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2849. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

De loin, à nous humbles esprits, il nous semble que, malgré tout, la partie n’est point perdue pour la cause des Lettres honnêtes et sévères, et que ce drapeau si bruyamment déployé par des spéculateurs intrépides peut au contraire servir de signal à tous les esprits modérés et sains, à tous les talents restés sérieux et dignes, pour s’unir, se serrer en groupe, et pour résister à un coup de main qui tend à changer ainsi de fond en comble le régime et les conditions vraies de la littérature.

2850. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

Nous étions rangés en deux camps, qui s’appelaient voltairiens et athées avec le même esprit de charité que les jeunes gens de l’autre révolution s’appelaient classiques et romantiques. […] Je crois reconnaître, même dans le sérieux, l’homme d’esprit qui a fait l’espièglerie de Louise Labé.

2851. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Son esprit ferme et sagace lui révéla tout d’abord qu’en fait de sciences historiques, c’était là qu’il y avait le plus de travail utile à dépenser, le plus de vrai à découvrir. […] On sentait, derrière sa modestie, les qualités essentielles du savant, la droiture et l’indépendance du caractère, la sincérité absolue de l’esprit.

2852. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Quelques écrivains ont fait honneur à l’influence d’Anne d’Autriche et à l’esprit espagnol apporté par elle en France, du premier essor de Corneille. […] Nous y voyons Malherbe, honoré, fêté, chéri, y finir sa carrière ; le grand Corneille, distingué, encouragé, soutenu, y commencer la sienne ; et le sage, le vertueux, le sévère Montausier y fixer les vœux de la mère pour sa fille, et devenir maître de l’esprit et du cœur de Julie.

2853. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Benserade, esprit galant, y concourt avec Molière, l’un en poète du roi de France, autre en poète du roi jeune et galant. […] Chapelle est admis parmi eux comme homme d’esprit, comme bon convive, pour ajouter à leur attrait mutuel la joie et la gaîté qu’il portait partout avec lui.

2854. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Il n’est pas débarbouillé de tout eudémonisme et un peu de matérialisme biblique pèse toujours sur son esprit. […] Nous faisons volontiers le geste qui indique l’abrupt sentier et nous aimons fraternellement les rares esprits montés assez haut pour nous comprendre.

2855. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Liste des écrivains » pp. 547-563

[Jean-Baptiste-Joseph de Sahuguet d’Amarzit, Baron d’] 247 Esprit. […] [Esprit] 298 1.

2856. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Nous n’emploierons donc pas toutes nos armes ; nous n’abuserons pas de nos avantages, de peur de jeter, en pressant trop l’évidence, les ennemis du christianisme dans l’obstination, dernier refuge de l’esprit de sophisme poussé à bout. […] Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant : « Enfin, au milieu de ses tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entrouvre d’elle-même, tout son esprit frémit ; et, par ce dernier effort, son âme s’arrache avec regret de ce corps de boue, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable193. » À ce tableau de l’homme impie dans la mort, joignez celui des choses du monde dans le néant.

2857. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

Mais connue on voit des hommes qui pratiquent la justice, la bienfaisance, la vertu, par le seul intérêt bien entendu, par l’esprit et le goût de l’ordre, sans en éprouver le délice et la volupté, il peut y avoir aussi du goût sans sensibilité, de même que de la sensibilité sans goût. […] De là tant de productions presque aussitôt oubliées qu’applaudies ; tant d’autres ou inaperçues ou dédaignées qui reçoivent du temps, du progrès de l’esprit et de l’art, d’une attention plus rassise, le tribut qu’elles méritaient.

2858. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

On soutenoit qu’il étoit facile de faire beaucoup mieux que lui, et que si l’on pouvoit trouver quelque chose de bon dans ses opera, il n’étoit pas permis, sous peine d’être réputé un esprit médiocre, d’en loüer trop l’auteur. […] Un homme d’esprit et d’une profession trop sérieuse pour être prévenu contre le mérite de la piece par un succès dont il n’aura point entendu parler, la lit sans préjugé, et il la trouve bonne.

2859. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Si chercher le paradoxe est d’un sophiste, le fuir, quand il est imposé par les faits, est d’un esprit sans courage ou sans foi dans la science. […] Qu’il ait toujours présent à l’esprit que les manières de penser auxquelles il est le plus fait sont plutôt contraires que favorables à l’étude scientifique des phénomènes sociaux et, par conséquent, qu’il se mette en garde contre ses premières impressions.

2860. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Or, la postérité est restée, à propos du Tableau de Paris, sous l’empire d’un mot cruel prononcé par un esprit séducteur : « C’est un livre — disait Rivarol — pensé dans la rue et écrit sur la borne », comme si la rue n’était pas un théâtre d’observation tout comme un autre, quand il s’agit des mœurs d’une grande ville, et même meilleur qu’un autre, quand il s’agit de ses monuments ! […] Échappant aux règles du goût par l’excentricité même de sa nature intellectuelle, — car c’est un excentrique que Mercier, et il a je ne sais quoi dans l’esprit qui rappelle la bizarrerie de certaines imaginations anglaises, — méconnaissant l’autre règle de la vie, plus importante que le goût, c’est-à-dire la religion, qui, en nous éclairant le cœur, fait monter la lumière jusqu’à la pensée, Mercier s’adapte exactement à l’époque qu’il a plutôt inventoriée que peinte.

2861. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

Honorons Taine, alors même que nous osons le blâmer, accompagnons de nos regrets et de notre vénération le dernier grand esprit que nous ayons eu dans la suite admirable de la pensée française. On se laisse aller par je ne sais quelle lâcheté de conversation, pour ne pas paraître dédaigneux, pour n’avoir pas à expliquer les bonnes raisons de son dédain (et puis aussi parce qu’on n’a pas le droit d’être sévère quand on a senti soi-même la difficulté de réaliser le moindre travail), on se laisse aller à traiter de grands esprits douze médiocres et vingt-six bêtas, et l’on chicanerait la gloire légitime de Taine !‌

2862. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

» — Votre esprit N’a-t-il pas trompé votre oreille ? […] Le plus léger des houzards romantiques, M. de Stendhal, poussait des pointes en divers sens ; des esprits studieux et libres, comme M. […] En même temps que l’auteur, par sa manière plus naturelle et par la source où il puisait, réjouissait l’espérance des esprits libres, il satisfaisait pleinement les spectateurs simples. […] C’est devant des juges de cette force, alors nombreux, gens d’esprit avec cela, qu’il fallait innover. […] On blâme l’esprit de conquête, On imite les conquérants.

2863. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Aussi ai-je trouvé tout ce qui pouvait m’attacher, des grâces sans nombre, de l’esprit assez, tendresse réciproque, etc. […] Son rang est fort au-dessus du mien, sa beauté n’est point extraordinaire ; mais ses grâces et son esprit méritent des hommages que je ne n’ai pu leur refuser. […] Il n’en coûte pas plus à votre esprit de faire le voyage de Vienne que celui de Varsovie. […] Aussi je vis dans une solitude qui convient à la disposition de ma fortune et de mon esprit. […] La tranquillité de mon esprit a influé aussi sur ma santé ; je me porte mieux.

2864. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Mais je ne peux pas, par respect pour le lecteur français, écrire Hannibal et Hamilcar sans h, puisqu’il y a un esprit rude sur l’α, et m’en tenir à Rollin ! […] Cette horreur ne fait pas dans mon esprit un doute. […] Ce que j’apprécie surtout, et ce que chacun sentira, c’est cette élévation d’esprit et de caractère qui vous a fait supporter tout naturellement mes contradictions et qui oblige envers vous à plus d’estime. […] Un de mes derniers lecteurs, avant Février 1848, fut mon ami le poete Lacaussade, que je forçai bien souvent, en lui imposant la lecture à haute voix de gros livres, à entrer dans de durs sujets qui devaient l’ennuyer un peu, mais dont, à la longue, son esprit progressif a profité. […] Jules Levallois resta près de moi pendant trois années aussi environ ; c’est à peu près le laps de temps qu’ont pu, généralement, me consacrer de jeunes et brillants esprits, bientôt émancipés par degrés, et qui avaient ensuite leur propre carrière à faire.

2865. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

C’est un rude métier que le sien ; mais, mon bon Félix, nous n’avons pas de dot pour nos anges ; et la grâce, l’esprit, la sagesse, qu’est-ce que cela pour l’époque où nous sommes ?  […] — Épargnons-nous ce remords de frapper cet esprit pur et divin. » Et après la mort : « (11 septembre 1850)… La volonté du Ciel est terrible, quand elle s’accomplit sur des êtres si faibles et si tendres que nous. » Mais tout à coup, dans ce ciel si lourd, si chargé, si sombre, un éclair inespéré a lui : « (14 janvier 1851)… Ondine se marie ! […] Mais, ne pouvant prendre aucun empire sur cet esprit charmant, à la fois prévenu et découragé, je la regarde, la torture dans l’âme, et je prie Dieu sans savoir ce que je dis, car j’ai bien du chagrin ! […] Je vous dois un double remerciement pour m’avoir fait connaître le jugement que portait de moi cette femme distinguée, dont le talent et la personne m’ont toujours inspiré l’admiration la plus sincère et la plus vive sympathie, et pour avoir sanctionné ce jugement de votre autorité… Indifférente aujourd’hui à la publicité…, je ne le suis point à l’estime affectueuse de quelques nobles âmes, à l’approbation de quelques esprits d’élite. — Je vous dois donc, monsieur, une très douce émotion… » — M.  […] Vous apprenez à tous à ne jamais se décourager, et l’esprit en vous se montre de plus en plus triomphant dans les luttes avec le corps. » — À cette date (7 mai 1869), M. 

2866. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Là est le bien que tout esprit désire, Là le repos où tout le monde aspire, Là est l’amour, là le plaisir encore Là, ô mon Âme, au plus haut ciel guidée, Tu y pourras reconnaître l’Idée De ta beauté qu’en ce monde j’adore. […] Tel sonnet commence magnifiquement : Pâles Esprits et vous Ombres poudreuses, Qui jouissant de la clarté du jour… etc. […] Du Bellay était dans cette disposition d’esprit aigrie et irritée, où il n’y a de guérison que l’embrassement des amis et le bain de l’air natal. […] Et qui seroit si fol de se vouloir dorénavant travailler l’esprit pour faire quelque chose de bon et digne de la postérité, ayant perdu la faveur d’un si bon prince et la présence d’une telle princesse, qui, depuis la mort de ce grand roi François, père et instaurateur des bonnes lettres, étoit demourée l’unique support et refuge de la vertu et de ceux qui en font profession ? […] Bien que de loin, de très loin, et pour la postérité dernière, il ne subsiste que les grandes œuvres et les grands noms auxquels le temps va ajoutant sans cesse ce qu’il retire de plus en plus aux autres, c’est plaisir et devoir pour le critique et l’historien littéraire de rendre justice de près à ces talents réels et distingués, interceptés trop tôt, dans quelque ordre que ce soit, les Vauvenargues, les André Chénier, les Joachim Du Bellay, à ces esprits de plus de générosité que de fortune, qui ont eu à leur jour leur part d’originalité, et qui ont servi dans une noble mesure le progrès de la pensée ou de l’art117.

2867. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Catulle Mendès, qui est un esprit distingué dont je fais le plus grand cas. […] On en garde dans l’esprit quelque chose comme une de ces frémissantes apothéoses que M.  […] Paul Adam Gog ne le cède point à l’Assommoir pour exprimer le tumulte et l’agitation des foules ; la Maison de la Vieille est bien supérieure à l’Œuvre, pour dire en quel terreau peut éclore la mentalité, et de quelles forces mises en faisceau par le hasard de la faim et de la sympathie se forme une phalange alerte pour gagner à l’assaut des esprits le verger de la bonne soif. […] N’ayant pas, comme tant d’autres, une foi absolue en l’infaillibilité de son esprit, il cherche patiemment à s’initier aux ouvrages qui lui sont mystérieux. […] La grandeur des dons, le nombre des notions, la finesse du rythme, la variété des sujets, la surabondance de l’esprit, la grâce alerte et piquante, la joie, la frénésie, l’éloquence, la gaîté, la bouffonnerie loquace, les profusions d’un style imagé ou sonore, et par-dessus tout la sûreté technique, font de M. 

2868. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Un prophète, dans la Bible, mange un livre que lui tend un ange, et l’esprit de ce livre l’emplit aussitôt ; il le sait et il le répète comme s’il l’avait appris mot par mot. […] Mais il n’a que le visage et le nom d’une vierge, car il marche l’œil farouche et l’esprit furieux. » Sa lance est son dieu, c’est par elle qu’il jure l’écroulement de Thèbes. […] Au nom de Polynice, Étéocle, jusque-là si calme, a tressailli comme le démoniaque qui sent l’Esprit du mal rentrer dans son être. […] C’est un orage qui va éclater, soufflé par les Esprits funéraires : les femmes le sentent gronder dans leur âme ; elles l’annoncent par des gestes qui battent leurs fronts en cadence, pareils à ceux des matelots fendant les vagues d’une mer émue : — « Amies ! […] Et c’est une pensée qui plaît à l’esprit, que celle du vieil Eschyle frayant sa voie sacrée à l’Antigone de Sophocle.

2869. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

L’un est le dernier esprit de l’ancienne France, l’autre est le premier génie de la France nouvelle. […] * * * — Quand le xviiie  siècle va mourir et que la grâce de Watteau en cet art d’esprit, n’a plus que le souffle, il tombe dans l’art français, une invasion de lourds barbares qui se gracieusent, de teutomanes qui font les gentils : les Wille, Schenau, Freudeberg, etc., — et même Lawreince. Mai C’est une drôle de chose — et personne ne l’a remarqué — que le grand monument littéraire de l’atticisme, des élégantes mœurs, du délicat esprit d’Athènes, Aristophane enfin, soit le plus gros monument scatologique de la littérature de tous les peuples. […] La délicatesse d’esprit est une corruption, longue, longue à acquérir, et que ne possèdent jamais les peuples jeunes. […] Ce Grec de la fin de la Grèce et du crépuscule de l’Olympe, est notre contemporain par l’âme et l’esprit.

2870. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Il faut tout l’esprit, le talent et la grâce de M.  […] Schwob analyse : « Quand nous saisissons des choses leurs rapports de position, nous les classons suivant la cause et l’effet ; quand nous les envisageons suivant leurs relations de ressemblance et de grandeur, nous les classons suivant les idées logiques de notre esprit… on peut imaginer que les choses ont entre elles d’autres rapports que le rapport scientifique et le rapport logique. » Mais on peut même dire qu’elles n’ont ni l’un ni l’autre de ces deux rapports qui sont tous deux des façons subjectives de représentation d’un inconnu. […] Dès lors, les évocations inattendues d’un conteur bizarre sont bien moins sans doute les traductions fidèlement et aveuglément inscrites de cohérences inattingibles en leur mystère d’absolu que le dévidement d’un morceau de fil mental où les acquisitions de l’esprit adhèrent en chapelet, suivant des coagulations empiriques, en vertu d’associations de hasard, et de toute la bohème psychologique. — On ne reproche d’ailleurs pas au conteur de dire son chapelet, pourvu que les Aves soient jolis à regarder et d’un bruissement harmonieux. — Tel est assez le cas du Démon de l’Absurde.

2871. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Il a de l’esprit et peu de jugement ; il disait quantité de sottises et les débitait agréablement ; il voulait faire entendre au roi, qu’au jugement de Dieu, il lui serait reproché de lui avoir ôté sa femme. […] Combien cette mort fait perdre de son esprit et de sa gaîté à l’Amphitryon de Molière ! […] C’est dans les mêmes principes qu’il faut chercher l’esprit qui, deux ans après, lui a dicté Les Femmes savantes, ouvrage dont il sera question dans la période suivante.

2872. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Otez la fausse manière qui gâte son esprit, Blaze de Bury aurait du talent, et dans ce cas il nous eût donné un petit chef-d’œuvre, car c’est vraiment de la matière à chef-d’œuvre que le sujet qu’il a choisi. Tout manqué que son livre puisse être, malgré l’indigence absolue de conception supérieure et les vices d’un langage prétentieux et déplacé, le sujet qu’il traite n’en reste pas moins d’un intérêt prodigieux, qui prend l’esprit et le passionne. […] Son mérite actuel a été de savoir l’anglais et l’allemand, — ce qui est honorable et souvent utile, mais ce qui n’est pas tout, car le mot célèbre de Charles-Quint n’est pas vrai en littérature… Dans ce mystère dévoilé de la mort du comte de Kœnigsmark, que de questions à tenter un esprit qui aurait eu quelque puissance, et qu’il n’a pas effleurées !

2873. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Le hasard, si ce n’est la pitié, cette bête de hasard qui a parfois de l’esprit comme un dieu, fit celle harmonie de la vie d’un meurt-de-faim écrite par un autre, et aussi cette dissonance, car, excepté au point de vue famélique, Colletet et Villon se ressemblaient bien peu ! […] Le talent garde le mystère des impressions dont il est formé dans nos esprits ou dans nos âmes. […] Grand poète, malgré le calus qu’il a à l’esprit et qui l’empêche de sentir la nature que le génie gaulois sent dans tous ses poètes, lui seul excepté, — étonnant de n’avoir pas galvaudé et perdu des facultés qu’il a traînées dans tous les désordres de la vie, Villon n’a pas besoin qu’on l’exagère pour qu’on reconnaisse sa réelle supériorité.

2874. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

En supposant que l’abbé Gorini n’eût pas été un prêtre, ayant l’esprit de son état, j’admettrais volontiers que ce milieu morne, désert, insalubre, dans lequel il fut obligé de vivre tout le temps qu’il fut l’humble curé de la Tranchère, l’aurait rejeté désespérément à la science pour l’arracher aux accablements de la solitude, mais de lui, je ne le crois pas. […] Ce dut être quelque publication d’alors qui lui montra, comme un éclair, latente au fond de son esprit, sa vocation de critique historique, car il le devint, malgré sa position isolée, éloignée des villes, de toute source intellectuelle, de tout renseignement ; impuissant en tout ! […] Et cela fut quelquefois si fort qu’on put le croire un badaud en hommes, cet esprit si fin et si avisé en textes, ou bien, sous forme dissimulée, un moqueur.

2875. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions. […] Or, cette force, il faut bien le dire aux esprits superficiels qui s’y méprennent, cette force est dans l’institution même de ses sacrements. […] Mais sous cette apparence sincère, sous cette préoccupation exclusive et timorée de la vérité du détail, les Mémoires sur l’Australie contiennent latentes, mais visibles déjà pour les esprits doués de clairvoyance, toutes les prémisses d’un vaste syllogisme qu’achèvera l’avenir.

2876. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

du jansénisme, cette chose hérétique en France et antipathique à l’esprit français, — de ce jansénisme exécré de Louis XIV plus que l’impiété elle-même ! […] C’est le comique de l’âme et de l’esprit. […] L’auteur a-t-il assez d’esprit pour s’attraper lui-même ?

2877. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

C’est l’histoire la plus simple et la plus unie d’une jeunesse qui ne montre jamais cette prétention de littérature, si exclusive et si tourmentante dans un jeune esprit, quand on l’a. […] Parce qu’il était élevé, les esprits bas, qui sont si fins, le disaient niais, et Chateaubriand, Chateaubriand lui-même, le Méprisé des Naturalistes de notre âge, un jour l’appela « un grand dadais », parce qu’il voyait beau et grand, cet homme qui, en la regardant, grandissait la nature, mais qui ne la méconnaissait pas ! […] C’est la poésie de Lamartine qui sauve la politique de Lamartine, de cet homme qui répondit un jour, quand il fut nommé député, à ceux qui lui demandaient où il siégerait, lui, Lamartine, dans un Parlement d’imbéciles ou d’esprits plus bas que leur ventre : « Je siégerai dans le plafond ! 

2878. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

C’est un esprit à ne pas douter de grand’chose. […] Esprit emphatique (dans le bon sens du mot), il tend, et c’est son mérite, au grandiose, même quand il le manque ; et quand il le manque, ce n’est pas qu’il ait tiré trop bas, mais c’est qu’il a tiré trop haut ! […] Catulle Mendès, le consubstantiel de Victor Hugo, n’a pas plus que son consubstantiel dans l’esprit le lucidus ordo qui crée dans un livre l’harmonie d’une architecture… Taquinerie moqueuse de son destin !

2879. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Individuel comme un Américain, n’ayant jamais vu que le moi par lequel il a péri, comme ils périront eux aussi, Edgar Poe fut, parmi ses compatriotes démocrates, le Bohême de l’esprit aristocratique. […] Elle vient d’une grande chose, de la foi qui lui montre l’enfer à œil nu et de l’indignité sentie, qui lui dit qu’il y peut tomber, tandis que la peur d’Edgar Poe est la peur de l’enfant ou du lâche d’esprit, fasciné par ce que la mort, qui garde le secret de l’autre monde, quand la religion ne nous le dit pas, a d’inconnu, de ténébreux, de froid. […] Tout le reste est voulu, arrangé, menti dans ses œuvres, qui ne sont probablement que les pamphlets de son esprit, des pamphlets atroces, des vengeances contre la vie.

2880. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

La guerre vient de nous apprendre que nos cœurs parfois contractés, irrités, possédaient chacun la faculté d’aimer, de comprendre, d’aider les cœurs et les esprits qu’ils croyaient adversaires. […] Pour équilibrer ces divers chapitres, il me fallut chercher des « textes » que mes correspondants spontanés ne me donnaient pas, et ces documents qui me vinrent de « familles » avec lesquelles je suis moins parent, je dus me préoccuper de les comprendre exactement dans l’esprit ou ils avaient été écrits. […] Une telle liste de mes obligations n’est-elle pas encore un signe de l’union des esprits autour de nos soldats ?

2881. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

L’esprit de servitude et d’oppression semble errer encore autour de la tombe des rois et des ministres. […] Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde. […] Il n’eut ni sa fureur, ni sa politique, ni ce contraste singulier du plus grand courage d’esprit dans une âme lâche, ni ce mélange d’une ambition ardente et de la plus grande simplicité, ni cette séduction si douce qui n’avertissait jamais de l’empire, et enchantait des hommes fiers, que la nature n’avait point destinés à lui obéir.

2882. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Les deux idées, se rencontrant dans notre esprit, y font des échanges. […] Mais c’est alors seulement que l’esprit se sent ou se croit créateur. […] Certes, Socrate met au-dessus de tout l’activité raisonnable, et plus spécialement la fonction logique de l’esprit. […] Il n’écrira rien, pour que sa pensée se communique, vivante, à des esprits qui la porteront à d’autres esprits. […] A l’âme socratique ils ont fourni un corps de doctrine comparable à celui qu’anima l’esprit évangélique.

2883. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Auprès d’un général plus tacticien (un Soult, un Davout) Jomini eût moins réussi ; il eût été en surcroît ; il eût trouvé la position prise et aurait eu à lutter d’idées et de vues ; d’autre part, auprès d’un guerrier moins intelligent, il aurait pu être moins compris et moins écouté : Ney, par son mélange de fougue militaire et souvent de témérité, mais de coup d’œil aussi et d’esprit, pouvait avoir plus d’une fois besoin d’un bon conseil, et il était homme à en sentir aussitôt la valeur, à en profiter. […] Les vieux généraux de la guerre de Sept Ans, exhumés après tant d’années et pris pour guides, se trouvèrent à court ; ils n’avaient rien appris depuis : « l’âge avait glacé chez eux les qualités qui leur avaient valu du renom, et ne leur avait pas donné le génie, car le génie n’est jamais le fruit de l’âge ni de l’expérience. » Les jeunes, « le prince de Hohenlohe, et Massenbach, son bras droit, avaient tout juste assez d’esprit et de science pour prendre de la guerre ce qu’il y avait de plus faux. » Les manœuvres leur cachaient les vrais mouvements. […] Mais cette manière de vivre avait de grands inconvénients pour notre service : restant étrangers à tout ce qui se passait, n’ayant communication d’aucun ordre, nous ne pouvions ni nous instruire de notre métier, ni bien remplir les missions dont nous étions chargés36 » Une première remarque à faire et qui vient aussitôt à l’esprit, c’est combien, dans cet état-major de Ney ainsi gouverné, la situation de Jomini, admis continuellement auprès du maréchal à raisonner et à discuter avec lui, devait sembler à part et tout à fait exceptionnelle. […] Mais cela n’empêchait pas que Napoléon pût s’étonner d’être deviné dans ses ordres confidentiels par Jomini, et les explications que celui-ci donna à l’appui d’un premier mot, échappé comme naturellement de ses lèvres, ne durent pas nuire dans l’esprit de l’Empereur à l’idée qu’il se fit dès lors de sa sagacité stratégique. […] Mais il n’a jamais varié sur la part personnelle à faire à la présence d’esprit et au courage de Napoléon pendant l’instant critique où il l’avait vu à l’œuvre.

2884. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Virieu était lié de jeunesse et de parenté avec toute la cour : les Tourzel, les Raigecourt, les Latrémoille, la princesse de Saint-Maures, qu’on appelait précédemment princesse de Tarente, femme d’esprit et de faction, qui réunissait chez elle tous les royalistes exaltés, et à laquelle on faisait la cour avec des excès de paroles. […] Allez au-devant de lui, vous serez plus vrai et surtout vous serez plus fort ; la Providence vous a doué des magnificences du talent ; consacrez-les aux larmes et aux dieux de la patrie ; soyez le grand prêtre du passé ; le monde vous attend et l’esprit nouveau se tournera vers vous comme le pieux regret qui embrasse passionnément une ombre. […] Mais le petit salon de madame de Beaumont, à peine éclairé, nullement célèbre, fréquenté seulement de cinq ou six fidèles qui s’y réunissaient chaque soir, offrait tout alors : c’était la jeunesse, la liberté, le mouvement, l’esprit nouveau, comprenant le passé et le réconciliant avec l’avenir. […] Il se trouve toujours sur son chemin, à son entrée, quelques hommes de bon esprit d’ailleurs et de sens, mais d’un esprit difficile, négatif, qui le prennent par ses défauts, qui essayent de se mesurer avec lui avec toutes sortes de raisons dont quelques unes peuvent être fort bonnes et même solides.

2885. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Talent robuste plutôt que fin, sans besoin d’expansion sympathique, sans inquiétude intellectuelle, Maupassant n’avait ni affections ni idées qui le portassent à déformer la réalité : ni son cœur ne réclamait une illusion, ni son esprit ne cherchait une démonstration. […] Ce sont des corps, mais aussi des esprits et des âmes dont il parle : il ne se prononce pas sur la cause des phénomènes, mais il lui suffit que tout le monde s’entende sur les ordres de faits désignés par les noms d’idées, désirs, affections, volontés. […] Mais ce romancier médiocre est un homme intelligent, d’esprit ouvert à toutes les idées, curieux d’art, de science, de philosophie, universel et cosmopolite comme un Genevois cultivé peut l’être. […] Emile Pouvillon917, esprit délicat et pénétrant, peint des paysans languedociens et gascons avec un très fin sentiment des harmonies de l’homme et du sol. […] Le jeu raffiné de l’esprit autour de la foi et de la morale évangéliques, ce goût intellectuel pour la simplicité du cœur qui n’est encore qu’une perversion de plus dans nos incohérentes natures, ont trouvé en M. 

2886. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Les hommes tout à fait médiocres de cœur et d’esprit y sont, je crois, l’exception ; et les moins doués ont encore un orgueil du sang, un sentiment de la tradition, qui leur permettent de garder quelque tenue. […] Ce n’est guère que sur les mœurs qu’ils pourraient s’accorder quelque liberté, et jadis ils laissaient volontiers leur corps prendre la revanche des esclavages de leur esprit ; mais beaucoup d’entre eux se refusent aujourd’hui cette consolation  Ils vivent enfin dans un monde très restreint ; ils ne se trouvent de plain-pied qu’avec un très petit nombre d’hommes : ils ne peuvent donc connaître les hommes qu’imparfaitement. […] Je songe à ce que nous dit M. le duc d’Aumale du recueil de poésies latines que le duc d’Anguien offrait à son père en termes si élégants, et j’ai peur que recueil et dédicace ne soient partis des mêmes mains. « Le Père Pelletier, nous confesse avec esprit M. le duc d’Aumale, eut peut-être plus de part que son élève à la composition du recueil. […] Puis c’est le droit et l’histoire où il s’applique avec beaucoup d’ardeur, considérant expressément les grands personnages historiques comme des maîtres et des sortes de prédécesseurs dans un rôle qu’il jouera à son tour. « C’est un esprit auquel il faut de l’emploi », disait fort justement son précepteur le P. […] Or, cela ne suppose qu’une aptitude particulière qui peut d’ailleurs s’allier à une foncière médiocrité d’esprit.

2887. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Rien n’arrêta ces hommes d’esprit et de mérite, dont beaucoup, Dieu merci, sont morts de leur laide mort et ont rendu au grand Démiourgos leur vilaine âme. […] » Mon Dieu, que les gens d’esprit sont donc bêtes ! […] — Mais, me répondit-il en souriant, si je ne ressentais, en mon âme, la lumière et l’amour vivants de cette foi chrétienne dont vous parlez, mes œuvres, qui, toutes, en témoignent, où j’incorpore mon esprit ainsi que le temps de ma vie, seraient celles d’un menteur, d’un singe ? […] Toutefois entendons-nous : si, d’une part, la seule Science ne peut produire que d’habiles amateurs, — grands détrousseurs de « procédés », de mouvements et d’expressions, — consommés, plus ou moins, dans la facture de leurs mosaïques, — et, aussi, d’éhontés démarqueurs, s’assimilant, pour donner le change, ces milliers de disparates étincelles qui, au ressortir du néant éclairé de ces esprits, n’apparaissent plus qu’éteintes, — d’autre part, la foi, seule, ne peut produire et proférer que des cris sublimes qui, faute de se concevoir eux-mêmes, ne sembleront au vulgaire, hélas, que d’incohérentes clameurs : — il faut donc à l’Artiste-véritable. à celui qui crée, unit et transfigure, ces deux indissolubles dons : la Science et la Foi. — Pour moi, puisque vous m’interrogez, sachez qu’avant tout je suis chrétien, et que les accents qui vous impressionnent en mon œuvre ne sont inspirés et créés, en principe, que de cela seul. […] Et à ce héros de l’esprit les ailes étaient liées ; de misérables obstacles empêchaient son vol céleste et l’enchaînaient à terre !

2888. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Parlant, dans un de ses premiers écrits, du café Procope, voisin du district des Cordeliers, il dira, par allusion aux gens d’esprit qui y venaient au xviiie  siècle : « On n’y entre point sans éprouver le sentiment religieux qui fit sauver des flammes la maison de Pindare. […] Quand on a fait la part de l’exaltation du temps, de l’ivresse qui montait alors presque toutes les têtes, et qu’on s’est dit qu’il y eut un moment où elles furent presque toutes à l’envers, quand on s’est bien averti à l’avance de tout cela, on se trouve encore au-dessous de la disposition d’esprit convenable pour aborder la lecture du premier pamphlet de Camille Desmoulins ; on n’est pas encore à la hauteur (style du temps). […] Dans cette brochure si exécrable d’esprit et de tendance, il y a des parties fort gaies en effet, et spirituelles ; il y a de la vraie verve. […] J’avouerai que je n’ai pu voir sans étonnement une pareille imbécillité de la part d’un homme qu’on m’avait assuré n’être pas dépourvu de quelque esprit. […] Je pourrais citer encore la page suivante de ce numéro 5 du Vieux Cordelier, laquelle est plus irréprochable pourtant, et réellement éloquente : elle commence par ces mots : « Occupons-nous, mes collègues, non pas à défendre notre vie comme des malades… » C’est même la seule vraiment belle de ce Vieux Cordelier, qui, dans la plus désastreuse des crises où ait passé une grande nation, mérite assurément de rester comme un signal généreux de retour et de repentir, mais qui n’obtiendra jamais place parmi les œuvres dont peut s’honorer l’esprit humain.

2889. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Dès les premières pages, quand il nous peint sa famille modeste, unie et heureuse (il était fils, je crois, d’un tailleur), le bon prêtre qui lui apprend le latin, l’abbé Vaissière ; le premier camarade et ami de cœur qu’il se donne pour modèle, le sage Durant ; quand il nous fait connaître de près sa mère, charmante et distinguée d’esprit dans sa condition obscure, son père sensé et d’une tendresse plus sévère, ses tantes, ses sœurs, on croit respirer une odeur de bonnes mœurs et de bons sentiments qui lui resteront, et qu’il ne perdra jamais, même à travers les boudoirs où plus tard il s’oubliera. […] Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso. […] Il ne se contente pas de goûter, de déguster les vices, les corruptions et les déclamations de son temps, il les gobe, il les adopte, au moins en passant, et il y a (si on ose le dire d’un homme d’autant d’esprit) un tant soit peu de nigauderie dans son fait. […] Je le répète, à part un poème qui par sa nature échappe à l’examen et dans lequel on trouverait plus de verve et d’esprit que de poésie même, c’est à la prose seule de Marmontel qu’il faut demander la clarté, l’élégance et la précision facile qui le distinguent. […] Il rentra dans la vie privée, écrivant jusqu’à la fin pour ses enfants des livres de grammaire, de logique, de morale, qui témoignent de la lucidité de son esprit comme de la sérénité et de la bénignité de son âme.

2890. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Il tenait du duc d’Orléans, futur régent, du marquis de La Fare, de Chaulieu et des habitués du Temple, du grand prieur de Vendôme chez qui, plus tard, Voltaire jeune le rencontrera au passage : il lui suffisait, en tout état de cause, de rester digne de ce qu’il appelait la société des honnêtes gens, mais ce mot commençait à devenir bien vague ; et Saint-Simon, plus sévère et qui pressait de plus près les choses, disait de lui : « C’était un cadet de fort bonne maison, avec beaucoup de talents pour la guerre, et beaucoup d’esprit fort orné de lecture, bien disant, éloquent, avec du tour et de la grâce, fort gueux, fort dépensier, extrêmement débauché (je supprime encore quelques autres qualifications) et fort pillard. » Ce qui s’entrevoit très bien dans le peu qu’on sait du rôle du chevalier de Bonneval dans ces guerres d’Italie, c’est qu’il n’était pas seulement né soldat, mais général : il avait des inspirations sur le terrain, des plans de campagne sous la tente, de ces manières de voir qui tirent un homme du pair, et le prince Eugène dans les rangs opposés l’avait remarqué avec estime. […] Déjà, en étudiant Bussy-Rabutin, Saint-Évremond, ces spirituels disgraciés, et qui étaient à la veille d’être des guerriers illustres, on a pu noter l’effet d’un de ces défauts de caractère, de cet esprit de raillerie ou de libertinage, qui, comme une paille secrète, est venu altérer la trempe de l’ensemble et rompre le milieu d’une belle vie. […] Il a raconté gaiement cette conversion et en homme d’esprit qui ne craint que le ridicule. […] » Casanova, cet homme d’esprit libertin dont on a d’abondants et curieux Mémoires, alla faire visite à Bonneval à Constantinople, dans le quartier de Péra, avec une lettre d’introduction que lui avait donnée le cardinal Acquaviva : Dès que je lui eus fait tenir ma lettre, je fus introduit dans un appartement au rez-de-chaussée, meublé à la française, où je vis un gros seigneur âgé, vêtu à la française, qui, dès que je parus, se leva, vint au-devant de moi d’un air riant, en me demandant ce qu’il pouvait faire à Constantinople pour le recommandé d’un cardinal de l’Église romaine.

2891. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin, qui vient d’aider Bernardin de sa bourse, a le droit de lui donner ces bons conseils ; il lui parle le langage d’un esprit juste qui suppose à son correspondant le désir réel de fixer sa fortune et sa destinée. […] Hennin et Bernardin, dans toute cette correspondance, sont deux hommes représentant des races différentes : l’un représente la race des bons esprits, probes, exacts, laborieux et positifs ; l’autre, celle des chimériques plaintifs, chez qui le roman l’emporte, et qui, à la fin, le talent et la fée s’en mêlant, ont le privilège de se faire pardonner et admirer. […] Son édifice deviendrait aisément immense si le temps, les matériaux et la tranquillité d’esprit ne lui manquaient pas : « C’est ainsi que je file ma soie, dit-il ; j’en verrai la fin avec celle de mes forces. » Cette vie, bien que mélancolique, lui plairait assez si elle pouvait durer. Il commence même à porter ses vues plus loin ; son esprit de système l’entraîne vers les spéculations physiques : J’ai recueilli, dit-il, sur le mouvement de la terre des observations, et j’en ai formé un système si hardi, si neuf et si spécieux, que je n’ose le communiquer à personne. […] Il y a quelquefois de l’esprit proprement dit, ce qui n’est pas commun chez lui ; parlant des fruits de l’île de France qu’on pourrait naturaliser dans nos provinces méridionales, il se souvient de ces autres fruits apportés en Europe par des conquérants : Que nous importe aujourd’hui, dit-il, que Mithridate ait été vaincu par les Romains, et Montézume par les Espagnols ?

2892. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Taine, nous donnent, selon Guyau, le spectacle de trois sociétés liées par une relation de dépendance mutuelle : 1° la société réelle préexistante, qui conditionne et en partie suscite le génie ; 2° la société idéalement modifiée que conçoit le génie même, le monde de volontés, de passions, d’intelligences qu’il crée dans son esprit et qui est une spéculation sur le possible ; 3° la formation consécutive d’une société nouvelle, celle des admirateurs du génie, qui, plus ou moins, réalisent en eux par imitation son innovation. […] Il y a souvent, dit-il, chez les esprits trop critiques, un certain fond « d’insociabilité » qui fait que nous devons nous défier de leurs jugements comme ils devraient s’en défier eux-mêmes. […] Les sociétés modernes ont un esprit critique qui ne peut plus tolérer longtemps le mensonge : la fiction n’est acceptée que « lorsqu’elle est symbolique, c’est-à-dire expressive d’une idée vraie. » La puissance de l’idéalisme même, en littérature, est à cette condition qu’il ne s’appuie pas sur un « idéal factice », mais sur « quelque aspiration intense et durable de notre nature ». […] Tout grand homme se sent providence, parce qu’il sent son propre génie. » On retrouvera dans ce livre les qualités maîtresses de Guyau : l’analyse pénétrante et en même temps la largeur des idées, un mélange de profondeur et de poésie, cette rectitude d’esprit jointe à la chaleur du cœur qui fait qu’on pourrait lui appliquer à lui-même ses deux beaux vers : Droit comme un rayon de lumière, Et comme lui vibrant et chaud. […] Pour sentir le printemps, il faut avoir au cœur un peu de la légèreté de l’aile des papillons, dont nous respirons la fine poussière répandue en quantité appréciable dans l’air printanier11. » L’art, étant ainsi presque synonyme de sympathie universelle, consiste à saisir et à rendre l’esprit des choses, « c’est-à-dire ce qui relie l’individu au tout et chaque portion du temps à la durée entière ;  » mais ce rapprochement entre la grande vie répandue à l’infini et la vie humaine ne s’opérera qu’en écartant les limites, élevées par l’individualité, au besoin en brisant ce que l’individualité a d’exclusif et d’égoïste.

2893. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems. […] Je ne dis pas que le philosophe Voltaire par exemple, s’occupe en vain à démontrer la vérité et à démasquer l’erreur, car je dirais une grande sottise et la révolution qu’il a produite dans les esprits d’un bout de l’Europe à l’autre déposerait contre moi ; mais je peux bien avoir dit que l’abbé Baudeau et M. de La Rivière et M.  […] Ah, mon ami, qu’il est rare de trouver un artiste qui entre profondément dans l’esprit de son sujet. […] Celle surtout qui est casquée, d’un esprit infini pour la forme et la touche, ce pié d’estal, de bonne forme ? […] Où est la chaleur d’âme, l’élan, le transport, l’yvresse que l’esprit vivifiant doit produire ?

2894. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Pour moi qui ne retiens d’une composition musicale qu’un beau passage, qu’un trait de chant ou d’harmonie qui m’a fait frissoner ; d’un ouvrage de littérature qu’une belle idée, grande, noble, profonde, tendre, fine, délicate ou forte et sublime, selon le genre et le sujet ; d’un orateur qu’un beau mouvement ; d’un historien qu’un fait que je ne réciterai pas sans que mes yeux s’humectent et que ma voix s’entrecoupe ; et qui oublie tout le reste, parce que je cherche moins des exemples à éviter que des modèles à suivre, parce que je jouis plus d’une belle ligne que je ne suis dégoûté par deux mauvaises pages ; que je ne lis que pour m’amuser ou m’instruire ; que je rapporte tout à la perfection de mon cœur et de mon esprit, et que soit que je parle, réfléchisse, lise, écrive ou agisse, mon but unique est de devenir meilleur ; je pardonne à Le Prince tout son barbouillage jaune dont je n’ai plus d’idée, en faveur de la belle tête de ce musicien champêtre. […] Mais comment se fait-il que les esprits les plus communs sentent ces élans du génie et conçoivent subitement ce que j’ai tant de peine à rendre ? L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre. […] Voilà ce qui me vient à l’esprit, parce que je ne suis plus malin. […] Je voudrais bien savoir ce que les artistes à venir dans quelques milliers d’années pourront faire de nous, surtout si des érudits sans esprit et sans goût les réduisent à l’observation rigoureuse de notre costume.

2895. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

On n’a guère aperçu, dans sa tentative, que la gageure d’un esprit ardent et robuste, et l’exécution rythmique, plus ou moins réussie, d’une idée qui n’est plus de ce temps. […] III Mais, à part ces défauts qui tiennent à l’incomplet de la notion chrétienne dans l’esprit du poète et au manque d’étendue de son cadre, il n’y a plus qu’à louer et à admirer dans le poème de M.  […] Amédée Pommier, qui fut toujours un esprit outré, comme disent les esprits modestes, qui ont de bonnes raisons pour l’être, le rappelle en des vers excellents, dans son ancienne manière connue, d’une bonhomie comique et mordante : … Les philistins, les pédants et les cuistres, Qui m’ont en mal déjà noté sur leurs registres Pour avoir cultivé, rimeur émancipé, Le genre mors aux dents ou cheval échappé, Trouvant que de nouveau je prêche et prévarique, Élèveront encore leur voix charivarique, Et se scandalisant de ma ténacité, Crieront au mauvais goût, — à l’excentricité. […] Cet esprit qui ne biaise jamais, ce poète de résolution, cet héroïque qui n’a peur de rien, — qui n’eut pas peur un jour, dans une nation rieuse, de mettre en vers flamboyants, sonores et magnifiques de mouvement, de nombre et d’harmonie, les tableaux grotesques du petit père André, sachant et très-sûr qu’où le poète met sa griffe la marque reste et reste seule sur le ridicule effacé, lui, le poète des Crâneries, qui en fera une tant qu’il aura le crâne au-dessus des épaules, me laisse indécis sur cette poésie dont il nous donne aujourd’hui un échantillon si étrange, sur la poésie qu’après celles des Colifichets il rêve peut-être, et dans laquelle il est bien capable de se jeter à corps perdu demain !

2896. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je ne sais si le public a su découvrir entre les lignes de ce poème délicieusement ensorceleur les traces de l’anormal et dangereux penchant qui conduisit à leur ruine tant de nobles esprits. […] Cette variété d’esprits précieux et rares dépend d’une esthétique tellement raffinée que tout usage de la vie leur est insupportable et vulgaire, s’ils ne l’ont auparavant épurée jusqu’au point où il leur est impossible d’en jouir matériellement et sensuellement. […] Elles réclament de nous un esprit libre et des sens en repos25.     […] Grabowsky entend par des « sens en repos », l’état de perpétuelle excitation qu’engendre l’abstinence, et par un « esprit libre », le cerveau que titille incessamment besoin sexuel ! Il semblerait plutôt que les sens sont en repos lorsqu’ils sont normalement satisfaits et que l’esprit est libre, lorsque le désir du sexe pleinement rempli, ne vient pas le détourner de sa fonction qui est de penser.

2897. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Esprits étendus, mais positifs, etc., c’est Thiers. […] Jasmin a tous les dehors de l’acteur méridional, bonne taille, œil noir, charbonné, le geste, une poitrine de fer, et une finesse d’homme d’esprit qui voit tout et se possède au milieu de ses apparentes turbulences.

2898. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Le mot, dans ces trois cas, fait-il voir trois fois la même lampe à notre esprit ? […] Au lieu que les mots plus beaux des langues étrangères font obstacle à la pensée en lui imposant, quelle qu’elle soit, leur musique et leur teinte, le mot français, incolore, atone, ne garde qu’un sens net, où l’esprit aperçoit tous les effets, tous les usages dont il est capable ; il prend le relief, l’harmonie, la lumière, la chaleur, que l’idée réclame ; il s’amortit ou éclate, il prête ou emprunte sa flamme, infiniment souple et mobile, élastique et subtil comme le plus léger des gaz, malgré la précision rigoureuse de sa définition, qui, dans aucun emploi, ne s’altère ni ne s’obscurcit.

2899. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Il a de l’esprit. […] Ou, si vous voulez, il croit que les justes correspondances entre le monde de la pensée et l’univers physique ont été fixées de toute éternité, que l’intelligence divine porte en elle le tableau synoptique de tous ces parallélismes immuables et que, lorsque le poète les découvre, ils éclatent à son esprit avec tant d’évidence qu’il n’a point à nous les démontrer.

2900. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Francis Vielé-Griffin Pour nous, avec assentiment des meilleurs esprits et tout en gardant à M.  […] Son esprit n’est pas non plus celui de l’atticisme hellène, et rien de la burlesque imagination du Nord ne vient le réjouir.

2901. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Généralement, pour la trouver, il faut la chercher laborieusement et, bien qu’elle soit un mérite positif du rang le plus élevé, c’est moins l’esprit d’invention que l’esprit de négation qui nous fournit les moyens de l’atteindre. »‌ Tous les grands écrivains ont à peu près dit la même chose, et, l’hésitation n’est pas permise, c’est Edgard Poë (sic) qui a raison : l’originalité du fond et surtout l’originalité de la forme peut être instantanée ; mais, en général, il est très vrai qu’il faut la chercher laborieusement, nous l’avons prouvé sans réplique dans notre dernier livre par les corrections manuscrites des grands auteurs.

2902. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Sans ce nom d’une femme qui est le plus charmant souvenir de nos esprits et dont on les couronne, ils ne soulèveraient pas, même l’espace d’un jour, le poids de leur obscurité. […] , Soulié révéla bien à son lit de mort, où il entra dans la métaphysique par le catéchisme, ce que, dans d’autres circonstances, un tel esprit aurait pu devenir.

2903. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

La méthode qui consiste à définir et à tout déduire d’une définition peut convenir aux sciences de l’esprit, mais elle est contraire à l’esprit même des sciences expérimentales. […] La force vitale, la vie, appartiennent au monde métaphysique ; leur expression est une nécessité de l’esprit : nous ne pouvons nous en servir que subjectivement. […] Cette sorte d’économie qu’il y aurait à utiliser la substance déjà formée et qui nous vient à l’esprit, la nature ne la connaît pas. […] Les rapports de Leibnitz avec Campanella et Glisson permettraient de supposer que cette interprétation a pu se présenter à l’esprit du grand philosophe. […] La doctrine régnante depuis Galien, admise par headartes, la doctrine des esprits animaux, enseignait que les organes recevaient leur principe d’action d’une force centrale transmise et distribuée par les nerfs sous le nom d’esprits animaux, et conduisait, dans le cas actuel, à supposer que le muscle tirait du nerf la propriété de se contracter.

2904. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

La guerre a encore augmenté cet esprit de dureté. […] Jeu qui n’a rien de surprenant, car aussitôt que l’esprit raisonne dogmatiquement, il fausse l’intelligence et la détourne de la vie. […] Dès l’instant où il meurt, son esprit qui survit reste prisonnier, car être libre alors, pour lui, ce serait appartenir à la postérité. […] Non, l’écrivain ne doit pas « crever de faim » ; être dépossédé, bafoué et pourchassé comme un pauvre d’esprit. […] Il avait l’esprit du « public » et il se promenait dans son « domaine », en cueillant ici ou là tel ou tel livre.

2905. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Il en a saturé les esprits et les cœurs. […] Ici, la passion tamise l’esprit, là l’esprit la passion. […] Elle travaille son esprit et menace son cœur. […] Mais l’esprit y balançait souvent le cœur. […] Il a l’esprit délicat, il est réservé, il est plein de civilité.

2906. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Plein d’esprit, inconsciemment ironique, avec une parole lente, balourde d’Allemand, qu’il était. […] Et certes, dans l’ouverture de mon esprit, et peut-être dans la formation de mon talent futur, elle a fait cent fois plus que les illustres maîtres, qu’on veut bien me donner. […] Néanmoins Henri Heine, malgré ses souffrances, avait conservé le vif et aigu esprit, qu’il garda jusqu’au dernier jour. […] Le public à la fois amusé par l’esprit et intéressé par le dramatique de la chose. […] Et il se roule devant le manque d’esprit de mon frère, dont il appelle les jolis mots, des niaiseries.

2907. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Militaire français s’il en fut, esprit français, saillie française, il était fait pour conduire et enlever des soldats de notre nation. […] je le sers de bien loin, mais je voudrais le voir grand et puissant ; pour cela, il ne faut pas qu’il soit mené par de petites gens et de petits esprits. » Il allait à l’extrémité de sa pensée ou plutôt de son impression, lorsqu’il écrivait encore (novembre 1840) : « Il faut que le gouvernement soit bien aveugle pour ne pas voir qu’avec la marche qu’il suit, il se perd infailliblement. […] C’est le terrain des intrigants, des esprits médiocres, des faiseurs et des phraseurs ; ce n’est pas le mien. » Une belle position d’intervalle et d’attente se présente pour lui : il est nommé au commandement supérieur de Constantine (janvier 1850). […] Le feu avait pris par la maladresse d’un débitant d’eau de vie qui a laissé s’enflammer de l’esprit. […] Ses lettres, conservées avec intérêt dans sa famille et publiées aujourd’hui par elle, sont tout naturellement une des productions les plus agréables de cet esprit français si vif, si net, si improvisé, et qui n’a jamais fait faute en aucun temps à nos hommes de guerre, à remonter jusqu’au vieux Villehardouin.

2908. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

. — Restes du bon esprit féodal. — Ils ne sont point durs avec leurs tenanciers, mais ils n’ont plus le gouvernement local. — Leur isolement. — Petitesse ou médiocrité de leur aisance. — Leurs dépenses. — Ils ne sont pas en état de remettre les redevances. — Sentiments des paysans à leur endroit. […] Un peu plus tard et d’eux-mêmes, ils vont le choisir pour commandant de la garde nationale, pour maire de la commune, pour chef de l’insurrection, et, en 1792, les tireurs de la paroisse marcheront sous lui contre les bleus, comme aujourd’hui contre le loup. — Tels sont les derniers restes du bon esprit féodal, semblables aux sommets épars d’un continent submergé. […] Il suffit de lire les cahiers des États généraux57 pour voir que, de Paris, l’esprit philanthropique s’est répandu jusque dans les châteaux et les abbayes de province. […] On avait une seule gazette, appelée Gazette de France, qui paraissait deux fois par semaine, voilà pour le mouvement des esprits. » Des magistrats de Paris, exilés à Bourges en 1753 et 1754, en font le tableau suivant : « Une ville où l’on ne trouve personne à qui parler à son aise de quoi que ce soit de sensé et de raisonnable ; des nobles qui meurent les trois quarts de faim, entichés de leur origine, tenant à l’écart la robe et la finance, et trouvant singulier que la fille d’un receveur des tailles, devenue la femme d’un conseiller au Parlement de Paris, se permette d’avoir de l’esprit et du monde ; des bourgeois de l’ignorance la plus crasse, seul appui de l’espèce de léthargie où sont plongés les esprits de la plupart des habitants ; des femmes bigotes et prétentieuses, fort adonnées au jeu et à la galanterie80 » ; dans ce monde étriqué et engourdi, parmi ces MM.  […] C’est le bon villageois, doux, humble, reconnaissant, simple de cœur et droit d’esprit, facile à conduire, conçu d’après Rousseau et les idylles qui se jouent en ce moment même sur tous les théâtres de société86.

2909. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Au fond des Apparences est l’Esprit, qui les connaît, et qui pour les connaître, les produit. […] Ainsi Wagner, aujourd’hui, dans ce pessimisme de tous les esprits « différents » nous apporte le Saint-Gral splendide de la consolante Vérité. […] J’insiste sur ce fait : ne peut-on distinguer déjà le travail de transformation qui, avec l’aide du temps, ce justicier par excellence, s’opère chez les esprits les plus rebelles ? […] Il avait soumis son scénario à un ami, dont il mettait très haut, dit-il, l’esprit et les connaissances. […] Voilà pourquoi Wagner se croit en droit d’affirmer que la donnée ce Lohengrin repose sur ce qu’il y a de vraiment tragique dans la situation de l’artiste, à une époque comme celle-ci, où tout est régi par la mode et l’esprit critique.

2910. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Il est un humoriste ; c’est ce que les Anglais répondent à toutes les critiques que nous adressons au dernier de leurs conteurs, et c’est ce qu’il s’agit de comprendre si l’on veut expliquer tout Dickens, déterminer la nature singulière de son art, de son esprit, et analyser ainsi complètement, en un type extrême, une propriété mal connue de l’âme chez toute une catégorie d’êtres plus émotifs que raisonneurs. […] Bounderby et Thomas Gradgrind, sont d’insignes caricatures de l’esprit de positivisme, de la grossièreté de cœur des gens pratiques. […] Il n’admire ni la force de l’esprit qu’il ne comprend pas, ni la force de la volonté, la belle dureté de caractère, l’invincible ténacité de desseins dont ses compatriotes eussent dû cependant lui présenter d’impérieux exemples. […] Aussi un être affectif ne peut-il avoir du monde extérieur qu’une connaissance toute personnelle, subjective, et qui lui indique simplement si certaine partie lui en plaît ou non ; s’il est amené à décrire quelque spectacle, il pourra seulement non pas l’analyser et susciter dans d’autres esprits l’image qu’il en aura conçu, mais s’étendre sur l’agrément ou le déplaisir qu’il en aura ressenti. […] Enfin aucune idée générale n’a eu sur son esprit, pourtant si facile à s’agiter, assez d’ascendant pour l’émouvoir.

2911. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Chaque province, chaque cité revient avec un esprit de curiosité et d’émulation sur son passé, sur ses origines, sur ce que son histoire locale a eu de mémorable, et elle s’honore de le consacrer par quelque monument. […] Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui. […] Mais, jusqu’à la fin, il éprouva et il nous confirme par son exemple une vérité : l’empire en ce monde, l’influence qu’on y conquiert n’appartient pas tant à l’esprit, au talent, au travail, qu’à une certaine économie habile et à l’administration continuelle qu’on sait faire de tout cela35. […] Homme bon, entraînant, fragile, cœur tendre, esprit facile, talent naturel, langue excellente, plume intarissable, inventeur invraisemblable et hasardeux, qui sut être une fois, comme par miracle, le copiste inimitable de la passion, tel fut l’abbé Prévost, qu’il ne faut point juger, mais qu’on relit par son meilleur endroit et qu’on aime.

2912. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il se distingua de bonne heure par une capacité surprenante de mémoire et d’entendement ; il savait par cœur Virgile, comme un peu plus tard il sut Homère : « On comprend moins, a dit M. de Lamartine, commentil s’engoua pour toute sa vie du poète latin Horace, esprit exquis, mais raffiné, qui n’a pour corde à sa lyre que les fibres les plus molles du cœur ; voluptueux indifférent, etc. » M. de Lamartine, qui a si bien senti les grands côtés de la parole et du talent de Bossuet, a étudié un peu trop légèrement sa vie, et il s’est posé ici une difficulté qui n’existe pas ; il n’est fait mention nulle part, en effet, de cette prédilection inexplicable de Bossuet pour Horace, le moins divin de tous les poètes. […] En se prêtant à ces singuliers exercices et à ces tournois où l’on mettait au défi sa personne et son talent, traité comme un virtuose d’esprit dans les salons de l’hôtel de Rambouillet et de celui de Nevers, il ne paraît pas que Bossuet en ait été atteint en rien dans sa vanité, et il n’y a pas d’exemple d’un génie précoce ainsi loué, caressé du monde, et demeuré aussi parfaitement exempt de tout amour-propre et de toute coquetterie. […] M. de Bausset se l’est demandé et y a répondu autant qu’il l’a pu, en des termes bien généraux : La nature, dit-il, l’avait doué de la figure la plus noble ; le feu de son esprit brillait dans ses regards ; les traits de son génie perçaient dans tous ses discours. […] Et sans refuser la louange que méritent certains traits ingénieux et fins de ce portrait, je me permettrai de demander plus sérieusement : Est-il convenable, est-il bienséant de peindre ainsi Bossuet enfant, de caresser ainsi du pinceau, comme on ferait d’une danseuse grecque ou d’un bel enfant de l’aristocratie anglaise, celui qui ne cessa de grandir à l’ombre du temple, cet adolescent sérieux qui promettait le grand homme simple, tout esprit et toute parole ?

2913. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

En attendant, la guerre est un de ces grands faits historiques qu’il faut reconnaître et savoir étudier dans le passé : du moment qu’elle cesse d’être une pure dévastation et un brigandage, c’est un art, une science, et digne, à ce titre, de toute l’attention des esprits éclairés. […] Il n’avait rien de la violence ni de la rudesse du métier ; mais il avait l’indépendance de l’esprit et le ressort du caractère, impossible à comprimer chez un homme qui pense et qui tient à ses idées. […] Le chapitre de son ouvrage, que Jomini avait eu l’esprit d’indiquer à lire à Napoléon au lendemain d’Austerlitz (le ive du tome II de la première édition, qui est devenu le xive de l’édition de 1851), ce chapitre n’était pas si mal choisi ni fait pour déplaire au nouvel Empereur. […] C’était, selon lui, « l’unique moyen de poser le grand problème, de manière à le résoudre. » Son esprit juste, son jugement essentiellement modéré, en rabattront assez plus tard et bientôt, dès après Iéna et à partir d’Eylau, dès qu’il verra poindre et sortir les fautes et les exagérations du système nouveau et du génie qui l’avait conçu ; il dira alors, en rentrant dans la parfaite vérité : « Loin de moi la pensée de décider si le roi légitime de la Prusse, ne voulant que défendre son trône et son pays, pouvait provoquer, dès 1756, cette révolution immense dans l’art militaire qu’un soldat audacieux autant qu’habile introduisit, quarante ans après, par la force des événements qui l’entraînait !

2914. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Avec sa nature d’esprit et ses habitudes, Rousseau pouvait-il prétendre à l’être ? […] Sans dire positivement qu’il fût un malhonnête homme, sans trancher ici la question restée indécise des derniers couplets, on peut affirmer que ce fut un cœur bas, un caractère louche, tracassier, né pour la domesticité des grands seigneurs ; avec cela, nul génie, peu d’esprit, tout en métier. […] De la sorte, chez lui, nul sentiment vrai du passé non plus que du présent ; son esprit était le plus terne des miroirs ; rien ne s’y peignait, il ne réfléchit rien ; sans originalité, sans vue intime ou même finement superficielle, sans vivacité de souvenirs, aussi loin des chœurs d’Esther que des vers datés de Philisbourg, tenant tout juste au siècle de Louis XIV par l’Ode sur Namur, ce fut le moins lyrique de tous les hommes à la moins lyrique de toutes les époques. […] Cazotte seul, par son esprit, rappela un peu la grâce frivole d’Hamilton ; mais on n’était pas moins éloigné alors de l’Arioste, de Rabelais et de Jean Goujon, que de Michel-Ange.

2915. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Il aperçoit des gens qui gesticulent et passent, qui pleurent, qui prospèrent, qui nuisent, qui meurent, et rien ne s’explique dans le trouble de son esprit, sinon que très clairement tous soutirent et font souffrir. […] Certes ils n’ont rien de mécanique, de fait sur un plan, de prévu et de logique, les esprits que le romancier russe a logés dans le corps émacié de Raskolnikoff ou dans la grosse enveloppe du mari de la Krotkaïa. […] Doué d’une neuve simplicité d’esprit, s’approchant de ses semblables avec une âme à la fois tendre et barbare, et par son ignorance même de toutes les causes, prêt à ressentir des hommes ce qu’ils sont, Dostoïewski est avec eux en d’immédiates et justes communions. […] Il renia son esprit, abjura sa raison, exalta la folie, l’idiotie, l’imbécillité, la candeur des idiots et la bonté des criminels ; il devint mystique, l’on a vu par quelle angoisse, et avec quelle ferveur.

2916. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Est chose tout objet de connaissance qui n’est pas naturellement compénétrable à l’intelligence, tout ce dont nous ne pouvons nous faire une notion adéquate par un simple procédé d’analyse mentale, tout ce que l’esprit ne peut arriver à comprendre qu’à condition de sortir de lui-même, par voie d’observations et d’expérimentations, en passant progressivement des caractères les plus extérieurs et les plus immédiatement accessibles aux moins visibles et aux plus profonds. […] Tandis que le savant qui étudie la nature physique a le sentiment très vif des résistances qu’elle lui oppose et dont il a tant de peine à triompher, il semble en vérité que le sociologue se meuve au milieu de choses immédiatement transparentes pour l’esprit, tant est grande l’aisance avec laquelle on le voit résoudre les questions les plus obscures. […] On en vient ainsi à concevoir la possibilité d’une psychologie toute formelle qui serait une sorte de terrain commun à la psychologie individuelle et à la sociologie ; et c’est peut-être ce qui fait le scrupule qu’éprouvent certains esprits à distinguer trop nettement ces deux sciences. […] Nous n’avions point une telle ambition et il ne nous était même pas venu à l’esprit qu’on pût nous la prêter, tant elle est contraire à toute méthode.

2917. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Rousseau, que l’on trouve sur le chemin de toutes les vérités, lorsqu’il n’est pas contraint d’en sortir par l’esprit de système, Rousseau avait bien compris l’obstacle de l’union des sexes dans l’état absolu d’ignorance ; et c’est même une des objections qu’il se propose dans son Discours sur l’Inégalité des conditions : cependant cela ne l’empêche point, dans son Contrat social, de se hâter de dissoudre les liens de famille sitôt que, selon lui, le besoin cesse de s’en faire sentir pour l’enfant. […] Il semble à ces esprits inquiets que hors du cercle social ils se trouveraient plus à l’aise. […] Désirons de voir renaître l’esprit de famille, et il ne pourra renaître qu’au sein des hiérarchies sociales. […] Il a fallu partir de l’existence de la société pour raisonner avec certitude sur le nouvel ordre de choses qui tend à s’établir, quelque indépendant qu’il soit d’ailleurs de tout ce qui a précédé, comme il a fallu partir du don primitif de la parole pour arriver à expliquer l’émancipation graduelle de la pensée : c’est ce qui nous reste à faire pour achever le tableau de l’âge actuel de l’esprit humain.

2918. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

.) — J’avoue mon faible et ma chimère : j’avais conçu pour tous ces grands hommes, ces grands esprits et talents de ma génération, ou de la génération immédiatement antérieure, un idéal de caractère et de carrière qu’ils n’ont pas rempli ou qu’ils ont vite dépassé et traversé d’outre en outre. […] son mérite le désigne : point d’excuse, point de refus, le péril n’en accepte pas ; on lui impose au hasard les fardeaux les plus disproportionnés à ses forces, les plus répugnants à ses goûts… L’esprit de cet homme s’élargit, ses talents s’élèvent, ses facultés se multiplient ; chaque fardeau lui crée une force, chaque emploi un mérite, chaque dévouement une vertu. » Et c’est ainsi qu’en croyant peindre M. […] Cette corruption elle-même est angélique et divine. »  « — Sir Henri Bulwer, l’ambassadeur, écrit de Madrid : « Vous avez une invasion de barbares dirigée par Orphée… » et avec cet esprit positif qui est bien des Anglais, il ajoute : « Mais les chœurs se payent bien cher, 30 sols par jour !

2919. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

On a le talent, l’exécution, une riche palette aux couleurs incomparables, un orchestre aux cent bouches sonores ; mais, au lieu de soumettre tous ces moyens et, si j’ose dire, tout ce merveilleux attirail à une pensée, à un sentiment sacré, harmonieux, et qui tienne l’archet d’or, on détrône l’esprit souverain, et c’est l’attirail qui mène. […] Du moment que l’esprit, le talent, se tournent vers ce système de tout dire en image et de tout peindre en couleurs, ils peuvent aller très-loin et faire de vrais tours de force ; mais le vrai centre est déplacé. […] L’esprit y abonde ; mais qu’en dire de plus ?

2920. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Dans la nuit claire-obscure, une flamme bleue, sans blesser ce qu’elle touche, çà et là danse et parcourt en zig-zag tous les points de l’horizon fantastique ; les fleurs en feu s’éteignent, se rallument ; des esprits chuchotent dans le vent, et les montagnes se dressent, vagues formes vacillantes, dans le clair de lune indécis : c’est l’image de la poésie romantique122. […] Ce vainqueur rabaisse ce qui est bas, rapetisse ce qui est petit, terrasse ce qui est déjà à terre, et croit, par cette généreuse exécution, se rehausser lui-même ainsi que tous les riches en esprit. […] Moins une nation ou une époque est morale, plus elle change facilement la satire en comédie157. — À la base de quelques-unes de leurs œuvres comiques les Français ont mis le sérieux du vice, et dans les autres ils ont supprimé la vertu et le vice, en faisant passer sur le vice, la vertu et toutes choses, l’esprit, ce niveleur universel158.

2921. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Mais vous savez bien, vous, élève de tous les Renan, de tous les Taine, de tous les Maurras et de tous les Amouretti rencontrés, que votre pensée est empruntée ; vous n’avez d’autre esprit que « l’esprit de suite » et votre seule vertu intellectuelle se nomme docilité. […] La probité et la modestie de l’auteur touchaient ; on souffrait de voir un ouvrier si appliqué ne réaliser qu’à demi ; on l’aidait d’un rêve sympathique et l’esprit du lecteur achevait l’œuvre.

2922. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Cette belle symphonie donne même l’idée de celles dont Ciceron et Quintilien disent que les pythagoriciens se servoient pour appaiser, avant que de mettre la tête sur le chevet, les idées tumultueuses que les mouvemens de la journée laissent dans l’imagination, de même qu’ils emploïoient des symphonies d’un caractere opposé pour mieux mettre les esprits en mouvement lorsqu’ils s’éveilloient, et pour se rendre ainsi plus propres à l’application. […] Le sentiment nous enseigne d’abord qu’elle est très-propre à calmer les agitations de l’esprit, et comme une discussion bien faite justifie toûjours le sentiment, nous trouvons en l’examinant par quelles raisons elle est si propre à faire l’impression que nous avons déja sentie. […] Il semble que ces bruits qui ne s’accelerent ou ne se retardent, quant à l’intonnation et quant au mouvement, que suivant une proportion lente et uniforme, soient plus propres à faire reprendre aux esprits ce cours égal, dans lequel consiste la tranquillité, qu’un silence qui les laisseroit suivre le cours forcé et tumultueux, dans lequel ils auroient été mis.

2923. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Il est si vrai de dire que ce sont les jeux de mots et l’abus des métaphores, qui, par exemple, défigurent la prose de Sidonius Apollinaris, que les loix faites par Majorien et par d’autres empereurs contemporains de cet évêque, paroissent faites du temps des premiers Cesars, parce que les auteurs de ces loix astreints par la dignité de leur ouvrage à ne point sortir d’un stile grave et simple, n’ont pas été exposez au danger d’abuser des figures et de courir après l’esprit. […] On ne substituë souvent les faux brillans, et les pointes au sens et à la force du discours, que parce qu’il est plus facile d’avoir de l’esprit que d’être à la fois touchant et naturel. […] Ainsi nous pouvons promettre sans trop de témerité la destinée de Virgile, d’Horace et de Ciceron aux écrivains françois, qui font honneur au siecle de Louis Le Grand, c’est-à-dire, d’être regardez dans tous les temps et par tous les peuples à venir comme tenans un rang entre les grands hommes, dont les ouvrages sont réputez les productions les plus précieuses de l’esprit humain.

2924. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

À ces esprits de vanité insensée, la Vierge Marie, invoquée sous tant de noms magnifiques dans les Litanies, apparaît surtout comme une femme ; et cette femme prend, à ces orgueilleuses d’être femmes, l’imagination et le cœur plus fort même que le Dieu-Homme ; et c’est ainsi que le bas-bleuisme se retrouve dans leur foi religieuse qu’il infecte, et qu’il fait son impertinente poussée jusque dans le ciel ! […] La Critique n’aurait rien à dire de ce livre inconséquent, inconsistant, emphatique, production turbulente d’un esprit perturbé, et le laisserait périr dans l’oubli. […] Prodigieuse contradiction d’un esprit qu’on croyait vigoureux et qui semblait fait d’une seule pièce.

2925. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Sans doute un homme est ce qu’il est, et la critique, qui examine l’Histoire des soixante ans d’un point de vue exclusivement littéraire, n’a pas la prétention de carrer la tête de Castille et de la lui faire autre qu’il ne l’a, mais, fataliste, — par parti pris ou par cette adhésion de l’esprit à laquelle Malebranche, ce pauvre diable de génie qui faisait là une pauvre diablesse de définition, reconnaissait la vérité et aurait pu tout aussi bien reconnaître l’erreur, — mais, fataliste, puisqu’il l’est, pourquoi Hippolyte Castille n’a-t-il pas le style de sa pensée ? […] Malgré l’air utilitaire, le ton d’oracle, la suppression de toute déclamation, non par goût ni par sobriété d’esprit (Castille n’est pas sobre), mais parce qu’on paraît plus fort quand on ne déclame pas, enfin, malgré les œillères de la préoccupation qui ne veut voir jamais que le résultat obtenu par la Révolution, — comme si c’était possible, cela ! […] Il a bien trop d’esprit pour cela.

2926. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Elle révéla un type nouveau, où toutes les adresses, tous les dons, toutes les finesses, toutes les sortes d’esprit de son sexe, se tournèrent en une sorte de cruauté réfléchie qui donne l’épouvante. […] Ainsi formées, secrètes et profondes, impénétrables et invulnérables, elles apportent dans la galanterie, dans la vengeance, dans le plaisir, dans la haine, un cœur de sang-froid, un esprit toujours présent, un ton de liberté, un cynisme de grande dame, mêlé d’une hautaine élégance, une sorte de légèreté implacable. […] Ils auraient peut-être tort maintenant… Dans ce temps-là, ni l’un ni l’autre de ces Goncourt qui ont écrit le livre de La Femme au xviiie  siècle n’eût voulu descendre de cette conception littéraire, qui repousse l’ordure, l’observation, l’étude de l’ordure, comme indigne de l’esprit humain, et n’aurait voulu écrire La Fille Élisa !

2927. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

La colère l’a pris, la haine aussi, et toutes les deux ont fait de son esprit, dans lequel l’imagination dominait, ce que les ; bacchantes firent d’Orphée. […] L’auteur des Uns et des Autres n’ayant pas dans l’esprit les muscles samsoniens qu’il faudrait pour mettre en pièces le lion, s’est fait taon contre ce lion de marbre. […] Pelletan n’a jamais été plus fort que la sienne ; il est plus que jamais entraîné par elle, comme tant d’esprits de ce temps de démence chez qui l’imagination, cette singesse de l’intelligence, comme disait Schiller, tord si souvent le cou à la raison.

2928. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

C’était, comme saint Vincent de Paul, auquel il ne ressemblait pas, quoiqu’il fût aussi grand que lui et plus étonnant pour ceux-là qui recherchent l’extraordinaire, c’était un fils de paysan, pâtre dès l’enfance, un esprit sans lettres, mais chez lequel, comme vous le verrez tout à l’heure, la Sainteté, qui peut tout, alluma le génie ! Pauvre de corps, non d’esprit, mais surtout très pauvre d’études, on avait failli lui refuser la prêtrise à cause de son ignorance, et puis on avait cédé à son amour de Dieu et on lui avait donné, de confiance, cette petite cure dans un petit coin de terre, dont il a fait quelque chose de si resplendissant que, de tous les points de la terre, on est venu pour en contempler la splendeur ! […] En effet, pour l’observateur qui étudie cette étrange figure du Curé d’Ars, avisé, futé, très fin au fond, malgré la sublimité des vertus que son âme avait contractée ; pour qui lit ces réparties spirituellement vengeresses de son humilité, qu’il adressait à ceux qui le persécutaient de leurs compliments et de leurs hommages, et dont l’abbé Monnin, qui n’oublie rien, a égayé doucement son récit, il est hors de doute qu’elle ne mentait pas, cette physionomie de Voltaire, et que, sans Jésus-Christ, le Curé d’Ars aurait été un de ces esprits charmants et mordants comme les aime le monde, au lieu d’être une âme angélique devant Dieu.

2929. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il avait les facultés nécessaires à cette besogne ; il avait le degré qu’il faut de sagacité, d’érudition, d’enthousiasme et même de duperie, pour aller chercher des idées dans des livres profonds et obscurs comme des puits, où elles se tiennent peut-être pour se faire croire la Vérité, et pour les verser dans les esprits qui les ignorent, après les avoir fait passer par cette langue française, qui est la langue universelle de la clarté, comme par un crible lumineux ! […] Car, même dans cette Philosophie de l’histoire rapportée d’Allemagne, et qu’on a accusée justement de verser dans un panthéisme qui ne sera jamais, du reste, en Cousin, qu’une inconséquence de son faible esprit, fasciné par un tel abîme mais incapable de résolument y descendre, Cousin est encore ce qu’il a été toute sa vie. […] Il a régné vraiment sur les esprits.

2930. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

C’est un homme d’esprit, au contraire, qui compte par lui-même, qui est classé dans les lettres, — qui n’a jamais entièrement disparu dans la nuée d’or du génie de son frère, et qu’on y voit toujours comme une ombre touchante et fidèle… Il a eu longtemps l’imagination agile et légère, le caprice aimable et la fantaisie sans emportement. Talent de teintes spirituelles, tempérament calme, cœur sensible, rempli jusqu’aux bords de son frère, il n’est pas simplement Musset par le nom : il l’est encore par la goutte détiédie du sang d’Alfred qui passe dans son cœur, — pour le faire, il est vrai, moins battre, et qui teint son esprit, quoique ce ne soit pas de la même couleur éclatante. […] Excepté l’adorable pièce de vers qui fait suite à la pièce, déjà connue, à Ninon, et qui est adressée à la même Ninon : Avec tout votre esprit, la belle indifférente, Avec tous vos grands airs de rigueur nonchalante, etc. 

2931. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Plus tard, des esprits curieux, obstinés, plus occupés de mots que de choses, de plus de métier que d’inspiration, des travailleurs à la loupe et à la lampe, des émailleurs, des archaïstes, reprirent le Sonnet en sous-œuvre et lui donnèrent un éclat solide, une netteté de camée et une perfection de burin qui, en France du moins, lui avaient toujours manqué. […] Joséphin Soulary a peut-être l’esprit plus grand que ses Sonnets, et son humour, à ce bizarre, ce vin noir comme le sang d’un cœur triste, finira peut-être par devenir fougueuse à force d’être comprimée, et passera par-dessus le bord, rose et or, du verre de Bohême aux pans régulièrement taillés, dans lequel il la sert avarement aux lèvres qui l’aiment et qui en voudraient beaucoup plus ! […] IV Le livre des Sonnets humouristiques est divisé en plusieurs livres, composés, à leur tour, d’un nombre déterminé de sonnets, et ces différents livres, dont nous donnerons seulement les noms, parce qu’en donnant ces noms on donne aussi les teintes de l’imagination qui les a écrits, s’appellent : Pastels et Mignardises, — Paysages, — Éphémères, — Les Métaux, — En train express, — L’Hydre aux sept têtes, — Les Papillons noirs, — et déjà, à ne considérer que ces grandes divisions de l’œuvre des Sonnets humouristiques, on entrevoit la forte originalité de l’esprit qui a concentré tant de vigueur dans de si petits espaces et sous un nombre si rare et si choisi de mots.

2932. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Il est vrai que cette gloire, qui, vu l’esprit de l’époque, tendrait un peu à devenir momie, Hugo et Lamartine, pour la raviver et pour la rajeunir, l’ont plongée, comme le vieil Éson, dans la cuve bouillante de la politique, tandis qu’Auguste Barbier, qui est sorti de cette cuve-là comme le bronze de la fournaise, n’y est pas rentré, et s’est — comme les morts — froidi à l’écart. […] Publiée en 1830, sa première pièce fut cette fameuse Curée, qui, sans préparation, sans grondement antérieur, tomba, comme la foudre, dans la publicité, et y embrasa tous les esprits, y alluma toutes les curiosités… Depuis, je crois, le grand Corneille, personne n’avait donné un pareil tressaillement d’admiration aux entrailles de tout un pays. […] Ce sont des demeures à terre et plus bas que terre d’un esprit qui a eu parfois des ailes, comme le condor, de trente-deux pieds d’envergure… Ce qu’on pourrait dire des gaucheries sans nom, des maladresses, et, qu’on me passe le mot !

2933. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Élégiaque aussi, mais moins élégiaque que lyrique, et quoique élégiaque, à ses heures, comme les romantiques, qui ont tous, plus ou moins, chanté la romance du Saule avant de mourir, ayant, lui, une qualité d’esprit rare chez les romantiques, et que les romantiques qui ne l’avaient pas se permettaient de mépriser… Bien entendu, puisqu’ils ne l’avaient pas, M.  […] Ce n’est plus là du lyrisme gai, qu’il me permette de le lui dire : c’est du lyrisme dépravé… Sans doute, il faut beaucoup de talent pour dépraver son talent dans cette proportion et faire à beaucoup d’esprits illusion encore ; on n’abuse jamais de la puissance que quand on en a, et bien souvent elle se mesure à l’abus qu’on en fait. […] pas pu écrire, où le poète funambule, qui s’était grisé d’air sur la corde de son vers, reprend son aplomb de Cariatide et ce tempérament gaiement lyrique dans lequel l’esprit d’Aristophane et de Rabelais se joue de Pindare, et où le très étrange et très charmant poète bouffe que voici exécute des ponts-neufs et des pots-pourris sur une harpe aux cordes d’or.

2934. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Un protestant qui veut me faire comprendre l’esprit des pasteurs à la guerre, me décrit l’un des plus aimés : « Le pasteur Nick, blessé à l’ennemi, est une espèce de géant, un blond aux yeux bleus, que nous avons toujours vu dévoué à toutes les causes. […] Il n’a l’esprit sectaire en aucune façon ; il engrène toujours avec le voisin. […] Ces protestants, quand nous voyons leurs temples qui nous glacent et leurs prêches, toujours sur la morale, nous semblent des esprits calmes et modérés, raisonneurs au point qu’à les comparer avec les héros catholiques dont nous avons décrit les états de conscience violents et l’ivresse joyeuse, nous songions d’abord à parler de leur philosophie plutôt que de leur religion ; mais apprenons à mieux les connaître par l’amitié et l’admiration que nous inspirent de tels actes et de tels cris sublimes.‌

2935. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Candie, cette terre admirable par le commerce et les arts, cette compensation dans un partage inévitable, ne peut rester barbare ; et ces changements qui s’apprêtent, ces révolutions suspendues sur l’orient de l’Europe, conduiront à la plus grande œuvre que puisse se proposer l’esprit moderne, à la renaissance de ces belles contrées, de ces riches cultures, qui, du golfe de Clazomène au mont Olympe d’Asie, et des sept villes de l’Apôtre aux murs d’Antioche et de Nicomédie, formaient, sous le nom de province d’Asie, un si fertile empire. […] L’Asie Mineure est une autre Amérique, à la porte de l’Europe. » Et ce grand esprit, qui n’avait pas dédaigné de tracer le modèle d’un travail de statistique usuel pour Paris, mais qui, dans sa profonde science mathématique, gardait et laissait voir un instinct d’élévation morale, était inépuisable dans ce qu’il disait alors de cette renaissance d’un monde oriental annexé à l’Europe et gouverné par ses arts et son humanité. […] Quand un idiome a vieilli sur son sol natal, ou que, défiguré dans son passage sous un ciel nouveau, il a perdu l’instinct délicat de sa forme première, sa grâce ou son énergie ; qu’il n’est plus en rapport avec le monde troublé et nouveau dont il est entouré, il n’importe : l’éclair de l’esprit, l’émotion de l’âme se fait jour par toute voie laissée à l’intelligence ; et le génie de l’architecte brille encore dans l’imperfection des matériaux mutilés ou à peine dégrossis qu’il emploie.

2936. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

En Irlande, O'Connell entraîne sur ses pas trois à quatre cent mille hommes, femmes et enfants… O'Connell sait ce qu’il veut ; il a au suprême degré l’esprit pratique, et il est populaire parce qu’il est clair. M. de Lamartine ne peut être populaire que parmi les classes lettrées ; les habitudes de son esprit le portant trop yers les abstractions pour qu’il puisse mordre sur les masses.

2937. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Cela est tout à fait puéril et indigne d’un esprit sérieux. […] Ils me refuseront carrément l’esprit philosophique et le sens de l’histoire.

2938. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Il serait à souhaiter qu’elle fût revêtue d’un caractère critique que n’ont pas eu les éditions précédentes, qui semblent avoir été entreprises surtout dans un esprit de panégyrique et d’hommage rendu à la mémoire du poète. […] Cette place ne sera jamais, je pense, celle des écrivains classiques dignes d’être proposés comme modèles, sans restriction, aux étrangers et aux jeunes esprits dont le goût n’est pas encore entièrement formé.

2939. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Par grand bonheur, l’activité révolutionnaire, qui emportait à cette époque presque tous les esprits, n’avait pas absolument détourné le sien de sa voie naturelle. […] Dans ces deux infatigables compagnons de l’effort humain, il honore les créatures, élues entre toutes pour réchauffer de leur haleine la crèche où vagissait l’esprit de fraternité.

2940. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

monsieur Laurent-Pichat, que les gens d’esprit et surtout d’un esprit sain (mens sana) sont rares, même parmi ceux à qui il est convenu d’accorder du talent !

2941. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Sagon & la Huéterie avoient été les plus zélés partisans de Marot, dans le temps de sa gloire, lorsqu’il étoit en faveur à la cour de François premier, qu’il la divertissoit par l’enjouement & les saillies d’un esprit original : mais, du moment qu’ils virent ce poëte sorti de France pour des affaires de religion, ils le décrièrent. […] Des prières adressées avec autant d’esprit & de sel, que d’assiduité & de constance, devoient avoir leur effet.

2942. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Les autres défauts de la traduction de cette savante dame tiennent pareillement à une loyauté d’esprit, à une candeur de mœurs, à une sorte de simplicité particulière à ces temps de notre littérature. […] S’il fut jamais un siècle propre à fournir des traducteurs d’Homère, c’était sans doute celui-là, où non seulement l’esprit et le goût, mais encore le cœur, étaient antiques, et où les mœurs de l’âge d’or ne s’altéraient point en passant par l’âme de leurs interprètes.

2943. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Les poëtes, dit Platon, ne se plaisent point à nous décrire la tranquillité de l’interieur d’un homme sage qui conserve toujours une égalité d’esprit à l’épreuve des peines et des plaisirs. […] Il est trop à craindre que leur esprit ne se corrompe à force de s’entretenir des idées qui occupent les hommes corrompus.

2944. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

Chaque correction est une trouvaille spontanée de l’esprit, provoquée par le travail. […] Lanson se demande aussi à qui l’Art d’écrire peut bien s’adresser. « On ne sait, dit-il, (Revue universitaire, avril 1899), on ne sait pour qui ce livre est fait… S’il est pour les jeunes gens, alors il est dangereux en son esprit général… » Mon livre est, en effet, dangereux, mais surtout pour M. 

2945. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

et bien sain d’esprit et qui n’avait pas, lui, le « vice français » …   Le Figaro du 7 août : « Wagner et Louis II posthumes » une correspondance de M.  […] Blaze de Burybh qui fit grande dépense d’esprit et contre l’ouvrage et contre L’invitation à mes amis, sorte d’encyclique adressée au monde wagnérisant, qui avait servi de préface aux représentations de Munich. « Heureuse Bavière ! […] Par quelle déviation d’esprit a-t-il pu croire qu’il arriverait à rendre autre chose eu musique, et par quelle aberration a-t-il pu imaginer de substituer ici la philosophie à l’amour ? […] Signalons enfin, dans le féérique chant du cygne de Weber, le rôle si varié du motif en trois notes du cor enchanté d’obéron, entre autres dans la Vision de Rézia au premier acte, dans le premier choeur des esprits, mais renversé ici, dans la phrase d’accompagnement si rêveusement romantique du chant de la Sirène, et jusque dans le commencement du choeur des esclaves qui ouvre le second acte, etc. […] Au moment, dans le grand prologue, où le héros quitte le royaume des Esprits souterrains et abdique, sa royauté pour se vouer corps et âme à l’amour humain, il jure à sa mère de retourner auprès d’elle si jamais « sa couronne serait défleurie, son cœur brisé » ; et c’est !

2946. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

» Depuis, l’esprit de Pan souffle au sommet des monts ! […] « Il faut bien le reconnaître, cette strophe, qui a la dureté anguleuse d’un beau marbre bigarré, éblouit l’œil plus qu’elle ne parle directement à l’esprit ou au cœur. […] C’est elle, cette terre, qui met de l’ordre dans son esprit. […] Il se cherche sans cesse, s’accuse, s’épouvante et se désole de ne pouvoir trouver l’apaisement de l’esprit… Ô morts ! […] Lui qui avait paru un instant à l’avant-garde des poètes individualistes qui mêlent anarchie et socialisme, esprit dionysien et solidarité sociale dans le plus réjouissant amalgame, s’excepta bien vite de cette erreur pour revenir au large chemin rectiligne de la tradition.

2947. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

C’est, en résumé, le combat du beau contre le laid, le triomphe de l’âme, de l’esprit sur le corps et ses appétits. […] Et je lui ai répondu : Mais, mon père, les péchés de pensée, ceux qu’on commet en esprit ? […] Le conseil de famille la laissait arbitre dans une question douloureuse qu’elle avait toujours éloignée de son esprit. […] Paul de Musset, esprit délicat et plume fine dont l’éloge serait superflu aujourd’hui. […] Seulement son cœur, dans cette circonstance, n’avait pas eu assez d’esprit.

2948. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Je suis très sensible à la bonté que vous avez eue de me donner cet avis ; ayez encore a celle de me croire avec toute l’estime et la considération possible, mademoiselle, votre très humble et très obéissant serviteur, Esprit, évêque de Nîmes. […] Il put être précieux par un coin de son esprit, il n’eut jamais rien de pédant dans sa personne.

2949. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

En rendant compte de la première livraison de ces Mémoires, où nous rencontrions à chaque page des récits insignifiants ou puérils, nous avons soupçonné quelque système prémédité de réticence et de diversion ; et, par respect pour l’esprit de madame de Genlis, nous accusions préférablement sa candeur. […] L’une épouse, l’autre fille d’un ministre, elles furent portées dans la vie publique, plutôt qu’elles ne s’y jetèrent ; élevées, l’une dans le recueillement des mœurs bourgeoises, et l’autre au bruit des discussions philosophiques, elles avaient contracté dès l’enfance de fortes et sérieuses habitudes d’esprit, qu’elles déployèrent dans l’occasion avec toute l’énergie de la jeunesse et de la vertu.

2950. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

D’une puissante originalité, d’un esprit profondément imbu des plus hautes pensées, il chante les désenchantements de la vie, les horreurs de la mort, la paix du sépulcre, les espérances futures, les déchirements du remords. […] Il est des affinités d’esprit et des rencontres sincères.

2951. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

À la fin du xviie  siècle, à partir de 1685 environ, quand le génie du poète a été sacré par la mort, sa mémoire se relève, témoin Crébillon père qui le prend pour modèle et Fontenelle qui le vante par esprit de famille. Au xviiie  siècle, ce siècle du joli, de l’esprit, des mœurs efféminées, nouvelle et longue éclipse.

2952. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

On sent tout ce qu’il dut lui en couter de dégoûts, de travail & d’efforts, pour suivre tous les exercices d’esprit & de corps, sans trahir le secret de son sexe, qu’on ne soupçonna jamais. […] Après avoir publié plusieurs petits Ouvrages propres à donner une idée avantageuse de la sagesse & de la sagacité de son esprit, elle eut occasion de faire connoître ses talens & sa prudence à feu M. le Prince de Conti, qui honoroit sa Famille d’une bienveillance particuliere.

2953. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Ce poëte, si souvent vainqueur en toutes sortes de combats d’esprit, accoutumé depuis long-temps aux acclamations de ses concitoyens, s’étoit fait un besoin de leurs éloges, & n’en vouloit que d’exclusifs. […] Quel déplaisir mortel ne cause-t-elle point à ces esprits méchans & brouillons qui s’applaudissoient de voir la guerre entre nous, & n’oublioient rien pour l’entretenir ! 

2954. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Il arrive donc souvent que nous nous trompions nous-mêmes, en voulant deviner ce que pensent les hommes, et plus souvent encore ils nous trompent eux-mêmes dans ce qu’ils nous disent de la situation de leur coeur et de leur esprit. […] Il est vrai qu’il est des poëtes dramatiques ignorans dans leur art, et qui sans connoissance des moeurs, représentent souvent le vice comme une grandeur d’ame, et la vertu comme une petitesse d’esprit et de coeur.

2955. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Il me semble que mon esprit est habillé en masque. […] D’autres l’ont pu… Elle le peut aussi, j’en suis certain et je le lui affirme loyalement, sans flatterie, ni arrière-pensée… Un plan de travail et de vie, un ordre systématique d’études, de recherches, saisit l’esprit comme un engrenage. ‌

2956. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Le livre des Œuvres et des Hommes, sera en effet, distribué en autant de catégories, qu’il y a de fonctions spéciales et de vocations dans l’esprit humain, et chaque série de fonctions aura autant de volumes que le nécessiteront le nombre des écrivains et la valeur de leurs travaux. […] Après les Philosophes, viendront les Historiens ; après les Historiens, les Poètes ; après les Poètes, les Romanciers ; après les Romanciers, les Femmes (les Bas-Bleus du xixe  siècle) ; après les Femmes, les Voyageurs ; après les Voyageurs, les Critiques, et ainsi de suite, de série en série, jusqu’à ce que le zodiaque de l’esprit humain ait été entièrement parcouru !

2957. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

On peut dire de l’espèce ce qu’Aristote dit de l’individu : Il n’y a rien dans l’intelligence qui n’ait été auparavant dans le sens ; c’est-à-dire que l’esprit humain ne comprend rien que les sens ne lui aient donné auparavant occasion de comprendre. […] Or l’homme, en tant qu’homme, a deux parties constituantes, l’esprit et le cœur, ou si l’on veut, l’intelligence et la volonté.

2958. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Les psychologistes, ces espèces de chimistes de l’esprit, s’évertuent en vain à la décomposer, en la divisant en facultés diverses et distinctes. […] Tout chant est une explosion du cœur ou de l’esprit. […] Je ne parle pas de nous autres poètes : la nature impressionnable, et jusqu’à un certain point maladive, de notre fibre, a dû nous arracher plus souvent qu’à d’autres ces enthousiasmes de cœur et d’esprit, ces délires d’amour, de piété ou de patriotisme, qui étoufferaient la poitrine si on ne les criait pas en chants ou en vers. […] J’en parlai à mon oncle : c’était l’esprit le plus accommodant et le cœur le plus facile à émouvoir qu’il y eût sous une poitrine d’homme […] On en plaisantait à la table rustique ; on ne pouvait comprendre que la plus belle jeune fille de tout le pays, qui avait le choix entre les prétendants de tous les villages, eût choisi pour son fiancé un pauvre adolescent qu’on se figurait encore enfant à cause de la candeur de son esprit et de la docilité de son caractère.

2959. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Oui, le Midi eut pu fournir en tout temps de très grands poètes, si, pervertis et contraints par l’esprit niveleur de l’unitarisme français, ceux que tentait le chant, n’eussent dédaigné l’usage de leur propre langue. […] La clarté, la précision étant l’essence même de notre facteur poétique, il n’est pas extraordinaire que des esprits enclins aux images brillantes mais floues éprouvent une certaine répugnance à les ordonner. […] Elles sont douées pour l’éloquence et l’analyse, remarquablement intelligentes et fines d’esprit. […] Mais l’esprit flamand est doué des qualités qu’exige le lyrisme romantique — y compris l’aptitude à une certaine sorte de vague métaphysique naturaliste à laquelle répugnent les races latines, qui sont théologiennes tant qu’on voudra, mais pas métaphysiciennes — tandis que nos Méridionaux ne les ont point. […] La création artistique ou littéraire a besoin d’être stimulée par cet échange d’idées, de sentiments, d’impressions qui est possible seulement dans un cercle où règne la curiosité des choses de l’esprit.

2960. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Figure bornée et touchante, pauvre d’esprit, grande de cœur. […] Son égoïsme n’a rien de blessant ; son désabusement a le charme d’un fin sourire ; il a le calme, l’aplomb, l’aisance, la sûreté sociale la plus complète, et de l’esprit comme s’il en pleuvait. […] Que de scènes enlevées au feu de l’esprit ! […] L’entrevue met en scène, avec beaucoup de tact et d’esprit, la curiosité scabreuse que le vice inspire à la vertu et la courtisane à la femme honnête. […] Tout se passe en échange de propos galants et en jeux d’esprit, lorsque la cote de la Bourse tombe au milieu du marivaudage. — « Deux francs de hausse ! 

2961. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Elle nous prépare à comprendre l’appui que certains esprits trouvent au cours de cette guerre dans leur « traditionalisme ».‌ […] Qu’on ne fasse pas grief au jeune laboureur que je suis, s’il travaille encore un sol nu, à peine verdoyant l’été viendra avec ses blés mûrs et plus tard l’automne avec ses vendanges… Il est un temps d’apprendre…, un autre d’instruire… ‌ Mais c’est un homme total qu’il voulait être, agissant par sa vie aussi bien que par son esprit. […] Il a fallu que ce désir sublime fût exaucé…‌ » Lagrange était extraordinaire à la fois de confiance et d’esprit de sacrifice. […] Avec un prodigieux mélange de raison et de violence magnifiques, avec cette résolution que son esprit exceptionnellement lucide joignait à une sorte de fougue méthodique, il assurait que les assauts vainqueurs étaient obtenus par le sacrifice résolu, la témérité contagieuse de quelques meilleurs, de même que la panique venait du cri, même absurde, d’un seul. […] Brève et brillante, elle frappe l’esprit d’une manière presque douloureuse par une succession rapide d’images intenses.

2962. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Ses volumes, je l’ai remarqué ailleurs, faisaient partie des corbeilles de noces, et j’ai vu de jeunes maris élégants le donner à lire à leurs femmes, dès le premier mois, pour leur former l’esprit à la poésie. C’est alors aussi qu’on entendait dans les salons des gens d’esprit et réputés gens de goût, des demi-juges de l’art comme il y en a surtout dans notre pays55, affecter de dire qu’ils aimaient Musset pour sa prose, et non pour ses vers, comme si la prose de Musset n’était pas essentiellement celle d’un poète : qui avait fait les vers pouvait seul faire cette fine prose. […] Que manquait-il donc en ces années au poète, bien jeune encore, pour être heureux, pour vouloir vivre et aimer la vie, pour laisser son esprit courir et jouer en conversant sous des regards prêts à lui sourire, et son talent désormais plus calme, plus apaisé, s’animer encore par instants et combiner des inspirations renaissantes avec les nuances du goût ?

2963. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers. […] J’attribue, sauf erreur, à cette habitude d’esprit, une partie des défauts de M. […] D’ailleurs force esprit, de jolis mots, surtout dans le premier volume (le second est plus franchement passionné), une ironie froide, un sourire prolongé et humouristique.

2964. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Les questions plus que politiques, les questions sociales, que tant d’esprits éminents ont tourmentées dans ces dernières années, et qui ont prêté aux conceptions, si utiles à certains égards et si méritoires, de Saint-Simon, d’Enfantin et de M.  […] Des questions sociales, si nous passons aux politiques, à proprement parler, lesquelles ne sont pas tant à dédaigner que certains esprits soi-disant avancés se le figurent ; ces derniers jours ont produit une manifestation des sentiments publics bien imposante et qui doit donner à réfléchir. […] Une fois son drame accepté, applaudi, autorisé, le poëte est bien plus à l’aise pour en modifier, en assouplir l’esprit et les formes ; il lui est plus facile de se relâcher quand il a vaincu, que quand il lutte ; or, ce qu’on demande surtout à M. 

2965. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Puis j’ai senti sa misère, sa souffrance intime, et je l’ai plaint ; j’ai reconnu en lui des vertus d’honnête homme ; j’ai cru à sa sincérité d’artiste, dont je doutais d’abord  Enfin, ayant relu les Fleurs du mal, j’y ai pris plus de plaisir que je n’en attendais, et j’ai été contraint de reconnaître, quoi qu’en aient dit d’habiles gens, la réelle, l’irréductible originalité de cet esprit si incomplet. […] Le fin du fin, ce sera la combinaison de la sensualité païenne et de la mysticité catholique, s’aiguisant l’une par l’autre  ou de la révolte de l’esprit et des émotions de la piété. […] Thiers, et des esprits qui leur ressemblent.

2966. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

l’annonce et l’expose par le comment et le pourquoi avant de l’accomplir, faut-il donc do toute nécessité que même les esprits les plus hauts et les plus fins du monde entrent en méfiance, laissent percer sous l’ambiguïté de leur jugement une vague accusation de pédantisme et se tiennent à peine de prononcer les mots sacramentels : absence d’inspiration ? […] Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe  Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide. […] Mis à part des génies tout puissants comme Pascal et Balzac qui reflétèrent dans le flot profond de leur pensée tout l’art et toute la vie, et des esprits infiniment subtils et délicieux comme Joubert et Stendhal qui se datèrent de l’avenir, tous nos grands ancêtres ont donc coopéré à cette vaste analyse humaine qu’enfin voilà conclue.

2967. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Le xviie  siècle français voit se succéder ou coexister plusieurs formes générales de sensibilité : la sensibilité précieuse, la sensibilité chrétienne, avec ses variétés, janséniste et jésuite ; la sensibilité rationaliste ou cartésienne ; la sensibilité libertine (pour un cercle plus restreint d’esprits). […] Dès lors, affirmer la primauté de la raison sur la sensibilité, c’est affirmer du même coup la primauté et la prépondérance de l’esprit social sur l’âme individuelle. […] C’est pourquoi la société et particulièrement ceux qui, dans la société, représentent la tendance sociale, sociologues, moralistes, éducateurs s’efforcent de les réduire et de les corriger le plus possible : l’unicité par le conformisme, la spontanéité par la règle, l’instantanéité par l’esprit de suite, l’insatiabilité du désir par l’appel à la résignation et par les perspectives des Paradis humanitaires ; la discordance de nos affections et de nos passions soit par un ordre social artificiel capable d’harmoniser du dehors nos désirs discordants (Fourier) soit par la notion d’un ordre objectif et scientifique supérieur aux caprices et aux fantaisies des sensibilités individuelles29 (A. 

2968. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

I On vous a sans doute souvent demandé à quoi servent les mathématiques et si ces délicates constructions que nous tirons tout entières de notre esprit ne sont pas artificielles et enfantées par notre caprice. […] La physique mathématique et l’analyse pure ne sont pas seulement des puissances limitrophes, entretenant des rapports de bon voisinage ; elles se pénètrent mutuellement et leur esprit est le même. […] C’est l’esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s’attacher qu’à la forme pure.

2969. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

L’homme était revenu, après des siècles d’abaissement, à l’esprit antique, au respect de lui-même, à l’idée de ses droits. […] Rien de plus mauvais pour l’esprit ; rien de plus fâcheux pour la civilisation. […] Ils avaient retrouvé, par leur commerce avec l’antiquité, le secret de l’éducation véritable de l’esprit humain, et ils s’y dévouaient corps et âme.

2970. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Pour nous servir d’une expression trivialement expressive, il y avait à boire et à manger dans son culte, et ses fêtes, qui gorgeaient les sens, offraient en même temps à l’esprit des philtres divins. […] Le Dithyrambe était l’ode en état d’ivresse, le chant de vertige exhalé des outres crevées de Bacchus, la voix sortie du vin bouillonnant dans les veines et l’esprit de l’homme. — « C’est quand le vin a frappé mon âme de ses foudres et de ses éclairs, que je vais entonner le noble chant du roi Dionysos », — dit un fragment d’Archiloque. — Épicharme s’écriait dans son Philoctète : « Il n’y a pas de dithyrambe possible si on a bu de l’eau. » — Le désordre était la règle de ce lyrisme à outrance, il jetait des cris et des flammes. […] Génie tout lyrique et bachique encore, Phrynicos se vantait d’avoir dans l’esprit autant de figures de danses, « qu’une nuit orageuse soulève, pendant l’hiver, de vagues sur la mer ».

2971. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Le précepteur, homme d’esprit & d’érudition, fut, en très-peu de temps, pourvu de deux abbayes. […] Tout concouroit à faire parler d’elle ; les agrémens de son esprit, la difformité de son visage, l’amour excessif de l’étude dans une femme, la singularité de ses ouvrages, ses liaisons avec un bel-esprit* tout aussi laid qu’elle. […] Un jour elle écrivit à Pélisson, que Despréaux : appelle vilain garçon, plus laid qu’un singe & qu’un diable : Enfin, Achante, il faut se rendre ; Votre esprit a charmé le mien.

2972. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

On jugera, par cette lettre, quelle étoit, à Berlin, la fermentation des esprits. […] Ce prince avoit auparavant entretenu avec lui, quinze ans entiers, un commerce de lettres ; commerce philosophique d’esprit, de goût, de vers & de prose ; commerce sans exemple entre un souverain & un particulier. […] On ne put s’empêcher de rire du portrait « d’un vieux capitaine de cavalerie travesti en philosophe, marchant en raison composée de l’air, distrait & de l’air précipité ; l’œil rond & petit, la perruque de même ; le nez écrasé ; la physionomie mauvaise, ayant le visage plein, & l’esprit plein de lui-même ».

2973. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

De quelque manière qu’on envisage la déclamation, elle a divisé les esprits. […] « Il n’y a que le corps qui prêche ; la mémoire seule dirige la langue, les yeux, les bras : l’esprit & le cœur semblent absens. […] « Il semble le voir, disent ses admirateurs, dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, & dans les cœurs les mouvemens les plus tendres. » Baron l’ayant rencontré dans une maison ouverte aux gens de lettres, le lendemain d’un jour qu’il avoit été l’entendre, lui fit ce compliment : « Continuez, mon pere, à débiter comme vous faites : vous avez une manière qui vous est propre, & laissez aux autres les règles. » Cet avis se ressent du caractère de Baron, le plus fier des hommes.

2974. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

La fonction du biographe était d’attacher à ces livres un jugement (dans la portée de son esprit) concis et résumant. […] Né dans les bois de la Vendée, les premières années de sa vie ne révélèrent pas l’homme qu’il devait être, la flamme d’esprit qui dormait en lui et qui devait en déborder. […] Il n’avait pas l’esprit svelte, musical et artiste, de Beaumarchais, mais il en avait la pétulance de répartie, l’attaque vive, le raccourci dans le coup qui le pousse plus avant, et l’imagination dans l’invective qui, comme le voile de pourpre dans les yeux du taureau, fait écumer l’adversaire.

2975. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Religieusement, catholiquement, au point de vue de la doctrine et de la direction à imprimer aux esprits le livre du Père Lacordaire est un malheur d’autant plus grand que les âmes sur lesquelles il n’opérera pas, les âmes ennemies, en verront très bien la portée et s’empresseront de la signaler comme inévitable, puisqu’un prêtre la donne à son livre. […] Lacordaire n’est que le roman, le roman pur, introduit dans cette mâle et simple chose qu’on appelle l’hagiographie, par un esprit sans virilité ! […] Non, le mal est plus profond : elle vient de l’absence de justesse dans un esprit, brillant souvent, mais jamais excessivement par la justesse.

2976. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

On conçoit que la plupart de ces orateurs ou sophistes, dont l’art et le talent était de s’affecter avec rapidité de tous les sujets, devaient avoir une imagination vive et un esprit enthousiaste ; l’un, nommé par la ville de Smyrne pour aller en ambassade vers un empereur, adresse sur-le-champ une prière aux dieux, pour qu’ils lui accordent l’éloquence d’un de ses rivaux ; un autre ne méditait jamais que la nuit. […] Il semble que cette espèce de vigueur qui donne un mouvement rapide à l’esprit et du nerf aux idées, ait toujours manqué à l’Asie. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.

2977. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Tout, en cette adorable enfant, trahissait l’esprit supérieur. […] C’étaient ceux des chefs-d’œuvre de l’esprit humain. […] Je sais qu’on fera de l’esprit sur ce que je dis, mais je m’en moque. […] Je veux absolument voir l’homme heureux qui aura pour femme Jeanne, qui est un trésor d’esprit et de cœur. […] Beaucoup d’esprit, malgré un grand aplomb.

2978. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

quel esprit ! […] quel esprit ! […] La collaboration de l’esprit alerte de M.  […] La profession même d’Huguet a dû hâter la maturité de son esprit. […] Gnouf-gnouf et ô mon Dieur-je résument toute la gaieté et tout l’esprit français.

2979. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Par contre, nous savons positivement qu’en 1856 ce sujet l’obsédait à tel point « qu’il lui était difficile de s’en débarrasser suffisamment l’esprit, pour continuer son travail du Ring ». […] Si Wagner a fait ce drame si rapidement, c’est qu’il le portait dans son esprit depuis plusieurs années et qu’il était arrivé à maturité. […] Examinons donc en toute liberté d’esprit la langue, et l’équilibre entre la langue et la musique dans Tristan. […] Mais, revenu au jour, c’est-à-dire sorti du théâtre de Bayreuth, l’esprit ne peut se contenter de cette compréhension ou du moins cherche à la préciser et à l’approfondir. Il y a ainsi deux degrés de compréhension : la compréhension provenant de la perception, et la compréhension qui s’opère quand l’esprit n’est plus sous l’impression de l’atmosphère acoustique et optique.

2980. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

* * * — Les civilisations ne sont pas seulement une transformation des pensées, des croyances, des habitudes d’esprit des peuples, elles sont aussi une transformation des habitudes du corps. […] Sur cent personnes qui liront votre Venise, à peine deux se douteront de ce que vous avez voulu faire. » Ici, Edouard Houssaye et Aubryet sont enragés contre l’article… Et cela tient à une chose, c’est que le sens artiste manque à une infinité de gens, même à des gens d’esprit. […] Et pour accompagner la fête, le pianiste Quidant, à l’esprit si foncièrement parisien, à l’ironie féroce, qui a baptisé Marchal « le peintre des connaissances utiles ». […] Si le public savait au prix de combien d’insultes, d’outrages, de calomnies, et de malaises d’esprit et de corps, est acquise une toute petite notoriété, bien sûrement, au lieu de nous envier, il nous plaindrait. […] De l’esprit, non de touche, mais dans le choix du sujet.

2981. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il me dit que c’est la plus étonnante créature du monde, un cerveau merveilleux, mais un cerveau qui serait, selon son expression, dans une assiette, n’ayant aucune corrélation avec sa personne, sa conduite, son état et son esprit dans la vie, la laissant « enfantine et dinde au possible ». […] * * * — Dans l’élite de ceux qui pensent, il se fait une visible réaction contre le suffrage universel et le principe démocratique ; et des esprits se mettent à voir le salut de l’avenir dans une servitude de la canaille, sous une aristocratie bienfaisante des intelligences. […] 20 mai Ce soir chez la princesse, nous avons entendu pour la première fois de l’esprit de Dumas fils. Une verve grosse mais qui va toujours, des ripostes qui sabrent tout, sans souci de la politesse, un aplomb qui touche à l’insolence, et qui en donne à sa parole toutes les bonnes fortunes ; par là-dessus, une amertume cruelle… mais incontestablement un esprit bien personnel, un esprit mordant, coupant, emporte-pièce, que je trouve supérieur à l’esprit que l’auteur dramatique met dans ses pièces, par sa qualité de concision et de taille à arêtes vives, qu’il a, cet esprit, dans sa première spontanéité ! […] Elle ne périra pas par les grandes et nobles attaques de la pensée, mais tout bonnement par le bas poison, le sublimé corrosif de l’esprit français : la blague.

2982. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Si l’on surmonte à la lecture l’espèce de monotonie inévitable qui tient au genre, si l’on y entre par l’esprit, on s’aperçoit qu’on est dans une suite de chefs-d’œuvre. […] Devant ces jeunes débauchés en qui fermentait déjà l’esprit du xviiie  siècle, il pose en principe que « la source de toute incrédulité est le dérèglement du cœur » ; que « le grand effort du dérèglement est de conduire au désir de l’incrédulité » ; que c’est l’intérêt qu’ont les passions à ne point arriver à un avenir où la lumière et la condamnation les attendent, qui incline et oblige les esprits à ne pas y croire. […] Dans cet âge où les affections de l’esprit et celles de l’âme ont une communication réciproquement si soudaine, où la pensée et le sentiment agissent et réagissent l’un sur l’autre avec tant de rapidité, il n’est personne à qui quelquefois il ne soit arrivé, en voyant un grand homme, d’imprimer sur son front les traits du caractère de son âme ou de son génie.

2983. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Certes, les plus célèbres et les plus riches en souvenirs, les plus historiques, les plus en accord avec le caractère et l’esprit du monument. […] Il a dit encore de lui-même dans une ballade, qu’au bruit du vin qu’il entend verser de la bouteille, qu’au fumet des viandes appétissantes qu’il voit servir sur les tables, son esprit se renouvelle, et qu’il se renouvelle encore à voir chaque fleur en sa saison, et les chambres éblouissantes de lumières pendant les longues veilles, comme aussi à trouver bon lit après la fatigue, sans oublier la friande collation arrosée de clairet, que l’on fait pour mieux dormir. Un tel esprit, si souvent et si aisément renouvelé, ne devait pas engendrer longtemps mélancolie, ni se laisser mourir d’amour. […] sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, esprit clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé, âge, corps et membres pour souffrir peine24, je m’avisai que je ne voulois point tarder de poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besoignes et entreprises, sans que j’y envoyasse aucune autre personne en mon lieu, je pris voie et occasion raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur monseigneur Gaston, comte de Foix et de Béarn… Le comte de Foix ne l’a jamais vu, mais il le connaît de réputation et a bien souvent entendu parler de lui.

2984. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Celui-ci fait là à Raphaël un reproche qui rappelle certaines critiques adressées de nos jours à Racine pour avoir, dans Esther et même dans Athalie, adouci un peu trop et diminué les types juifs : un ton général d’harmonie, un esprit d’humanité et de christianisme qui brille sur l’ensemble, leur a fait sacrifier peut-être, au poète comme au peintre, certains traits crus et saillants. […] Or, cette personne qui revient quelquefois dans ses lettres, disciple de Corinne à beaucoup d’égards, surtout par les prétentions à l’enthousiasme, et qui paraît avoir été peintre, si ce n’est poète, il ne put jamais, malgré son esprit et son mérite, parvenir à la goûter : Ma foi, mon cher, écrivait-il à un ami, malgré son amabilité (affectée bien souvent), je lui trouve si peu de naïveté, de vrai sentiment, de jugement raisonnable, qu’elle est bien loin d’aller sur ma piquée… Elle nous fait des compliments si exagérés souvent, qu’il est impossible de ne pas voir qu’ils ne sont que dans sa bouche ; et puis, enfin, on voit le caractère des gens dans leur peinture ; je trouve qu’elle n’a pas l’ombre de sentiment, pas d’expression, pas de vérité bien souvent dans la couleur ; pour le dessin, elle ne s’en doute pas : et elle veut mettre à tout cela une touche-homme… Ma foi, je la juge violemment, tu diras. […] Ce premier tableau un peu grand, qui fut celui de Corinne, devenu plus tard L’Improvisateur, lui avait coûté bien de la peine ; ce devait être sa condition de faire et son élément : « D’ailleurs, disait-il, chacun a sa manière de jouir au monde : la mienne est de me donner beaucoup de peine, ce qui naturellement doit m’occuper beaucoup la tête, l’esprit et l’âme, avantage que j’ai toujours apprécié. » Malgré l’impression de sérieux et d’élévation que font à bon droit les œuvres de Léopold Robert et la lecture de ses lettres citées par M.  […] Navez ces paroles tout empreintes d’affection amicale et d’esprit de famille : Il est vrai que tu as tout pour te trouver heureux d’être au monde : tu te trouves dans ta patrie, honoré et considéré pour ton talent brillant ; estimé, aimé par toutes les personnes qui te connaissent ; regardé par la Fortune de son œil le plus favorable ; heureux époux, heureux père.

2985. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il s’était formé par l’étude, et il avait auprès de lui un secrétaire et factotum des plus distingués par l’esprit et les connaissances, Priolo. […] Il s’agissait de trouver un personnage qui les poussât et les guidât, « adroit à manier les peuples, agréable aux Grisons (la plupart protestants) », propre « à remettre ces gens-là peu à peu et à regraver dans leurs esprits la dévotion qu’ils commençaient à perdre pour les Français, et qui fût de tel poids, qu’il pût être en ce pays comme garant et caution de son maître », sans que le nom de ce maître fût mis d’abord trop en montre. […] Au sortir de là, Rohan, bien qu’il eût titre toujours de général de l’armée du roi, se retira à Genève et refusa de ramener son armée par la Franche-Comté ; il se méfiait du cardinal, dont il n’avait pas suivi les ordres, et qui le lui rendait bien : Il est donc certain, dit ce redoutable ministre, ou que ledit sieur duc, qui était habile homme et connu pour tel, avait l’esprit troublé, ou qu’il y eut trop de timidité en son fait, ou beaucoup de malice ; et ce qui le condamne, c’est de s’être retiré du service du roi, de n’être point venu commander l’armée en la Franche-Comté, et d’être demeuré à Genève ; car, s’il n’avait point failli, et qu’il n’eût pu mieux faire ainsi qu’il disait, pourquoi feindre d’être malade à Genève, puis dire que l’armée qu’on lui donnait à commander était trop faible ? […] On entrevoit que dans la pratique habituelle il avait toutes les vivacités de l’esprit et de l’éloquence.

2986. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Un peu d’application et d’étude suffit pourtant bientôt pour dissiper ou pour réduire la plupart de ces fausses vues et de ces objections exagérées à distance : à le considérer de près, dans ses actes et dans ses Œuvres, on reconnaît qu’avec ses défauts et ses taches Frédéric est de la race des plus grands hommes, héroïque par le caractère, par la volonté, supérieur au sort, infatigable de travail, donnant à chaque chose sa proportion, ferme, pratique, sensé, ardent jusqu’à sa dernière heure, et sachant entremêler à son soin jaloux pour les intérêts de l’État un véritable et très sincère esprit de philosophie, des intervalles charmants de conversation, de culture grave et d’humanité ornée. […] Les jeunes princes s’unirent, ils s’accoutumèrent à rester liés et un peu ligués entre eux, à le révérer, à le craindre, et le prince Henri, le plus distingué des trois par l’esprit et par les talents, ne put s’empêcher de l’envier. […] Le prince Henri était très supérieur au précédent par les qualités de l’esprit, par la grâce en société et par les talents à la guerre : peu s’en faut même, si l’on en juge par certaines histoires et par des panégyriques de rhéteurs, qu’on ne le mette au niveau presque du grand Frédéric, et qu’on n’établisse entre eux une espèce de parallèle par contraste, une rivalité. […] Frédéric était un grand homme, de ceux en qui réside et se personnifie la force et la destinée d’une nation ; le prince Henri, tel qu’il ressort à nos yeux de la correspondance qu’on vient de publier et des divers témoignagnes, me paraît un prince raisonneur, réfléchi, méthodique, quelquefois jusqu’au bizarre et au minutieux, ombrageux, susceptible, capable d’envie, fastueux, aimant la montre, ne haïssant pas d’être trompé, ayant une forte teinte de la sensibilité et de la philanthropie de son siècle ; avec cela de la justesse par places, de la mesure habile, de la combinaison, de l’adresse, des parties ingénieuses ; mais grand homme, c’est beaucoup dire : il n’est grand en rien, il n’a rien d’héroïque ; c’est un esprit distingué et un guerrier de mérite.

2987. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Si vous pouviez préparer l’esprit des Français à s’expliquer envers vous des conditions de la paix, pour que l’on pût juger de leurs intentions et voir s’il y aurait quelque chose à faire avec eux ; si vous les priiez de vous confier leurs demandes, assurant de n’en point faire un mauvais usage, et leur répondant des bonnes dispositions dans lesquelles j’étais, peut-être verrait-on si ce traité est vrai, qu’on les suppose avoir fait avec les Autrichiens, et du moins pourrait-on juger par leurs propositions à quoi l’on peut s’attendre d’eux en cas de besoin. […] Je ne sais ce que j’ai écrit ; j’ai le cœur déchiré, et je sens qu’à force d’inquiétude et d’alarmes, mon esprit s’égare. […] Il n’avait pas en sa veine de quoi justifier cet autre mot du même poète, et qui porte avec lui sa preuve lumineuse : « Elle vit plus longtemps que les actions, la parole que la langue a tirée d’un esprit profond avec la rencontre des grâces. » Les grâces, il les rencontrait souvent, il les accostait volontiers, mais c’étaient les grâces familières ; et cette autre condition que veut Pindare, la profondeur, était absente. […] Contentons-nous de reconnaître et de saluer dans la margrave une des femmes originales du xviiie  siècle, un esprit piquant, une rare fierté d’âme, un caractère et un profil qui a sa place, marquée non seulement dans l’anecdote, mais dans l’histoire de son temps, et qui, à meilleur droit encore que le prince Henri et à un degré plus rapproché, se distinguera toujours au fond du tableau à côté du roi son frère.

2988. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

A mesure que l’esprit juge mieux de l’étendue des choses, de la richesse du passé, de l’incomparable beauté des anciens et premiers modèles, il entre dans une sorte de sérénité un peu calme et refroidie, qui tempère la veine féconde. […] Une fois passé, on n’a plus à s’occuper d’eux, et l’on va rejoindre les gens d’esprit d’au delà. […] Mérimée n’a rien à dissimuler ; son esprit des mieux faits et sa plume des plus sûres restent libres ; il lui suffit d’observer, dans ses travaux d’érudit, la ligne sévère qui est de son goût et du bon goût propre au genre même. […] En se servant de ces termes abstraits sous lesquels se glissent si aisément des idées toutes modernes, on n’arrive à rien de véritablement satisfaisant pour les esprits investigateurs ; on ne fait qu’irriter leur curiosité, comme en leur posant le problème.

2989. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il noue des amitiés étroites avec des êtres primitifs et beaux, Samuel, Achmet, Yves, créatures plus nobles et plus élégantes que les civilisés médiocres, et avec qui son esprit n’a point à s’efforcer ni à se contraindre et goûte d’ailleurs le plaisir de la domination absolue. […] Pierre Loti a eu l’esprit d’y naître — et d’être officier de marine, c’est-à-dire condamné par sa profession aux pérégrinations sans fin  Il fallait en second lieu que l’écrivain sût voir. […] Les gens du peuple, les esprits simples adorent les romances qui leur parlent de choses qu’ils n’ont point vues, de lagunes et de gondoles, ou qui leur présentent un Orient de vignettes avec caravanes, minarets et yatagans. […] Et ce qui augmente encore son trouble, c’est le mystère de cette race maorie qui vient on ne sait d’où, qui passe sa vie à rêver et à faire l’amour, qui n’a pour toute religion qu’une vague croyance aux esprits des morts ; de cette race voluptueuse et songeuse qui vit dans une nature trop belle, mais muette, où il n’y a pas d’oiseaux, où l’on n’entend que le bruit des flots et du vent ; de cette race sans histoire qui va décroissant et s’éteignant d’année en année et qui mourra d’avoir été trop heureuse… Et cependant la reine Pomaré donne un bal dans ses salons aux officiers de marine.

2990. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Oui, certes, il est très clair que, sous la pression constante du monde extérieur, les esprits ne peuvent manquer de contracter des habitudes, de prendre des plis ineffaçables. […] Mais, quelles que soient les causes qui transportent d’une région à l’autre la royauté intellectuelle, il résulte de là que l’esprit d’une époque peut avoir une teinte gasconne, ou normande ou parisienne. […] A mesure qu’un pays est découpé en champs bien cultivés, sillonné dans tous les sens par des routes, l’humeur des habitants devient plus douce, plus égale ; leur esprit, lui aussi, s’ouvre, s’aère, s’assainit. […] Elle contribua pour sa large part à la floraison poétique de la Renaissance, aux spéculations élargies des philosophes, à l’essor plus hardi de l’esprit humain.

2991. (1886) De la littérature comparée

Marc Monnier a signalé — après les avoir résolues — les difficultés d’un enseignement aussi vaste que celui de la littérature comparée : « Mener toutes les littératures de front, a-t-il dit ; montrer à chaque pas l’action des unes sur les autres ; suivre ainsi, non plus seulement en deçà ou au-delà de telle frontière, mais partout à la fois, les mouvements de la pensée et de l’art, cela paraît ambitieux et difficile... » Il a pu ajouter : « On y arrive cependant, à force de vivre dans son sujet qui petit à petit se débrouille, s’allège, s’égaie... » Mais ce qu’il n’a pas dit, ce sont les rares qualités d’esprit qui lui ont permis d’accomplir un tel travail et de le perfectionner d’année en année : une érudition qui s’élargissait sans cesse ; un sens critique habile à choisir entre la masse des documents les plus propres à marquer la physionomie d’un homme ou d’une époque, ou à dégager les caractères essentiels d’une œuvre ; une intelligence si enjouée qu’elle a pu, pour conserver son expression, « égayer » cette grave étude de l’histoire littéraire, si alerte, que d’heureuses échappées dans tous les domaines, elle a su rapporter des œuvres également distinguées. […] Tant qu’on a considéré le Beau littéraire comme un absolu, ou, plus exactement peut-être, tant qu’on n’a pas tenté l’analyse du Beau littéraire, la critique a pu demeurer ce qu’elle avait été à ses débuts, ce qu’on la voit dans les « Examens » de Corneille et de ses contemporains, dans le « Spectator » d’Addison, dans la « Dramaturgie de Hambourg » de Lessing : une discussion conduite en vue de rechercher si l’œuvre étudiée s’éloigne ou se rapproche d’un certain type d’œuvre admis comme type idéal ; si elle respecte ou viole certaines règles, tirées de l’examen des chefs-d’œuvre antiques et acceptées par une convention d’ailleurs tout arbitraire ; ou même, simplement, si elle plaît ou déplaît, soit au critique lui-même, soit à un groupe de personnes qu’il croit représenter, et qu’il appelle suivant les époques les « bons esprits » les « lettrés », le « public ». […] Arrivée à ce point, la critique se différencie déjà nettement du feuilleton littéraire, elle s’exerce sur des faits précis, elle procède méthodiquement, elle n’est plus un jeu d’esprit ou un exercice de littérature, elle est une discipline de l’histoire. […] Nisard, un des derniers professeurs qui l’ait pratiquée avec éclat, le déclarait ouvertement : « Qui connaît les anciens et notre grand siècle, disait-il en 1855, en prenant possession de la chaire d’éloquence française vacante depuis la mort de Villemain, a trouvé, dans l’ordre des choses de l’esprit, son idéal, sa règle, et, s’il est professeur, son autorité. » C’était clair et simple.

2992. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Louis XI était de cette race et avait reçu en partage le même don, celui de manier les esprits par son accent et par les caresses de sa parole. […] Il faut lire là-dessus le chapitre xix du livre V, intitulé « Caractère du peuple françois et du gouvernement de ses rois », pour avoir de Commynes et de son esprit politique toute l’estime qu’il mérite. […] Le malheur de la France est qu’un tel gouvernement n’ait pas été constitué régulièrement quand le peuple était bon, les Communes consistantes, les grands corps de l’État animés d’un esprit de tradition, et la vitalité du royaume en son entier. […] Il n’avait pas eu plus d’éducation que M. de La Rochefoucauld, pas d’autre que celle des hommes et des choses ; aux esprits bien faits c’est la meilleure, et elle suffit.

2993. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

J’aime le déshabillé d’un esprit charmant, je ne puis admettre cette nudité que l’Arsinoé de Molière aime tant. […] Il gémit, il pleura sur notre crime, nous peignit comme de bons jeunes gens, un peu faibles d’esprit, un peu toqués, et ne trouva pas à faire valoir, pour notre défense, de circonstances atténuantes, plus atténuantes, que de déclarer que nous avions une vieille bonne qui était depuis vingt ans chez nous. […] Et il y avait des relations non encore brisées entre Rouland et les Passy, qui parlaient chaudement en notre faveur, et le samedi 19 février, le président de la 6e chambre donnait lecture, à la fin de l’audience, du jugement dont voici le texte : « En ce qui touche l’article signé Edmond et Jules de Goncourt, dans le numéro du journal Paris, du 11 décembre 1852 ; « Attendu que si les passages incriminés de l’article présentent à l’esprit des lecteurs des images évidemment licencieuses et dès lors blâmables, il résulte cependant de l’ensemble de l’article que les auteurs de la publication dont il s’agit n’ont pas eu l’intention d’outrager la morale publique et les bonnes mœurs ; « Par ces motifs : « Renvoie Alphonse Karr, Edmond et Jules de Goncourt et Lebarbier (le gérant du journal) des fins de la plainte, sans dépens. » Nous étions acquittés, mais blâmés. […] — Non, Monseigneur. » Le duc se tournant vers un officier : « Cet homme-là a de l’esprit, il faudrait en faire quelque chose, le nommer caporal. — Monseigneur, je ne suis pas ambitieux ! 

2994. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Les uns se la figurent comme un fluide invisible et impalpable répandu dans tout le corps ; les autres, comme un être immatériel et inétendu, appliqué sur les parties matérielles et étendues ; les autres, comme une chose inexplicable et hors de la portée de l’esprit humain. […] Nous avons purgé notre esprit d’un être métaphysique. […] On a passé des siècles à raisonner sur la force vitale ; et des gens fort savants, à Montpellier, dépensent encore en son honneur la moitié de leur temps et tout leur esprit. […] Nous n’opérons plus sur des mots vides, mais sur les choses ; si nous n’avons pas accru les faits que nous savions, nous avons contrôlé les termes dont nous usions ; si nous n’avons pas beaucoup diminué notre ignorance, nous avons beaucoup diminué nos erreurs ; nous avons refait toutes nos idées, et nous avons refondu notre esprit.

2995. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Sûr de sa présence d’esprit, fort de sa merveilleuse sagacité, il s’abandonnait volontiers au cours des choses, et comptait, ainsi qu’à la guerre, sur les saillies du moment. […] De nombreux écrits de circonstance adressés à la France ou à l’émigration, des pamphlets contre Bonaparte, des liaisons avec Moreau et Pichegru, des instructions militaires à l’Espagne, tout révèle en lui une ferveur d’esprit que l’âge ni l’infortune ne pouvaient glacer.

2996. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Son naturel aimant, sa simplicité d’esprit, sa défiance naïve de lui-même, son dévouement sublime pour Henri, et surtout cette amitié plus familière, mais pourtant respectueuse encore, qui l’unit à Richard, tout en lui attache et plaît ; il est presque entre les nègres ce que la Rébecca d’Ivanhoë est parmi les Juives. […] Ce qui domine chez Henri, c’est quelque chose d’honnête, de régulier et de sérieux ; les idées d’ordre et de devoir sont toutes-puissantes sur son esprit ; sa sensibilité vive se cache sous des dehors graves et froids ; dans la situation délicate et même équivoque où il s’est placé, il ne déroge pas un seul instant à la prudence, à la franchise ni au courage ; en un mot, s’il y a du Paul Jones dans le corsaire, il y a du Washington dans ce jeune homme.

2997. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Mais Amélie, qui a eu jusqu’ici du bon sens et de la bonté, va avoir de l’esprit. […] Cette pièce a de l’entrain ; le caractère de la tutrice est d’une donnée assez neuve, et l’esprit, sans y être de haut vol, n’est pas trop vulgaire.

2998. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

La propriété du langage n’est plus absolue alors : elle est relative ; le mot propre est celui qui éveille le mieux dans l’esprit du lecteur l’idée de l’objet que l’écrivain veut désigner, et un à peu près que tout le monde entend, vaut mieux alors qu’un terme exact, que nul ne saisit. […] Mais dans les occasions où l’on veut être lu de tous, où l’on n’exclut d’avance aucune catégorie d’esprits de l’intelligence de ce qu’on écrit, cette clarté spéciale ne suffit plus.

2999. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Il y montra plus de curiosité d’art et de goût de forme que d’esprit critique et de philosophie… Son livre, son Pèlerin passionné, vaut qu’on en parle, d’abord parce qu’on y trouve çà et là de l’aimable et même de l’exquis… Pour ma part, la prosodie de M.  […] C’est que ces vestiges de l’antiquité grecque et de l’esprit hellène ne constituent qu’une minime partie de notre patrimoine intellectuel.

3000. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Une série de pièces : Les Demoiselles de Bienfilâtre, l’Affichage céleste, la Machine à gloire, le Plus Beau dîner du monde, décelaient un esprit de goguenardise singulièrement inventif et âcre. […] dit un de ses personnages, nous sommes pareils à ces cristaux puissants où dort, en Orient, le pur esprit des roses mortes, et qui sont hermétiquement voilés d’une triple enveloppe de cire, d’or et de parchemin. » Une seule larme de leur essence conservée ainsi dans la grande amphore précieuse (fortune de toute une race et que l’on se transmet par héritage, comme un trésor sacré tout béni par les aïeux) suffit à pénétrer bien des mesures d’eau claire.

3001. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

A toute époque, il y a dans une société certaines idées nouvelles qui naissent à la fois dans un grand nombre d’esprits, des germes de pensées et de sentiments qu’on sent flotter autour de soi et qu’on respire, pour ainsi dire, dans l’air ambiant. […] Sans doute un homme peut être un esprit de premier ordre et, malgré cela ou quelquefois par cela même, être en lutte avec le courant dominant.

3002. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Je prends trop sur moi pour que l’esprit et le corps n’y succombent pas, peut-être tous les deux. » Vous avez l’explication de cette mélancolie dans un mouvement de jalousie dont ne se défend pas l’amour le plus chaste. […] Il y avait du bon esprit à prendre ce parti.

3003. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Le poëme que l’auteur a dans l’esprit, n’est ici qu’entr’ouvert. […] La fiction parfois, la falsification jamais ; aucun grossissement de lignes ; fidélité absolue à la couleur des temps et à l’esprit des civilisations diverses.

3004. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Dès qu’on peut voir les hommes d’assez près pour discerner leurs petites vanitez et leurs petites jalousies, comme pour demêler les inégalitez de leur esprit, l’admiration cesse. […] Mais ces poëtes avoient été élevez dans l’esprit republicain qui regnoit parmi les atheniens, et qui cherchoit toujours à rendre odieux le gouvernement d’un seul.

3005. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Lorsque j’affirme : « Cette table est blanche, cet homme est blond », l’attitude de mon esprit n’est pas la même que si j’affirme : « Cette table est belle, cet homme est respectable. » Sans doute, dans un cas comme dans l’autre, je juge ; mais la position de l’objet vis-à-vis du sujet n’est pas la même dans les deux jugements. […] Si donc l’idée de l’égalité exclut à nos yeux celles de la classe ou de l’espèce, elle réunit celles de l’individualité et de l’humanité : en d’autres termes, dans un esprit qui déclare les hommes égaux, le sentiment qu’ils sont semblables n’exclut nullement, le sentiment qu’ils sont différents.

3006. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Il n’y a pas, notez-le bien, de formes d’esprit plus opposées que celle de l’historien proprement dit, narrateur et chroniqueur, et celle du philosophe ou de l’homme de doctrine. […] Pourtant l’opposition existe entre les deux familles d’esprits, bien réelle et profonde. […] On a cité des exemples naïfs de sa crédulité, et qui montrent qu’en fait de critique il n’est pas supérieur aux gens d’esprit de son temps. […] En certains cas il va plus loin : il croit aux esprits, aux démons familiers. […] Je ne sais si cette pensée d’un rapprochement funèbre est venue à l’esprit de Froissart ; elle semble comme négligemment touchée dans les paroles qui concluent le récit, et, qu’il l’ait eue ou non, il met le lecteur à même d’achever et de tirer toute la réflexion morale.

3007. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Et tout cela, avec les années, avec les douleurs et les coups acharnés du sort, n’était pas sans être traversé souvent dans son esprit de bien des doutes et de funestes ténèbres. […] Il est impossible que la Vierge, qui a présidé à notre naissance dans la rue Notre-Dame, l’ait oublié : oui, Félix, c’est impossible, Elle aime en toi le fils du père des pauvres, et te donne aujourd’hui pour protecteur ceux qui les jugent et se consacrent à eux… « … Mais la politique empoisonne les esprits. — Moi qui pleurais de joie et de respect en traversant enfin Genève, patrie de notre grand-père paternel, on m’y a poursuivie avec ma petite famille en criant contre nous : “À bas les Français !” […] Claude Turpault, esprit très élevé, mathématique et philosophique : « Le 7 mai (1869)… Je tiens à vous dire avec quelle vive satisfaction j’ai lu, dans les articles de Sainte-Beuve sur Mme Desbordes-Valmore, la touchante lettre par elle à vous adresser qu’il y cite, et qu’il contresigne en quelque sorte : c’est un bien précieux témoignage, et vous l’avez mérité ! […] Il a été vraiment disciple de Jésus, plus que ses intolérants collègues, les B… (un cardinal-archevêque) et les D… (un membre de l’Institut, sénateur), en louant avec tant de sympathie et de délicatesse cette femme si humble par le rang, si grande par la tendresse et par la pitié. — C’est, avec une autre application, le même esprit qui l’a inspiré lorsqu’il a flétri, dans Talleyrand, les vénalités du Temple politique… » — Un mot encore qui résume en un sentiment général l’impression laissée par la lecture de ce second article, et qui répond à un scrupule de la fin. […] Les beaux vers ne sont pas rares, mais on croirait que la plupart ont été dictés plutôt par l’esprit que par le cœur.

3008. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Le dieu irrité, ne pouvant lui retirer l’Esprit divinatoire, le stérilisa dans son sein. […] La voilà en proie aux épreintes de l’Esprit qui gonfle son sein ; elle rejette en fumée la flamme dont il la remplit ; elle rend par mots convulsifs la divination qui l’oppresse. […] Mais l’Esprit se remet à souffler sur elle, le travail prophétique gonfle de nouveau sa poitrine, la seconde vue rouvre ses yeux aux horreurs du palais maudit. […] Mais Cassandre parle à des esprits assourdis par l’âge ; les vieillards comprennent ce qu’elle dit du passé, ils s’obstinent à ne pas entendre le sens urgent de ses prédictions. […] La prophétesse a disparu, l’Esprit s’est retiré d’elle avec ses insignes : il ne reste plus qu’une femme brisée qui demande qu’on l’achève sans la faire souffrir. — « Que je sois tuée d’un seul coup !

3009. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Vous me montrâtes une sorte d’esprit et une manière de sentir et d’observer que je ne m’attendais point à trouver au pied du Mont-Jura. » — « J’avoue, lui répond Mme de Monnier, que vous m’inspirâtes cette prévention qui donne de la confiance. […] Ce que je connais de votre esprit ce que j’ai pénétré de votre âme, a fait naître en moi des sentiments que vos yeux, tout beaux qu’ils sont, n’auraient jamais produits. […] La marquise serait assez embarrassée de se le dire : « Ce jeune homme, qui n’a rien de très séduisant dans l’extérieur, n’est remarquable ni par son esprit ni par sa stupidité… Son étourderie est fatigante, son ton tranchant et présomptueux, ses manières évaporées. […] Selon lui, son séjour dans ce pays du Jura ne doit pas être aussi court qu’on le suppose ; le dessein de son père n’est pas d’abréger cet exil ; et lui-même il en est venu à renoncer à toute carrière d’ambition : Depuis que j’ai été à même et en état d’observer, les temps-ont été si difficiles, les circonstances si fâcheuses, l’esprit du gouvernement si bizarre, son despotisme à la fois si odieux et si insensé, que je me suis accoutumé à regarder la vie privée comme la place d’honneur3. […] Elle avait l’esprit naïf quoique fin, solide et gai tout ensemble, des saillies d’enfant, et quand la passion l’eut touchée une fois, cette âme douce devint forte, résolue, courageuse.

3010. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Que l’esprit et le cœur annihilent les instincts animaux et les révoltes de la nature ! […] L’immolation, l’esprit de sacrifice nous semblaient inconciliables avec l’adoration de cette enchanteresse. […] Cet enfant de dix-neuf ans écrit au courant d’une lettre familière une page que les historiens de la guerre feront bien de retenir :‌ Si dans son ensemble il existe ici un esprit sain et noble, il est tout autre que celui de l’arrière et des dépôts. Un esprit fait d’inconscience et de fatalisme chez les uns, de grave courage chez les autres, chez quelques-uns, enfin, de froide résignation. […] Puisque nous voici avec le noble enfant Michel Penet (d’un esprit ravissant, plein de poésie), laissons-le nous présenter le petit chasseur Chocolat.

3011. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Délivrons cet esprit fécond qui veut sortir, ouvrons-lui les barrières. […] C’est une anarchie parce que toute règle extérieure manque, mais qu’il n’existe qu’un esprit de vie intérieur et invisible ; c’est une démocratie parce que c’est le règne de l’homme-masse, ou Démos, dans chacun ; c’est une aristocratie parce que dans tous les hommes il y a des degrés et des rangs de pouvoir intérieur ; et c’est une monarchie parce que tous ces degrés et ces rangs forment enfin une parfaite unité, un contrôle central. […] Voici, exprimée en quelques phrases, une théorie complète de l’homme social, de l’équilibre social, par un des esprits les plus perçants de la génération nouvelle. […] Que mille et mille lieues les séparent et leurs esprits demeurent unis, sans qu’ils se connaissent, sans même qu’ils se comprennent. […] C’est pourquoi, portant en nous l’assurance inébranlable d’un avenir moins étroit, au milieu de cette brume qui nous enveloppe, nous en appelions aux esprits d’élite, pour qu’ils redoublent d’efforts.

3012. (1883) Le roman naturaliste

dont l’aspect étrange étonne et déconcerte un moment, mais qui, finalement, ne laissent dans l’esprit que le souvenir de beaucoup de talent inutilement employé ? […] Boulard, libraire de Monseigneur, de lui envoyer quelque chose de fameux pour une personne du sexe, qui était pleine d’esprit. […] Et l’on aura beau dire, il est d’un esprit presque aussi « bourgeois » de prendre plaisir à relever de certaines sottises que de les laisser échapper. […] Dans les portraits les traits d’esprit sont à peine de l’esprit : ils sont des traits de caractère. […] qu’elle est vieille encore cette idée romantique de l’inspiration cherchée dans le libertinage des sens et la débauche de l’esprit !

3013. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

N’est-ce pas là vraiment, un charmant trait d’esprit pour un surintendant des beaux-arts de l’Empire. […] L’âcreté du sang chez Chamfort devait faire son âcreté d’esprit. […] Il est né en Lorraine : c’est un esprit germain. […] De gros traits, d’épais sourcils noirs, la forte encolure des hommes d’esprit de Louis-Philippe, le type d’un censeur de collège de province. […] Nous montons en victorieux cet escalier, que nous avons monté si souvent dans des dispositions d’esprit si différentes.

3014. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Toute la littérature napoléonienne est présente à son esprit. […] L’hilarité (chacun sait cela) est un état de l’esprit et du corps singulièrement propice aux chutes. […] Ses premières phrases furent un hymne en l’honneur des progrès de l’esprit humain. […] Il a retrouvé la vraie patrie de son esprit et de son cœur. […] Et quand arrive l’âge de l’éducation, ils les envoient en Hollande respirer le patriotisme et l’esprit national.

3015. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Qui nous rendra leur esprit ? […] L’esprit l’évoque de la même façon qu’il conçoit l’idée ou le rêve. […] Et ces hommes d’un esprit si pénétrant, et ceux qu’enivrait l’orgueil, où sont-ils ? […] Quelquefois pourtant les événements extérieurs réagissent sur ce pur esprit. […] Ses misères d’esprit et de corps ne faisaient qu’accroître l’affection du peuple.

3016. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

On ne s’arrêterait pas si on arrachait, pour les faire admirer à l’esprit et au cœur, toutes les feuilles de ce jardin des roses romaines, comme les Persans appellent ces recueils de sagesse, de poésie et d’amour. […] Ce n’est plus l’âme d’Horace, ni sa voluptueuse bonhomie qui éclatent dans ses satires : c’est son esprit. L’esprit n’est que la partie fugitive de l’homme ; il s’évapore avec les mœurs, les vices, les ridicules des temps et des lieux pour lesquels on a écrit. […] Ils étaient désormais pour lui des brevets d’immortalité ; il avait l’esprit de pressentir celle du fils de l’affranchi, égale à celle du neveu de César. […] C’était, malgré tout son esprit, ce que nous appelons un homme de bon cœur.

3017. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Cette clôture du moyen âge, Rabelais et Cervantès la font aussi ; mais, étant uniquement railleurs, ils ne donnent qu’un aspect partiel ; l’esprit de Shakespeare est un total. […] Il ne faut pas se travailler ainsi l’esprit sur ces sortes d’actions ; on en deviendrait fou. […] Ô chère épouse, mon esprit est rempli de scorpions. […] Venez, mes sœurs, égayons ses esprits, et faisons-lui connaître nos plus doux plaisirs. […] Ne comparons donc pas ces deux grands esprits, l’un de l’abîme, l’autre des régions tempérées.

3018. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

elle que le pur esprit Brahma a formée de ses mains pour la maison d’un époux, elle qui me fait participer par sa pureté, moi et mes ancêtres, à sa virginité ; elle aussi pure que le jour où elle fut engendrée, elle qui porte dans son sein une longue postérité et des mondes à venir ? […] Aussi, plusieurs années se passèrent sans que je pensasse à recourir à ce moyen ; et ce premier germe de désir, déposé dans mon esprit par Sacountala elle-même, y demeura longtemps enseveli dans la plus profonde inaction. […] « Peut-être quelque esprit difficile, sans réfléchir que cette composition date d’un demi-siècle avant notre ère, frappé du défaut d’unité de temps et de lieu qui y règne, lancera-t-il contre elle le terrible anathème de romantisme. […] Ce ne sont plus les rugissements du lion, les cris du tigre qui viennent effrayer les voyageurs ; mais le bramement lointain du cerf, le chant des oiseaux, le bourdonnement de l’abeille, retentissant doucement à son oreille, portent dans les esprits un sentiment inexprimable de calme et de bonheur. […] Mon esprit incline vers elle avec tant de violence, qu’il est impossible qu’elle ne puisse devenir mon épouse !

3019. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

À ce moment encore, l’étalon et sa signification, c’est-à-dire l’écartement du compas et le souvenir de notre promenade, c’est-à-dire aussi la sensation musculaire de l’œil et l’image de la sensation musculaire du bras porté en avant à trente centimètres, sont ensemble dans notre esprit. […] Lorsque je contemple les divers plans d’un grand paysage, il n’y a qu’elles dans mon esprit, comme, lorsque je lis un chapitre d’économie politique ou de morale, il n’y a que des mots dans mon esprit ; et cependant, dans le premier cas, je crois apercevoir directement des grandeurs et des distances, comme, dans le second cas, je crois apercevoir directement des qualités pures et des rapports généraux. — Pour employer les expressions de M.  […] Cette relation symbolique, étant beaucoup plus courte, prend ordinairement dans l’esprit la place de ce qu’elle symbolise. […] Mais ce transport n’est pas, comme dit Kant, l’effet d’une structure d’esprit innée et inexplicable ; il est l’effet d’une disposition acquise, instituée en nous par l’expérience, et nous avons pu montrer, l’un après l’autre, tous les pas de cette acquisition. […] Sur chaque support nouveau, les images ajoutées construisent un nouveau simulacre, et l’esprit se remplit d’hôtes innombrables, population passagère à laquelle, pièce à pièce, correspond la population fixe du dehors.

3020. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Il fallait entendre Flaubert parler de l’esprit ; et sans que cela s’exprime par des mots, je sens chez d’autres amis, l’espèce d’indulgent apitoiement, qu’ils éprouvent pour ma toquade de l’art. […] Désaffection de cet acte, et espèce d’horripilement de son esprit, qui dans ces bouches odéonesques, ne me semble plus de l’esprit. […] C’est curieux ce qu’a produit, plus tard, cet amalgame de tendances et de goûts différents de l’esprit. […] » phrase qui faisait naître dans l’esprit de l’enfant, l’idée d’une localité, où son oncle se rendait la nuit. […] Il lui revient du sang aux joues, de l’esprit dans les yeux ; son corps se pacifie, et il ne semble plus le souffreteux de l’arrivée.

3021. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Alors une de ces dames lui dit que, si elle avait fait un pareil écrit, elle serait une sainte ; mais l’auteur, en moraliste avisé, répondit qu’il y a un pont bien large de l’esprit au cœur. […] C’est un prodige que la fécondité de ses vues pour la morale, sa pénétration dans l’esprit et dans le cœur humain, l’application heureuse et juste des exemples et des autorités de l’Écriture, son onction.

3022. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Rien n’en est démontrable, mais chacune de nos dispositions d’esprit y trouve son compte. […] Quand mon esprit aspire à la pleine lumière, Je sens tout un passé qui le tient enchaîné ; Je sens rouler en moi l’obscurité première : La terre était si sombre, aux temps où je suis né !

3023. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Voilà un homme tout à fait remarquable par le courage, l’énergie, la patience, la persévérance, la lucidité d’esprit, le talent d’organiser et de commander. […] Lisez-le… Ce que ces trente pages abondantes en redites finiront — peut-être — par évoquer dans votre esprit, c’est tout bonnement la vision de la vieille forêt vierge classique, celle que Chateaubriand décrit en cent lignes et Lamartine en deux cents vers (dans la Chute d’un Ange) ; mais combien moins nette chez le journaliste yankee que chez nos deux compatriotes !

3024. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Des réflexions si justes et si élevées de mon ami Corréard, je vous engage particulièrement à retenir ceci, que nous ne sommes pas des isolés dans le temps ; que tout ce que la vie a pour nous soit de commodité, soit de noblesse, c’est à nos pères, à nos aïeux, à nos ancêtres que nous le devons ; que nous devons aux morts la culture même d’esprit qui nous permet, sur certains points, de penser autrement qu’eux  et mieux, je l’espère  et qu’enfin, suivant le beau mot d’Auguste Comte, l’humanité est composée de plus de morts que de vivants. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

3025. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement. […] Paul Fort un répertoire, j’ai voulu seulement en indiquer un aspect et y voir une sorte de fonds où l’auteur certainement reviendra puiser d’autant plus sûrement qu’il est représenté là par les attitudes les plus diverses de son esprit ; il y donne son prisme mental.

3026. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

On touche ici la bigarrure des esprits et la diversité d’un âge caméléon. […] Avec eux, s’isolait du commun des récitants, un poète tôt disparu, Charles Vignier, esprit subtil, dont il reste, sous ce titre un peu dédaigneux, Centon, un volume de vers blonds et vaporeux.

3027. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Il la recommande aux Romains ; la politesse exquise de son esprit en avait conçu les lois : mais la chose était hors des mœurs générales ; le mot décence n’existait même pas ; pour l’en tenir lieu, Cicéron emploie cette locution : quod decet . […] La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.

3028. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Cet esprit bisarre n’a jamais rien donné que de bisarre, la vie des évêques, la résidence des chanoines, les habits des prêtres, les attouchemens impudiques, les flagellations. […] On lut sa traduction de l’Histoire des flagellans avec le même esprit, qu’on lit les ouvrages les plus licencieux.

3029. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Elle n’aurait point rejeté cette autre opinion, par laquelle il était tenu pour certain que tout homme qui jouit d’une prospérité mal acquise, a fait un pacte avec l’Esprit de Ténèbres, et légué son âme aux enfers. […] S’il cesse de soumettre son esprit à la religion, il se fera des opinions monstrueuses.

3030. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

L’intervention d’une femme lettrée, cosmopolite, ravissante de figure et d’esprit, me valut le plaisir de le connaître. […] Il est possible de feindre l’esprit, il est impossible de feindre les larmes. […] C’est une femme d’esprit, qui a de la fortune et de bonnes façons, des façons de grande ville. […] Ils parlaient souvent de lui, de son esprit, de son instruction, de sa bonté. […] Jusqu’au soir, la triste veuve resta dans sa noire disposition d’esprit.

3031. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Pour l’esprit, les Persans l’ont aussi beau et aussi excellent que le corps. […] Leur naturel est pliant et souple, leur esprit facile et intrigant. […] Leurs serments ordinaires sont: par le nom de Dieu, par les esprits des prophètes, par les esprits ou le génie des morts, comme les Romains faisaient par le génie des vivants. […] En effet, c’est un ministre fort sage, tout plein d’esprit et fort intègre. […] Ces grands écrivains ont été de mauvais voyageurs ; ils ont pensé à faire admirer leur esprit et leur style.

3032. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Au fond une grande source d’humanité que cette religion catholique, et je m’irrite de voir des intelligences et des esprits se mettre à genoux devant la religion sans entrailles de l’antiquité. […] Solution, si elle avait été acceptée, capable de faire d’autres destins à l’Europe, mais que repoussa au néant des grandes choses enterrées, l’esprit temporisateur de l’Empereur et rétractile aux larges décisions. […] * * * — Il est assez curieux que jamais un legs n’ait été fait à l’auteur d’un livre, n’ait été fait par un mourant riche à un esprit. Si jamais un écrivain a hérité d’un lecteur, il a fallu que le lecteur le connût, le fréquentât, approchât du corps de cet esprit. […] Sa grande gaîté dévoile son esprit de vanité et d’inégalité : elle a besoin d’être écrasante pour les autres.

3033. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Dans un chemin mystérieux, L’Esprit de Dieu voyage, Sur les flots, dans l’ombre des cieux, Tout voilé par l’orage. […] Elle aime en toi le fils du père des pauvres, et te donne aujourd’hui pour protecteurs ceux qui les jugent et se consacrent à eux… « … Mais la politique empoisonne les esprits. — Moi qui pleurais de joie et de respect en traversant enfin Genève, patrie de notre grand-père paternel, on m’y a poursuivie avec ma petite famille en criant contre nous : « A bas les Français !  […] C’est un rude métier que le sien : mais, mon bon Félix, nous n’avons pas de dot pour nos anges ; et la grâce, l’esprit, la sagesse, qu’est-ce que cela pour l’époque où nous sommes57 ?  […] Elle a rempli tous ses devoirs envers Dieu, envers nous. — Épargnons-nous ce remords de frapper cet esprit pur et divin. » Et après la mort : « (11 septembre 1850)… La volonté du Ciel est terrible, quand elle s’accomplit sur des êtres si faibles et si tendres que nous. » Mais tout à coup, dans ce ciel si lourd, si chargé, si sombre, un éclair inespéré a lui : « (14 janvier 1851)… Ondine se marie ! […] Alfred de Vigny disait d’elle qu’elle était « le plus grand esprit féminin de notre temps. » Je me contenterais de l’appeler « l’âme féminine la plus pleine de courage, de tendresse et de miséricorde. » — Béranger lui écrivait : « Une sensibilité exquise distingue vos productions et se révèle dans toutes vos paroles. » — Brizeux l’a appelée : « Belle âme au timbre d’or. » — Victor Hugo, enfin, lui a écrit, et cette fois sans que la parole sous sa plume dépasse en rien l’idée : « Vous êtes la femme même, vous êtes la poésie même. — Vous êtes un talent charmant, le talent de femme le plus pénétrant que le connaisse. » 41.

3034. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Elle a été fixée par l’écriture quand la société avait encore une âme adaptée à l’esprit originel de l’épopée : elle n’avait plus de force active pour en créer, mais elle gardait sa sensibilité intacte pour en jouir. […] Nul esprit d’aventures, nulle folie de l’honneur, nul calcul de l’intérêt ne dégradent encore la brute grandeur des âmes : nulle galanterie non plus, ni fadeur ou grossièreté d’amour. […] Meyer lui-même refuse le talent, a eu le bon esprit d’être modeste : il n’a pas cherché à étouffer iti à embellir la rude légende du xe  siècle. […] De bonne heure s’était ébauchée l’organisation des cycles qui répond à un besoin naturel de l’esprit humain. […] Toutes les transformations (les mœurs et du goût s’inscrivent au jour le jour dans nos chansons de geste : chaque génération y souffle son esprit moyen.

3035. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Il s’en servait pour peser de tout son poids sur l’esprit de la Régente dont il voulait faire purement et simplement la créature de la France : à ce prix, il lui promettait de la protéger, de la soutenir envers et contre tous, à l’expiration de la Régence, dans le maintien et la prolongation du pouvoir. […] C’est ainsi que, dans un cœur fier et un esprit profond, s’accumulaient contre Louis XIV et son ministre des trésors de rancune qui devaient sortir à leur moment. […] Je lui dirai que j’ai remarqué, depuis mon retour de Moncallier, une mélancolie morne en Son Altesse Royale, une dissimulation profonde et une inquiétude perpétuelle dans son esprit, que j’ai même jugée quelquefois pouvoir venir aussi bien d’un reste de maladie ou d’une inégalité de tempérament, que de quelque dessein caché… Il passe des temps considérables de la journée ou dans une cave ou sur un lit ; rien ne le contente ni ne le divertit. […] s’écriait-il, si l’on veut me perdre auprès du roi, je prendrai la poste, j’irai le trouver ; je m’assure qu’un si grand monarque, et qui a tant de belles qualités personnelles, ne m’abandonnera point ; j’irai même servir de volontaire auprès de sa personne, en cas qu’il entreprenne quelque chose ; car j’ai fortement dans la tête de mériter son estime. » — « Mais, lui répondait-on, les princes comme Votre Altesse Royale n’ont point accoutumé d’aller ainsi ; une telle démarche surprendrait fort le roi de France. » — « Non, répliquait-il, je sais bien que je n’ai rien à craindre en me jetant entre les bras du roi, qui est aussi honnête homme que grand monarque. » Et Louis XIV, touché à l’endroit chatouilleux, s’adoucissait pour le jeune prince, dont les effusions lui arrivaient par le canal de M. de La Trousse et de Louvois, tandis que son envoyé officiel, l’abbé d’Estrades, lui écrivait dans le même temps : « L’on doit cette justice à M. le duc de Savoie que c’est un prince qui a beaucoup d’esprit, qui est fort éloigné de tous les amusements ordinaires aux personnes de son âge, et que toutes ses occupations marquent des sentiments fort élevés, et beaucoup d’inclination pour la guerre et pour les affaires. » Le duc de Savoie marchait sur ses dix-huit ans.

3036. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Jasmin, en étant de ce métier cher à Gil Blas et à Figaro, n’y déroge point par la tournure même de son esprit, de son talent ; c’est un Français du Midi, qui est de la pure et bonne race des Villon, des Marot, et dans la boutique de qui Molière aurait aimé à s’asseoir de longues heures, comme il faisait chez le barbier de Pézenas. […] Sa femme, née dans la même condition que lui, mais d’esprit naturel, d’imagination, et d’un parler pittoresque, sa femme, qui d’abord était ennemie jurée des vers et lui cachait plumes et papier, maintenant qu’elle sait le prix de la rime, lui offre toujours, d’un air gracieux, la plume la plus fine et le papier le plus doux : « Courage ! […] Fonfrède ; mais Jasmin a eu le bon esprit de comprendre sa vraie situation et d’y rester fidèle. […] Jasmin est venu à Paris, mais il n’y est venu qu’en passant, comme un hôte et un ami ; il y a produit sa poésie en personne, avec esprit, avec gentillesse ; il l’a traduite, commentée, chantée de vive voix, et lui a conquis tous les suffrages.

3037. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Cependant, vers le temps où ce Turc, violent d’ailleurs et ambitieux, s’intéressait si fort à ces choses de l’esprit, et avant qu’il fût encore monté sur le trône, un homme, doué de génie par la nature, s’était senti poussé de lui-même à ces hautes pensées par une vocation puissante. […] Déjà un jeune homme doué d’une langue facile, d’une grande éloquence et d’un esprit brillant, avait annoncé le dessein de mettre en vers ces histoires, et le cœur de tous s’en était réjoui. […] Cette démarche que projette Iredji, il l’exécute ; il va trouver ses frères avec un esprit de paix, et au moment où l’un d’eux, dans un accès de fureur brutale, le frappe et s’apprête à le tuer, il lui dit : N’as-tu aucune crainte de Dieu, aucune pitié de ton père ? […] Ne fais pas de mal à une fourmi qui traîne un grain de blé, car elle a une vie, et la douce vie est un bien… C’est cet esprit de sagesse, d’élévation, de justice et de douceur qui circule à travers l’immense poème de Ferdousi, et qu’on y respire dans les intervalles où pénètre la lumière.

3038. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Sur Bernardin de Saint-Pierre, par exemple, on lit : Un homme dont j’admirais et dont j’admire toujours le pinceau, Bernardin de Saint-Pierre, manquait d’esprit, et malheureusement son caractère était au niveau de son esprit. […] Il y a de ces mots déterminants, dit Pascal, et qui font juger de l’esprit d’un homme. […] La vanité d’abord et surtout, inimaginable à ce degré dans un aussi noble esprit, une vanité d’enfant ou de sauvage ; une personnalité qui se pique d’être désabusée et qui se fait centre de toute chose, que l’univers englouti n’assouvirait pas, que tout gêne, que Bonaparte surtout importune ; qui se compare, chemin faisant, atout ce qu’elle rencontre de grand pour s’y mesurer et s’y égaler ; qui se pose à tout moment cette question, qu’il faudrait laisser agiter aux autres : « Mes écrits de moins dans le siècle, qu’aurait-il été sans moi ? 

3039. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

I Rapport du plaisir et de la peine à la représentation Nous pouvons maintenant déterminer les rapports du plaisir et de la douleur avec l’intelligence et avec la volonté ; question importante, dont la solution sert à marquer la vraie fonction de l’esprit et, par cela même, sa véritable efficacité sur le cours des choses. Si, par exemple, jouir et souffrir n’est encore que penser, et si penser n’est autre chose que représenter, l’esprit n’est plus que ce « miroir de l’univers » imaginé par Leibniz, qui paie l’honneur de tout refléter par l’obligation de ne rien produire lui-même. […] Nous ne saurions donc accorder que la représentation ou « rapport à un objet » soit, selon l’expression de Brentano (qui suit ici Herbart), « la fonction unique et seule élémentaire de l’esprit » dont la sensibilité ne serait qu’un dérivé43. […] Et il n’en est pas seulement ainsi, selon de Hartmann, des plaisirs et des douleurs qui se rapportent au corps ; ceux de l’esprit offrent le même caractère.

3040. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Avez-vous remarqué, me disait une amie, comme les femmes bêtes ont quelquefois de l’esprit, du véritable esprit, quand elles disent du mal de leurs maris ? […] Il a, ce Rochefort, je dois l’avouer, un charme fabriqué d’une certaine délicatesse d’esprit, d’une qualité de gaîté gamine, et surtout d’une câlinerie presque féminine. […] Voici un homme qui remplit le monde de son nom, dont les livres se vendent à cent mille, qui a peut-être de tous les auteurs fait le plus gros bruit de son vivant, eh bien, par cet état maladif, par la tendance hypocondriaque de son esprit, il est plus malheureux, il est plus désolé, il est plus noir, que le plus déshérité des fruits secs.

3041. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

À cette tâche, Émile Augier a consacré sa vie, son immense talent, son cœur et son esprit. […] Il cherchait la vérité générale, non l’exception, et, au milieu des fantaisies d’une brillante imagination, son esprit fixait un type réel. […] Son esprit, éminemment français, qui n’empruntait rien ni à Lope de Vega, ni à Goethe, ni à Shakespeare, qui prenait sa langue dans Rabelais, dans Montaigne, dans Beaumarchais, et peignait ses contemporains sur le vif, tels qu’il les voyait, bourgeois, financiers, aventuriers et aventurières, honnêtes gens, femmes vertueuses et coquines, de son temps, s’était obstinément refusé à s’enrôler sous la bannière du grand maître. […] Hébert le présenta à un de leurs compatriotes du Dauphiné, Mgr Termoz, prélat romain, esprit fin et distingué, de manières douces et charmantes.

3042. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Pour qu’il soit autre chose qu’un simple possible, conçu par les esprits, il faut qu’il soit voulu et, par suite, qu’il ait une force capable de mouvoir nos volontés. […] Les idéaux collectifs ne peuvent se constituer et prendre conscience d’eux-mêmes qu’à condition de se fixer sur des choses qui puissent être vues par tous, comprises de tous, représentées à tous les esprits : dessins figurés, emblèmes de toute sorte, formules écrites ou parlées, êtres animés, ou inanimés. […] Car les concepts sont également des constructions de l’esprit, partant, des idéaux ; et il ne serait pas difficile de montrer que ce sont même des idéaux collectifs, puisqu’ils ne peuvent se constituer que dans et par le langage, qui est, au plus haut point, une chose collective. […] Dans le second, c’est la chose qui sert de symbole à l’idéal et qui le rend représentable aux différents esprits.

3043. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Esprit d’association. […] Diêgui, notamment, nous révèle l’esprit chevaleresque des Torodo et, si l’on peut parfois comparer une période de notre évolution à l’état présent de la civilisation chez telle ou telle race indigène, il n’y aurait aucune audace à admettre des rapports marqués entre la mentalité des Torodo et celle de nos belliqueux ancêtres des premiers temps du Moyen-Age. […] Esprit d’association. […] Son bon sens et son esprit d’observation lui ont démontré que si l’union fait la force, elle fait la force surtout du plus roublard des membres de l’association.

3044. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

C’est dans l’église de leur village qu’en esprit ils assistent à la messe avec leur femme.‌ […] Animé au plus haut degré de l’esprit de sacrifice, il sait le communiquer aux troupes dont il exalte les forces morales. […] Sergent respecté et admiré de tout le régiment pour sa bravoure et son esprit complet de sacrifice. » (J. […] Des dunes du Nord aux Vosges, partout, leur imagination dresse les deux montagnes saintes, celle des Oliviers, qui est la montagne de la résignation où l’on dit : « Non ma volonté, mais la vôtre », et celle du Calvaire, qui est la montagne du sacrifice, où l’on dit : « Je remets mon esprit entre vos mains. » Pour les chrétiens, chaque jour de nos tranchées renouvelle la passion du Christ.‌

3045. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Le spectacle que présente aux esprits une société unifiée est donc bien fait pour les porter à égaliser les hommes. […] Et peut-être le succès de cette notion, qui avait pris « la consistance et la chaleur d’une passion politique », s’explique-t-il par le spectacle de la centralisation croissante au milieu de laquelle on vivait. — Ainsi l’unification des sociétés aurait en elle de quoi incliner les esprits vers ce rationalisme, épris des idées générales et des règles universelles, qui conduit à l’égalitarisme. […] Les esprits oscillent perpétuellement entre ces deux sens, en apparence contraires. […] Esprit du Droit romain, I, p. 310.

3046. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Cette réception singulière me sera toujours présente à l’esprit. […] Pendant que se signait cette paix achetée par tant de travaux et de victoires, l’esprit de parti, l’esprit royaliste continuait d’infester la France ; la réaction levait la tête et avait pris pied partout, jusque dans les pouvoirs publics ; et le 18 fructidor, ce coup d’État fâcheux, mais nécessaire, n’était pas encore venu rappeler à l’ordre les mauvais Français, ou ceux qui, se croyant bons, s’égaraient assez pour laisser naître et s’élever en eux des désirs de malheur.

3047. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Il parlait, du reste, de toutes les choses du cœur avec une facile éloquence, et son esprit n’était pas sans ressource ; mais il n’avait aucune teinture de ce qu’on appelle littérature, et qui est, aux yeux du monde, le plus beau fruit de l’éducation. […] Lui aussi, il veut dire à la société ce qu’il pense d’elle ; il veut essayer si son esprit ne serait point par hasard le pivot sur lequel ce siècle doit tourner. » Simiane se déclare alors, et, pour le guérir du fatal projet, après avoir consulté Juliette du regard, il raconte sa propre histoire. […] Ce personnage de Simiane à côté de Rousseau est vrai ; celui-ci a eu de tels amis, ses égaux d’esprit et d’âme, et obscurs ; on peut relire l’éloquente page qu’il consacre à la mémoire de l’un d’eux : « Ignacio Emmanuel de Altuna était un de ces hommes rares que l’Espagne seule produit, et dont elle produit trop peu pour sa gloire…31. » Simiane est un de ces Emmanuels de Jean-Jacques, restés inconnus.

3048. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Stockmann s’isole de sa petite ville ignorante, intolérante et égoïste ; mais il ne s’isole pas d’une société supérieure et idéale, celle des savants, des médecins dont il a reçu l’enseignement et dont il garde l’esprit. […] L’homme qui acquiert le plus d’ascendant sur les autres est celui qui est le plus influencé par l’esprit de son temps et qui se modèle le mieux sur lui. Et ceci expliquerait que l’autorité ne s’attache pas spécialement à l’originalité de l’esprit ni à son affinement.

3049. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Ce fin Rémois nous égaya par son esprit endiablé, sa conversation étincelante, pleine de traits, de paradoxes et d’incisives boutades. […] » Preuve que les meilleurs esprits se trompent. […] bon saint Verlaine, que vous aviez raison de vous plaire au milieu des humbles et des simples d’esprit !

3050. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Au fond, la marche de l’esprit est la même ici qu’en histoire naturelle. […] Il est bien évident que tout ce qui est dans l’une a dû être d’abord dans l’esprit de l’autre. […] En vérité, quel esprit pourrait accepter aujourd’hui ces conclusions ?

3051. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

L’esprit, pas plus que la matière, ne peut résister aux lois. […] L’épuration plastique et spirituelle du monde est un travail grave et austère qu’ont su seulement exécuter des esprits comme Sophocle et Platon à Athènes, comme Raphaël à Florence et comme Michel-Ange à Rome. […] Pour qu’un esprit comme Zola ait à peu près renoncé à ses méthodes d’impersonnalité et de document, il faut que le courant des âges soit bien puissant.

3052. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Gabriel Boissy écrit : « … D’une succession de faits, un fait majeur s’impose : les lettres françaises, sommeillantes ou vagissantes depuis l’époque romantique, entrent aujourd’hui en effervescence ; un nouvel âge se prépare par les efforts convergents d’un groupe nombreux d’esprits toujours jeunes ou de jeunes esprits. […] Car il agit sur l’être humain tout entier : sens, âme, esprit ; et il agit par un exemple, par une action éloquente, aussi réelle et plus intense que la vie.

3053. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Une chose qu’on ne remarque guère, c’est qu’on papillote à l’esprit par la multiplicité des incidens aussi cruellement qu’aux yeux par la mauvaise distribution des lumières, et que si le papillotage de lumières détruit l’harmonie, le papillotage d’actions partage l’intérêt et détruit l’unité. […] Vous n’en trouverez pas sur le pont le prix de la toile ; cela est raide, sans couleur, sans expression, sans esprit ; ni linge, ni étoffe, ni dessin. […] Autres tableaux Monsieur Descamp, c’est vous encore. à la platitude, à la mauvaise couleur grise, au défaut d’esprit, d’expression, et de toutes les parties de la peinture, c’est vous.

3054. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

L’esprit de localité est partout. […] Il fut un temps où la France aussi était féodale, et tout entière — esprit de localité. […] Eût-elle été réalisable, cette magnifique révolution romantique de 1828, sans la vie jour à jour, sans la communion incessante et fortifiante des grands esprits qui la conçurent, l’élaborèrent, et enfin la firent éclater sur la tête des Geoffroy et des Auger stupéfaits et impuissants ?

3055. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Je me disais que quand il s’agit de Byron et qu’on eut l’honneur d’en être aimée, il fallait quelque chose de plus… Je m’étais persuadé qu’une femme, au moins d’esprit, qui s’aviserait d’avoir du courage, après avoir si longtemps pensé au danger d’en avoir et qui prenait, au dernier moment de sa vie, le parti de dire le mot de la fin sur Byron, ne voudrait pas, uniquement, nous précipiter dans d’anciennes lectures déjà faites, et nous faire reprendre un bain déjà pris dans la même baignoire et dans la même eau. […] Et quand je dis le premier bas-bleu venu, je dis trop, cependant… Mme Guiccioli ne l’était pas ; elle n’avait ni la morgue, ni l’insolence, ni la pose des bas-bleus vulgaires… Mais quand elle songea à nous donner son livre sur lord Byron, elle n’était déjà plus la suave Italienne à robe blanche et à esprit ingénu, que l’auteur de Childe-Harold avait aimée… Les années avaient pâli ses cheveux d’or… Dans d’autres temps, elle fût probablement devenue dévote. […] Mme de Staël, qui, même sans amour, aurait mieux parlé de Byron que Mme Guiccioli, n’arracha jamais entièrement son génie au bas-bleuisme quelle tenait de la race pédante (les Necker, père et mère) à laquelle elle appartenait… Mais le cœur de Mme Guiccioli était moins vaillant que le génie de Mme de Staël… C’était un genre de cœur qui ressemblait à son genre d’esprit.

3056. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Tels, dans leur siècle et leur pays, ont été, parmi les historiens, Tacite ; parmi les moralistes, Montaigne ; parmi les philosophes, Bacon ; parmi les poètes, Corneille ; et, à la fin du règne de Louis XIV, ce Fontenelle, dont le genre d’esprit, qui n’était qu’à lui, a été si critiqué et si loué pendant quatre-vingts ans. Tel enfin parut, dans Constantinople, un orateur, que six empereurs honorèrent successivement ; qui, panégyriste, ne parla jamais que pour dire aux princes les vérités les plus nobles ; à qui l’admiration éleva des statues, sans que l’envie même osât murmurer ; et qui, malgré ses imperfections et ses défauts, eut un caractère fort supérieur à l’esprit général de son temps ; c’est le philosophe Thémiste. […] Tels étaient encore dans ces siècles, qui pourtant ne sont pas l’époque la plus brillante dans l’histoire de l’esprit humain, le respect et l’enthousiasme des princes pour les vrais philosophes.

3057. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Solon, comme s’il eût prévu de quel appui et de quelle gloire Salamine serait un jour pour Athènes, vient, non pas comme un poëte, mais comme un malade dont l’esprit est troublé, sur la place publique ; et, bravant une loi tyrannique, il commence par ces paroles célèbres : Je viens, messager de l’aimable Salamine, avec le chant pour parure à mes paroles, en guise de harangue. » Et, sans être interrompu, il récite en cent vers un appel aux Athéniens, qui se terminait par ce cri de guerre75 : « Allons à Salamine combattre pour la possession de cette île aimable, ayant, chassé loin de nous le poids insupportable de la honte. » Jamais poésie n’eut tant d’empire : la loi est abrogée, la guerre décrétée et le poëte élu général. […] On reconnaît bien, dans cet ouvrage apocryphe, l’illusion de l’esprit grec, dans le dernier âge de l’antiquité. […] C’était vers ce temps que l’esprit énergique et curieux de Pline l’Ancien s’était réduit à composer un livre de grammaire, un traité sur les façons de parler douteuses.

3058. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Autour des trois ou quatre points de droit qui constituaient la jurisprudence gallicane, il s’était formé, à l’abri des parlements et de l’ancienne Université, une sorte d’esprit religieux modéré, assez libre, tout à fait tempéré, dans lequel de beaux génies avaient pu vivre et qui convenait aux raisons droites et modestes. […] Les jésuites sages, comme Bourdaloue, étaient eux-mêmes gagnés par cet esprit, par cet air général qu’on respirait.

3059. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

On conçoit en effet qu’un parti fort et compacte, qui, après avoir tout détruit et tout dévoré, tenta de tout reconstruire, qu’un tel parti, malgré son aspect peu attrayant, excite une vive sympathie intellectuelle chez les esprits qui aspirent à une organisation sociale plus ou moins analogue. […] Si, comme nous l’espérons, l’auteur ne se laisse pas égarer par l’esprit de système, une part équitable et rigoureuse y sera faite aux capacités et aux convictions d’un chacun, et les personnages que MM. 

3060. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Il est difficile de croire, par exemple, que Shakspeare et Molière, les deux plus hauts types de cette classe d’esprits, n’aient pas senti avec une passion profonde et parfois amère les choses de la vie. […] D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.

3061. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Si l’on pouvait sur tous les points de la France, à commencer par nous-mêmes au centre, inspirer un esprit d’union qui ne soit point de servilité, mais d’affection à une chose commune, à une seule et même chose qui soit nôtre, et qu’on n’aspire qu’à améliorer, à perfectionner, oh ! […] Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant, et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée.

3062. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’occupation où l’on est de son ressentiment, l’effort qu’on fait sur soi pour le combattre remplit la pensée de diverses manières ; après s’être vengé, l’on reste seul avec sa douleur, sans autre idée que la souffrance ; vous rendez à votre ennemi, par votre vengeance, une espèce d’égalité avec vous ; vous le sortez de dessous le poids de votre mépris, vous vous sentez rapprochés par l’action même de punir ; si l’effort que vous tenteriez pour vous venger était inutile, votre ennemi aurait sur vous l’avantage qu’on prend toujours sur les volontés impuissantes, quelle qu’en soit la nature et l’objet : tous les genres d’égarement sont excusables dans les véritables douleurs ; mais ce qui démontre cependant combien la vengeance tient à des mouvements condamnables, c’est qu’il est beaucoup plus rare de se venger par sensibilité, que par esprit de parti ou par amour propre. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.

3063. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois. […] Nous étions à table chez un de nos confrères à l’Académie, grand seigneur et homme d’esprit.

3064. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Choses d’autrefois Par ce temps de lycées de jeunes filles, c’est une joie pour l’esprit que ce journal enfantin où la petite princesse Hélène Massalska nous raconte la vie qu’on menait, de 1772 à 1779, au couvent de l’Abbaye-au-Bois10. […] L’enseignement religieux devient souvent, ici, d’un illogisme charmant, l’institution même de la noblesse et jusqu’à ses préjugés d’honneur allant contre l’esprit de l’Évangile.

3065. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Je m’ennuyais à Saint-Hilaire-le-Peyrou, parce que, comme je l’ai écrit, « un géant cherche en vain le sommeil dans un lit étroit, et un grand esprit le repos dans un milieu mesquin… Mais, quoique vous m’ayez fait plus grand que Daniel Darc, la comtesse Diane et M.  […] La tentation est si forte pour les grands esprits ! 

3066. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Qui saura jamais ce qui s’est passé dans l’esprit de l’archiduc Jean ? […] et cette vision, que tout ici devait obscurcir (car il n’est pas encore arrivé qu’on naquît impunément d’un sang impérial), quelle force d’esprit elle suppose, ou quel incomparable désenchantement !

3067. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Voilà bien l’esprit de ce temps et sa rage de tout diminuer ! […] Car enfin il est difficile de croire que cet esprit si complexe, si délicat et généreux à quelques égards, ait été, en cette occasion, purement et simplement abominable.

3068. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Camille Mauclair J’observerai la dualité de cet esprit. Comme celui de Poe, il est également apte à la construction d’œuvres tangibles et saisissantes et à la spéculation abstraite, conciliation naturelle chez lui, et si difficile aux autres esprits : c’est l’intellectuel complet.

3069. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

On jugera mieux ce poème, écrit en une prose comme déshabillée de tout l’inutile, lorsque les rêvasseries des Sébastien Faure n’intéresseront plus que la pathologie mentale ; de toutes les déclamations de plusieurs déments ou faibles d’esprit, il demeurera, avec le souvenir d’une période d’aberration, renouveau des fraticelles, des camisards, des flagellants ou des hurleurs, — qu’un poète aura bien voulu se joindre à ces jeux et mener ces danses au son de belles phrases, agitées lentement comme des saules par le vent du matin ; et croyant détruire, M.  […] Car ce qu’il ne dit pas, ce que nous devinons, ce sont les inflexibles règles de vie consciencieuse que ce libre esprit a su se découvrir, qui l’ont pacifié, qui l’ont amplifié, et l’ont naturellement amené jusqu’au cœur de la race.

3070. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

On chercherait en vain un confident plus noble et plus doux des fautes du cœur et de l’esprit, un consolateur plus austère et plus tendre, un meilleur ami. […] Sully Prudhomme, si différents d’aspect et d’esprit, marquent simplement les diverses étapes de sa pensée philosophique.

3071. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Il n’a pas surtout la même parenté d’esprit avec les auteurs comiques d’au-delà des Pyrénées qu’avec ceux d’au-delà des Alpes : lors même qu’il use des incidents et des ressorts que ceux-là peuvent lui procurer, sa comédie n’a jamais, ou bien rarement, l’allure ni le ton de la comédie espagnole. […] Or, parmi les villageois il y en avait un, nommé Puccio d’Aniello, à la face comique, au nez long, au teint hâlé, assez facétieux d’ailleurs, et d’esprit pointu.

3072. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

La Fontaine était courtisan quand il disait d’un bâtard né d’un double adultère : Le fils de Jupiter devait, par sa naissance, Avoir un autre esprit et d’autres dons des cieux          Que les enfants des autres dieux. […] Il était sage conseiller du roi quand il lui montrait ses flatteurs à La Cour du Lion, leur lâcheté envers Le Lion devenu vieux, leur bassesse dans Les Animaux malades de la peste ; le danger des maîtresses dans Le Lion amoureux ; l’esprit des courtisans, les uns à l’égard des autres, dans Le Lion, le Loup et le Renard ; le danger des petits ennemis dans Le Moucheron et le Lion ; la dissimulation des gens prudents à la cour des rois méchants, dans La Cour du Lion.

3073. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Mais les plus ardens étoient Bavius & Mœvius, deux écrivains moins décriés encore par la platitude & l’ennui de leurs ouvrages, que par les travers de leur esprit & la malignité de leur cœur. […] On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres.

3074. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Un rimailleur, se croyant plus d’esprit que les autres, fit un poëme afin de prouver en règle que Pope étoit un sot. […] L’illustre Pope, par humanité pour vous, a bien voulu rendre compte à la postérité de votre esprit, de vos ouvrages, de vos goûts, de vos mœurs, du temps de votre naissance & de votre mort.

3075. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Est-ce une loi de l’esprit humain qu’il n’aperçoive pas d’abord toute la portée de ses découvertes ou de ses inventions ? […] Je note ici, comme indication de méthode, que, dans une histoire plus étendue, ce que j’aurais à dire des Lettres de Mme de Sévigné, je le placerais aux environs de 1734 ; et j’y rattacherais cette émulation de correspondance dont on voit en effet qu’à partir de cette date, un grand nombre de femmes d’esprit se piquent.

3076. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Il a réussi, comme réussiront toujours les livres vrais dans les sociétés décadentes qui meurent de leurs mensonges, chez qui la langue littéraire est usée à force d’avoir servi, et où les esprits, brûlés par les piments d’une littérature à ses dernières cartouches et à ses dernières balles mâchées, reviennent aux livres qui apportent la sensation rafraîchissante du naturel, du primitif et du simple… Bien avant Cladel, madame George Sand avait eu l’idée de cette littérature de terroir ; mais elle ne pouvait y entrer que comme un bas-bleu qu’elle était, un bas-bleu armé de toutes pièces prises à l’arsenal de toutes les bêtises philosophiques, philanthropiques et démocratiques de ce temps, et gâtant tout de son bas-bleuisme et de ses préfaces explicatives. […] Dans un de ses livres les plus vantés par les esprits faux qui ont fait sa gloire, La Mare au Diable, elle n’a même eu ni le courage ni la poésie du patois !

3077. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

L’auteur de la Fête votive de saint Bartholomée Porte-glaive — un nom de tableau bien plus que de livre — n’est, à exactement parler, ni un inventeur dans l’ordre du roman ou du drame, ni un esprit d’aperçu qui voit les idées par-dessus les images, ni un écrivain… littéraire. […] L’esprit de ce peintre, qui comprend la diversité, ne veut pas de la monotonie égalitaire.

3078. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Dans tous les cas on veut avoir ou de l’éloquence ou de l’esprit, car il est juste que dans le public on parle du mort ; mais il est un peu plus juste (comme tout le monde le sent) qu’on parle de l’orateur. […] Mais il se distingua surtout dans cette partie de l’esprit philosophique, utile lors même qu’il se trompe, qui analyse les principes du goût, n’admire rien sur parole, et avant d’adopter une opinion, même de deux mille ans, cherche toujours à s’en rendre compte.

3079. (1898) La cité antique

Quel est le principe supérieur qui leur a donné l’autorité sur l’esprit des hommes ? […] Croyait-on que l’esprit immortel, une fois échappé d’un corps, allait en animer un autre ? […] Croyait-on que l’esprit montait vers le ciel, vers la région de la lumière ? […] Quel en était le sens et quelle idée présentait-il alors à l’esprit des hommes ? […] De l’esprit municipal.

3080. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

La lettre tue l’esprit. […] Ainsi la discontinuité est pensée pour elle-même, elle est pensable en elle-même, nous nous la représentons par un acte positif de notre esprit, tandis que la représentation intellectuelle de la continuité est plutôt négative, n’étant, au fond, que le refus de notre esprit, devant n’importe quel système de décomposition actuellement donné, de le tenir pour seul possible. […] Mais l’action, et en particulier la fabrication, exige la tendance d’esprit inverse. […] Qu’il s’agisse de traiter la vie du corps ou celle de l’esprit, elle procède avec la rigueur, la raideur et la brutalité d’un instrument qui n’était pas destiné à un pareil usage. […] Mais, pour n’être pas du domaine de l’intelligence, l’instinct n’est pas situé hors des limites de l’esprit.

3081. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

» — C’est ainsi que l’esprit de la jeune fille était la proie des soucis. […] Se débattant d’effroi, elle s’élança hors du lit et regarda de tous côtés les murailles de sa chambre : elle eut peine à recueillir ses esprits comme auparavant, et elle laissa échapper ces paroles avec sanglots : « Malheureuse que je suis, quels songes pesants m’ont épouvantée ! […] Ovide, dans le discours qu’il prête à Médée, au livre vii de ses Métamorphoses, a rendu avec élégance, avec esprit, ces alter natives ; c’est à elle qu’il fait dire ce mot, devenu proverbe : ….. […] Des larmes de pitié coulaient de ses yeux ; et au dedans la douleur minante ne cessait de la ronger à travers tout le corps, le long des moindres fibres et jusque tout au bas de la nuque, là où plonge le plus sensiblement le mal lorsque les Amours logent sans relâche leurs amertumes dans un esprit. […] L’une d’elles, pendant qu’ils passaient, se mit à battre des ailes, et, du plus haut de l’arbre, proféra les intentions de Junon : « O le sot devin, qui ne sait pas même comprendre avec son esprit ce que savent les petits enfants, qu’une jeune fille ne dira ni douceurs ni propos d’amour à un jeune garçon, s’il y a des étrangers pour témoins !

3082. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

« Cet homme sans ambition, que sa probité, ses mœurs, l’élévation de son esprit, l’affabilité de ses manières et son désintéressement rendaient incomparable, ne fut pas heureux dans sa carrière. […] « La considération de ces obstacles si puissants avait éloigné de l’esprit des cardinaux du parti Bellisomi, dont Chiaramonti était membre, et plus encore de l’esprit du cardinal Braschi, qui en était le chef en sa qualité de neveu de leur créateur pour la plupart, l’idée et même le rêve de proposer Chiaramonti, quand il avait été question de désigner trois ou quatre des leurs. […] Cette circonstance nous fournit la plus opportune occasion de nous servir de lui pour faire naître dans l’esprit du cardinal chef de ce parti les idées que nous venons d’expliquer tout à l’heure. […] Les obstacles extrinsèques eussent sans doute été très puissants sur son esprit, si la proposition de l’élection lui eût été faite dans un conclave moins avancé, par le parti adverse, ou tandis que l’espoir de nommer un des cardinaux de son parti subsistait encore. […] Ce dernier aura pu exercer les vertus et l’esprit religieux dont il était si bien doué, pour dominer son émotion et ne pas en être ébranlé.

3083. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

D’autre part, à l’autre extrémité du champ qu’a parcouru l’esprit humain, dans une durée de deux mille ans, des bords de l’Asie Mineure et de l’Europe orientale à l’Italie deux fois couronnée par les arts, nous verrons s’élever cette grande physionomie du Dante, sur le tombeau duquel l’admiration des contemporains écrivit pour suprême éloge : Theologus Dantes, nullius dogmatis expers. […] Voici ce langage nouveau : « L’âme est un souffle de Dieu ; elle a, quoique céleste, admis le mélange de l’élément terrestre, lumière enfouie dans un antre obscur, mais divine et immortelle. » Parmi bien d’autres effusions poétiques de Grégoire de Nazianze, toutes pleines de l’esprit, souvent des expressions littérales de l’Écriture sainte, se rencontrent aussi de véritables hymnes, offrandes de l’évêque à son église, ou pieuses exclamations de sa solitude. […] Comment l’esprit te verra-t-il ? […] Mais ces voûtes au-dessus des nuages, quel esprit olympien pourrait les pénétrer ? […] C’était la loi de cet âge du christianisme, l’esprit de la religion même accueillie par l’ingénieux enthousiasme de ces Hellènes d’Asie.

3084. (1774) Correspondance générale

c’est qu’il faut fermer sa porte à tout homme d’esprit sans principes et sans probité. […] Chaque siècle a son esprit qui le caractérise. L’esprit du nôtre semble être celui de la liberté. […] Je n’ai pas besoin de dire un mot de l’esprit éclairé et du jugement du comte de Crillon. […] C’est ainsi que Catherine appelait le livre de l’Esprit des lois.

3085. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Esprit immense, mais cœur sec, il aspirait à deux gloires, et il les méritait: la gloire des lettres et la gloire des affaires. […] Ses Mémoires parurent : ils étonnèrent le monde par l’esprit de ses jugements sur les hommes et sur les choses de son temps. […] XVIII Quoi qu’il en fût, M. de Marcellus, par esprit littéraire, et par esprit sérieusement chrétien, se mit à parcourir la Grèce nouvelle et l’Albanie, ni littéraire ni chrétienne, mais tour à tour, et selon le goût des Albanais, chrétienne ou mahométane comme son héros Scanderbeg, pour y chercher un nouvel Homère. […] L’âme totalement dégagée de l’esprit de parti, et se remettant entièrement à la Providence du sort de sa cause, il se contentait de rester fidèle pour lui-même, et ne s’inquiétait plus des fidélités ou des infidélités des autres.

3086. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Des revers et des succès signalèrent cette guerre inique, mais les Florentins commençaient à murmurer, quand un acte héroïque de Laurent émut tous les cœurs et changea les esprits. […] « Ranime, ô mon esprit, tes facultés endormies ; chasse de tes yeux ce sommeil perfide qui leur dérobe la vérité ; réveille-toi enfin, et reconnais combien est vaine, inutile et trompeuse toute action qui n’est pas dirigée par une raison supérieure à nos désirs. […] Après des études précieuses dans la maison du prince, son père, il vint à Rome et offrit de soutenir une joute littéraire sur vingt-deux langues et sur neuf cents questions philosophiques. « C’était, dit son rival Politien, un homme ou plutôt un être extraordinaire, à qui la nature avait prodigué tous les avantages du corps et de l’esprit. Sa taille était noble et élégante ; il y avait dans toute son apparence quelque chose de divin ; doué d’une pénétration d’esprit inconcevable, d’une mémoire infaillible, d’une ardeur infatigable au travail, parlant avec autant d’éloquence que de netteté, on ne savait ce que l’on devait le plus admirer, de ses talents ou de ses vertus. […] À dire le vrai, c’est l’état où je suis dans tous les moments, et rien de ce que je puis voir, entendre, ou faire, n’a le pouvoir de dissiper la sombre tristesse que m’inspire la pensée des maux qui nous affligent ; que je dorme ou que je veille, elle est incessamment présente à mon esprit.

3087. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Zola nous rendrait bien grand service à tous en voulant bien mettre une fois les points sur les i pour les pauvres d’esprit qui en ont besoin. […] Il s’est trouvé à tous les âges de l’humanité, il ne cessera pas d’y avoir des bons et des médians, des simples et des raffinés, des êtres nobles et des êtres pervers, des gens d’esprit et des sots, des natures froides et calculatrices et des tempéraments passionnés. […] Disons le vrai mot : le naturalisme sort bien moins de la nature elle-même que de l’esprit de messieurs les naturalistes. […] C’est cet important facteur de toute œuvre humaine, la personnalité propre et spéciale de l’individu, que la théorie nouvelle a le grand tort de méconnaître, c’est là même au fond le facteur essentiel dans tous les ouvrages de l’esprit. […] Ce n’est pas le moment d’examiner la grande question philosophique de l’esprit et de la matière ni celle de la liberté et de la responsabilité humaines ; redoutables problèmes qui ne sont pas faits pour être tranchés en quelques lignes.

3088. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Un Essai sur les erreurs populaires des Anciens (Saggio sopra gli errori popolari degli Antichi), composé par Leopardi dans l’espace de deux mois, au commencement de 1815, nous présente déjà les résultats d’un esprit bien ferme, mais contenu encore dans les limites d’une foi sincère. […] Le vrai à peine touché t’interdit à nous, ô imagination chérie ; notre esprit se retire de toi pour toujours ; les années viennent nous soustraire à ton premier pouvoir si plein de prodiges, et la consolation de nos chagrins périt. […] On a cherché à expliquer par des circonstances accidentelles cette révolution morale dans un homme d’une pensée supérieure et d’une sensibilité exquise, comme si l’esprit human, quand il s’élève et que l’orage du cœur s’en mêle, avait un si grand nombre de chances entre les solutions. […] Mais, de quelque part que soit arrivée au jeune homme la première provocation au, doute et à l’examen, et quand il en aurait reçu l’initiative dans la conversation de quelqu’un de ses amis philosophes, comme Giordani ou tout autre, il faut reconnaître que l’esprit seul de Leopardi fit les frais de cette nouvelle opinion dans laquelle il s’engagea, et qui lui devint aussitôt comme un progrès naturel et nécessaire de sa pensée, un sombre et harmonieux développement de son talent et de sa nature. […] Que si, nous-même, il nous a été possible en ce moment de payer un tribut, bien tardif, à la mémoire d’un si grand esprit, d’un si vrai poëte, nous le devons à cet autre ami de Leopardi, déjà cité plus d’une fois, et qui nous en a donné l’idée en même temps que le secours ; si nous avons eu l’honneur de verser un tombeau, comme disaient les Grecs, sur cette noble victime du sort, il ne serait que juste d’inscrire sur la petite colonne du monument le nom de M. de Sinner autant que le nôtre.

3089. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

On s’alarmait vite à Thionville des mouvements du dehors ; on était en vue de Coblentz : ces places des frontières, où l’on vit et où l’on dort sur le qui-vive, ont volontiers l’esprit de leur position et le privilège d’enfanter des âmes guerrières. […] Des hommes d’esprit et d’intelligence se rencontraient pourtant au milieu de cette vie de bombance, et quelques-uns savaient concilier leurs devoirs extérieurs avec leurs aises au dedans. […] De naïfs et intéressants témoins nous en ont transmis les prodiges ; de respectables érudits en ont rassemblé les monuments ; des historiens vraiment philosophes doivent en accepter les grands faits, en même temps qu’en pénétrer les ressorts et en démêler le sens et l’esprit. […] — Je songeais aux jours anciens, et j’avais dans l’esprit les années éternelles. » Au lieu de ce tableau à la Lesueur, Merlin nous fait assister au spectacle d’une communauté mangeante et buvante, qui appellerait le pinceau de quelque maître hollandais grotesque : « A diverses fêtes où les chartreux se réunissaient, on m’accordait la faveur insigne de manger avec eux au réfectoire.

3090. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Je dirai tout ce que je pense, en me replaçant dans l’esprit de l’ancien système français, inauguré par Corneille, et qui a régné sur notre scène jusqu’à Voltaire et ses disciples. […] Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ; Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent Et courent se livrer aux mains qui les attendent. […] Certes, et quelque objection d’ailleurs qu’on y puisse faire, la forme de tragédie qui a amené Corneille à trouver une telle scène, de tels jets héroïques, est une bien belle et bien noble forme de l’esprit. […] Il parut bien dès lors que, pour les choses de l’esprit, Paris était comme le centre sensitif et auditif de l’Europe, le foyer lumineux déjà et sonore.

3091. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les roidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel, en définitive, elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève. […] Toutes les pièces à Délie respirent la grâce, l’esprit uni au sentiment ; la dernière, le Retour chez Délie, déroule l’âme d’Hélène dès l’enfance, et les orages du passé ; la première, encore souriante, Du goût des vers pourquoi me faire un crime ? […] En réalité, je n’ai jamais pu me repentir de ce mot, dit une fois pour toutes, sur cet auteur qui n’avait que des boutades sans talent, sans style, et qui était surtout poëte par la vanité. — Mais il a eu du piquant dans ses Fables, dira-t-on. — Oui, peut-être, comme le chardon a des piquants. — Si j’avais à écrire un article sur lui, je ne pourrais m’empêcher de le commencer en ces termes : « Il faut avoir quelque esprit pour être parfaitement sot : Töpffer l’a dit et Viennet l’a prouvé. » Vers la fin sa vie, il me disait en me parlant des poëtes : « Je n’en reconnais que huit avant moi. — Et lesquels ? 

3092. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

À présent, pour comprendre leurs actions, il faudrait voir l’état de leur esprit, le train courant de leurs idées, la façon dont ils pensent. […] Tâchez de vous figurer le paysan d’alors, clos et parqué de père en fils dans son hameau, sans chemins vicinaux, sans nouvelles, sans autre enseignement que le prône du dimanche, tout entier au souci du pain quotidien et de l’impôt, « avec son aspect misérable et desséché731 », n’osant réparer sa maison, toujours tourmenté, défiant, l’esprit rétréci et, pour ainsi dire, racorni par la misère. […] Depuis cinq mois, les esprits se sont éclairés, les intérêts respectifs ont été discutés, les ligues se sont formées. […] En 1789755, une grosse troupe de contrebandiers travaille en permanence sur la frontière du Maine et de l’Anjou ; le commandant militaire écrit que « leur chef est un bandit intelligent et redoutable, qu’il a déjà avec lui cinquante-quatre hommes, qu’il aura bientôt avec lui un corps embarrassant par la disposition des esprits et la misère » ; il serait peut-être à propos de corrompre quelques-uns de ses hommes, et de se le faire livrer puisqu’on ne peut le prendre.

3093. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Sous leurs pinceaux, les accidents de la nature se transformèrent en esprits célestes : la Dryade se joua dans le cristal des fontaines ; les Heures, au vol rapide, ouvrirent les portes du jour ; l’Aurore rougit ses doigts, et cueillit ses pleurs sur les feuilles de roses humectées de la fraîcheur du matin ; Apollon monta sur son char de flammes ; Zéphire, à son aspect, se réfugia dans les bois, Téthys rentra dans ses palais humides, et Vénus, qui cherche l’ombre et le mystère, enlaçant de sa ceinture le beau chasseur Adonis, se retira avec lui et les Grâces dans l’épaisseur des forêts. […] Joubert, qui n’a laissé que des Pensées et qui aurait pu laisser des œuvres, mais esprit essentiellement critique, trop indolent pour rédiger autre chose que des impressions ; M. de Bonald, ingénieux auteur d’écrits contre-révolutionnaires et religieux. […] Femme d’esprit, d’un caractère épineux et difficile, elle laissait son mari libre et vivait çà et là avec ses belles-sœurs, délaissées comme elle. […] Si le christianisme est l’allégorie du mouvement des sphères, la géométrie des astres, les esprits forts ont beau faire, malgré eux ils ont encore laissé assez de grandeur à son culte ! 

3094. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Ce n’est pas tout, l’élément vital est aussi un Esprit sublime : avec les bienfaits physiques qu’il prodigue à l’humanité, il lui révèle les vertus morales. […] Mythe de paysan plutôt que de poète, il attribue au Dieu et au Titan l’âpreté cupide et l’esprit retors de deux métayers en procès sur un partage de domaine ou sur la borne d’un champ. […] Avant de l’envoyer au supplice, Zeus dit à Prométhée : — « Fils de Japet, subtil entre tous, tu te réjouis d’avoir dérobé le feu et trompé mon esprit. […] Il a sur elle des proverbes qui crient comme des clefs avares tournant dans un coffre à triple serrure, lorsque le laboureur part le matin pour son champ, et laisse au logis l’épouse soupçonnée. — « Qu’une femme qui orne sa nudité ne séduise pas ton esprit par son bavard âge.

3095. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] Courier, dans sa Pétition, exposait ces choses avec esprit, vivacité, une sorte de gaieté même de récit. […] Il était évident que chez lui l’esprit était plus délicat que le reste. […] Pourtant il oublie trop que Georges le laboureur, André le vigneron, Jacques le bonhomme (comme il les appelle) n’ont rien qui les élève et les moralise, qui les détache de ces intérêts privés auxquels ils sont tous acharnés et assujettis ; qu’à un moment donné, s’il faut un effort, un dévouement, une raison supérieure d’agir, ils ne la trouveront pas, et qu’à telles gens il faut une religion politique, un souvenir ou une espérance qui soit comme l’âme de la nation, quelque chose qui, sous Henri IV, s’appelait le roi, qui plus tard s’appellera l’empereur, qui, dans l’avenir, sera je ne sais quel nom : sans quoi, à l’heure du péril, l’esprit d’union et d’unité, le mot d’ordre fera faute et la masse ne se soulèvera pas.

3096. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Que si l’on retrouvait une lettre d’Henri IV où il fût question de la poule au pot, il faudrait que cette lettre fût trois fois authentique pour qu’un bon esprit, aguerri à ces sortes de recherches, se décidât à y croire. […] Les preuves intrinsèques du faux ont été recherchées et administrées par M. de Sybel avec la sagacité critique et la fermeté d’esprit qui lui appartient.

3097. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

En jugeant M. de Vigny avec cette franchise sévère que nous paraît mériter son talent, nous ne prétendons pas méconnaître la profusion d’esprit qu’il a répandue dans son ouvrage : plus d’une fois sans doute il a réussi, quand l’esprit avec la mémoire suffisait.

3098. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Après avoir écouté les diverses doctrines, je reconnus qu’il y avait sans doute une lacune dans mon esprit. […] Peut-être faut-il admettre qu’il n’y a pas d’autre moyen de construire à demeure, et que l’invention subite d’une constitution nouvelle, appropriée, durable, est une entreprise qui surpasse les forces de l’esprit humain.

3099. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

On n’aperçoit pas où en était le latin populaire quand la Gaule le reçut, ni ce qu’en firent ces bouches et ces esprits de Celtes pendant les siècles de la domination romaine : on ne peut mesurer à quel point les habitudes intimes et comme l’âme de la langue celtique s’insinuèrent dans le latin gallo-romain. […] Elle disputera au latin les matières de science haute et ardue ; elle prétendra au privilège de traduire les plus graves et les plus nobles idées : histoire, morale, philosophie, théologie, science, tous les genres lui appartiendront un jour, et son extension coïncidera avec l’étendue de l’esprit français.

3100. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

C’est plus tard qu’on en goûte entièrement la saveur amère, fine et profonde : car elles expriment, je crois, l’état le plus distingué où se puisse reposer soit notre esprit, soit notre conscience. […] Cette exquise attitude de l’esprit, il faut voir comment elle naît et de quoi elle est faite.

3101. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

J’en suis content — comme je l’ai été de surprendre, le mois dernier, un commencement de retour des esprits et des cœurs vers Lamartine. […] La femme, en elle, fut originale et bonne ; et, quant à son œuvre, une partie en sera belle éternellement, et l’autre est restée des plus intéressantes pour l’historien des esprits.

3102. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

J’ai l’esprit si mal fait que le pessimisme trop étalé m’offense presque autant que l’optimisme béat. […] L’esprit de Maupassant fut donc comme une table rase offerte aux impressions du monde ambiant.

3103. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Quelque effort que fasse l’esprit pour attribuer à la vie une autre signification, il n’aboutit qu’à des conceptions puériles où il construit, avec des matériaux fragiles et éphémères, dont l’instabilité fait seule le charme, un état qu’il imagine heureux et parfait. […] L’esprit s’élève-t-il au-dessus de cette conception contradictoire, il ne trouve un terme et un but à la vie phénoménale que dans la cessation de celle-ci, dans sa résorption en un état d’unité absolue hors de la conscience de soi-même : c’est à quoi aboutissent tous les efforts logiques du souci religieux ou métaphysique, le Boudhisme avec une entière sincérité, le Brahmanisme et le Déisme avec la confusion en Dieu assignée comme but au perfectionnement individuel.

3104. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Celles de la cour de Philippe-le-Bel, qui se piquoient de montrer de l’esprit & des talens, prirent la défense de leur sexe. […] On raconte, entr’autres choses, que des gens, mécontens de son esprit inquiet & brouillon, l’invitèrent à souper, un jour qu’il étoit à Grenoble.

3105. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Cet avocat, né avec un sens droit, un esprit clair & juste, avec une passion forte pour la vérité, sentit qu’elle étoit continuellement étouffée par un étalage ridicule de paroles inutiles & pompeuses. […] Les citations sont une suite du pathétique, de l’envie de faire illusion & de captiver l’esprit des juges.

3106. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Ils sont le complément des études critiques que nous avons entreprises sur le matérialisme contemporain, et pourraient avoir leur place dans le livre que nous avons publié sous ce titre, il y a quelques années, et qui a été accueilli avec bienveillance par les esprits de bonne foi dans tous les partis. […] On m’a adressé, à l’occasion de ces études, quelques observations judicieuses auxquelles je crois devoir répondre, pour bien faire comprendre l’esprit et l’objet de ce travail.

3107. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Ces deux conjugaisons hébraïque et grecque, l’une si simple et si courte, l’autre si composée et si longue, semblent porter l’empreinte de l’esprit et des mœurs des peuples qui les ont formées : la première retrace le langage concis du patriarche qui va seul visiter son voisin au puits du palmier ; la seconde rappelle la prolixe éloquence du Pélasge qui se présente à la porte de son hôte. […] Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l’âme : car lorsque, exalté par la pensée, l’esprit s’élance dans les plus hautes régions, soudain l’expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers.

3108. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est. […] Aucune preuve n’a la même force, aucune idée la même évidence, aucune image le même charme pour tous les esprits ; mais je serais, je l’avoue, beaucoup moins flatté que l’homme de génie se retrouvât dans quelques-unes de mes pensées, que s’il arrivait à l’homme de bien de se reconnaître dans mes sentiments.

3109. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

D’un esprit né pour spéculer ou pour rêver je pourrais admettre qu’il reste extérieur à la réalité, qu’il la déforme et qu’il la transforme, peut-être même qu’il la crée, comme nous créons les figures d’hommes et d’animaux que notre imagination découpe dans le nuage qui passe. […] Elles creuseraient jusqu’à la racine même de la nature et de l’esprit.

3110. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On y trouve une imagination plus forte qu’étendue, peu d’art, peu de liaison, nulle idée générale, nul de ces sentiments qui tiennent au progrès de l’esprit, et qui sont les résultats d’une âme exercée et d’une réflexion fine ; mais il y règne d’autres beautés, le fanatisme de la valeur, une âme nourrie de toutes les grandes images de la nature, une espèce de grandeur sauvage, semblable à celle des forêts et des montagnes qu’habitaient ces peuples, et surtout une teinte de mélancolie, tour à tour profonde et douce, telle que devaient l’avoir des hommes qui menaient souvent une vie solitaire et errante, et qui, ayant une âme plus susceptible de sentiment que d’analyse, conversaient avec la nature aux bords des lacs, sur les mers et dans les bois, attachant des idées superstitieuses aux tempêtes et au bruit des vents, trouvant tout inculte et ne polissant rien, peu attachés à la vie, bravant la mort, occupés des siècles qui s’étaient écoulés avant eux, et croyant voir sans cesse les images de leurs ancêtres, ou dans les nuages qu’ils contemplaient, ou dans les pierres grises qui, au milieu des bruyères, marquaient les tombeaux, et sur lesquelles le chasseur fatigué se reposait souvent. […] Aujourd’hui les Islandais sont encore distingués par leur esprit ; mais ils ne chantent plus : ils chassent l’ours et le renard au lieu de célébrer les héros.

3111. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?

3112. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

MM. d’Indy et Chabrier ; et d’autres avec eux, par les théories et les œuvres Wagnériennes ont appris à répudier la loi du poème à forme fixe ; leur esprit s’est habitué à un développement libre des émotions ; et, en même temps qu’ils s’inspiraient de la forme dramatique Wagnérienne, ils s’inspiraient (justement), de la langue Wagnérienne. […] L’esprit ne peut sortir de lui-même ; et les choses qu’il croit extérieures à lui sont, uniquement, ses idées. […] A l’origine, notre âme éprouve des sensations, phénomènes de plaisir ou de peine : et c’est les diverses couleurs, résistances, odeurs, ou sonorités, toutes choses que nous croyons des qualités externes, et qui sont, uniquement, des états intérieurs de l’esprit. […] C’est les émotions, la passionnante angoisse et la fervi de joie, états suprêmes, et rares de l’esprit ; elles sont encore un tourbillon confus de couleurs, de sonorités et de pensées : et puis un éblouissement devant ce vertige. […] Parce que la vue devenait, déplus en plus, le sens spécial de l’art plastique, et son instrument, les lumières ; mais surtout parce que l’art, à mesure que les esprits s’affinent, exige sans cesse davantage des procédés différents de ceux qu’emploie la réalité, pour nous suggérer la même vie.

3113. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

C’est en elle sans doute que sa fille a puisé, nonobstant ses tendresses de femme-poëte, ce sens judicieux, ferme, suivi, un peu mâle, ce bon esprit instruit, appliqué, ces lignes sûres et correctes, et ce quelque chose d’étranger et même de contraire à toute vapeur aristocratique. […] Une remarquable étude en vers sur Shakspeare l’avait préparée à cette excursion hardie, bien digne d’ailleurs d’un esprit aussi grave. […] A analyser rigoureusement le dernier recueil de Mme Tastu, on y peut faire plusieurs remarques critiques qu’un esprit aussi judicieux que le sien appréciera.

3114. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

L’esprit humain se comporte-t-il donc comme ces enfants qui, dès qu’ils ont un beau jouet, n’ont de cesse qu’ils ne l’aient démonté et mis en pièces ? […] Pour moi, de tels scrupules en général, quand ils naissent en de bons esprits, et que la main qui tient le crayon est sûre et capable, ne m’effrayent pas plus qu’il ne convient. […] Il est bien vrai qu’on a reculé jusqu’à présent devant une traduction littéraire et toute fidèle de l’Iliade ; il faudrait y appliquer avec esprit la méthode dont M.

3115. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Son esprit avait gardé la promptitude à virer : mais il avait égalé l’impétuosité de son élocution à la rapidité de sa pensée. […] Mais il a écrit, comme il parlait, facilement, gaiement, sans fatigue et sans relâche : cela purgeait son esprit, comme eût dit Aristote. […] Et, au bout de trente ans de cette effusion sans relâche, je ne garantis pas que Diderot ne soit pas mort avec le regret d’avoir gardé quelque chose d’inexprimé dans son esprit.

3116. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Arlecchino spirito folleto (Arlequin esprit follet), par Cintio, mars 1670. […] Au bout de ce temps, une autre dame de la cour d’Auguste, qui, à cette époque, avait du crédit sur le cœur et l’esprit du roi de Pologne, engagea ce prince à visiter sa prison d’État. […] Toutefois, cette dame travailla si bien l’esprit du roi que, quelques mois après, Costantini fut mis en liberté, à condition de sortir immédiatement des États du prince rancunier.

3117. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

C’est pourquoi l’esprit classique est volontiers respectueux de l’ordre politique comme de la discipline esthétique : il ne sera pas aisément un esprit de révolte et d’individualisme antisocial. […] L’esprit classique représente ainsi, à certains égards, une volonté d’unité esthétique, sociale et morale, une volonté d’obéissance à l’ordre établi, d’adaptation et de subordination de l’individu au milieu.

3118. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Qu’il n’ait point vis-à-vis de ce fils, retrouvé et revu après vingt années, un élan de tendresse, un signe d’affection, un tressaillement d’émotion ou de repentir, cela refuse absolument d’entrer dans l’esprit, et encore plus dans le cœur. […] Quoi qu’il en soit, le père se redresse sous cette lâche insinuation qui l’enlace, à la façon d’un serpent ; puis il retombe accablé de honte, à l’idée qu’elle a souillé l’esprit de son fils. […] Que de tact il a fallu, dans la tenue de l’action et dans l’esprit du dialogue, pour faire accepter cette famille excentrique ou les amours se mêlent, où les maîtresses s’échangent, dont un soupçon d’inceste vient compliquer encore les relations si bizarrement embrouillées !

3119. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Il y a des choses qui n’ont pu être remarquées que par un esprit très-attentif. […] L’auteur entre dans des discussions intéressantes & amène des points d’histoire qu’il approfondit en homme qui joint une vaste érudition à beaucoup d’esprit naturel. […] Il y a de l’esprit, de la légéreté & de l’agrément dans cette rélation épistolaire, & elle vient d’une main chere au public.

3120. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Et pourquoi les choses se seraient-elles passées autrement dans l’esprit du peuple que dans la tête de ses poètes ou théologiens ? […] Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption.

3121. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Cette conception du lien causal, en lui enlevant toute détermination, le rend à peu près inaccessible à l’analyse scientifique ; car il introduit une telle complication dans l’enchevêtrement des causes et des effets que l’esprit s’y perd sans retour. […] En pratiquant dans cet esprit le raisonnement expérimental, on aura beau réunir un nombre considérable de faits, on ne pourra jamais obtenir de lois précises, de rapports déterminés de causalités. […] Mais quelle est la méthode expérimentale qui permet d’obtenir mécaniquement un rapport de causalité sans que les faits qu’elle établit aient besoin d’être élaborés par l’esprit ?

3122. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

C’est pourquoi, à notre sens, toutes les difficultés philosophiques relatives au temps s’évanouissent si l’on s’en tient strictement à l’hypothèse d’Einstein, mais toutes les étrangetés aussi qui ont dérouté un si grand nombre d’esprits. […] Mais, quoi qu’il arrive, la conception du mouvement spatial que nous trouvons chez Descartes, et qui s’harmonise si bien avec l’esprit de la science moderne, aura été rendue par Einstein scientifiquement acceptable dans le cas du mouvement accéléré comme dans celui du mouvement uniforme. […] Mais c’est pour n’avoir pas défini avec rigueur les termes employés, c’est pour ne s’être pas suffisamment habitué à voir dans la relativité une réciprocité, c’est pour n’avoir pas eu constamment présent à l’esprit le rapport de la relativité radicale à la relativité atténuée et pour ne pas s’être prémuni contre une confusion entre elles, enfin c’est pour n’avoir pas serré de près le passage du physique au mathématique qu’on s’est trompé si gravement sur le sens philosophique des considérations de temps dans la théorie de la Relativité.

3123. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

En d’autres termes, la figure rigide n’est pas la réalité même : ce n’est qu’une construction de l’esprit ; et de cette construction c’est la figure de lumière, seule donnée, qui doit fournir les règles. […] Comme les horloges restent ce qu’elles étaient, marchent comme elles marchaient, conservent par conséquent le même rapport entre elles et demeurent réglées les unes sur les autres ainsi qu’elles l’étaient primitivement, elles se trouvent, dans l’esprit de notre observateur, retarder de plus en plus les unes sur les autres à mesure que son imagination accélère le mouvement du système. […] Mais, pour cela, il fallait les en distinguer, et conserver toujours présente à l’esprit cette distinction.

3124. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Combien faut-il de cellules et de fibres pour faire un de ces éléments, nous ne pouvons le dire avec précision ; mais chacun de ces éléments, par son action, suffit à susciter toutes les images normales, toutes leurs associations, partant toutes les opérations de l’esprit. […] Nous savons que toutes les idées, toutes les connaissances, toutes les opérations de l’esprit se réduisent à des images associées, que toutes ces associations ont pour cause la propriété que les images ont de renaître, et que les images elles-mêmes sont des sensations qui renaissent spontanément. […] Grâce à certaines conditions favorables ou défavorables, une image prend ou perd la première place dans notre esprit ; grâce à ces mêmes conditions, l’action correspondante prend ou perd la première place dans notre cerveau. Cherchons quelle est cette première place dans l’esprit, et, par contrecoup, nous pourrons conjecturer peut-être quelle est cette première place dans le cerveau. […] Bain, L’Esprit et le Corps, p. 111.

3125. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

A un certain moment, les mêmes gens d’esprit qui s’attaquaient à Homère se sont attaqués à Théocrite. […] C’est toujours un étonnement pour moi, je l’avoue, de voir qu’un esprit aussi supérieur que Fontenelle n’ait pas mieux compris, tout berger normand qu’il était, qu’en ce parallèle des anciens et des modernes il y avait des genres dans lesquels les anciens devaient presque nécessairement avoir la prééminence, quelle que fût la revanche des modernes sur d’autres points. […] Il semble plutôt que l’antique esprit d’Hésiode, esprit grave, religieux, positif, tout nourri de bon sens et d’apologues, ait passé de bonne heure dans la forte Étrurie, et que de ce côté il ait fait longtemps la seule part de poétique héritage. […] Toutes deux sont célèbres ; le Cyclope a de quoi peut-être se faire mieux goûter des modernes : le jeu de l’esprit et une sorte de malice s’y mêlent au sentiment. […] Heureusement ce travail de l’esprit est devenu assez facile à quiconque réfléchit et compare.

3126. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Baudelaire, cet esprit mal venu dans ce siècle de mercantilisme, ce mal appris qui abominait le commerce, se lamentait de ce que lorsque : Le poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes, Crispe ses poings vers Dieu qui la prend en pitié. […] Abel joignait à cette remarquable souplesse de conduite, un esprit commercial, fécond en ressources. […] Les mots dont Hugo enrichit son vocabulaire après 1848, lui portèrent tort dans l’esprit des Prudhommes : ils les ahurissaient au point de leur faire prendre des vessies pour des lanternes et l’écrivain pour un socialiste, pour un partageux. […] Mais là où Victor Hugo étale grossièrement son esprit bourgeois, c’est lorsqu’il personnifie ces deux institutions de toute société bourgeoise, la police et l’exploitation, dans deux types ridicules : Javert, la vertu faite mouchard, et Jean Valjean, le galérien qui se réhabilite en amassant en quelques années une fortune sur le dos de ses ouvriers. […] Dans une épître en vers de 1818, mais publiée en 1863, Hugo dit en parlant de lui-même : « … J’ai seize ans… Je lis l’Esprit des lois et j’admire Voltaire. » (Victor Hugo rac.

3127. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Je suis loin de prétendre qu’il n’y eut point quelques qualités d’esprit mêlées à toutes les licences d’amour-propre qu’il s’accorda. […] Arrêté dans ses locutions, dogmatique, sans grâce, sans un rayon, sans rien de ce qui caresse l’esprit, il jetait de la poudre aux yeux par ses défauts mêmes. […] Combien j’aime, au contraire, ces esprits aimables et sensés, qui, ayant pratiqué un art par eux-mêmes et en sachant les difficultés et tous les périls, sont modestes et mesurés quand ils entreprennent de juger, dans un art voisin et différent, leurs confrères, leurs supérieurs ou leurs semblables ! […] Il y a des hommes qui causent d’une manière, qui écrivent d’une autre, qui sont plus familiers avec les amis, plus réservés dans le monde et avec les étrangers, qui ont plus d’un ton à leur usage : ce sont des esprits à plusieurs tiroirs.

3128. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

L’ancienne France et la France nouvelle, le vieux maréchal disciple de Boufflers et le jeune colonel d’après Marengo se rencontrent dans un sentiment d’esprit patriotique et de moralité militaire élevée, Austerlitz semblait présager à Franceschi le plus beau sort. […] Les rares et aimables qualités du général Franceschi, son excellente éducation, ses talents d’agrément, son esprit supérieur, sans compter son haut mérite militaire, tout parlait pour lui et lui conciliait l’affection. […] Quand le général eut compris que cette chance unique lui était refusée, il se vit prisonnier pour toujours, et l’ombre s’abaissa dans son esprit. […] Comme de coutume, il était extrêmement calme et avait toute sa présence d’esprit.

3129. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie, Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain, qui bouillonne et qui fume, Dans le rhythme profond, moule mystérieux, D’où sort la Strophe, ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire, et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore ! […] Un incident presque merveilleux, jeté au sein de cette vie de couvent, dut aussi influer beaucoup sur l’esprit et la gravité précoce de l’enfant poëte. […] Un ancien prêtre marié, bon homme, M. de La Rivière, lui avait débrouillé, à lui et à ses frères, les premiers éléments, et la méthode libre du maître s’était laissée aller à l’esprit rapide des élèves. […] Tous deux, le jeune Victor surtout, avaient rapporté de l’Espagne, outre la connaissance pratique et l’accent guttural de cette belle langue, quelque chose de la tenue castillane, un redoublement de sérieux, une tournure d’esprit haute et arrêtée, un sentiment supérieur et confiant, propice aux grandes choses.

3130. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

— La poésie, pour les esprits qui la savent goûter, a cela, entre autres choses, de séduisant, qu’à la fois c’est dans cette sphère qu’on a le très-grand, et aussi que le simplement distingué n’y est jamais perdu ni confondu. […] assez fâcheusement et abondamment de s’y introduire ; mais on s’y laisse moins prendre qu’ailleurs ; on l’y sent tout aussitôt sous les déguisements et les emprunts qu’il tente ; on le rejette avec dégoût, ou plutôt il va naturellement au fond ; et, tandis que, sous l’écorce de la prose, bien des talents équivoques en qualité surnagent, tandis qu’ils atteignent à une contrefaçon assez difficile à démêler, et qu’avec le travail, l’instruction, l’imitation de ce qu’on lit, la répétition assez bien débitée de ce qu’on entend, avec tous ces mérites surchargés, on parvient souvent à une sorte de compilation de fond ou de style, décente, et qui fait fort honnëte contenance, en poésie la qualité fondamentale se dénote aussitôt, la substance des esprits s’y fait toucher dans le plus fin de l’étoffe ; aussi très-peu suffit pour qu’on ait rang, sinon parmi les grands, du moins entre les délicats, et qu’on soit, comme tel, distingué de la muse, de cette muse intérieure qui console : ce qui, j’en conviens, n’empêche pas d’être parfaitement ignoré du vulgaire, comme disent les poëtes, c’est-à-dire du public. […] » Arthur, qui n’est pas un ouvrage composé, ni qui sente le talent de profession, Arthur, qui n’est guère peut-être qu’une suite de débris, de soupirs, de souvenirs et d’espérances, mais où le souffle est le même d’un bout à l’autre, et où l’esprit, vrai parfum, unit tout, sera, nous le croyons, une lecture propice et saine, et reposante, à bien des âmes fatiguées, à bien des palais échauffés, un correctif, au moins d’un moment, à tant de talents plus brillants que sincères, à tant d’enthousiasmes dont la flamme est moins au cœur qu’au front ; Arthur, si l’amitié et trop de conformité intime ne nous abusent, Arthur vivra et conservera le nom de son auteur, qui n’a plus à se repentir littérairement de ses écarts, de sa venue hâtive, de ses plaisirs distrayants et de ses faiblesses paresseuses, puisque, de tant d’imperfections éparses, il lui a été donné un jour (ô nature douée avec grâce !) […] qu’il devrait donc bien y avoir, à chaque biographie de poëte, un petit chapitre secret et réservé, à l’usage des seuls bons esprits capables de porter la vérité, toute la vérité, sans la prendre de travers ni en abuser !

3131. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] On est fier d’être d’une race d’hommes à qui la Providence a permis de concevoir de telles pensées, et d’être enfant d’un siècle qui a imprimé l’impulsion à de tels mouvements de l’esprit humain. […] J’en aurai mérité le châtiment ici-bas, je n’aurai pas protesté contre la peine, et j’ai toujours considéré les angoisses et les humiliations qui assiègent depuis dix ans le soir de mon existence comme une juste expiation d’une de ces témérités d’esprit par lesquelles l’homme le mieux intentionné ne doit jamais, selon l’expression des moralistes religieux, tenter la Providence quand il s’agit du sort et du sang d’un peuple. Mais, en ce qui concerne l’Histoire des Girondins, je ne me reproche en conscience que les cinq ou six pages que j’ai signalées ici moi-même à la vindicte des belles âmes, et je désire que ce commentaire expiatoire reste attaché au texte et fasse corps à cette édition du livre, pour prémunir les lecteurs, et surtout la jeunesse et le peuple, contre le danger de quelques sophismes qui pourraient fausser une idée dans leur esprit, ou atténuer dans leur cœur la sainte horreur de la vérité même, contre l’immoralité des moyens.

3132. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Mais si nous pouvons dire que le fait en question est faux, n’est-ce pas justement parce qu’il n’est pas une création libre et arbitraire de notre esprit, une convention déguisée, auquel cas il ne serait ni vrai ni faux ? […] Dans ce jugement on retrouve la libre activité de mon esprit. […] Ces dilatations et ces flexions, justement parce qu’elles sont très petites, seront pour notre esprit d’une étude relativement facile. […] Je rappelle en outre que notre espace euclidien qui est l’objet propre de la géométrie a été choisi, pour des raisons de commodité, parmi un certain nombre de types qui préexistent dans notre esprit et qu’on appelle groupes.

3133. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Il est fait d’un mélange d’esprit charnel et de chair triste et de toutes les splendeurs violentes du bas-empire ; il respire le fard des courtisanes, les jeux du cirque, le souffle des belluaires, le bondissement des fauves, l’écroulement dans les flammes des races épuisées par la force de sentir, au bruit envahisseur des trompettes ennemies. […] Il ne fait pas bon s’évader de la routine et faire preuve de quelque initiative d’esprit dans le monde des fonctionnaires. […] Son esprit fruste subissait l’ascendant de ce raffiné qui l’éblouissait de tout son dandysme délicat et de toute sa séduisante désinvolture, mais il ne le suivait qu’avec difficulté, raturant, hésitant, tiraillé par mille pensées contradictoires. Cette première série du Décadent manquait donc d’esprit de suite et d’intérêt, en dépit, çà et là, de quelques collaborations précieuses.

3134. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Mille expériences désastreuses prouveraient à l’homme qu’en faisant le bien il obéit à une duperie, que l’homme n’en persévérerait pas moins dans cette voie ingrate, improductive, folie selon le bon sens vulgaire, sagesse selon l’esprit supérieur. […] En 1870, elle revint à Lyon, rêvant d’une œuvre qui eût certainement fait reculer un esprit moins décidé et une âme moins vigoureusement trempée. […] Le naturel, l’élan de cœur, la vivacité, l’entraînement, un esprit prodigieusement inventif, joint à une fermeté à toute épreuve, font de madame Gros un exemple unique peut-être de l’art d’exprimer au peuple dans son langage les plus hauts sentiments. […] À madame Gros, vous avez voulu associer dans vos récompenses mademoiselle Paula Gagny, qui a déployé sur le même théâtre, à Lyon, les ressources de l’esprit le plus fertile pour le bien.

3135. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Tout à coup, un souvenir me traverse l’esprit — et donne un vigoureux coup d’éperon à mes soupçons, qui avaient déjà pris le galop de chasse, — comme dirait Henry Murger. […] Ce groupe avait un parfum anti-européen, acre et fort, qui vous montait à l’esprit. […] Les types moraux, eux, existent bien véritablement, — et en assez grand nombre pour défrayer les loisirs des esprits observateurs. […] Il y a de tout dans cet album, excepté de l’esprit et du sens commun : des déclarations d’amour à Madeleine Brohan — et des vers de quatorze syllabes sur les sapins orgueilleux dont le front touche les cieux, — l’alexandrin étant d’une insuffisance notoire à rendre les massives majestés des Pyrénées.

3136. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Louis XIV, d’après le sage avis de Torcy, voulait que son ambassadeur gouvernât sans paraître dans le Conseil ; madame des Ursins de son côté, par son autorité sur l’esprit de la reine, et par l’ascendant de celle-ci sur le roi, devait, dans les entretiens de l’intimité, nourrir l’affection du prince pour son aïeul. […] On a beaucoup reproché à madame des Ursins ce qu’on appelle ses intrigues : les Mémoires de Saint-Simon ont accrédité surtout cette opinion ; mais une étude impartiale des faits et particulièrement la lecture de ces lettres détruisent la plupart des accusations imaginées par cet esprit systématique.

3137. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

De jeunes esprits, nourris du Génie du Christianisme, tournés par leur nature et leur éducation aux sentiments religieux et aux croyances mystiques, avaient pensé, à la vue de tant d’événements mémorables, que les temps marqués étaient accomplis et que l’avenir allait enfin se dérouler selon leurs vœux. […] De cette lutte inégale entre quelques salons et l’esprit du siècle, qu’est-il arrivé ?

3138. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Si nous revenons sur un sujet aussi fastidieux que facile, c’est moins pour nous acharner aux côtés faibles et honteux d’un homme de génie, que pour confirmer notre critique dans l’esprit de nos lecteurs, et justifier, s’il est besoin, notre jugement. […] En lisant et en jugeant la Vie de Napoléon Bonaparte, nous avons tâché plus d’une fois de séparer dans notre esprit l’historien du romancier, et de ne pas souffrir que notre sévérité pour l’un retranchât rien à notre admiration pour l’autre.

3139. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

» Personne ne s’en fit scrupule : l’enrichissement de la langue était une nécessité liée au développement de l’esprit ; puisque la formation populaire avait laissé perdre du latin tout ce qui représentait la haute culture, il fallait bien aller l’y rechercher, maintenant qu’on voulait s’approprier cette culture. Oresme déjà, sous Charles V, y avait été contraint : ce fut bien autre chose quand toute une armée d’ardents et studieux esprits, théologiens, philosophes, traducteurs, imitateurs, penseurs originaux, se mit à parler en langue vulgaire sur toutes les plus ardues et plus graves matières.

3140. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Mais bien des gens trouvoient qu’il n’avoit de modeste que le propos ; que ses manières ne l’étoient point ; que l’ambition de règner sur les esprits, étoit sa passion dominante ; que, gouvernant la république d’Athènes, il croyoit devoir être également obéi dans celle des lettres. […] Il vouloit que la scène fût un remède aux délires de l’esprit humain ; qu’on ne s’armât point de rigueur contre les fanatiques, de quelque espèce qu’ils fussent ; mais qu’on les jouât sur tous les théâtres, même à la Foire & aux Marionettes ; & que, ces jours-là, on donnât gratis la comédie.

3141. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

On a donc raison d’accuser le climat de la disette de génies et d’esprits propres à certaines choses, qui se fait remarquer chez certaines nations. la temperature des climats chauds, dit le chevalier Chardin énerve l’esprit comme le corps… etc. .

3142. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

le sujet de Vallès a l’inconvénient de tous les sujets circonscrits : il manque de l’intérêt qui prend, d’emblée, tous les esprits et tous les cœurs ! […] Dieu a tant d’esprit !

3143. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Comte de Gramont5 De toutes les choses de la pensée, la poésie, qui est la plus difficile, la plus puissante et la plus rare, tente beaucoup d’esprits et les trompe. […] Enivré qu’il ait été par la Renaissance et cette poésie moderne qui s’efforce depuis plus de vingt ans d’en réverbérer les rayons, le noble auteur des Chants du Passé (nous l’avons déjà dit) revient, vers la fin de son recueil, à cette simplicité mâle que la vérité chrétienne, embrassée définitivement par notre âme, communique non seulement aux œuvres du cœur, mais aux productions de l’esprit.

3144. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Les petits esprits, qui jugent hier avec aujourd’hui, s’étonnent de la grandeur et de la magie de ce mot avant 1787 : le Roi. […] Les gens d’esprit, de génie, se tuant toute leur vie pour cette grosse bête de public, tout en méprisant, au fond de leur cœur, chaque imbécile qui le compose. […] Le passé qui ne revient que dans l’esprit, est un passé mort. […] On aimera follement une femme, pour sa putinerie, pour la méchanceté de son esprit, pour la voyoucratie de sa tête, de son cœur, de ses sens ; on aura le goût déréglé d’une mangeaille pour son odeur avancée et qui pue. […] L’esprit, pour peu qu’on l’ait délicat, se soulève plus que le cœur contre ces pages, plus pleines encore d’inepties que de crimes.

3145. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Ce Mallarmé a vraiment une parole séductrice, avec de l’esprit qui n’est jamais méchant, mais soutenu d’une pointe de malice. […] Selon l’expression du causeur, un déclenchement subit eut lieu dans l’esprit des plénipotentiaires chinois : il existait un précédent. […] Les heures, où l’on va à un enterrement, où on le suit, me semblent des heures, où l’activité de votre esprit est engourdie par du néant. […] le facile esprit de ces critiques, comme M.  […] Alors succédaient les biographies d’art et les livres historiques, écrits un peu sous ma pression, et la tendance naturelle de mon esprit vers la vérité du passé ou du présent : œuvres, où il y avait peut-être un peu plus d’appoint de moi, que de mon frère.

3146. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

III Relisons à tête reposée ce merveilleux livre, merveilleux d’utopie comme de saines inspirations ; laissons en pâture aux échenilleurs de mots et de formes les impropriétés de termes, les exagérations de phrases, les mauvais jeux d’esprit, les impuretés de langue, les fautes lourdes et même les saletés de goût, flatterie indigne du génie élevé d’un grand poète, cynisme de la démagogie, cette plèbe du langage, qui l’abaisse pour qu’il soit à son niveau, et qui le souille pour l’approprier à ses vices. […] C’est là ce qui me saisit l’esprit en fermant son livre. […] IV J’ai toujours aimé Victor Hugo, et je crois qu’il m’a toujours aimé lui-même, malgré quelques sérieuses divergences de doctrines, de caractère, d’opinions fugitives, comme tout ce qui est humain dans l’homme ; mais, par le côté divin de notre nature, nous nous sommes aimés quand même et nous nous aimerons jusqu’à la fin sincèrement, sans jalousie, malgré l’absurde rivalité que les hommes à esprit court de notre temps se sont plu à supposer entre nous. […] Effacez ce chapitre : la verve moqueuse ne donne de l’esprit qu’aux méchants ; le génie est bon, car il est divin. […] Ses fils travaillaient dans mon cabinet, aux Affaires étrangères ; j’étais fier du nom, et, en lisant dans les journaux ce programme de la république de propriété, d’ordre et de vraie liberté signé Hugo, je me félicitais qu’un si puissant esprit s’engageât dans l’armée où je servais moi-même la cause des améliorations populaires possibles, contre les démagogues de la rue, ces rêveurs de sang et de guerre, et contre les utopistes, ces démagogues de l’idée.

3147. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

La somnambule, a-t-on remarqué, exécute un acte uniquement parce qu’elle en a l’image dans l’esprit c’est pourquoi son acte est machinal et automatique ; nous, nous exécutons le même acte parce que, outre l’image, nous jugeons l’acte utile ou nécessaire. Le sujet hypnotisé « copie automatiquement le mouvement de mon bras, et moi je copie volontairement un dessin : c’est que le sujet fait l’acte uniquement parce qu’il pense à l’image de cet acte et sans juger qu’il fait un acte semblable au mien ; moi, je copie en pensant à la ressemblance, et à cause d’elle159. » Le sujet prononce telles paroles parce qu’elles traversent son esprit, sans songer à autre chose ; nous, nous parlons ainsi parce que nous jugeons que cela est vrai. […] En disant : je puis vouloir, j’ai présente à l’esprit l’idée de mon moi comme pouvant intervenir dans le problème intérieur, comme pouvant, par exemple, maîtriser un mouvement de haine. « Je puis vouloir ne pas haïr celui qui m’a fait du mal. » Voilà un jugement qui, dès qu’il se produit, a un effet sur ma haine : il la modère du coup, en retient et en retarde les conséquences ; il peut même les empêcher, grâce aux idées raisonnables auxquelles il ouvre la porte. « Je puis vouloir cette chose ou son contraire », ce jugement est l’affranchissement qui commence par rapport aux impulsions passionnelles et aveugles ; il transporte la volonté sur un sommet d’où elle a deux versants en vue. […] Tout acte est associé dans notre esprit à une foule d’idées qui sont comme les principes dont il est la conséquence ; or, la conséquence suggère nécessairement le souvenir de ses principes habituels. […] Il faut seulement concevoir un déterminisme beaucoup plus complexe et, en même temps, plus flexible que celui auquel s’en sont tenus les philosophes, principalement l’école de l’association, qui divise l’esprit en idées ou en états séparés, pour les combiner ensuite comme les pierres d’une mosaïque.

3148. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ils abusent déjà, les malheureux, des plus charmantes qualités de l’esprit ! […] C’est une recherche agaçante de l’esprit, c’est un dialogue, dont la langue parlée est faite avec des phrases de livre, c’est un caquetage amoureux d’une fausseté insupportable, insupportable. […] Non vraiment, on ne peut nier aux auteurs un certain flair des goûts futurs de la pensée et de l’esprit français, en incubation dans l’air. […] Ce livre, j’ai la conscience de l’avoir fait austère et chaste, sans que jamais la page échappée à la nature délicate et brûlante de mon sujet, apporte autre chose à l’esprit de mon lecteur qu’une méditation triste. […] Il montre, lors de notre début littéraire, la tendance de nos esprits à déjà introduire dans l’invention la réalité du document humain, à faire entrer dans le roman, un peu de cette histoire individuelle qui, dans l’Histoire, n’a pas d’historien.

3149. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

A Genève, grâce à l’esprit de cité et de famille, apparaissent et se croisent de bonne heure des dynasties, des tribus de savants appliqués et honorés, les Godefroy, les Le Clerc, les Pictet, dans une sorte de renommée sans dissipation, qui ne va pas jusqu’à la gloire, et qui demeure revêtue et protégée de modestie et d’ombre. Genève est le pays qui a envoyé et comme prêté au monde le plus d’esprits distingués, sérieux et influents : De Lolme à l’Angleterre, Le Fort à la Russie, Necker à la France, Jean-Jacques à tout un siècle, et Tronchin, Étienne Dumont, et tant d’autres, en même temps qu’elle en a recueilli et fixé chez elle un grand nombre d’éminents de toutes les contrées aux divers temps. […] Ses premières lectures, celles qui agirent le plus avant sur son esprit encore tendre, je les retrouverais dans ses écrits encore en combinant avec son Jules le Charles du Presbytère. […] Une certaine lenteur de ton qui se confond ici dans la grâce décente, l’honnêteté du cœur intacte avec la malice enjouée de l’esprit, la nature prise à point, respirent dans ces pages aimables : le sens moral qui en ressort tendrait à tuer surtout le grand ennemi en nous, c’est-à-dire la vanité. […] dans cette vie, y aurait-il lieu vraiment à la moindre rouille pour l’esprit, pour le goût ?

3150. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Comme il n’a que très tard commandé en chef, il parlera donc en détail des moindres escarmouches, affaires de nuit, rencontres, coups de main et stratagèmes où il a eu un premier rôle, ce qui lui arriva de bonne heure à cause de son esprit d’entreprise et de sa hardiesse. […] Il avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race : « Il ne me fallait guère piquer pour me faire partir de la main. » Quelquefois aussi, chez lui, c’était méthode et tactique ; on le verra user de sa réputation terrible pour obtenir de prompts et merveilleux résultats : ainsi, à Casal, ville presque ouverte, où il se jette (1552) pour la défendre, et où il lui fallut improviser des fortifications et de grands travaux de terrassement en peu de jours, il donnera ordre à tout son monde, tant capitaines, soldats, pionniers, qu’hommes et femmes de la ville, d’avoir dès le point du jour la main à l’ouvrage « sous peine de la vie » ; et, pour mieux les persuader, il fit dresser des potences (dont sans doute cette fois on n’eut pas à se servir) : « J’avais, dit-il, et ai toujours eu un peu mauvais bruit de faire jouer de la corde, tellement qu’il n’y avait homme petit ni grand, qui ne craignît mes complexions et mes humeurs de Gascogne. » Et en revanche, sans se fier plus qu’il ne faut à l’intimidation, il allait lui-même, sur tous les points, faisant sa ronde jour et nuit, reconnaissant les lieux, « encourageant cependant tout le monde au travail, caressant petits et grands. » Ces jours-là, où il était maître de lui-même, il savait donc gouverner les esprits autant par les bons procédés que par la crainte, et il s’entendait à caresser non moins qu’à menacer. […] Au fond, il ne s’agit que d’un ou plusieurs moulins à prendre et à brûler, et Montluc, qui a bien de l’esprit, au moment d’entrer dans ce récit tout sérieux, comme s’il avait deviné que don Quichotte faisait quelque chose de pareil vers le même temps, se permet par précaution un petit sourire : « Or, pour déduire cette entreprise, dit-il, encore que ce ne soit pas la conquête de Milan, elle pourra servir à ceux qui en voudront faire leur profit. » Après cette légère précaution, il n’omet plus rien du détail et des circonstances du stratagème, et en fait un parfait modèle et un exemple à suivre.

3151. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Après avoir raconté qu’il a vu mourir sous ses yeux une vieille amie, une femme âgée et d’un esprit supérieur, avec qui il avait souvent épuisé, en conversant, toutes les réflexions morales et anticipé l’expérience de la vie : Cet événement, continue Adolphe, m’avait rempli d’un sentiment d’incertitude sur la destinée, et d’une rêverie vague qui ne m’abandonnait pas… Je trouvais qu’aucun but ne valait la peine d’aucun effort. […] Une de ses amies, frappée de son silence et de son abattement, lui demanda si elle était malade. — Je n’ai pas été bien dans ces derniers temps, répondit-elle, et même à présent je suis fort ébranlée. — J’aspirais à produire dans l’esprit d’Ellénore une impression agréable ; je voulais, en me montrant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à l’entrevue qu’elle m’avait accordée. […] L’esprit, du moins, avec son jeu délicat, y fait les frais de ce qui y manque.

3152. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Un masque de contrebande put ainsi s’introduire et se faufiler dans le bal ; mais je laisse conter M. de Luynes, qui tenait le récit du bailli de Froulay, qui disait le tenir du cuisinier lui-même : Il (le cuisinier) était fort bien masqué en don Quichotte ; il était bien fait, avait de l’esprit et parlait espagnol à merveille. […] Le cuisinier, bien loin de chercher à le détromper, lui répondit toujours avec esprit et légèreté, lui dit qu’il avait eu l’honneur de lui donner à dîner plusieurs fois en Espagne, lui cita même un tel jour où tels et tels étaient à dîner avec M. de Tessé, lui ajouta même que M. de Tessé, à Madrid, n’avait guère fait de dîners sans lui. […] Le roi eut curiosité de lui parler : le maréchal de Tessé l’amena ; le cuisinier parla au roi mauvais français ; le roi lui trouva de l’esprit et dit à Mme la Dauphine de le prendre pour danser.

3153. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Conservez cet esprit d’union et de discipline qui fera notre force et qui assure à tous les Français le maintien d’un gouvernement libre, et le respect des personnes et des propriétés. […] Joubert, nommé au commandement de Paris peu avant ce petit coup d’État du 30 prairial (18 juin), y avait prêté la main et en approuvait l’esprit. […] Fouché, nommé par suite du revirement de prairial à l’ambassade de Hollande, a raconté qu’étant allé prendre congé de Sieyès, celui-ci lui dit « que jusque-là on avait gouverné au hasard, sans but comme sans principes, et qu’il n’en serait plus de même à l’avenir ; il témoigna de l’inquiétude sur le nouvel essor de l’esprit anarchique, avec lequel, disait-il, on ne pourra jamais gouverner.

3154. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

On reconnaît les bons et excellents esprits à cette marque, qu’ils sentent le Besoin de faire parfaitement tout ce qu’ils font. Dans un temps où notre pays est infesté de tant de fausses doctrines mortelles aux vraies méthodes, et traversé d’un détestable esprit où les charlatanismes et les timidités se combinent, sachons au moins les noms de ceux qui forment l’élite scientifique et philosophique, qui marchent à l’avant-garde de la pensée et demeurent l’espoir de l’avenir. […] Louis XVI, aveuglé ici par un esprit de dévotion étroite, était de plus trompé par les informations qui lui venaient des provinces ; et Foucault sera un de ces informateurs les plus funestes, par le tableau illusoire qu’il présentera de la facilité du succès.

3155. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

A un certain degré d’élévation, en effet, l’esprit s’applique à tout ; dans le champ de comparaison qu’il embrasse, il est sollicité en bien des sens. […] On pouvait, à le parcourir à la légère ou sans l’esprit de critique, n’y voir que le joli groupe des chèvres et de la bergère ; mais il y avait le chien de garde incorruptible. […] dirons-nous devant l’astre d’or : L’esprit monte au ciel et l’âme décline.

3156. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Nous nous bornerons à citer ce que ce dernier, homme d’esprit en même temps qu’artiste, dit à la scène septième de l’acte II de Colombine avocat pour et contre, où il essaye de donner une idée des talents mimiques de Scaramouche : « Après avoir raccommodé (mis en ordre) tout ce qu’il y a dans la chambre, Scaramouche prend une guitare, s’assied sur un fauteuil, et joue en attendant que son maître arrive. […] La comparaison est peu respectueuse, et je ne prendrais pas la liberté de la faire, si elle était de mon invention : ce fut Madame elle-même à qui elle vint à l’esprit, aussitôt que Monsieur fut sorti du cabinet, et elle la fit moitié en riant, moitié en pleurant. “Il me semble, dit-elle, que je vois Trivelin qui dit à Scaramouche : Que je t’aurais dit de belles choses, si tu avais eu assez d’esprit pour me contredire !”

3157. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Imposer la succession régulière des quatre drames de la Tétralogie est une noble pensée digne de l’esprit de Wagner ; est-il possible cependant de s’y tenir longtemps ? […] A bien regarder les choses, les esprits de bonne foi reconnaîtront vite que plusieurs de nos compositeurs « arrivés » ont été vaillamment soutenus, jusqu’au succès décisif, par l’unanimité des wagnériens, avec lesquels ils ne se défendaient point — alors — de marcher et de faire campagne. […] Wagner a substitué le drame musical à l’opéra ; nous devons considérer sa théorie comme démontrée, ses conquêtes comme définitives ; ne nous épuisons pas à des œuvres bâtardes, confuses, où l’ancien esprit s’accommode tant bien que mal aux formules nouvelles.

3158. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Son âme, issue de la communion du ciel et de la multitude, s’est dissoute au souffle de l’esprit du temps. […] Quelle folie nous pousse donc à soigner nos corps, qui, sortis de la pourriture, doivent y retourner demain, à pousser nos esprits dans la recherche de la vérité, alors qu’il n’y a pas de vérité en dehors de l’Éternel, et que tout ce que nous en devons connaître, nous fut révélé ? […] Rodenbach : votre esprit, infiniment las d’avoir rêvé, infiniment lointain et nostalgique, entrevoit déjà les délices d’un retour aux naïves légendes « qui berçaient l’humanité ».

3159. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Son livre est plein de critique ; c’est un homme d’esprit sans parti pris, qui vous mène promener à travers le monde et qui vous dit : « Regardez et concluez. » Il a aussi beaucoup d’analogie avec Voltaire dans ses Mœurs des nations. […] Si cependant, pour cela, je mérite quelque punition, me voilà prêt. » « Tandis qu’il parlait, un pressentiment se glissait dans l’esprit d’Astyage. […] — Puisque l’enfant a survécu, répondirent les mages ; puisque, par un pur hasard, il a fait les fonctions de roi, vous pouvez actuellement vous rassurer, et votre esprit ne doit plus concevoir d’inquiétude. […] « Harpagus, mettant donc à profit la disposition des esprits, entretenait des liaisons particulières avec les premiers du pays, et leur persuada de déposer Astyage pour appeler Cyrus à la tête des affaires. […] Tout annonçait en lui l’aliénation d’esprit.

3160. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

J’aurais voulu rappeler à Bauër, dans une conversation sur la mort, entre Zola, Daudet, Tourguéneff, la mention d’un certain brouillard habitant les cervelles du Nord, le brouillard slave, selon l’expression de Tourguéneff, et dont il disait : « Ce brouillard a quelque chose de bon pour nous : il a le mérite de nous dérober à la logique de nos idées, à la poursuite de la déduction. — Brouillard tout à fait contraire à la fabrication de notre théâtre, fait de clarté, de logique, d’esprit. […] Il hérite aussi de papiers, parmi lesquels il y a des correspondances amoureuses de Gautier, de Saint-Victor, de Doré, et surtout tout un gros paquet de lettres d’About, qu’il déclare tout à fait charmantes de passion et d’esprit. […] Mon esprit est attiré par les coins inconnus et mystérieux de notre histoire reculée, légendaire, par les récits troubles des Grégoire de Tours, des Frédégaire, par les ténèbres de la période mérovingienne. […] » Et contre cette porte fermée, où il y a les bocaux d’eau phéniquée, les éponges, la table pour le charcuter, Lorrain dit des choses légères, rieuses, plaisantes, comme en dit un homme d’esprit, pour lequel le lendemain est sans bistouri. […] Cette phrase avait apporté un bouleversement dans ses idées, et mis son esprit en quête, du comment de la fabrication des enfants.

3161. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers. […] Mais comme il ne précise pas nettement le lieu de ses observations ; et que, par conséquent, il ne fait qu’énoncer les effets dans leur généralité, sans les suivre et les analyser dans leurs détails, il ne satisfait que peu l’esprit qui cherche des applications positives.

3162. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Nul enjolivement, pas d’esprit, pas d’intrigue, pas de peinture de mœurs. […] Sur le monde malade d’un abus d’esprit, lassé de la vie la plus artificielle qui fut jamais, disposé déjà par Jean-Jacques à goûter le sentiment plus que la pensée, cette églogue rafraîchissante tomba.

3163. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

À chaque stance, le souffle s’arrête dans la poitrine et l’esprit se repose par un point d’admiration ! […] Parmi ces grands esprits morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’

3164. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Sous des apparences d’humilité, elle change la religion en astuce et se rend maîtresse des biens, de l’honneur et de l’esprit des gens… C’est un beau trait que celui du démon se faisant adorer comme un saint… Ceux qui me nourrissent, je les loue de leurs œuvres pies, de leurs vertus, de leur charité ; je les rassure sur leurs débauches, sur leurs usures ; rentrant la tête dans les épaules avec un petit ricanement, j’allègue la fragilité de la chair. […] Une égale débilité d’esprit caractérise les deux chefs de maison, et les valets de Liseo n’ont pas l’œil moins clairvoyant ni la parole moins impertinente que la servante Dorine.

3165. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

L’esprit simpliste de Dumas ignore cette difficulté. […] Il avait seulement un vif désir de savoir, de comprendre, et c’était — et c’est — un esprit délié et cultivé.

3166. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Jean-Baptiste Rousseau est venu, depuis, se réclamer de l’esprit divin et Vigny a attesté le caractère sacré du poète. […] C’est le prophète de l’inconscient ; son esprit fatigue aspire au nirvanah, à n’être plus que l’algue flottante ou le madrépore sous-marin, à vivre de la vie végétative des plantes.

3167. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Dans l’œuvre où prédomine la Forme, la Rime se présente immanquablement à l’esprit ; elle affirme la clarté du vers, le rend plus net et le fixe en de précises limites ; car ainsi qu’ailleurs je le déclarerai, en certains sujets — tels épiques, plastiques, où l’ampleur et la force sont nécessaires — il faut employer le vers à rhythme binaire, le vers dit d’airain, tour d’ivoire où, sous la porte, sentinelle casquée d’or et gemmée de rubis, veille la Rime. […] Yeux endormeurs, corps sade, et l’esprit gent, La Dame aura sur le front des guirlandes ; Levant sa jupe au-dessus de la jambe, Ainsi soëve, ouïra souriante Une chanson d’amour d’un autre temps.

3168. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Le sel & les agrémens dont il eut soin d’assaisonner ses feuilles, les firent moins rechercher des personnes sçavantes que des esprits frivoles. […] Il n’avoit rien non plus dans sa physionomie qui annonçât un homme d’esprit.

3169. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Un esprit ordinaire n’aurait pas manqué de renverser le monde, au moment où Ève porte à sa bouche le fruit fatal ; Milton s’est contenté de faire pousser un soupir à la terre qui vient d’enfanter la mort : on est beaucoup plus surpris, parce que cela est beaucoup moins surprenant. […] Cependant Milton lutte ici sans trop de désavantage contre cette fameuse allégorie : ces premiers soupirs d’un cœur contrit, qui trouvent la route que tous les soupirs du monde doivent bientôt suivre ; ces humbles vœux qui viennent se mêler à l’encens qui fume devant le Saint des saints ; ces larmes pénitentes qui réjouissent les esprits célestes, ces larmes qui sont offertes à l’Éternel par le Rédempteur du genre humain, ces larmes qui touchent Dieu lui-même (tant a de puissance la première prière de l’homme repentant et malheureux !)

3170. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

“Notre but n’a jamais été, dit-il, de faire des extraits des livres nouveaux ; nos lettres sont destinées à des réfléxions sur les ouvrages d’esprit, & sur d’autres, lorsqu’ils amenent l’occasion de dire des choses agréables ou curieuses. […] La Gazette littéraire embrasse les productions de tous les savans de l’Europe, & leur fait parler une langue commune, en rendant leur esprit & leurs idées en françois par des extraits ou des morceaux entiérement traduits.

3171. (1762) Réflexions sur l’ode

Je me souviens d’en avoir lu il y a quelques années de françaises, faites par un Italien de beaucoup d’esprit ; les idées en étaient nobles, la poésie facile, correcte, et pourtant mauvaise. […] Je suis bien éloigné, en hasardant ce parallèle, de prétendre affaiblir la juste admiration qu’on doit à ce poète, celui de tous les anciens qui a réuni au plus haut degré le plus de sortes d’esprit et de mérite, l’élévation et la finesse, le sentiment et la gaieté, la chaleur et l’agrément, la philosophie et le goût.

3172. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Ni l’un ni l’autre, il est vrai, de ces grands esprits différents, ne connut les honnêtes gens du Journal des Débats ; mais tous deux savaient ce qui se cache sous cette vague expression d’honnêtes gens, qui se dilate à mesure qu’on la presse pour envelopper mieux toutes les défaillances et toutes les lâchetés morales, et que les fats du vice élégant ou lettré jettent par-dessus leurs mauvaises mœurs ou leurs mauvaises doctrines. […] Il n’est jamais de mal en bonne compagnie, a dit Voltaire, dans un conte peu honnête, avec cette fascinante légèreté qui fait passer pour spirituels les plus grands sophismes et les plus grandes bêtises de cet esprit pervers et dépravant ; car ce vers, si joli et si souvent cité, a le double caractère de l’erreur complète : il est à la fois bête et faux.

3173. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Je suis très bien avec lui, mais dans la disposition de mon esprit, et avec les méchants potins de Paris, on ne sait jamais. […] Jeudi 22 mai Il y aurait à dénoncer une série de bonnes blagues, inventées par de prétendus émetteurs d’idées, et dans lesquelles, au bout de quelque temps, coupent les gens d’esprit ; ainsi la théorie que les eaux-fortes, pour l’illustration des livres, ne doivent pas avoir le caractère d’art qu’on leur demande, quand elles ne font pas partie d’un volume. […] Ils ne veulent pas, ces bons critiques, — et cela avec une colère enfantine, ils ne veulent pas de génies, d’esprits originaux. […] Jour des Trépassés Comme chez la plupart des hommes et des femmes, que je vois s’aimer, il manque ce lien inexprimable de la liaison d’esprit, qu’il y avait entre mon frère et moi ; et comme ces tendresses de la chair, toutes passionnées qu’elles soient, sont inférieures à ce qui nous unissait. […] » — Quelqu’un définissait ainsi un musicien de talent de ce temps : « Il a l’esprit gros et la méchanceté fine ».

3174. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Malgré l’antagonisme de nos deux pensées sur beaucoup de points, je suis obligé de reconnaître que Drumont est un homme, qui a la vaillance d’esprit d’une autre époque, et presque l’appétit du martyre. […] Dimanche 28 février C’est curieux, ces pures mondaines, ces femmes ayant de l’esprit, ayant surtout du montant, quand on vit quelque temps avec elles, on les sent tout à fait creuses et vides, et ne pouvant vous tenir une compagnie intellectuelle. […] Je le trouve couleur d’un vieux cierge d’église, les yeux ayant perdu l’allumement de la vie, la voix sans résonance, se plaignant d’affreuses névralgies des reins ; et l’esprit encore plus malade que le corps, et me disant : « Je crois bien avoir le foie atteint, aux tristesses affreuses que j’éprouve !  […] Jeudi 25 mars Je disais aujourd’hui à Daudet, que son intimité m’avait donné une seconde jeunesse de l’esprit, qu’il était, après mon frère, le seul être contre l’esprit duquel, le mien aimait à battre le briquet. […] Une salle dont la froideur, aussitôt l’entrée en scène de Cerny et de Dumény, se dissipe, et qui s’amuse franchement et prend plaisir à l’esprit de la pièce.

3175. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

La langue, à son tour, est le germe de la société entre les esprits. […] C’est avec la plus parfaite ingénuité que le poète tente de faire rentrer dans son art, outre l’esprit, la lettre aussi de toute chose, oubliant qu’il n’est pas plus naturel de tout dire en vers que de tout chanter. […] Le vrai coupable est Celui qui a troublé le repos du néant pour en tirer le monde ; c’est cet Esprit flottant sur le chaos informe qui y a soufflé la vie et la forme : Emporté sur les eaux de la Nuit primitive, Au muet tourbillon d’un vain rêve pareil, Ai-je affermi l’abîme, allumé le soleil, Et pour penser : Je suis ! […] C’est charmant, pas bien réel ; les vraies couleurs, les vraies nuances ont des dégradations infinies que le pinceau de Coppée, quoique délicat et menu, ne semble pas bien fait pour rendre ; mais, par contre, ce pinceau est léger autant qu’habile, et fin comme l’esprit même du poète244. […] … Et comme les bravos étaient en tonnerre, Je vis passer dans mon esprit de visionnaire, Déguenillés, hurlants sur des tas de pavés, Des hommes aux cheveux épars, aux poings levés, Qui portaient, en roulant leurs yeux d’épileptiques Des têtes et des cœurs tout sanglants sur des piques.

3176. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — Plusieurs vocabulaires peuvent se succéder dans son esprit, par l’oblitération d’anciens mots que de nouveaux mots remplacent. — Plusieurs significations peuvent se succéder pour lui autour du même mot qui reste fixe. — Plusieurs mots inventés par lui sont des gestes vocaux naturels. — Au total, il apprend la langue faite, comme un vrai musicien apprend le contre-point, comme un vrai poète apprend la prosodie ; c’est un génie original qui s’adapte à une forme construite pièce à pièce par une succession de génies originaux ; si elle lui manquait, il la retrouverait peu à peu ou en découvrirait une autre équivalente. […] L’au-delà pour lui sera le Schéol des Hébreux, l’endroit où vivent d’une vie vague ou presque éteinte les morts immobiles. — Hier signifie pour elle dans le passé, et demain, dans l’avenir ; aucun de ces deux mots ne désigne dans son esprit un jour précis par rapport à celui d’aujourd’hui, le précédent ou le suivant. — Voilà encore un exemple d’un sens trop vaste qu’il faudra rétrécir. — Il n’y a presque pas de mots employés par un enfant dont le sens ne doive subir cette opération. […] En tout cas, ils annonçaient le premier éveil de l’intelligence : ils n’étaient plus aigus, prolongés, monotones ; c’étaient, pour ainsi dire, les sons d’une langue nouvelle ; cette langue, très différente du cri primitif, ne traduisait plus seulement la douleur brute, le simple malaise ; quoique rudimentaire et bornée, elle manifestait des nuances de sentiment, des états variés et compliqués de l’esprit et surtout de l’âme. […] Plusieurs fois par jour et chaque fois pendant une demi-heure ou même une heure, entière, on le voyait toucher la cuiller, l’empoigner par un bout, par un autre, par le milieu, la lever en l’air pour la regarder à plusieurs distances et à plusieurs hauteurs, la frapper sur le plancher, éprouver ses diverses sonorités, ses rebonds, imprimer dans son esprit les diverses apparences qu’elle prenait selon ses diverses positions. […] En effet, un esprit naturellement borné ne peut suivre les abstractions d’un certain ordre ; nous connaissons des gens qui, quoi qu’ils fassent et quoi qu’on fasse, n’entendront jamais la Mécanique céleste de Laplace ou la Logique de Hegel.

3177. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

… Quel était votre chemin, délicat artiste, subtil et charmeur, caressant, si moderne en vos sensualités et vos mysticismes attifés ; de vous sont les sensations mièvrement féminines, et très nôtres, très actuelles, très parisiennes : des rêveries, des poèmes d’un songe printannier, une chanson de passant, des poèmes d’amours, une fête napolitaine, un soir d’Alsace que vous avez rêvé en votre esprit d’affiné, des danses de bayadères-pierrettes, des soupirs de Madeleines en satins et soies, une sensation ; et quelque action imaginaire et impossible, que l’on suive, yeux demi clos, dans le confort d’une heure joyeuse ; quelque chimérique action où s’enrouleraient les chœurs et les belles cavatines, les marches, les ballets qui de votre pensée diraient mieux les gentillesses, — un moderne opéra, Papagena ou Manon, — les fines émotions d’une vie légère, légèrement créée, — et jamais Wotan, ni Tristan, ni Kundry. […] De la même époque est la conception primitive de Parsifal : comme contraste en face de Tristan, dans l’esprit du poète naquit l’image de Parsifal, le Compatissant, le Renonceur et le Sacrifié ; mais bientôt cette figure se détacha tout à fait de celle de Tristan ; l’esquisse de Tristan fut achevée en ces années 1854 et 1855, et celle de Parsifal ne fut ébauchée qu’au printemps de 1857, éveillée au jour du Vendredi-Saint. […] au fils de la Femme : « pour les mondes pécheurs Christ a donné son corps… » et, par instants, des voix descendent d’invisibles sommets, enfantines et angéliques, virginales : « la Foi vit, l’Esprit plane… » donc s’emmêlent les chants pieux des glorifications et des lamentements et des célestes virginités. […] … la Foi vit, l’Esprit plane ! […] Sur aucun théâtre la mise en scène n’est conforme à l’esprit de ces œuvres et aux indications du Maître, qui exigeait « comme premier principe, une majestueuse simplicité ».

3178. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Les tragédies encore vivantes de la délivrance suscitèrent des drames pleins de leur flamme et de leur esprit. […] Mais l’hymne manié avec cette puissance, a son action comme la tragédie ; il suffisait à des âmes plus jeunes, à des esprits plus vibrants et plus résonnants que les nôtres. […] Un rayon s’allume dans son œil éteint et perce l’horizon de l’année future. — Le Chœur se confie en l’armée nouvelle qui réparera la défaite ; il lui répond avec l’accent du Destin : — « Celle-là même qui est restée dans l’Hellade, ne reviendra plus. » — Le voilà maintenant, prophète comme Samuel : le sépulcre donne, comme le trépied, sur les exhalaisons de l’Esprit divin. […] Ils leur diront qu’étant mortels, il ne faut pas trop enfler son esprit. […] Cette interprétation me semble à côté sinon au rebours du sens ; elle effleure la lettre du texte sans pénétrer son esprit.

3179. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Ainsi que le sang parcourt le corps qu’il anime, de même ces idées générales, répandues dans la science nouvelle, l’animeront de leur esprit dans toutes ses déductions sur la nature commune des nations. […] Ce caractère de l’esprit humain a été observé par Tacite (Agricola) : omne ignotum pro magnifico est  ; l’inconnu ne manque pas d’être admirable. […] Autre caractère de l’esprit humain : s’il ne peut se faire aucune idée des choses lointaines et inconnues, il les juge sur les choses connues et présentes. […] L’esprit humain aime naturellement l’uniforme. […] Elle est digne de nos méditations, cette pensée de Dion Cassius : la coutume est semblable à un roi, la loi à un tyran  : ce qui doit s’entendre de la coutume raisonnable, et de la loi qui n’est point animée de l’esprit de la raison naturelle.

3180. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Certes, lorsqu’il est si difficile d’exceller en une seule partie, je ne puis assez admirer la force presque divine de ton esprit qui a su embrasser tant et de si grands sujets, que ce qui suffirait à plusieurs pour éterniser leur nom se rencontre réuni en toi seul. […] Est-ce donc que nous ne saurions plus en France la valeur des termes, et que les à peu près suffisent désormais à ceux qui devraient tenir d’une main légère la balance des esprits ? […] La France et l’armée viennent de perdre un militaire de distinction, esprit poli, délicat, homme de bien, — homme comme il faut, — le duc de Fezensac. […] J’aimerais, dans une édition complète de Virgile, que toutes ces neuves et agréables circonstances, qui achèvent de graver les beaux vers et de les rendre présents à l’esprit, fussent notées chemin faisant et rappelées.

3181. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

On suivit la lettre plutôt que l’esprit de cet ordre. […] « Tandis que quelques personnes, lui écrivait-on de Dresde, vous attribuent la présence de vos trois corps d’armée à Wurschen et vantent avec chaleur ce service à l’occasion duquel elles rappellent les autres, l’état-major retentit contre vous des plaintes les plus vives. » Ces plaintes consistaient dans un esprit d’indépendance qui aurait empêché Jomini de faire expédier ses états de situation d’après des modèles qu’on lui avait donnés. […] Ceci rentre dans l’esprit de réserve et de scrupule qu’il s’efforçait de garder jusque dans son changement de drapeau. […] Après Leipsick, Jomini crut devoir se retirer du quartier général des Alliés ; il en demanda, dès Weimar, l’autorisation à l’empereur Alexandre, alléguant « que rien n’arrêterait plus les armées alliées jusqu’au Rhin ; que de deux choses l’une : ou que l’on ferait la paix, si l’on se contentait d’avoir assuré l’indépendance des puissances européennes ; ou que, si l’on continuait la guerre, on marcherait vers Paris ; que dans ce dernier cas il lui paraissait contre sa conscience d’assister à l’invasion d’un pays qu’il servait encore peu de mois auparavant. » Jomini estimait, à la fin de 1813, que l’invasion de la France serait pour les Alliés une beaucoup plus grosse affaire qu’elle ne le fut réellement : « J’avoue, écrivait-il en 1815, qu’aussitôt qu’il a été question d’attaquer le territoire français mon jugement politique et militaire n’a pas été exempt de prévention, et que j’ai cru qu’il existait un peu plus d’esprit national en France… Est-il besoin, ajoutait-il pour ceux qui lui en faisaient un reproche, de se justifier d’un sentiment de respect pour un Empire que l’on a bien servi et auquel on a vu faire de si grandes choses ? 

3182. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Chateaubriand, Vie de Rancé « Mon premier ouvrage a été fait à Londres en 1797, mon dernier à Paris en 1844 : entre ces deux dates, il n’y a pas moins de quarante-sept ans ; trois fois l’espace que Tacite appelle une longue partie de la vie humaine : Quindecim annos, grande mortalis ævi spatium. » Cette pensée s’élève inévitablement dans l’esprit du lecteur qui ouvre le volume, quand l’auteur ne l’aurait pas fait remarquer. […] Un esprit merveilleux, brillant, en train de toute science et de toute diversion, cherchant jusqu’au miel des poëtes ; une parole éloquente et suave, un cœur généreux et magnifique, une âme ardente, impatiente, immodérée, épuisant la fatigue sans jamais trouver le repos, que rien ne pouvait combler, ressaisie d’une mélancolie infinie au sein des succès et des plaisirs ; que revenait obséder par accès l’idée de la mort, l’image de l’éternité, et qui, à un certain moment, rejetant ce qui n’était plus qu’incomplet pour elle, l’immolant au pied de la Croix, entra, comme dit son biographe, dans la haine passionnée de la vie. […] Au vrai, la conversion qui nous occupe ne saurait être attribuée à aucune  personne humaine, pas plus à M. d’Aleth qu’à M. de Comminges, pas même à l’esprit de ces exemples réitérés qu’offrait Port-Royal depuis plus de vingt ans. […] Rendons aussi cette justice à notre âge : on est assez disposé à y accepter, tel qu’il s’offre, cet abbé sublime, ce moine digne de Syrie ou du premier Clairvaux, ardent, impétueux, impatient, d’action et de fait plus que de discussion et de doctrine, bien que de grand esprit à la fois ; vrai moine de race, comme dirait de Maistre, indompté de tout autre que de Dieu.

3183. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il s’inspira de l’Arioste et surtout de Voltaire, dont la langue et l’esprit lui étaient plus familiers. […] Si d’abord il se donne pour un esprit fort, adieu la terreur. […] Quelques années auparavant, un homme de beaucoup d’esprit, Beckford, avait commis la même erreur. […] Lucien, qui était philosophe de profession, homme d’esprit, Grec, et par conséquent beau diseur, perdit la tête parce qu’un pédant s’était avisé de lui reprocher un mot comme n’étant pas d’une bonne grécité.

3184. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il faut, ou spiritualiser la chair, ou matérialiser l’esprit. […] » Nous sommes arrivés à un point de civilisation où l’élite sélectionnée, l’aristocratie des esprits, même purgée de tout souci dévot, rougit des sollicitations de la chair et s’irrite de l’impôt du sang comme d’une déshonorante servitude. […] Il n’est plus simple prétexte à jeux d’esprit, quand les amants n’avaient à craindre d’autres rigueurs que celles de leur Dame. […] Écris avec ton sang et tu apprendras que le sang est esprit. » Il ajoute : « Le génie créateur est l’homme tragique, le poète hermétique qui délivre au monde le livre vivant, le message qui lui a été confié à sa naissance et qui a été imprimé dans tout son être. » Les chefs de file du mouvement symboliste, Baudelaire, Verlaine, Laforgue, Samain, comme d’ailleurs tous les poètes dignes de ce nom, n’ont jamais fait autre chose.

3185. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Du reste, il est juste d’ajouter que, parmi les princesses et les bourgeoises d’alors, on rencontre à côté des viragos de vraies héroïnes ; que les Ninon de Lenclos et les Marion Delorme ont pour pendant les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ; qu’en matière de diplomatie, de courage, de dévouement, d’esprit, il ne manque pas en ce temps-là, comme dit quelque part, Fontenelle, « de femmes qui valent des hommes ». […] Il n’a point jusqu’ici tyrannisé les âmes ; Mais l’empire inhumain qu’exercent vos beautés Force jusqu’aux esprits et jusqu’aux volontés. […] Pascal n’a qu’à regarder autour de lui pour que lui vienne à l’esprit cette remarque : « Le nez de Cléopâtre un peu plus court et la face du monde était changée. » Ainsi la littérature a subi la répercussion d’un mouvement qu’elle avait en partie suscité. […] C’est qu’il a assisté au bouleversement des fortunes par l’aventure de Law ; il a passé par la rue Quincampoix  ; il a vu des camarades monter dans les carrosses au lieu de monter derrière ; il se sent assez alerte d’esprit et assez léger de scrupules pour devenir, lui aussi, financier.

3186. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

La prière même garde une réserve sceptique, vis-à-vis du Dieu qu’elle invoque : « Que l’Esprit —s’il en est un — qui préside aux champs, consume tout ce qui peut leur nuire !  […] La scène où il se laisse griser par Fabrice est une franche lippée d’esprit et de verve. […] L’esprit de la monarchie qui réside sous ces voûtes solennelles l’exalte et la pénètre. […] Le poète de la Ciguë excelle à traduire les émotions douces, les sentiments voilés, les gaietés attendries et légères ; il sait sourire dans les larmes et faire jaillir du cœur les étincelles de l’esprit.

3187. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

L’esprit y est, par instants, très vif et très net, quelquefois aussi entaché de blague et sentant l’argot des petits théâtres. […] Madame Caverlet Toute justice rendue au talent qui éclate dans quelques belles scènes de Madame Caverlet, à l’esprit un peu gros de quelques parties du dialogue, il m’est impossible de classer au rang des bons ouvrages de l’auteur cette pièce morose et inanimée. […] L’épouse séparée s’est réfugiée à Avranches, chez une vieille tante, millionnaire et pauvre d’esprit. […] C’est l’esprit qui règne dans ce premier acte.

3188. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

C’est une conversation très agréablement sinueuse et qu’il serait difficile de résumer… Je vais vous signaler des vers charmants comme celui-ci : Ce qu’on n’a point au cœur l’a-t-on dans son esprit ? […] cet éveil, ce coup de cloche qu’il donne ici pour la première fois, il le donnera souvent : « Mettez de la sensibilité dans votre esprit. Vous avez, depuis Malherbe jusqu’à moi, un peu trop exclusivement de l’esprit, du brillant, de l’imagination curieuse, et quelquefois tout à fait brillante ; de la sensibilité, ce n’est pas, en général  et il a parfaitement raison — ce n’est pas, en général, ce que vous mettez dans vos ouvrages. […] Elle peut être racontée, cette histoire, comme un conte psychologique, comme un conte philosophique qui serait un conte psychologique ; ce serait alors une analyse, non pas didactique, bien entendu, mais une analyse présentée sous forme de récit, de la curiosité humaine qui ne se satisfait jamais de ce qu’elle a, de ce qu’elle possède et qui veut toujours chercher, au-delà des apparences, le dessous, au-delà du masque le visage, au-delà de tout ce qui est mystérieux l’essence du mystère, ne se contentant point de ce monde des apparences que l’esprit supérieur a voulu qui fût le nôtre.

3189. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Plus tard, quand Boileau, par esprit général de dévouement à l’antiquité, mais avec plus de foi que d’amour, voulut venger Pindare des plaisanteries et des contre-sens de Perrault, il fit cette bonne œuvre d’une manière un peu timide, un peu faible. […] Elle est dans le mouvement inné des deux âmes et dans certaines dispositions d’esprit qui leur sont communes, en dépit de la prodigieuse différence des temps et de tous les renouvellements du monde. […] Par là, sa pensée si hardiment poétique se rapproche encore davantage de la gravité calme et de l’esprit paisible et réglé du prêtre chrétien. […] Cet esprit dorien va même dans Pindare jusqu’à consacrer par ses éloges des princes, que la liberté grecque nommait des tyrans.

3190. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il n’y dit jamais de mal de lui, mais dans le bien qu’il en raconte, dans ses récits les plus avantageux, il y a tant d’esprit, de gaieté, de bons mots joints à l’action, de belle et vaillante humeur française, il est si bien un héros de notre nation, que ses défauts cessent d’y déplaire. […] » La mère de Villars était une personne de beaucoup d’esprit, de raillerie et de finesse. […] On voit que si le maréchal de Villars eut de l’esprit, il avait de qui tenir.

3191. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Mais s’il n’eut qu’un œil pour voir, on peut dire qu’il s’en servit avec d’autant plus d’activité, toujours curieux et l’esprit à la fenêtre. […] L’abbé de Marolles se vit donc naturellement introduit à l’hôtel de Nevers, et il y fut très favorablement accueilli de l’aînée des filles, la princesse Marie de Gonzague, la future reine de Pologne, « qui se pouvait dès lors appeler la gloire des princesses de son âge par la beauté de sa personne et par les excellentes qualités de son esprit ». La princesse Marie était loin pourtant d’avoir l’esprit de sa sœur cadette Anne de Gonzague, mais elle en avait bien assez pour éblouir Marolles ; elle avait surtout de la grâce, de l’indulgence, et un charme qui opéra sensiblement sur cet excellent et galant homme plus encore peut-être qu’il ne l’a dit et qu’il ne se l’est avoué à lui-même.

3192. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

« Les affaires de la presse et celles de l’esprit ont été tellement conduites dans ces dernières années, que lorsqu’un écrivain dévoué à l’Empire veut insérer désormais quelque part un assez long travail littéraire, il ne trouve d’autre Revue que des Revues d’opposition. […] Sainte-Beuve, personnages en vue et des plus respectables, des esprits d’élite en effet (si c’est là ce qui a pu servir à autoriser la satire et la calomnie de s’être attachées à leur nom dès le lendemain), aimaient à se retrouver quelquefois chez lui à dîner : c’était comme un terre-à-terre à une extrémité de Paris, quasiment à la barrière, où le milieu d’un quartier populaire et sain influe, malgré soi, jusque dans les habitations bourgeoises ; on s’y sentait bien réellement éloigné de toute contrainte gênante et de toute étiquette cérémonieuse. […] Orléaniste était encore, à l’heure dont je parle, un de ces termes vagues à l’usage des esprits politiques qui ne trouvent pas mieux dans le moment.

3193. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Des préjugés vieillis les autels sont usés ; Il faut un nouveau culte à cette ardeur nouvelle Dont les esprits sont embrasés. […] Mais, en se tournant de bonne heure vers le théâtre, l’auteur des Vêpres siciliennes et des Comédiens s’est fait une route qui est bientôt devenue pour lui la principale, une carrière où, invité plutôt qu’entraîné par beaucoup des qualités et des habitudes littéraires de son esprit, il a su constamment les combiner, les diriger à bien sans jamais faire un faux pas ; où il a suivi d’assez près, bien qu’à distance convenable, les exigences variées du public, et n’a cessé de lui plaire, sans jamais forcer la mesure de la concession. […] Un homme d’esprit, dont on citait dernièrement de rares pensées, a dit : « Ce ne serait peut-être pas un conseil peu important à donner aux écrivains que celui-ci : N’écrivez jamais rien qui ne vous fasse un grand plaisir. » Au théâtre, et pour des sujets de comédie, le précepte peut surtout sembler de circonstance.

3194. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Là-dessus, les physiologistes oublient volontiers la seconde vérité et disent : « Les événements mentaux sont une fonction des centres nerveux, comme la, contraction musculaire est une fonction des muscles, comme la sécrétion de la bile est une fonction du foie. » — De leur côté, les philosophes oublient volontiers la première vérité et disent : « Les événements moraux n’ont rien de commun avec les mouvements moléculaires des centres nerveux et appartiennent à un être de nature différente. » Sur quoi les observateurs prudents interviennent et concluent : « Il est vrai que les événements mentaux et les mouvements moléculaires des centres nerveux sont inséparablement liés entre, eux ; il est vrai que pour notre esprit et dans notre conception ils sont absolument irréductibles entre eux. […] Tel est le livre que les philosophes tâchent d’entendre ; devant le barbouillage final de la première écriture, et devant les lacunes énormes de la seconde, ils s’arrêtent embarrassés, et chacun d’eux décide, non d’après les faits constatés, mais d’après les habitudes de son esprit et les besoins de son cœur. — Les savants proprement dits, les physiciens, les physiologistes, qui ont commencé le livre par le commencement, disent qu’il n’y a là qu’une langue, celle de l’écriture interlinéaire, et que l’autre se ramène à celle-ci ; supposition énorme, puisque les deux langues sont tout à fait différentes. — Les moralistes, les psychologues, les esprits religieux qui ont commencé le livre par la fin et sont pourtant forcés d’avouer que le gros de l’ouvrage est écrit dans un autre idiome, trouvent un mystère inexplicable dans cet assemblage de deux langues, et disent communément qu’il y a là deux livres juxtaposés et bout à bout.

3195. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

C’étaient, en général, des esprits distingués et religieux qui se destinaient à la prêtrise. […] « Et moi aussi, lui répliquai-je ; mais je ne crois pas que violer la Charte soit un moyen de la maintenir, et je persiste à croire que le vote de l’adresse par les 221 est un défi à la royauté, et qu’il valait mieux attendre, pour défier, une occasion constitutionnelle qui avertît le roi sans prendre l’initiative d’attenter à l’esprit de la Constitution. » M.  […] On peut juger combien les doctrines d’un tel homme d’esprit devaient sourire à un très-jeune homme, qui en avait fait son oracle et qui portait dans ses votes populaires l’ardeur de son âge et l’illusion de sa passion du bien public.

3196. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

On redescend vers Saint-Gelais, en mouillant l’esprit de molle mélancolie ou de tiède volupté. […] Par ses sujets, ses idées, son inspiration, il indique une déviation aristocratique de la Pléiade qui, sous l’influence italienne, et se vidant de plus en plus de sentiment pour faire prédominer l’esprit, aboutira à la délicatesse tout intellectuelle des Précieux. Cependant une reine d’esprit naturel, dérivée de Marot, mais qui s’est teinte de fine émotion en traversant le domaine de Ronsard, circule encore dans la poésie : Passerat mêle la malice gauloise à la grâce sentimentale, et revêt le simple naturel des formes achevées de la poésie érudite ; dans son très petit domaine, il montre ce que peut le bon sens bourgeois appuyé sur la culture antique203.

3197. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Un bon Arlequin est naturæ laborantis opus ; elle fait sur lui un épanchement de tous ses trésors ; à peine a-t-elle assez d’esprit pour animer son ouvrage. Mais pour des comédiens français, la nature les fait en dormant : elle les forme de la même pâte que les perroquets, qui ne disent que ce qu’on leur apprend par cœur : au lieu qu’un Italien tire tout de son propre fonds, n’emprunte l’esprit de personne pour parler ; semblables à ces rossignols éloquents, qui varient leurs ramages suivant leurs différents caprices. […] L’esprit gaulois a remplacé la fantaisie italienne.

3198. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Avec cela un esprit léger, gracieux, enjoué, la raillerie française, une âme vive et capable de passion, ouverte au désir, un cœur qui ne savait pas reculer quand l’animait la fantaisie ou la flamme, on entrevoit l’enchantement : telle était la reine aventureuse et poétique qui s’arrachait à la France en pleurant, et que des oncles politiques envoyaient pour ressaisir l’autorité au milieu de la plus rude et de la plus sauvage des Frondes. […] Elle le force à les désavouer, et achève ainsi de l’avilir et de l’abîmer dans son propre esprit. […] Cette fièvre calmée, Marie Stuart tourna son esprit vers les ressources qui s’offraient, et parmi lesquelles était la promesse de sa main.

3199. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Mme Roland, cette femme d’esprit, et qui n’était pas si déclamatoire que quelques personnes l’ont pensé, a fort bien raillé ces scènes sentimentales où les acteurs trop sincères oubliaient qu’il y avait des témoins désintéressés et froids. […] Ducis, dans ses dernières années, a fait beaucoup de poésies diverses où il exprime ses prédilections, ses goûts ; il chante le ménage des deux Corneille, il célèbre et paraphrase La Fontaine en des vers qui se sentent de la lecture habituelle et de l’esprit du grand fabuliste. […] Campenon, m’est toujours restée dans l’esprit à l’état d’image charmante ; et, comme un peu de malice n’est pas défendu, ce qui ajoute, pour moi, à la grâce de cette petite scène, c’est de voir M. 

3200. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Rien, en effet, ne rend les hommes plus sociables, n’adoucit plus leurs mœurs, ne perfectionne plus leur raison, que de les rassembler pour leur faire goûter ensemble les plaisirs purs de l’esprit. […] L’art de tenir les esprits en suspens, n’est pas moindre que celui de préparer. […] Cette méthode produit nécessairement deux effets ; elle facilite l’attention du spectateur, parce que les choses, plus liées entre elles, se lient aussi plus facilement dans son esprit ; et elle augmente d’ailleurs son émotion, parce qu’il est frappé plus continûment par le même endroit.

3201. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

— n’a rien de voulu : il est suggéré par les termes mêmes de la question posée ; et il est si naturel à notre esprit que nous le commettrons inévitablement ; si nous ne nous imposons pas de formuler la thèse du parallélisme, tour à tour, dans les deux systèmes de notation dont la philosophie dispose. […] Mais l’idée que le monde entier, y compris les êtres vivants, relève de la mathématique pure, n’est qu’une vue a priori de l’esprit, qui remonte aux cartésiens. […] Précisément parce que les conséquences où elle conduit et les postulats qu’elle recèle couvrent, pour ainsi dire, tout le domaine de la philosophie, il nous a paru que cet examen critique s’imposait, et qu’il pouvait servir de point de départ à une théorie de l’esprit, considéré dans ses rapports avec le déterminisme de la nature.

3202. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Du Jourdain aux bords de l’Oronte et de l’Euphrate, des fleuves de Babylone aux rives de l’Alphée, du Nil au Tibre, des plaines brûlantes de la Cyrénaïque à Tagaste ou à Carthage, nous avons recueilli les veines éparses de l’esprit poétique, sans le chercher ailleurs. […] Puis, à part ce souffle méridional, nous savons combien, par l’esprit de secte et de méditation, par la controverse et la lecture de la Bible, l’Orient a possédé l’imagination anglaise, mais tout cela, sous une première loi de formation du langage et des mœurs, très marquée dans le type anglais. […] Elle offre, dans son éclat d’expression, quelques allusions obscures, quelques souvenirs que l’esprit ne saisit pas assez vite ; mais la terreur du ton prophétique n’en est pas affaiblie.

3203. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

L’amitié resta entière entre nous jusqu’à la publication de mon roman de Volupté, qui, je ne sais pourquoi, déplut fort a Béranger par son esprit, et même lui porta ombrage en quelques endroits. […] Béranger, qui était homme d’un bon esprit, eut celui de comprendre qu’ayant tout fait pour exalter et populariser l’Empire, il eût été ridicule à lui d’attaquer l’Empire revenu.

3204. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Latouche, qui a donné sa mesure comme homme d’esprit, mais qui ne l’a pas donnée pour d’autres facultés bien supérieures qu’il a et qui lui pèsent, a lu Oberman avec anxiété, en fils de la même famille, et il en a visité l’auteur dans ce modeste jardin de la Cérisaye, sous ce beau lilas dont le sage est surtout fier. […] Cousin, alors dans sa nouveauté, occupait ces jeunes esprits ; les grands problèmes de la destinée humaine étaient leur passion ; Ossian, Byron, le songe de Jean-Paul, les partageaient tumultueusement.

3205. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

La duchesse du Maine avait parmi ses femmes cette spirituelle Delaunay qui a écrit : « Les grands, à force de s’étendre, deviennent si minces, qu’on voit le jour au travers ; c’est une belle étude de les contempler, je ne sais rien qui ramène plus à la philosophie. » Et encore : « Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique : on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes. » C’est en effet dans cet esprit qu’il faut étudier les grands, surtout depuis qu’on a appris à connaître les petits : ce n’est pas tant comme grands que comme hommes qu’il convient de les connaître.

3206. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Ses doctrines, répandues par la presse, professées dans les clubs et les sections, reprenaient crédit auprès des esprits modérés et de la masse qui voulait enfin du repos. […] S’abandonnant à la facilité de son esprit et à l’entraînement des choses, il jette, en courant, de grands tableaux, de belles couleurs, d’admirables traits ; mais il ne compose pas, et, dans ses pages les plus pleines de vie, on sent toujours je ne sais quoi d’épars et d’inachevé : on dirait par moment l’insouciance de M. de Lamartine.

3207. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Par cela même qu’il en a saisi l’esprit, la marche et les ressorts, et qu’il s’est mis, pour le juger, au vrai point de vue des conjonctures, M.  […] En attendant les effets du temps, il n’y a qu’un grand despotisme pour dompter les esprits irrités.

3208. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Il admet dans l’homme un sens du juste qui nous a été donné pour nous diriger ; il regrette que le profond auteur du Commentaire sur l’Esprit des lois, ait emprunté sa base morale à Hobbes. […] Jefferson, au reste, doué d’un esprit exact et sagace, avait pénétré assez avant, sur la fin de la vie, dans les matières métaphysiques ; on voit dans une lettre à John Adams qu’à l’exemple de Locke, Stewart, Bonnet, il inclinait à être déiste matérialiste, c’est-à-dire à considérer la pensée comme liée nécessairement à quelque atome de matière subtile : ce qui ne l’empêchait nullement de croire à l’immortalité.

3209. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Les suicides de Pichegru et du capitaine Wright, que la crédulité et l’esprit de parti ont voulu transformer en assassinats politiques, obtiennent de M.  […] Son esprit positif et sévère répugne à la tournure romanesque, à la fragilité chimérique de ces projets.

3210. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Augier, esprit solide et bourgeois, fait le vers en bon élève de Ponsard, qui serait nourri de Molière ; son style poétique a quelque chose de lourd, de pénible, rien du poète. […] Une construction très solide, qui fait ressortir la thèse, qui dresse les situations comme des arguments et nécessite le dénouement par une pressante logique, un dialogue éclatant d’esprit, trop ingénieux parfois et trop pétillant, mais d’une singulière précision dramatique, d’incroyables tours d’adresse pour éviter les difficultés en paraissant les aborder de front, autant de romanesque qu’il en faut pour amorcer ou désarmer le public, des brutalités voulues et mesurées, et, par un contraste piquant, les plus rigides conclusions préparées par les plus scabreuses situations ; au milieu de tout cela, des coins de scènes qui donnent la sensation immédiate de la vie, des parties de caractères, qui éclairent fortement certaines profondeurs de l’âme contemporaine : voilà l’impression mêlée et puissante que donnent les comédies de M. 

3211. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Mais il faut se rappeler que les disciples, dont l’esprit étroit ne se prêtait pas à cette haute indifférence pour la qualité de fils d’Abraham, ont bien pu faire fléchir dans le sens de leurs propres idées les instructions de leur maître. […] Gagnée par l’entretien de Jésus, la femme reconnut en lui un prophète, et, s’attendant à des reproches sur son culte, elle prit les devants : « Seigneur, dit-elle, nos pères ont adoré sur cette montagne, tandis que vous autres, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer  Femme, crois-moi, lui répondit Jésus, l’heure est venue où l’on n’adorera plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem, mais où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité 674. » Le jour où il prononça cette parole, il fut vraiment fils de Dieu.

3212. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

On sait que M. le président de Harlay s’était chargé de cet enfant, qu’on fit rencontrer le père et le fils quand ce dernier eut vingt-cinq ans, que La Fontaine lui trouva de l’esprit, et apprenant que c’était son fils, avait dit naïvement : ah ! […] Il me semble que ce fait devait réveiller, dans l’esprit de l’auteur, des idées d’une toute autre importance.

3213. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Je répons, quant au premier point, qu’il fut toûjours permis de s’aider de l’esprit des autres, pourvû qu’on ne le fasse point en plagiaire. […] Faites parler de guerre cet officier décrépit, il s’échauffe comme par inspiration ; on diroit qu’il se soit assis sur le trépied : il s’énonce comme un homme de quarante ans, et il trouve les choses et les expressions avec la facilité que donne, pour penser et pour parler, un sang petillant d’esprits.

3214. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Platon après avoir dit que les poëtes qui vouloient composer des tragedies et des comedies n’y réussissoient pas également, ajoute : que le genre tragique et le genre comique demandent chacun un tour d’esprit particulier, et il allegue même : que les acteurs qui déclament les tragedies ne sont pas les mêmes que ceux qui recitent les comedies. on voit par plusieurs autres passages des écrivains de l’antiquité, que la profession de joüer des tragedies et celle de joüer des comedies, étoient deux professions distinctes, et qu’il étoit rare que le même homme se mêlât de toutes les deux. […] Ce port de voix extraordinaire dans la déclamation, étoit excellent pour marquer le désordre d’esprit où Monime doit être dans l’instant qu’elle apperçoit que sa facilité à croire Mithridate, qui ne cherchoit qu’à tirer son secret, vient de jetter, elle et son amant dans un péril extrême.

3215. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

… Et la rose du soir sur tant de folles têtes… ce n’est pas, enfin, Un cœur blessé, quand il fut tendre Un fou tué sous son esprit, qui peut jamais être cette grotesque gargouille de Scarron, qui vomissait l’esprit comme les gargouilles des toits vomissent l’eau sale !

3216. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Gautier est un esprit hardi, absolu, qui ne se donne pas à moitié. […] Gautier devrait s’appeler plutôt : Perles fondues, car presque toutes ces perles de poésies, que l’esprit boit avec des voluptés de Cléopâtre, se fondent en larmes aux dernières strophes de chacune d’elles, et c’est là un charme, — un charme encore meilleur que leur beauté !

3217. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Jules de Gères qui, s’il le voulait, trouverait bien en lui assez de talent pour n’imiter personne, n’a point naturellement l’électricité négative du laurier qui repousse la foudre et qu’ont les génies d’exception, ces esprits vierges qui tirent d’eux seuls leur fécondité et peuvent vivre impunément, n’importe où. […] L’approche des destins futurs, L’aurore funèbre et dernière, Avant l’heure où nos jours sont mûrs, De sa vigilante lumière Attise nos esprits obscurs.

3218. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Ils conviennent à l’esprit de franchise, qui caractérise les républiques populaires, ennemies des mystères dont l’aristocratie aime à s’envelopper ; elles conviennent encore plus à l’esprit généreux des monarchies : les monarques dans ces jugements se font gloire d’être supérieurs aux lois et de ne dépendre que de leur conscience et de Dieu. — Des jugements humains, tels que les modernes les pratiquent pendant la paix, sont sortis les trois systèmes du droit de la guerre que nous devons à Grotius, à Selden, et à Pufendorf.

3219. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nicolas, Georges (typographe) »

Georges Nicolas est un travailleur, qui se fait gloire d’être plébéien, mais qui a une bien délicate aristocratie de cœur et d’esprit.

3220. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 536

Il s’en faut de beaucoup que ses Mémoires vaillent ceux de son Maître, qui, par son esprit, conserve la même supériorité qu’il avoit sur lui par son rang.

3221. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 277

Ses Poésies offrent de l'esprit & de la facilité, & sa Traduction des Satires de Perse avec des Remarques, lui donne le droit de figurer parmi les Traducteurs qui ont su réunir le mérite de l'élégance & celui de la fidélité à rendre le sens de l'original.

3222. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Arnoult, [Jean-Baptiste] Abbé, mort à Besançon en 1753, Auteur de huit Traités sur l’Education de la Jeunesse, assez mal écrits, mais pleins de réflexions utiles pour la culture de l’esprit & du cœur.

3223. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Drouais, fils »

Est-ce maladie d’esprit ou des yeux ?

3224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 137

C’est dans ce petit nombre qu’il faut placer la Connoissance de la Mythologie ou de la Fable, le petit Dictionnaire Théologique, & l’esprit des Journalistes de Trévoux.

3225. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article »

On ne peut lui refuser de l’esprit & du talent pour écrire ; mais dans ses Ouvrages, qui ne sont que des Romans, elle a plus consulté l’imagination que la nature.

3226. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

Il est connu par plusieurs bagatelles littéraires en prose & en vers, écrites d’un style aussi pétillant d’esprit que de gaieté.

3227. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

On doit toujours de l’indulgence aux Auteurs qui, à son exemple, cultivent les Muses pour elles-mêmes, qui ont des mœurs douces & honnêtes, fruit d’un esprit sans orgueil & sans prétention.

3228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 477

Chapelle, [Jean de la] Receveur général des Finances, de l’Académie Françoise, mort à Paris en 1723, n’étoit point parent du précédent, & ne lui ressembloit en rien du côté de l’esprit.

3229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Les siens contiennent des vûes d’un bon Observateur, dirigées par un esprit sage, qui n’écoute point son imagination.

3230. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article »

Boileau a trouvé cependant quelques-uns de ses Sonnets passables ; qu’on y joigne trois ou quatre Epigrammes pleines de naturel & de vivacité, & l’on aura, en moins de trois pages, tout l’esprit de Gombaud.

3231. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Germain-Lacour, Alphonse-Marie-Joseph (1860-19..) »

Rarement l’esprit va jusqu’à la gaîté, la mélancolie jusqu’à la tristesse.

3232. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 121

Sa Piece intitulée les trois Spectacles, annonce vraiment un esprit propre à occuper la Scene & à y recueillir des applaudissemens justement mérités.

3233. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Le galant Benserade étoit un des principaux admirateurs de sa beauté & de son esprit.

3234. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 297

Ses autres Ouvrages annoncent, comme celui-là, un homme d’esprit, un Ecrivain facile, mais caustique.

3235. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article »

On chercheroit en vain, dans ses Sermons, cette éloquence vive & pénétrante qui captive l’esprit & subjugue le cœur ; mais ces heureuses qualités, qui ne sont pas données à tous les Orateurs, sont remplacées par une simplicité noble, un ton de douceur & d’onction, qui met ses Discours bien au dessus des fades déclamations & de la composition apprêtée de la plupart de nos Prédicateurs modernes.

3236. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

C’est l’histoire d’un de ces esprits aériens, de ces génies bons ou mauvais à l’interminable nez pointu, aux ailes de chauve-souris, si souvent représentés dans les albums japonais. […] Kasané est une femme laide et mauvaise, tuée par son mari et dont l’esprit hante la seconde femme de l’assassin : tel est le sujet du roman. […] Et l’esprit vengeur de la femme assassinée pénètre sous la forme d’un serpent dans la chambre nuptiale où se trouve Itoyé avec sa nouvelle et charmante femme Ohana. […] Le juge qui a prononcé sa condamnation, on le voit se réveiller d’un cauchemar où il a été visité par l’esprit de la morte dans une peau de tigre. […] Hanshiti, auquel est apparu l’esprit du camphrier, un jour qu’il dormait sous son ombre amie, n’éprouve plus que des malheurs depuis l’abatage de l’arbre.

3237. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Enfin, comme il aurait pu se rencontrer néanmoins de par le monde des esprits assez disposés à m’adresser les accusations que M.  […] Mais au sentiment religieux qui le soutient et le guide dans sa pénible carrière le paysan russe joint un tour d’esprit gracieux et poétique ; les pages charmantes intitulées la Prairie semblent avoir pour objet principal de mettre en évidence cette disposition naturelle. […] Cela ne doit point nous surprendre ; il faut au contraire s’étonner que l’oppression et la misère n’aient point communiqué au paysan russe une plus grande sauvagerie ; il le doit sans doute aux croyances que le christianisme a développées dans son esprit inculte. […] — As-tu perdu l’esprit, — dit le forestier ; — je crois plutôt que tu es ivre. […] Tu n’étais nullement remarquable, il est vrai, par les qualités de l’esprit, et tu passais même à l’université pour un sujet des plus médiocres ; pendant les leçons, tu te laissais aller ordinairement aux douceurs du sommeil, et c’est surtout par un majestueux silence que tu brillais aux examens.

3238. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Avec cela, Kobus, j’ose te prédire que tu deviendras vieux comme Mathusalem ; ceux qui te suivront diront : « C’était un homme d’esprit, un homme de sens, un joyeux compère !  […] Dans trois ou quatre ans, elle connaîtra la cuisine comme ta vieille Katel ; elle conduira son mari par le bout du nez : et si c’est un homme d’esprit, lui-même reconnaîtra que c’était le plus grand bonheur qui pût lui arriver. […] Il aurait voulu dire aussi quelque galanterie à Sûzel, mais rien ne lui venait à l’esprit : il était trop heureux. […] On comprit aussitôt que ce serait quelque chose d’étrange ; la valse des Esprits de l’air, le soir, quand on ne voit plus au loin sur la plaine qu’une ligne d’or, que les feuilles se taisent, que les insectes descendent, et que le chantre de la nuit prélude par trois notes : la première grave, la seconde tendre, et la troisième si pleine d’enthousiasme qu’au loin le silence s’établit pour entendre. […] Jamais, jamais on n’avait vu danser si bien ; l’enthousiasme dura plus de cinq minutes ; et quand il finit par s’apaiser, on entendit avec satisfaction la valse des Esprits de l’air reprendre le dessus, comme le chant du rossignol après un coup de vent dans les bois.

3239. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Denise, Louis (1863-1914) »

Camille de Sainte-Croix Nul de ses vers qui ne soit archiplein ; et, s’ils sont encore peu nombreux, c’est que Louis Denise, rétif aux sollicitations de l’Esprit facile, profondément scrupuleux, n’a jamais voulu rien émettre qui ne soit pas de lui.

3240. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mesureur, Amélie (1854-1926) »

Chacun de ces tableautins est un chef-d’œuvre d’observation, de naturel, d’esprit parisien.

3241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 503

Ses Poëmes, ses Comédies, ses Poésies diverses, ses Observations, ses Mémoires, ses Histoires, ses Testamens politiques, ses Dialogues, ses Lettres, ses Romans, ses Nouvelles, ses Contes, ses Calendriers, Ouvrages presque tous infectés de l’esprit de satire & du poison de la haine, peuvent être comparés à ces nuées d’infectes éphémères, qui piquent un moment & ne vivent qu’un jour.

3242. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 360

Ses Lettres à Madame de Motteville prouvent plus en faveur de son esprit, & sont mieux écrites.

3243. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

Il a joint à ses préceptes quelques exemples de sa façon, &, entre autres, un du Chant royal & de la Ballade, dont il paroît avoir bien saisi l’esprit.

3244. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Le style du Réfugié est clair & rapide ; il présente les faits avec ordre ; il démêle avec pénétration les principes des événemens : mais quand l’esprit de secte domine ses lumieres, ses récits sont rarement d’accord avec la vérité.

3245. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « À M. Vacherot » p. 1

Entendre un philosophe parler littérature est l’un des plus grands plaisirs de l’esprit que je connaisse, et c’est une fête que vous m’avez donnée à Sainte-Barbe, pendant un an, toutes les semaines, à votre conférence du mercredi, lorsque je préparais mes examens de licence.

3246. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montlaur, Joseph-Eugène de Villardi (1815-1895 ; marquis de) »

E. de Montlaur, esprit élégant, cultivé, nourri du suc des poètes et qui, sous ce titre, La Vie et le Rêve (1864), a recueilli des impressions légères ou touchantes, des esquisses de voyage, des lettres en vers, tout un album, image des goûts et des sentiments les plus délicats.

3247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 469

Madame Guibert a joint, dit-on, dans sa premiere jeunesse, les agrémens de la figure à la prétention de l’esprit : elle a dû, sans doute, l’accueil de ses Poésies à l’empire de ses charmes.

3248. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article »

On ne se fait jamais un grand nom par de petites choses ; mais enfin il est des Esprits qui amusent pour le moment, & le suffrage du moment est toute la récompense qu’ils doivent attendre.

3249. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 234

L’esprit de Collége, le ton de la Province, n’ont point nui aux talens qu’il paroît avoir pour écrire.

3250. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 253

] Procureur au Parlement de Paris, sa patrie, mort en 1508 ; mauvais Poëte, qui eut beaucoup de réputation de son temps, & qui la méritoit peut-être, par l’esprit, la gaieté, & la naïveté qu’il mettoit, dit-on, dans la plupart de ses Poésies.

3251. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Il est vrai que les préceptes ne font naître ni le Poëte ni les Orateurs ; mais ils servent à les former & les retenir dans les bornes du vrai goût, que les Esprits même les plus médiocres se croient trop souvent en droit de franchir.

3252. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 4

Ce qui prouve qu’elle étoit née avec de vrais talens, c’est que, malgré la barbarie de son Siecle, on remarque dans ses Poésies, des traits d’esprit & de délicatesse qui font le plus grand plaisir.

3253. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 22

La vigueur de l’esprit, les graces du pinceau, se font sentir dans ces deux Productions, quoique d’un genre différent.

3254. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article »

On a de lui plusieurs petits Ouvrages, qui ne peuvent être sortis que de la plume d’un Homme d’esprit & de goût.

3255. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Hallé »

Ici des nymphes enivrent un satyre d’une belle brique, bien dure, bien jaunâtre et bien cuite ; et puis à côté de cette figure qui sort du four d’un potier, nul esprit, nulle finesse, point de mouvement, point d’idée ; mais le coloris de Boucher.

3256. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Asselineau, avec lui, a été l’un des ouvriers les plus actifs de cette tour immense à tant d’étages qui n’est pas une Babel : esprit net et vif, plume dégagée, il a su apporter dans l’exercice de son rôle critique une conscience, un soin qui est déjà une bienveillance et qui est fait pour toucher le cœur des vieux poëtes : demandez plutôt à notre vieil ami, Ulric Guttinguer. […] Soulary possède à merveille la langue poétique de la Renaissance, et, grâce à l’emploi d’un vocabulaire très-large, mais toujours choisi, il a trouvé moyen de dire, en cette gêne du sonnet, tout ce qu’il sent, ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, tout ce qui lui passe par le cœur, l’esprit ou l’humeur, son impression de chaque jour, de chaque instant.

3257. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Ses premiers mécomptes, la manière naturelle et facile dont Raymon les répare, dont il la fascine et l’enchante ; l’éclair sinistre qu’un mot de sir Ralph sur l’aventure de Noun jette dans l’esprit d’Indiana, le coup qu’elle en reçoit et qu’elle rend à Raymon ; sa croyance en lui, malgré la découverte, sa résolution de fuir avec lui, de se réfugier chez lui, plutôt que de suivre son mari au départ ; cet abandon immense, généreux, inébranlable, sans souci de l’opinion, sans remords, et mêlé pourtant d’un superstitieux refus ; toute cette analyse vivante est d’une vérité, d’une observation profonde et irrécusable, qu’on ne saurait assez louer. […] Dans le monde, le visage de ces hommes se compose et sourit invariablement par habitude, par artifice : dans la solitude, dans les moments de réflexion, en robe de chambre et en pantoufles, surprenez-les, ils sont sourcilleux, sombres ; ils se font, à la longue, un visage dur, mécontent et mauvais. — J’aurais autant aimé, de plus, qu’en accordant à Raymon de Ramière de grands talents et un rôle politique remarquable, on insistât moins sur son génie et sur l’influence de ses brochures : car, en vérité, comme les hommes de génie ou de talent qui écrivent des brochures en France, qui en écrivaient vers le temps du ministère Martignac ou peu auparavant, dans le cercle sacré de la monarchie selon la Charte, ne sont pas innombrables, je n’en puis voir qu’un seul à qui cette partie du signalement de Raymon convienne à merveille ; le nom de l’honorable écrivain connu vient donc inévitablement à l’esprit, et cette confrontation passagère, qui lui fait injure, ne fait pas moins tort à Raymon : il ne faut jamais supposer aux simples personnages de roman une part d’existence trop publique qui prête flanc à la notoriété et qu’il soit aisé de contrôler au grand jour et de démentir.

3258. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

On oublie ce que c’est à un haut degré que le talent, cette fertilité d’un esprit multiple qui ne dépend pas des formes, qui sait s’y faire place bientôt, et, après un court apprentissage du métier, être partout lui-même, à l’aise et souverain. […] Je le dis bien haut, parce que ç’a toujours été ma pensée : dans cette Lélia même, si attaquée en naissant, il n’y a rien qui n’émane d’un esprit plutôt sévère, d’une imagination sérieuse, trop sérieuse même, puisqu’elle ne prévoit pas toujours les chances de l’ironie et de la malignité.

3259. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

On fait qu’Empedocle fut généralement estimé dans la Grece, pour avoir mis en Vers les principes de la Physique, & que son Poëme fut appelé Divin ; cependant les esprits qui composoient les différentes classes des Grecs de son temps, n’étoient certainement pas de grands Physiciens. […] Virgile même ne devoit pas être universellement à la portée des Esprits de son Siecle : ses Géorgiques n’en furent pas moins estimées des Romains.

3260. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

» Et l’historien en question ajoute, textuellement : « Si des ecclésiastiques ont régi tant d’États militaires, c’est qu’ils étaient plus expérimentés, plus véritablement propres aux affaires, que des généraux et des courtisans. » Raison qui rappelle le mot des médecins de Molière : L’opium fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive , et qui fait sourire venant d’un homme d’autant d’esprit que Voltaire ; car c’est Voltaire qui est cet historien ! […] Comme Richelieu, du reste, s’il n’était pas un grand seigneur de fait, d’esprit et d’attitude, il était cependant un homme de naissance.

3261. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Esprit absolu, qui n’avait pas écrit pour rien sa grande Histoire des Jésuites, et qui devait appliquer à son parti le noble mot de Laurent Ricci : Sint ut sunt, aut non sint ! […] Et c’est tout cela, probablement, qui fait venir à l’esprit, à propos de ce livre véhément, il est vrai, mais loyal, cette idée de pamphlet contre laquelle nous l’avons d’abord défendu.

3262. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Elles dorment aussi les tribus des oiseaux qui déployaient leurs ailes58. » Ne suffit-il pas de ce fragment de quelques vers, comme d’un débris d’inscription mutilée, pour donner à l’esprit curieux qui nous lira l’idée de cette poésie perdue ? […] Cette poésie avait dû prendre bien d’autres caractères, toucher bien d’autres sujets, probablement sous cette forme lyrique ou gnomique, mais toujours concise, qui, ce semble, était le mieux assortie à l’esprit sévère et occupé de Sparte.

3263. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chebroux, Ernest (1840-1910) »

J’ai vu avec un vif plaisir, par l’accueil qui vous a été fait à Lyon, qu’on y apprécie comme il convient un genre de poésie intimement lié à la musique et par cela même très expressif, à la condition de faire bénéficier l’esprit de cette alliance, au lieu de l’abaisser à des farces ridicules et stupides comme celles dont vivent les cafés-concerts.

3264. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Siefert, Louisa (1845-1877) »

Charles Asselineau C’est un poète sincère et nous l’en félicitons, car cette sincérité est la marque d’une âme fière et loyale, de la chaleur du cœur et de l’innocence de l’esprit.

3265. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 144

Ses Romans, ses Dissertations, ses Critiques, ses Traductions, ses Livres mystiques n’ont pas le sens commun, & on disoit très-bien d’un de ses Ouvrages, intitulé les Délices de l’esprit, qu’il falloit mettre à l’Errata : Délices, lisez Délires.

3266. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » p. 249

ESPRIT, [Jacques] de l’Académie Françoise, né à Besiers en 1611, mort en 1668.

3267. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 470

GUICHARD, [Jean-François] né en 1732, Poëte léger, plein d’esprit & de saillies.

3268. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 486

On les tient quittes de montrer leur propre esprit ; on ne leur demande que celui de l’homme dont ils prétendent écrire l’Histoire.

3269. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 321

On a de celui-ci un Recueil de Discours, de Plaidoyers, & de Mémoires, qu'on ne doit pas confondre avec la foule des Productions du Barreau : ces divers Ouvrages sont écrits avec noblesse & facilité ; mais l'Auteur semble y avoir trop prodigué l'esprit.

3270. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 231

Les Voyageurs y trouveront des connoissances sur l’antiquité, propres à éclairer l’esprit, & à le dédommager des fautes de style qui s’y rencontrent assez souvent.

3271. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 501

Elle est écrite avec une force de style peu ordinaire dans les personnes de son sexe, dont l’esprit est naturellement plus sensible & délicat que robuste & vigoureux.

3272. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 460

Il est une certaine classe d’esprits, & c’est le plus grand nombre, incapables de s’attacher à des lectures solides ; il leur faut des Livres qui ne demandent ni application ni étude ; mais le talent de les amuser n’a pas droit de prétendre aux honneurs dus aux talens réels & honorables.

3273. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 488

Des réflexions solides, des comparaisons justes, des applications lumineuses, font ressortir avec intérêt les matieres, & conduisent sans fatigue l’esprit à la conviction.

3274. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 146

On dit qu’il n’avoit d’esprit & de vigueur que pour les Chansons satiriques ou impies.

3275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 423

Vergier, en écrivant sur des sujets semblables à ceux de La fontaine, a conservé beaucoup moins de réserve & de décence ; ce qui doit suffire pour engager les jeunes gens à éviter une lecture où leur esprit gagneroit peu, & où leur cœur perdroit beaucoup.

3276. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — [Introduction] » p. 251

Ce préjugé est trop profondément enraciné dans les esprits, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’examiner particulièrement si Homère a jamais été philosophe.

3277. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 425

Le caractere de son esprit étoit peu propre pour les Pieces de longue haleine ; la plus étendue des siennes n’a pas vingt vers.

3278. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 118

Il a travaillé pour le Théatre François & pour le Théatre Italien, en société avec des Gens d’esprit, & ses Pieces ont fait plaisir dans leur nouveauté.

3279. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 384

Gaumin étoit encore un des Esprits agréables & des beaux Diseurs de son temps.

3280. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 388

Dans le cours de l’Ouvrage, on suit avec plaisir un Traducteur habile, qui, sans être l’esclave de son Original, en offre le véritable sens, embelli par les graces d’un esprit aussi élégant qu’éclairé.

3281. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 429

Pour prononcer sur les Ouvrages d’esprit, il faut être connoisseur & impartial.

3282. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 62

On y remarque, en général, un esprit nourri de la lecture des Livres saints, quelquefois, de l’onction, & presque toujours des règles de conduite utiles & propres à éclairer ceux qui auroient un vrai désir de pratiquer les devoirs de la Religion.

3283. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article »

Avec plus de politesse & de discernement, elle eût pu tirer un parti avantageux de son esprit vif & facile, mais trop peu assujetti à la raison & au goût.

3284. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 304

On doit se défier cependant d'un esprit de partialité, que son Editeur, M. l'Abbé de l'Ecluse, redresse avec sagacité, toutes les fois que l'occasion s'en présente ; tant il est vrai que les Mémoires particuliers sont sujets à induire en erreur, & que ce n'est que de combinaison des différens récits que peut naître la vérité !

3285. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 345

On rencontre néanmoins dans ses Méthodes quelques bonnes observations ; mais il faut les aller chercher dans un amas d'inutilités & d'idées communes, qui lasseroient l'esprit le plus patient.

3286. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

. — Cependant, le 28 juin 1857, Wagner écrit à Liszt qu’il a définitivement abandonné son projet de continuer et de finir le Ring. « J’ai conduit mon jeune Siegfried dans la solitude de la forêt ; je l’ai laissé là sous le tilleul… peut-être ce sommeil lui fera-t-il du bien ; quant à son réveil je ne puis rien prévoir… tout dépend de dispositions d’esprit indépendantes de ma volonté.  […] Représenter des « fragments » d’une œuvre de Wagner dans une salle de concert, avec des paroles traduites, c’est faire preuve de la plus grande inintelligence de l’esprit de cette œuvre. […] C’était en même temps la mort de toute réforme selon l’esprit wagnérien, et un coup terrible porté à la musique française. […] D’ici le jour voulu, ils écoutent, « en ce théâtre que tout homme a dans l’esprit », l’écho du prodigieux cantique que Wagner entonna, de ce vaste chant séculaire, regret des antiques jeunesses, aspiration vers la Patrie chrétienne. […] Chamberlain, surtout ses études sur Tristan : c’est là que l’esprit même de l’œuvre ce Wagner est condensé, qu’on nous le montre artiste, et non point préoccupé de systèmes, — toute théorie amoindrissant l’essor d’un génie si universel en ses conceptions, si ardent en ce qu’il réalisa d’elles.

3287. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Thémistocle, pressant l’énigme, en fit jaillir l’esprit qui ressuscite et qui sauve : — Les murs de bois étaient les vaisseaux, et les Athéniens devaient quitter leurs enceintes pour ces citadelles flottantes qui les feraient vaincre. […] Phémé exprimait mieux encore : le pressentiment soudain, l’impression unanime et irrésistible qui s’empare, au même instant, d’une armée ou d’une multitude ; l’élan qui emporte et le cri qui part sans mot d’ordre ; l’idée qui jaillit, rapide comme la lumière, de milliers d’âmes qui n’en font plus qu’une ; l’acte de foi qui éblouit les esprits d’une foule, comme un éclair d’évidence. […] L’empire moitié phénicien et babylonien de Xerxès représentait déjà tous les vices et toutes les fatalités de l’Orient : l’idolâtrie monarchique, le despotisme absolu, les superstitions délirantes, la haine des mouvements de l’idée et des transformations de l’esprit. […] Sophocle et Euripide, transportés peut-être dans les plaines de Babylone, et si l’esprit poétique avait survécu en eux à la mort de la patrie grecque, auraient suspendu leur lyre aux saules de l’Euphrate, comme les psalmistes de la captivité hébraïque. […] Je ne vois point Socrate errant par les rues d’une bourgade à demi persane, et arrêtant les fellahs grossiers d’un satrape, pour leur poser des questions subtiles. « L’accoucheur des esprits » n’aurait tiré que des avortements de ces cerveaux morts.

3288. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Il m’est impossible de rappeler ici à l’esprit de mon lecteur, qui peut ne pas être un praticien en géologie, tous les faits qui pourraient lui donner une faible idée de la longue durée des âges écoulés, mais il peut consulter sur ce sujet le grand ouvrage de sir Ch. […] Quand on réfléchit à ces phénomènes, n’impressionnent-ils pas l’esprit, comme la pensée même de l’éternité ? […] Quel nombre de générations, impossible à saisir pour l’esprit, se sont donc succédé les unes aux autres pendant que les années se déroulaient ainsi lentement ! […] Il faudrait avoir constamment présente à l’esprit une observation de notre grand paléontologiste, Edward-Forbes : c’est qu’une multitude de nos espèces fossiles sont décrites et nommées, d’après un seul spécimen, souvent brisé, ou d’après un petit nombre, recueillis dans un même lieu. […] Et jusqu’à quel point peut-on s’en rapporter à des descriptions, où l’emploi forcé de termes généraux fait naître dans l’esprit de celui qui écoute ou qui lit une idée non adéquate à la pensée de celui qui décrit, et toujours un peu plus générale ?

3289. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Comme singularité, je remarque qu’en février 1688 on jouait à Versailles Jodelet ou le maître-valet, de Scarron, et la Dauphine y assistait, sans qu’on prît garde aux origines, et que cette pièce était du premier mari de Mme de Maintenon : de telles idées ne venaient pas à l’esprit, ou du moins on les gardait pour soi. […] » Louis XIV remarquait là une chose assez piquante : il eût été digne de son esprit judicieux (s’il eût été plus étendu) de se dire que Schomberg était avant tout un réformé, le soldat européen de sa cause religieuse et politique, et que c’était lui seulement, Louis XIV, qui vers la fin, et quand le vieux soldat s’était cru Français, l’avait trop fait ressouvenir de cette patrie antérieure. […] La guerre s’ouvre avec vigueur ; le fils du roi, Monseigneur, est mis à la tête de l’armée du Rhin : « Le roi et Monseigneur se sont fort attendris en se séparant (25 septembre 1688). » Louis XIV dit à son fils une belle parole : « En vous envoyant commander mon armée, je vous donne des occasions de faire connaître votre mérite ; allez le montrer à toute l’Europe, afin que quand je viendrai à mourir, on ne s’aperçoive pas que le roi soit mort. » Monseigneur se conduit bien et vaillamment ; il a un éclair d’ardeur : cela même lui donne une étincelle d’esprit ; il écrit à son père devant Philisbourg : « Nous sommes fort bien, Vauban et moi, parce que je fais tout ce qu’il veut. » — « Mais Vauban pourtant, ajoute Dangeau qui s’anime et s’aiguillonne à son tour, n’est pas si content de Monseigneur, qui va trop à la tranchée et y demeure trop longtemps. » On prend Philisbourg, on prend Manheim et Frankendal : après quoi Monseigneur revient.

3290. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

S’il ne les avait pas lus lui-même, il s’était fait lire quelque chose de Tite-Live, de Langey, de Guichardin (dont il a oublié le nom, mais qu’il appelle un bon auteur) : « Il me semblait, dit-il quelque part, lorsque je me faisais lire Tite-Live, que je voyais en vie ces braves Scipions, Catons et Césars ; et quand j’étais à Rome, voyant le Capitole, me ressouvenant de ce que j’avais ouï dire (car de moi j’étais un mauvais lecteur), il me semblait que je devais trouver là ces anciens Romains. » Voilà le degré de culture de Montluc ; c’était assez, avec son esprit naturel et son amour de la gloire, pour le mener, sans imitation directe, à être l’émule de ces anciens qu’il connaît peu. […] le maréchal de Brissac, qui l’estimait et l’aimait on ne saurait plus, mais qui craignait de le perdre comme l’un de ses capitaines et auxiliaires essentiels, s’il allait à Sienne, écrivit au roi pour établir dans son esprit (à côté de beaucoup d’éloges) cette fâcheuse réputation de quinteux qu’avait Montluc ; et en même temps il écrivait à celui-ci pour le dissuader d’accepter. […] Transporté dans une place voisine, à Montalsin, et sachant Montluc presque à l’extrémité, il dépêcha à Rome pour faire venir un autre gouverneur, M. de Lansac ; mais celui-ci ne sut point s’y prendre et se laissa tomber aux mains des ennemis en essayant d’arriver à Sienne : « S’il fût venu, dit naïvement Montluc, je crois que je fusse mort, car je n’eusse eu rien à faire ; j’avais l’esprit tant occupé à ce qui me faisait besoin, que je n’avais loisir de songer à mon mal. » Après avoir été trois jours regardé comme mort, et avoir reçu la visite de Strozzi guéri plus tôt que lui, Montluc revint peu à peu à une santé suffisante pour vaquer à ses devoirs.

3291. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] On n’a pas à craindre cet inconvénient avec Mme Elliott ; M. de Bâillon s’est borné à la traduire, et il l’a fait en homme d’esprit sans doute et en homme de goût, mais en la laissant d’autant plus elle-même, d’autant plus naturelle, tellement que ce livre a l’air d’avoir été écrit et raconté sous sa forme originale en français. […] Ce qu’elle nous dit du duc d’Orléans, à ce moment et dans toute la suite, s’accorde bien, au reste, avec le jugement que les meilleurs esprits ont porté de ce déplorable prince ; Ainsi, il résulte du récit de Mme Elliott que ce soir du 12 juillet, en arrivant à Monceaux, le duc était encore très indécis ; que, deux ou trois heures après, Mme Elliott, qui était sortie à pied avec le prince Louis d’Arenberg pour juger par elle-même de la physionomie des rues de Paris et de ce qui s’y disait, revint à Monceaux, et, dans un entretien particulier qui dura jusqu’à deux heures du matin, conjura à genoux le duc de se rendre immédiatement à Versailles et de ne pas quitter le roi, afin de bien marquer par toute sa conduite qu’on abusait de son nom.

3292. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Car, une femme d’esprit l’a remarqué, si les hommes dans le premier mouvement de leur désir vont généralement à la plus belle, les femmes, les jeunes filles, plus délicates apparemment, vont assez volontiers tout d’abord au plus distingué et au plus glorieux. […] c’est ce qui nous convient à tous deux. » Chaque poëte restait fidèle à son esprit. […] Pour revenir à moi, je vous dirai que j’aime Dans le champ du sonnet à me parquer moi-même, A lier mon esprit sous son austère loi.

3293. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

A vingt et un ans, retiré dans une solitude champêtre en Normandie, il exprimait pour lui et pour un ami, Achille Du Parquet, dans un Journal confidentiel, les dispositions et les facilités de son esprit, il laissait déborder l’ivresse de son âme : « Couvent de Caudebec, jeudi matin, 30 octobre 1806. […] « Je crois vraiment que l’esprit qui anime nos soldats se communique aux poètes ; depuis huit jours la guerre est commencée, et la bataille d’Iéna a presque déjà terminé la campagne. » J’ai cité le passage, surtout à cause de ces derniers mots. […] Un toit, la santé, la famille ; Quelques amis, l’hiver, autour d’un feu qui brille ; Un esprit sain, un cœur de bienveillant conseil, Et quelque livré, aux champs, qu’on lit loin du grand nombre Assis, la tête à l’ombre, Et les pieds au soleil.

3294. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

que l’esprit du poète se condense et se matérialise à mesure qu’il s’agrandit et s’élève. […] Or il arrive que chacun d’eux possède précisément une des principales qualités qu’on regrette chez l’autre : celui-ci, la tournure d’esprit rêveuse et les extases choisies ; celui-là, le sentiment profond et l’expression vivante de la réalité : comparés avec intelligence, rapprochés avec art, ils tendent ainsi à se compléter réciproquement. Sans doute, s’il fallait se décider entre leurs deux points de vue pris à part, et opter pour l’un à l’exclusion de l’autre, le type d’André Chénier pur se concevrait encore mieux maintenant que le type pur de Regnier ; il est même tel esprit noble et délicat auquel tout accommodement, fût-il le mieux ménagé, entre les deux genres, répugnerait comme une mésalliance, et qui aurait difficilement bonne grâce à le tenter.

3295. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Telle est donc la première condition de l’objectivité : ce qui est objectif doit être commun à plusieurs esprits, et par conséquent pouvoir être transmis de l’un à l’autre, et comme cette transmission ne peut se faire que par ce « discours » qui inspire tant de défiance à M. le Roy, nous sommes bien forcés de conclure : Pas de discours, pas d’objectivité. […] Rien n’est objectif que ce qui est identique pour tous ; or on ne peut parler d’une pareille identité que si une comparaison est possible, et peut être traduite en une « monnaie d’échange » pouvant se transmettre d’un esprit à l’autre. […] Sans doute ces rapports, cette harmonie ne sauraient être conçus en dehors d’un esprit qui les conçoit ou qui les sent.

3296. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Mais transportez sur le théâtre cette physiologie crue et saignante, animez-la du mouvement de la scène, de la réalité des acteurs ; multipliez son impression par la diversité des mille spectateurs qui s’en remplissent l’esprit et les yeux ; servez, pêle-mêle, les fruits de l’Arbre du bien et du mal à cette foule souvent incapable de les discerner : qui peut affirmer la moralité d’un pareil spectacle ? […] La talent n’est pas en cause ; rarement l’auteur a montré une dextérité plus précise, un esprit plus net et plus acéré. […] Il semble qu’une piqûre anatomique vous ait atteint au milieu de cette brillante autopsie ; on en sort l’esprit aigri et comme ulcéré par un fin poison.

3297. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il dit, il répète : « Tout s’en va, il n’y a rien, plus de style, plus de goût, plus de France, plus de tradition. » Le novateur dit : « Mais la tradition c’est moi qui la maintiens, je vais essayer de le prouver. » Alors les esprits ouverts et conciliants, les témoins bienveillants, les sages qui ont du goût pour le passé et quelque tendresse vis-à-vis de l’avenir disent aux novateurs : « On a eu tort vis-à-vis de vous, on vous méconnaît ! […] C’est dans un haut dessein qu’il publie son erreur éphémère et le démenti qu’il se donne ; c’est pour que les poètes parnassiens (il ne s’adresse pas à d’autres) qui le liront, sachent qu’il faut obéir aux règles dans leur esprit et non dans leur lettre ; c’est pour leur faire comprendre qu’il n’est point de règles immuables, que demain peut toujours bouleverser hier. […] Ils concluent comme nous que le poète doit plus de confiance à son oreille qu’à l’institut phonétique et ils terminent comme nous, et aussi comme Banville (la vraie tradition est sacrée à tous les bons esprits) : mais d’abord il faut être un poète.

3298. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Galloix, Jacques Imbert (1...-18..) »

Il était de Genève et, comme Rousseau, il en avait l’esprit de raisonnement et d’opposition en tout.

3299. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 172

Ce qu’il a écrit sur la Genèse & sur la conduite qu’Adam & Eve durent tenir à la naissance de leurs premiers enfans, porte le même caractere d’esprit & de talent ; mais il faut bien se garder d’adopter ses conjectures, qui n’ont été vraisemblablement que le fruit de l’activité de son imagination.

3300. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 183

On n’a pas besoin d’apprendre qu’il fut le grand-pere de Mad. de Maintenon, & pendant très-long-temps Favori d’Henri IV, qui estimoit autant son courage que son esprit.

3301. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 309

Au talent de l’esprit, elle a réuni le mérite du savoir.

3302. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 343

La Préface en est bien écrite ; l’esprit & la raison y parlent le langage qui leur convient.

3303. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 377

Son Commentaire sur les Œuvres de Moliere ne se borne point à des Remarques grammaticales ; il offre encore des observations pleines de goût, de finesse & de solidité sur les mœurs, les usages, les modes ; des anecdotes relatives à chaque Comédie, & des réflexions critiques, très-propres à ramener les esprits aux vrais principes d’un art qui se dénature tous les jours.

3304. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 520

On pourroit former un très-bon Recueil de son Journal, sous le titre d’Esprit de le Clerc ; il faudroit pour cela qu’un homme de goût se chargeât de ce travail.

3305. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 188

Il aura du moins l’avantage de trouver, dans l’esprit de Corps, du zele pour les faire acheter sur la parole de certains Prophetes, & celui de les faire vivre quelques jours dans les Sociétés merveilleuses où ces Prophetes donnent le ton.

3306. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 268

Plusieurs de ses petites Brochures, accueillies dans leur temps, annoncent en général un esprit qui n’est point étranger à la Littérature ; ce sont des Lettres sur différentes Pieces de Théatre, des Songes romanesques, & d’autres bagatelles.

3307. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 444

L’uniformité du style, le peu de noblesse des pensées, le défaut de finesse & même d’imagination, réduisent ce Poëme, plus burlesque que marotique, dans la classe de ces Ouvrages qui ne sont supportables que pour les esprits méchans & les ames corrompues, seuls capables de se plaindre que nous n’ayons pas loué cette infame Production.

3308. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 504

Quoique ses Ouvrages, qui consistent en des Romans, des Contes, des Traductions, & des Poésies, soient semés de traits d’imagination, d’esprit, 28 de facilité, ils sont allés grossir la masse des Livres destinés à l’oubli.

3309. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 15

L’esprit de Mlle Scudéry, Ouvrage qui suppose le talent de l’analyse, eu égard à la diffusion qui regne d’un bout à l’autre dans les Productions de cette Demoiselle, le Dictionnaire des Cultes Religieux, celui des Batailles, le Dictionnaire d’Education, celui des Dits & Faits mémorables, lui méritent une place parmi ceux qui, sans rien tirer de leur propre fonds, ont voulu figurer parmi les Auteurs.

3310. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 300

Mesengui est un Ecrivain estimable par l’esprit de Religion & de piété qui animent ses Ouvrages, d’ailleurs écrits avec autant de correction que d’aménité.

3311. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 554

D’après ce vœu, M. de Prémontval a composé un Livre intitulé, le Diogene de d’Alembert, où l’esprit d’indépendance, la haine des hommes, l’impiété la plus décidée, forment un délire perpétuel.

3312. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 289

L'idée générale du Gouvernement Chinois, les Réflexions politiques sur les plus grands Princes, la Lettre sur les transactions du Regne d'Elisabeth, & sur-tout ses Traductions des Essais de Pope sur l'Homme & sur la Critique, ne peuvent être que des Productions d'un esprit pénétrant, étendu, lumineux, & cultivé.

3313. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 301

Ses Ouvrages de Morale annoncent un homme qui connoît assez le cœur humain, mais dont les idées, en général, ne sont ni neuves, ni bien exprimées ; ses Ouvrages de Littérature annoncent un homme d'esprit, mais qui manque de goût, & souvent même de jugement.

3314. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ronchaud, Louis de (1816-1887) »

Toutefois ses œuvres portent bien la marque de son propre esprit.

3315. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 284

La singularité de ce titre n’a nul rapport avec ce qu’on trouve dans le Livre ; on ne peut tout au plus parvenir, en le lisant, qu’à se gâter l’esprit par des images dégoûtantes, & à se familiariser avec le langage du vice le plus effronté.

3316. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 446

Il avoit autant de vivacité dans l’esprit, & de feu dans l’imagination, que de candeur & de simplicité dans l’ame.

3317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 108

L’esprit de systême qui s’étend sur l’étude des Langues, comme sur toutes les autres Sciences, pourra bien condamner la méthode des Anciens, qui avoit besoin, à la vérité, d’être réformée ; mais on est encore à attendre les succès solides, annoncés avec emphase dans les différens Prospectus, que l’expérience n’a pas justifiés.

3318. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 481

Ses Poésies sont très-agréables pour ceux qui préferent l’esprit & la gentillesse au sentiment.

3319. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 539

Les Notes qu’il a faites sur Horace, Perse & Juvenal, sont des modeles de clarté & de précision ; il est difficile de développer l’esprit d’un Auteur avec plus de substance & en moins de mots, contre la coutume des Commentateurs.

3320. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Ce n'est pas qu'on n'y trouve de l'esprit, du savoir, & même un certain talent ; mais il manque de goût & de sentiment, & l'on sait que le génie même auroit de la peine à soutenir un Poëme dépourvu de ces deux qualités.

3321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article »

Ce petit Ouvrage n’a pu partir que d’un Ecrivain solide & judicieux, d’un esprit observateur & doué de l’art de rendre, d’une maniere intéressante, ses observations.

3322. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 386

On peut juger de sa maniere par ce Madrigal : Soupir, subtil esprit de flamme, Qui sors du beau sein de Madame, Que fait son cœur ?

3323. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Préface » p. 

Soucieux de conserver tout ce qu’a produit ce rare esprit, nous n’avons pas cru devoir nous laisser arrêter par les considérations qui l’auraient arrêté lui-même, et il nous a semblé que, prise isolément, chacune des études que nous présentons aujourd’hui offrait un assez haut intérêt pour honorer encore la mémoire d’Émile Hennequin et pour entretenir les regrets de ceux qui ont vu disparaître avec lui une des plus belles intelligences et l’un des plus purs talents de la jeune génération.

3324. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Chardin » p. 98

Ce Chardin est homme d’esprit ; il entend la théorie de son art ; il peint d’une manière qui lui est propre, et ses tableaux seront un jour recherchés.

3325. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Boizot  »

On ne reconnaît Calipso qu’[à] une sottise qu’elle fait ; c’est de présenter une pêche à Telemaque, qui a bien plus d’esprit que la nymphe et Mr Boizot, car il continue le récit de ses aventures sans prendre le fruit qu’on lui offre.

3326. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « À Monsieur Siméon Luce, Membre de l’Institut »

L’historien de Jeanne d’Arc et de Du Guesclin, le chroniqueur grandiose des guerres des xive et xve  siècles dans le pays dont vous êtes présentement l’honneur et qui est notre pays à tous les deux, ces livres robustes et sensés, écrits avec toutes les qualités de l’esprit de la forte race à laquelle vous appartenez, seront jugés plus tard et prochainement, mais aujourd’hui ce que je vous offre n’est pas le témoignage de la justice, c’est le témoignage de la sympathie.

3327. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Si bien que M. de Presles, désespéré de perdre sa femme, le jour même où il commençait à l’aimer et à la connaître, va se faire soldat, comme son ami Hector, si le Pont-grimaud, avec lequel il va se battre tout à l’heure, n’a pas l’esprit de le tuer, alors qu’il est si bien disposé à mourir. […] La tristesse un peu sévère de son fond moral est relevée par la diversité des caractères qui s’y jouent, par des situations émouvantes, par un esprit net, vif, spontané, qui abonde en mots justes, en saillies faciles, en traits qui résonnent et qui frappent aux endroits qu’ils visent. […] Il est vif, léger, rapide ; il mange en herbe l’esprit et la gaieté de la pièce ; et les deux actes suivants vont jeûner pour lui. […] On s’attendait à le trouver dans ce Montrigaud ; il s’annonçait bien ; il se campait en scène dans une pittoresque attitude de matamore armé d’esprit jusqu’aux dents ; il tirait à tout venant des coups de pistolet d’épigrammes. […] Augier a dépensé plus d’esprit qu’au Mariage d’Olympe.

3328. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Drouet, Ernestine = Mitchell, Ernestine (1834-....) »

Il y a bien de l’esprit sous ce talent.

3329. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Ségalas, Anaïs (1819-1895) »

Quoiqu’elle ait dans sa manière du précieux, du brillanté et peut-être aussi du clinquant, ses strophes se déroulent avec une facilité d’allure qui donne souvent le change à l’esprit et fait croire au naturel.

3330. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 178

Parole qui caractérise l’esprit d’un Gouvernement vraiment sage, & que les Princes ne sauroient trop répéter, pour l’encouragement de ceux qui ne craignent pas de s’élever contre l’erreur & l’iniquité, les plus redoutables ennemis des Rois & des Nations.

3331. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 371

Il est le même dans tous ses Ouvrages : de l’esprit, de l’érudition, du style, de la raison ; en voilà plus qu’il n’en faut pour être un estimable Académicien.

3332. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 464

Il n’en est pas ainsi de sa Comédie de Grégoire, où l’esprit est égayé par de très-bonnes plaisanteries, & qui a été imitée dans la suite par plusieurs Poëtes dramatiques.

3333. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 355

On lui doit cependant le premier exemple du mélange de la Prose avec les Vers, genre de composition tout à la fois commode, & capable de faire naître l’agrément & la variété, quand un esprit fécond & délicat fait le manier à propos.

3334. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 485

On sera surpris, après cela, d’apprendre que nous lui avons l’obligation de plusieurs excellens Ouvrages d’Histoire & de Critique ; tant il est vrai que le travers de l’esprit n’exclut pas toujours des lumieres capables de produire quelquefois de bonnes choses.

3335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 149

Avec une imagination vive, une ame sensible, un esprit nourri de la bonne Littérature, le talent de rendre avec intérêt ses idées, comme on en peut juger par l’Ouvrage que nous venons de citer, il eût été en état d’enrichir notre Littérature de plusieurs excellentes Productions.

3336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 509

Si ses Ecrits manquent d’élégance, ils ont du moins cette noble simplicité qui suppose la conviction dans l’Auteur, & offrent cette abondance de preuves & cette clarté de raisonnement, qui persuadent tout esprit droit & impartial.

3337. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 99

Dans tous ces Ouvrages on trouve de l'esprit & des connoissances, mais ils n'élevent tout au plus M. de Rivery qu'au dessus des Auteurs injustement prônés dans la Capitale, & jamais au dessus des Auteurs médiocres.

3338. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 413-414

Vavasseur a été le premier qui ait eu le bon esprit de sentir les travers du burlesque, & le courage de l'attaquer, dans le temps où il étoit le plus en vogue.

3339. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

Il a cru entendre distinctement la voix indifférente de la nature… Mais voici que le cœur irrité du poète s’apaise, et qu’une vision soudaine de la vie universelle où s’entrecroise éternellement l’échange des souffles, des formes et des âmes, vient calmer son esprit, prêt désormais à accepter, à bénir presque l’inévitable loi qui enchaîne les effets et les causes… — Ce premier essai paraît annoncer un poète visionnaire et philosophe.

3340. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 192

Nous avons aujourd’hui un grand nombre d’Esprits agréables, qui semblent n’accumuler Poésies sur Poésies, que pour offrir davantage à la poussiere de tombeau.

3341. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 470-471

Quand nous disons pleines de philosophie, nous ne prétendons pas parler de cette philosophie bizarre, qui eût peut-être accrédité cet Ouvrage chez les esprits frivoles, & en eût fait pardonner les défauts en faveur de la hardiesse des sentimens & de l’enflure du style ; nous parlons de cette philosophie qui tend à éclairer les hommes, & à les garantir de l’illusion.

3342. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 511

On ne sauroit disconvenir qu’il ne mérite, à beaucoup d’égards, ce succès : il contient des critiques excellentes, des observations pleines de goût, mille traits d’un esprit piquant ; mais il faut avouer aussi qu’avec un style agréable, l’Auteur fatigue souvent son Lecteur, par une profusion & une monotonie de gentillesses qui ne s’accordent pas avec le ton convenable à un Journaliste.

3343. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 139

Ses Tragédies, au dessous du médiocre, prêterent au ridicule ; son injustice contre Racine fit tort à son jugement, & prouva que les femmes sont encore plus extrêmes que les hommes, quand l’esprit de cabale les conduit.

3344. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » p. 248

Les épithetes dures & grossieres, telles que celles d’écolier, d’ignorant, &c. qu’on a prodiguées à M. l’Abbé d’Espagnac, annoncent un esprit impuissant ou mal-adroit, & font plus de tort à celui qui se les est permises, qu’à celui qui en est l’objet.

3345. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 21

Lafitau, offre plus de légéreté dans le style, que de vérité dans les faits, & ce sera par un esprit d’impartialité.

3346. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 60

] ex-Abbé, né en Bretagne, mort en 1742 ; Poëte qui n’étoit ni sans esprit, ni sans talens, mais à qui une vie dissipée ne permit pas de s’élever au dessus de la médiocrité.

3347. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 98

Plein de zele pour la Religion & doué du talent d’écrire avec onction, il a publié plusieurs Ouvrages en faveur du Christianisme, contre les attaques multipliées de la nouvelle Philosophie, où, par des raisonnemens solides & à la portée de tous les Esprits, il prouve la vérité, l’utilité & la nécessité de la Religion.

3348. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 74-75

Il est de certains Esprits qui exigent des objets présens pour les animer & les féconder ; & tels de nos Poëtes modernes, qui ont cru se faire un nom en ne voulant rien devoir aux autres, n'ont fait que mieux sentir leur foiblesse, par la médiocrité de leurs créations.

3349. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 305

Sa beauté, son esprit, ses aventures l'ont rendue célebre.

3350. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Préface »

Cette passion malheureuse a ameuté contre ma personne, tant de haines, de colères, et donné lieu à des interprétations si calomnieuses de ma prose, qu’à l’heure qu’il est, où je suis vieux, maladif, désireux de la tranquillité d’esprit, — je passe la main pour la dire, cette vérité, — je passe la main aux jeunes, ayant la richesse du sang et des jarrets qui ploient encore.

3351. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Martin, Nicolas (1814-1878) »

Théophile Gautier La Mariska, de Nicolas Martin, cet esprit à la fois si allemand et si français, qui éclaire son talent d’un rayon bleu de lune germanique.

3352. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 217

Le moyen de ne pas s’échauffer quelquefois, quand on se laisse conduire par une imagination sans frein, ou par un esprit enthousiaste !

3353. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 375

Cette science, si toutefois c’en est une, décriée chez tous les Esprits sensés, lui mérita la confiance du Cardinal de Richelieu, qui auroit dû s’en rapporter plutôt à son génie qu’à l’influence des Astres.

3354. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 463

Il avoit l’esprit libre, l’imagination bizarre, & tout ce qu’il a composé participe de ces deux travers.

3355. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 167

Du Ryer pouvoit avoir de l'esprit & du talent ; mais, obligé de travailler à la hâte, pour faire subsister sa famille, dont sa plume faisoit tout le revenu, il ne lui étoit pas possible de soigner ses Ouvrages.

3356. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 206

Ce Poëte s'étoit formé le goût d'après l'étude des Anciens ; avec moins de génie que Marot, son esprit étoit plus orné.

3357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 216-217

Le Recueil de ses Œuvres, publié depuis peu, donne l'idée la plus favorable de son esprit & de ses mœurs.

3358. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Et de fait, quand une série un peu longue de souvenirs bien liés s’éveille en nous, quand nous repassons en esprit telle journée notable d’un voyage intéressant, nous nous croyons en face de faits éloignés, mais réels. […] Là-dessus, la conscience, dupe d’elle-même, déclare que, dans le souvenir comme dans la perception extérieure, l’esprit fait un acte sui generis, simple, irréductible à tout autre, mystérieux, merveilleux, ineffable ; ce qui ajoute un nouveau fil à la toile d’araignée sans cesse rompue, sans cesse refaite, dans laquelle les sciences morales, depuis tant de siècles, viennent s’empêtrer. […] Quand je pense à la vieille pendule qui est dans l’autre chambre, quand, au moyen de paroles mentales, je suis dans ma tête un long raisonnement, quand je me développe ce qui pourrait bien arriver si je faisais telle démarche, non seulement j’ai dans l’esprit l’image de la pendule, l’image des sons et des mouvements vocaux que comporterait mon raisonnement prononcé à haute voix, l’image des gestes, émotions, événements que provoquerait en moi et hors de moi ma démarche, mais encore je sais que toutes ces images sont de simples images actuelles. […] J’ai vu cent fois cette pendule que je me figure ; j’ai entendu ou lu mille fois, dix mille fois, ces paroles mentales qui roulent dans mon esprit ; j’ai remarqué trente ou quarante fois le geste d’étonnement, le sourire de plaisir, l’accent de colère que j’imagine ; la preuve en est qu’ils me reviennent ; si je sais, c’est que je me souviens.

3359. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Cette modification avait pour but — sans rien changer à l’esprit général et à l’organisation pratique de l’Association — de donner à l’Association un caractère légal qui lui permît d’établir ensuite une « Fondation-Wagner » et de recevoir des legs. […] Si, maintenant, nous examinons les origines du poème, nous verrons que celui-ci contient trois choses, trois idées fondamentales, qui primitivement n’étaient point nécessairement liées dans l’esprit du maître. […] Là, le mortel combat de l’esprit erroné de l’Apparence contre l’esprit tout véridique de la Réalité ; ce qu’on dit lumière, jour et vie, contre tout le nommé ombre et nuit et mort ; l’illusoire univers de nos habituelles créations, contre celui miraculeux de la pensée.

3360. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Rien n’est plus contraire à l’esprit de l’œuvre wagnérienne, à la volonté formelle du maître. […] Georges Servières vient de nous donner des documents qui permettent de se rendre compte du mouvement wagnérien ; quoi qu’aucune critique n’ait présidé au classement des matériaux et que ce livre eût besoin d’être refait avec la préoccupation de grouper les différents mouvements des esprits sous quelques influences générales, on peut dès à présent tirer de la lecture de ce catalogue chronologique cette conclusion que, pas plus chez les défenseurs de Wagner que chez ses ennemis, il n’y a eu aucun effort sérieux pour comprendre son œuvre et le but qu’il poursuivait. […] Oui… » ou bien, à propos de Tristan : « Peu me soucie que Wagner, philosophe, ait songé à l’anéantissement, à l’effacement de la personnalité dans l’inconscience infinie ; en dépit de tout, et de l’auteur lui-même s’il le faut, le chant final d’Iseult est le chant de l’amour immortel, l’hymne des âmes réunies à jamais. » Il est bien étonnant que ceux-là même qui définissent ainsi l’artiste, aient fait de Wagner leur maître de prédilection, quand ils avaient à portée de leur esprit Berlioz, qui n’avait pas de théories arrêtées, qui produisait suivant son inspiration, tantôt bien, tantôt mal, mais sans savoir pourquoi : celui-là est le véritable artiste selon leur cœur. […] Alors sera atteint le but que Wagner disait à Berlioz, lequel n’y a rien compris : « Mon but était de montrer la possibilité de produire une œuvre d’art, dans laquelle ce que l’esprit humain peut concevoir de plus profond et de plus élevé fût accessible à l’intelligence la plus ordinaire, sans qu’il fut besoin de la réflexion ni des explications de la critique et c’est cet essai que j’intitulai l’œuvre d’art de l’avenir.

3361. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Et tout le long du chemin, c’était un réveil de son plus fin et de son plus caustique esprit, à l’encontre des bandes de bourgeois que nous traversions : « Mais tu ne dis rien, me jeta-t-il, après un mot charmant sur un couple de vieilles amours, ça te fait de la peine de me voir comme ça, hein ?  […] * * * Dans cette figure aimée, où il y avait l’intelligence, l’ironie, cette fine et joliment méchante mine de l’esprit, je vois se glisser, minute par minute, le masque hagard de l’imbécillité… Je souffre, je souffre, je crois, comme il n’a été donné à aucun être aimant de souffrir ! […] Il semble que son esprit, dans lequel s’est brisée la chaîne des idées, ait pris la logique en haine. […] Le tact de l’esprit a été en premier lieu attaqué, maintenant c’est une complète perversion du tact matériel.

3362. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Ayant à nommer l’oiseau appelé roitelet, l’idée de petit roi est celle qui vient à l’esprit de l’homme : grec, il dit [mot en caractères grecs] ; latin, regaliolus 139 ; allemand, zaunkœnig (roi des haies)140 ; anglais, kinglet ; suédois, kungsfagel (l’oiseau roi) ; espagnol, reyezuelo ; italien, reattino ; hollandais, koningje ; flamand, kuningsken ; polonais, krolik 141. […] Cependant, il est fort possible et bien conforme au mécanisme de l’esprit humain que la trouvaille rouge-gorge ou rodkielke soit spontanée dans chacune des langues où on la rencontre. […] Dans cet exemple c’est aux lois de l’analogie que l’esprit a obéi ; une expression intermédiaire nous le certifie. […] On ne devrait pas laisser les cuistres toucher à des organismes aussi délicats que le langage : du moins pourra-t-on désormais leur enseigner que les « tropes » sont une branche de la psychologie générale et qu’il faut réfléchir très longtemps avant que d’oser couper en deux morceaux et tailler à arêtes vives un bloc verbal que l’esprit humain laisse volontairement informe.

3363. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Vous avez pu être étonnés, au commencement de ce cours de conférences, de ce que je n’eusse attribué, dans mon programme, qu’une seule leçon aux fables de La Fontaine ; mais vous avez vu très vite quelle en était la raison : c’est que je prévoyais, d’une façon certaine, que je vous parlerais des fables de La Fontaine à peu près dans toutes les conférences que je ferais, puisqu’il est absolument impossible de parler des idées générales de La Fontaine, ou de son caractère, ou de ses tendances d’esprit, ou de ses idées philosophiques, ou de ses Contes, etc., sans faire au moins allusion à quelques-unes de ses fables, et c’est ainsi que pendant six ou sept conférences, je vous ai parlé des fables de La Fontaine en vous parlant d’autre chose. […] Les fables prouvant que les animaux ont de l’esprit, qui sont renfermées dans le Discours à Mme de La Sablière, c’est-à-dire dans la fable première du livre dixième, sont celles-ci : la fable, ou plutôt l’histoire du vieux cerf qui se substitue au jeune cerf lorsque, chassé, il ne peut plus soutenir la course. […] Que ces castors ne soient qu’un corps vide d’esprit, Jamais on ne pourra m’obliger à le croire ; Mais voici beaucoup plus… Et alors arrive l’histoire des Renards polonais, dont La Fontaine a reçu le rapport de Jean Sobieski. […] Remarquez qu’autour de lui il y avait des gens qui croyaient à l’âme des bêtes, mais ils croyaient à leur âme plus qu’à leur esprit, plus qu’à leur intelligence.

3364. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 365-366

On instruira beaucoup plus utilement les hommes, & on remplira plus certainement les vûes de la Religion, en leur apprenant à réprimer l’esprit de dispute, à respecter les dogmes, à pratiquer la morale évangélique, qu’en employant toutes les ressources de la Logique à établir des systêmes qui peuvent bien rendre les hommes pointilleux, mais rarement meilleurs.

3365. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 62-63

Cet Abbé avoit beaucoup d’esprit, de talent, & d’érudition.

3366. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 67

Son esprit ne pouvoit s’assujettir à aucune regle dans ses compositions.

3367. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 313

Ces Pieces ne laissent pas de supposer beaucoup d’esprit & même un certain talent dans M.

3368. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 134

On connoît peu ses Ouvrages de Métaphysique & d’Histoire naturelle, très-estimés cependant de ceux qui sont capables d’apprécier ce genre de mérite ; tels sont les Elémens de Métaphysique, tirés de l’Expérience ; l’Examen sérieux & comique du Livre de l’Esprit ; les Mémoires pour l’Histoire des Araignées ; & les Lettres à un Américain sur l’Histoire Naturelle de M. de Buffon.

3369. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 213

Son esprit empoisonnoit les actions les plus vertueuses ; & il ne craignit jamais de faire part au Public de la perversité de ses idées.

3370. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 483-484

Ce cas est le seul où l’on puisse dire que la nécessité ne donne point d’esprit.

3371. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 510

La maniere dont il soutient ce paradoxe, est analogue à la tournure d’esprit qui l’avoit produit.

3372. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 538-539

En effet, on peut juger, par certains morceaux de ses Discours pleins de chaleur & de dignité, que plus de sobriété dans l’usage de son esprit, plus de retenue à sacrifier au goût des contrastes & de l’antithese, l’auroient encore plus approché de nos vrais modeles en ce genre.

3373. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » p. 568

Ceux qui veulent connoître l’origine des passions animales, leurs progrès, leurs développemens, leurs excès, & leur contrepoison, y trouveront une sagacité singuliere, qui satisfait l’esprit, quoique les idées peut-être n’en soient pas toujours de la derniere évidence.

3374. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 72

Quoiqu'il se soit exercé dans presque tous les genres & dans presque toutes les Langues, ses succès ont été médiocres, par cette raison décisive, que l'esprit ne peut que perdre, & le talent s'affoiblir, quand on voltige trop légérement d'objet en objet.

3375. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 269-270

Si on considere cependant que le goût n'étoit pas encore formé lorsqu'elle écrivoit ; que tel de ses Romans annonce lui seul plus d'esprit, d'imagination, & de connoissances, que le très-grand nombre de ceux dont on a inondé le Public depuis quelques années ; qu'on trouve dans Clelie & dans Artamene des traits d'une délicatesse & d'une supériorité qui feroient honneur à nos plus sensibles Ecrivains : on conviendra que les défauts ne doivent pas rendre aveugle sur les bonnes qualités.

3376. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Jamais je ne trouve dans son théâtre un mot qui soit pour la vérité d’abord ; je sens que ce poète vise toujours un point de l’esprit du public ; la vérité s’y rencontre, si elle peut. […] Il me suffira de rappeler ici les traits d’incrédulité hardie dont Œdipe même était semé, l’esprit de libéralisme politique qui animait certaines parties de Brutus, la fameuse sentence de Mérope, où le droit divin est nié.

3377. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Le Père leur enverra d’en haut son Esprit, qui deviendra le principe de tous leurs actes, le directeur de leurs pensées, leur guide à travers le monde 880. […] Son œuvre n’étant pas une œuvre de raison, et se jouant de toutes les classifications de l’esprit humain, ce qu’il exigeait le plus impérieusement, c’était la « foi 900. » Ce mot était celui qui se répétait le plus souvent dans le petit cénacle.

3378. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

L’esprit de la famille était altier, audacieux, cruel 1030 ; elle avait ce genre particulier de méchanceté dédaigneuse et sournoise qui caractérise la politique juive. […] Le mouvement qu’il dirigeait était tout spirituel ; mais c’était un mouvement ; dès lors les hommes d’ordre, persuadés que l’essentiel pour l’humanité est de ne point s’agiter, devaient empêcher l’esprit nouveau de s’étendre.

3379. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le simple bon sens qui a dicté cet Apologue, est supérieur à toutes les subtilités philosophiques ou théologiques, qui remplissent des milliers de volumes sur des matières impénétrables à l’esprit humain. […] Il pouvait le louer d’avoir banni ces fous de cour si multipliés en Europe, d’avoir substitué à cet amusement misérable, les plaisirs nobles de l’esprit et de la société.

3380. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

La griffe n’est point en lui, mais des facultés, rondes comme des pattes : le bon sens, mais qui ne devient jamais le grand sens ; la justesse du coup d’œil, qui voit bien ce qu’elle voit, mais qui n’en voit pas long… Esprit honnête, qui a beaucoup mangé, m’a-t-on dit, à la mangeoire du Correspondant. […] Aveuglé par la question présente, esclave d’une opinion politique en harmonie avec la portée de son esprit, — car, il ne faut pas s’y tromper, l’opinion politique de la plupart des hommes est une affaire de naissance ou de facultés, c’est-à-dire de naissance encore, — l’auteur de Royalistes et Républicains n’a pas su conclure, dans son livre, contre l’opinion que les faits et les observations de son livre auraient dû renverser.

3381. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Eh bien, c’est dans ce ton qu’il va, qu’il va droit devant lui, comme s’il revenait de… Stockholm ou de Pontoise, ne faisant jaillir sur sa route ni aperçu nouveau, ni opinion nette dont l’esprit du lecteur puisse être reconnaissant au sien, sur ce règne brillant et délabré qui commença si bien et finit si mal, plus semblable à un carrousel ou à une représentation théâtrale qu’au règne d’un roi sérieux qui sent sa fonction jusque dans le plus profond de sa conscience ! […] Masqué de son casque à la Galaor, à la visière baissée, ce masque éternel avait l’esprit corrompu des roués de son temps.

3382. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Pour vivre de cette vie révoltante aux sens, mais que je maintiens poétique pour l’esprit, et pour l’âme croyante abondante en joies supernaturelles et célestes, il avait quitté de bonne heure des parents pieux qui l’adoraient. […] Et quel porte-respect pour ce pauvre abject, plus incompréhensible peut-être que tous les autres Saints, à la tourbe des esprits bas et vulgaires !

3383. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Tout ce que je vois en ces pages de touchant aux idées, aux grandes lignes et aux certitudes de l’esprit, m’en fait douter. […] qu’une bonne poitrine en acier de Sheffield, si l’on pouvait, par quelque vivisection bien savante, l’introduire et la substituer à ma pauvre poitrine de chair, qui n’est plus que plaie et poussière, qu’une telle machine, jouante et sifflante, bien pompante et aspirante, rendrait donc non seulement à mon corps assaini vie et souplesse, mais à mon esprit dilaté, élargi, aéré, non plus comprimé, non plus moisi, et toutes fenêtres ouvertes, lucidité, largeur, verve, originalité, puissance ; à mon cœur, non plus racorni par la souffrance, non plus isolé par la faiblesse, et, malgré lui, ployé par mille besoins à tous les égoïsmes, mais soulevé par le souffle vivifiant du bien-être et rafraîchi par tous les jeunes courants qui le fuient maintenant, sensibilité, poésie, relèvement moral, apaisement intérieur, tous les trésors de l’âme… » Et la phrase tout à coup s’interrompt, jugulée brutalement par le mot : FIN !

3384. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

ce n’est pas qu’il soit une imagination sans richesse ni une sensibilité sans accent ; mais il appartient par des amitiés, plus élevées que la camaraderie, je le sais, à ce milieu d’esprits qui ne mettent entre eux que l’amour du beau dans l’indépendance, et ce n’est point avec cela qu’on trouve (tout de suite, du moins,) sa manière, quand on n’est pas né avec elle. Qui cherche dans l’indépendance est destiné à tâtonner longtemps… De plus, si libre qu’il soit et qu’il veuille l’être, le groupe d’esprits dont Cantel est l’espérance représente, à très peu d’exceptions près, ce paganisme que nous avons appelé souvent une Renaissance de Renaissance, et qui n’en est que le regain !

3385. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Personne donc, personne, dans ce Paris d’esprit, n’a reconnu le front immense et légendaire du grand Hugo au-dessus, perpendiculairement au-dessus du nez de Vacquerie, que Hugo, le sachant dévoué jusqu’à la mort, ce nez, et l’ayant toujours sous la main, a pris sans façon, en homme qui peut tout prendre pour son service particulier. […] Il y est avec sa même emphase ventrue, sa même gouaillerie espagnole, pittoresque, mais qui demande et prend trop d’espace pour être de l’esprit ; avec son même madrigalisme pédant, et ses mêmes élégies, et ses mêmes tendresses, et son même naturel à la force du poignet ; et c’est Victor Hugo non pas seulement par le tour de la strophe, par les attitudes de la phrase, par la tournure générale du livre, la particularité de chaque pièce, mais c’est Victor Hugo d’essence même, et de quintessence !

3386. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 142-143

Le chapitre qui regarde le Beau dans les Ouvrages d’esprit, est plein de réflexions profondes, instructives, lumineuses ; il semble y être l’interprete des Muses & de la Nature.

3387. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 144

L’Auteur y venge avec esprit Despréaux & Rousseau de l’injustice de ceux qui ont osé reléguer ces deux grands Poëtes dans la classe des Versificateurs.

3388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 369-370

Si ces deux Ouvrages n’avoient servi qu’à faire passer dans notre langue les sages maximes & les beautés des Ecrivains Anglois, Abel Boyer auroit de plus grands droits aux éloges du Public reconnoissant ; mais la connoissance de la langue Angloise nous a attiré le débordement de tant d’extravagances, que les Esprits sages sont peu tentés d’applaudir à ses travaux, ou, pour mieux dire, il y eût vraisemblablement renoncé, pour peu qu’il eût prévu les mauvais services qu’il alloit rendre à sa Patrie.

3389. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 20-21

C’étoit un Philosophe dans le sens qu’on attachoit à ce mot, avant que nos prétendus Esprits forts l’eussent usurpé.

3390. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 373-374

C’est la Tour de Babel ; il y regne une confusion grotesque, par la diversité des langages & des esprits.

3391. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 279-280

On a aussi de lui un Livre sur l'Art de sentir & de juger en matiere de Goût, dont l'objet est de faire connoître en quoi consiste le Goût qui crée, qui juge, qui admire le vrai & le beau dans les Ouvrages d'esprit, dans les Sciences, les Arts, & les Productions de la Nature.

3392. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 364

Pour qu’on ne nous accuse point d’injustice à l’égard de cet Ouvrage, nous conviendrons qu’il est écrit d’un style pur, noble, élégant, & propre à inspirer la piété, à l’esprit de simplicité près, qui doit cependant en être le premier caractere.

3393. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Conclusion. »

On voit, par cet exemple, quelle attention il faut porter dans sa lecture, pour ne point admettre de fausses idées dans son esprit ; et s’il s’en est glissé plusieurs dans un livre qui entre dans notre éducation, comme un des meilleurs qui aient jamais été faits, qu’on juge de celles que nous recevrons par un grand nombre de livres inférieurs à celui-ci.

3394. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Chardin  » p. 143

Chardin est homme d’esprit, et personne peut-être ne parle mieux que lui de la peinture.

3395. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « À Monsieur P. Bottin-Desylles »

Je désirerais que toutes les pensées qui sont ici, fussent vos pensées, ou qu’il y en eût, au moins, quelques-unes que vous ne désavoueriez pas… Vous l’homme des sentiments exquis en toutes choses, vous devez avoir sur les femmes les idées qu’ont sur elles les esprits délicats, discernants, qui les aiment et qui ne veulent pas les voir se déformer dans des ambitions, des efforts et des travaux mortels à leur grâce naturelle, et même à leurs vertus… Vous êtes, mon cher Desylles, d’une supériorité trop vraie pour ne pas vous connaître en supériorités, et celle de la femme n’est pas où la mettent les Bas-bleus.

3396. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Jules (1825-1901) »

Eugène Ledrain Une langue franche et ferme, de l’esprit mêlé à beaucoup de sentiment, quelque chose d’honnête et d’enthousiaste, une pensée toujours élevée, telles sont les principales qualités qui marquent les pièces de M. 

3397. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Beauvoir, Roger de (1809-1866) »

Auguste Desplaces L’auteur de la Cape et l’Épée est un de ces charmants esprits qui ont pour lyre une mandoline et dont la voix n’a jamais plus de fraîcheur que les soirs de printemps, sous les balcons, lorsque des yeux très éveillés luisent à travers la persienne.

3398. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hannon, Théodore (1851-1916) »

Esprit précieux, contourné, alambiqué parfois, mais toujours singulier et troublant, ce poète, épris d’un amour désordonné des mots, est à coup sûr l’un des plus étourdissants coloristes que je connaisse !

3399. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Cardonnel, Louis (1862-1936) »

Les poètes, ses pairs, le tiennent en haute estime ; les cérébraux, ses frères, le disent un Esprit.

3400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Morice, Charles (1861-1919) »

. — L’Esprit belge (1899). — Auguste Rodin (1900). — Le Rêve de vivre, poèmes (1900).

3401. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 138-139

La politique fut sa manie dominante ; c’est pourquoi tout ce qu’il a composé se ressent du penchant naturel de son esprit.

3402. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 145-146

Il y a réussi par une Histoire intitulée l’Esprit de la Ligue, réimprimée depuis peu.

3403. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 152-153

Son imagination y paroît féconde, mais peu réglée ; son esprit aisé, mais minutieux & trop enclin à la satire ; son style naturel, mais diffus & très-négligé.

3404. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 305

Il n’en sera donc pas moins, malgré M. de Voltaire & ses suppôts, un Historien judicieux, un homme d’esprit & de goût, un Ecrivain correct, agréable, & quelquefois élégant.

3405. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 381-382

Brienne, [Henri-Louis de Lomenie, Comte de] fils du précédent, mort en 1698, cultiva les Lettres avec des talens propres à le distinguer, si les fréquens voyages, ses aventures & la tournure de son esprit un peu romanesque, n’eussent trop favorisé les écarts de son imagination.

3406. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 509

Chrysostome, dont il paroît avoir saisi l’esprit, le feu & les mouvemens.

3407. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 182

Ses jugemens sur les différens Ouvrages de cet Ecrivain supposent de l’esprit, un grand fonds de Littérature, & le talent de s’exprimer avec autant d’élégance que de correction ; mais ils sentent trop le louangeur enthousiaste.

3408. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 64-65

Sa Rhétorique, ou l’Art de parler, sans être le meilleur Ouvrage que nous ayons dans cette partie, est néanmoins très-propre, par l’érudition & la profondeur des réflexions qui y dominent, à former l’esprit, & à lui faire contracter l’heureuse habitude de juger des choses sur des principes clairs & solides.

3409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 69-70

La facilité de se faire une réputation chez les esprits frivoles, les dispense de tout travail.

3410. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 135-136

Linant sera toujours, à notre jugement, un de ces esprits subalternes, qui ne savent exister qu’en s’attachant, pour ainsi dire, au service de quelques Hommes célebres.

3411. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 257

Parmi les choses senties avec esprit & exprimées avec élégance, qu’on rencontre dans son Oraison funebre Henriette d’Angleterre, on peut citer ce morceau, où, parlant des Princes, il dit : « Qu’ils s’imaginent avoir un ascendant de raison, comme de puissance ; qu’ils mettent leurs opinions au même rang que leurs personnes, & qu’ils sont bien aises, quand on a l’honneur de disputer avec eux, qu’on se souvienne qu’ils commandent à des Légions ».

3412. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 269-270

Mais il est certain qu’il s’est attiré beaucoup de disgraces, par son imprudence & l’inquiétude de son esprit, qui le portoit sans cesse au changement.

3413. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » p. 435

Une mémoire prodigieuse, une grande application à l’étude, beaucoup de jugement & de justesse dans l’esprit, une érudition vaste, du talent, mais trop de facilité pour la Poésie, voilà ce qui caractérise ce Littérateur.

3414. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 464

A juger du caractere de son esprit par ses Ouvrages, il l’avoit délicat, orné, facile, & fort gai.

3415. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 515-516

Le sacré & le profane, la dévotion & la galanterie, le sérieux & le comique, l’histoire & la fiction, les traits d’esprit & les platitudes, la raison & la folie, y forment un tissu bizarre qui amuse toutefois le Lecteur, même le plus difficile, par des saillies toujours variées & toujours imprévues.

3416. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 563-564

Celui qui est intitulé Zamor & Almanzine, ou l’Inutilité de l’esprit & du bon sens, prouve tout au plus que l’Auteur manque de ces deux qualités, dont la premiere est pourtant indispensable quand on veut amuser & instruire, & dont la seconde doit empêcher d’écrire quand on ne sait être agréable ni instructif.

3417. (1864) William Shakespeare « Préface »

À l’occasion de Shakespeare, toutes les questions qui touchent à l’art se sont présentées à son esprit.

3418. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Jollain »

Jollain l’amour enchaîné par les grâces. imaginez l’amour assis sur une petite éminence au milieu des trois grâces accroupies ; et ces grâces n’en ayant ni dans leurs attitudes, ni dans leurs caractères, maussadement groupées, maussadement peintes ; la tête de l’amour si féminisée qu’on s’y tromperait, même à jeûn ; ni finesse, ni mouvement, ni esprit.

3419. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Explication du titre de la seconde section. »

L’amitié, la tendresse paternelle, filiale et conjugale, la religion, dans quelques caractères, ont beaucoup des inconvénients des passions, et dans d’autres, ces mêmes affections donnent la plupart des avantages des ressources qu’on trouve en soi ; l’exigence, c’est-à-dire le besoin d’un retour quelconque de la part des autres, est le point de ressemblance par lequel l’amitié et les sentiments de la nature se rapprochent des peines de l’amour, et quand la religion est du fanatisme, tout ce que j’ai dit de l’esprit de parti s’applique entièrement à elle.

3420. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Fèvre-Deumier, Jules (1797-1857) »

Tous deux, esprits brûlants et agités, ont proféré d’une voix forte de ces cris éloquents qui partent des profondeurs d’une âme en proie à toutes les orageuses anxiétés du poète.

3421. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Legrand, Marc (1865-1908) »

Charles Guérin J’estime l’Âme antique, parce que c’est un livre simple et de formes sereines ; il n’apaisera point ceux qui sont tristes, pas plus qu’il n’inquiétera ceux qui sont calmes, mais il flattera les esprits classiques qui aiment la nature vue à travers les bons auteurs.

3422. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lombard, Jean (1854-1891) »

Octave Mirbeau Un puissant et probe écrivain, un esprit hanté par des rêves grandioses et des visions superbes, un de ceux, très rares, en qui se confiait notre espoir, Jean Lombard, l’auteur de l’Agonie et de Byzance , est mort.

3423. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mourey, Gabriel (1865-1943) »

Jean Lombard Un poète d’un charme alanguissant, d’un esprit plutôt septentrional que chauffé à blanc par nos soleils méridionaux, telles sont les Flammes mortes de M. 

3424. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pomairols, Charles de (1843-1916) »

Pomairols un des esprits les plus élevés de ce temps.

3425. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ricard, Louis-Xavier de (1843-1911) »

. — L’Esprit politique de la réforme (1893). — Dans l’autre monde (1897). — La Catalane, drame (1899).

3426. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre V » pp. 48-49

Nous y voyons ensuite se contracter une triple alliance entre les gens de cour du plus d’esprit, les gens du monde choisis, et les hommes de lettres dont plusieurs sont encore aujourd’hui considérés dans la littérature ; alliance qui n’a fait que s’étendre et se resserre jusqu’au temps de la révolution.

3427. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 255-256

L’obscurité de ses idées, & la diffusion de son style, le placent au rang de ces Auteurs qui sont peut-être capables d’étudier avec fruit pour eux-mêmes, mais peu propres à éclairer l’esprit des autres.

3428. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 280-281

L’esprit assaisonné par la délicatesse du sentiment, est toujours sûr de plaire.

3429. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 282-283

Les richesses de l’imagination, les graces de l’esprit, la délicatesse du sentiment, la vivacité de l’expression, qui brillent dans les Productions de sa jeunesse, sont la plus foible partie de sa gloire.

3430. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 289-290

Ses Stances ont une tournure, une cadence qui plaît à l’oreille, en même temps que les pensées qu’elles contiennent, pénetrent le cœur & flattent l’esprit.

3431. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 291-292

Sa pénétration à démêler les piéges de l’incrédulité, son courage à les mettre au grand jour, son habileté à en parer les coups, lui ont attiré les sarcasmes de ces esprits forts contre tout, excepté ce qui blesse leur amour-propre ; mais il a fait voir par ses lumieres, autant que par sa modération, combien il est facile d’être supérieur à leurs manéges, à leurs attaques & à leurs insultes.

3432. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 341-342

Chevalier de] Un ton naturel de gaieté & de badinage, cet air d’aisance qu’on ne puise qu’à la Cour, ce molle atque facetum si précieux & si rare, caractérisent éminemment ses Poésies, qui ne sont pas encore recueillies en un corps de volume comme celles de l’Abbé Chaulieu, qu’il paroît s’être proposé pour modele, & qu’il surpasse par la correction du style & par les agrémens qui ne naissent que de l’esprit.

3433. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 396-397

Si l’on en croit cependant plusieurs Littérateurs qui l’ont connu, il avoit beaucoup d’esprit, une érudition vaste, & de la facilité pour écrire.

3434. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 64

COULANGES, [Philippe-Emmanuel de] Maître des Requêtes, né à Paris en 1631, mort dans la même ville en 1716 ; l’Anacréon du siecle dernier, & l’agrément des Sociétés de son temps, par la vivacité de son esprit & la gaieté de son caractere.

3435. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 214-215

Si l’Ecrivain n’y est pas politique aussi profond, que l’esprit actuel des Gouvernemens semble l’exiger, les vûes y sont du moins saines, les principes sagement discutés, les réflexions justes & lumineuses, la morale utile & irréprochable.

3436. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 366

Ces Contes, faits pour amuser des enfans, ne laissent pas d’être lus avec avidité, parce que tous les hommes s’enflamment aisément pour le merveilleux, & que la fécondité qui caractérise l’imagination arabesque, y a répandu certains traits capables de flatter un moment les esprits.

3437. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 95-96

Ce genre est l’Histoire, dont il a défiguré l’esprit & le style, en la surchargeant de traits plus oratoires qu’historiques, d’une intempérance de figures, d’un luxe d’expressions déplacées, d’une affectation de grands mots qui ne produisent que des sons, lorsqu’on a droit d’attendre des réflexions ou des faits.

3438. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 275-276

Tour à tour Géometre, Astronome, Naturaliste, Géographe, Moraliste, il est partout Ecrivain instructif & amusant, parce que les leçons plaisent toujours quand elles n’ont point l’air de leçons, & quand on a l’art d’éclairer l’esprit, sans le rebuter par un ton dogmatique.

3439. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 228-229

Un tel projet n’est-il pas plus digne d’un bon Citoyen, plus utile à la Patrie, plus glorieux aux vrais talens, que celui d’empoisonner la Nation par des travers philosophiques qui la dégradent, & de substituer à l’élévation, à la franchise, à la générosité, à la gaieté, qui firent toujours l’ame du génie François, des vapeurs mélancoliques, la folle manie du raisonnement, l’esprit d’indépendance, le persiflage, & l’inertie ?

3440. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 302-303

A M. le Comte de Barruel, Capitaine de Dragons au Régiment de Belzunce, connu à la Cour par des Vers de Société, que nos meilleurs Poëtes ne désavoueroient pas ; mais sur-tout estimé & chéri de ceux qui attachent encore plus de prix aux qualités du cœur qu'aux agrémens de l'esprit.

3441. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Mais l’esprit de routine est si difficile à vaincre, que Petitot, dans sa collection, d’ailleurs estimable, des mémoires relatifs à l’histoire de France, entreprise vers 1819, n’osa se décider à mettre le bon texte de Joinville, qui était en lumière depuis 1761. […] Le roi mande ses barons à Paris, et leur fait faire serment qu’ils porteront foi et loyauté à ses enfants si aucune chose fâcheuse lui advient dans le voyage : « Il me le demanda, dit Joinville ; mais je ne voulus point faire de serment, car je n’étais pas son homme. » L’amitié si tendre qui bientôt attachera Joinville à saint Louis laissera toujours subsister cependant ce coin d’indépendance féodale et personnelle, ou plutôt cet esprit de légalité qui consistait à dépendre avant tout et à relever du seigneur immédiat. […] On dirait que les objets sont nés dans le monde le jour ou il les a vus… J’ai déjà remarqué ailleurs93 qu’à l’autre extrémité de la chaîne historique on a tout le contraire de cette impression, quand on lit nos graves professeurs d’histoire d’aujourd’hui, nos auteurs de considérations politiques d’après Montesquieu, mais plus tristes que lui, tous ceux qui cherchent et prétendent donner la raison de tous les faits, l’explication profonde de tout ce qui se passe, qui n’admettent sur cette scène mobile ni l’imprévu, ni le jeu des petites causes souvent aussi efficaces que les grandes ; esprits de mérite, mais ternes et laborieux, ployant sous le faix de la maturité autant que Joinville errait et voltigeait par trop de candeur et d’enfance94.

3442. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

La fondation de l’Académie française par Richelieu (1635) ne fut que la reconnaissance publique et, pour ainsi dire, la promulgation officielle de ce besoin des esprits qui réclamait plus ou moins son organe et son Conseil supérieur de perfectionnement en fait d’élocution. […] Tandis que Corneille redouble et produit sur la scène cette série de chefs-d’œuvre grandioses et trop inégaux, l’éducation des esprits se poursuit concurremment et se continue de moins haut par les romans des Gomberville, des Scudéry, par les traductions de d’Ablancourt, par les lettres des successeurs et des émules de Balzac et de Voiture, par les écrits théologiques d’Arnauld et de Messieurs de Port-Royal : — autant d’instituteurs du goût public, chacun dans sa ligne et à son moment. […] Ce qui suit va répondre plus directement à la plaisanterie de Voiture et des gens d’esprit plus malins que sérieux : « Mais quand ces Remarques ne serviraient que vingt-cinq ou trente ans, ne seraient-elles pas bien employées ?

3443. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Le protestantisme, au xixe  siècle, a eu comme le catholicisme son esprit nouveau qui a soufflé dessus et qui lui a rendu une nouvelle fraîcheur, au moins à la surface, et un peu aussi au fond. Il y a eu dans les deux communions des réveils, des coups de baguette impérieux et puissants, des coups de trompette, de grands talents, de belles âmes éloquentes, ardentes, qui ont essayé de fondre les divisions artificielles, de dégager le vrai courant, de reporter les esprits aux hauteurs et aux sources, de ne s’attacher qu’à ce qui est la vie ; et je le dirai avec la conscience de ne faire injure à aucun, s’il y a eu d’un côté Lacordaire, ce regard flamboyant, cette parole de feu, on a eu de l’autre Adolphe Monod, cette âme d’orateur et d’athlète chrétien qui, à ceux qui l’ont vue de près dans son agonie suprême, a rappelé le martyre et l’héroïsme de Pascal. […] Elle monte d’un élan, et moi, selon que va mon cœur, selon que va ma prière, j’adore aussi dans mon langage ; voilà tout. — Il ne fut jamais bestiole plus pauvre, il n’y eut jamais esprit moins calculateur ; je vais le long de mon sentier, je cueille ce qui se présente, je me sens un grand amour pour tout ce qui est beau.

3444. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Il n’était pas sans un certain goût pour les vers, les couplets, ce qu’on appelle les choses de l’esprit. […] Mais ne lui demandez pas l’esprit d’observation ni aucun esprit philosophique.

3445. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Un frère, un aîné, homme d’esprit et de talent, s’oubliait avec bonheur en ce frère préféré, qui devenait le chef des siens. […] L’accueil incertain fait à sa Princesse Aurélie, à cette comédie demi-capricieuse, demi-satirique que des gens d’esprit ne croient pas encore jugée, parut, quoi qu’il en soit, un premier symptôme. […] Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup.

3446. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

» telle est l’idée qui naît irrésistiblement dans l’esprit de Germain, en la voyant si avisée, si industrieuse. […] Cette petite fille, qui se montre d’abord toute laide, qui ne se soigne pas plus qu’un méchant garçon, et qui est la bête noire du village, mais qui, au fond, se trouve avoir toutes les qualités de l’esprit, de l’imagination et du cœur, et qui finit même, sous l’éclair de l’amour, par se métamorphoser en beauté, cette petite Fanchon Fadet qui, sous sa verve de lutinerie, cache des trésors de sagesse, remplit ici le rôle qui est volontiers réparti aux femmes dans les romans de Mme Sand ; car elles y ont toujours le beau rôle, le rôle supérieur et initiateur. […] La marquise de Rambouillet avait coutume de dire : « Les esprits doux et amateurs des belles-lettres ne trouvent jamais leur compte à la campagne. » Cette impression a duré longtemps ; tout le xviie  siècle et une partie du xviiie en sont restés plus ou moins sur cette idée de Mme de Rambouillet, qui est celle de toute société polie et, avant tout, spirituelle.

3447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Ampère, a réuni, en 1850, à la suite de ses esquisses de voyages, ses Heures de poésie, où il a recueilli l’esprit même des choses diverses qu’il a étudiées, et quelques notes sensibles d’une âme délicate : on distingue surtout les stances sur Le Nil, qui sont d’un beau et large sentiment62. […] Des poètes sérieux, consciencieux, élevés, y travaillent, et, si le public n’est pas familiarisé avec leurs noms, c’est qu’en France ce n’est que par le sentiment et la passion dramatique, et aussi par un coin d’esprit qu’on y mêle, que le public peut accepter, j’ai presque dit, peut pardonner la poésie : à l’état pur, elle n’existe guère que pour les poètes entre eux. […] Jeune, mais déjà mûr, d’un esprit ferme et haut, nourri des études antiques et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en combiner l’imitation avec une pensée philosophique plus avancée et avec un sentiment très présent de la nature.

3448. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Ces objections et beaucoup d’autres que tout esprit sensé pouvait faire, n’empêchaient pas le succès dû à la nouveauté, à l’enchantement et à la grâce. […]  » Cet applaudissement frondeur donné à un mot qui n’avait certes point une intention si profonde, mais qui rappelait un autre mot récent de Chateaubriand sur Néron dans le Mercure, nous marque du moins la disposition d’esprit de cet auditoire élégant et nous le fait voir tel qu’il était, très peu préparé à se soulever tout entier d’enthousiasme et à faire crouler les voûtes de la salle sous ses applaudissements, pour cette péroraison toute napoléonienne et un peu romantique de Bernardin. […] Villemain, de notre éloquent secrétaire perpétuel, si j’avais besoin de m’excuser, je dirais hautement : Membre de l’Académie française, j’ai le droit de relever, de la seule manière qui puisse le toucher, l’organe de la compagnie là où il abuse publiquement de son rôle de rapporteur pour y glisser contrairement aux convenances, contrairement aux intentions de beaucoup de membres, ses passions personnelles : biographe littéraire, je souffre toutes les fois que je vois des critiques éminents à tant d’égards et en possession d’un art merveilleux, mais des esprits plus nés évidemment pour la louange ou la fine satire que pour l’histoire, ne songer à tirer parti des faits que pour les fausser dans le sens de l’effet passager et de l’applaudissement.

3449. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Vient-il à s’égayer, à être spirituel, c’est de l’esprit de cabotin qui monte sur sa mince lèvre. […] Marcelin se jette sur lui, l’entraîne dans une autre pièce, et je l’entends lui donner, en phrases à la Napoléon, l’esprit d’un article sur le shah de Perse. […] On causa, on parla de la philosophie de la forme des objets, et on parla de Dieu, auquel ils ne croient pas, ne croyant guère qu’aux esprits, à des manifestations des âmes des trépassés.

3450. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deschamps, Émile (1791-1871) »

Alphonse de Lamartine Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de Madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie.

3451. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marsolleau, Louis (1864-1935) »

Nous avons raison dégoûter son esprit d’enfer et la délicatesse de son ironie, parfois lyrique, plus rarement sentimentale.

3452. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Morhardt, Mathias (1863-1939) »

.), il devient le plus charmant causeur, l’esprit le plus délié, le critique d’art le mieux informé.

3453. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Plessis, Frédéric (1851-1942) »

Anatole France J’entends par bien aimer les vers, en aimer peu, n’en aimer que d’exquis et sentir ce qu’ils contiennent d’âme et de destinée ; car les plus belles formes ne valent que par l’esprit qui les anime.

3454. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Polonius, Jean = Labenski, Ksaveri Ksaverievitch (1800-1855) »

Sainte-Beuve Jean Polonius n’est pas un précurseur de Lamartine ; il l’a suivi et peut servir très distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents… La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit, a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé ; ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a succédé.

3455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 320-321

On ne lit plus ses Tragédies, ni ses Comédies, ni ses Tragi-Comédies, ni ses Romans : on se souvient seulement que l’agrément de son esprit l’introduisit fort avant dans la familiarité du Cardinal de Richelieu.

3456. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 339-340

On y voit un Ecrivain zélé pour les vrais principes, qui les développe & les défend avec une supériorité d’esprit & de raison qui ne laisse rien à désirer.

3457. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 426-427

Les immenses Productions qu’on a de lui, prouvent d’abord son amour pour l’étude & son opiniâtreté pour le travail, & c’est déjà beaucoup en faveur de cet Ecrivain ; mais son style toujours diffus & incorrect, la marche de son esprit plus méthodique que subtile, son érudition plus étendue que choisie, sa critique plus minutieuse que profonde, dérobent à ses Ecrits la plus grande partie de la gloire qu’il auroit pu en retirer.

3458. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 515-516

On n’y trouve point, à la vérité, ces traits de force qui étonnent l’Auditeur, ces tableaux énergiques qui le frappent, ces grands mouvemens qui l’entraînent : mais il est aussi très-éloigné de cette affectation de descriptions frivoles, plus propres à amuser qu’à instruire ; de ces portraits où l’on s’occupe plus du coloris, que de la vérité ; de cette recherche d’esprit qui éteint le feu de l’action, & invite à croire qu’on n’est pas plus persuadé soi-même, qu’on ne s’inquiete de persuader les autres ; de ces pensées plus fines que solides ; de ces tours plus brillans que naturels ; de ces expressions plus mondaines qu’oratoires ; ressources indignes de la majesté de la Chaire, & plus ajustées au ton des fauteuils académiques, où le sommeil de celui qui parle, est le précurseur de celui des personnes qui écoutent.

3459. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 165-166

Quand la science est animée par l’esprit de Religion, bien loin de nuire aux vertus du cloître, elle ne peut que les rendre plus éclairées, plus solides, & plus respectables : l’Abbé de la Trappe en étoit un exemple lui-même.

3460. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 417-418

il s’y trouvera peut-être des Gens d’esprit qui les liront avec plaisir.

3461. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 517-518

On doit s’attendre, après cela, à ne pas trouver, dans ses Ouvrages, ce caractere d’exactitude & de perfection que le temps seul peut donner aux Productions de l’esprit ; mais on ne peut lui refuser de la netteté, de la méthode, une lecture immense, quelquefois une imagination vive, jointe à un style léger, mais souvent incorrect.

3462. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 552-553

Ils purent bien comparer sa Phédre à celle de Racine, faire des Sonnets, débiter des Plaisanteries, cabaler dans les Sociétés de leur temps, ressource ordinaire des Présidens & Présidentes des Bureaux d’esprit ; le pauvre Pradon n’y gagna que du ridicule.

3463. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 560-561

Ses diverses Magasins sont des sources fécondes d’où la Religion, l’Histoire, la Morale, les premiers élémens des Sciences, coulent comme d’eux-mêmes, & s’insinuent sans effort dans l’esprit & dans le cœur des jeunes personnes les moins attentives & les plus dissipées.

3464. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 76-77

D'après de tels sentimens, il ne faut plus s'étonner de la franchise avec laquelle il raconte des événemens si opposés à l'esprit de son état & à sa propre gloire ; il semble qu'il n'ait écrit que pour médire de lui-même.

3465. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 290-291

Une pareille injustice ne contribue pas peu à faire connoître les écarts dans lesquels l'esprit de parti est capable de précipiter.

3466. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Perroneau » p. 172

La plupart des portraits de Perronneau sont faits avec esprit.

3467. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 48, des estampes et des poëmes en prose » pp. 484-485

Un particulier peut même mettre dans son cabinet, tout l’esprit et toute la poësie qui sont dans des chef-d’oeuvres, dont les beautez sembloient reservées pour les cabinets des princes, ou de ceux qui se sont rendus aussi riches qu’eux en maniant leurs finances.

3468. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VIII. Du pathétique »

Les couplets les plus passionnés et les plus touchants de Racine, l’explosion de fureur d’Hermione, la prière de Clytemnestre pour sa fille, sont de longues chaînes de raisons, qui mènent l’esprit de l’auditeur à une conséquence logique, conforme à l’émotion dont son cœur est pénétré.

3469. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Claudel, Paul (1868-1955) »

C’est de plus un esprit hors ligne.

3470. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebey, André (1877-1938) »

Il est plutôt un des récents écrivains qui ont précisé certain état d’âme ou d’esprit dont souffrent bien des jeunes hommes de cette génération.

3471. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Mouël, Eugène (1859-1934) »

Distincts par le rythme et par l’étendue, mais reliés entre eux par le même objet d’observation et d’attendrissement qui est l’enfance en Bretagne, chacun des morceaux qu’il contient contribue à former un charmant ensemble qui fait honneur à la sincérité du poète, à son esprit et à son cœur.

3472. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 316-317

C’est un malheur pour lui de n’avoir pas existé de nos jours : son orgueil cesseroit d’être ridicule, s’il étoit érigé, comme à present, en esprit de Corps.

3473. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 48-49

« La distance qui étoit entre leurs esprits, dit M. l’Abbé de Voisenon, n’en mit aucune dans leurs cœurs.

3474. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 527-528

Cette remarque ne nous empêchera pas de dire à sa louange, que, malgré son zele pour l’Encyclopédie, l’esprit philosophique ne l’a jamais entraîné dans aucun de ces démêlés, où la Philosophie de notre siecle a si fort prouvé combien elle étoit éloignée de la véritable Philosophie.

3475. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 16-17

La diversité des objets auxquels il s’est attaché, l’a sans doute empêché, non de réussir, mais d’exceller dans aucun genre, comme la trempe de son esprit sembloit l’annoncer.

3476. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 156-157

L’intérêt & l’utilité y fixent tour-à-tour l’esprit du Lecteur, que l’Historien fait captiver par un mélange de méthode, de clarté, de critique, d’élégance.

3477. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 232-233

Marot possédoit, au plus haut degré, cette tournure d’esprit qui rend les plus petites bagatelles intéressantes.

3478. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 295-296

Mercier a aussi exercé sa plume à des Eloges historiques, tels que ceux de Charles V & de Descartes ; à des Réflexions sur l’Art dramatique, où, parmi plusieurs hérésies littéraires, on trouve des idées neuves & vraiment instructives ; à des Songes philosophiques, propres à donner une idée de ce qu’il pourroit faire de bon, avec l’esprit & la facilité de penser qu’il a reçus de la Nature, s’il vouloit s’appliquer à être simple, naturel, & donner à son style cette chaleur qui suppose de l’ame, & fait vivre les Productions.

3479. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 525-526

Pluche aura la gloire d’avoir contribué à faire naître, parmi nous, le goût de la Physique & de l’Histoire Naturelle ; ce qui suppose l’art de communiquer ses connoissances d’une maniere intéressante, & de les rendre, en quelque sorte, familieres à tous les esprits.

3480. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 530-531

Mémoire prodigieuse, imagination brillante & féconde, esprit vaste & flexible, également propre aux Affaires, aux Sciences, aux Belles-Lettres, tout s’est réuni pour en former un de ces hommes destinés à faire honneur à leur Siecle par leurs talens, & par l’heureux usage qu’ils en ont fait.

3481. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 105-106

Rien de plus ressemblant que la tournure d'esprit de ces deux Métaphysiciens énigmatiques.

3482. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 159-160

La Censure ne doit être employée que pour corriger les Hommes ; l'esprit n'y doit semer de l'agrément que pour la rendre plus saillante, & par-là plus utile.

3483. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VII. Philippe de Commines et Rollin. »

Comme écrivain de Vie, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque ; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n’a souvent que le bon esprit d’être simple ; il court volontiers après la pensée : ce n’est qu’un agréable imposteur en tours naïfs.

3484. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot » p. 104

Nous avons beaucoup d’artistes ; peu de bons ; pas un excellent ; ils choisissent de beaux sujets ; mais la force leur manque ; ils n’ont ni esprit, ni élévation, ni chaleur, ni imagination.

3485. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Alfred de Vigny disait d’elle qu’elle était « le plus grand esprit féminin de notre temps. » Je me contenterais de l’appeler « l’âme féminine la plus pleine de courage, de tendresse et de miséricorde. » — Béranger lui écrivait : « Une sensibilité exquise distingue vos productions et se révèle dans toutes vos paroles. » — Brizeux l’a appelée : « Belle âme au timbre d’or. » — Victor Hugo, enfin, lui a écrit, et cette fois sans que la parole sous sa plume dépasse en rien l’idée : « Vous êtes la femme même, vous êtes la poésie même. — Vous êtes un talent charmant, le talent de femme le plus pénétrant que je connaisse. » Et un seul mot en finissant pour ceux et celles qui trouveraient que j’ai parlé bien longuement des douleurs de Mme Valmore, et qui, se reportant à leurs propres peines, seraient tentés de dire : « Et moi donc, suis-je sur des roses ?  […] Mais le propre de la douleur en Mme Valmore et ce qui la différencie des autres, c’est qu’elle lui laissait la pleine liberté d’esprit et le mouvement spontané de cœur vers toutes les douleurs environnantes ; c’est qu’elle n’était jamais assez remplie de sa douleur à elle pour ne pas rester ouverte à toutes celles des autres : « … Que de chagrins étrangers à nous se mêlent aux nôtres !

3486. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

C’est que, nous avons beau faire effort pour nous affranchir, il est des cas où, en vertu de notre éducation, nous fixons malgré nous des limites à la liberté d’esprit, et nous sommes tout prêts à la nommer autrement quand elle insulte à certains sentiments que nous jugeons sacrés et hors de discussion. […] « Si, après cela, vous m’accusez d’être fils dénaturé, vous ne raisonnez pas, votre opinion n’est qu’un vain bruit et périra avec vous. » Et il y revient encore avec un acharnement maladif : « Ou vous niez la vertu, ou mon père a été un vilain scélérat à mon égard ; quelque faiblesse que j’aie encore pour cet homme, voilà la vérité, et je suis prêt à, vous le prouver par écrit à la première réquisition. » Or, il paraît bien que ce père était un homme assez rude et désagréable ; mais, si vous songez que ce tyran, n’ayant lui-même que dix mille francs de rente, faisait à son fils, alors âgé de vingt-deux ans, une pension de deux mille quatre cents francs qui en vaudraient plus de cinq mille aujourd’hui ; que Stendhal avait, en outre, une rente de mille francs qui lui venait de sa mère et que, si l’argent lui avait manqué pour se soigner, c’est qu’il en dépensait beaucoup pour ses habits et pour le théâtre, vous verrez peut-être autre chose que de l’indépendance d’esprit dans cette furieuse impiété filiale.

3487. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Il préféra quitter la vie dans la parfaite clarté de son esprit, et attendre avec une pleine conscience la mort qu’il avait voulue et appelée. […] Tout à coup, il poussa un cri terrible 1191, où les uns entendirent : « Ô Père, je remets mon esprit entre tes mains ! 

3488. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Il a bien l’air d’un petit enthousiaste à qui ses parens ont tant répété qu’il était charmant, qu’il avait de l’esprit comme un ange, et qu’en vérité, il était le messie, le sauveur de sa nation, qu’il n’en doute pas. à droite, deux pharisiens l’écoutent debout ; on voit toute la figure de l’un, on ne voit que la tête de l’autre entre le premier et la colonne du temple qui termine le tableau de ce côté. […] Si Boileau avait raison de dire : la plus belle pensée ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée jugez d’un chant sous lequel l’harmonie serait raboteuse et dure, d’un tableau qui pèche par l’accord des couleurs et l’entente des ombres et des lumières.

3489. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Pourquoi Bossuet eût-il nié le mérite d’un ouvrage indifférent comme Télémaque, lui qui, en pleine polémique du Quiétisme, disait impartialement de Fénelon : « Il brille d’esprit, il est tout esprit, il en a plus que moi. » L’accusation ne tient pas debout.‌

3490. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Cette glorieuse descendance a eu probablement son ivresse… Pour peu qu’on ait du même sang et de la même chair, on se croit un peu du même esprit. […] Cette femme, qui n’était pas un bas-bleu, quoiqu’elle ait écrit, cette femme qui heureusement pour elle n’était qu’une femme et non pas un homme, comme le disaient les hommes, lesquels en disant cette sottise, croyaient lui faire un compliment, et à eux aussi, cette vraie femme de Mme de Staël, d’un cœur si passionné et si sincère et d’une sagacité si enflammée, est morte sans avoir révélé tout ce qu’elle avait, sans doute, vu dans l’âme et dans l’esprit de lord Byron.

3491. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

S’il y a un de ces traits de peintre qui restent, vivants et tenaces, sur la toile de nos esprits, comme, par exemple, celui de ces « loups affamés qui, de leurs flancs amaigris, faisaient ceinture aux monastères, et, de leurs hurlements, répons aux psaumes chantés par les moines, aux offices de nuit », allez ! […] La forme sine qua non de son esprit, c’est le discours.

3492. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

III À son originalité dans la conception de son livre qui tient à ses idées premières, aux assises mêmes de son esprit, et qu’il met audacieusement, pour la première fois, sous cette forme difficile du conte, pour les faire mieux briller sous cette forme vivante, comme on retourne et l’on fait jouer un diamant à la lumière du jour pour l’épuiser de tous ses feux, Ernest Hello ajoute aujourd’hui une originalité qui n’est plus celle de ses idées, mais de leur expression et de la vie spéciale qu’il sait leur donner, et il obtient ce résultat superbe que l’exécution de l’artiste vaut la conception du penseur ! […] Ces contes religieux, métaphysiques et flambant de mysticité, sans amour terrestre, sans les petites femmes qu’il faut fourrer partout dans ses livres, si l’on veut avoir du succès, sont bien virils et bien relevés pour la génération efféminée et abjecte des esprits modernes.

3493. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Il aimait beaucoup de choses avant la gloire ; car pour les esprits très hauts et très purs, il y a beaucoup de ces choses-là qui doivent passer avant elle. […] C’est un panthéiste qui, pour être profond et puissant, n’est ni trouble, ni confus, comme tous les esprits qui inclinent au panthéisme, aussi bien en poésie qu’en philosophie, aussi bien dans le sentiment que dans l’abstraction.

3494. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

a une magie qui met la vision, dans l’esprit du lecteur, à la place de la pensée. […] Il a conquis la naïveté qu’on ne conquiert pas d’ordinaire, ce verre d’eau de source que le plus brillant ou le plus charmant talent n’a pas toujours à nous offrir, et qui est le meilleur breuvage, pour nos esprits et pour nos âmes, que le génie lui-même puisse nous donner !

3495. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Les mille questions grosses de rêveries qui viennent à l’esprit sur ces êtres deux fois mystérieux qui sont en même temps poètes et femmes, on ne les fera donc point parce qu’on n’y répondrait pas. […] Ôtez le sexe à son talent, le sexe qui, pour tant d’esprits, en fait le charme ; ôtez la touche de la maternité qui retentit si longuement dans ses vers, gémissante, pure et sonore ; ôtez l’amour, l’amour des femmes, éternellement victime et qui veut l’être, entêtement et banalité de ces incroyables cœurs, et vous n’avez plus là, sous le nom de Valmore, qu’un de Musset moins spirituel, moins fringant, moins joli garçon et surtout moins coupable, et un Lamartine, devenu ruisselet, au lieu d’avoir l’abondance et l’ampleur qu’il a, ce grand fleuve de mélancolie !

3496. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Quand on l’a lu, quand on l’a fermé, quand on est loin et qu’on ne s’en rappelle que l’idée première, on le méprise, si on n’a que l’esprit droit, mais on le hait, si on a l’âme ardente ; car si les choses étaient ce que Pichat, cet Aruspice de l’avenir, dit qu’elles sont maintenant ou qu’elles vont être, toute poésie en mourrait du coup, et Pichat, cessant d’être poète, ne serait plus que le plus vulgaire des rêveurs. […]            Un froid chaste sur mon esprit.

3497. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Sarcey avec lequel je dîne, a quelque chose, dans la personne et l’esprit, de la jovialité d’un épais curé de campagne. […] Elle est vraiment curieuse, et la voici : Un faible d’esprit, épris de sa sœur, non absolument sensuellement, mais plutôt plastiquement, et un peu à la façon d’un, qui serait amoureux d’un rayon de soleil, était gênant pour l’établissement de la jeune fille. […] Il aurait été en train de faire un roman à deux ou trois personnages, mais il dit qu’il faut faire ce qui a été décidé… que c’est une habitude de son esprit… Et cependant, il aurait été bien tenté d’écrire un roman sur la maternité, ou plutôt autour de l’exploitation sur la maternité, sur laquelle vivent tant de gens à l’heure actuelle… ces maisons de pensionnaires… ces trous sombres où grouillent des femmes enceintes… des Callot, quoi… ce serait d’un comique noir… par là-dessus, si on trouvait une mère prise dans la modernité… une mère qui ne serait pas dessus de pendule… une mère bien en chair… il y aurait là, un beau livre à faire. […] Beaucoup de femmes demandent à la morphine un montant de l’esprit, un coup de fouet de la causerie. […] Aujourd’hui la conversation est sur la guerre, sur la baisse de la gloire militaire dans les esprits, sur la perte de 25 p. 100, qu’ont fait subir à cette vanité des temps passés, la blague des Militairiana, les romans des Erckmann-Chatrian, l’affaiblissement de l’idée de la Patrie.

3498. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVII » pp. 186-187

A propos de la brochure de M. de Ravignan, un homme d’esprit et de doctrine, connu par ses prédilections gallicanes et son opposition aux jésuites, disait : « Je ne l’ai pas lue encore, mais je lui accorderai tout ce qu’il voudra individuellement ; j’accorderai qu’il y a eu, qu’il y a des individus jésuites honnêtes gens, gens aimables, grands prédicateurs, grands mathématiciens, etc., etc. ; mais, comme association, comme Ordre, ils n’ont eu que ce qu’ils méritent, car les meilleurs peuvent à l’instant devenir mauvais et funestes par leur loi d’obéissance : c’est toujours le bâton dans la main de l’aveugle.

3499. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Frémine, Charles (1841-1906) »

Camille de Sainte-Croix Charles Frémine publie un recueil de poésies : Floréal, Chanson d’été, Bouquet d’automne, où son heureuse et libre nature s’épanche en vivantes confidences, exhalant une inlassable tendresse pour tous les francs esprits de nature, à la ville et aux champs.

3500. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Grenier, Édouard (1819-1901) »

Jules Lemaître Chacune de ses œuvres est un de ces rêves où l’on s’enferme et où l’on vit des mois et des ans, comme dans une tour enchantée… Il est le représentant distingué d’une génération d’esprits meilleure et plus saine que la nôtre.

3501. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Réja, Marcel (1873-1957) »

Marcel Réja comme un singulier artiste et un esprit volontaire et puissant.

3502. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 472-473

Un esprit froid, une ame symétrique, une imagination seche & stérile, un ton monotone, plein d’âpreté & de rudesse, sont des titres assurés pour être l’anathême des Muses épiques.

3503. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

« Né, dit-il, avec un esprit vif, élevé, entreprenant, une conception facile, une mémoire sûre, un génie subtil & délié, beaucoup de facilité à s’exprimer, un cœur faux & dissimulé, une ambition sans bornes, il se donna tout entier à l’étude, en sorte qu’il devint bon Grammairien, meilleur Rhétoricien, excellent Humaniste.

3504. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 271-272

Sédaine s'est plus attaché à peindre aux yeux qu'à l'esprit, & il faut convenir qu'il y a parfaitement réussi.

3505. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Errata. » pp. -

Délicatesse d’esprit, finesse de critique, &c.

3506. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Baudouin » p. 233

Baudouin Il y a dans son morceau du Prêtre catéchisant de jeunes filles, qui n’est du reste qu’un papier d’éventail, quelques physionomies d’esprit.

3507. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IX. De l’astronomie poétique » pp. 233-234

La force indéfinie de l’esprit humain se développant de plus en plus, et la contemplation du ciel, nécessaire pour prendre les augures, obligeant les peuples à l’observer sans cesse, le ciel s’éleva dans l’opinion des hommes, et avec lui s’élevèrent les dieux et les héros.

3508. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Le domaine royal de notre langue c’est la prose, la simple prose : l’esprit de la race vit en elle, triomphant. […] La vieille idée fédérale a regermé ; beaucoup de jeunes esprits ont rêvé d’une autonomie de la province et de la commune qui semblait avoir vécu avec les derniers Girondins. […] … Et le Blé lunaire, cette ballade à la Lune, sans le vif esprit de celle de Musset, combien n’est-elle pas plus exquise ! […] Nous pouvons pourtant affirmer que, depuis que l’esprit des hommes s’exerce aux arts et aux lettres, ils se sont naturellement groupés en Écoles. […] De vos mots nos esprits ont-ils de tels besoins ?

3509. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXII » pp. 131-132

Vivent les gens d’esprit pour suffire à tout !

3510. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXII » pp. 242-243

Ce sont là de bons travaux, et auxquels excelle l’esprit de notre temps.

3511. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Les fils  »

Saint-Marc Girardin, cet agréable badin, nous raille aujourd’hui dans le Journal des Débats sur ce que nous avons dit de l’hérédité des esprits en littérature40.

3512. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Ducoté, Édouard (1870-1929) »

Ducoté n’eût cédé à ce goût de pastiche qui sévit déplorablement et qui gâte plusieurs bons esprits.

3513. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gérardy, Paul (1870-1933) »

Paul Gérardy sont de courte haleine, trop courte parfois, mais, l’habitude qu’on lui sent de la fréquentation des esprits philosophiques les plus abstraits, encore qu’elle gêne presque toujours l’émotion vivace et lyrique, l’aide à donner à ses poèmes une signification très vaste ; quelquefois, à vrai dire, vague et brumeuse.

3514. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guimberteau, Léonce »

Lucrèce que, par une affinité secrète, l’esprit se reporte le plus volontiers en lisant l’œuvre de M. 

3515. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Murger, Henry (1822-1861) »

Il a peint avec une verve, un esprit et un sentiment qu’on ne dépassera pas, les mœurs exceptionnelles et fantasques d’une jeunesse qui, depuis, s’est peut-être un peu trop corrigée.

3516. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nolhac, Pierre de (1859-1936) »

Antony Valabrègue M. de Nolhac faisait partie, il y a une quinzaine d’années, d’un groupe de jeunes esprits attirés pour la plupart vers le haut enseignement, et qui, comme M. 

3517. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Privas, Xavier (1863-1927) »

Il manie l’ironie avec habileté et avec esprit.

3518. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 102-104

Son but étoit seulement de lui faire connoître combien il est facile & honteux de montrer de l’esprit, en employant les armes de la satire personnelle.

3519. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 131-133

Comme M. l’Abbé Liger étoit de bonne foi, il s’est fait un devoir de désavouer & de rétracter hautement ce Libelle, dès qu’il a eu connoissance de notre Lettre à un Journaliste, où nous avons pris la peine de réfuter cette absurde calomnie, en faveur des esprits faciles, qui auroient pu se laisser prévenir contre nous par la gravité du caractere du Libelliste & de son Instigateur.

3520. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 520-522

Bien des propos, qu’on lui a attribués dans la Société, ne sont pas de lui, ou peuvent être regardés comme les saillies d’un Esprit vif qui n’a pas toujours su se retenir.

3521. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 541-542

Sa latinité est moins pure & moins élégante que celle de son prédécesseur ; en revanche, il avoit plus d’esprit, plus d’élévation, plus de fécondité, un style plus vif & sur-tout plus nourri de pensées.

3522. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 174-175

On doit observer, pour l'intérêt de la vérité, que l'épouse de M. de la Sabliere n'a jamais composé aucun des Vers qu'on lui attribue, quoiqu'elle eût beaucoup d'esprit.

3523. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

Des idées riantes, des pensées délicates, des expressions pleines d'aisance & de douceur, sont propres à faire naître dans leur esprit cette aménité qui fait le charme du style.

3524. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 316-318

[Nos Romans modernes, fruit du libertinage de l'esprit & de la corruption des mœurs, n'avoient pas encore osé paroître.]

3525. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 427-429

Peu d'Historiens, dans toutes les Langues, ont possédé plus éminemment l'art d'attacher le Lecteur, de captiver son esprit, & de l'intéresser à son sujet.

3526. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 438-439

L'imagination & la gaieté naturelle de son esprit se font donné une libre carriere dans l'Ouvrage connu sous le nom de Comte de Gabalis.

3527. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

Nous croyons que telle est à cette heure la disposition des esprits.

3528. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fournier, Édouard (1819-1880) »

. — L’Esprit des autres (1855). — Variétés historiques et littéraires (1855-1863). — L’Hôtesse de Virgile, comédie en un acte et en vers (1859). — Le Vieux neuf (1859). — Énigmes des rues de Paris (1860). — Histoire du Pont-Neuf (1862). — Corneille à la butte Saint-Roch, comédie en un acte et en vers (1862). — La Fille de Molière, comédie en un acte et en vers (1863). — L’Espagne et ses comédiens (1864). — L’Art de la reliure (1864). — Racine à Uzès, comédie en un acte et en vers (1865). — La Valise de Molière, comédie en un acte et en prose (1868). — Gutenberg, drame en cinq actes et en vers (1869). — Le Théâtre et les pauvres (1869). — Les Prussiens chez nous (1871). — Le Théâtre français au xvie  et au xviie  siècle (1871). — La Farce de Maître Pathelin, avec traduction en vers modernes (1872). — Histoire de la butte des Moulins (1877). — Le Mystère de Robert-le-Diable, transcrit en vers modernes (1879)

3529. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gide, André (1869-1951) »

Gide est devenu, après maintes œuvres spirituelles, l’un des plus lumineux lévites de l’église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l’intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d’audacieux révélateurs inventeront son génie… Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignit l’originalité de l’âme.

3530. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tellier, Jules (1863-1889) »

Il manque autour d’eux ce je ne sais quoi qui les baigne comme d’un fluide pénétrant et fait qu’ils se prolongent en notre esprit et le mènent de rêve en rêve.

3531. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valéry, Paul (1871-1945) »

C’est à peine si de temps à autre, dans le Mercure de France, on voit son nom au bas d’études dont le titre « Méthodes » est significatif des abstractions et spéculations mathématiques où s’est jeté son esprit.

3532. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 374-376

Nous avons de Brebeuf d’autres Poésies qui ne sont point à dédaigner, tels que ses Entretiens solitaires, où la piété, la morale profonde, la poésie, les pensées énergiques, font éprouver au Lecteur des sentimens aussi favorables à l’esprit du Poëte, qu’à ses bonnes mœurs & à sa Religion.

3533. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 475-476

La trempe de l’esprit & du caractere de Chapelle, le portoit naturellement à la Poésie légere, & ne lui permettoit pas d’autre genre de travail.

3534. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

Ne seroit-il pas nécessaire, avant toutes choses, que le Siecle de Louis XIV, qu'on propose pour modele, fût corrigé par un homme instruit, véridique, & surtout moins enclin à débiter de petites anecdotes hasardées, soit pour appuyer le systême de l'Auteur, soit pour réveiller la curiosité des petits esprits qui adoptent bonnement toutes choses, pour peu qu'elles soient marquées au coin de la hardiesse & de la singularité ?

3535. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 171-172

C'est cependant ce qu'ils ont fait, d'une maniere offensante pour l'Auteur, à l'égard d'un de nos Ouvrages intitulé Tableau philosophique de l'Esprit de M. de Voltaire.

3536. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 424-425

Il est arrivé de là, que de petits Esprits, qui se mêlent cependant de décider, ont pris pour des éloges ce qui n'étoit dans le but de l'Ecrivain qu'une satire des ridicules systêmes qu'ils avoient follement adoptés.

3537. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 444-446

Même nom de baptême, nom également substitué à son vrai nom de famille ; il a fait, comme lui, époque* dans notre Littérature ; l’un & l’autre sont nés avec beaucoup d’esprit & de talent ; l’un & l’autre ont ambitionné la Monarchie Littéraire, & la manie de dominer leur a également suscité une foule d’ennemis ; tous deux ont habité successivement l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne & la Suisse ; tous deux ont été fêtés à la Cour des Rois, & tous deux, par la suite des événemens, ont été forcés de vivre loin de leur patrie.

3538. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Les dieux eux-mêmes sont de leur monde  Enfoncée par l’effort de toute une société et de tout un siècle, l’empreinte de la cour est si forte, qu’elle s’est gravée dans le détail comme dans l’ensemble et dans les choses de la matière comme dans les choses de l’esprit. […] Voilà le spectacle qu’il faudrait voir, non par l’imagination et d’après des textes incomplets, mais avec les yeux et sur place, pour comprendre l’esprit, l’effet, le triomphe de la culture monarchique ; dans une maison montée, le salon est la pièce principale ; et il n’y en eut jamais de plus éblouissant que celui-ci. […] Tant pis si elle absorbe son temps, son esprit, son âme, tout le meilleur de sa force active et de la force de l’État. […] De Paris à l’Isle-Adam, à Villers-Cotterets, au Frétoy, à la Planchette, à Soissons, à Reims, à Grisolles, à Sillery, à Braine, à Balincourt, au Vaudreuil, le comte et la comtesse de Genlis promènent ainsi leur loisir, leur esprit, leur gaieté, chez des amis qu’à leur tour ils reçoivent à Genlis  Un coup d’œil jeté sur les dehors de ces maisons suffirait pour montrer que le premier devoir en ce temps-là est d’être hospitalier, comme le premier besoin est d’être en compagnie218. […] Aubertin, l’Esprit public au dix-huitième siècle, 255.

3539. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

La grande épopée qu’il prépare, et dont nous possédons déjà mieux que des promesses, ne peut que gagner à ces mouvements d’un si noble esprit. […] Une des moralités qui transpirent de ce noble ouvrage, n’est-ce pas une conciliation insinuante de l’idée chrétienne, c’est-à-dire de l’esprit de sacrifice, avec les idées de travail et de liberté ? […] C’est à cette partie de sa vie que se rapportent les admirables enseignements, si appropriés à l’esprit de son troupeau, la parabole du Nil, des Deux Frères, la leçon d’astronomie aux enfants du village, terminée par le dialogue de l’Aigle et du Soleil. […] C’est ainsi que le Temps, par Dieu même conduit, Passe, pour avancer, sur ce qu’il a détruit ; Esprit saint !

3540. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Nous sommes donc dans une période de vie linguistique et peut-être à un moment très critique, car il s’agit de savoir si le peuple d’aujourd’hui a assez de souplesse et de curiosité d’esprit pour suivre une évolution qui se fait au-dessus de lui et que nos gérontes et nos mandarins lui cachent avec une jalousie de censeurs et de jésuites. […] A vrai dire, nous ne connaissons que des déformations ; nous ne connaissons que la forme particulière de nos esprits particuliers . […] Mais en même temps que les enfants apprennent dans les prisons scolaires ce que la vie seule leur enseignait autrefois et mieux, ils perdent sous la peur de la grammaire cette liberté d’esprit qui faisait une part si agréable à la fantaisie dans l’évolution verbale. […] La connaissance de quelques langues un peu éloignées suffit à purger l’esprit de cette croyance naïve ; l’étude de la transformation du latin en français est encore assez bonne pour nous détromper ; et il n’est pas mauvais, si l’on veut acquérir un bon degré de scepticisme sur ce point, d’apprendre résolument la langue française elle-même.

3541. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Car si l’on suppose une fois l’esprit suffisamment instruit, on le prive du plaisir de la surprise, auquel il s’attendait. […] Les anciens connaissaient peu cet art : au moins les Latins s’embarrassaient-ils peu de tenir ainsi l’esprit des spectateurs dans l’attente. […] L’exposition est la partie du poème dramatique dans laquelle l’auteur jette les fondements de la pièce, en exposant les faits de l’avant-scène qui doivent produire ceux qui vont arriver, en établissant les intérêts et les caractères des personnages qui doivent y avoir part, et surtout en dirigeant l’esprit et le cœur du côté de l’intérêt principal dont on veut les occuper. […] Le dialogue est proprement l’art de conduire l’action par les discours des personnages, tellement que chacun d’eux dise précisément ce qu’il doit dire ; que celui qui parle le premier dans une scène, l’entame par les choses que la passion et l’intérêt doivent offrir le plus naturellement à son esprit ; et que les autres acteurs lui répondent ou l’interrompent à propos, selon leur convenance particulière.

3542. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Vavasseur, Gustave (1819-1896) »

Il fut, avec Philippe de Chennevières, l’auteur des Contes de Jean de Falaise , d’un groupe d’esprits rares qui forma un moment une sorte de petite école dont la Normandie aurait le droit d’être fière et qui eût fait plus de bruit si les gens du pays du cidre étaient aussi retentissants et ardents et hardis que les félibres méridionaux.

3543. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quinet, Edgar (1803-1875) »

Il est vrai que, d’esprit, M. 

3544. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trimouillat, Pierre (1858-1929) »

Paul Thomas Esprit malin de l’observation caustique, il vous présente les hommes et les choses à travers l’ironie aimable de ses spirituels monologues et de ses chansons divertissantes.

3545. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

Rien n’est survenu depuis qui fût de nature à l’ébranler, et j’y persévère, comme en ce qui fait à la fois la règle et la joie de mon esprit.

3546. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Conclusions » pp. 178-180

On trouve même chez les symbolistes des poètes comme Albert Samain et Laurent Tailhade, restés fidèles à la formule parnassienne, mais tous sont imprégnés du même esprit nouveau et se marquent initiateurs par un certain côté de leur doctrine.

3547. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

Il est vrai qu’on n’y trouve rien, ou presque rien de neuf ; mais c’est beaucoup de s’attacher aux vérités connues, de les développer & de les mettre à la portée de tous les Esprits.

3548. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 430-432

La fermentation de son esprit, plus fait pour la solitude & le recueillement, que pour l’escrime littéraire, ne produisit que des Libelles aussi absurdes que platement écrits.

3549. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 78-80

Ce petit Ouvrage est précédé d'un Discours préliminaire qui renferme d'excellens principes de morale & de goût, qui prouvent que l'esprit de l'Auteur est plus propre à donner des leçons que des exemples.

3550. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

La seconde n’est, à ses yeux, qu’un esprit d’incertitude, de vertige, de révolte, qui tremble à l’idée d'un Dieu vengeur, qui voudroit se soustraire à son existence pour briser ensuite tous les liens de la Societé, vivre dans l’indépendance de tout devoir, & ne respirer que pour soi dans l’Univers.

3551. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 322-324

Comme il avoit l'esprit vif, il se laissoit emporter par l'impétuosité de son imagination, qui ne lui donnoit pas le temps de réfléchir sur les Pieces qu'il mettoit au jour.

3552. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

Son génie est énervé sous la plume Académicienne, qui ne montre que de l’esprit où il faudroit de la vigueur, du naturel, de la simplicité, de l’élévation.

3553. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 430-432

Ses différens Mémoires sur les objets les plus intéressans de l'Anatomie, de la Physiologie, de la Thérapeutique ; sur l'établissement de la Société Royale de Médecine que le Roi vient de former ; sur les inconvéniens des cimetieres dans les Villes, &c. n'offriront sans doute rien de piquant à la curiosité des Esprits légers & frivoles ; mais la reconnoissance éclairée du vrai Citoyen, dédommagera M. de Vicq. de la privation de ces sortes de suffrages que le Savant utile doit compter pour rien.

3554. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Pendant les seize ans qui suivent (1254-1270), Joinville revoyait souvent saint Louis qui lui faisait toujours fête et joyeux accueil, et c’est à ces heures de familiarité et de libre entretien que se rapportent la plupart des anecdotes qui composent la première partie de ses mémoires, et qui se pourraient véritablement intituler : L’Esprit de saint Louis. […] À cette vue, les esprits les plus émancipés d’aujourd’hui ne sauraient s’empêcher de dire en tempérant leur sourire par le respect : Sancta simplicitas ! […] L’esprit naturel avait ses saillies, ses échappées d’enjouement, ses subtilités et ses hardiesses toujours renaissantes : mais tout cela ne jouait encore que dans le cercle tracé, et venait s’arrêter à temps devant tout objet vénéré et redoutable.

3555. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

L’abbé Le Dieu n’a pas le dessein de diminuer Bossuet, mais il soumet son illustre maître à une épreuve à laquelle pas une grande figure ne résisterait ; il note jour par jour, à l’époque de la maladie dernière et du déclin, tous les actes et toutes les paroles de faiblesse qui lui échappent, jusqu’aux plaintes et doléances auxquelles on se laisse aller la nuit quand on se croit seul, et dans cette observation il porte un esprit de petitesse qui se prononce de plus en plus en avançant, un esprit bas qui n’est pas moins dangereux que ne le serait une malignité subtile. […] Nous ne regrettons pas qu’il y perde ; le seul danger serait qu’en le lisant mal, et en s’emparant des circonstances triviales qui étaient la pâture naturelle de son esprit, on n’ôtât quelque chose au grand évêque, qui ne lui accorda jamais d’ailleurs, on ne saurait trop le redire, qu’une confiance très limitée.

3556. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Chaque fois qu’il y est question de lui, elles sont animées de passion, de mépris, de colère : Chapelain y a même ce qu’on appelle de l’esprit. […] Ils avaient d’abord été en bons termes ; mais Marolles, lui ayant demandé des avis sur sa traduction de Virgile, s’était choqué de ceux qu’il avait reçus, et, comme il ne pouvait se retenir sur tout ce qu’il avait dans l’esprit et que sa tête fuyait en quelque sorte, il s’était mis à harceler Chapelain de sa plume à la rencontre, à lui chercher noise sur une ancienne traduction de Guzman d’Alfarache que celui-ci avait faite dans sa jeunesse, et depuis il était entré (chose plus grave) dans la conspiration de La Ménardière et de Linières contre La Pucelle, jusqu’à être « le promoteur du libelle du premier et son correcteur d’imprimerie ». […] [NdA] Dans un écrit de Furetière, Nouvelle Allégorique, ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Éloquence (1659), on lit : « Il y vint (à l’armée du Bon Sens) un illustre abbé de Marolles, qui poussa ses conquêtes jusques dans les terres de Tibulle, Catulle, Properce, Stace, Lucrèce, Piaule, Térence et Martial ; terres auparavant inconnues à tous ceux de sa nation ; cependant il les dompta, et les mit sous le joug de ses sévères versions, et il les traita avec telle exactitude et rigueur, que de tous les mots qu’il y trouva, il n’y eut ni petit ni grand qu’il ne fît passer au fil de sa plume, et qu’il n’obligeât à parler français et à lui demander la vie… » Ce jugement ne ferait guère d’honneur à la critique de Furetière qui était d’ailleurs un homme d’esprit, mais il est à croire qu’il ne parlait pas sérieusement quand il écrivait cela.

3557. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

A s’en tenir aux opinions courantes, la science est considérée comme un mode de connaissance à part, sui generis, placée dans une région presque inaccessible, ayant des procédés de recherche qui lui sont propres, totalement étrangère (sauf dans ses applications) aux raisonnements et habitudes d’esprit de la vie commune. […] Par un progrès naturel, la classification va des ressemblances grossières à d’autres plus cachées ; dans les classes se forment les sous-classes suivant les degrés de dissemblance ; et l’esprit éliminant toujours le dissemblable, cherchant des ressemblances de plus en plus rigoureuses, tend finalement vers la notion de ressemblance complète qui suppose la non-différence. […] Les généralisations précédentes s’appliquent non à la genèse des choses en elles-mêmes, mais à leur genèse en tant qu’elles se manifestent à l’esprit humain.

3558. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

… Mon esprit est plein de doutes et de craintes. […] vous êtes des enfants, il n’y a pas de vieillards parmi vous ; vous êtes tous jeunes d’esprit. » Cette momie vivante ne croyait pas si bien dire : la Grèce naquit et elle resta jeune ; et c’est cette jeunesse qui lui donna la Beauté, qui versa sur ses œuvres la fleur de la vie, et lui fit cueillir légèrement les prémices de toutes les moissons, le laurier-rose de toutes les victoires. […] Pour que tu aies cette audace, certes il faut que ton esprit soit troublé. » — Durant toute l’entrevue, Pélasgos garde ce ton de l’homme de race noble parlant à un être de souche inférieure, d’un aristocrate de naissance remettant à sa place un sujet servile.

3559. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Chez nous, elle en devient l’esclave : elle abandonne Les soins de son esprit et ceux de sa personne ; La grâce disparaît d’elle et de sa maison, Et l’amour suit la grâce, et l’amour a raison. […] Augier est une œuvre de sentiment et de beau langage ; peu d’action, des situations simples, l’entrain et les incidents de la vie commune, mais des émotions vraies, des indignations généreuses, la chaleur de l’idée, l’esprit du détail, et, par-dessus tout, le charme du style. […] Augier n’a eu plus d’esprit, jamais il n’a eu tant de passion vraie, ressentie, sincère.

3560. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Ces Fées auxquelles les juges de Jeanne d’Arc attachaient tant d’importance pour la convaincre de commerce avec les malins esprits, et qu’elle connaissait à peine de nom, expriment pourtant l’idée de mystère et de religion qui régnait en ce lieu, l’atmosphère de respect et de vague crainte qu’on y respirait. […] Elle croyait fermement à la réalité et à la divinité de ses voix ; comme tous les voyants, elle croyait tenir l’esprit à sa source et jaillissant du sein de Dieu même. […] Quicherat, une Jeanne d’Arc exposée avec plus de tenue et de simplicité, et sur laquelle la critique pourtant sache garder assez de prise pour n’y guère rien laisser qui ne soit de nature à satisfaire les esprits à la fois généreux et judicieux.

3561. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Lafatalité, pour des esprits qui ne se payent pas de vains mots et d’idoles, c’est une suite inévitable de grandes ou petites causes ajoutées et combinées qui peuvent déjouer à la longue la volonté la plus supérieure et tout le génie humain. […] Un esprit supérieur y échappe pour son compte, pour ce qui dépend de lui seul, mais n’en triomphe pas dans ce qui l’entoure : Napoléon, dans cette campagne, en fit la douloureuse épreuve.

3562. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Thiers a le droit d’appeler une véritable « cécité morale » pour ne pas mieux entrer dans l’esprit de sa mission. […] Je ne dirai qu’un mot qui pour moi la résume : il y a des esprits fermés, des têtes où une idée, si elle n’y entre tout d’abord, ne pénètre pas.

3563. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Remarquons toutefois qu’au xive  siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie  siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini. […] Ce genre léger était plutôt le rendez-vous commun de tous les gens d’esprit, du monde, de lettres, ou de cour, des mousquetaires, des philosophes, des géomètres et des abbés.

3564. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Le président Hénault et Rœderer l’avaient déjà tenté ; le premier, qui ne nous paraît grave à distance qu’à cause de son titre de magistrat et de sa Chronologie, mais qui était certes le plus dameret des historiens et l’homme de Paris qui soupait le plus248, se trouvait être avec cela un homme vraiment d’esprit, et la préface de son François II fait preuve de beaucoup de liberté d’idées. […] Molé a cru qu’il était à propos de commencer par quelques considérations sur la puissance de l’esprit en France, et il a trouvé à cette puissance des raisons fines.

3565. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le hasard a voulu que ce soit vous, Parisiens, qui soyez chargés de faire les réputations littéraires en Europe ; et une femme d’esprit, connue par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écrié, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. » Tous les écrivains de bonne compagnie, non seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie. […] La question que nous agitons est une des plus difficiles dont puisse s’occuper l’esprit humain.

3566. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Toujours l’histoire de l’esprit gaulois est la même ; s’il reste gaulois, il n’aboutit pas ; s’il aboutit, il perd sa physionomie vraie. […] La Fontaine est, je crois, le seul en qui l’on trouve la parfaite union de la culture et de la nature, et en qui la greffe latine ait reçu et amélioré toute la sève de l’esprit gaulois.

3567. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Lorsque je pus lire ses Erreurs amoureuses, ma déception fut grande : pourtant je continuai d’aimer Ponthus pour le noble esprit qui paraît çà et là dans ses méchants vers et surtout pour la sonorité de son nom. […] Tel sonnet renferme toute la beauté d’un mythe, tout l’esprit d’une époque, tout le pittoresque d’une civilisation.

3568. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

est-ce un effet de la perspective trop courte   il me semble qu’il y a beaucoup d’esprits intéressants et singuliers, et cela justement parce qu’ils sont tard venus ; parce qu’ils ont derrière eux toute une littérature accumulée ; parce que, même ignorants, ils savent néanmoins ou devinent beaucoup de choses et se trouvent tout formés pour aller très loin dans la sensation violente et raffinée ; parce que, tout ayant été dit (et voilà deux cents ans que cela (mot illisible) a été dit), ils donnent naturellement dans l’osé, le bizarre et le fou, et que leur extravagance fleurit elle-même sur un passé trop riche, comme ces fleurs étranges qui poussent mieux dans un humus composé d’innombrables débris de végétaux morts. […] Puis, certaines fonctions de ce misérable corps, si elles peuvent sembler avilissantes, sont bonnes pourtant par le soulagement et l’aise qu’elles apportent, par l’idée de joyeuse vie animale qu’elles éveillent dans l’esprit, et sont en même temps comiques par le démenti perpétuel qu’elles opposent à l’orgueil de l’homme, à sa prétention de faire l’ange.

3569. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions, mais qu’il faut à un souverain, fût-il démocrate, de la volonté, de l’esprit de suite et de l’adresse. […] Une très belle anecdote, lentement développée, souligne par l’opposition de ses deux héros l’infranchissable distance de deux civilisations, celle de la mère-patrie et de la colonie : l’aventure se poursuit, sentimentale, de la sous-préfète Clotilde Hardigny, femme d’esprit et de cœur, et du riche interprète arabe, Saïd-bel-hadj-Ali.

3570. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

L’histoire d’Israël est de toutes les histoires celle où l’esprit populaire a le plus constamment dominé. […] L’amour du peuple, la pitié pour son impuissance, le sentiment du chef démocratique, qui sent vivre en lui l’esprit de la foule et se reconnaît pour son interprète naturel, éclatent à chaque instant dans ses actes et ses discours 518.

3571. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Car, encore ; plus que l’esprit, la bêtise et l’impuissance courent les rues. […] Sturm, — alourdie tout à l’heure par l’abus du parallélogramme et du trapèze, se transformait soudain : les yeux prenaient de l’esprit, la bouche de la finesse.

3572. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Il peut avoir son originalité propre et ses mérites particuliers dans le détail, l’expression des passions et le tour d’observation de son œuvre ; il peut être comme observateur et comme écrivain très différent de la manière de Balzac ; mais, de conception, il est timbré de cet homme qui a mis son cachet — sa griffe de lion — sur tous les esprits de notre temps. […] Les esprits, bas et dépravés, qui y chercheront la Messaline de Juvénal, rajeunie au xixe  siècle, seront bien attrapés par ce qu’ils trouveront à la place.

3573. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Une seule tradition merveilleuse mêlée à son souvenir témoigne bien de l’idolâtrie des Grecs pour les dons de l’esprit, au préjudice de tout intérêt de justice ou même de vengeance. […] Nous voyons l’empereur Julien, dans sa défense et sa réforme du polythéisme, interdire la lecture d’Archiloque, dont il admire d’ailleurs la force d’âme à lutter, en se servant de la poésie, dit-il, pour alléger, par l’opprobre jeté sur ses ennemis, les maux que lui faisait le sort. » L’esprit chrétien fut encore plus sévère au poëte impur et diffamateur.

3574. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXV » pp. 144-146

Dupin : on peut le définir le plus spirituel des esprits communs.

3575. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIII » pp. 291-293

Mais l’autre nouvelle qui a préoccupé tous les esprits, depuis quelques jours, a été l’événement fatal arrivé à l’homme le plus littéraire de France, à M.

3576. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chênedollé, Charles-Julien Lioult de (1769-1833) »

Hippolyte Babou Il est impossible de ne pas estimer et de ne pas aimer Chênedollé : c’est un esprit élevé, une imagination enthousiaste et sympathique, une conscience pure, une âme céleste.

3577. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

Et certes, il faudrait avoir l’esprit bien mal fait pour ne pas s’associer à la pensée qu’il exprime si judicieusement et avec une si naïve confiance ; mais de quelle solide foi romantique ne devait pas être animé le statuaire qui avait représenté Mme Louise Colet, splendide alors et épanouie comme les Néréides du maître d’Anvers, sous la figure d’une jeune femme rêveuse et mourante, étendue près d’une fontaine, et intitulée : Penserosa !

3578. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

Ernest Renan Désaugiers, si inférieur à Béranger sous le rapport de la portée d’esprit, me semble un bien meilleur chansonnier, car il n’a pas d’arrière-pensée, sa gaîté est bien la vieille gaîté sans conséquence.

3579. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghéon, Henri (1875-1944) »

Sully Prudhomme échoua, malgré la haute noblesse de son esprit, dans une tentative semblable.

3580. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Philippe (1831-1901) »

Publiciste et critique littéraire, la tournure légère et gauloise de son esprit ne semblait pas révéler en lui le véritable poète qu’il est.

3581. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Margueritte, Victor (1866-1942) »

La première partie : La Maison du passé indique, par une certaine attitude lassée et pessimiste, l’état des esprits à l’époque où furent écrites les pièces qui la composent.

3582. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trarieux, Gabriel (1870-1940) »

Philippe Gille C’est le livre d’un esprit élevé, d’un poète sincère, que celui que M. 

3583. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Veuillot, Louis (1813-1883) »

Pierre Larousse Sans instruction, sans idées, aucune force d’esprit, il a conquis le rang qu’il occupe par son zèle dévorant et son talent de polémiste.

3584. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229

Dans un temps où toutes les notions sont confondues, toutes les regles enfreintes, presque tous lès genres dénaturés, on ne sauroit trop rappeler les jeunes esprits à la vérité & au bon goût.

3585. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Nous ne connoissons point d’Ouvrages polémiques qui offrent un aussi grand nombre de traits d’esprit, de vivacité, de force, & de cette éloquence qui suppose autant de vigueur dans l’ame, que de chaleur dans l’imagination.

3586. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

Composition simple & fiere, tableaux vrais & touchans, diction noble & facile, qui dédaigne ce vain luxe de métaphores, & ces tours apprêtés qui ne séduisent que les esprits sans goût.

3587. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 400-402

Bien différent de ces esprits qui errent au hasard, voltigent sur tous les objets, l’imagination n’a jamais égaré sa plume.

3588. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 167-169

Il n’en est pas sorti un seul de sa plume [& nous en connoissons une douzaine], qui n’annonce un esprit pénétrant & un sage Observateur.

3589. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 208-210

Si jamais la Religion s’éteignoit parmi nous, le Recueil de ces Lettres, parvenu au trente-deuxieme volume, suffiroit pour en faire déplorer la perte, & même y ramener les esprits raisonnables & les cœurs droits.

3590. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

On voit par les Ouvrages de ce Grammairien, que son esprit étoit juste, mais froid ; méthodique, mais lent ; sage, mais peu brillant ; profond, mais peu vif.

3591. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

Les Poésies du Cardinal de Richelieu feroient peut-être honneur à son esprit, si on en pouvoit distinguer celles qui sont véritablement de lui.

3592. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — III »

Dès que cette maladie de l’intelligence est guérie, il n’est plus d’autre attitude à prendre à l’égard de cet état de choses que celle qui consiste à l’enregistrer dans l’esprit et à en faire un mode d’explication universel puisque l’on voit qu’il domine la vie phénoménale, la seule qui nous soit donnée, et qu’il se tient à son commencement.

3593. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brizeux, Auguste (1803-1858) »

Ce qui le préserve parfois de cette peste du siècle, et ce qui, par moments, le rend enchanteur, c’est la puissance d’artiste consommé qui lui fait tout à coup retrouver son cœur sous les vapeurs noires de son esprit.

3594. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Lahor, Jean = Cazalis, Henri (1840-1909) »

Ferdinand Brunetière L’esprit de curiosité scientifique dont la trace se retrouve dans quelques-uns de ses meilleurs poèmes le poussa dans des directions variées.

3595. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Emmanuel (1839-1909) »

. — Les Voyages de l’Esprit, critiques (1869). — Origines de la poésie lyrique en France au xvie  siècle (1873). — Les Prédécesseurs de Milton (1875). — Du génie de Chateaubriand (1876). — Éloge de la Folie, d’Érasme, traduction (1877). — Poèmes de la Révolution (1879). — Portraits de maîtres (1888).

3596. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Monselet, Charles (1825-1888) »

Il a du bon esprit d’autrefois, de ce qu’avait Colnet.

3597. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

Poète de combat, il l’est dans ses romans et ses nouvelles de haut goût et de psychologie supérieure, où il traduit sans phrases ni sermon, par la simple analyse des âmes et des choses, l’incessante préoccupation de son esprit généreux.

3598. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulié, Frédéric (1800-1847) »

Victor Hugo Dans ses drames, dans ses romans, dans ses poèmes, Frédéric Soulié a toujours été l’esprit sérieux qui tend vers une idée et qui s’est donné une mission.

3599. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — X — Xanrof, Léon (1867-1953) »

L’ironie est, en effet, la marque de l’esprit de M. 

3600. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIII. Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs » pp. 288-290

(Je prends ces noms sans arrière ni ironique pensée, comme d’esprits d’à peu près même force mais d’orientation différente.)

3601. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Qui n’a remarqué ; par exemple durant le règne de Louis XIV et les cinquante années qui suivent, l’expansion de l’esprit français sur toute la surface de l’Europe ?

3602. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

3603. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Semblable à ces athletes qui s’exercent long-temps avant de paroître sur l’arene, quoique né avec les plus heureuses dispositions, il a eu la sagesse de ne se montrer au Public qu’après avoir mûri sa raison & formé son esprit par l’étude des hommes & celle des bons Auteurs.

3604. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

Il est fâcheux pour Rousseau, de n’avoir pu se concilier la plénitude d’un suffrage si propre à en imposer à tous les Esprits.

3605. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Le succès dont jouissent Heureusement, & la Matinée à la mode, ne prouve autre chose, sinon que la fureur de l'épigramme & des petites gentillesses absorbe tout, & qu'aujourd'hui l'esprit & quelques saillies tiennent lieu de talent.

3606. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 266-268

parce que le premier de nos Satiriques l'aura tourné en ridicule ; parce que Chapelle & Bachaumont auront plaisanté avec esprit sur son Gouvernement de Notre-Dame de la Garde : il ne s'ensuit pas qu'on doive oublier tout le mérite qu'il avoit, à plusieurs égards.

3607. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

Turpin est d’autant plus coupable envers les Lettres, qu’il est plus en état de leur faire honneur par les ressources qu’annonce son esprit.

3608. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre premier. Que la poétique du Christianisme se divise en trois branches : Poésie, Beaux-arts, Littérature ; que les six livres de cette seconde partie traitent spécialement de la Poésie. »

influence qui a, pour ainsi dire, changé l’esprit humain et créé dans l’Europe moderne des peuples tout différents des peuples antiques.

3609. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Rien n’empêche d’accorder à ces esprits bienfaisants des marques distinctives de leurs pouvoirs et de leurs offices : l’Ange de l’amitié, par exemple, pourrait porter une écharpe merveilleuse, où l’on verrait fondus, par un travail divin, les consolations de l’âme, les dévouements sublimes, les paroles secrètes du cœur, les joies innocentes, les chastes embrassements, la religion, le charme des tombeaux, et l’immortelle espérance.

3610. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Comment Voltaire, avec tant de goût et un esprit si juste, ne comprit-il pas le danger d’une lutte corps à corps avec Bossuet et Pascal ?

3611. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Machy » pp. 174-175

Des ruines en arcades, placées sur le devant et occupant tout l’espace de la gauche à droite, dérobent le massif lourd et sans goût sur lequel elle est élevée ; il y a de l’esprit à cela.

3612. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Parocel qui s’est mis à jouer l’esprit fort, quand il s’agissait d’être peintre.

3613. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Un peintre, et encore plus un poëte, qui tient toujours une grande place dans son imagination, et qui lui-même est encore souvent un homme de ce caractere d’esprit violent, pour lequel il n’est point de personnes indifferentes, se figure qu’une grande ville, qu’un roïaume entier n’est peuplé que d’envieux ou d’adorateurs de son mérite.

3614. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Préface »

Bien qu’il se garde de prétendre à une nomenclature rigoureusement complète et amplement savante, cet opuscule pourra du moins servir à guider l’esprit hésitant du lecteur novice.

3615. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Un écrivain dont nous regretterons longtemps la perte, — un esprit assurément moins original, moins profond, moins artiste que Stendhal, mais qui était de la même race, qui en avait l’acier, moins damasquiné mais aussi pur, et surtout le fil, — Bazin, l’auteur du Louis XIII, ce sobre historien que les imbéciles peuvent croire sec, avait entrepris de restaurer le livre de madame de La Fayette, et c’est cette restauration, accomplie avec le tact d’une connaissance approfondie, que l’éditeur Techener a publiée.

3616. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

M. le chevalier de Angelis, auteur de travaux inédits sur Vico, a bien voulu nous communiquer la plupart des ouvrages italiens que nous avons extraits ou cités ; exemple trop rare de cette libéralité d’esprit qui met tout en commun entre ceux qui s’occupent des mêmes matières.

3617. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Déjà dans son esprit la galante le croque. […] Il sent que l’imagination de l’homme est toute corporelle ; que, pour comprendre le déploiement des sentiments, il faut suivre la diversité des gestes et des attitudes ; que nous ne voyons l’esprit qu’à travers le corps. […] En ce moment il jurerait à la barbe de tous les docteurs du monde que « Rabelais a autant d’esprit que saint Augustin. » En effet, peut-on mieux peindre le paysan ? […] C’est une radoteuse ; elle a perdu l’esprit. […] Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits     Que tout mal et toute injustice.

3618. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Cette horreur du pouvoir capable, cette folie de l’envie, cette médiocrité des présidents, cette vulgarité des élus dans le congrès et dans les chambres, jointes à une ambition de grandir sans morale et à une vanité de supériorité sans fondement, faisaient prévoir depuis longtemps aux esprits sains de l’Europe et même à Jefferson une catastrophe telle que Rome elle-même n’en avait pas présenté au monde dans ses craquements, une leçon aux peuples trop démocratiques, donnée par Dieu lui-même pour leur apprendre qu’il n’y a point d’avenir pour les nations qui croient à la seule force du nombre et à la brutalité de la conquête ! […] L’honneur de ces deux noms appartient tout entier à l’esprit de l’Angleterre et de l’Écosse ; la France elle-même réclame Audubon. […] Rien ne m’étonnait plus que leur changement de costume ; et dans cet ensemble de faits à peine indiqués je trouvais un roman infiniment varié, toujours nouveau, dont mon esprit suivait attentivement les détails. […] J’attachais mon esprit et mon âme à ces phénomènes dont la variété me surprenait. […] Lecteur, si comme moi vous étudiez la nature pour vous élever l’esprit par la contemplation des phénomènes étonnants qu’elle offre à chaque pas dans son immense domaine, ne resterez-vous pas frappé d’une admiration profonde en voyant ce petit poisson, objet si chétif et si humble, auquel le Créateur a donné des instincts si merveilleux ?

3619. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Quelques esprits, allant plus loin, ont même fait de l’ignorance une condition favorable. […] Ces esprits se trouvent comme humiliés quand, en physiologie, ils se voient arrêtés à chaque pas dans leur essor imaginaire par la réalité matérielle, par ce qu’on appelle le fait brutal. […] Vous aurez ainsi la preuve expérimentale d’un point qu’il faut fixer d’abord dans votre esprit avant d’aller plus loin. […] Depuis Rollo, tous les médecins ont l’esprit fixé sur l’alimentation qui convient dans cette maladie. […] Nous allons, pour mieux préciser ces faits dans votre esprit, vous indiquer quelques-uns des résultats que nous avons obtenus.

3620. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

M. de Fleury, Introduction à la médecine de l’esprit.

3621. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Pour faire cette opération d’une main plus sûre, pour que l’œil ne soit pas troublé et prenne une vue exacte des choses, il sera bon d’attendre, après avoir écrit, que l’effervescence de la composition soit calmée, que l’esprit soit reposé, que d’autres occupations aient rafraîchi les idées et changé leur cours.

3622. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Goudeau, Émile (1849-1906) »

Il y a ses livres, où apparaît un esprit si divers et si complexe, souple et railleur, à la fois ironique et tendre, et original, parisien, délicat et frondeur, épris de fantaisie et de rêves bleus.

3623. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Croix, Camille de (1859-1915) »

Les trouvailles ingénieuses y abondent, sans compter les drôleries les plus imprévues qui donnent l’éclat de rire, les originalités les plus exquises qui y fourmillent, l’érudition la plus parfaite mise au service de l’esprit le plus mordant, le plus incisif.

3624. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

Brumoy possédoit trop supérieurement l’esprit d’analyse, le génie de la traduction, les finesses du goût, pour pouvoir être facilement égalé par des Littérateurs qui n’ont eu ni autant d’application que lui, ni autant d’avantage du coté du sujet.

3625. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 421-423

Non, sans doute : il vaut beaucoup mieux marcher d’après les bons modeles, que de s’obstiner à créer des monstres bizarres qui ne sauroient jamais plaire qu’à des esprits frivoles, triste jouet du premier Auteur médiocre qui veut les séduire.

3626. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 210-213

Les volumes qui sont de lui, fourmillent de ces traits d’esprit & d’enjouement, qu’il savoit répandre dans toutes ses Productions.

3627. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

On remarque dans cet Ouvrage cet esprit clair, méthodique, & nerveux, qu’il développa dans la suite avec plus d’éclat dans un autre genre.

3628. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Plus ambitieuse de plaire à l’esprit que de toucher le cœur, son éloquence est plutôt celle d’un Ecrivain moraliste & poli, que d’un Orateur Chrétien, pénétré des vérités qu’il prêche, & doué du talent d’en pénétrer les autres.

3629. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1823 »

Convaincu que tout écrivain, dans quelque sphère que s’exerce son esprit, doit avoir pour objet principal d’être utile, et espérant qu’une intention honorable lui ferait pardonner la témérité de ses essais, il a tenté de solenniser quelques-uns de ceux des principaux souvenirs de notre époque qui peuvent être des leçons pour les sociétés futures.

3630. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Greuse a beaucoup d’esprit et de goût.

3631. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

C’est une des figures hétéroclites de cet ouvrage ; et puis un jabot et des manchettes brodés, un gothique st esprit étalé sur la poitrine.

3632. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

L’esprit ne sçauroit joüir deux fois du plaisir d’apprendre la même chose, comme le coeur peut joüir deux fois du plaisir de sentir la même émotion.

3633. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

J’écris vraiment avec mon cœur : il saigne trop pour des petits tableaux d’enfants. » Il y avait encore d’autres raisons pour ne pas écrire ; n’écrit pas dans les journaux et dans les revues qui veut ; il faut prendre le ton et l’esprit du patron ; les plus honorables recueils ont leurs exigences ; ainsi pour le Musée des Familles, qui semblait s’entrouvrir pour Mme Valmore, mais à la condition d’en passer par la censure et le lit de Procuste du directeur : « (Le 22 février 1851)… M.  […] Et puis c’est lui qui se juge avant de s’imprimer lui-même ; pour les autres, il veut connaître, apprécier, commander, étendre ou raccourcir ; il veut aussi inspirer l’esprit. […] Mme Duchambge aimait la lecture ; elle aimait à être au courant des choses de l’esprit, et même à s’instruire dans le passé.

3634. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Nous noterons seulement qu’il était Normand, et avocat : deux garanties de subtilité d’esprit. […] Il avait l’esprit timide et scrupuleux : il se tourmenta fort à chercher les fautes de ses pièces, et les excuses de ses fautes ; il n’avait pas la vanité contente, mais la vanité inquiète. […] Il porta l’esprit de Malherbe à la scène, jusque-là livrée aux raffinés négligents, et il y fit valoir la simplicité travaillée.

3635. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

La scène est charmante, elle brille d’esprit et de belle humeur. […] En vérité, l’impudence de ce d’Estrigaud passe toute mesure, et l’ineptie de ses procédés refuse absolument d’entrer dans l’esprit. […] Son mâle esprit est fait pour l’entendre, et il ne m’était pas permis d’être moins sévère.

3636. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Il faut avouer que ses compliments sont à peu près dans ce goût : « Autrefois, je ne vous connaissais pas, je ne vous lisais pas, je ne rencontrais que des gens qui me disaient du mal de vos romans… Maintenant tout est changé… alors je vous lis, je vous lis avec un grand plaisir… et vous trouve vraiment beaucoup de talent… Mais au fait, on dit que vous avez aussi publié des livres d’histoire très curieux… moi je n’y croyais pas, quand j’ai commencé à lire vos romans… je les ai trouvés si bien, que ça me mettait en défiance contre vos autres livres… Je me disais : ils sont trop romanciers pour être des historiens… » * * * — Voltaire n’a que l’esprit, tout l’esprit d’une vieille femme du xviiie  siècle ; mais jamais de son esprit ne jaillit une pensée, ayant la moindre parenté avec une pensée de Pascal, avec une pensée de Bacon, avec n’importe quelle pensée d’une grande cervelle philosophique.

3637. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Les ennemis de la théorie en toutes choses diront peut-être que tout cela est bien inutile : « Faites-nous de bonnes expériences, nous vous tiendrons quitte du reste. » Je ne veux pas dire que la pratique ne soit pas ici plus importante que la théorie ; cependant il faut aussi savoir un peu ce que l’on fait et se rendre compte des opérations de son esprit. […] Cette cause ne sert à rien physiquement parlant, elle est une qualité occulte ; mais elle répond à cette loi de l’esprit qui nous fait passer du phénomène à l’être, et qui est la raison d’être de la métaphysique. […] Ce problème a inspiré au philosophe Fichte, dans son livre de la Destination de l’homme, les pages les plus éloquentes et les plus profondes : c’est un de ceux que la philosophie de notre temps doit s’efforcer le plus de creuser, et dont l’examen permettra peut-être à l’esprit humain de faire quelques pas nouveaux.

3638. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Cependant un homme de beaucoup d’esprit et de goût, et à qui l’on doit toute déférence, a paru douter de l’assertion. […] » Trois choses contribuent ordinairement à rendre un orateur agréable et efficace : la personne de celui qui parle, la beauté des choses qu’il traite, la manière ingénieuse dont il les explique : et la raison en est évidente ; car l’estime de l’orateur prépare une attention favorable, les belles choses nourrissent l’esprit, et l’adresse de les expliquer d’une manière qui plaise, les fait doucement entrer dans le cœur ; mais de la manière que se représente le prédicateur dont je parle, il est bien aisé de juger qu’il n’a aucun de ces avantages. […] Elle a renversé les idoles, établi à la croix de Jésus, persuadé à un million d’hommes de mourir pour en défendre la gloire : enfin, dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu’on a vu les plus sublimes esprits, après s’être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l’école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul… » Note K, page 310.

3639. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Mais on le compare malheureusement avec un Vernet qui en alourdit le ciel, qui fait sortir l’embarras et le travail de la fabrique, qui accuse les eaux de fausseté, et qui rend sensible aux moins connaisseurs la différence d’une figure faite avec grâce, facilité, légèreté, esprit, mollesse, et d’une figure qui a du dessin et de la couleur, mais qui n’a que cela ; la différence d’un pinceau vigoureux, mais âpre et dur et d’une harmonie de nature ; d’un original et d’une belle imitation ; de Virgile et de Lucain. […] Quel esprit, quelle poésie y a-t-il là-dedans ? […] J’ajouterai de ses dessins qu’il était impossible d’y montrer plus d’esprit et plus d’intelligence.

3640. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Lettres allemandes La jeune poésieaa Pol Michelsab L’expressionnisme n’est en somme que l’âpre réaction contre le flou et le vague éthéré d’avant-guerre ; contre la Iégéreté d’âme et le nivellement des esprits, contre la mécanisation des forces spirituelles qui, dans un autre domaine, ont facilité l’éruption du 4 août 1914. […] Les fusils tuent bien le corps, mais l’esprit survivra éternellement. » Alfred Wolfensteinag . […] C’est pourquoi elle néglige comme moyen de sensation, la description naturaliste de la réalité quoique ce réel pourri fût si tangible ; mais elle se crée elle-même avec une énergie inouïe et brutale ses moyens d’expression et les trouve dans la force accélératrice de l’esprit (ne s’efforçant nullement d’ailleurs d’en éviter les abus !)

3641. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Pour moi, ces douces pentes Me peignent le retour des natures contentes, L’heureux soir de la vie, — un esprit calme et sûr Qui, pour la fin des ans, réserve un fruit plus mûr ; Dans un œil languissant je crois voir l’étincelle, Un céleste rayon d’espérance fidèle, La jeunesse du cœur et la paix du vieillard. —  Tout, pour toi, dans ce monde est ténèbres, hasard : Un grand principe aveugle, un mouvement sans cause Anime tour à tour et détruit chaque chose ; Par tous les éléments, sous les eaux, dans les airs, Chaque être en tue un autre : ainsi vit l’Univers ; Et dans ce grand chaos, bien plus chaos lui-même, L’homme, insondable sphinx, ajoute son problème, Crime et misère, en lui, qui se donnent la main ; La douleur ici-bas, et point de lendemain. —  Oh !

3642. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Aussi, dans un des meilleurs passages du livre, il nous montre un brave homme, un officier plein d’honneur et d’esprit, mais vieux avant l’âge, et livré par d’affaiblissants chagrins et par la fausse hygiène de l’ivrognerie aux gouailleries d’une bande d’estaminet.

3643. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Victor Hugo … Paul Meurice, un esprit lumineux et fier, un des plus nobles hommes de notre temps… De nos jours, l’écrivain doit être au besoin un combattant ; malheur au talent à travers lequel on ne voit pas une conscience !

3644. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

(Sacré-Cœur, esprit nouveau, banqueroute de la Science, Libre-Parole.)

3645. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Voltaire, suivant Gœthe, a été un génie multiple pour lequel il déroule une longue litanie d’éloges ; suivant Joseph de Maistre, ce fut un petit esprit et un grand corrupteur, auquel il consent qu’on élève une statue, à condition que ce soit par la main du bourreau.

3646. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Jusqu’à présent on ne paroît pas avoir assez senti l’utilité des imitations, pour le développement des dispositions de l’esprit & de l’imagination.

3647. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Voilà ce qui rend une Histoire littéraire le plus difficile peut-être de tous les Ouvrages ; car, indépendamment des recherches, du discernement, de l’impartialité, de l’honnêteté même, il faut encore une adresse plus qu’humaine pour dire la vérité sans offenser les oreilles délicates : Nul n’est content de sa fortune, Ni mécontent de son esprit.

3648. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

.** Secrétaire du Cabinet, & l'un des plus beaux, des plus discrets, & des plus délicats Esprits de la Cour ; accompagnée de plusieurs Ratifications ou Réformations d'une invention toute particuliere, plus pompeuses & plus magnifiques que les expressions originales de l'Auteur rectifié ; en faveur des Prosateurs.

3649. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165

Son autre Poëme sur le Génie, le Goût & l'Esprit, fait connoître qu'il ne possede aucune de ces trois qualités qu'il a voulu célébrer.

3650. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

Toute chose dont l’esprit peut mesurer l’étendue est petite : le cercle, qui chez les anciens exprimait l’éternité, pouvait être une image grande et vraie ; cependant il nous semble qu’elle tue l’imagination, en la forçant de tourner dans ce cerceau redoutable.

3651. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Et votre Diogène , de bonne foi, lui voit-on le moindre trait qui indique l’esprit de son action ?

3652. (1912) L’art de lire « Chapitre I. Lire lentement »

Il faut lire avec un esprit très attentif et très défiant de la première impression.

3653. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Le son de sa voix m’entra comme une musique dans tout le corps, je crus qu’un esprit de lumière était entré dans la caverne et m’avait parlé. […] Chapitre VII CCXI — Mais vous, pauvres gens, aveugles et abandonnés à vous deux dans cette cabane, sans nièce et sans fils, et presque sans chien, que se passait-il, pendant ce temps, dans votre esprit ? […] Non, je ne pense pas, quoi qu’on en dise là-haut au couvent quand on y prêche sur les peines de l’enfer aux pèlerins, que les peines mêmes de l’enfer puissent dépasser nos peines dans notre esprit. […] Et puis, ajouta-t-il, voilà l’aumône de l’esprit.

3654. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

N’est-ce pas le propre esprit révolutionnaire des évangiles, candide, tout formé d’amour et totalement dénué de « prudence » humaine ? […] … Je t’avoue que j’ai quelquefois peur de toucher à de certaines pages de Victor Hugo. » Cette femme manquait délicieusement de mesure et d’esprit critique. […] Il comprit que ni l’indépendance et l’infinie curiosité de son esprit toujours en quête, ni ses habitudes irrégulières de célibataire sans-gêne et assez peu dégoûté, n’auraient pu se plier à la loi du mariage. […] Cette Ondine avait bien de l’esprit et de la grâce, avec, peut-être, une pointe d’affectation.

3655. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Dans sa pratique comme dans sa doctrine, ce poète-là prenait tout justement, comme Gorgibus, « le roman par la queue » : il appelait « un chat un chat », et du premier coup allait à la nature, au lieu de mener l’esprit à l’idée par de petits chemins tortueux et fleuris. […] C’est ce que fit Boileau, quand, en 1683, ayant en somme gagné le fond du procès, il accorda de bonne grâce à Chapelain d’avoir fait « une assez belle ode » ; à Quinault, beaucoup d’esprit et d’agrément ; à Saint-Amant, à Brébeuf, à Scudéry, du génie.

3656. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Camille Mauclair Le génie féerique et fantaisiste de ce prince de lettres a de secrètes affinités avec celui de Villiers, le dédain paradoxal du réel et de l’utile les faisait fraternels, et l’on reviendra un jour sur cette parité de deux grands esprits. […] Son esprit y descendrait tout entier.

3657. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Jeune, mais déjà mûr, d’un esprit ferme et haut, nourri des études antiques et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en combiner l’imitation avec une pensée philosophique plus avancée et avec un sentiment très présent de la nature. […] C’est elle qui donne aux poèmes de ce maître cette grande unité si rare dans les productions de l’esprit.

3658. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

La Forsennata prencipessa (la Princesse qui a perdu l’esprit) est seule qualifiée de tragédie. […] Isabelle dit à Cinthio qu’il jouira de la beauté de son esprit et lui souhaite le bonsoir ; elle dit à Oratio qu’il jouira de l’autre beauté et sera son mari.

3659. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Car à supposer que les formes dont on parle, et auxquelles nous adaptons la matière, viennent entièrement de l’esprit, il semble difficile d’en faire une application constante aux objets sans que ceux-ci déteignent bientôt sur elles : en utilisant alors ces formes pour la connaissance de notre propre personne, nous risquons de prendre pour la coloration même du moi un reflet du cadre où nous le plaçons, c’est-à-dire, en définitive, du monde extérieur. Mais on peut aller plus loin, et affirmer que des formes applicables aux choses ne sauraient être tout à fait notre œuvre ; qu’elles doivent résulter d’un compromis entre la matière et l’esprit ; que si nous donnons à cette matière beaucoup, nous en recevons sans doute quelque chose ; et qu’ainsi, lorsque nous essayons de nous ressaisir nous-mêmes après une excursion dans le monde extérieur, nous n’avons plus les mains libres.

3660. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il comparaît la gloire avec la vie, et le devoir au danger ; alors il se faisait un système de courage ; sa probité devenait de la vigueur, et son esprit donnait du ressort à son âme. […] Tel était l’esprit de ces gouvernements et de ces siècles.

3661. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

L'impression qu’une pareille absence de dignité et d’élévation produit en France, même sur les amis du trône, est au-delà de tout ; il y a là une méconnaissance complète de l’esprit national, un oubli singulier du dégoût que l’on cause.

3662. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Un homme d’esprit et d’étude, M. 

3663. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Les anciens Perses dans leur mythologie appellent l’Esprit du mal Celui qui dit toujours non ; eh bien !

3664. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Il l’a voulue, ou il en a subi l’influence ; dans l’un ou l’autre cas, ce n’est point d’un esprit qui se contente d’un but médiocre et de réalisations communes.

3665. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Leconte de Lisle, dans un esprit dont les pensées ne sont point neuves, sans religion, mais par une manière triste et forte d’être mystique avec matérialité, d’avoir une claire conscience de son projet, une claire vision de son but et de ses chemins, confine au futur, sans en être, mais se ressent du passé surtout en ces points où, par l’usage et peut-être l’abus des facultés rationnelles, il pressentait l’instant actuel.

3666. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

Il contenait des vers d’amour, d’une sensualité de tête tout à fait curieuse et personnelle, des « exercices » dans le genre parnassien, dont quelques-uns au moins (L’Élégie verte, par exemple, ou certaines ballades) sont de simples merveilles d’esprit et d’habileté technique, et enfin des sonnets sur les classiques français, où le futur critique des Contemporains est déjà tout entier, et qui tiennent à la fois du chef-d’œuvre et du tour de force.

3667. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

L’Andrienne de Baron, l’Esprit follet d’Auteroche, le Menteur de P.

3668. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

à quoi bon de l’esprit ?

3669. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

L’esprit & la raison se disputent la préférence dans tout ce qui est sorti de sa plume ; par-tout on y reconnoît l’Ecrivain judicieux, plein de finesse & de pénétration.

3670. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Si quelque chose pouvoit justifier M. l’Abbé Prévot, de s’être abaissé à des Ouvrages, qui, pour le plus grand nombre, captivent l’imagination pour l’égarer, parlent à l’esprit sans le rendre plus éclairé, agirent le cœur sans le corriger & le former ; ce seroient l’art singulier, l’imagination vive & féconde, le sentiment tendre & profond, la touche mâle & vigoureuse, qui dominent avec tant de richesse dans tout ce qu’il a écrit.

3671. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Malgré l’austérité de sa vie, les Ecrits qu’il composa dans sa retraite, ont la teinture d’un esprit poli par l’usage du grand monde, & cultivé par l’étude de la bonne Littérature ; ce qui donnera toujours un nouveau prix aux Ouvrages de piété.

3672. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

L’invasion des Barbares y mit le comble, et l’esprit humain en reçut une impression de tristesse, et peut-être même une teinte de misanthropie qui ne s’est jamais bien effacée.

3673. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Brenet » p. 257

Tenez, mon ami, je suis tout prêt à croire que ce maudit lien conjugal que vous prêchez, comme un certain fou de Genève prêche le suicide, sans vous y empiéger, abaisse l’âme et l’esprit.

3674. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Cochin » p. 332

Avec tout cela les dessins de Cochin sont faits avec un esprit infini, d’un goût exquis ; il y a de la verve, du tact, du ragoût, du caractère, de l’expression, cependant arrangés de pratique.

3675. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Deux conceptions différentes de la relativité, l’une abstraite et l’autre imagée, l’une incomplète et l’autre achevée, coexistaient dans leur esprit et interféraient ensemble.

3676. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La conversation y perdait en abandon, mais elle y gagnait en piquant ; la gêne inspire, et l’attrait d’esprit que nous éprouvions l’un pour l’autre s’en accrut encore. […] Tout cela lui parut ou trop abstrait, ou trop conventionnel, ou trop mystique, ou trop sensuel : il conçoit, plus près de terre, une félicité rurale et domestique plus accessible à l’universalité de l’espèce humaine, félicité fondée non sur les chimères d’esprit ou de cœur, mais sur les instincts innés de l’homme et sur les réalités péniblement douces de la vie. […] Le prince Napoléon était dans une pénible perplexité d’esprit : d’un côté sa famille et lui devaient une généreuse hospitalité au pape ; reconnaître l’asile qu’ils avaient reçu par une participation aux insurrections contre leur hôte, c’était une ingratitude ; d’un autre côté, agrandir la révolution française, incomplète, selon eux, en France, où elle venait de couronner un autre Bourbon, la fomenter, la servir, la transformer en révolution générale en Italie, c’était ouvrir des perspectives à leur dynastie napoléonienne ici ou là ; c’était de plus acquérir des titres de popularité héroïque dans cette ancienne patrie de leur famille, redevenue la patrie de leur exil. […] Les fatigues d’une campagne d’hiver, les agitations d’un esprit qui ne savait pas bien où était le devoir, les fièvres contractées dans les campements nocturnes au milieu des régions insalubres de la malaria, emportèrent en peu de jours le prince. […] Une inclination qui n’a pour objet que les sens tourmente et abaisse ; celle qui ne s’attache qu’à la beauté de l’âme, à la bonté du cœur, aux charmes de l’esprit, ne peut qu’élever.

3677. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Rousseau, correspondances des âmes effeuillées page à page et recomposées à la fin de la vie, confidences par confidences, sans songer que la main du public les décachètera un jour ; Lettres de Cicéron, Lettres de Pline le Jeune, Lettres de Sévigné, ce grand siècle écrit jour à jour par ses reflets intimes sur l’esprit d’une femme ; Lettres de Voltaire lui-même, ces lambeaux d’une passion acharnée à la destruction d’une idée ; Lettres de Mirabeau, ces flammes échappées du volcan d’un cœur pour en incendier un autre, etc., etc. ; demandez-vous sincèrement lequel de tous ces livres a pénétré le plus profondément dans votre cœur, lequel cohabite le plus habituellement avec vous dans la solitude de vos jours avancés, lequel est devenu votre ami le plus quotidien dans vos angoisses, avec lequel vous aimez le mieux vivre, avec lequel vous aimez le mieux mourir. […] Elles sont charmantes, ravissantes d’esprit, d’âme, de cœur, et tout cela pour moi ! […] Rien n’est plus doux et plus pur, on dirait que c’est quelque tout petit esprit de feu qui chante. […] Nous ne savons pas ce qu’il serait devenu si Dieu l’avait laissé vivre jusqu’à pleine maturité d’esprit. […] J’y suis quand je veux avec Lamartine, Chateaubriand, Fénelon : une foule d’esprits m’entoure ; ensuite ce sont des saints, sainte Thérèse, saint Louis, patron de mon amie Louise, et une petite image de l’Annonciation où je contemple un doux mystère et les plus pures créatures de Dieu, l’ange et la Vierge.

3678. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Les hommes qui croient que l’esprit de déception et de supercherie est capable de ces prodiges sont dans l’erreur, ils méconnaissent la portée du génie humain ; les vraies beautés d’Ossian sont dans les mœurs plus que dans l’intelligence. […] La vraie critique se refuse à admettre l’impossible ; la conscience de l’esprit humain a son évidence, comme la conscience du cœur. […] Que cet homme était à la fois assez grand poëte pour imaginer toute une poésie originale, et assez maniaque pour s’obstiner, pendant quarante ans, au plus stérile et au plus ingrat des travaux d’esprit ? […] Le vent du nord conduisit le vaisseau de Fingal à Morven ; mais l’esprit de Loda était assis sur sa nue, derrière suivait le vaisseau de Frothal ; il se penchait en avant pour diriger les vents favorables, et pour enfler toutes les voiles ; il n’a pas oublié le coup que Fingal lui a porté, et il redoute encore le bras du roi de Morven. […] De même qu’Alexandre fit construire une cassette d’or pour Homère, et emportait avec lui dans ses campagnes d’Ionie et de Perse, pour se faire un oreiller de ce chef-d’œuvre de l’esprit humain, l’Iliade et l’Odyssée ; de même Bonaparte, général et premier consul, emporte constamment dans sa voiture, parmi les cinq ou six volumes de prédilection qu’il feuilletait toujours, les poëmes d’Ossian ; et quand on lui demandait pourquoi il se nourrissait si assidûment de ces chants : « C’est plus grand que nature, répondait-il à ses aides de camp, c’est sombre et mystérieux comme l’antiquité, c’est éclatant comme la gloire et grand comme la mort ; de telles poésies sont la nourriture des héros ! 

3679. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Un apaisement de l’esprit, une satisfaction intérieure. […] Cette tristesse, Michelet l’attribue à la complexité des idées modernes, à l’embarras du choix entre tant de voies nouvelles de l’esprit, au tiraillement des études en sens divers, et, pour ainsi dire, à la multiplication des horizons autour de notre cerveau : « Moi, par exemple, ajoute-t-il, vers les trente ans, j’avais d’horribles migraines. […] * * * — Tous ces jours-ci, à propos de notre livre, tristesse, ennui, angoisse sourde, inquiétude, disposition à voir noir, supputation des mauvaises chances, travail d’écureuil de l’esprit dans le même cercle de pensées de doute, de défaillance, de désespérance. […] C’est là le plus grand et peut-être le plus malin esprit causé de Sainte-Beuve : l’éreintement dans la défense. […] Là-dessus Gautier esquisse le type des femmes qu’il a vues, au dernier lundi de l’Impératrice : des femmes maigres, décharnées, plates, osseuses, minces à tenir dans la main, avec un rien de corps, une infiniment petite place sur elles, pour les exercices de l’amour : des femmes au teint de chlorose à l’apparence fantomatique et malsaine, — avec seulement de l’esprit sur la figure.

3680. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

On joue à de petits jeux d’esprit innocents et érotiques. […] On ne devinerait pas que le mot de la fin vient d’une horrible histoire, qui nous était restée dans l’oreille de l’esprit, d’un refrain ordurier d’une petite rouleuse, qui rentrant au matin, après avoir fait la retape toute la nuit, criait, à travers la porte, à sa mère qui ne lui ouvrait pas : « M’man, m’man, ouvre-moi !  […] Malgré les années et l’immense travail, le vieillard chenu est toujours jeune, vivace d’esprit, et encore tout jaillissant de paroles colorées, d’idées originales, de paradoxes de génie. […] Le monsieur est Rivière, l’officier de marine, l’auteur du remarquable roman de Pierrot et Caïn, qui semble vouloir étonner le monde par des brutalités d’esprit, sans le je ne sais quoi, qui les fait passer. […] Je dois déclarer, qu’une fois la juste colère de la princesse, dépensée dans deux ou trois sorties de ce genre avec nous et d’autres amis, la princesse oublia ses griefs contre l’ancien familier de sa maison, et ne se rappela que le charme de sa causerie, de son esprit, de sa sociabilité, et redevenue tout à fait amie de sa mémoire, quand il fut mort, défendit chaleureusement cette mémoire contre tous, contre moi-même.

3681. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Tourguéneff, le doux géant, l’aimable barbare, avec ses blancs cheveux lui tombant dans les yeux, le pli profond qui creuse son front d’une tempe à l’autre, pareille à un sillon de charrue, avec son parler enfantin, dès la soupe, nous charme, nous enguirlande, selon l’expression russe, par ce mélange de naïveté et de finesse : la séduction de la race slave, — séduction relevée chez lui par l’originalité d’un esprit personnel et par un savoir immense et cosmopolite. […] Hugo me rattrape dans l’antichambre, et me fait très gentiment, devant la banquette, un petit cours d’esthétique, qui, tout en s’adressant à moi, me semble l’historique des évolutions de son esprit. « Vous êtes, me dit-il, historien, romancier, — je passe les choses délicatement flatteuses, dont il me gratifie, — vous êtes un artiste. […] » En descendant l’escalier, tout en étant touché de la grâce et de la politesse de ce grand esprit, il y avait, au fond de moi, une ironie pour cet argot mystique, creux et sonore, avec lequel pontifient des hommes comme Michelet, comme Hugo, cherchant à s’imposer à leur entourage, ainsi que des vaticinateurs ayant commerce avec les dieux. […] Avec cette idée persistante de la mort, qui me rapproche d’une autre mort, avec le vague de l’esprit, et cette en allée de soi-même que donne le lit, toute la journée, je l’ai passée avec mon frère, ainsi que dans la fréquentation d’un vivant avec une ombre, comme si, ce jour-là, le Christ, pour l’anniversaire de sa résurrection, donnait congé aux âmes des morts, et leur permettait de vivre autour des vivants, invisibles, mais amoureusement présents. […] C’est pendant la période de la Jeunesse, de la Force, de l’Amour, qu’il faut faire des vers. » Mercredi 17 juillet La force prime le droit, cette formule prussienne du droit moderne, proclamée, en pleine civilisation, par le peuple qui se prétend le civilisé par excellence, cette formule me revient souvent à l’esprit.

3682. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Pour inspirer une immense pitié du misérable qui tombe et de la femme qu’il entraîne   Le dégoût même du livre que témoignent des esprits très délicats, habitués à des peintures à l’eau de rose de péchés mignons, à des récits d’infamies comme il faut, prouve que l’auteur a atteint son but. […] Conclusion La critique littéraire agit en général comme les gouvernements : elle suit, à une respectable distance, le mouvement de l’esprit et les évolutions de la pensée. […] Outrer l’outrance et violenter la violence, défigurer la grimace et ravaler l’avilissement, tel est le procédé exclusif de cet esprit attelé, quoiqu’il rue dans son attelage, et qui croit creuser des sillons en défonçant des ornières. » Après cela, comme nous ne connaissons rien de plus violent, nous renonçons à toute autre citation. […] Le moment est venu où il répondait aux exigences de l’esprit : alors, il a régné sur la scène littéraire. Victor Hugo l’a défendu, a donné des théories et des exemples, l’a fait vaincre  Puis, les besoins de l’esprit ont changé ; ils nous portent aujourd’hui vers une étude plus exacte des faits, vers une forme plus hardie, et le vieux mouvement naturaliste, que le génie de Balzac n’avait pas pu faire triompher à un moment qui n’était pas le sien, semble reprendre l’avantage.

3683. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Le déterminisme psychologique, sous sa forme la plus précise et la plus récente, implique une conception associationniste de l’esprit. […] Mais cette association est l’œuvre du philosophe associationniste qui étudie mon esprit, bien plutôt que de mon esprit lui-même. […] L’associationnisme a donc le tort de substituer sans cesse au phénomène concret qui se passe dans l’esprit la reconstitution artificielle que la philosophie en donne, et de confondre ainsi l’explication du fait avec le fait lui-même. […] Mais il y a une préformation d’un autre genre, plus familière encore à notre esprit, parce que la conscience immédiate nous en fournit l’image. […] Tantôt on pense surtout à la succession régulière des phénomènes physiques et à cette espèce d’effort interne par lequel l’un devient l’autre ; tantôt on fixe son esprit sur la régularité absolue de ces phénomènes, et de l’idée de régularité on passe par degrés insensibles à celle de nécessité mathématique, qui exclut la durée entendue de la première manière.

3684. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

J’achevais de le lire mercredi matin, tandis que se faisait aux faubourgs populeux cette descente anniversaire qui, d’un seul flot, refoule notre humanité perfectible aux beaux jours de l’antique Sardanapale, et je me disais, en entendant ces échos lointains : « N’est-ce donc pas une débauche aussi que tant de grâce, de sensibilité, d’esprit fin et d’observation morale, s’employant et s’affichant uniquement pour mettre du noir sur du blanc, comme on dit, et pour vider l’écritoire ?

3685. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Théodore de Banville Né dans un village, arrivé presque à l’âge d’homme sans éducation et sans lettres, Albert Glatigny entrevit l’art pour la première fois sous cette forme sensible qui seule peut s’imposer aux esprits ignorants.

3686. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

Georges Pioch vient d’exaucer notre désir, et j’affirmerai ici, en toute sincérité de cœur et d’esprit, que mon plaisir fut grand à la lecture de ces œuvres : Toi ; la Légende blasphémée.

3687. (1887) Discours et conférences « Préface »

Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble.

3688. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Et ses avertissements, quand il parlera ainsi, ne seront plus de vagues et hasardeuses intuitions ; ils seront fondés sur les faits positifs et sur les lois de l’esprit humain.

3689. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 451-455

« Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé.

3690. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Son jugement à l’égard d’Hénault, ne doit donc être regardé que comme un de ces excès auxquels le penchant à la satire entraîne quelquefois les esprits les plus éclairés & les plus justes d’ailleurs.

3691. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Ce n’est pas à son génie, ni à son esprit qui étoit médiocre, qu’il doit sa réputation : quelques Ouvrages utiles sur la Langue Françoise, ses querelles avec des Gens de Lettres de toutes les classes, ont donné à son nom la célébrité dont il jouit encore.

3692. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Quelquefois égaré dans sa route, un vaisseau caché sous ses voiles arrondies, comme un Esprit des eaux voilé de ses ailes, sillonne les vagues désertes ; sous le souffle de l’aquilon, il semble se prosterner à chaque pas, et saluer les mers qui baignent les débris du temple de Dieu.

3693. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Ils ne vous donneront pas le génie, parce qu’on l’apporte en naissant ; mais ils vous remueront, ils élèveront votre esprit, ils dégourdiront un peu votre imagination ; vous y trouverez des idées et vous vous en servirez.

3694. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 19, de la galanterie qui est dans nos poëmes » pp. 143-146

Les poëtes et les faiseurs de romans, continuë Monsieur Woton, comme D’Urfé, La Calprenede et leurs semblables, qui, pour avoir occasion de faire parade de leur esprit, nous peignent leurs personnages pleins à la fois d’amour et d’enjouëment, et qui en font des discoureurs si gracieux, ne s’écartent pas moins de la vraisemblance, que Varillas s’écarte de la verité.

3695. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

l’esprit de la forêt a soufflé sur moi. » — Comment ! […] Maria Dmitriévna l’avait épousé par amour ; il était assez bien de figure, avait de l’esprit et pouvait, quand il le voulait, se montrer fort aimable. […] Elle passait pour une femme singulière, avait un esprit indépendant, disait à chacun la vérité en face, et, avec les ressources les plus exiguës, organisait sa vie de manière à faire croire qu’elle avait des milliers de roubles à dépenser. […] De son vivant je ne l’aimais pas, mais il faut lui rendre justice ; c’était une fille de caractère et d’esprit, — et puis elle ne t’a pas oublié. […] Cette réflexion lui tourna l’esprit et il cria : « En avant ! 

3696. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

3697. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Et de tout temps les esprits de Benjamin Constant et de Mme de Staël s’étaient convenus bien mieux que leurs cœurs ; c’est par là qu’ils se reprenaient toujours… Benjamin Constant a laissé un roman qui fait suite à Adolphe : mais cela devient de plus en plus clairement son histoire.

3698. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Sextus est suivi de morceaux sur Rome, sur Naples, sur la Toscane, où l’on retrouve un esprit habitué au commerce et à la tournure des grands historiens, Machiavel et Guichardini, un coup d’œil moral et observateur.

3699. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Soulary possède à merveille la langue poétique de la Renaissance, et, grâce à l’emploi d’un vocabulaire très large, mais toujours choisi, il a trouvé moyen de dire, en cette gêne du sonnet, tout ce qu’il sent, ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, tout ce qui lui passe par le cœur, l’esprit ou l’humeur, son impression de chaque jour, de chaque instant.

3700. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Ses Ouvrages forment une époque dans le développement des connoissances de l’esprit humain.

3701. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Son Ouvrage porte le caractere d'une ame vraiment Françoise, & d'un esprit au dessus de la Cabale, de ses vengeances & de ses applaudissemens.

3702. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Préface » pp. -

Préface Ce journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine, de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je.

3703. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Préface de la première édition (1887)34 Ce journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine, de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je.

3704. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

D’abord, le fait supposé par cette objection n’est pas d’une vérité rigoureuse, puisqu’un des plus beaux monuments historiques qui existent chez les hommes, le Discours sur l’histoire universelle, a été dicté par l’esprit du christianisme.

3705. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XX. Des Livres de facéties, des recueils d’anecdotes & de bons mots. » pp. 381-385

Gayot de Pitaval, le même qui a fait les Causes célébres, nous a donné la Bibliothèque de gens de Cour, l’Art d’orner l’esprit : collections insipides & mal faites.

3706. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

Il s’est cru dégagé, comme il l’explique dans sa Préface, d’un scrupule excessif et il publie ce livre : l’Histoire de la puissance pontificale 179, lequel, d’ailleurs, ne renversera rien, mais instruira les esprits sérieux qui aiment, sans trop de détail, à se rendre compte de la suite des choses et à s’expliquer les résultats.

3707. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Charles Guérin soit exempte de toute tare ; il advient que, par recherche de simplicité, la langue d’ordinaire imaginée s’appauvrisse étrangement en formules abstraites et banales : Tristesse de l’esprit qui dissèque les lis Pour qui la volupté ne fut pas la luxure… Mais ces défaillances sont peu fréquentes et jamais elles ne vont jusqu’à altérer gravement l’eurythmie générale d’un poème.

3708. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Parodi, D.-Alexandre (1842-1902) »

Le sujet est d’une grandeur singulière, et d’avoir osé s’y attaquer seulement n’est pas d’un esprit médiocre.

3709. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Strada, José de (1821-1902) »

. — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897).

3710. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Chacun des trois volumes des précédentes éditions représentait la manière de l’auteur à trois moments, et pour ainsi dire à trois âges différents ; car, sa méthode consistant à amender son esprit plutôt qu’à retravailler ses livres, et, comme il l’a dit ailleurs, à corriger un ouvrage dans un autre ouvrage, on conçoit que chacun des écrits qu’il publie peut, et c’est là sans doute leur seul mérite, offrir une physionomie particulière à ceux qui ont du goût pour certaines études de langue et de style, et qui aiment à relever, dans les œuvres d’un écrivain, les dates de sa pensée.

3711. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Les emportemens d’Archiloque amusèrent quelques esprits aussi méchans que le sien ; mais le public fut révolté.

3712. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Cependant ce mot de triumvirat littéraire est un mot qui vous envoie à l’esprit de grandes imaginations.

3713. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Le vieux Silène le prend et le balance comme une petite amphore, dans ses bras recourbés en anses ; il lui verse l’esprit du vin et la science infuse des vendanges. […] Ménades et Thyades, Lénées et Naïdes, Mimallones et Clodones : toutes enflammées de l’amour du dieu, gonflées de son souffle et de son esprit. […] Sous cet aspect à demi humain, Bacchus figure le côté aventureux de la vie, l’instinct des migrations, l’esprit des conquêtes, la civilisation hellénique domptant et absorbant les barbares, les lois et les dieux portés comme des lumières, par la force d’un bras invincible, à travers les nations sombres. […] Ce qu’était l’esprit de ces Mystères dépravés, contenu en Grèce par la douceur des mœurs, on peut en juger d’après l’affreux scandale qui éclata à Rome, au deuxième siècle avant Jésus-Christ.

3714. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Je croyais véritablement que l’esprit de parti, la badauderie et la bassesse devant toute puissance reconnue, ces trois choses malheureusement françaises, tambourineraient, une fois de plus, avec fureur, la gloire et le génie du grand poète dont on dit : le Poète, comme on dit : le Pape. […] — pourrait déshonorer intellectuellement la vieillesse d’un homme qui n’a pas su se taire à temps, par pudeur pour des facultés faiblissantes… Voilà pour l’esprit ! […] Les premiers conspirateurs contre celle d’Alexandre VI sont, aux yeux de son nouvel historien, les mêmes qu’aux yeux d’Audin et de Rohrbacher… Ce sont Burchard, le valet déshonoré et cassé aux gages, et Guichardin, que le sceptique Montaigne ne craint pas de traiter d’esprit pervers ; Burchard surtout, « ce Procope menteur d’antichambre, avec lequel, si ses contes étaient vrais, le profond politique Alexandre VI, ce grand discret, ne serait plus qu’un idiot !  […] — donne à l’esprit une secousse qui, du coup, frappe de ridicule ce naturaliste en cloportes !

3715. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Ce groupe des déplacements, nous l’avons vu, est apparenté à l’espace et on pourrait en déduire l’espace, mais il n’est pas équivalent à l’espace puisqu’il n’a pas le même nombre de dimensions ; et quand nous aurons montré comment la notion de ce continu peut se former et comment on peut en déduire celle de l’espace, on pourrait toujours se demander pourquoi l’espace à trois dimensions nous est beaucoup plus familier que ce continu à six dimensions, et douter par conséquent que ce soit par ce détour, que s’est formée dans l’esprit humain la notion d’espace. […] § 6. — L’esprit et l’espace L’expérience n’a donc joué qu’un seul rôle, elle a servi d’occasion. […] Je crois donc que si par espace on entend un continu mathématique à trois dimensions, fût-il d’ailleurs amorphe, c’est l’esprit qui le construit, mais il ne le construit pas avec rien, il lui faut des matériaux et des modèles.

3716. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Il y a, dans l’Étrangère, des scènes d’un jeu hardi et frappant, des fusées d’esprit très brillantes. […] On lui chercha et on lui trouva un père légal, dans la personne d’un certain marquis de Quansas, gentilhomme ruiné et taré, qui n’avait plus que son nom à vendre, et qui eut l’esprit de mourir, quelques mois après en avoir touché le prix. […] C’est un personnage assez insignifiant, par lui-même, que celui de ce gentilhomme désœuvré et d’esprit borné.

3717. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

ce nom me revient, et je ne sais quel mirage voit mon esprit entre cette toile, et l’œuvre de Shakespeare. […] Lamartine a dit qu’il avait de grosses mains, ce n’est pas vrai, il avait des mains de femme. » Et la conversation va à l’esprit, aux bons mots, et Sainte-Beuve cite ce mot de Mme d’Osmont abîmant la duchesse de Berry, lors de son arrestation en Vendée, et à laquelle on demandait pourquoi elle était si dure pour la princesse et qui répondait : « Elle nous a fait toutes cocues !  […] On a de temps en temps besoin d’un encanaillement de l’esprit… Je rencontre dans le corridor Sari.

3718. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Dimanche 2 mars La timidité, cette paralysie de ma valeur personnelle en société, pendant toute ma jeunesse et ma maturité, cet état nerveux, où en présence de deux ou trois imbéciles inconnus, j’éprouvais comme un nœud de l’aiguillette de l’esprit, il me semble que je m’en suis débarrassé à l’heure présente, mais il n’y a pas bien longtemps. […] C’est bien borné, et le théâtre me semble pour un esprit, le travail fatigant d’un écureuil dans une cage. […] Il me dit n’avoir plus au monde qu’un seul plaisir, la causerie. « Et encore, ajoute-t-il, je n’ai pas le charme humain de cette si bonne chose, je n’ai pas le sourire de ceux avec lesquels je m’entretiens, et dans la nuit où je vis, la causerie avec des vivants a quelque chose d’une conversation avec de purs esprits.

3719. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc ne manque pas : Semblables au François qui, durant son jeune aage, Et du Tibre et du Pô fraye le beau rivage : Car, bien que nuict et jour ses esprits soyent flattez Du pipeur escadron des douces voluptez, Il ne peut oublier le lieu de sa naissance ; Ains, chasque heure du jour, il tourne vers la France Et son cœur et son œil, se faschant qu’il ne voit La fumée à flots gris voltiger sur son toict.

3720. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Introduction »

On tenta de transporter à l’esprit les bienfaits dont on la voyait adoucir la vie matérielle.

3721. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Nulle vraisemblance, une complication d’incidents bizarres, une exagération, une caricature presque continuelle, un dialogue étincelant de verve et d’esprit, mais où l’auteur paraît plus que le personnage ; voilà le fond de ses comédies267.

3722. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Cette gamme, qui s’accordait avec la tumultueuse effervescence des esprits, était difficile à soutenir en temps plus paisible.

3723. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Ernest d’Hervilly est un esprit complexe, un humoriste, un railleur et un excentrique.

3724. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

René Doumic Ce que M. de Montesquiou possède en propre et ce qu’il ne viendra à l’esprit de personne de lui contester, c’est une admirable fertilité.

3725. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Roumanille obtint ce succès du premier coup ; et comme, en toute occasion, il continua de chanter, ici un conte joyeux, là une élégie, comme il joignait d’ailleurs à cette œuvre de rénovation poétique un apostolat social et défendait les vieilles mœurs au milieu des fièvres de 1848, il devint bientôt le chef d’un travail d’esprit qui fut un véritable événement, pour la Provence, durant plusieurs années.

3726. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Une sylve du Pèlerin passionné le salue en ces termes : « Gentil esprit, l’honneur des muses bien parées… » Maurice Du Plessys lui voue un sonnet, dont ce premier vers : « La gloire t’a béni dès l’aube de tes ailes… » Ernest Raynaud, dans son récent Bocage, dit ses louanges plusieurs fois, et maint critique — Anatole France, par exemple — a écrit en son honneur.

3727. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

N’en doutez, mie, cette médiocrité du style accuse la faiblesse d’un esprit incapable de coordonner et de hiérarchiser les idées élémentaires, la pauvreté d’une pensée gonflée mais anémique.

3728. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Non seulement des fragments détachés ne permettent pas de saisir les relations étroites qui existent entre les choses, ni les mille actions et réactions qu’elles exercent les unes sur les autres ; mais quel chaos ne peuvent-ils pas aussi produire dans l’esprit !

3729. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Il s’ensuit que l’historien, sous peine de se perdre dans la myriade des changements infiniment petits et infiniment nombreux qui se succèdent dans la durée, doit déterminer des points de repère, ceux par exemple où une force nouvelle intervient, où un mouvement d’esprits se met en branle, s’arrête, ou bien change de direction.

3730. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire Avant d’aller plus loin, il faut répondre ici à des objections qui doivent avoir surgi dans l’esprit de plus d’un lecteur.

3731. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

Cette excessive prolixité n’est pas le seul défaut qu’on puisse leur reprocher : il regne dans la plupart un ton de singularité qui fait disparoître le mérite des traits d’esprit qui s’y montrent de temps en temps.

3732. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Si on en excepte un petit nombre, dont la réputation se soutiendra dans tous les siecles, le reste n’offre qu’une multitude d’Ecrivains qui paroissent avoir méconnu l’esprit & le ton du genre auquel ils se sont attachés.

3733. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

Il est remarquable que ce nom isolé n’est pas même compris dans la période poétique ; il est rejeté au commencement d’un vers, où il coupe la mesure, suspend l’esprit et l’oreille, forme un sens complet ; il ne tient en rien à ce qui suit : Τὸν σὺ πρώην κτεῖνας ἀμυνόμενον περὶ πάτρης Ἕκτορα.

3734. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

Ô que nos peintres ont peu d’esprit !

3735. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 47, quels vers sont les plus propres à être mis en musique » pp. 479-483

Dès que nous avons eu fait des opera, l’esprit philosophique, qui est excellent pour mettre en évidence la vérité, pourvû qu’il chemine à la suite de l’expérience, nous a fait trouver que les vers les plus remplis d’images, et generalement parlant les plus beaux, ne sont pas les plus propres à réussir en musique.

3736. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Lettre-préface à Henri Morf et Joseph Bédier » pp. -

Quelques esprits scientifiques s’en effraient, comme d’un retour à de vieilles superstitions ; d’autres s’en réjouissent en effet, comme d’un retour du Fils prodigue.

3737. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Mais à leurs regards qui cherchaient à se rencontrer, à leurs sourires rendus par de plus doux sourires, on les eût pris pour ces enfants du ciel, pour ces esprits bienheureux dont la nature est de s’aimer, et qui n’ont pas besoin de rendre le sentiment par des pensées et l’amitié par des paroles. […] Est-ce par ton esprit ? […] Necker, l’homme à la mode, mais le moins naturel des écrivains ; sa femme, vertueuse mais prétentieuse ; sa fille, madame de Staël, capable de tout comprendre, mais non de tout faire ; Buffon, qui ne pouvait écrire qu’à l’ombre des créneaux de la tour de Montbard, et qui rendait dans ce cénacle les oracles de l’emphase ; Thomas, esprit bon et pur, corrompu par la rhétorique ; l’abbé Galiani, Napolitain de sens exquis, mais qui se nourrissait du sel de l’esprit au lieu de la substance du cœur ; enfin quelques grands artistes du temps, juges de forme plus que de fond, tel que le fameux peintre de marine Vernet, faisaient partie de l’auditoire. […] La passion d’esprit se tut ; et le sentiment vrai fut vainqueur. […] Voilà le triomphe de l’art sur l’esprit.

3738. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Quinze ou vingt maisons où, quand je passe le pas de (la) porte, il n’y a pas l’ombre du déplacement de rien ; ni dans les esprits, ni dans les meubles, ni dans les cœurs. […] On tient tout ça nerveusement ramassé d’avance dans le creux de l’esprit. […] Et aussitôt ce fut un grand éblouissement dans les esprits et beaucoup d’yeux se dessillèrent. […] Ils voudraient bien, comme esprits, les mêmes qu’esprits, être la matière. Ils voudraient bien être, comme esprit(s), leur (propre) matière.

3739. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

Victor Hugo, qui dit que les doctrines de Port-Royal sont encore aujourd’hui la lumière intérieure de quelques grands esprits, a dû achever de bien disposer le vieux maître.

3740. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

On n’arrive d’ordinaire à produire ce sentiment de la réalité dans l’esprit des lecteurs qu’avec un art infini et des lenteurs, des préparations extrêmes, par des analyses rapprochées, des témoignages rapportés, des narrations sincères, lucides, fidèles.

3741. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquos et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment ; s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse : et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal.

3742. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Dans le midi, on vit au jour le jour ; la présence du soleil, des travaux peu pénible et jamais interrompus, des sensations toujours en éveil, ne permettent pas les longues espérances ni les longues inquiétudes : on y jouit précisément de cette liberté d’esprit si propice à l’essor de l’imagination ; c’est là que devaient et que seulement pouvaient naître ces poètes aimables, qui chantaient les douceurs du rien faire, la jouissance du présent et l’oubli du lendemain.

3743. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubanel, Théodore (1829-1886) »

N’est-il pas évident, à première vue, qu’un tel poème s’adresse à des esprits cultivés ?

3744. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

Il eut, du poète, le don d’imagination et, du romancier, l’esprit d’observation.

3745. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Déroulède est tout jeune ; il a de l’esprit, il manie l’alexandrin avec facilité ; il a écrit son Juan Strenner avec un soin infini de la forme ; les tirades abondent en vers aisés et spirituels.

3746. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

Il nous joue de vraies mélodies, au lieu d’exécuter des variations sur la cinquième corde, ce qui est aussi désagréable à l’oreille que peu profitable à l’esprit.

3747. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Le Huron, Lucile, Silvain, l’Ami de la Maison, sont des preuves que son esprit est précisement fait pour les bagatelles, sur-tout quand une Musique agréable vient relever un peu la fadeur de sa Poésie.

3748. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Si nous voulions d'abord en critiquer le titre, nous dirions que le mot Maximes ne sauroit convenir qu'à des vérités évidentes & consacrées par une adoption générale, non à des pensées qui peuvent être vraies, mais qui sont nouvelles, & ne doivent être regardées que comme le fruit de la méditation d'un esprit qui réfléchit pour lui même, sans avoir droit de fixer les idées d'autrui.

3749. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Il attaqua vivement l’auteur, Italien de naissance, un de ces sçavans, il est vrai, sans esprit & sans goût, mais considérés à cause de leur application & de leurs recherches, qui ne sortent des bornes de la modération, que lorsqu’on ne garde aucun ménagement pour eux.

3750. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

L’art compris en dehors de la vie ne peut guère que délasser quelques esprits subtils et précieux.

3751. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Le culte de la Vierge et l’amour de Jésus-Christ pour les enfants prouvent assez que l’esprit du christianisme a une tendre sympathie avec le génie des mères.

3752. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

C’est une imprudence que d’appliquer sans cesse son jugement à la partie aimante de son être, de porter l’esprit raisonnable dans les passions.

3753. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Je demeurerai dans une paix profonde (elle se leva ici avec un air de dignité, que l’esprit de religion semblait encore augmenter) ; et lorsque l’ange de la mort paraîtra, je lui tendrai la main.

3754. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Je laisse là tous ses petits tableaux, ses deux pastorales où il y a la fausseté de Boucher, sans son imagination, sa facilité et son esprit, la Femme qui amuse son enfant avec un moulin à vent, sa Sainte Famille que je n’ai point aperçue ni moi ni personne, la Femme qui dessine à l’encre de la Chine, et j’en viens à sa grande composition.

3755. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris » pp. 486-491

Cette prédilection dépend de notre goût, et notre goût dépend de notre organisation, de nos inclinations présentes, et de la situation de notre esprit.

3756. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Ces trois unités d’espèces avec beaucoup d’autres qui en sont une suite, se rassemblent elles-mêmes dans une unité générale, celle de la religion honorant une Providence ; c’est là l’unité d’esprit qui donne la forme et la vie au monde social.

3757. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le maître de Saroutaki était proche du roi lorsque la plainte fut faite et la punition ordonnée ; et, comme il vit que le prince se mit à parler assez gaiement de l’arrêt qu’il venait de donner, et en souriait en le regardant, il prit la liberté de lui dire en riant: « En vérité, sire, c’est dommage que ce malheureux garçon meure ; car il a infiniment d’esprit, et il pourrait rendre un jour d’importants services à Votre Majesté. » Le roi répondit: « Eh bien, qu’on le sauve, s’il est encore temps, ou qu’on le fasse panser. » Le pardon du roi arriva trop tard: sa sentence avait déjà été exécutée ; mais elle l’avait été si heureusement, que le criminel n’en mourut pas, comme on en court le risque dès qu’on a dix-huit ans passés. […] J’ai touché un mot du pouvoir que la reine mère avait sur l’esprit du roi, et combien d’ailleurs elle était unie d’amitié et d’intérêt avec le premier ministre ; et j’ai dit aussi la consternation du roi, quand les assassins de ce seigneur lui présentèrent sa tête. […] La cour s’y dévoile avec un magique intérêt ; lisez: Les eunuques s’étant présentés au logis des ministres, comme venant de la part de Sa Majesté, les obligèrent de sortir de l’appartement de leurs femmes, et alors ils les informèrent également tous deux de la mort d’Abas II (A’bbâs), et leur en firent un rapport assez exact, qui était que le jour précédent, vers le soir, après que ces ministres se furent retirés, ce monarque avait mangé de bon appétit des confitures que ses femmes lui avaient apprêtées ; ensuite de quoi il avait paru se porter mieux qu’à l’ordinaire, jusque sur les neuf heures du soir, qu’il était tout à coup tombé en pâmoison ; qu’eux y étaient accourus, et l’avaient mis sur son lit ; qu’il était revenu à soi sur les onze heures, mais avec quelque altération de sa raison ; que sa douleur après cela s’était augmentée, et que deux remèdes réitérés qu’il avait pris par l’ordonnance des médecins ne l’avaient point soulagé ; que, vers les deux heures après minuit, la violence de son mal sembla s’être un peu apaisée, mais qu’elle l’avait ressaisi sur les trois heures et lui avait causé une frénésie demi-heure durant ; qu’une autre demi-heure il avait joui de quelque repos ; mais que, enfin, vers les quatre heures, ses yeux, par de tristes roulements, avaient fait connaître les approches de sa mort ; qu’en même temps, il avait rendu l’esprit sans autre agitation, et l’on peut dire sans s’être senti mourir. […] » Les médecins allèrent donc rendre visite au premier ministre ; et, sous prétexte de lui donner avis de la mort du roi et de lui déclarer la qualité des deux derniers médicaments qu’ils lui avaient fait prendre, ils entrèrent dans des matières plus importantes: ils parlèrent de l’élection, et lui remontrèrent que lui et tous les grands du conseil avaient bien sujet de prendre garde à eux ; que le prince, quelques moments avant sa mort, s’était plaint à haute voix que ses ministres lui avaient fait donner du poison ; mais qu’il laissait un fils qui leur mangerait le cœur ; que ces paroles ni ces plaintes ne pouvaient demeurer cachées au successeur ; que si l’on donnait la couronne à l’aîné, qui était déjà dans un âge assez avancé pour se rendre indépendant, et qui d’ailleurs avait l’esprit fort fier, il ne manquerait jamais de se servir de ce prétexte pour se défaire de tous les grands et de tous les ministres, dans la pensée de se rendre absolu par ce moyen et se mettre en état de faire de nouvelles créatures, vu principalement qu’il devait se ressentir du mauvais traitement que son père lui avait fait depuis deux ans, qu’il attribuerait toujours au conseil de ses ministres. […] Ils se figurèrent que si cet aîné venait à régner, leur perte était infaillible ; qu’il y avait tout à craindre d’un esprit hautain comme le sien, qui, à l’âge de vingt ans, se verrait, de captif, tout à coup devenu souverain ; que, quand il ne se croirait pas avoir été offensé par eux, le plaisir qu’il prendrait à faire le maître le porterait à d’étranges résolutions, dont la moindre serait de changer la face de la cour. « Et qui sait, disaient-ils en eux-mêmes, s’il n’attentera point à nos vies ? 

3758. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

« Ce M. de Villeroy était un homme de beaucoup d’esprit, fort riche, admirable en toutes choses, mais mon secret ennemi. […] Comme le bruit courait depuis longtemps que ce vieux château était habité par un esprit, que je n’avais cependant jamais vu ni entendu, et que cette fille qui était couchée dans cette tête la faisait remuer de temps en temps, le sot peuple disait que l’esprit s’était déjà emparé de cette grande figure, et qu’il lui faisait mouvoir les yeux et la bouche, comme si elle voulait parler ; les uns en étaient effrayés, et les autres plus malins s’efforçaient de le leur faire croire, quoiqu’ils ne sussent pas qu’il y avait dans cette tête un véritable esprit. » VIII Le roi cependant, à la sollicitation de Mme d’Étampes, lui reprocha de perdre son temps et son talent à faire pour d’autres des vases, des salières, des têtes, des portes, et de négliger les grands ouvrages qu’il lui avait commandés. […] « Je croyais avoir bien fait de parler ainsi ; mais il en résulta le contraire de ce que j’attendais, parce que la duchesse, quoiqu’un peu fâchée contre moi, avait un excellent esprit et un bon cœur.

3759. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) I Aristote est un des grands types de l’esprit humain, peut-être le plus grand, si la justesse de l’esprit fait partie de sa perfection. […] Il acquit une fortune honorable dans cette intimité, comme on peut le conclure de son testament qui laissa son fils, Aristote, dans les meilleures conditions pour un philosophe, absorbé dans les études universelles, libre, aisé et désintéressé de tout, excepté du progrès de l’esprit humain en tous genres. […] Amener les esprits à ce point de bienveillance regarde spécialement le législateur. […] On dirait qu’un esprit divin, descendu du ciel pour éclairer les hommes, a pris la plume d’or des séraphins pour révéler aux hommes de toutes les conditions, de toutes les dates, de toutes les professions sociales, les moyens de perfectionner et de conserver leur gouvernement.

3760. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

L’espace grand devant les pas, le ciel libre sur la tête rendent l’âme vaste et l’esprit indépendant : les murs sont l’esclavage, les champs sont la liberté. […] Très-versée par les habitudes de sa piété dans la Bible, très teinte des couleurs homériques dans son imagination par ses lectures de jeunesse sous des maîtres illustres, on voyait, à sa physionomie fine et sous-entendue devant les grandes scènes de la vie rurale, qu’elle en jouissait aussi naïvement que nous par le cœur, mais plus littérairement que nous par l’esprit. […] Une femme de charge de la maison veillait nuit et jour dans cet endroit et gardait ces trésors avec un esprit plein de prévoyance. […] Alors elle lut ces vers immortels : « Nausicaa, dit Minerve invisible à l’esprit de la fille d’Alcinoüs à son réveil, que votre mère vous a donc faite paresseuse ! […] nous demanda notre mère ; vous frappe-t-elle moins vivement et moins agréablement l’esprit que la description de l’armure éclatante d’un roi ?

3761. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

La solution qui se présente immédiatement à l’esprit, une fois engagé dans cette voie, consisterait à définir l’intensité d’une sensation ou d’un état quelconque du moi par le nombre et la grandeur des causes objectives, et par conséquent mesurables, qui lui ont donné naissance. […] James n’a pas formulée, mais qui nous paraît tout à fait conforme à l’esprit de sa doctrine. […] Et que peut être notre préférence sinon une certaine disposition de nos organes, qui fait que, les deux plaisirs se présentant simultanément à notre esprit, notre corps incline vers l’un d’eux ? […] Des étrangers, conversant entre eux dans une langue que nous ne comprenons point, nous font l’effet de parler très haut, parce que leurs paroles, n’évoquant plus d’idées dans notre esprit, éclatent au milieu d’une espèce de silence intellectuel, et accaparent notre attention comme le tic-tac d’une montre pendant la nuit. […] Vous savez aussi jusqu’à quel point vous auriez à enfler votre voix pour produire un son analogue, et l’idée de cet effort se présente instantanément à votre esprit quand vous érigez l’intensité du son en grandeur.

3762. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Paul, Jean et Jacques auront donc beau être en mouvement par rapport à lui : il verra en eux des esprits qui pensent et sentent à sa manière. […] La durée de l’observateur en S immobile, quand S′ est le système qu’on réfère à S, ne serait donc pas nécessairement la même que celle de ce même observateur, quand le système référé à S est S″ ; il y aurait, en quelque sorte, des intensités d’immobilité différentes, selon qu’aurait été plus ou moins grande la vitesse de déplacement réciproque des deux systèmes avant que l’un d’eux, érigé tout à coup en système de référence, fût immobilisé par l’esprit. […] Or l’idée de poser une pluralité de Temps mathématiques n’était jamais venue à l’esprit avant la théorie de la Relativité ; c’est donc uniquement à celle-ci qu’on se référerait pour mettre en doute l’unité du Temps. […] Les autres seraient aussi bien des marionnettes vides ; ou bien alors ce ne seront que des physiciens virtuels, simplement représentés dans l’esprit du physicien en S. […] L’idée vient tout de suite à l’esprit que notre personnage en N′, si son regard pouvait franchir instantanément l’espace qui le sépare de P′, y apercevrait une partie de l’avenir de ce lieu, puisqu’elle est là, puisque c’est un moment de cet avenir qui est simultané au présent du personnage.

3763. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Laissez cela à Paul de Kock et à ces écrivains de l’école des Bohèmes, qui ont plus de gaieté et d’esprit que vous, bien qu’ils n’aient pas une plume des ailes transcendantes de votre génie ! […] Le malheur, qui a aussi sa clarté, augmenta le peu de jour qu’il y avait dans cet esprit. […] Cet homme rude et illettré s’était-il bien nettement rendu compte de la succession d’idées par laquelle il était, degré à degré, monté et descendu jusqu’aux lugubres aspects qui étaient depuis tant d’années déjà l’horizon intérieur de son esprit ? […] « L’esprit des grands jours entra dans cet homme inconnu à cette minute fatale.

3764. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Une insulte excite la colère, c’est-à-dire que certaines idées et sentiments d’honneur acquièrent tout d’un coup une extrême intensité ; une foule de pensées et d’images passent avec une vitesse extrême devant l’esprit, et il y a, comme disait Pascal, « précipitation de pensées » ; enfin la direction antérieure de notre volonté est brusquement modifiée et la volonté se porte tout entière à se défendre de l’insulteur. […] Tantôt l’excitation nerveuse se transforme simplement en mouvements cérébraux, corrélatifs d’une agitation de l’esprit ; c’est ce qui a lieu, par exemple, quand un enfant écoute un récit qui l’intéresse et l’émeut. […] Certains états de l’esprit, dit Darwin, entraînent chez l’animal certains actes habituels qui sont utiles à l’entretien ou à la défense de la vie, par exemple tels mouvements agressifs ; quand se produit un état d’esprit directement inverse, l’animal accomplit instinctivement et par antithèse les actes opposés, alors même qu’ils sont inutiles. […] Le marin, le cavalier, le danseur, se laissent facilement reconnaître ; les banquiers, les notaires, les avocats ont aussi des gestes qui leur sont propres ; mais ici le diagnostic devient incertain. » On sait que Lavater, quand on lui envoya le masque de Mirabeau, devina « un homme d’une énergie terrible, indomptable dans son audace, inépuisable en ressources, résolu, hautain. » On sait encore qu’un jour un inconnu se présenta à Lavater : « Regardez-moi bien et devinez qui je suis. » Lavater devina d’abord un homme de lettres, puis un homme habitué à saisir le côté ridicule des choses, ayant de l’originalité, de l’esprit.

3765. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

C’est à Corfou qu’après une crise violente dans l’armée et une faction qui faillit tout dissoudre, les principaux chefs et barons parvinrent à ramener les dissidents, à réconcilier les esprits, et l’on put faire voile enfin pour l’expédition désirée, la veille de la Pentecôte (1203). […] [NdA] Dans des leçons que j’ai eu depuis lors à faire à l’École normale au sujet de ce même Villehardouin, je développais un peu plus ce point de vue, et j’ajoutais : Il est un mot sur lequel il faut insister encore, et pour le réfuter, et pour nous faire mieux pénétrer dans l’esprit de ces temps, de ce Moyen Âge occidental et français véritablement moderne : c’est que les chefs et capitaines des croisés, auraient été de purs barbares.

3766. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il l’expliqua un jour très gaiement, et avec beaucoup d’imagination et d’esprit, au roi Henri II, qui, au retour de ce siège, l’accueillit comme il devait et l’entretint longuement durant cinq heures d’horloge, se faisant tout raconter, et ses harangues, et ses ruses, et le détail des souffrances, mais le roi ne pouvait, malgré tout, concevoir encore comment il avait su s’accorder si bien et si longtemps avec une nation étrangère et délicate, surtout en de pareilles détresses. […] Par son cri d’alarme, il fait bien sentir le danger où fut à une certaine heure la France de se réveiller toute calviniste, au moins par la tête, c’est-à-dire à la Cour, dans les classes élevées et même dans la haute bourgeoisie ; car il y eut un moment de mode presque universelle pour la nouvelle religion ; la jeunesse parlementaire en était plus ou moins atteinte : « Il n’était fils de bonne mère, dit Montluc, qui n’en voulût goûter. » Montluc ne fait point la part de la conviction et de la conscience chez bon nombre de ses adversaires ; mais chez les chefs et les grands il fait très bien la part des motifs ambitieux et intéressés : « Si la reine (Catherine de Médicis) et M. l’amiral (de Coligny) étaient en un cabinet, et que feu M. le prince de Condé et M. de Guise y fussent aussi, je leur ferais confesser qu’autre chose que la religion les a mus à faire entretuer trois cent mille hommes, et je ne sais si nous sommes au bout… » Homme d’autorité et royaliste de vieille roche, il met bien à nu et dénonce l’esprit républicain primitif des Églises réformées et leur dessein exprès de former un État dans l’État.

3767. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Se voyant de loisir et complètement livrés à eux-mêmes, comptant leurs forces et sentant croître leurs besoins, ils s’exaltèrent dans leurs prétentions ; la masse fermenta, des chefs ambitieux soufflèrent l’esprit de sédition, et lorsque Hannon, qui commandait pour les Carthaginois en Afrique, se fut rendu à Sicca et qu’au lieu de payer la totalité de la solde promise, il parla de réductions et de sacrifier une partie de la dette, on peut imaginer comme il fut reçu. […] A peine introduit dans l’assemblée, et après avoir remercié ses libérateurs, il souffle autour de lui le feu et l’esprit de rixe, en remarquant qu’on n’a pas donné aux Mercenaires pour le festin les coupes réservées à la légion sacrée : c’était une légion de jeunes patriciens.

3768. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Idéaliste, c’est-à-dire ne distinguant pas l’esprit et la matière, Jésus, la bouche armée de son glaive à deux tranchants, selon l’image de l’Apocalypse, ne rassura jamais complètement les puissances de la terre. […] Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur pour concilier ses propres sentiments avec les exigences du peuple fanatique dont il avait déjà tant de fois ressenti la pression.

3769. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

L’héroïque renonciation à la cour, attribuée par La Beaumelle à l’esprit de pénitence dont madame de Montespan se trouva si subitement et si complètement animée, les encouragements dont il prétend que madame de Maintenon fortifia son amie, sont des fables démenties par une lettre de madame de Maintenon à Gobelin, au moment que la résolution du roi éclata. […] C’était dans cette honnêteté, toute morale, que résidait la grande puissance qui devait ramener un roi dissolu à des mœurs décentes ; car la religion n’agit sur Louis XIV qu’après l’ascendant de la morale, aidée par les charmes de l’esprit et de la raison.

3770. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Il semble résulter de ces rapprochements que la supériorité de l’esprit n’assure pas le premier rang dans l’ordre des poids cérébraux. […] Vogt nous dit avec ce ton de mépris bien peu digne d’un savant : « La gent philosophe, qui n’a vu de singes que dans les ménageries et les jardins zoologiques, monte sur ses grands chevaux, et en appelle à l’esprit, à l’âme, à la conscience et à la raison ! 

3771. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

On remarquera que la même vivacité d’esprit, que le même feu d’imagination, qui fait faire par un mouvement naturel des gestes animez, variez, expressifs et caracterisez, en fait encore comprendre facilement la signification lorsqu’il est question d’entendre le sens des gestes des autres. […] Il y a environ vingt ans qu’une princesse, qui joint à beaucoup d’esprit naturel, beaucoup de lumieres acquises, et qui a un grand goût pour les spectacles, voulut voir un essai de l’art des pantomimes anciens qui pût lui donner une idée de leurs représentations plus certaine que celle qu’elle en avoit conçue en lisant les auteurs.

3772. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Du même esprit participent encore les ouvrages pédagogiques du xviie  siècle qui s’intitulent par exemple le Thésaurus ou Gradus ad Parnassum, avec lequel plusieurs générations ont composé des vers latins ; ou bien c’est le Jardin des Racines Grecques, que cultivaient ces Messieurs de Port-Royal. […] Le reste n’est qu’un ornement futile, mais qui, néanmoins, donne une indication quasiment infaillible sur l’esprit de l’auteur, le caractère du livre et la date de la publication.

3773. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Je n’eus plus qu’indirectement de ses nouvelles, entre autres, dans une circonstance qui me fut extrêmement pénible, et que je rappelle ici pour vous donner une idée de l’esprit plus libéral que patriotique qui animait alors l’École normale.

3774. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

L'auteur, homme d’esprit, corrompu, et qui jouit à bon droit d’une très-mauvaise réputation de mœurs, voyage bien ; c’est ce qu’il fait de mieux.

3775. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Quelques nobles esprits prétendent qu’une autre ère commence, et M. de Lamartine, par exemple, ne rêve que l’avénement d’un grand Chatham pacifique et humanitaire.

3776. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Il est resté pour moi un grand écrivain, un grand et surtout un vigoureux esprit dominé par une imagination forte, et plus que tout encore une âme de douleur, d’angoisse et de tourment.

3777. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Quant au but moral, de semblables productions ne sont bonnes qu’à égarer les imaginations affaiblies ; elles ne s’adressent pas aux esprits sains, et ne font que leur révéler une profondeur de démence qu’ils ont peine à croire et qu’ils ne comprennent pas.

3778. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Enfin, si nous remontons plus haut encore, si nous la suivons au Palais-Royal, dans le monde, nous la verrons sans cesse briguant avec fureur la célébrité, dans un temps où celle-ci était le prix des talents d’éclat, poursuivant tous ces talents, cultivant tous les arts, jusqu’à y trop exceller, transportant le théâtre dans les salons et l’école dans le théâtre, cumulant dans sa tête dévotion, galanterie, sensibilité, pédantisme, en un mot, toutes les inconséquences dont est capable une femme d’esprit, décidée à se créer en toute hâte une existence supérieure et plus que privée.

3779. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Une liaison inaperçue, mais invincible, associe dans notre esprit les perceptions de certains lieux, de certains bruits, de certains aspects du ciel, au sentiment qui nous remplit, transporte celui-ci dans celles-là, et, après l’avoir en quelque sorte dispersé au dehors de nous, nous le renvoie par tous nos sens.

3780. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

S’occupant d’abord de peinture, vivant avec plusieurs amis, poêles, peintres, sculpteurs, de la pure vie d’atelier, il en eut les préoccupations exclusives, le genre sans nuance, et, qu’il nous permette de le dire, quelques-unes des singularités extrêmes, en même temps que l’émulation sérieuse, les études sincères, l’ardeur et l’audace d’esprit.

3781. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Marche donc, mon enfant, image du passé ; Ranime mon esprit qui, voyageur lassé,     Se traîne vers l’hôtellerie.

3782. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Vous êtes poète, j’ai voulu surtout marquer votre place, à ce titre, dans la grande littérature, honorer en vous cette constance qui vous porte à chercher les succès difficiles, et vous inviter à marcher résolument dans ce véritable domaine de l’art, que les auteurs comme le public semblent tentés d’abandonner : non que je porte à la comédie en vers une préférence académique et que je lui croie plus de dignité qu’à la comédie en prose ; une grande comédie en prose est assurément une œuvre très littéraire, surtout si elle est l’œuvre d’un seul auteur ; mais la comédie en vers a cet avantage d’une langue particulière qui parle à la mémoire, et d’un art choisi, précis, délicat, et d’autant plus difficile que les esprits auxquels il s’adresse sont plus cultivés.

3783. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

J’ai rencontré la phrase triste et sans raison de Maeterlinck, moins sa profondeur d’eau verte ; le trait à l’Oscar Wilde, moins l’esprit ; la naïveté de Dujardin, moins sa fraîcheur ; la joaillerie de Jean Lorrain, mais bien plus fausse ; les subtilités de Catulle Mendès, mais moins subtiles ; jusqu’à des aphorismes de Victor Hugo, furieusement posthumes, par exemple !

3784. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

N’épuisent point sa face en labeurs superflus, L’esprit, plus sûrement, maîtrisera le monde.

3785. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Stéphane Mallarmé particulièrement l’a discerné, qui écrivait à l’auteur : « … Peu d’œuvres jeunes sont le fait d’un esprit qui ait été, autant que le vôtre, de l’avant », et il lui prodigua les conseils, attirant son attention sur L’Harmonie contenue en ces vers de la Légende d’âme et de sang, « et ainsi, disait dernièrement Ghil, me jeta dans la voie, ma voie, selon un sens harmonique très développé en moi, qui me fait écrire en compositeur plus qu’en littérateur ».

3786. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Ce n’est pas la faute de Rimbaud si des esprits lourds, fâcheusement logiques, s’en sont fait une méthode plutôt divertissante ; c’est encore moins sa faute si on a attribué à ce sonnet, dans son œuvre et en n’importe quel sens, une importance exorbitante.

3787. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

Ce seroit avilir le Cothurne, ce seroit manquer à la fois l’objet de la Tragédie & de la Comédie ; ce seroit une espece bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une Comédie & une Tragédie véritable. » Quoique M. de Voltaire ne fasse pas loi dans le genre comique, par le peu de succès de toutes ses Comédies, il grossit donc la foule de tous nos bons Littérateurs qui se sont élevés contre ces esprits médiocres, qui s’efforcent de rembrunir la Scène, ne pouvant l’égayer.

3788. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Seroit-on bien reçu à dire que personne n’étoit plus capable de remplacer l’Abbé Desfontaines ; que, né avec autant d’esprit que son prédécesseur, il l’a emporté sur lui du côté du talent de la Poésie, & qu’on peut en juger par son Ode sur la Journée de Fontenoy, & par d’autres Pieces connues ; que les Auteurs Grecs & Latins lui étoient aussi familiers que ceux du siecle de Louis XIV ; qu’il a réuni la connoissance de plusieurs Langues étrangeres au mérite de bien écrire dans la sienne ; qu’il s’est montré supérieur dans l’art de faire l’analyse d’un Ouvrage, & sur-tout d’une Piece de Théatre, quand il a voulu s’en donner la peine ?

3789. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Ces pieuses farces étaient un mélange monstrueux d’impiétés et de simplicités, mais que ni les auteurs ni les spectateurs n’avaient l’esprit d’apercevoir.

3790. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

Or, l’esprit des siècles héroïques se forme du mélange d’un état civil encore grossier, et d’un état religieux porté à son plus haut point d’influence.

3791. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Le système philosophique de Platon et de Pythagore, qui divise l’âme en deux essences, le char subtil qui s’envole au-dessous de la lune, et l’esprit qui remonte vers la divinité ; ce système, disons-nous, n’est pas de notre compétence, et nous ne parlons que de la théologie poétique.

3792. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Ce devait être un madrigal en peinture ; mais le maudit peintre, toujours peintre et jamais homme sensible, homme délicat, homme d’esprit, n’y a rien mis, ni expression, ni grâces, ni timidité, ni crainte ni pudeur ni ingénuité.

3793. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

On reproche à ses dieux de n’être qu’esquissés ; c’est qu’on n’a pas encore saisi l’esprit de sa composition.

3794. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

De tels crimes repugnent tellement aux coeurs qui ne sont pas entierement dépravez, qu’il ne suffit point d’avoir perdu quelque chose de la liberté de son esprit pour les commettre, sans devenir un scelerat odieux.

3795. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

On n’a presque point de plaisir à revoir une piece qui suppose que la ressemblance du roi Tiberinus et d’Agrippa fut absolument si parfaite, même du côté de l’esprit, que l’amante d’Agrippa après avoir eu de longues conversations avec lui, continuë à le prendre pour Tiberinus.

3796. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

On imite la main d’un autre, mais on n’imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, et l’on n’apprend point à penser comme un autre, ainsi qu’on peut apprendre à prononcer comme lui.

3797. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Pour les esprits qui ne passent pas leur vie à couper en quatre des fils de la Vierge avec de microscopiques instruments, il n’y a que trois femmes en nature humaine et en histoire : La femme de l’Antiquité grecque (car la matrone romaine, qui tranche tant sur les mœurs antiques, n’est qu’une préfiguration de la femme chrétienne), la femme de l’Évangile, et la femme de la Renaissance, — pire, selon nous, que la femme de l’Antiquité, pire de toute la liberté chrétienne dont la malheureuse a si indignement abusé.

3798. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Seulement, son nouvel ouvrage, bien différent en cela du livre de Lerminier, lequel est digne d’être pris en considération par les esprits les plus profonds, n’ajoutera pas beaucoup aux idées actuelles et à la gloire de son auteur.

3799. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Et en effet, dans cette période d’entreprise encore confuse et de méditation ardente où il se trouvait, il s’était dit, pour un temps, de s’affranchir par l’esprit de tout élément et ascendant étranger, de donner un libre cours à sa faculté intérieure, à ses impulsions et à ses impressions, de se laisser faire naïvement à tous les êtres de la nature, à commencer par l’homme, et d’entrer par là dans une sorte d’harmonie et d’intimité avec tout ce qui vit. […] Goethe, après quelque temps de séjour à Wetzlar, avait fait connaissance avec la famille de monsieur Buff, bailli de l’ordre allemand, et il avait été frappé tout d’abord de la beauté, de la dignité virginale, de l’esprit de sa fille Lotte, âgée de près de vingt ans, qui, sans être l’aînée de la maison, servait de mère depuis près de deux ans à ses frères et sœurs, et n’en était pas moins aimable dans la société, où elle déployait une gaieté, vive et naturelle. […] Un moment, dans les premières années de cette existence nouvelle à Weimar, il a l’idée de se plaindre de son esclavage ; un reste de misanthropie werthérienne s’est glissé sous sa plume, mais il a le bon esprit aussitôt de s’en repentir : « Que le style de ma dernière lettre ne vous fâche pas, écrit-il à Kestner (mars 1783).

3800. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il est des races d’esprit, des espèces séparées qui demeurent étrangères l’une à l’autre et qui ne se pénètrent pas. […] Cet artiste si ingénieux et si littéraire par l’esprit était de ceux, en effet, qui se tourmentent eux-mêmes et qui le laissent trop voir ; il s’inquiétait des autres comme de lui ; il se comparait et se tâtait sans cesse ; il avait ce qu’on peut appeler l’organisation douloureuse. […] Ce fut une très jolie scène, comme il sied entre esprits gentils et bons enfants.

3801. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Ce jour là, les grandes découvertes seront proches, et les esprits impartiaux n’hésiteront pas pressentir que Wagner n’était décidément pas le dernier des crétins. […] Jullien, par exemple5, commence son étude sur Tristan en nous disant : « Son esprit, porté vers les spéculations philosophiques et jusqu’alors imbu surtout des doctrines panthéistiques de Hegel et de Schelling… » (148) ; c’est de la pure invention. […] Je crois que, pour tout esprit indépendant, cette démonstration aura été concluante.

3802. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La règle n’est pas contestée en biologie ; il n’est jamais venu à l’esprit de personne que ce qui est normal pour un mollusque le soit aussi pour un vertébré. […] C’est ainsi que l’esprit est amené à se détourner d’une réalité désormais sans intérêt pour se replier sur soi-même et chercher au-dedans de soi les matériaux nécessaires pour la reconstruire. […] L’esprit se trouve à l’aise en face du réel qui n’a pas grand’chose à lui apprendre ; il n’est plus contenu par la matière à laquelle il s’applique, puisque c’est lui, en quelque sorte, qui la détermine.

3803. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Et d’abord, pour les esprits sévères qui aiment avec raison qu’en recueillant même les songes et les fantaisies de l’imagination dans le passé, on soit fidèle à la lettre et qu’on transmette scrupuleusement les vestiges, l’ouvrage de M. 

3804. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Dans la seconde partie consacrée aux classiques Pierrots, de l’immortelle farce italienne, c’est un jet perpétuel d’esprit, de saillies alertes, vives, imprévues, toutes formulées dans des rondels pétillants.

3805. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

La confuse tendresse qui troublait l’esprit d’un jeune homme n’a plus besoin, pour s’exprimer, d’emprunter une mythologie rustique, mais trouve sa raison comme son but dans la femme qu’il sut élire ; c’est une destinée qui se fixe et définitivement s’attache ; il est heureux qu’une aussi favorable aventure nous ait valu de beaux vers.

3806. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il y a dans les ultimes chapitres — et je suis heureux, après des compliments que de mauvais esprits craindront énigmatiques, de finir sur une louange sincère : — il traîne en queue de roman une intrigue de juge d’instruction où Mme Fénigan croit son mari assassin, tandis que son mari la suppose coupable, et que c’est au juste un vieux braconnier qui a fait le coup, il y a là un de ces quiproquos à triple détente, d’un comique irrésistible, et dont M. 

3807. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

La force & la fécondité, l'élévation & la souplesse, le naturel & le sublime, un art supérieur d'exciter la surprise & d'entretenir l'admiration, sont, sous sa plume, des ressorts puissans qui élevent l'esprit du Lecteur, & le conduisent sans effort dans les routes sublimes que l'Auteur se fraye à lui-même.

3808. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Nous trouvons, jeté sur un morceau de papier, avec le désordre d’une note : Il me manque le premier volume de ma vie d’enfant… J’ai presque tout le reste en portefeuille… J’aimerais qu’on écrivît sans esprit.

3809. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Ceux qui résistèrent à l’esprit du siècle se retirèrent dans l’Armorique ; leur entêtement a légué au français environ vingt mots66 : c’est tout ce qui reste des dialectes celtiques parlés en Gaule, puisque les Bretons d’aujourd’hui sont des immigrés gallois.

3810. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Plus que jamais, il tiendra son esprit, son œuvre et sa pensée éloignés de toute coterie ; car il connaît quelque chose de plus grand que les coteries, ce sont les partis ; quelque chose de plus grand que les partis, c’est le peuple ; quelque chose de plus grand que le peuple, c’est l’humanité.

3811. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Elle étoit de Lyon, & recherchée de ce qu’il y avoit d’honnêtes gens dans la ville, à cause de son esprit & de sa figure.

3812. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Une femme d’esprit, lasse de voir dans nos livres des peintures satyriques de son sexe, appliqua aux hommes qui font les livres, la remarque du lion de cette fable.

3813. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Est-ce par ton esprit ?

3814. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Quand l’esprit humain fait un pas, il faut que tout marche avec lui ; tout change avec ses clartés ou ses ombres : ainsi il nous fait peine à présent d’admettre de petites divinités, là où nous ne voyons plus que de grands espaces.

3815. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Il écrit en homme d’esprit, & l’on sent que lorsqu’il sera parvenu aux siécles intéressans de notre littérature, il fera connoîtra nos richesses en homme de goût.

3816. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Je voudrais bien savoir quel sens, quel esprit il y a dans cette idée ?

3817. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Outre les dessins dont j’ai parlé, il y en a d’autres de ce dernier artiste, à la sanguine et sur papier bleu, qui sont jolis et d’un bon crayon, il y a de l’esprit et du caractère.

3818. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Aussi tranquilles donc sur leur subsistance que le religieux d’une riche abbaïe, ils avoient la liberté d’esprit necessaire pour se livrer aux goûts que la douceur du climat dans les contrées qu’ils habitoient faisoit naître en eux.

3819. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Cependant les italiens mêmes tomberont d’accord que Paul Veronése n’est nullement comparable dans la poësie de la peinture au Poussin qu’on a nommé dès son vivant le peintre des gens d’esprit, éloge le plus flatteur qu’un artisan pût recevoir.

3820. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Suivre l’avis d’un homme qui n’a pas d’autre expérience que nous et qui n’a rien appris que nous ne sçachions nous-mêmes, c’est reconnoître en quelque façon qu’il a plus d’esprit que nous.

3821. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

L’Allemagne, humiliée de sa conquête par Napoléon, cherchait avec passion dans ses légendes historiques un esprit de nationalité qui la vengeât de ses défaites ; elle s’attacha à cette découverte de ses vieilles traditions, et son esprit chevaleresque se rattacha à son patriotisme. […] Que votre esprit ne soit pas trop prompt, vous pourriez bien perdre ici l’honneur et la vie. […] « Où donc étaient tes esprits ? […] Ils avaient fort à faire pour distraire l’esprit de leurs hôtes. […] « Je pense que ce fut par l’inspiration du mauvais esprit qu’elle se sépara de Gunther si amicalement, et qu’elle l’embrassa en quittant le pays des Burgondes.

3822. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Les habitants de Saumur étant peu révolutionnaires, le père Grandet passa pour un homme hardi, un républicain, un patriote, pour un esprit qui donnait dans les nouvelles idées, tandis que le tonnelier donnait tout bonnement dans les vignes. […] « La consultation finie, il déclara positivement à Grandet que sa femme était bien mal, mais qu’un grand calme d’esprit, un régime doux et des soins minutieux pourraient reculer l’époque de sa mort vers la fin de l’automne. […] La flatterie n’émane jamais des grandes âmes ; elle est l’apanage des petits esprits, qui réussissent à se rapetisser encore pour mieux entrer dans la sphère vitale de la personne autour de laquelle ils gravitent. […] M. le président de Bonfons était le héros de ce petit cercle, où son esprit, sa personne, son instruction, son amabilité, sans cesse étaient vantés.

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