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31. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Corneille était sur la scène ce qu’était Richelieu dans les conseils. […] Quelle scène scandaleuse ! […] Quelle est la scène de Voltaire qui ne s’évanouisse à une pareille question ? […] Tout contribue donc à justifier, à motiver l’étrange proposition que Cléopâtre fait à ses fils ; et cette scène si vive, si attachante et d’un si grand effet, est encore une scène parfaitement raisonnable. […] Le grand Corneille réduit à deux actes et quelques scènes !

32. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Que dirait Sophocle, s’il voyait représenter cette scène ?  […] Ce qui me paraît surtout admirable dans Bajazet », c’est le trouble qui croît de scène en scène ; c’est l’agitation continuelle des personnages dont la situation change presqu’à chaque scène ! […] La scène où Mithridate communique à ses fils son projet d’aller à Rome, est une des plus magnifiques qu’il y ait sur la scène française ; c’est du moins celle où il y a le plus de mouvement théâtral. […] Mais la fourberie d’Harpagon ne produit qu’une scène comique, sans aucune suite, sans aucun résultat ; au contraire, la fourberie de Mithridate, indépendamment de la beauté de la scène, produit les plus grands événements, et amène la catastrophe. […] Il y en a qui disent que ces fables, beaucoup moins bonnes à lire, sont meilleures pour la scène : cela ne ferait point d’honneur à la scène.

33. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Scènes populaires et triviales. […] Ils forment comme une sorte d’illustration populaire où toute la suite de l’histoire religieuse est figurée et découpée en scènes. […] La farce avec son réalisme trivial et sa cynique bouffonnerie envahit le mystère, et le drame chrétien est étouffé sous l’excessive abondance des scènes populaires. […] Telle farce inclinera à la comédie ; telle autre se composera de deux ou trois scènes sans action ; telle sera un monologue. […] Petit de Julie ville enregistre dans son catalogue environ 120 farces et une quarantaine de sermons joyeux et monologues, dont six ou sept n’ont sans doute pas été faits pour la scène.

34. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Plus de distinction des genres : « des scènes paisibles sans drame, dit Vigny, mêlées à des scènes comiques et tragiques ». […] Ses drames historiques sont des modèles de découpage adroit, et ses drames d’invention sont machinés à merveille pour la scène. […] Mais le romantisme avait nettoyé la scène : unités, conventions, style, il avait tout bousculé. […] De la tentative de La Chaussée et de Diderot, il n’était guère resté, conformément au sentiment de Voltaire, que la comédie mixte, où des scènes attendries et pathétiques alternent avec les scènes plaisantes. […] Scribe inonde toutes les scènes de son infatigable production pendant cinquante ans (1811-1862).

35. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

La scène entre le fils et la mère est belle et touchante. […] Il se défait à chaque scène, entraînant la pièce, qui tombe en morceaux avec lui. […] L’auteur l’a rendu plus inacceptable encore en mêlant des enfants au conflit pénible qu’il a mis en scène. […] Cette scène est le seul moment où le drame éclate, l’unique éclair qu’il dégage. […] L’émotion vient, au second acte, avec une des plus belles scènes de la pièce.

36. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La scène se passe au devant d’un paisage. […] Et le lieu de la scène, où est le merveilleux et le sauvage ? […] Tout à fait à gauche et sur le fond, la scène se termine par des arbres. […] Scène insipide d’opéra. […] Il ne se doute donc pas que rien n’est si difficile que d’ordonner une composition en général, et que la difficulté redouble, lorsqu’il s’agit d’une scène de mœurs, d’une scène de famille, d’une dernière scène de la vie, d’une scène pathétique et de grand pathétique.

37. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Le Festin de Pierre, acte V, scène ii. […] La gaieté des spectateurs ne fut plus l’écho de celle de la scène. […] L’analyse du cœur humain, la peinture des caractères remplacèrent sur la scène l’antique guerre des Dieux. […] Les Brigands, acte Ier, scène ii. […] Les Brigands, acte Ier, scène ii.

38. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Des scènes historiques qui ne sont que de l’imagerie historique, des découpures de personnages avec la petite couleur locale appropriée, ne valent pas la plus médiocre narration ou le plus médiocre jugement d’un historien quelconque ; car une narration et un jugement sont, après tout, des choses viriles, et des scènes historiques qui ne sont pas des chefs-d’œuvre ne sont que de la puérilité. Le malheureux et oublié Vitet a fait autrefois des Scènes historiques, Rémusat, son digne collègue à l’Académie et dans l’oubli, en a fait aussi. […] La Lucrèce Borgia des Scènes historiques, comme dans le livre du Père Olivier, y est complètement justifiée. […] Dans les Scènes historiques de Gobineau, l’ambition des Borgia a dit son secret dans le langage d’Alexandre VI. […] J’aurais voulu la prouver par des citations, mais on n’étrangle pas des scènes qui ont l’envergure de celles-là. — Concluons.

39. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Les quelques mesures précédant le début de la fameuse scène d’amour dans Roméo (1839), ce spécimen si curieux d’un genre hybride, à moitié symphonie descriptive, à moitié oratorio, sont composées, dans un rhytme différent, des réminiscences du motif de l’Allégro de la Fête entonnées derrière la scène par les jeunes Capulets revenant du bal. En outre, vers la fin de cette œuvre, dans la partie purement instrumentale de la scène des tombeaux, le sublime Cantabile de la scène d’amour revient un moment, mais défiguré, défloré, presque mutilé, comme un oiseau blessé79. […] Dupont et Lapissida se proposent de monter l’œuvre de Wagner avec tout le soin désirable ; la chevauchée des Valkyries et la scène du feu seront rendues avec autant de réalisme que possible. […] Au premier étage, ce face de la scène, efflanquée de deux cariatides, la loge royale éclairée d’un petit lustre ; au-dessus du rideau de la scène, à la place des armes ou emblèmes usités chez nous, une horloge indiquant parfaitement l’heure ; enfin le chef d’orchestre était placé au centre de son orchestre, au lieu d’être auprès de la rampe, et dirigeait debout. […] Voir, dans la scène des deux femmes du premier acte, l’apparition fragmentaire du thème du duo du troisième acte : Hin nimm die seele mein !

40. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

» N’est-ce pas là, manifestement, dirons-nous à notre tour, la caricature grotesque d’une représentation de Hamlet et de la mesquine mise en scène qui en déparait les scènes les plus surnaturelles ou les plus meurtrières ? […] La scène de l’église, où Claudio accuse hautement Héro, est vraiment tragique. […] Ces scènes sentent un peu la farce, mais elles sont marquées au coin de l’originalité. […] Acte Ier, scène II ; — Acte II, scène II ; — Acte III, scène Ire — Acte IV, scène IV. […] Plusieurs scènes entières sont évidemment de lui.

41. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Dès les premières scènes, la pièce nous inquiète. […] Il les transporte aujourd’hui sur la scène, sous une autre forme. […] Les personnages qu’il met en scène sont imaginaires ou monstrueux. […] En descendant de la chaire, il est remonté sur la scène. […] M. de Montaiglin, dans cette fin de scène, dépasse la taille moyenne de la sublimité naturelle.

42. (1864) Études sur Shakespeare

Gower explique ensuite ce que la scène muette n’a pas éclairci. […] S’agissait-il de transporter sur la scène ce qui remplissait le spectacle habituel de la vie ? […] Les scènes où les amis de Timon s’excusent, sous divers prétextes, de venir à son secours, ne manquent ni de vérité ni d’effet. […] Qui pourrait, sans de telles circonstances, prendre intérêt à cette scène d’enfantillages maternels ? Mais, sans la scène, haïrait-on Macbeth autant qu’on le doit pour ce nouveau crime ?

43. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Rome était bien loin de ce progrès et de cet accord heureux des arts, lorsqu’elle commença d’imiter la poésie grecque, et d’introduire, après les jeux sanglants du cirque, ou parfois à leur place, quelques chants mêlés à des scènes dramatiques. […] Quelle poétique énergie, quelle vivacité d’expression dans les prologues et dans bien des scènes de Plaute ! […] La justice envers le passé, la liberté de souvenirs que Pollion avait, à ce qu’il semble, portées dans l’histoire, auraient paru sans doute trop hardies sur la scène. […] Dans ces jours de servitude, où des vers élégiaques non publiés et lus seulement par l’auteur à quelques cercles de femmes, étaient punis de mort, quel poëte aurait osé porter sur la scène les crimes ou les revers de la tyrannie ? quels acteurs auraient pu jouer les scènes des vieux drames interprétées par la terreur ou la haine présente ?

44. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Molière, soutenu de ces autorités, donna bientôt La Critique de l’École des femmes, c’est-à-dire mit en scène et livra au ridicule les censures qui avaient été faites de sa pièce, dont il aggrava les indécences, se targuant de l’approbation de la cour. […] Une preuve qu’elle l’exerça justement, c’est que, pendant plus d’un siècle, la pièce fut éliminée du théâtre : et certainement ce ne fut pas faute d’esprit, de gaîté, de talent, car la scène de l’interrogatoire est, indécence à part, une des plus comiques du théâtre de Molière. Que plusieurs des femmes scandalisées eussent les oreilles plus chastes que leur corps, cela ne justifierait pas la scène dont il s’agit. […] Si la scène ne roulait pas sur une équivoque et sur une équivoque fort claire, elle serait la plus plate du monde, au lieu d’être une des plus comiques. […] Uranie, La Critique de l’École des Femmes, scène iii.

45. (1739) Vie de Molière

Il avait fait un recueil de scènes italiennes, dont il faisait de petites comédies pour les provinces. […] Il y a dans celle-ci quelques scènes tirées du théâtre italien. […] Cette scène a été imprimée depuis. […] Pourceaugnac est une farce ; mais il y a dans toutes les farces de Molière des scènes dignes de la haute comédie. […] C’est une de ces farces de Molière dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie.

46. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Oui, je mettrai l’hôpital-général sur la scène ; et si l’on me fâche, j’y mettrai Bicêtre. […] La véritable vertu est ridicule sur la scène. […] La scène où Mahomet prend lui-même la peine de séduire un enfant, n’est qu’une scène de fourberie honteuse qui dégrade ce célèbre imposteur. […]  » Faut-il donc mettre sur la scène tout ce qui se passe communément dans une maison ? […] Après la scène du quatrième acte, à mon avis la plus théâtrale de toutes, la scène languit, et le spectateur s’endort jusqu’au récit d’Isménie, à la sixième scène du cinquième acte.

47. (1881) Le naturalisme au théatre

Aujourd’hui, le drame, chassé de scène en scène, n’a plus réellement à lui que l’Ambigu et le Théâtre-Historique. […] Il a, plus tard, deux scènes avec Emma. […] La scène a fait un grand effet. […] Il n’y a qu’un monologue et une scène dans cet acte. […] La scène est fort belle.

48. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Le génie français, à la scène, se rassied. […] Mais le théâtre n’est plus qu’une complication d’intrigues ou qu’un prétexte à la mise en scène. […] À la scène seulement le reste se peut supporter. […] Jacques Rouché appelle, à son Théâtre des Arts, les pièces frémissantes de vérité ou de lyrisme pour les illustrer de ses délicieuses mises en scène. […] Au théâtre comme dans le monde, la scène à faire est toujours dans la salle.

49. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] Que l’on prenne dans David Copperfield la scène où le distingué et loquace M.  […] Dans tous ces incidents, la scène est faite pour la scène même, pour ce qu’elle donne à rire, et le comique y est poussé aux limites qui au théâtre font dégénérer la comédie en farce. […] Le caricaturiste est un créateur et un déformateur particulier de personnages et de scènes. […] Camp et les scènes de mœurs yankees.

50. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

s’écrient à bon droit les vieux amateurs de notre scène […] Cette scène est la seule des grandes scènes du Cid qui n’ait pas d’analogue dans Guillem de Castro et qui appartienne tout entière à Corneille. […] A l’Opéra, après les grands morceaux de musique on a besoin de repos, et il y a des scènes qu’on n’écoute pas. […] Il y a, en ce sens, toute une scène des plus caractérisées. […] Admirable scène, vrai tableau de sainteté, mais d’un caractère tout national et tout espagnol.

51. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

À toute page, chez lui, les scènes se succèdent, les groupes se détachent, les personnages se lèvent en pied et marchent devant nous. […] Son œuvre est comme une vaste kermesse historique dont la scène se passe dans la galerie de Versailles. […] L’une de ces scènes sera le tableau qu’il trace de la Cour au moment de la mort de Monseigneur, fils de Louis XIV. […] Dans les deux scènes, Saint-Simon n’est pas un pur curieux ; il est intéressé dans l’une et dans l’autre. […] Tandis que Monseigneur se meurt à Meudon, « Versailles, dit Saint-Simon, présentait une autre scène.

52. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Quand on dit que l’imagination du spectateur se figure qu’il se passe le temps nécessaire pour les événements que l’on représente sur la scène, on n’entend pas que l’illusion du spectateur aille au point de croire tout ce temps réellement écoulé. […] C’est que même votre spectateur parisien est accoutumé à voir le temps marcher d’un pas différent sur la scène et dans la salle. […] L’illusion théâtrale, ce sera l’action d’un homme qui croit véritablement existantes les choses qui se passent sur la scène. […] ce soldat avait de l’illusion, croyait vraie l’action qui se passait sur la scène. […] Supposons que Talma se présente sur la scène, et joue Manlius avec les cheveux poudrés à blanc et arrangés en ailes de pigeon, nous ne ferons que rire tout le temps du spectacle.

53. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Aucun auteur ne renseigne plus pleinement et plus abondamment, par des traits véritables sur ses créatures, ne se propose plus ouvertement pour but de les révéler par des récits et des scènes inventés à une plus parfaite imitation de ce que présente la vie, même à un observateur attentif. […] Et c’est avec une pénétration, une justesse, une égale prodigalité de scènes que Tolstoï, franchissant les limites de sexe, incarne sans faillir les femmes, avec un art aussi sûr. […] Par ces procédés d’un art imparfait et ramassé, les scènes et les récits, les épisodes, les digressions, les crises de pensées, les actes et les échecs s’entrelacent en ces étranges romans comme un faisceau de lianes. […] Il est induit à tout percevoir avec la clarté précise et noire d’une illumination d’éclair, avec des yeux tout proches et étonnés de découvrir l’intime des choses, de connaître des âmes d’inconnus mieux que celle d’amis, de parler sur la vaste scène de la vie des dons d’interne et neuve pénétration, comme d’un être rénové et de sens intacts. […] Et ce tableau véridique si charmant du mariage ordinaire est loin encore des scènes familiales dans La Guerre et la Paix, de la vie de château et de palais des Rostow avec leurs enfants, leurs amis et leurs domestiques.

54. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Sitôt que l’acteur chante, la scène se repose (je dis, s’il chante pour chanter), et, partout où la scène se repose, l’intérêt est anéanti. […] La scène s’est vidée comme par enchantement. […] Quel charme abondant et quelle diversité en ces scènes ! […] Wagner : Scène de Sigmund et Brünnhilde (la Walküre) ; scène finale de Parsifal. […] L’article de Fourcaud sur Les Maîtres chanteurs présente l’œuvre acte par acte, parfois scène par scène.

55. (1903) Propos de théâtre. Première série

C’est la scène à faire. […] Une scène d’exposition, une scène de scènes, et le revirement, voilà tout. […] C’est la scène deuxième du II, l’incomparable scène deuxième du II. […] C’est une scène concertée. […] C’est un metteur en scène admirable.

56. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

C’était le Jugement d’Appius Claudius, scène immense ; Diomede qui blesse Venus, autre scène immense ; une Bacchanale, sujet d’ivresse, exécuté avec force et chaleur. […] Toute cette partie de la scène composée avec chaleur, se passe au-devant du tombeau qui forme une belle et grande masse. […] Et ce vide énorme qui sépare Ulysse de la scène, et qui le relègue à une distance choquante ? […] Que votre scène soit une. […] Cela fait, tout sera ensemble, et votre scène sera une, forte et raisonnée.

57. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Ce furent ensuite des drames liturgiques : une action plus développée, des personnages plus nombreux, une mise en scène plus riche. […] A Rouen, on a 27 personnages au lieu de 12, dont Balaam avec son ânesse : et la mise en scène se complique. […] Et la suite de la scène offre encore une assez fine notation des mouvements de l’âme. […] Plus de raideur ni de sécheresse : c’est une scène vivante de cabaret picard, une grasse peinture, réjouissante et « canaille ». […] On voit Marion, Robin, leurs amis et amies manger du fromage, des pommes ou du lard, jouer aux petits jeux, pas toujours innocents, chanter de joyeuses et vertes chansons, goguenarder, cabrioler, danser, jusqu’à ce qu’une sorte de farandole les enlève de la scène.

58. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Walewski, qui a fait tant de bruit hors de la scène et tant de chuchoteries dans la salle40, vient de paraître avec préface et dédicace. […] Walewski est un excellent gentilhomme qui, pour faire dans le monde un personnage plus considérable, a acquis un journal et l’a dirigé ; qui, pour compléter et rehausser encore ce rôle à demi littéraire, a songé à la scène française, et s’y est risqué. […] Vous seriez La Bruyère et vous peindriez Onuphre (lequel est une critique pointilleuse et un contre-pied de Tartufe41) que vous n’en seriez pas plus comique à la scène pour cela. […] D’ailleurs, les restes de l’hôtel Rambouillet étaient encore menaçants du temps de Molière, et voilà pourquoi il en voulait, avant tout, déblayer la scène, afin d’y établir son franc-parler. […] Ce retard admis, la scène dans laquelle le fat se démasque, l’impudence qui lui fait tirer argument de son tort même et de son manège prolongé près de la femme compromise, pour en arracher un succès, la menace misérable qui termine, tout cela est vrai, bien vu, animé : « C’est la seule scène de la pièce », disait à côté de moi une femme.

59. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Scène première […] Scène II […] Scène III […] Un légitime orgueil, mon cher monsieur, doit vous emplir l’âme en songeant que c’est par vous, par votre initiative, qu’un pareil chef-d’œuvre est remis à la scène ! […] Scène IV

60. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Molière avait le droit d’espérer que la gloire de son protégé deviendrait la fortune de sa scène. […] Il sortit de la chambre de Boileau pour écrire le plan et les scènes d’Esther. […] Racine venait faire à Mme de Maintenon de chaque scène à mesure qu’il les composait, j’en retenais des vers ; et comme j’en récitai un jour à M.  […] Esther, suivie de ses compagnes, paraît à la dernière scène de cet acte devant le roi. […] La seconde scène entre Assuérus amoureux et Esther enhardie par tant d’amour révèle à ce roi la naissance juive de sa favorite.

61. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Lamoureux avait promis, dans un bulletin officiel, il y a trois mois, de rétablir cette année la seconde scène coupée l’année dernière. […] On y rencontre une fort belle scène dans laquelle la princesse veut empêcher Lohengrin de partir pour combattre ses ennemis. […] Concert Lamoureux : Prél., 1er et 3e scènes du 1er acte de la Valkyrie. […] Wagner imagine une mise en scène particulière : c’est le décor qui change alors que les personnages marchent sur place. […] Il existe une seconde scène de transformation au troisième acte.

62. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Acte V, scène VII. […] Ainsi Corneille a réformé la scène tragique et la scène comique ». […] C’est là le second morceau remarquable de la comédie, il se trouve à la scène V du deuxième acte (comme la fête sur l’eau à la scène V du premier). […] Voici d’abord la scène d’Alarcon. […] … (Acte V, scène III.)

63. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

La scène montre à droite le sommet d’un vieux château ; au-dessous, des rochers. […] C’est à l’aide de ces fictions qu’une scène champêtre devient autant et plus intéressante qu’un fait historique. […] Les objets seraient isolés, hors de la toile, ce serait une scène réelle. […] scène champêtre éclairée par la lune. du même. […] Des roches couvertes d’arbustes ferment la scène vers la droite.

64. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Thalie enfin cessa de faire rougir les spectateurs et de s’ébattre sur la scène comme une bacchante enivrée. […] Les personnages de la scène eurent des noms et des attributs généraux, comme les portraits de Théophraste. […] Le jeu des situations, la force comique, la vivacité du dialogue, déguisent très bien le défaut de cette catastrophe ; mais le vraisemblable y manque de scène en scène. […] C’est de ce qu’on ne copie que les ridicules en vogue à la scène, et rarement ceux du monde. […] Leur premier entretien ressemble en tous points à celui des deux personnages de Térence, et qui connaît la scène de Molière a une juste idée des formes de la scène latine.

65. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Or, au moment même où le mari tombait, la femme eut la vision de la scène, vision précise, de tous points conforme à la réalité. […] Mais cette abstraction consiste à négliger ce qu’il y a d’essentiel, le tableau aperçu par la dame, et qui se trouve reproduire telle quelle une scène très compliquée, éloignée d’elle. […] La supputation des probabilités, à laquelle on fait appel, nous montrerait que c’est impossible, parce qu’une scène où des personnes déterminées prennent des attitudes déterminées est chose unique en son genre, parce que les lignes d’un visage humain sont déjà uniques en leur genre, et que par conséquent chaque personnage — à plus forte raison la scène qui les réunit — est décomposable en une infinité d’éléments indépendants pour nous les uns des autres : de sorte qu’il faudrait un nombre de coïncidences infini pour que le hasard fît de la scène de fantaisie la reproduction d’une scène réelle 7 : en d’autres termes, il est mathématiquement impossible qu’un tableau sorti de l’imagination du peintre dessine, tel qu’il a eu lieu, un incident de la bataille. […] Si le tableau était la reproduction d’une scène réelle, il fallait, de toute nécessité, qu’elle aperçût cette scène ou qu’elle fût en rapport avec une conscience qui l’apercevait. […] Encore ne tenons-nous pas compte de la coïncidence dans le temps, c’est-à-dire du fait que les deux scènes dont le contenu est identique ont choisi, pour apparaître, le même moment.

66. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

La scène se passe sur le devant d’un grand paysage. […] Voilà la scène, voyons le fond. […] Tout à fait dans l’enfoncement, et terminant la scène de ce côté, une portion de rotonde, un temple ouvert en arcades. […] J’y vois d’abord deux scènes placées, pour ainsi dire, l’une sur l’autre, mais deux scènes liées : la première sur le devant, et ce sont les principaux personnages de la querelle ; la seconde, entre celle-ci et la forêt, et ce sont les personnages accessoires, attirés du fond par la curiosité, et tenant à la première scène par cet intérêt subordonné. […] Mais les groupes qui multiplient communément les actions particulières doivent aussi communément distraire de la scène principale.

67. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Quelques auteurs pourtant peuvent se tromper avec une sorte de sincérité et croire qu’il n’y a nul inconvénient à présenter hardiment les scènes d’un monde mélangé et corrompu, en ayant pour guide et pour conducteur quelque sentiment pur, quelque passion plus élevée, représentée dans un des personnages, et en visant à une conclusion satisfaisante pour les cœurs honnêtes ou pour les convenances sociales. […] Le mieux donc et le plus sûr pour tout auteur qui se préoccupe du noble but qu’a en vue l’institution présente, c’est que la pensée morale préexiste dès l’origine de l’ouvrage, qu’elle en domine la conception, qu’elle le pénètre ensuite dans le détail par une intention pleine et droite, qu’on la sente circuler et ressortir à travers les égarements mêmes, les luttes de passions et les aventures qui sont du ressort de la scène. […] Ce résultat négatif qui se produit pour la seconde fois, bien qu’à la première plusieurs des auteurs de pièces représentées sur la scène française eussent songé à concourir, n’a rien de si défavorable ni de si désespérant qu’on le pourrait croire, mais il exige pourtant quelque explication. […] Il résulte en effet des termes de l’arrêté ministériel du 12 octobre 1851 que le second Théâtre-Français est assimilé dans ce concours aux autres théâtres, soit des boulevards, soit des départements, et que les productions de cette seconde scène française ont à concourir avec des pièces qui sont souvent d’un tout autre genre. […] Et, en effet, L’Honneur de la maison est une pièce qui, une fois la donnée admise, donnée qui est antérieure au moment de l’action, nous présente une suite, un enchaînement de scènes vraies, touchantes, pathétiques ou terribles, tout un drame domestique où les seuls coupables sont punis.

68. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Villeroy estime possible la représentation d’Hérakléa sur une scène bâtie à la manière des scènes antiques. […] Auguste Villeroy soit, au début, assez froid ; mais, dans la suite, il est des scènes où il s’anime et éveille, chez les spectateurs, une émotion sereine. […] Aucune intrigue secondaire ne vient l’embarrasser ; il n’y a jamais que peu d’acteurs en scène, et l’auteur n’a point cherché à séduire le spectateur par le pittoresque des détails. […] Villeroy languit-elle à certains moments ; la gradation des sentiments n’est pas toujours assez marquée ; mais il est des scènes bien animées et vraiment dramatiques : celle, par exemple, qui termine le second acte, où Hérakléa cesse de croire aux Dieux, et, bravant le grand-prêtre Chrysès, décide l’empereur à agir contre la volonté de tous.

69. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Il me joue presque une des scènes qui est en germe dans son cerveau, une scène d’empoisonnement. […] c’est un metteur en scène tout à fait remarquable que Porel, et qui apporte à un rôle, je le répète, une partie psychique, que je ne rencontre sur aucune autre scène. […] Et toute votre esthétique théâtrale, monsieur Sarcey, consiste dans la scène à faire. Mais la scène à faire, êtes-vous bien sûr que vous êtes le seul, l’unique voyant, patenté et breveté de cette scène ? […] Et savez-vous que chez moi, lorsque, le dimanche, par hasard on a lu Le Temps, et que vous proposez de remplacer la scène de l’auteur par une scène de votre cru, tout le monde, spontanément, et sans aucun parti pris contre votre personne, trouvait que votre scène était vulgaire, commune, était la scène à ne pas faire.

70. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

La scène est paradoxale, mais spirituelle et piquante en diable. […] Une jolie scène est celle où M.  […] Le Fils de Giboyer Nous suivrons pas à pas, nous discuterons scène par scène le fils de Giboyer. […] Cette belle scène en amène une autre, à l’acte suivant. […] Il n’y a que des sycophantes et des hypocrites dans le monde mis en scène par M. 

71. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Sa scène vous attache et vous touche. […] La scène se passe au-dessous. […] Une mère plus voisine de la scène que les autres garantit son enfant avec inquiétude. […] Il est impossible de regarder longtemps sans terreur cette scène d’inhumanité et de fureur. […] Il faut voir après cela, les détails ; les têtes de ces satellites ; leurs actions ; le caractère du préteur et de ses assistants ; toute la figure du saint ; tout le mouvement de la scène.

72. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Voyons la scène. […] Courir sur la scène ! […] Il fallait une scène ou un bout de scène sur cette question. […] Il l’a faite, cette scène-là. […] Belle scène.

73. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Et les voilà qui jouent la scène au naturel. […] Comptez sur moi. » La scène est charmante. […] Je ne fais qu’indiquer, car ce couple m’agace, une scène de brouillerie suivie d’une scène de raccommodement. […] Elle jouait la scène de Célimène avec Arsinoé. […] Et ainsi pour les autres scènes.

74. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Et, sauf ce dernier type que le progrès de la décence publique fit supprimer définitivement, tous ces personnages jeunes ou vieux, maîtres ou valets, furent transmis par Molière à ses successeurs et se perpétuèrent sur notre scène classique. […] Vous vous rappelez cette entrée en scène du Dépit amoureux, lorsque Mascarille vient trouver Albert et que celui-ci, à chaque parole, lui tourne le dos avec brusquerie. […] La scène est traduite mot à mot de l’italien ; cette brusquerie est du caractère et du rôle de Beltrame. […] On voit si l’intérêt de la scène s’accroît prodigieusement ! […] La scène excellente des aveux de Scapin, au deuxième acte de la même pièce, est aussi de la pure comédie de l’art.

75. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Problème simple et facile, lorsqu’il n’y a qu’un objet régulier ou qu’un point lumineux ; mais problème dont la difficulté s’accroît à mesure que les formes de l’objet sont variées, à mesure que la scène s’étend, que les êtres s’y multiplient ; que la lumière y arrive de plusieurs endroits, et que les lumières sont diverses. […] Mais ce sera la distribution variée des ombres et des lumières qui ôtera ou donnera à toute la scène son charme général. […] Comparez une scène de la nature dans un jour et sous un soleil brillant avec la même scène sous un ciel nébuleux. […] Mais vous avez vu cent fois ces deux scènes se succéder en un clin d’œil, lorsqu’au milieu d’une campagne immense quelque nuage épais porté par les vents qui régnaient dans la partie supérieure de l’atmosphère, tandis que la partie qui vous entourait était immobile et tranquille, allait à votre insu s’interposer entre l’astre du jour et la terre. […] Une teinte, un voile triste, obscur et monotone est tombé rapidement sur la scène.

76. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

La scène représente une chambre haute dans un vieux château gothique des siècles de féodalité. […] Ici une imitation de la scène des sorcières de Shakespeare défigure un peu cette belle œuvre. […] La scène dans le jardin de la veuve est une délicieuse pastorale de l’Éden, dont Méphistophélès, qui converse avec la veuve, est le serpent sous l’herbe. […] Dans quel drame antique, dans quel drame français trouverez-vous une telle scène ? […] Voici la scène.

77. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Le spectacle, la pompe, une vaste scène, ajoutent à l’effet de la tragédie ; ils mettent les portraits dans leurs cadres. […] C’est assez pour elle d’un paravent pour coulisse, d’un salon pour scène. […] Le théâtre de Regnard n’a tout son prix qu’à la scène. […] Au juge qui est assis au parterre, je montre un juge sur la scène. […] Acte IV, scène VII.

78. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Ces remarques le conduisent naturellement à indiquer le choix des personnages convenables à la scène. […] L’analyse traînante de tous les chapitres d’un livre, ou celle d’une pièce de théâtre, examinée scène par scène, acte par acte, n’est que le verbal du sujet qu’ils contiennent, et ce n’est point la leçon réfléchie de l’art. […] Racine, en s’excusant d’avoir osé mettre sur la scène une histoire si récente que celle de Bajazet, donne sur ce point d’excellents avis. […] Les fameux exemples que nous offre la scène ne remplissent pas tous la triple condition qu’elle comporte. […] Corneille se loue d’avoir tiré d’un pareil fonds de l’absurde les belles scènes de ses tragédies les plus merveilleuses.

79. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Noël, la Passion, Pâques et la Résurrection, c’étaient autant de sujets de dialogues ou de petites scènes dramatiques admises dans la liturgie ou tout à côté. […] De même, le mardi de Pâques, il y avait toute une représentation de Jésus-Christ apparaissant aux disciples d’Emmaüs, cette scène touchante et lumineuse qui a depuis inspiré de si grands peintres. […] Le lecteur lit de scène en scène, et en latin, les versets de la Bible qui correspondent au développement du drame, et le chœur, avec accompagnement de musique sans doute, chante les répons. […] et la première scène commence, un dialogue de Dieu avec Adam, puis avec Ève. […] Chaque verset ainsi chanté est comme le coup d’archet, le petit air de violon à nos théâtres du boulevard, qui signale la fin ou le commencement d’une scène.

80. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Débité en scène, le morceau a paru sec et bizarre, alambiqué et sophistiqué, sans vérité morale et sans exactitude scientifique. […] Il y a, dans l’Étrangère, des scènes d’un jeu hardi et frappant, des fusées d’esprit très brillantes. […] La scène est terriblement saisissante, violente et dramatique à outrance. […] C’est ici que se place, à mon sens, la véritable énormité de la pièce, celle qui a empêché d’apprécier la belle scène qui la termine, parce que cette scène en sortait. […] Il est mené avec un art rapide et serré qui le fait rebondir par-dessus les achoppements qu’il heurte, à chaque scène.

81. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « APPENDICE. — M. SCRIBE, page 118. » pp. 494-496

L’idée de la Calomnie est aussi courageuse que spirituelle ; on doit remercier l’auteur d’avoir osé dire et su faire accepter au public, si esclave des journaux, bon nombre de vérités assez neuves sur la scène. […] Mais le chef-d’œuvre de la pièce est au quatrième acte, dans la scène où le vicomte de Saint-André, pressé par le ministre et par M. de Guilbert, essaye de justifier Cécile sans compromettre en rien Mme de Guilbert, laquelle, survenant à l’improviste, se trahit d’un mot, sans s’en douter, aux yeux de son mari et de son frère. […] A la première représentation, j’ai entendu comparer la pièce à un bonbon exquis (cette scène du quatrième acte) qui serait enveloppé dans quatre boîtes de carton, et tout au fond de la quatrième. […] Les ménagements d’entrée et de sortie, les adresses de ralentissement pour économiser l’action, se peuvent admirer au point de vue du métier : il y a une scène surtout, à la fin du second acte, une préparation de musique vocale qu’on voit venir et qui ne doit pas avoir lieu ; c’est le plus charmant escamotage. […] Scribe, en flattant par là les instincts de la classe moyenne et les préventions démocratiques, méconnaît les qualités les plus essentielles d’un monde qui disparaît graduellement et qui n’aura plus sa revanche, même à la scène.

82. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre. Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques. Voyez comme le Poussin est sublime et touchant, lorsqu’à côté d’une scène champêtre, riante, il attache mes yeux sur un tombeau où je lis : et ego in arcadia. […] Animez votre scène comme il vous plaira.

83. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Jules Gastambide, musique en scène de M.  […] Ce n’est pas cela qui fera des scènes. […] (Acte V, scène I.) […] Elle n’occupe que quatre scènes en cinq actes (les deux altercations entre Alceste et Célimène, la scène entre Arsinoé et Alceste, enfin l’avant-dernière scène du V). […] (La scène n’est pas mal faite du tout.)

84. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Ainsi une partie de son prochain roman, Nana, a pour scène le théâtre des Variétés : M.  […] … (Il pose la bouteille sur la table et s’enfuit à l’autre bout de la scène). […] SCÈNE X. […] je t’en prie, ne fais pas de scène ! […] Busnach et Gastineau ont inventé une scène très puissante, qui manque en quelque sorte au roman.

85. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

. — Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que toute cette couleur d’André Chénier romain, où la scène se retrempe et rajeunit tant bien que mal sa teinte en ce moment, a été pour la première fois essayée et appliquée par un poëte peu connu, M. […] On attribuait ces difficultés alors à des gènes extérieures, à la censure qui interdisait certaines représentations historiques sur la scène et qui n’aurait point toléré certaines familiarités avec les grands personnages royaux ou ecclésiastiques. […] quand la scène sera libre, nous verrons bien. » Au commencement de 1830, Hernani vint apporter du mouvement et comme un éveil de prochain espoir ; c’était étrange, c’était peu historique, c’était plus qu’humain et assez surnaturel, mais enfin il y avait éclat, poésie, nouveauté, audace. La critique, pendant tout ce temps-là (je parle de la critique qui compte) ; faisait son office avec zèle et courage ; elle s’attachait à réfuter les sottes querelles des adversaires, à démontrer qu’il y avait quelque chose de possible en dehors de l’ancien système, que le siècle devait avoir son drame à la scène comme il l’avait eu dans l’histoire. […] Bref, le chemin semblait tracé, il était clairement indiqué du moins, et il ne s’agissait plus pour les poëtes, surtout après juillet 1830, et la pleine liberté de la scène étant conquise, que d’y marcher et d’y faire leurs preuves.

86. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

Ils rendaient la tragédie plus régulière et plus variée : plus régulière, en ce que, chez les anciens, le lieu de la scène était toujours le devant d’un temple, d’un palais, ou quelque autre endroit public ; et l’action se passant entre les premières personnes de l’état, la vraisemblance exigeait qu’elle eût beaucoup de témoins, qu’elle intéressât tout un peuple : et ces témoins formaient le chœur. […] Le chœur, ainsi incorporé à l’action, parlait quelquefois, dans les scènes, par la bouche de son chef, appelé Choryphée. Dans les intermèdes, il donnait le ton au reste du chœur, qui remplissait par des chants tout le temps que les acteurs n’étaient point sur la scène : ce qui augmentait la vraisemblance et la continuité de l’action. […] Il n’y paraît qu’à son tour, et seulement lorsqu’il est nécessaire à l’action, ou qu’il peut contribuer à l’ornement de la scène. […] Le nombre des personnages monta jusqu’à cinquante personnes ; mais Eschyle ayant fait paraître, dans un de ces chœurs, une troupe de furies qui parcouraient la scène avec des flambeaux allumés, ce spectacle fit tant d’impression que des enfants en moururent de frayeur, et que des femmes grosses accouchèrent avant terme.

87. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Avant de combattre à Marathon, Eschyle avait déjà lutté sur la scène ; il y avait vaincu le vieux Pratinas. […] Les rayons de la scène se croisèrent avec les éclairs du temple, et parurent avoir emprunté leur flamme. […] Ses représentations étaient quelquefois des tragédies véritables : catastrophes sur la scène et catastrophes dans l’enceinte. […] Ce fut lui qui introduisit le deuxième acteur sur la scène ; progrès suprême d’où découlèrent tous les autres. […] Mais cette mise en scène titanique, appliquée aux tragédies d’Eschyle, paraît leur mesure exacte, leur forme normale.

88. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Les scènes de cette reconnaissance, en vain implorée par l’épouse, cruellement refusée par le héros, sont aussi déchirantes que pittoresques. Elles rappellent avec moins de simplicité et autant de pathétique les scènes de l’histoire de Joseph dans la Bible. […] Le nom de cet épisode veut dire en sanscrit le drapeau flottant, c’est-à-dire une chose qui flotte librement au-dessus de l’action représentée sur la scène, mais qui cependant tient à la scène, et sert à attirer les regards et à embellir le sujet. […] Le lieu de la scène était ordinairement, ou un site choisi en rase campagne, ou une cour du palais des princes. […] … « Scènes de repos », continue-t-il, « décorées des grâces de la création !

89. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

C’était Molière qui écrasait alors les Italiens du luxe de sa mise en scène et du faste de ses spectacles. […] La scène représente une rue ; il est nuit. […] J’y règne avec éclat sur la scène comique ; Arlequin sous le masque y cache Dominique Qui réforme en riant et le peuple et la cour. […] Mais si nous trouvons un bon marchand, n’eût-il pour toutes armes qu’un couteau sans pointe, conduisez-le en prison sans miséricorde. » Dans une autre comédie, il y a une scène où il veut vendre sa maison. […] La liberté la plus grande continuait de régner sur cette scène.

90. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

C’est la scène où le père de Dorante, indigné de ses fourberies, l’accable de reproches. […] Molière en fût-il resté là, c’était assez pour être un des plus grands noms de notre scène. […] Ici, un trait lui fournit une scène ; ailleurs, une scène se résume en un trait. […] De toutes les conventions elle est la plus près de la réalité : ce sont nos mœurs, nos scènes de famille, nos travers ; c’est nous. […] Aussi, tandis que Corneille et Racine font plus d’effet à la lecture qu’au théâtre, la lecture de Molière donne le désir de le voir à la scène, et la scène l’envie de le relire.

91. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Décrits, analysés, mis en scène, avec une moquerie tacite, mais aussi avec la pénétration adroite d’un connaisseur d’hommes, ils donnent de la vie et de la société une image au demeurant exacte pour une bonne part de ce siècle. […] Enfin placé devant les scènes où le mènent ses romans, Flaubert quitte tout à coup l’exacte réalité et s’abandonne à l’admiration du spectacle. […] Et il est dans la Tentation de plus belles scènes encore et de plus magnifiques paroles. […] Voici qui montre son obséquiosité et son impersonnalité devant la nature : « Je me suis mal exprimé en vous disant qu’il ne fallait pas écrire avec son cœur ; j’ai voulu dire, ne pas mettre sa personnalité en scène. […] Dans Salammbô, dans la Tentation, dans deux des Trois contes c’est le verbe, le nombre de la période, l’éclat et le mystère des images, qui sont primitifs, et non les incidents ou les scènes évidemment choisis de façon à donner lieu à d’admirables phrases.

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Murger, Henry (1822-1861) »

Murger, Henry (1822-1861) [Bibliographie] Scènes de la vie de Bohême (1851). — Le Pays latin (1851). — Scènes de la vie de jeunesse (1851). — Le Bonhomme jadis, un acte (1852). — Propos de ville et Propos de théâtre (1853 et 1859). — Scènes de campagne (1854). — Le Roman de toutes les femmes (1854). — Ballades et fantaisies (1854). — Le Sabot rouge (1860). — Le Serment d’Horace (1860). — Les Nuits d’hiver (1861). […] Théophile Gautier Avec Murger s’en va l’originalité la plus brillante qu’ait produite le Petit Journal ; car c’est là qu’il a fait ses premières armes et qu’ont paru d’abord les Scènes de la vie de Bohême qui sous forme de livre et de pièce devaient obtenir un si vif succès.

93. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Gudehus, Gura et Scheidemantel chantèrent des scènes Wagnériennes accompagnées au piano par MM.  […] Camille Chevillard joua une transcription pour le piano de la scène finale de Gœtterdaemmerung. […] Scheidemantel chanta deux mélodies de Schubert, et madame Materna la scène finale de Gœtterdamerrung ; MM.  […] Le chef d’orchestre, assis, en hauteur, est visible de toute la scène et voit toute la scène ; il est recouvert ainsi que les violons par le premier paravent (du côté de la salle) ; le second paravent (du côté de la scène) recouvre les harpes, violoncelles, flûtes et hautbois ; la rampe de la scène se trouve au-dessus de la ligue de séparation des hautbois et des cors-clarinettes-bassons : les cors, clarinettes, bassons, trompettes, trombones et timbales sont donc sous la scène même. […] Costumes et décors, confiés aux plus réputés de nos décorateurs, seront aussi exacts que somptueux ; l’Eden se prête, d’ailleurs, admirablement aux exigences de la mise en scène.

94. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

» Cette forme consiste en la représentation parlée et active de fictions, sur une scène, par des comédiens, devant un public. […] On ne conçoit pas des auteurs produisant et des acteurs interprétant une pièce sur une scène devant laquelle, au lieu d’un rideau, s’élèverait un mur. […] Elle y montait si bien que la scène était encombrée de spectateurs. […] Même sur les anciennes scènes, on cède la place aux Lauris, aux Blackson, et autres exhibitions. […] On aura la Comédie-Française, musée, et l’Odéon, atelier ; aussi, peut-être, si Baron et Galipaux sont là, une scène de vaudeville, et, qui sait ?

95. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

» Cette forme consiste en la représentation parlée et active de fictions, sur une scène, par des comédiens, devant un public. […] On ne conçoit pas des auteurs produisant et des acteurs interprétant une pièce sur une scène devant laquelle, au lieu d’un rideau, s’élèverait un mur. […] Elle y montait si bien que la scène était encombrée de spectateurs. […] Même sur les anciennes scènes, on cède la place aux Lauris, aux Hanlon, et autres exhibitions. […] On aura la Comédie-Française, musée, et l’Odéon, atelier ; aussi, peut-être, si Brasseur et Galipaux sont là, une scène de vaudeville, et, qui sait ?

96. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

La scène est dans la boutique d’une marchande de modes, et débute par un dialogue excellent. […] Des caractères, des dialogues, des scènes, M.  […] C’était une scène ou plusieurs scènes qu’on écrivait ou que souvent on improvisait entre soi sur un simple canevas, et qui renfermaient un petit secret. […] Comme le salon et la scène sont de niveau, « la compagnie, a très bien dit M.  […] Pour s’en bien figurer l’effet, il faut relire ces scènes satiriques en se remettant dans la vraie situation du moment.

97. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

On ne sait à quoi tient ce louche du local, si ce n’est peut-être au défaut de la perspective, à la bizarrerie occasionnée par la difficulté d’agencer sur une même scène des évènemens disparates. […] Et puis, encore une fois, pourquoi la scène se passe-t-elle à la porte d’un hôpital ? […] Je vous devine, Monsieur Doyen ; vous avez imaginé des scènes de terreur isolées, ensuite un local qui pût les réunir. […] Où attendrais-je des scènes d’horreur, des images effrayantes, si ce n’est dans une bataille, une famine, une peste, une épidémie ? […] Qu’il apprenne de l’un à dessiner, de l’autre à colorier, de celui-ci à ordonner sa scène, à établir ses plans, à lier ses incidents, la magie de la lumière et des ombres, l’effet de l’harmonie, la convenance, l’expression ; à la bonne heure.

98. (1900) Molière pp. -283

(Scène première.) […] Savez-vous qui a eu la primeur de cette tirade et de cette scène de rupture, de ces scènes impérissables ? […] Dans Les Fourberies de Scapin, par exemple, il y a des scènes qui sont prises à Cyrano de Bergerac et à Tabarin, ses contemporains, et ce ne sont pas les plus mauvaises ; ces scènes ont été prises, et, entendons-nous, arrangées ; ce sont la scène de la galère, la scène du sac. Et la grande scène de Tartuffe, entre Elmire et Orgon ! […] Dom Juan, dernière scène.

99. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Sans doute, monsieur le ministre, la pensée de l’arrêté du 12 octobre 1851 n’a pas été de provoquer sur la première scène française la création d’un genre exclusivement moral, qui ne s’attacherait à présenter que des exemples vertueux, et à en tirer directement des leçons : un tel genre a été tenté en d’autres temps et n’a produit bien vite que monotonie, emphase et déclamation suivie de beaucoup d’ennui. L’effet moral vraiment digne de ce nom, sur une scène élevée, doit sortir du spectacle même de la nature humaine observée et saisie dans le jeu varié de ses passions, dans ses misères et dans ses grandeurs, et jusque dans l’énergique naïveté de ses ridicules. […] Le but moral largement conçu, comme il doit l’être pour la scène française, nous semble être de ce côté. […] Ici, monsieur le ministre, la Commission a pu regretter que le second Théâtre-Français, dont l’objet est de concourir le plus possible avec la première scène française dans les mêmes genres à la fois dramatiques et littéraires, n’eût point obtenu, dans l’arrêté, un article à part qui permît de considérer en elles-mêmes les pièces qui y sont représentées, sans qu’on fût obligé de les comparer avec des ouvrages d’un genre et souvent d’un ordre tout différent. […] Anicet-Bourgeois et Michel Masson, qui a été représenté avec succès au théâtre de la Gaîté : il lui a semblé que le ton général de ce drame, l’émotion qui en résulte, le triomphe des bons principes et de quelques sentiments naturels et généreux, compensaient les invraisemblances d’ailleurs admises ou exigées dans le genre, et que ces qualités ici n’étaient point compromises, comme il arrive trop souvent, par des scènes accessoires où le vice en gaieté se montre et devient, quoi qu’on fasse, le principal attrait.

100. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Mais, chose étrange, ce personnage, si flambant au premier acte, va pâlissant et se décolorant de scène en scène : il a trompé le public ; ce n’était que le masque d’un caractère. […] En revanche, une scène de tout point excellente est celle de la première entrevue d’Olympe et du marquis. […] Ici se place une scène hardie et brûlante, comme un fer rouge qui mord une chair vive, une scène dont l’effet déjà grand serait centuplé si elle était énergiquement amenée. […] Or il boude sa femme dès les premières scènes ; il la guette, il la soupçonne. […] Il y a, dans le second, des scènes achevées de gaieté ou de sentiment, et je vous donne celle du souper pour un chef-d’œuvre de verve mordante et d’observation implacable.

101. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Doué dans le roman de qualités dramatiques incontestables, il a pensé à appliquer ces qualités à la scène, en les modifiant, en les proportionnant au cadre circonscrit et plus sévère. […] cet auteur, si suspect aux religieux observateurs du mariage, n’a pas craint de mettre là en scène un mari à demi trompé, qui n’a rien de ridicule ni de paterne, mais plein de sérieux, et s’élevant à une éloquence parfois qui a gagné le public, quelque peu surpris. […] pour lui dire qu’elle ne l’aime pas, rien de plus scabreux, on le comprend, qu’une telle scène ; Geffroy, qui représente Alvise, l’entame très bien ; le gentilhomme impatient, relancé dans ses ruses, est obligé d’entendre au long la doléance, la sentence de l’honneur outragé. […] Au second acte, par exemple, quoi de mieux comme vérité d’analyse que cette scène entre Cosima et Ordonio, lorsque celui-ci, qu’on croyait mort, revenu à l’improviste, surprend Cosima en larmes, lisant la dernière lettre qu’elle a reçue de lui ? […] A la scène, comme au reste dans les romans, le dénouement n’est presque jamais celui de la vie.

102. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Entrons dans cet appartement et voyons cette scène. à droite, cheminée et glace. […] Monsieur Baudouin, faites-moi le plaisir de me dire en quel lieu du monde cette scène s’est passée. […] Quel intérêt cet époux, cette épouse, ces femmes de chambre, toute cette scène peut-elle avoir ? […] Croit-il que le moment où tout le monde s’est retiré, où la jeune épouse est seule avec son époux n’eût pas fourni une scène plus intéressante que la sienne ? […] Point de nuit ; scène de nuit peinte de jour ; la nuit, les ombres sont fortes, et par conséquent les clairs éclatans ; et tout est gris.

103. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Le Retour de la fête de la Madone était la scène figurative du printemps et se rapportait au pays de Naples, qui gardait de la gaieté et de l’enchantement de la Grèce. […] L’un des conducteurs est descendu, il s’appuie sur le joug, commande le repos à son attelage, et jette sur la scène un regard intelligent et fier. […] On me dira peut-être que j’ai eu tort de choisir le sujet d’un tableau important dans des scènes qui ne touchent pas l’âme et qui, à la plupart, paraissent ridicules. […] Ne pensez-vous pas qu’avec ces moyens on puisse faire une scène intéressante ? […] Mais pour pouvoir laisser travailler mon imagination avec sûreté, j’aimerais connaître le pays où j’ai l’intention de placer cette scène.

104. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

scène, au piano : 30 juin, 1, 2 juillet. scène avec orchestre : 3, 4, 5, 6 juillet. […] scène, au piano : 10, 11. scène, avec orchestre : 11, 12, 13, 14. […] Ces mots, on s’en souvient, sont dans la première scène du second acte.

105. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Ainsi, à l’antiquité, il doit non seulement des sujets de pièce et des caractères qu’il a heureusement appropriés à notre scène, mais encore l’idée générale qu’il s’est faite de son art. […] Dès le principe, dès les premiers essais, le dialogue prit sur notre scène un développement préjudiciable à l’action ; celle-ci est vive sans doute dans la Farce primitive, mais combien le dialogue domine dans les Mystères et les Moralités ! Or les Mystères et les Moralités étaient de vastes compositions entre lesquelles la Farce fluette ne se faisait qu’une toute petite place : pour quelques scènes de Maître Pathelin, combien de lourdes Moralités comme celle des Blasphémateurs du saint nom de Dieu, ou d’immenses Mystères comme ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament ! […] Aussi quelle source abondante de jeux de scène, de combinaisons ingénieuses, de brusques et saisissantes expositions ils nous offrent ! […] Molière n’eut garde de dédaigner les leçons de ces excellents praticiens : il apprit à leur école à traduire pour la perspective de la scène telle disposition de caractère, tel retour de sentiment, telle préoccupation d’esprit dans un personnage.

106. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Là, il pouvait faire recevoir des pièces qui ne ressemblaient à rien ; et là, le public, venu seulement pour se divertir, se laissait charmer par d’irrégulières inventions qu’il n’eût pas supportées sur la scène de la comédie classique. […] Boursault, Destouches, Piron même avaient déjà mêlé quelques scènes attendries ou émouvantes dans leurs pièces482. […] Dans le Préjugé à la mode (1735), il mêla encore quelques scènes comiques, assez mauvaises du reste, aux scènes pathétiques. […] Mais songeons, pour être justes, aux acteurs campés devant le trou du souffleur, parlant au parterre sans regarder leur interlocuteur, ronronnant leurs tirades avec un rythme et des gestes convenus : nous comprendrons le progrès que représentait un Greuze mis à la scène. […] Dans son triste Père de famille, il note non seulement le décor et le costume, mais la position de chaque acteur en scène, ses changements de place, ses attitudes, ses jeux de physionomie.

107. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Une scène gravement touchante est celle où le père sermonne son fils, sans le confesser. […] La foi du narrateur sauve l’incongruité de sa relation ; sa candeur déteint sur cette scène d’alcôve. […] Ce coup de sonnette banal, qui a tinté dans tant de vaudevilles et de mélodrames, termine par un lieu commun une scène enflammée. […] La scène est charmante, elle brille d’esprit et de belle humeur. […] L’emploi de ces ressorts techniques appliqués à la scène est, du reste, particulier à M. 

108. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

. — Le Châtiment, drame en une scène, en vers (1887). — L’Homme tout nu, roman (1887). — Pour lire au couvent, contes (1887) […] Quelles que soient mes réserves sur ce qui va suivre, je me plais à dire qu’une pareille scène aussi largement conçue que hardiment exécutée atteste la présence, chez M.  […] Plusieurs scènes en sont vraiment belles : la scène, entre autres, où, à contempler le sabre qu’il a dérobé, par jeu, au Marchand d’habits, Pierrot conçoit l’idée du meurtre, et celle où, tandis qu’il tient enlacée Musidora, lui apparaît le spectre de l’homme assassiné. […] C’est pourquoi, si simplement, sans nul artifice de mise en scène, sans qu’ils offrissent le moindre spectacle, nos samedis populaires de poésie ont si bien réussi. […] Il ne faut pas seulement reconnaître que Fiammette est le meilleur conte qu’un artiste ait porté à la scène, il faut dire que c’est le seul qu’on écoute avec un plaisir vrai et sans une minute d’effort.

109. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Il débutait ainsi, à dix-huit ans, dans la carrière dramatique, que son maître, Sarcey, lui avait probablement ouverte à son insu, en lui apprenant la scène à faire aux dépens de la grammaire latine. […] Il l’a exercé brillamment dans la Nuit bergamasque, comédie qui date des débuts du Théâtre-Libre, puis dans l’adaptation pour la scène du Capitaine Fracasse de Théophile Gautier, beau-père de l’auteur, et enfin dans cette Lyre comique que publie chaque semaine le supplément du Figaro. […] Francisque Sarcey Il y a dans Manon Roland une très belle scène, qui était précisément la scène à faire, au quatrième acte ; un fort joli acte d’intermède, le second ; un dénouement pathétique ; c’en est assez pour exciter la curiosité du public et justifier le succès. […] Ce qui fait que quelques-unes de ses pièces, le Nom, par exemple, où se trouvent des parties admirables, des scènes de maître, ne se sont pas imposées au répertoire, c’est que l’allure générale en était incertaine, c’est que l’idée ne s’en dégageait pas nette et lumineuse.

110. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Bénédict, qui a fait atteler la carriole, rentre s’asseoir nonchalamment et raille toute cette scène d’un long sourire. […] À partir du double mariage de Valentine et d’Athénaïs, la vérité parfaite du commencement ne se montre plus que par retour : le talent essaye en vain de racheter à force de scènes le naturel et la vraisemblance qui ne peuvent sortir que de l’ensemble des situations lentement approfondies. […] La scène du cabinet, au fond du jardin, et celle de la chambre à coucher, dans la nuit des noces, ont été indiquées comme fort belles et le sont en effet, quoique je préfère pour ma part les courses moins arrangées et moins dramatisées du premier volume. Au sujet de la scène de chambre à coucher, j’avoue que le délire éloquent que l’auteur a su tirer de la potion d’opium bue par Valentine ne me fait point passer sur la convenance de ce moyen fantastique, devenu si à la mode : y aura-t-il donc inévitablement dans chaque roman nouveau une scène d’opium, comme il y avait autrefois un songe et une tirade : Où suis-je ? […] Je n’ai point pardonné non plus à Valentine, dans la matinée qui suit la scène du cabinet, d’offrir à M. de Lansac de le suivre partout où il le voudra.

111. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Changer les figures de côté, mettre à gauche ce qui était à droite, à droite ce qui était à gauche, intervertir l’ordre des groupes, distraire un personnage de la scène ou du milieu dans lequel il était placé pour le placer dans une autre scène et quelquefois sous un autre costume, toutes ces choses, et bien d’autres que j’omets, se font et se sont faites, et la Gloire elle-même y a été prise… La Gloire un peu trop vite venue, fille du sentiment exalté d’une époque, a transformé parfois en grand peintre tel grand archéologue, qui avait assez d’exécution et de rétorsion dans la main pour cacher aux ignorants ses… butins, et c’est le critique d’art qui doit réviser ces méprises de la Gloire. […] Nous avons vu, sous les plus grands pinceaux, bien des scènes de ces Bibles illustrées de notre enfance. Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer ! […] … Dans l’art de la peinture et du dessin, il faut déjà beaucoup de profondeur dans l’inspiration pour s’affranchir des tyrannies de la mémoire, mais que n’en faut-il pas quand on traite, les unes après les autres, deux cents scènes appartenant à l’histoire du peuple le plus un qui ait jamais existé sur la terre ? […] Dans une quantité considérable de scènes empruntées à un monde de grandeur surhumaine, il a montré l’originalité et la fougue dont il avait jusqu’ici fait preuve en ses meilleures compositions.

112. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il est pris d’une convulsion sur la scène. […] Elle avait un long usage de la scène. […] Cette piquante bagatelle est une petite scène animée par la satire la plus mordante. […] le trépas d’un chat ensanglante la scène ? […] Tous comparurent sur la scène avec leurs défauts et leurs ridicules.

113. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Et pourquoi n’y aurait-il pas là des titres au rare honneur d’un début sur la première scène littéraire de France ? […] Thierry, notre troisième acte, pour adoucir, au point de vue de la scène, ce qui était logique, mais ce qui pouvait être antipathique dans la passion de la mère. […] La confiance d’un grand succès était dans tout le théâtre ; et le succès paraissait éclater déjà aux dernières répétitions, devant l’admirable jeu des scènes d’amour. […] Et ce petit acte appelé par nous : Incroyables et Merveilleuses, c’était vraiment une jolie mise en scène du temps étudié par nous, au milieu du touchant épisode d’un divorce. […] Et pense-t-on ce que pourrait être une scène, balayée de la prose du boulevard et des conceptions des dramaturges de cirque, et livrée à un vrai poète au service de la poésie duquel on mettrait des machinistes, des trucs, et toutes les splendeurs et toutes les magies du costume et de la mise en scène d’un Grand Opéra ?

114. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mais aujourd’hui, après tant de bouleversements qui ont eu lieu sur la scène, et de telles tentatives aventureuses dont on paraît un peu lassé, Iphigénie redevient de mise, elle reprend à son tour toute sa vivacité et son coloris charmant. […] Bérénice entre en scène comme aurait fait La Vallière, si elle eût osé ; elle entre le cœur tout plein de son amour, empressée de se dérober à la foule des courtisans, ne pensant qu’à l’objet aimé, n’aimant en lui que lui-même. […] De loin il est difficile d’apercevoir dans Bérénice cette sorte d’architecture tragique qui fait que telle scène se dessine hautement et se détache au regard. La grande scène voulue au troisième acte ne produit point ici de péripétie proprement dite, car nous savons tout dès le second acte, et il n’eût tenu qu’à Bérénice de le comprendre comme nous. J’ai vu deux fois la pièce, et, à ne consulter que mon souvenir, sans recourir au volume, il m’est presque impossible de distinguer nettement un acte de l’autre par quelque scène bien tranchée.

115. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Telle est la scène où la Faustin, surexcitée par le rôle qu’elle essaie d’incarner, à la veille de son exalté amour pour lord Annandale, tombe presque entre les bras d’un maître d’armes en sueur ; telle encore cette conversation érotique que Chérie, à la campagne, par une après-midi torride, ses sens près de s’éveiller, surprend de sa fenêtre, entre deux filles de ferme. […] A une époque où le souvenir du romantisme remplit les romans réalistes et les scènes brutales, de grands chocs tragiques et sanglants, de raffinements maladifs, M. de Goncourt a conservé le sens des choses naturellement charmantes, de la poésie dans les incidents journaliers, des âmes délicates de naissance, de ce qui est vif, simple et gai. […] C’est cette intervention de la fantaisie dans le choix des incidents, cet amour du joli dans les choses et dans les gestes, du mystère pour certaines scènes et certains personnages, qui finalement caractérise le mieux l’art de M. de Goncourt. De là les paillettes, l’ingéniosité, le coloris adouci et pimpant de son style, la fréquence des scènes élégantes et des personnages point abjects, le contournement amoureux de sa phrase, la gaieté de son humeur, et la tendresse de son émotion ! De là aussi, de son goût du bizarre et du fantastique, les soubresauts de son récit, la terrible nervosité des derniers chapitres de La Fanstin et de Chérie, ces agonies atroces, ces scènes nocturnes traitées à l’eau-forte, ces personnages ambigus et gris, le mystère de certains de ses dévoilements, la richesse barbare de certains de ses intérieurs.

116. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

La scène touchante de l’Andrienne, qui est en récit dans l’exposition, cette espèce de déclaration publique involontaire de l’amour de la jeune fille éplorée, de Glycère pour Pamphile, aux funérailles de Chrysis, ne saurait se séparer de cette autre scène racontée par Pamphile lui-même à la fin du premier acte. […] La scène est dans un bourg voisin d’Athènes : un voisin Chrémès s’approche de son voisin Ménédème qui ne l’est que depuis peu, mais qui lui fait peine, à le voir travailler et s’excéder de la sorte. […] Ménédème a fait comme bien des pères : il a grondé, il a été dur, il a fait chaque matin une scène à son fils sur sa conduite, sur son dérèglement, sur le scandale de sa liaison : « Quoi ! […] La première et la seconde scène des Adelphes sont célèbres. […] Ses scènes d’amoureux sont délicieuses.

117. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Vérités fondamentales : 1º Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes : ainsi, avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes. […] Le sacrifice d’Abraham, par exemple, est aussi touchant, et d’un goût plus simple que celui d’Iphigénie : il n’y a là ni soldats, ni groupe, ni tumulte, ni ce mouvement qui sert à distraire de la scène. […] Notre religion à nous, c’est notre histoire : c’est pour nous que tant de spectacles tragiques ont été donnés au monde : nous sommes parties dans les scènes que le pinceau nous étale, et les accords les plus moraux et les plus touchants se reproduisent dans les sujets chrétiens.

118. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Conférence sur la conférence6 Mesdames, Messieurs, Entre toutes les excentricités dont on accuse les théâtres novateurs et spécialement la scène de l’Œuvre, aucune, pour moi, n’est plus imprévue que de m’y voir devant vous et de m’entendre vous parler. Comment, n’allant presque jamais au théâtre, depuis qu’après un an d’expérience quotidienne, poursuivie par devoir ou plutôt par métier, en 1888, je reconnus dès 1889 que, plus ça changeait plus c’était la même chose, que, si aux reprises du Courrier de Lyon, le régisseur, je suppose, a l’attention gracieuse de rafraîchir les scènes les plus défraîchies, pour les vaudevilles d’usage courant on néglige même ce soin ingénu, qu’on change, il est vrai sur l’affiche Boucheron en Burani, et dans la pièce Molinchart en Dupotard, mais que ces corrections nominales ne font différer en rien les produits nouveaux de l’invariable étalon déposé dans les prisons où le Palais-Royal fait travailler, — comment, avec ce parti pris évident d’indifférence aux manifestations, dramatiques, viens-je, en personnage de prologue, improviser sur cette scène mon petit solo de rhétorique ? […] Peut-être attendaient-elles une plus substantielle causerie, une mise en goût de la représentation à laquelle je vais laisser libre cette scène. […] Les horizons mal fermés de ces scènes lointaines incitent au rêve mieux qu’une pièce bien close d’Émile Augier ; et les esprits les plus incurablement classiques se souviendront que les régents qui gardent devant les lycéens les chefs-d’œuvre nationaux situent le charme décisif et supérieur du Misanthrope dans l’incertitude, presque l’inexistence du dénouement. […] Faite sur la scène de l’Œuvre, et sténographiée par M. 

119. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

(La scène est exquise.) […] Scène excellente, de vérité simple, profonde, lamentable. […] Et, pour comble de plaisir, c’est une scène à « revirement », une scène « bien faite », car une scène bien faite n’est qu’une scène qui met de l’ordre dans une scène réelle. […] La scène où M.  […] la jolie scène encore de comédie âcre !)

120. (1890) Dramaturges et romanciers

On sent dans certaines scènes que l’auteur est contemporain de M.  […] Avec lui, on peut dire que la populace a fait son avènement sur la scène. […] Barrière a mis en scène, et celui qu’il excelle à faire vivre. […] De la trahison de Frantz Risler au suicide de Désirée Delobelle, à la scène du bal, à la scène du café chantant, quelle succession de situations violentes ! […] Sardou mit à la scène la Famille Benoiton.

121. (1911) Nos directions

On ne voit guère ce que cette œuvre gagnerait à être exposée à la scène. […] Que les mises en scène gracieusement précises de M.  […] Demi-ténèbre de la scène. […] La scène se trouve décrite tout au long dans la Légende Dorée. […] scène des portrais d’Hernani, Légende des Siècles !

122. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Lui, l’homme au masque ouvert et à l’allure naturelle, il avait à déblayer avant tout la scène de ces mesquins embarras pour s’y déployer à l’aise et y établir son droit de franc-parler. […] La scène de la chasse ne se trouvait pas dans la pièce à la première représentation ; mais Louis XIV, montrant du doigt à Molière M. de Soyecourt, grand-veneur, lui dit : « Voilà un original que vous n’avez pas encore copié. » Le lendemain, la scène du chasseur était faite et exécutée. […] Vrai poète de drame, ses ouvrages sont en scène, en action ; il ne les écrit pas, pour ainsi dire, il les joue. […] Molière dans ses premières pièces ne s’astreint guère plus que Plaute à cette division régulière ; il laisse fréquemment la scène vide, sans qu’on puisse supposer l’acte terminé en ces endroits. […] Si nous eussions vu notre Talma à la scène dans la même situation subalterne, nous en aurions certes souffert.

123. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Si j’ai le courage de descendre celles-là, elles me conduiront au côté gauche de la scène dont j’aurai fait tout le tour. […] S’il fallait sérieusement subir la destinée du malheureux mis en scène, les loges seraient désertes. […] Aucune de ses scènes accidentelles qui ne fît seule un tableau précieux. […] Une scène plus douce et plus pathétique succéda à celle-là. […] La saison du printemps ne convient point à une scène auguste.

124. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

L’effet de cette scène cruelle est indicible. […] La passion de la réalité ne peut guère aller plus loin que cette scène navrante. […] Alexandre Dumas a mise en scène, dans sa pièce. […] Et, d’ailleurs, il m’arrêtera presque à chaque pas, presque a chaque scène. […] La scène est terrible, je vous jure.

125. (1772) Éloge de Racine pp. -

Le premier il connut le langage de la vraie grandeur, l’art de lier les scènes, l’art de l’exposition et du dialogue. […] Andromaque est le premier chef-d’oeuvre qui ait paru sur la scène française. On avait vu de belles scènes : on vit enfin une belle tragédie. […] Je ne considère pas ici la prodigieuse difficulté de tirer cinq actes d’un sujet qui n’offrait qu’une scène ; de faire une tragédie de ce qui paraissait devoir n’être qu’une élégie. […] Le moment des grands efforts était venu, et l’on vit éclore successivement deux chefs-d’oeuvre, qui, en élevant Racine au dessus de lui-même, devaient achever sa gloire, la défaite de l’envie, et le triomphe de la scène française.

126. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Il fallut tailler de-ci, de-là, dans la finale du deuxième acte, notamment, où la scène de Telramund disparut sous l’impitoyable crayon bleu de l’impresario. […] Renseignements précis et exacts, et, en outre, un ensemble de 120 gravures, caricatures, scènes, autographes, etc., de 15 portraits, de 4 eaux-fortes, qui forme le plus curieux et le plus riche recueil de ce genre. […] En revanche, signalons cette appréciation de la scène religieuse du premier acte : « Il est impossible de rendre l’impression qui se dégage de cette merveilleuse scène : l’âme est emportée bien au-delà de la terre ; on voudrait s’agenouiller à côté de ces pieux chevaliers et rester en contemplation devant la manifestation du divin mystère… Une joie ineffable, une paix mystique, un ravissement digne des élus s’exhalent de cette scène merveilleuse …. […] La Monnaie, l’opéra de Bruxelles, fut même la première scène francophone entre 1870 et 1914 devant Paris qui eut tant de mal à dépasser sa relation conflictuelle avec Wagner et l’Allemagne. […] Tant et si bien que la scène bruxelloise rivalisa avec l’opéra de Londres dans la présentation des œuvres wagnériennes.

127. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

N’était-ce pas les scènes fâcheuses de son livre qui lui avaient gagné les trois quarts de ses admirateurs ? […] Devant ces scènes d’une chevalerie barbare, l’imagination s’éveille volontiers, et M.  […] La scène s’ouvre par une orgie des mercenaires dans les jardins d’Hamilcar. […] Flaubert n’était pas somnambule, comment comprendre la scène bestiale du python ? […] Hamilcar, pas à pas, marchait. » Scène pathétique en vérité, et qui justifie bien l’audace de l’écrivain !

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