On était fait à le voir de l’opposition ; mais on le confondait avec l’extrême droite dévote, avec les légitimistes absolus, desquels, au contraire, son principe fondamental le séparait. […] Tout ce qui est de l’ordre purement théologique et moral y présente une texture de vérité absolue, une immuable consistance qui ne vieillira pas.
Le xviie siècle fit sur ce pays la même impression que par toute l’Europe : il y eut soumission, adhésion absolue et hommage. […] Monnard, le principal défenseur de la liberté religieuse à Lausanne : il prit en main le droit de ceux qu’on persécutait, et dont il n’épousait pas d’ailleurs les conséquences absolues et restrictives.
Cousin, d’une plume incisive et comme d’une épée de feu, avait, du premier coup, élargi le débat ; les points choisis par lui tendaient à montrer Pascal bien autrement sceptique qu’on ne s’était habitué à le considérer ; il semblait résulter que les rectifications et les restitutions du texte primitif étaient toutes dans ce sens de scepticisme absolu ou de christianisme outré, et contraire aux idées saines d’un apologiste vraiment respectable. […] Se prévaloir contre la foi de Pascal de certain mode d’argumentation qu’il emploie hardiment et qui impliquerait le scepticisme absolu au défaut de la foi, c’est supposer ce qu’il s’agit précisément de démontrer, c’est oublier combien cette foi faisait peu défaut en lui, combien elle était pour lui chose réelle, pratique, sensible et vivante.
Et par Retz se révèle l’affinité de l’héroïsme cornélien avec la virtù italienne : il est sublime d’absolue immoralité dans la grandeur d’âme continue. […] Entre les Correspondances du xviie siècle, deux surtout ont une valeur absolue qui les range au nombre des chefs-d’œuvre de l’art classique, quoiqu’il faille se garder d’y voir des œuvres d’art.
Trésor, comparativement à l’effusion d’intelligence, lui, modique selon mes calculs et je n’en cache une satisfaction ; mais absolu : il suffit, prélevé pour le principe, à un délicat et légitime emploi. […] Nous savons, captifs d’une formule absolue, que, certes, n’est que ce qui est.
« Je voudrais que sa beauté nue me manifestât la beauté métaphysique du dieu-monde… Concevoir l’absolu en spécialisant ses attributs symbolisés par des impressions d’elle… Trouver des révélations flamboyantes aux mystères des analogies ! […] licence absolue !
Nous croyons à la vérité, bien que nous ne prétendions pas posséder la vérité absolue. […] Au plus humble degré est le dogmatisme absolu des ignorants et des simples, qui affirment et croient par nature et n’ont pas aperçu les motifs de douter Quand l’esprit, longtemps bercé dans cette foi naïve, commence à découvrir qu’il a pu être le jouet de sa croyance, il entre en suspicion et s’imagine que le plus sûr moyen pour ne pas être trompé, c’est de rejeter toute chose : premier scepticisme qui a aussi sa naïveté (sophistes, Montaigne, etc.)
Si, dans le physique, on ne peut assigner de point fixe & absolu pour bien voir les objets ; comment les Philosophes pourroient-ils en assigner un pour les objets qui sont du ressort de la Morale ? […] Dans l'ordre philosophique, tout est permis, rien ne réclame, point de motif qui ramene au devoir ; les injustices, les crimes, les atrocités se consomment & subsistent sans aucune rétractation : l'endurcissement le plus absolu contre toute espece de considération, n'est-il pas en effet une suite nécessaire de l'incrédulité ?
Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder : il n’est affecté de rien ; dans le Conseil, il est d’une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui lui est présenté. […] Mais, avec ce manque absolu d’initiatives qui caractérisait Louis XV, il fallut qu’on fît ici pour Mme d’Étiolles ce qu’on avait fait pour Mme de Châteauroux, c’est-à-dire qu’on arrangeât pour lui l’affaire : en pareil cas, auprès des princes, les entremetteurs officieux ne manquent jamais.
Il nous parle de son jardin, des choses qu’il veut y amener, des nouveaux arbres qu’il y plantera, de son dégoût absolu de l’arbre caduc, de son projet de tout mettre en arbres verts et de tuer ses grands arbres avec du lierre qui montera dans leurs branches. […] Là, nous voyons des clowns, des sauteurs, des franchisseuses de cercles de papier, qui font leur métier et leur devoir : au fond, les seuls acteurs dont le talent soit incontestable, absolu comme les mathématiques ou mieux encore comme le saut périlleux.
L’homme absolu se fait un système et veut le réaliser sans délai : l’homme pratique a un but moins idéal et plus voisin ; il tourne les obstacles, quand il ne peut les franchir, et subordonne toutes ses pensées à la fin prochaine qu’il veut atteindre. […] Je sais que l’homme de lettres ne doit pas vivre éloigné du monde, il perdrait dans une solitude absolue les occasions d’observer et la puissance d’agir.
D’autres, au contraire, semblent — ici, comme dans tout le cours de cet essai, je préfère n’affirmer qu’au cas de certitude absolue — semblent, dis-je être spéciaux à la littérature indigène. […] C’est en souvenir de ce démenti donné à ma première opinion que je n’avance que sous réserves les convictions que je me suis formées en matière de folklore, préférant n’être formel qu’en cas de certitude absolue.
Par là on se condamne à n’expliquer ni d’où viennent les éléments de conscience ou sensations, qu’on pose comme autant d’absolus, ni comment, inextensives, ces sensations rejoignent l’espace pour s’y coordonner, ni pourquoi elles y adoptent un ordre plutôt qu’un autre, ni enfin par quel moyen elles réussissent à y constituer une expérience stable, commune à tous les hommes. […] La nécessité absolue serait représentée par une équivalence parfaite des moments successifs de la durée les uns aux autres.
Sorti de Paris à dix-neuf ans, dès les premiers jours de la Révolution ; retenu par les circonstances et la maladie en Suisse, au lieu des longs voyages qu’il méditait ; marié là et proscrit en France à titre d’émigré, M. de Sénancour n’était rentré que furtivement, à diverses reprises, pour visiter sa mère, et s’il s’était hasardé à séjourner à Paris, sans papiers, de 1799 à 1802, ç’avait été dans un isolement absolu : il avait profité toutefois de ce séjour pour publier, dès 1799, ses Rêveries sur la nature primitive de l’Homme.
Nous n’avons jamais mieux compris qu’en lisant ces pages en quels abîmes, au sommet du pouvoir absolu, le moindre faux pas, le moindre bouillonnement de tête, peut à chaque instant précipiter les plus grands cœurs.
Saisi à chaque moment de la vérité de ce qu’il exprime, il poussera devant lui ; il s’enfoncera dans les affirmations de plus en plus absolues, et il ne s’apercevra pas que ce qu’il dit maintenant contredit ce qu’il a dit tout à l’heure, que ce sont des vérités partielles et relatives, qui doivent se tempérer et se limiter mutuellement L’humeur du moment donnera le ton à son œuvre, et l’on y lira toutes les lassitudes, tous les caprices, toutes les faiblesses de son esprit pendant l’exécution.
Il hait Louis XIV et « ce long règne de vile bourgeoisie », il hait Richelieu et Mazarin, tous les ouvriers de la monarchie absolue.
Cela aura pour premier et sensible effet de reporter du dehors au dedans la règle, la loi de la création littéraire, de rendre l’écrivain dépendant de son seul tempérament, de son propre et personnel idéal : à moins — ce qui arrivera aussi — qu’à la tyrannie du monde ne se substitue la tyrannie des écoles, des ateliers, des sociétés professionnelles, imposant d’absolus mots d’ordre, d’exclusives formules, et décriant la concurrence.
Pour l’auteur, ils sont des symboles, purs représentants de l’absolu ; reprochera-t-on à des symboles d’être arrogants, indiscrets, brouillons, brutaux ?
Ces accents sont vraiment universels, vraiment inentendus, et le rythme, d’une sûreté absolue, traduit magnifiquement l’allégresse d’aimer.
J’omets d’abord une possession absolue de la syntaxe même en ses tours rares, la gouverne d’un vocabulaire énorme.
C’est, au lieu du désintéressement absolu et de la probité artistique, la course à la réclame et aux récompenses monnayées.
Les environs, d’ailleurs, sont charmants, et nul endroit du monde ne fut si bien fait pour les rêves de l’absolu bonheur.
Du moins Voltaire semble-t-il avoir entrevu que les variations du goût littéraire se lient aux grands événements politiques, et aussi que dans une monarchie absolue la disparition du souverain est d’ordinaire le signal d’une réaction contre les idées et les pratiques du règne précédent.
C’était un critique, — un des maçons de cette Babel qu’on appelle la critique en France, — mais il n’avait pas de critique au fond, pas plus que la revue magazine à laquelle il appartenait, pas plus que les autres journaux d’une époque qui, si elle continue, sera tristement remarquable dans l’histoire par l’indigence des doctrines générales et des principes absolus.
Lorsque les Juifs sont supérieurs, ils le sont d’une manière absolue, comme les Anglaises, quand elles sont belles, sont absolument belles.
Saint-René Taillandier ne s’ajustait pas très bien par son genre de talent à la consigne absolue de la Revue des Deux-Mondes, « soyez gris et lourd !
Gautier est un esprit hardi, absolu, qui ne se donne pas à moitié.
Radical d’un radicalisme absolu, mais à l’antipode de toutes les idées de celui qui écrit ces lignes et qui est peut-être un radical aussi à sa façon, Ranc a commencé, comme la plupart d’entre nous, par le journalisme, cette improvisation au jour le jour qui est en train de tuer et de remplacer la littérature.
Avec une violence de mâle et une intuitivité de femme, il se précipite à l’Absolu. […] Ce groupe, resté si ferme en ses théories un peu absolues, entendait faire de l’art et voilà tout. […] Il faut quérir l’absolu avec l’être intégralement tendu vers toutes les directions. […] Oui, je prédis une époque lointaine où le pur Absolu descendra chez la Matière, pour à la longue s’y substituer, de par l’effort accumulé des poètes des siècles révolus. […] Et puis, on recourra fatalement à la science pour lui prendre, les uns le merveilleux qui leur manque, les autres un approximatif absolu.
C’est une masse inerte, qui, par le pouvoir qu’elle tire du poids et du nombre, est l’horreur de l’imagination, mais dont l’absolue stupidité nous interdit tout ce qui ressemblerait à, une parcelle d’estime. […] » Voilà ce qui inspirait à Renan une confiance absolue : « Nous autres, critiques et historiens, nous rendons en un sens un vrai jugement de Dieu22 ». […] Les écrivains excellents peuvent et doivent y entrer ; mais ce n’est point une nécessité absolue, et, d’autre part, les grandes situations, les relations mondaines, l’intrigue, ouvrent les portes de l’une et de l’autre autant, sinon plus, que le talent. […] William Hamilton a établi que l’esprit humain ne pouvant, de par sa nature, rien concevoir que de limité et de conditionnel, la prétendue conception de l’absolu et de l’infini équivaut à supprimer et à anéantir les conditions mêmes du concevable. […] Mais ce qui est étrange, c’est qu’on n’ait pas toujours bien compris l’absolue nécessité d’écrire admirablement sur les sujets qui ne sont point de pure science ; cette nécessité vient de ce que la matière ici n’existe pas par elle-même.
Le Moi créateur est le moi réel, individuel, personnel, et non le noumène absolu du grand poète kantien. […] Un fait également certain est l’absolue différence du langage musical employé par ces premiers artistes, et de notre langage moderne. […] Il faut donc admettre, à l’origine, un état d’homogénéité absolue. […] Renan — dans la valeur absolue de la raison humaine. […] Elle était désormais sous le pouvoir absolu de celui qu’elle avait détesté.
Entendez-le par sagesse, si vous voulez ; mais non vraiment par faculté de concevoir l’absolu ; car voyez la suite. […] Voilà un art qui n’a pas l’air de procéder par l’absolu et par les idées innées. […] Ils demandent des réformes et ils les attendent de la royauté absolue. […] Donc si je commets un acte de pitié, je fais mille mécontents et un ingrat ; le peuple, comme l’enfant, ne comprenant que la justice absolue. […] Elles étaient un peu étroites, mais elles étaient précises et d’une netteté absolue.
Si la parole intérieure n’avait pas déjà, dans l’état psychique normal, une sorte de vie propre, si la parole intérieure et la pensée ne formaient pas dans l’âme deux groupes d’habitudes bien distincts (distincts moins encore par la matière, car la pensée comprend des images sonores, que par la forme, qui est ici l’intensité), en d’autres termes, si chaque mot n’était pas par certains côtés moins intimement associé à son idée qu’aux autres mots, c’est-à-dire à ceux de ses antécédents et conséquents habituels auxquels il ressemble et dont les lois sont les siennes, la dissociation absolue du langage et de la pensée qui caractérise les états anormaux tels que le sommeil et la distraction serait un mystère impénétrable ; on comprend qu’elle soit possible lorsqu’on s’est rendu compte des vrais rapports qui, durant l’état de veille normal, unissent le langage et la pensée. […] En définitive, le signe est toujours l’état le plus intense d’un groupe donné ; quelles que soient, envisagées d’une manière absolue, les intensités des deux termes qui s’opposent, plus leur différence est frappante, plus est évident le rôle significatif du terme le plus intense. […] IY, § 7] est un fait universel ; mais cette universalité n’est pas la preuve d’une absolue nécessité ; pour l’expliquer, il suffit de prouver, — ce que nous pensons avoir fait, — qu’il est à la fois naturel et commode à la pensée de partager la masse des images qui la composent en deux séries parallèles, les images les plus vives étant chargées de représenter les autres ; en se constituant ainsi, la pensée n’obéit pas à une inéluctable fatalité, de nature immanente ou transcendante, mais à un instinct juste, à une loi vaguement pressentie de bonne économie domestique : parcourant plus vite la masse toujours croissante des images qui constituent son expérience, elle ménage ses forces sans diminuer sa production ; elle produit avec le minimum de peine le maximum de travail ; c’est la même tendance qui, manifestée dans le langage extérieur, a été appelée par les linguistes modernes la loi du moindre effort. […] N’exagérons rien : l’effacement des images-idées n’est favorable à la pensée que dans la mesure où il est indispensable à sa généralisation ; si les images parasites introduites par la métaphore ont été totalement anéanties, si les caractères individuels ont été affaiblis au profit des caractères généraux, et si, parmi les caractères généraux, ceux qui se trouvaient primitivement plus vifs que les autres ont été destitués d’un privilège immérité [§ 3 et A], l’idée générale, purifiée par ces trois effets de l’habitude négative, et parvenue à un état, malheureusement trop instable, de perfection absolue, n’a plus rien à attendre de l’habitude ; tout au contraire, il faut désormais qu’à chaque remémoration l’attention s’arrête un instant sur elle et la ravive ; sinon, elle s’affaiblit encore, et, lorsqu’elle a atteint un certain degré de faiblesse, elle ne saurait plus être ravivée par la réflexion ; alors, étant à la fois très homogène et très effacée, elle résiste à l’analyse, à la définition ; on s’entend encore soi-même, mais on ne saurait plus s’expliquer et traduire sa pensée dans un nouveau langage ; en même temps, les éléments caractéristiques de l’idée n’étant plus distincts, ses rapports logiques avec les idées voisines ne peuvent plus être nettement aperçus ; une idée trop effacée peut faire encore bonne figure dans un lieu commun ou dans une période oratoire ; elle ne saurait entrer sans inconvénient dans un jugement original ou dans un raisonnement quelque peu subtil et serré. […] Le psychologue qui scrute l’inconscient doit s’efforcer de faire cette distinction — ce n’est pas chose facile — et, s’il y parvient, ne retenir dans son domaine, du moins dans son premier et principal domaine, que l’inconscient psychologique, qui seul est vraiment psychique. — Mais, si la psychologie ne saurait être renfermée dans les limites étroites de l’observation qui lui est propre, elle ne peut non plus être bornée à l’étude de la succession consciente ; en effet, si l’hypothèse est nécessaire et légitime pour lui permettre d’embrasser tout son objet, la même méthode ne peut être condamnée quand on l’emploie à dépasser ce même objet pour trouver dans l’inconscience absolue les conditions, exprimées en termes psychiques, des faits compris dans la succession consciente.
Le poète évoque tous les souvenirs de la grandeur romaine pour encourager le tribun, maître absolu de Rome, aux plus hardies entreprises. […] En signalant les défauts de ces œuvres ingénieuses, personne ne craint plus d’être accusé de vouloir rétablir la théocratie ou la monarchie absolue. […] Il écrase le lecteur sous une avalanche de vers anglais, et ne paraît pas prévoir l’inutilité absolue de son érudition, du moins pour la peinture. […] Est-ce en effet au nom de la mérité absolue qu’on prétend louer comme souverainement belle, comme souverainement utile, cette langue que les badauds prennent pour le patois berrichon ? […] Augier impose au poète l’obligation absolue d’engager entre le mari et l’amant une lutte animée, une lutte sincère, qui ne ressemble pas à un badinage.
Les détails d’érudition inévitables dans un pareil livre entravent la pensée de l’auteur, et entremêlent désagréablement la vérité relative et la vérité absolue. […] Elle ne poursuivra pas l’indépendance absolue ; car, sans avoir mesuré les forces de l’ennemi qu’elle aurait à combattre, elle entrevoit dans la lutte des tortures mortelles. […] Sa défiance n’a plus de bornes, et la loi musulmane, la réclusion absolue lui semble seule une garantie acceptable pour l’honneur de son front. […] Il paraît qu’à cette époque un roi absolu n’était pas obéi aussi bien qu’un préfet de police de nos jours. […] Ce n’est pas ainsi que se conduisent les rois absolus.
On la lit, on l’écoute, on l’applaudit, mais on ne la croit pas ; et il en résulte pour elle un défaut absolu d’influence et d’action, tant sur les jugements du public que sur les tendances littéraires. […] À force de se plonger en lui, de renier et d’anéantir tout ce qui n’est pas à son image, elle finira par se croire, non plus une émanation, mais une partie intégrante, essentielle, absolue, de la Divinité. […] dirons-nous à notre tour, si votre défaut absolu de clairvoyance et d’esprit critique n’est pas une de vos poésies ? […] Richelieu et Mazarin ont marqué et sauvé le difficile passage entre la monarchie féodale et cette monarchie absolue, destinée, hélas ! […] Son fidèle domestique La Porte venait d’être jeté à la Bastille, et, malgré un commencement de torture, s’était renfermé dans des dénégations absolues.
L’Église prétend posséder la vérité : en dehors d’elle, il n’y a qu’erreurs, mauvais errements, folie et sacrilège ; les sciences humaines, relatives, se voulant telles, s’étayant les unes les autres, ne peuvent se poser en antagonistes de son enseignement puisqu’elle est l’Absolu ; l’Absolu ne saurait pactiser avec l’Évolution… Il y a une grandeur singulière mais terriblement néfaste dans ces affirmations. […] … La science ne peut faire banqueroute car elle ne promet pas l’absolu, elle qui est simplement la conquête successive de la vérité… Elle demeure la seule vérité possible pour les cerveaux équilibrés et sains. […] Rebell est dans l’impossibilité absolue de comprendre Ravachol ; il est également tout à fait incapable de se hausser à une conception de la vie qui lui permette d’envisager ses phénomènes selon la part de philosophie sociale qu’ils comportent. […] Le Blond se réclame d’une esthétique qui, en effet, n’a rien de commun avec celle professée par la plupart de ses aînés, il a le droit absolu de la proclamer envers et contre tous. […] Puis, au-dessous, je vis une plaque indicatrice qui portait une flèche et ces mots : chemin de l’Absolu .
Le crédit des mères des rois de Perse est grand, tandis qu’ils sont en bas âge, et la mère d’Abas II en avait aussi un fort grand, et qui était des plus absolus. […] » Les médecins allèrent donc rendre visite au premier ministre ; et, sous prétexte de lui donner avis de la mort du roi et de lui déclarer la qualité des deux derniers médicaments qu’ils lui avaient fait prendre, ils entrèrent dans des matières plus importantes: ils parlèrent de l’élection, et lui remontrèrent que lui et tous les grands du conseil avaient bien sujet de prendre garde à eux ; que le prince, quelques moments avant sa mort, s’était plaint à haute voix que ses ministres lui avaient fait donner du poison ; mais qu’il laissait un fils qui leur mangerait le cœur ; que ces paroles ni ces plaintes ne pouvaient demeurer cachées au successeur ; que si l’on donnait la couronne à l’aîné, qui était déjà dans un âge assez avancé pour se rendre indépendant, et qui d’ailleurs avait l’esprit fort fier, il ne manquerait jamais de se servir de ce prétexte pour se défaire de tous les grands et de tous les ministres, dans la pensée de se rendre absolu par ce moyen et se mettre en état de faire de nouvelles créatures, vu principalement qu’il devait se ressentir du mauvais traitement que son père lui avait fait depuis deux ans, qu’il attribuerait toujours au conseil de ses ministres. […] » Surtout le reproche d’empoisonnement les mettait à la gêne ; car, bien que peut-être ils en fussent innocents, le soupçon en était si plausible, que cette accusation, toute fausse qu’elle était à leur égard, ne leur présentait pas une image de mort moins horrible que si elle eût été véritable, lorsque le prince qui succéderait à l’empire voudrait l’appuyer ; qu’au contraire, si l’on élisait le puîné, ils se maintiendraient sans peine dans le poste glorieux que leurs charges leur donnaient ; qu’ils auraient le loisir d’élever leurs familles et de faire des créatures ; qu’ils gouverneraient avec un pouvoir presque absolu, sous un enfant, un des plus grands empires de l’univers. […] Le véritable sujet qui vous y porte, si vous voulez que je vous le dise, encore que vous le sachiez aussi bien que moi, c’est le désir que vous avez de gouverner la Perse, et longtemps et à votre gré ; c’est pour cela que vous voulez élire un enfant, sous la minorité duquel tout vous sera permis, et vous pourrez exercer une puissance absolue: car ce que l’on allègue du prince aîné, que sans doute il est privé de la vie ou de la vue, ne peut passer pour autre chose que pour une pure illusion.
quoi, pensent-ils, l’hérédité, l’éducation et l’habitude avaient enraciné au fond de notre être des croyances prétendues vivaces, une foi que nous pensions immuable, des vérités que nous présumions absolues ! […] Ils ont voulu la perfection de la forme, l’absolu, poursuivant les répétitions de mots jusqu’à cent lignes de distance, déclarant la guerre aux lettres elles-mêmes, pour qu’elles ne reviennent pas trop souvent dans une page… » Telle est l’opinion du Poète, et vous ne vous étonnerez plus désormais s’il s’attache moins à la menue grâce des détails qu’à son plan d’ensemble, à la construction architectonique de l’ouvrage. […] Oui, vous êtes la fleur insolente et abominable de cette Bourgeoisie qui, au travers des empires, des monarchies et des républiques, mène le peuple avec des mots quand, ignorant et aveugle, il est sage, avec du plomb quand, instruit et clairvoyant, il bouge ; cette Bourgeoisie qui a assassiné les princesses légitimes, Liberté, Fraternité, Justice, pour mettre à leur place et saluer de leurs noms sacrés on ne sait plus quelles immondes courtisanes, vieilles et fardées… oui, nous la démasquons en vous, cette Bourgeoisie exécrée, et elle s’offre ainsi à nos yeux avec une de ses caractéristiques les plus importantes, sa volonté d’ignorer la souffrance humaine hors de ses accidents particuliers, et ses pratiques égoïstes de charité individuelle inspirées par la crainte de la révolution ou de l’enfer, par le désir du paradis ou d’un siège à la Chambre, de popularité ou de gloire, par besoin d’excuse pour certaines faiblesses devant sa propre conscience ; elle s’offre à nous avec sa terreur de la justice absolue, de l’égalité absolue, proclamées il y a dix-huit cents ans par le Christ, il y a plus de cent ans par la France, et aujourd’hui dans le monde entier par tout ce qui a un cerveau et un cœur, justice et égalité qui ne seront d’ailleurs une loi sociale universellement acceptée que le jour où, les frontières disparues, les possédants n’auront plus l’excuse de la Patrie à défendre pour entretenir des armées qui ruinent les peuples et qui, aux jours où ils se lèvent pour sauvegarder leurs libertés menacées, les massacrent.
On a ainsi, non l’absolue inconscience, mais le retour de la conscience à l’état presque « monoïdéique ». […] Nous trouvons en effet, de nos jours, à côté de ceux qui admettent l’inconscience absolue, d’autres psychologues portés à admettre dans un même individu trop de consciences et de personnalités. […] Quand les notes principales redeviennent conscientes, leur intensité relative rend imperceptibles les notes harmoniques, qui rentrent alors dans une subconscience mal à propos confondue avec une absolue inconscience. […] Les recherches récentes de la psychologie confirment cette doctrine, chassent de plus en plus l’inconscience absolue du domaine de la vie.
Elle se demandera si la raison étroite et relative de l’artiste doit avoir gain de cause sur la raison infinie, absolue, du créateur ; si c’est à l’homme à rectifier Dieu ; si une nature mutilée en sera plus belle ; si l’art a le droit de dédoubler, pour ainsi dire, l’homme, la vie, la création ; si chaque chose marchera mieux quand on lui aura ôté son muscle et son ressort ; si, enfin, c’est le moyen d’être harmonieux que d’être incomplet. […] C’est que le beau, à parler humainement, n’est que la forme considérée dans son rapport le plus simple, dans sa symétrie la plus absolue, dans son harmonie la plus intime avec notre organisation. […] La vérité de l’art ne saurait jamais être, ainsi que l’ont dit plusieurs, la réalité absolue. […] Supposons en effet un de ces promoteurs irréfléchis de la nature absolue, de la nature vue hors de l’art, à la représentation d’une pièce romantique, du Cid, par exemple. — Qu’est cela ?
On y comptait Chateaubriand, encore invisible, mais qui mûrissait son génie dans un grenier de Londres ; M. de Talleyrand, puissance d’esprit qui laissait passer l’orage en Amérique pour revenir au premier vent maniable dans sa patrie ; le comte de Maistre alors en Russie, qui se posait, dans ses Considérations sur la Révolution française, en confident intime de la Providence, et qui prophétisait à coup sûr la ruine à une Convention qui s’entretuait ; Mme de Staël, à Coppet ; Mallet du Pan, écrivain de combat, à Bâle ; Rivarol, épigrammatiste éblouissant, à Hambourg ; M. de Fontanes, à Genève ; M. de Bonald, gentilhomme philosophe du Rouergue, menant à pied ses petits-enfants par la main sur les grandes routes de la Hollande, et méditant sa Législation primitive, théocratie biblique et absolue inventée en haine et en vengeance de notre terrorisme. […] De ce nombre privilégié était lord Byron, dont la beauté absolue, dans les limites d’une beauté créée, n’a jamais pu être saisie ni par le pinceau ni par le ciseau de l’artiste. […] Elle me parla de ma mère, qu’elle avait connue à la cour dans son enfance ; de mes vers, qui révélaient, disait-elle, une fibre malade dans un cœur sain ; du danger de la solitude absolue à mon âge, qui fausse ou qui aigrit les impressions, ces sens du génie ; du bonheur qu’elle aurait à remplacer pour moi ma famille éloignée et à m’introduire dans la sienne comme un enfant de plus parmi les charmants enfants dont la Providence avait orné son foyer et consolé ses vieux jours. […] Mais quand l’absolue nécessité de parler l’avait fait surmonter cette horreur sacrée du trépied qui écarte si souvent de la tribune le véritable orateur lyrique, c’était alors un spectacle qu’aucun drame de scène ou de cirque ne peut égaler.
La sélection naturelle ne saurait produire la perfection absolue ; et, autant que j’en puis juger, je ne crois pas non plus qu’on puisse la rencontrer dans la nature. […] Mais la sélection naturelle ne saurait nécessairement produire la perfection absolue ; et, autant que nous en pouvons juger avec nos facultés bornées, cette perfection absolue ne se trouve en effet nulle part. […] Cependant si le règne de sa postérité fut absolu, il fut court ; car elle dut céder rapidement à des êtres mieux adaptés à un milieu atmosphérique.
L’ami intime de Tacite lui-même, Pline le Jeune, n’était pas d’un avis si absolu ; car il a dit que l’histoire, écrite n’importe comment (quoquo modo scripta) lui plaisait.
Est-ce le laisser aller absolu, l’individualisme sans limite qui est le meilleur régime ?
D’ailleurs sous une monarchie absolue, on pouvait, comme Rousseau l’a fait dans le Contrat social, vanter sans danger la démocratie pure ; mais on n’aurait point osé approcher des idées plus vraisemblables.
En étant conséquente au système sur lequel cet ouvrage est fondé, au système qui considère la liberté absolue de l’être moral comme son premier bien, j’ai dû préférer et indiquer comme le meilleur et le plus sûr des préservatifs contre le malheur, les divers moyens dont on va voir le développement.
Considérant toutes les œuvres de toutes les littératures comme les objets égaux d’une curiosité indifférente, elle s’interdit tout jugement d’appréciation sur la valeur absolue et même relative des œuvres et des littératures, et se borne à noter leurs caractères spéciaux.
Il meurt en 1564 ; ce fut un homme de vie pure, de grand esprit, d’une sincérité absolue, qui, s’unissant à sa logique, le fit dur.
Dans les Sites et dans Épisodes, cette lutte intime entre des instincts opposés se trahit plus nettement que dans les œuvres postérieures où la maîtrise technique est absolue.
Il y a une discordance absolue entre les rats et les grenouilles, tandis qu’un intime rapport de noblesse et de grandeur existe entre Achille et Hector.
Mais la retraite et la solitude absolue sont deux choses bien différentes.
Je suis étonné qu’un écrivain si supérieur ait affecté dans quelques endroits un langage scientifique dont il aurait pu se passer, et qui n’a qu’un air d’étalage ; comme quand il dit que l’homme de la nature est une unité absolue, et que celui de la société est une unité fractionnaire qui tient au dénominateur ; et tout cela pour dire que l’homme isolé est un tout, et que celui de la société n’est que la partie d’un tout.
Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire.
Dans ces lettres, vous ne trouvez rien d’absolu, de péremptoire, de dominateur.
Du temps de Pélisson, dans cette société où l’on vivait sous le despotisme d’une politesse plus absolue que Louis XIV, toute critique franche, directe et à fond de train, ressemblait à une grossièreté, et personne ne se la permettait.
Prenez, en effet, les événements, les péripéties, les grands chocs, les causes mystérieuses ou visibles, absolues ou secondaires, les empêchements, les choses, comme disent les esprits vagues, la fatalité des circonstances, comme disent les esprits hébétés, les idées, enfin, comme répètent à leur tour les mystiques brouillons d’un panthéisme confus, c’est-à-dire prenez tout ce qui constitue l’Histoire, et cherchez résolument si tout cela cache rien de plus, sous un mouvement gigantesque ou une ruine immense, que la toute petite créature qui s’appelle l’homme, que cette vieillerie du cœur humain dont le programme est toujours à reprendre et qu’on ne connaît jamais assez !
Dépendant également de la Raison et de l’imagination, l’Histoire tombe alternativement sous la seule et absolue domination de l’une ou de l’autre, tantôt fiction, tantôt théorie, souvent toutes les deux. » Nous en demandons bien pardon à Macaulay, mais si la difficulté de la composition historique ne venait que de l’accord qu’il faut savoir établir entre l’imagination et la Raison, elle ne serait que celle de tous les genres de composition littéraire, qui n’existent pas plus que l’Histoire sans la fusion harmonieuse de ces deux grandes facultés.
Esprit absolu, qui n’avait pas écrit pour rien sa grande Histoire des Jésuites, et qui devait appliquer à son parti le noble mot de Laurent Ricci : Sint ut sunt, aut non sint !
Ils sont bien, comme tous les sermons des prêtres chrétiens, depuis saint Paul jusqu’à saint Ambroise, et depuis saint Ambroise jusqu’à Bourdaloue et Bossuet, la vérité de Jésus-Christ dans toutes ses portées pour le cœur et pour l’esprit, la vérité avec son caractère absolu et universel ; mais ils ont cependant quelque chose de différent aussi et qui n’est pas seulement une question de talent, d’originalité et de forme.
Ce livre, dont le titre étreint dans l’esprit et précise la question davantage (Assistance comparée dans l’ère païenne et l’ère chrétienne), n’a pas seulement, comme nous le disions plus haut, sa valeur individuelle et littéraire, mais il a la valeur générale, impersonnelle, absolue, de la vérité.
Il n’a fallu rien moins, pour m’apaiser, que la supériorité absolue du Mémoire (car c’en est un) de Barthélemy Saint-Hilaire ; de ce chef-d’œuvre de critique impartiale, juste et presque généreuse, dont le double caractère est d’augmenter, par la manière dont il les expose et par le parti qu’il en tire, le désir de lire ces histoires, et de pouvoir en dispenser.
Il marche intrépidement sur ce nuage, avec la confiance d’un homme qui compte sur le miracle d’une science absolue.
Règle générale et absolue, nos œuvres ont toujours l’âge que nous avons quand nous les lançons dans le public.
Mürger pendant sa vie, et qui, maintenant qu’il n’est plus là pour les entendre, ne voudront peut-être pas qu’on en parle, si l’on en dit un bien absolu ?
Le xixe siècle, que j’aurai l’insolence réfléchie d’appeler, malgré les positivismes qu’il invente et les prétentions qu’il affecte, le siècle du scepticisme absolu, du touche-à-tout philosophique, — et de l’écroulement de tout sous ses mains toucheuses, — n’a pas la cuirasse d’une seule conviction à lacer sur le sein nu et délicat de ses poètes… et Heine en a fait l’expérience.
D’après ces principes, la grande péninsule située à l’orient de la Grèce conserva le nom d’Asie Mineure, après que le nom d’Asie eut passé à cette vaste partie orientale du monde, que nous appelons ainsi dans un sens absolu.
Les pères de famille avaient un droit souverain de vie et de mort sur leurs fils, et la propriété absolue de leurs acquêts.
Massis, n’a jamais rien fait que de pratiquer le subjectivisme le plus absolu et s’abandonner à l’impressionnisme et à la fantaisie de sa nature mobile. […] La coupure n’a d’ailleurs rien d’absolu. […] Mais par-delà cette chaleur il aperçoit le foyer, par-delà l’énergie sociale, l’énergie absolue qui coïncide avec la mystique. […] Depuis l’article de Sainte-Beuve en 1834 sur la Recherche de l’Absolu, il donne un tableau vivant des variations de la critique. […] J’avoue, disait-il, mon incompétence sur toute autre chose que l’absolu.
L’éducation du harem, ce pourrissoir des dynasties de l’Asie, donna en lui son type absolu. […] car tu n’es qu’un fleuve perfide d’eau salée. » Ce supplice follement puéril, infligé à un élément, n’a rien qui étonne dans un monarque aussi terriblement absolu que l’était Xerxès. […] L’empire moitié phénicien et babylonien de Xerxès représentait déjà tous les vices et toutes les fatalités de l’Orient : l’idolâtrie monarchique, le despotisme absolu, les superstitions délirantes, la haine des mouvements de l’idée et des transformations de l’esprit.
Or, l’exercice de la spéculation intellectuelle, quand elle n’est pas bornée à un champ restreint des sciences, et s’exerce librement dans le pur domaine du rationnel, conduit à deux résultats antagonistes : d’une part elle renseigne sur l’univers : de généralisation en généralisation, celui qu’enthousiasme la passion des causes, est emporté hors de sa ville, de sa nation, de ses semblables, du globe, du temps et de l’espace, tournoie à une absolue hauteur, de laquelle l’humanité semble l’imperceptible grouillement d’un peu de moisissure apparue un instant au cours de l’évolution d’une particule de nébuleuse. […] Il me semble que l’explication de cette anomalie est dans la grandeur même des génies qui la montrent : Le génie le plus haut, dit Edgar Poe dans ses Marginalia le génie que tous les hommes reconnaissent à l’instant, qui s’impose aux individus et aux niasses par une sorte de magnétisme incompréhensible mais irrésistible et irrésisté, le génie qui se révèle par le geste le plus simple, par rien, qui parle sans voix, qui brille dans les yeux avant qu’ils ne regardent, résulte d’une puissance mentale également répartie, disposée en un état de proportion absolue, de façon qu’aucune faculté n’ait de prédominance illégitime. […] Il faut donc croire que l’esthétique artificieuse et calculée, l’originalité d’invention, les émotions accouplées d’horreur et de curiosité, la prédominance absolue de l’élément intellectuel et déductif sur tout le reste de l’esprit qui caractérisent Poe et ses semblables, sont aussi marqués chez l’élite de nos écrivains, que contraires au tempérament moyen du lecteur français de 1850 à 1887.
Les génies I Le grand Art, à employer ce mot dans son sens absolu, c’est la région des Égaux. […] Dante incarne tout le surnaturalisme, Shakespeare incarne toute la nature ; et comme ces deux régions, nature et surnaturalisme, qui nous apparaissent si diverses, sont dans l’absolu la même unité, Dante et Shakespeare, si dissemblables pourtant, se mêlent par les bords et adhèrent par le fond ; il y a de l’homme dans Alighieri, et du fantôme dans Shakespeare. […] Chacun d’eux représente toute la somme d’absolu réalisable à l’homme.
Il est probable que les rudes et barbares populations qu’ils dépossédèrent furent de même : les peuples primitifs, en général, sont fort peu absorbés, comme le voudrait la théorie de Cousin, dans la contemplation de l’infini et de l’unité absolue. […] Pourtant ce n’est là qu’un côté de la vérité, et toujours il faut mettre en regard cette vérité corrélative que l’influence des causes externes sur l’homme n’est jamais absolue, qu’elle peut être avantageuse ou nuisible selon le degré de savoir et surtout d’énergie morale de ceux qui la subissent. […] Non, car la loi ainsi comprise s’impose avec une absolue nécessité aux phénomènes qu’elle gouverne.
Car, n’allons pas reprocher à ces libres fictions qu’elle nomme romans, pour “faire comme tout le monde”, leur étrangeté, leur invraisemblance, leur “à-priorisme” absolu. […] Ils ont un charme de vieillesse mélancolique, la grâce fanée des anciennes étoffes, l’attrait d’une masure perdue et dont les toiles brillent à la rosée, dans un massif lointain de platanes et de cèdres… Leur lyrisme hésitant et vif tout ensemble, leur mélange d’ingénuité et de réalisme, leur manque absolu de mesure et de goût leur ont valu une vogue éphémère. […] C’est une confession qu’on devine absolue et sans retour, parce qu’on sent que l’auteur s’y intéresse.
Ondine l’a été gravement : elle est si frêle que je passe une vie d’anxiété avec cette chère créature, à qui il faudrait le repos le plus absolu. […] Mme Valmore soigna elle-même sa fille mourante à Passy, et pendant de longues semaines, elle fut en présence d’un dépérissement étrange, muet, bizarre, d’un besoin obstiné de solitude, d’une sorte de terreur contenue et fermée à toute espérance, à toute lueur distrayante : « (À Mme Derains, 4 octobre 1852)… Il m’est impossible, dans la sincérité de mon cœur, de veus dire quoi que ce soit d’absolu sur l’état de ce que j’aime.
Une surdité absolue ne lui permettait, vers la fin, de communiquer avec le monde que par écrit. […] L’état de surdité absolue du poète lui interdisait d’aller rendre en personne ses devoirs à Madame Marguerite, au moment du départ de la princesse, et la lettre est pour s’en excuser ; cette prose émue se rejoint naturellement à ses vers, et le tout constitue pour nous la partie vivante et sympathique de l’œuvre de Du Bellay : « Monsieur et frère, ne m’ayant comme vous savez permis mon indisposition de pouvoir faire la révérence à Madame de Savoie depuis la mort du feu roi, que Dieu absolve !
Cet orgueil sans limite s’accompagnait d’un manque absolu de volonté : effet, ou cause, ou l’un et l’autre. […] Chateaubriand, dès l’enfance, trouva dans le rêve d’immédiates et d’absolues jouissances, des conquêtes faciles et complètes ; il se lit un monde en idée, et se sentit maître du monde.
Capoulié du Félibrige Bernard, Valère (1860-1936) Il m’est difficile de répondre à votre première question, ne m’occupant exclusivement que de littérature provençale, et étant arrivé à la conviction absolue — par de longues observations — que ce que vous appelez l’esprit français, dans le sens particulier que vous paraissez donner à ce terme, n’existe nulle part en France, hors de Paris, sauf dans des milieux littéraires — et, partant, artificiels. […] [Conclusion] Le Temps (du 8 avril) a publié, à propos de notre questionnaire, un article, dont nous détachons ce passage : Si l’égalité absolue, géométrique implique la suppression des humanités et de bien d’autres choses encore, cet égalitarisme outrancier n’est pas nécessairement contenu dans l’idée d’une démocratie, parce qu’une démocratie qui veut vivre doit, comme tout autre régime, se plier aux conditions de la vie.
Ces fictions de rois, de patrices, d’empereurs, de Césars, d’Augustes, transportées en pleine barbarie, ces légendes de Brut, de Francus, cette opinion que toute autorité doit remonter à l’Empire romain comme toute haute noblesse à Troie, cette manière d’envisager le droit romain comme le droit absolu, le savoir grec comme le savoir absolu, d’où venaient-elles, si ce n’est du grossier à-peu-près auquel on était réduit sur l’antiquité, du jour demi-fantastique sous lequel on voyait ce vieux monde, auquel on aspirait à se rattacher ?
L’affirmation que tout est d’une même couleur dans le monde, qu’il n’y a pas de surnaturel particulier ni de révélation momentanée, s’imposa d’une façon absolue à notre esprit. […] L’infinie bonté que j’ai rencontrée en ce monde m’inspire la conviction que l’éternité est remplie par une bonté non moindre en qui j’ai une confiance absolue.
Les souffrances d’Amfortas, emplissent le premier acte ; et le second acte c’est la lutte de ces deux contraires, le désir et le renoncement ; puis, le triomphe, total et absolu, du Pur et Fol. […] Il commence par cette phrase qui, depuis, fait figure de référence absolue : « on va à Bayreuth comme on veut, à pied, à cheval, en voiture, à bicyclette, en chemin de fer, et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux.
Sans doute nous ne pouvons penser un objet, sans le faire rentrer sous les lois de la nature, sous les conditions de notre pensée ; mais il est tout différent de dire : « Je ne puis concevoir les choses autrement, donc elles ne peuvent exister autrement. » L’idéalisme assume ici que la connaissance humaine est absolue, non relative ; que l’homme est la mesure de toute chose. […] L’argumentation, par laquelle l’idéalisme veut ébranler cette croyance, est viciée par l’assomption que notre connaissance est le critérium de l’existence : c’est lui conférer une valeur absolue qu’elle n’a pas.
Je m’attacherai avant tout à montrer l’homme et à bien dessiner cette forme d’esprit, l’une des plus hautes et des plus absolues qui soient sorties des mains de la nature. […] Celle-ci en effet fut toujours en défaveur auprès de cet esprit absolu qui visait à tout tirer de la raison.
Celle-ci, qui se donne comme but absolu, est reléguée à n’être qu’un moyen. […] Or, on va voir que sous le masque de l’idée générale, l’idée humanitaire telle qu’elle est conçue par la nation anglaise, cache une attitude d’utilité purement anglaise, qui, appliquée en d’autres pays à la manière d’une vérité absolue, est pour ceux-ci une cause d’affaiblissement, alors qu’elle n’est ici rien d’autre qu’un expédient utile.
En nous la montrant partout, la science ne fait que remplacer la beauté toute relative des anciennes conceptions par une beauté nouvelle, plus rapprochée de la vérité finale, de ce que les astronomes appellent le ciel absolu. […] Tiraillé entre ceux qui croient et ceux qui nient, ne pouvant trouver de motif d’absolue certitude, ni se résigner, ne fût-ce qu’un instant, à penser que l’espérance pourrait être vaine, son premier mouvement est de recourir à l’oubli, sa première pensée est de s’étourdir toujours, mais il ne le peut : Je voudrais vivre, aimer, m’accoutumer aux hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le théâtre est l’Église du diable Voilà comment tiennent, l’une à l’autre, ces œuvres fameuses de la comédie ; un lien secret réunit à Molière, au maître absolu de ce grand art, toutes les comédies qui ont été faites après lui, et de même que Longin appelait le théâtre d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle : le Relief des Festins d’Homère , on pourrait appeler les comédies qui ont suivi L’Avare, Les Femmes savantes, Le Misanthrope et L’École des femmes, le relief des soupers de de la petite maison d’Auteuil. […] Le Malade imaginaire est complètement un imbécile, sans une ombre de goût et d’esprit, en dehors de sa maladie ; le Bourgeois gentilhomme, autre victime : on ne lui laisse pas même assez de bon sens pour se conduire, au-delà de sa passion d’être et de paraître. — Tout ou rien, voilà la comédie ; ou la honte absolue, ou la gloire sans tache !
A l’appui de cette dernière affirmation, nous citerons l’observation suivante, déjà préjugée plus haut, mais sur laquelle il est bon de revenir et d’insister : La parole intérieure calme, écho d’un écho, n’a point elle-même d’écho ; elle ne saurait être plus basse, plus évanouie que nous ne l’avons décrite ; entre l’intensité de la parole intérieure dans la rêverie la plus tranquille, dans l’ennui entrecoupé de bâillements, et le silence intérieur absolu, nous pouvons concevoir un milieu ; mais ce milieu est une pure conception mathématique de notre entendement, et notre imagination, c’est-à-dire notre souvenir, se refuse à la confirmer par les moyens qui lui sont propres. […] La parole intérieure fait partie d’un genre dont l’hallucination est également une espèce ; distinguées séparément et sous deux points de vue différents, ces deux espèces se confondent dans une partie de leur extension ; non que la parole intérieure vive soit une véritable hallucination, car le jugement d’extériorité ne s’y applique pas d’une manière absolue et sans réserve [ch.
II Et comme elle est, la Philosophie, incapable de découvrir la vérité absolue, les philosophes sont tenus, pour être quelque chose, d’être au moins des originalités spirituelles. […] Mais c’est justement parce qu’il était empereur qu’il pouvait le faire sans danger… parce que l’opinion de l’empereur — de ce détenteur absolu du pouvoir suprême — pouvait tout sur un peuple sénile, corrompu et dégénéré, usé au frottement des tyrannies, comme était le peuple romain même quand ce détenteur du pouvoir suprême était un monstre, à plus forte raison quand il s’avisait d’être un sage !
Enfin, et c’est là le sens de la légère étude que je voudrais faire, il est à mes yeux l’un des plus frappants exemples du courage et de l’effort qu’il a fallu à un homme entraîné dans sa jeunesse par la fureur de la dissipation et la fièvre du plaisir, pour se ravoir à temps et ressaisir possession de lui, pour devenir un esprit sérieux, conséquent, philosophique, un citoyen convaincu, ferme et inflexible, ayant réfléchi à toutes les grandes questions sociales et s’étant formé sur toutes une opinion radicale sans doute et absolue, mais qui, j’en suis certain, se rapproche fort de ce qui prévaudra dans l’avenir.
La centralisation administrative, qui certainement ajoute de la force à l’autre, mais aux dépens de la vie même de chacun des membres de la nation, existe en France plus absolue aujourd’hui que jamais, plus entière que sous Louis XIV, qui, tout en disant avec raison : l’État, c’est moi, le pouvait dire à titre de gouvernement bien plutôt qu’à titre d’administration.
La royauté est maîtresse absolue.
Il avait montré — avec une pénétration peut-être imprudente — que toutes les pièces de la tradition se tiennent, que l’on ne peut commencer à refuser soumission à l’Église sans aller jusqu’à l’incroyance absolue, que la négation, logiquement, doit gagner de dogme en dogme jusqu’à ce que rien du dogme ne subsiste, et que les seuls sociniens sont conséquents, qui sont arrivés à dépouiller la religion de tous les mystères.
Dès lors, les évocations inattendues d’un conteur bizarre sont bien moins sans doute les traductions fidèlement et aveuglément inscrites de cohérences inattingibles en leur mystère d’absolu que le dévidement d’un morceau de fil mental où les acquisitions de l’esprit adhèrent en chapelet, suivant des coagulations empiriques, en vertu d’associations de hasard, et de toute la bohème psychologique. — On ne reproche d’ailleurs pas au conteur de dire son chapelet, pourvu que les Aves soient jolis à regarder et d’un bruissement harmonieux. — Tel est assez le cas du Démon de l’Absurde.
» Bientôt, dans sa hardie révolte contre la nature, il devait aller plus loin encore, et nous le verrons foulant aux pieds tout ce qui est de l’homme, le sang, l’amour, la patrie, ne garder d’âme et de cœur que pour l’idée qui se présentait à lui comme la forme absolue du bien et du vrai.
Toutes les grandes choses de l’humanité ont été accomplies au nom de principes absolus.
Nous n’avons pas besoin de monter en quelque sorte sur notre propre tête pour contempler un horizon de « vérité infinie, de réalité absolue ».
Je ne rappelle ce temps de notre histoire que pour avoir occasion de faire remarquer que nous étions loin d’être placés sous un gouvernement despotique, à l’époque même où ce gouvernement fut le plus absolu.