive qu’il fallait céder, et Mme de Vintimille dit fort sensément à sa sœur : « Nous pourrions peut-être l’emporter aujourd’hui sur le cardinal, mais il est absolument nécessaire au roi, et nous serions renvoyées dans trois jours. » Mme de La Tournelle tenta hardiment l’aventure : l’eût-elle emporté si le cardinal eût vécu ?

1120. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Là aussi, « dans cet ordre littéraire comme dans l’ordre religieux, a dit un pieux et savant Anglais44, un peu de foi et beaucoup d’humilité au point de départ sont souvent récompensés de la grâce et du don qui fait aimer, c’est-à-dire comprendre les belles choses. » Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire, avec un autre critique de la même nation, « qu’il faut feindre le goût que l’on n’a pas jusqu’à ce que ce goût vienne, et que la fiction prolongée finit par devenir une réalité. » Ce serait donner de gaîté de cœur dans la superstition et l’idolâtrie. […] La critique s’est exercée depuis un certain nombre d’années sur ces sujets, et l’on s’est adressé plusieurs questions. […] Aristote et Descartes, avec leur méthode, viendront assez tôt ; assez tôt commencera la critique : qu’elle ne saisisse pas l’enfant au sortir du berceau.

1121. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

A quoi bon m’aller inquiéter de Grimm et de ses à-peu-près, lorsque, dans les volumes de la plus délicate et de la plus délicieuse littérature qu’ait jamais produite la Critique française, nous possédons le jugement et la définition qu’a donnée M.  […] En ce qui touche la personne, l’illustre critique s’est montré plus sévère ; il a cru voir jusqu’à travers les peintures railleuses de la femme d’esprit ce qu’il appelle le pli de sa condition  : « C’est une soubrette de cour, mais une soubrette. » Mlle Delaunay a-t-elle mérité ce piquant revers ? […] Quoi qu’en ait dit un critique (Fréron), Mme de Staal a bien fait de ne pas les prolonger et de ne pas s’étendre sur les années finissantes.

1122. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Ce sujet de La Finta Pazza est un de ceux qui ont été le plus exploités sur la scène italienne : il y a sous ce titre un canevas très mouvementé de Flaminio Scala, le huitième de son recueil ; et c’est à l’occasion de cette première Finta Pazza, que le satirique Boccalini faisait cette critique peu galante : « Ognuno sà che tutte le donne sono pazze e che non possono fingere d’essere quelle che sono. Chacun sait que toutes les dames sont folles et que, par conséquent, elles ne peuvent feindre d’être ce qu’elles sont31. » Malgré cette critique, Les Folles supposées ne laissèrent pas de se multiplier. […] Regardez donc favorablement, ô très ridicule héros, ce combat scolastique, et, par vos effroyables grimaces, défendez-moi de celles de nos trop critiques savants.

1123. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Mais M. de Rémusat est un auteur qui ne ressemble pas à un autre, il se juge deux fois trop ; il s’est dit qu’il était un esprit critique, qu’un esprit critique n’inventait rien d’excellent, et que dans l’art il n’y a que l’excellent qui compte. Parlant, il y a quelque temps, d’Horace Walpole dans la Revue des deux mondes, et jugeant le roman et la tragédie que s’avisait de composer à un certain jour cet esprit distingué, M. de Rémusat y reconnaît bien quelques mérites d’idée et d’intention, mais il n’y trouve pas le vrai cachet original, et il ajoute avec je ne sais quel retour sur lui-même : « Le mot du prédicateur : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais, est l’éternelle devise des esprits critiques qui se sont mêlés d’inventer. » Si M. de Rémusat a, en effet, pensé à lui-même et à ses essais de drames en écrivant ce jugement, il a été trop sévère ; je suis persuadé que, pour être artiste, c’est-à-dire producteur d’ouvrages d’imagination, pleins d’intérêt, il ne lui a manqué que d’être un peu moins nourri dès son enfance dans le luxe fin de l’esprit, et d’être aiguillonné par la nécessité, cette mère des talents.

1124. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

De notre temps si la Prose s’altère sur quelques points, c’est pour s’enrichir par tant de conquêtes : rappelons-nous la comédie élargissant son domaine, le roman agrandi suscitant ses véritables chefs-d’œuvre, l’histoire faisant de son champ jadis étroit tout un monde d’explorations et de découvertes, la critique vraiment fondée et promue à la dignité d’un genre original où cinq à six hommes supérieurs ont véritablement créé, l’érudition réconciliée avec le beau style et devenue l’une des provinces de la haute littérature, la politique rendant parfois de mauvais services à la pureté de la langue, mais produisant aussi dans la presse et à la tribune d’admirables écrits de polémique et de non moins admirables discours, la philosophie et la religion enfin pour de nouveaux besoins et avec de nouveaux interprètes se créant aussi une langue nouvelle. […] Lui-même, poète d’un rare talent aussi bien qu’éminent critique, il ne hasardait pas une assertion téméraire. […] Je ne m’écrierai pas comme le critique des Lundis qui était aussi le poète de Joseph Delorme :       « Rime, l’unique harmonie Du vers qui, sans tes accents       Frémissants, Serait muet au génie ! 

1125. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

La critique n’est pas un commerce d’éloges ou un assaut d’épigrammes, ni peut-être un moyen de satisfaire, en les exprimant, nos goûts ou notre humeur individuelle, mais un effort commun, et, si je puis ainsi parler, une collaboration des critiques avec les auteurs pour la certitude et pour la vérité. […] Lorsqu’il y a quelque cent ans, Kant écrivait sa Critique de la raison pure, ce n’était pas, nous le savons, pour fortifier ou pour multiplier les motifs de doute. […] Est-ce lui qui n’a pas connu la portée de sa critique ? […] Molière leur répondit coup sur coup par la Critique de l’École des femmes, l’Impromptu de Versailles, et Tartufe. […] — et par deux ou trois pièces, lesquelles sont précisément la Critique de l’École des femmes, l’Impromptu de Versailles… et le Mariage forcé.

1126. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Critique de l’Histoire des Girondins [Avertissement] La critique est une grande et importante partie de toute littérature ; quand elle touche simplement à la forme d’un livre, elle est toutefois secondaire. — Question de grammaire, question de goût ; les esprits stériles seuls s’y adonnent ; elle dénigre beaucoup, elle ne produit rien. — Sous ce rapport, il faut la laisser aux esprits méticuleux et jaloux, qui se consolent de leur impuissance en montrant les imperfections des œuvres d’autrui. Mais il y a une plus haute critique qui touche à la morale et qui est, pour ainsi dire, la conscience du genre humain ; c’est celle qui s’attache à l’histoire et qui, au lieu d’être une grave controverse de mots, est une sévère correction de principes. C’est de cette seconde nature de critique dont j’ai voulu donner sur moi-même un exemple aujourd’hui dans cet Entretien et que j’insère dans mes œuvres complètes. Tous mes lecteurs se souviennent que j’ai écrit, en 1847, un livre qu’il ne m’appartient pas de juger littérairement ; livre qui produisit, lors de son apparition, un effet tellement universel que les critiques du temps ne purent le comparer qu’au mouvement de curiosité de l’Émile de J. […] Un seul exemple de cette critique de soi-même a été donné en France dans l’opuscule intitulé : Rousseau juge de Jean-Jacques.

1127. (1802) Études sur Molière pp. -355

Un anonyme donna encore du même ouvrage une critique en six dialogues, intitulée Panégyrique de l’École des femmes, ou Conversation comique sur les Œuvres de M. de Molière. […] » Molière porta les premiers coups aux plus acharnés de ses détracteurs, dans La Critique de l’École des femmes. […] Commençons par analyser La Critique de l’École des femmes, jouée sur le théâtre du Palais-Royal, le premier juin. La Critique de l’École des femmes. […] Nous y voyons encore que, si son cœur était sensible aux bienfaits de son roi, il ne l’était pas moins à l’injustice des critiques ; et ceux-ci vont en avoir de nouvelles preuves.

1128. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Boileau le sentit et donna en 1694 ses neuf premières Réflexions sur Longin, œuvre de mauvaise humeur, d’ironie lourde et brutale, de critique mesquine et puérile. […] Brunetière, Évolution de la critique, 4e leçon.

1129. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

De graves négligences dans l’ordonnance de ce poème, l’incohérence des détails, l’obscurité de l’ensemble, les singularités d’un système de versification qui a bien sa grâce et sa douceur, mais qui a aussi ses défauts particuliers, toutes ces taches que des critiques, à la vérité bien sévères, avaient remarquées dans la première publication de M. de Vigny, ne peuvent être reprochées à la seconde. […] L’occasion est bonne à la critique pour revenir une fois encore sur l’auteur de Moïse , d’Éloa, de la Maison du Berger, de la Mort du Loup et de la Colère de Samson, — poèmes d’une beauté inaltérée, et qui brillent, sous notre ciel littéraire d’aujourd’hui, avec une douce clarté de lointaines étoiles.

1130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Mais quand on le voit, dans différentes Brochures, réduire tantôt à trente les bonnes Fables de l’Esope François, tantôt à une cinquantaine, & en dernier lieu * lui en accorder, comme par grace, quatre-vingt ; quand on lui entend dire que ce Poëte n’a rien inventé, qu’il n’a qu’un style, qu’il écrivoit un Opéra du même style dont il parloit de Jeanot Lapin & de Rominagrobis ; que son génie n’étoit nullement propre à la Poésie sublime, & que tout cela pouvoit excuser Boileau de n’avoir pas fait mention de lui, & de ne l’avoir jamais compté parmi ceux qui fai soienthonneur au Siecle de Louis XIV ** : il est impossible de ne pas croire que, dans une critique aussi peu judicieuse, il n’a eu d’autre objet que de s’égayer par des paradoxes. […] Que faut-il donc conclure de la critique de M. de Voltaire, & du silence de Boileau ** sur lequel il s’appuie ?

1131. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

— Et si hardis même, que la Critique, obligée d’être plus pudique que la femme qui s’est faite, sans peur et sans honte, l’historienne de tous les amours de sa vie, ne sait comment s’y prendre pour décemment y toucher. […] N’est-ce pas là quelque chose d’ignoble et d’affreux dont la mémoire du grand poëte religieux en prose restera éternellement souillée, et que tous les efforts futurs de la Critique et de l’Histoire, qui l’essuieront, ne pourront effacer !

1132. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

La maturité de l’esprit engendre parfois une solidité impénétrable aux conseils de la Critique et à ses regrets. […] III Cela dit, la Critique, pour peu qu’elle reste élevée, a tout dit du livre de Forneron.

1133. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Mais la Critique ne pouvait-elle espérer sans outrecuidance que ces faits, contre lesquels l’historien se révolte, le frapperaient puissamment par ce qu’ils ont d’extraordinaire et même pour lui d’incompréhensible, et que de cette indignation aveugle, mais vraie et largement vibrante, contre le Moyen Âge, ses passions colossales, ses déchirements nécessaires, ses institutions, tout cet ensemble de servitudes chevaleresques dont Labutte n’a pas même la notion première et que Schiller, qui était un grand poète et un noble cœur, appuyait sur un fond céleste, il serait au moins sorti un cri énergique, une réprobation digne de ce temps immense, quelque chose, enfin, qui aurait eu son éloquence, son injuste, mais réelle beauté ? […] À ce compte, la médiocrité d’un ouvrage serait un sauf conduit contre la critique.

1134. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Dans ces conditions d’impénitence finale devant la Critique, l’envoi de la préface avait un caractère qui n’était pas précisément de la sympathie. […] Avec cette notion de l’État, rabaissée jusqu’au chien même de Thémistocle, que devenait le de Maistre possible que notre critique avait cru entrevoir à travers les indécisions, les confusions et les ténèbres d’un livre dont nous avions noté avec espérance quelques éclairs ?

1135. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

La critique kantienne devint alors nécessaire pour rendre raison de cet ordre mathématique et pour restituer à notre physique un fondement solide, — à quoi elle ne réussit d’ailleurs qu’en limitant la portée de nos sens et de notre entendement. La critique kantienne, sur ce point au moins, n’aurait pas été nécessaire, l’esprit humain, dans cette direction au moins, n’aurait pas été amené à limiter sa propre portée, la métaphysique n’eût pas été sacrifiée à la physique, si l’on eût pris le parti de laisser la matière à mi-chemin entre le point où la poussait Descartes et celui où la tirait Berkeley, c’est-à-dire, en somme, là où le sens commun la voit.

1136. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

[Épitre aux muses]      Allons, Muses, debout ; faisons du romantique ; Extravaguons ensemble, et narguons la critique. […] Je voulus sur un vers essayer ma critique ; Je fus apostrophé du surnom de classique ; Et de cette hérésie atteint et convaincu, Sous ce nom flétrissant je restai confondu.

1137. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Après avoir loué, nous sera-t-il permis de hasarder rapidement quelques critiques ? […] Les Années de voyage ont été l’objet de vives critiques. […] En quoi les principes de sa critique furent-ils nouveaux ? […] Comme l’on pense bien, les critiques allemands n’étaient pas hommes à ne le point deviner. […] Si la critique réclame, il lui impose silence au nom du droit divin.

1138. (1893) Alfred de Musset

Ces journaux sont si insipides, — ces critiques sont si plats ! […] Les critiques saisirent leurs férules, et Musset en eut sur les doigts. […] Il ne traitait pas les critiques de pions et de cuistres. […] La critique injuste n’est jamais à craindre. […] La critique s’en occupa peu.

1139. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Esquisse d’une critique des systèmes fondée sur l’analyse des idées de néant et d’immutabilité. […] La critique kantienne, par un de ses côtés au moins, consista à se demander si la totalité de cette hypothèse était nécessaire à la science moderne comme elle l’avait été à la science antique, ou si une partie seulement de l’hypothèse ne suffirait pas. […] La critique que Kant a instituée de notre connaissance de la nature a consisté à démêler ce que doit être notre esprit et ce que doit être la nature, si les prétentions de notre science sont justifiées ; mais de ces prétentions elles-mêmes Kant n’a pas fait la critique. […] Il n’a pas jugé, dans sa Critique de la Raison pure, que la science devînt de moins en moins objective, de plus en plus symbolique, à mesure qu’elle allait du physique au vital, du vital au psychique. […] Rien de plus contraire à la lettre, et peut-être aussi à l’esprit, de la Critique de la Raison pure.

1140. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Et alors la critique lance ses réquisitoires, les réformateurs se mettent à l’œuvre. […] J’ai donc cité l’auteur pour justifier le critique. […] Et cependant un critique ingénieux a cru pouvoir comparer M.  […] Pourtant, à l’instant de finir, ma conscience de critique me reproche d’avoir écourté cette piquante relation. […] L’opinion du petit page sur sa maîtresse résume admirablement notre critique.

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