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41. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

En haut du netzké, un peu plus grand qu’une pièce de deux francs, se voit incisée, dans le fer, une patte d’oiseau, une patte de grue ; mais de la grue absente, volante en dehors du petit rond de métal, il n’y a que la patte — et ce qu’a représenté au milieu du tout petit disque noir le ciseleur, le savez-vous ? […] La petite bimbeloterie fabriquée de deux morceaux de bambou représentait des jeux d’enfants gravés en noir sur le jaune fauve du bois, des jeux d’enfants n’ayant rien de bien remarquable, mais le bibelot avait pour moi l’intérêt d’un objet usuel, ancien, et j’étais confirmé dans cette supposition par une longue inscription gravée sous le petit seau, et par un raccommodage, — un de ces raccommodages naïfs et francs, ainsi qu’on a l’habitude de les faire, là-bas, aux objets d’une certaine valeur. […] Et je me mis à fouiller mes albums, et je trouvai le recueil qui porte pour titre : Sei tû Guishi deu (Les Chevaliers du devoir et du dévouement), ou le peintre Kouniyoshi nous représente les ronins dans l’action de l’attaque du yashki de Kotsuké : l’un portant une bouteille d’alcool « pour panser les blessures et faire de grandes flammes afin d’épouvanter l’ennemi », l’autre « tenant deux chandelles et deux épingles de bambou pour servir de chandeliers », celui-ci éteignant avec de l’eau les lampes et les braseros, celui-là ayant aux lèvres le sifflet « dont les trois coups prolongés » doivent annoncer la découverte de Kotsuké ; et presque tous dans des poses de violence et d’élancement, brandissant à deux mains des sabres et des lances, et tous enveloppés d’un morceau d’étoffe de soie bleue, avec leurs lettres distinctives sur leurs uniformes, leurs armes, leurs objets d’équipement, et tous ayant sur eux un yatate, écritoire de poche, et dans leur manche un papier expliquant la raison de l’attaque57. L’album, montré à Hayashi, en le priant de désigner Otaka dans les quarante-sept ronins représentés, et en lui demandant s’il ne connaissait pas quelque détail imprimé sur l’homme, il me dit en feuilletant l’album : « Le voici, Otaka !… ou plutôt Quengo Tadao… car il y a une défense d’indiquer les vrais noms des ronins, et ils sont représentés avec les noms défigurés qu’ils ont au théâtre. » Et disant cela, Hayashi avait le doigt sur la planche, où est imprimé, en couleur, un guerrier au casque bleu, au vêtement noir et blanc doublé de bleu, la tête baissée, les deux mains sur le bois d’une lance, un pied en l’air, un autre appuyé à plat sur le sol, et portant un furieux coup de haut en bas.

42. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Le capitan y fut représenté par Girolamo Gavarini, de Ferrare, qui prit le nom d’il capitano Rinoceronte (le capitaine Rhinocéros). […] En 1613, il fit représenter à Milan une sorte de mystère (rappresentazione sacra), intitulé Adamo. […] Pendant l’année 1622, Giovanni-Battista Andreini fit représenter et imprimer à Paris cinq pièces de sa façon : La Sultana, L’Amor nello specchio (l’Amour au miroir), La Ferinda, Li Due Leli simili, La Centaura. […] L’auteur expose le plus gravement du monde, dans la dédicace, l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à Sa Majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine. » Après avoir passé en Italie l’été de 1623, les Comici Fedeli revinrent en France et y représentèrent pendant l’année 1624 et le commencement de l’année 1625.

43. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

On trouve dans le Recueil des Œuvres de M. de Morand, trois Ballets héroïques, qui n’ont pas été représentés, quoiqu’ils méritassent cet honneur aussi bien que tant d’autres qui reparoissent si souvent. Parmi ses Comédies, il y en a une, intitulée l’Esprit de Divorce, représentée pour la premiere fois en 1738. […] Il s’avança sur les bords du Théatre, & parla ainsi au Parterre : « Messieurs, il me revient de tous côtés qu’on trouve que le principal caractere de la Piece, que vous venez de voir, n’est point dans la vraisemblance qu’exige le Théatre ; tout ce que je puis avoir l’honneur de vous assurer, c’est qu’il m’a fallu diminuer beaucoup de la vérité, pour le rendre tel que je l’ai représenté ».

44. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Le sujet et l’objet ne sont pas primitivement dans la conscience à l’état de termes purement intellectuels, l’un représentatif et l’autre représenté : le sujet est un vouloir, qui ne se contente pas de représenter les objets, mais tend à les modifier en vue de lui-même. Par la volonté, au lieu de se disperser dans les objets représentés, le sujet se fait centre et tâche de tout ramener à soi. […] Les trois éléments du temps sont représentés dans l’arc réflexe : le présent, par la cellule centrale ; le passé, par la première moitié de l’arc, que parcourt l’excitation ; l’avenir, par la seconde moitié, que parcourt la réaction. […] Maintenant, comment nous représenter ce réel qui, dans les choses, se manifeste d’une manière intelligible par des liaisons de principes à conséquences ? […] Celle-ci est une manière de se représenter, à notre image, les raisons explicatives qui nécessitent et les phénomènes et leur ordre.

45. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Chaque peuple représente une idée et non pas une autre. […] Chaque peuple représente une idée, et les peuples différents représentent différentes idées ; d’où il suit que le peuple qui représente l’idée le plus en rapport avec l’esprit général de l’époque est le peuple appelé à la domination. […] Ainsi tous les individus dont se compose un peuple sont remplis de son esprit et le représentent en eux, mais ils le représentent plus ou moins. […] Comme ils représentent les beaux côtés de leur temps, ils en représentent aussi les mauvais. […] Comme le midi est représenté par la France, ainsi le nord est représenté par l’Allemagne.

46. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Considérée dans son ensemble, elle représente aujourd’hui, comme autrefois, la moyenne de l’esprit et de la culture en France ; et son prestige — il faut bien l’avouer — n’a jamais été si grand dans l’Europe entière, comme en notre temps. […] L’Académie est, par fondation, conservatrice, et ceux même qui y représente la fameuse « gauche » n’y sont que pour ce qu’ils conservent de traditionnel. […] L’étranger et la province, abusés par une réclame intensive, sont excusables de croire que cette société représente quelque chose : mais nous ne pouvons qu’en rire. […] Elle ne doit pas représenter, comme on le croit trop souvent, la littérature, mais toutes les forces vives d’un pays, quelles qu’elles soient. […] Elle représente la moyenne de l’esprit et de la culture, et son niveau intellectuel semble constant.

47. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Mais insensiblement on arrive à ériger le cerveau et les mouvements intracérébraux en choses, c’est-à-dire en causes cachées derrière une certaine représentation et dont le pouvoir s’étend infiniment plus loin que ce qui en est représenté. […] Nous répondrons que, dans l’hypothèse idéaliste, il est impossible de se représenter un objet en l’absence complète de l’objet lui-même. S’il n’y a rien de plus dans l’objet présent que ce qui en est représenté, si la présence de l’objet coïncide avec la représentation qu’on en a, toute partie de la représentation de l’objet sera, en quelque sorte, une partie de sa présence. […] Le corps ne se sent plus soulevé par l’objet aperçu, et comme c’est dans cette suggestion d’activité que consiste le sentiment de l’actualité, l’objet représenté n’apparaît plus comme actuel : c’est ce qu’on exprime en disant qu’il n’est plus présent. […] Du point de vue idéaliste, je n’avais pas le droit d’attribuer à ces mouvements internes la mystérieuse puissance de se doubler de la représentation des choses extérieures, car ils tenaient tout entiers dans ce qui en était représenté, et puisque, par hypothèse, on se les représentait comme des mouvements de certains atomes du cerveau, ils étaient mouvements d’atomes du cerveau et rien autre chose.

48. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Coppée a fait représenter hier à l’Odéon plus de talent que dans cette comédie en cinq actes que je pourrais vous citer, si je ne craignais pas de chagriner l’auteur… Le Passant n’est pas une de ces pièces que l’on raconte ; c’est un poème auquel l’analyse ferait perdre la saveur et la grâce, une pure œuvre d’art que je vous engage à aller voir et que vous applaudirez certainement ; cela dure vingt minutes, vingt-cinq minutes au plus, et tout, depuis le premier vers jusqu’au dernier, vous charmera, je vous le jure… Enfin, voilà un début heureux au théâtre ; si M.  […] Auguste Dorchain La poésie de détail, voilà, en effet, ce que représente excellemment M.  […] En laissant de côté son théâtre, la Guerre de Cent ans, ce drame shakespearien non représenté, où les spectres jouent un grand rôle et ne feraient peut-être pas sourire, le Luthier de Crémone et même le Passant, M.  […] Poète, il est un des quatre ou cinq qui, depuis Victor Hugo, représentent quelque chose d’essentiel dans le développement de la poésie française. […] François Coppée, Pour la Couronne, représenté à l’Odéon avec un si éclatant succès, a d’abord un mérite.

49. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Si on demande quel est l’homme qui a le mieux peint les vices et les crimes, et qui inspire mieux l’indignation et le mépris pour ceux qui ont fait le malheur des hommes, je dirai, c’est Tacite ; qui donne un plus saint respect pour la vertu malheureuse, et la représente d’une manière plus auguste, ou dans les fers, ou sous les coups d’un bourreau, c’est Tacite ; qui a le mieux flétri les affranchis et les esclaves, et tous ceux qui rampaient, flattaient, pillaient et corrompaient à la cour des empereurs, c’est encore Tacite. […] Les recherches des délateurs nous ont ôté jusqu’à la liberté de parler et d’entendre, et nous eussions perdu le souvenir même avec la voix, s’il était aussi facile à l’homme d’oublier que de se taire44. » Il se représente ensuite, au sortir du règne de Domitien, comme échappé aux chaînes et à la mort, survivant aux autres, et, pour ainsi dire, à lui-même, privé de quinze ans de sa vie, qui se sont écoulés dans l’inaction et le silence, mais voulant du moins employer les restes d’un talent faible et d’une voix presque éteinte, à transmettre à la postérité et l’esclavage passé, et la félicité présente de Rome. […] Moi-même, quand j’exhorterai ton épouse et ta fille à honorer ta mémoire, je leur dirai de se rappeler sans cesse et tes actions et tes discours, d’embrasser ta renommée, et, pour ainsi dire, ton âme, plutôt que de vaines statues ; non que je veuille défendre de reproduire sur le marbre ou l’airain les traits des grands hommes ; mais ces images sont mortelles, comme ce qu’elles représentent, au lieu que l’empreinte de l’âme est éternelle. Ce n’est point par l’art, ce n’est point par de vils métaux qu’on peut représenter l’âme d’un grand homme, c’est par notre conduite et par nos mœurs, etc.

50. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

La commedia dell’arte en France Nous avons expliqué comment et dans quelles circonstances les Italiens réussirent à représenter des pièces dont le dialogue était abandonné à l’inspiration de chaque acteur. […] Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus. […] En 1584 et 1585, Paris reçut la visite des Comici confidenti, qui représentèrent notamment chez le duc de Joyeuse une pièce intitulée Angelica, œuvre d’un de leurs acteurs, Fabritio di Fornaris, jouant le capitan espagnol sous le nom de Cocodrillo. […] Nous donnons ici le personnage de Franca-Trippa, tel qu’il est représenté dans I balli di Sfessania de Callot. […] Nous donnons ci-contre le capitaine Cerimonia : il est représenté une main sur sa rapière, dont la pointe soulève son manteau tout entier, et l’autre tenant sa loque tailladée ; il est en train de saluer très poliment la signora Lavinia (voyez plus loin ce personnage) qui se trouve en face de lui.

51. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

C’est à propos de la question de l’objet de l’art que s’accuse le conflit entre la morale qui représente l’intérêt social et l’individualisme esthétique qui fait abstraction des considérations sociales et morales. […] Elle représente la liberté de la passion : l’apothéose de la joie de vivre. Représenter la beauté, glorifier la beauté, c’est glorifier la nature, c’est-à-dire la passion, c’est-à-dire le mal. […] L’art classique représente la règle, l’ordre, la discipline, l’idée du gouvernement en art. […] L’esprit classique représente ainsi, à certains égards, une volonté d’unité esthétique, sociale et morale, une volonté d’obéissance à l’ordre établi, d’adaptation et de subordination de l’individu au milieu.

52. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Nous supposerons que les lettres depuis A jusqu’à L représentent des genres alliés, qui vécurent pendant l’époque silurienne, et qui descendent tous d’une espèce qui existait à une période antérieure inconnue. […] Tous ces descendants modifiés d’une seule espèce sont représentés ici comme parents au même degré de consanguinité. […] Les lettres depuis A jusqu’à L peuvent représenter onze genres de l’époque silurienne, dont quelques-uns ont produit des groupes nombreux de descendants modifiés. […] Néanmoins l’arrangement naturel que représente la figure n’en serait pas moins juste ; et, en vertu du principe d’hérédité, toutes les formes descendues de A ou de I auraient quelques attributs communs. […] Elle pourrait donc représenter l’état naissant des ailes des oiseaux.

53. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Au moyen âge, églises, châteaux, hôtels de ville représentent les trois faces principales de la société française ; ce sont les monuments d’une France chrétienne, féodale et municipale. […] Ils étaient condamnés à représenter les pourpres du soir, les nuances délicates du matin, la verdure naissante des bois, la moire changeante des lacs avec une palette sur laquelle il n’y avait guère que du gris. […] Gœthe, à propos de son Faust, illustré par Delacroix138, disait à Eckermann, qui remarquait combien de tels dessins aident à l’intelligence complète d’un poème : « C’est certain : car l’imagination plus parfaite d’un artiste nous force à nous représenter les situations comme il se les est représentées à lui-même. […] La femme qui par son âge ou par sa volonté de rester jeune représente la nouvelle génération est éprise de poésie, de rêve. […] Ogier, Lancelot, Hector représentent nos trois grands cycles épiques, celui de France, celui de Bretagne et le cycle antique.

54. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

— En premier lieu, il faut bien se représenter quelles sont les formes intermédiaires qui, d’après ma théorie, doivent avoir existé antérieurement. […] Quelques-unes des formations, qui ne sont représentées en Angleterre que par de minces couches de strates, ont plusieurs mille pieds de puissance sur le continent. […] Bien que chaque formation représente une période d’années d’une longueur considérable, pourtant chacune de ces périodes est peut-être courte en comparaison de celle qui est nécessaire à la transformation des formes spécifiques. […] Cependant si l’observation n’eût révélé ce fait remarquable, qui aurait pu soupçonner quelle immense suite de siècles était représentée par quelques strates superposées ? […] Godwin-Austen que l’état actuel de l’Archipel Malais, avec ses îles vastes et nombreuses, séparées par des mers larges et peu profondes, représente probablement l’ancien état de l’Europe, à l’époque où la plupart de nos terrains s’accumulaient.

55. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Un tableau qui représentait les adieux d’Hector à Andromaque, frappa d’abord leurs regards. […] Les Romains n’auraient point voulu qu’on représentât sur le théâtre ce qui pouvait tenir à leur histoire, à leurs affections, à leur patrie27. […] C’est dans l’an 514 que les premières comédies en vers, composées par Titus Andronicus, ont été représentées ; et c’est l’année suivante qu’Ennius a été connu. […] Accius, dit un commentateur, avait composé une tragédie sur Brutus, qui fut représentée aux jeux apollinaires. Mais une lettre de Cicéron à Atticus dit que ce fut la tragédie de Térée qui fut représentée à ces jeux ; et un autre commentateur assure que ce n’était point une tragédie de Brutus qu’avait faite Accius, mais des vers adressés à un Brutus, descendant du premier, avec lequel il était très lié.

56. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Elle représente une limite, à savoir l’ensemble des phénomènes irréductibles à la physique et à la chimie. Elle représente ainsi une protestation contre une hypothèse non démontrée, et elle sauve par là même le physiologiste des illusions où pourrait l’entraîner le désir bien naturel de simplifier les choses, de réduire les propriétés vitales aux propriétés générales de la matière. […] Nous parlons de l’homme libre ; mais la liberté, j’entends la liberté morale, peut-elle subsister, si l’on représente la vie, ainsi que le fait M.  […] Les anciens se la représentaient comme une divinité jalouse, qui élevait ou abaissait, rendait heureux ou malheureux, par pur caprice, ses victimes ou ses favoris. […] Se représenter cette cause intérieure sous la forme des phénomènes externes, n’est-ce pas comme si on voulait changer un cercle en carré ?

57. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Nous nous représentons les choeurs de la comédie composez des gagistes et des plus mauvais acteurs, qui joüent très-mal un rolle auquel ils ne sont point accoutumez. Mais les choeurs des tragédies anciennes étoient executez par de bons acteurs bien exercez, et la dépense qui se faisoit pour les représenter étoit même si grande, que les athéniens avoient ordonné par un reglement particulier que les magistrats en feroient les frais. Qu’on se représente donc pour se faire une juste idée de ces choeurs un grand nombre d’acteurs excellens répondans au personnage qui leur adresse la parole. Qu’on se représente chacun des acteurs du choeur, faisant les gestes et prenant les attitudes convenables à ce qu’il vouloit exprimer actuellement, et propres encore au caractere particulier qu’on lui avoit donné.

58. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Nous souhaitons que l’Opéra-Comique représente Lohengrin. […] Or, que les théâtres d’opéra représentent des opéras, et qu’ils représentent cette merveille exquise, où est, suprêmement, la dernière puissance expressive de l’opéra, Lohengrin, le plus beau et le dernier des opéras ! […] Parsifal, « le miracle », comme l’appelle éloquemment l’illustre compositeur Franz Liszt, ne doit être représenté qu’à Bayreuth, dans le Temple même de l’Art. Mais, après Lohengrin et les Maîtres, Tristan, l’Or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried et le Crépuscule des Dieux, seront représentés à Paris. […] Parsifal fut représenté douze fois, du 18 au 30 juillet 1883, et dix fois, du 21 juillet au 8 août 1884.

59. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

L’obligation, que nous nous représentons comme un lien entre les hommes, lie d’abord chacun de nous à lui-même. […] En vain on essaie de se représenter un individu dégagé de toute vie sociale. […] Au-dessus de ces devoirs bien nets nous aimons à nous en représenter d’autres, plutôt flous, qui s’y superposeraient. […] Pour en prendre conscience, il n’est pas nécessaire de se représenter un terme que l’on vise ou une perfection dont on se rapproche. […] Pensare, d’où dérivent « compensation » et « récompense », a le sens de peser ; la justice était représentée avec une balance.

60. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Dans une telle époque certes c’est par un miracle qu’un art peut encore exister ; l’art est le prophète d’une humanité idéale, mais il représente comme un idéal la plus noble image de la nature humaine. […] C’est pour cela que toute œuvre d’art vraie, pure et grande, qui ne se contente pas de jouer avec l’apparence, mais qui la représente idéalement comme l’être de l’homme, devient un fait chrétien. […] Car l’art le plus compréhensible peut amener des malentendus, s’il est représenté d’une façon incompréhensible. […] L’immense génie de Shakespeare ferait douter qu’après lui le drame pût encore se développer, si l’on ne devait le désigner comme l’Homère de l’art chrétien ; car, comme lui, il représente la mondalisation de la poésie. […] Wagner représente la parfaite conciliation de ces deux artistes ; sa musique a aujourd’hui déjà une importance universelle et en même temps il est l’artiste le plus national.

61. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Leibniz y voyait avec raison l’analogue de la projection géométrique, qui peut représenter les objets solides par des surfaces, les surfaces par des lignes, les lignes par des points. […] Impossible de s’expliquer cette conservation et cette reproduction des idées quand on se les représente comme purement spirituelles, sans relations avec le mouvement et avec la force motrice. […] Pour me souvenir de tel mal de dents, il faut que je me représente les dents où j’ai localisé jadis la douleur, puis le mot douleur même, qui sert de signe ; mais comment arriver à me représenter ce mal en lui-même ? […] Je me représente aussi la réaction motrice occasionnée par le mal, le grincement de dents, la convulsion de la mâchoire, le mouvement même des lèvres dont les commissures se relèvent, etc. […] Pour se représenter la faim même, il faut se représenter confusément l’estomac et reproduire l’anxiété vague qui y est localisée, avec la tendance à faire les mouvements nécessaires pour manger.

62. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Notre législature ne représente pas plus l’opinion vivante et active, que l’Académie française ne représente la littérature féconde. […] Qu’on se représente l’étonnement, les larmes, les gonflements de cœur de ces pauvres et simples gens, en trouvant pour la première fois une expression à leurs peines, à leurs vœux, et l’attitude fière et enflammée des plus jeunes ! […] Carrel circulait dans Paris, une foule considérable, une société brillante, et la majorité de la jeunesse, remplissaient le théâtre de la porte Saint-Martin où l’on allait représenter la Lucrèce Borgia de M.  […] Scribe, pour l’acquit de ma conscience (car il le sait aussi bien que moi), que de notre temps, dans le monde, la profession d’homme à bonnes fortunes n’est pas si essentiellement distincte de celle d’avocat, médecin, agent de change, etc., qu’il le représente communément : ce sont là des classes artificielles qu’il imagine, des contrastes qui prêtent aux plaisanteries et aux couplets du genre, mais que des provinciaux seuls peuvent prendre au sérieux !

63. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

D’autre part, rien n’est plus légitime que toutes les tentatives qui ont pour objet, par l’application des méthodes scientifiques, de lier nos idées, nos impressions particulières, et de représenter synthétiquement la marche, les accroissements, les transformations de la littérature. […] Mais pour représenter le caractère des écrits et la physionomie des écrivains, je me suis interdit de résumer les jugements des maîtres que j’admire, de Taine et de Sainte-Beuve, comme de M.  […] On peut donc essayer de représenter aujourd’hui dans son ensemble l’effort d’un siècle qui n’a point été indigne de ses aînés. […] Dans le plan de cette Histoire, on verra aisément que je me suis attaché à respecter la succession chronologique des hommes et des œuvres : c’est-à-dire, en somme, à représenter le plus possible le mouvement de la vie. […] Mais comment se représentera-t-on le xvie  siècle, si Rabelais y vient en compagnie de Montaigne, après Ronsard et Desportes ?

64. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Adam, qui représente la sagesse, la vérité et l’opinion de Μ. de Girardin tout le long de la pièce, « ne sont pas faits comme les autres hommes (textuel) ; ils sont les centaures de ce temps-ci : ils ont une tête de savant sur un corps de soldat », ce qui est la manière progressive d’être centaure au xixe  siècle. […] Adam a acheté l’hôtel de Μ. le comte de La Rochetravers, contigu au sien, et voilà par quelle invention et quelle porte la société de l’avenir, de l’écu, des parvenus, représentée par les Adam, vient s’aligner visage à visage avec la société du passé, des traditions et des déchus, représentée par les La Rochetravers. […] Ils disaient : le baron, le major, le conseiller, parce que les rôles qu’ils créaient représentaient tous les barons, tous les majors et tous les conseillers, sinon de l’Allemagne, au moins de leur idée. […] Ils représentent seulement les idées de marquise, de baron et de millionnaire comme les conçoit Μ. de Girardin, et nous pouvons vous assurer que c’est joli !

65. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Le principe d’identité, ainsi défini, représente le type de la possibilité. […] Enfin elle assure par la reproduction la perpétuité de la forme qu’elle représente. […] Elle représente la pensée même du Créateur. […] Mais comment se représenter, comment concevoir un élément psychique indivisible ? […] Il représente l’instrument sur lequel s’exerce immédiatement la liberté et qui la met en relation avec la nature.

66. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Chacun de nous représente une société à laquelle il s’adapterait mieux qu’à la société réelle. […] Chacun de nous, même chacun de nos actes, chacune de nos pensées représente un monde auquel il serait adapté, une société dans laquelle il serait bon. […] Tout objet dont je me sers représente les peines, les privations d’autrui ; l’argent dont je l’ai acquis représente les miennes propres ou celles de quelque autre encore, et tant que je le possède, je prive les autres d’une utilité que tous ne possèdent sans doute pas. […] Il sait que tous ces biens ne sont que des moyens, qu’ils ne valent que par des fins plus hautes, la vie sociale d’un peuple ou de l’humanité, qu’ils représentent et que, bien souvent, ils représentent mal. […] Elle ajoutera que chacun de nous ne représente pas seulement lui-même, mais une société entière faite à son image, à l’existence virtuelle, mais qu’il tend à réaliser.

67. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Ces rapports sont réalisés et représentés effectivement dans la représentation des choses étendues ou des états de conscience successifs. […] Par quoi la représenter ? […] Voici deux lignes égales : — Comment, demandent les platoniciens, vous représenterez-vous l’égalité ? Vous en êtes réduit à dessiner deux lignes égales, c’est-à-dire que vous représentez seulement les lignes et laissez à l’esprit le soin de percevoir, s’il en est capable, l’égalité. […] La pensée, au sens le plus large de ce mot, indique seulement l’existence d’une chose pour la conscience et dans la conscience, existence saisie telle qu’elle est, représentée d’une manière identique à sa réalité.

68. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

On ne peut se représenter une sensation comme on se représente un mouvement nerveux. […] Toute idée représente un objet. […] Au bout de quelque temps elle se représente comme d’elle-même à l’esprit. […] Mais on ne peut se représenter un pareil être. […] Comment se représenter cela sans signes ?

69. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Les tragédies, les ouvrages d’imagination, vous représentent l’adversité comme un tableau où le courage et la beauté se déploient ; la mort, ou un dénouement heureux terminent, en peu d’instants, l’anxiété qu’on éprouve. […] Les indifférents, les connaissances intimes mêmes, vous représentent, par leurs manières avec vous, le tableau raccourci de vos infortunes : à chaque instant, les mots, les expressions les plus simples, vous apprennent de nouveau ce que vous savez déjà, mais ce qui frappe à chaque fois comme inattendu ; si vous faites des projets, ils retombent toujours sur la peine dominante ; elle est partout, il semble qu’elle rende impraticable les résolutions mêmes qui doivent y avoir le moins de rapport ; c’est contre cette peine alors qu’on dirige ses efforts, on adopte des plans insensés pour la surmonter, et l’impossibilité de chacun d’eux, démontrée par la réflexion, est un nouveau revers au-dedans de soi. On se sent saisi par une seule idée, comme sous la griffe d’un monstre tout puissant, on contraint sa pensée, sans pouvoir la distraire ; il y a un travail dans l’action de vivre qui ne laisse pas un moment de repos ; le soir est la seule attente de tout le jour, le réveil est un coup douloureux qui vous représente chaque matin votre malheur avec l’effet de la surprise.

70. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Telle étoit l’histoire de Niobé, représentée avec quatorze ou quinze statuës liées entr’elles par une même action. […] Pour parler de la sculpture moderne, tels sont le tombeau du cardinal De Richelieu, et l’enlevement de Proserpine par Girardon, la fontaine de la place Navonne, et l’extase de sainte Therese par Le Bernin, comme le grand bas-relief de l’Algarde qui représente saint Pierre et saint Paul en l’air ménaçants Attila, qui venoit à Rome pour la saccager. […] La statuë qui représente le Nil, et que Le Bernin a rendu reconnoissable par les attributs que les anciens ont assignez à ce fleuve, se couvre la tête d’un voile.

71. (1903) La pensée et le mouvant

On vint un jour me demander comment je me le représentais. […] Précisément parce qu’il se représenta une vision de ce genre — je veux dire une vision de la réalité « en soi » — comme se l’était représentée Plotin, comme se la sont représentée en général ceux qui ont fait appel à l’intuition métaphysique. […] Comment se représenter autrement l’inconscience ? […] On ne saurait la représenter par des images. […] Comment s’en représenter l’intérieur ?

72. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Il y en a deux à Paris, qui se sont fait une tradition et comme un privilège de représenter des œuvres profanes et comiques. […] Il se peut que, selon une hypothèse assez vraisemblable, ils représentent les célébrants de la fête des fous, quand cette joyeuse et insolente parodie des cérémonies religieuses fut bannie de l’Eglise. […] La basoche au contraire représentait un état : elle reposait sur la profession habituelle de ses membres. […] En 1511, au Mardi gras, Gringore, étant Mère Sotte, fit représenter aux Halles le Jeu du prince des Sots, suivi d’une moralité et d’une farce. […] Le mari, en général, est un nigaud : la farce représente toujours le ménage du voisin.

73. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Qu’y a-t-il de vrai, qu’y a-t-il d’illusoire dans cette manière de se représenter les choses ? […] Mais point n’est besoin, pour se représenter une chose qui dure, de prendre sa mémoire à soi et de la transporter, même atténuée, à l’intérieur de la chose. […] Voilà aussi n’importe quel temps conçu, car on ne peut concevoir un temps sans se le représenter perçu et vécu. […] Sans le déroulement continu, il n’y aurait plus que l’espace, et un espace qui, ne sous-tendant plus une durée, ne représenterait plus du temps. […] Les esprits les plus réfractaires aux premiers éléments se représentent tout de suite, et sans difficulté, des lignes sans épaisseur et des points sans dimension.

74. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Ces petits faits, qui appartiennent à un ancien monde disparu, et qui nous le représentent dans une entière vérité, nous plaisent et nous attachent : à une distance médiocre, ils pouvaient sembler surabondants et superflus ; à une distance plus grande, ils sont redevenus intéressants et neufs. […] « Son portrait, qui est à Motteville, dit le Journal des savants, la représente comme une brune fort jolie. » Le seul portrait gravé que j’aie vu d’elle, et que chacun peut voir au Cabinet des estampes, nous la montre coiffée à la mode d’Anne d’Autriche, n’étant déjà plus de la première jeunesse, le visage plein, avec un double menton, l’air tranquille et doux. […] Pour achever de la représenter telle que je l’ai vue, il faut avouer qu’elle avait infiniment de l’esprit, de cet esprit brillant qui plaît aux spectateurs. […] Cette comédie italienne, représentée chez le cardinal, excita l’enthousiasme de quelques courtisans tels que le maréchal de Grammont ou le duc de Mortemart qui paraissait enchanté au seul nom des moindres acteurs ; « et tous ensemble, afin de plaire au ministre, faisaient de si fortes exagérations quand ils en parlaient, qu’elle devint enfin ennuyeuse aux personnes modérées dans les paroles ». […] Dans de très belles pages sur le caractère, les artifices et les talents du cardinal Mazarin, elle le représente, pendant un séjour qu’il fait à Paris (mai 1647), s’enfermant pour le travail et faisant attendre les plus grands du royaume dans son antichambre, sans qu’ils puissent pénétrer jusqu’à lui.

75. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Il faut alors abandonner Descartes, car il représente précisément le principe contraire, le principe de la liberté, du sens propre, de la raison individuelle. […] En un mot, si Bossuet est l’idéal du vrai, il faut que Descartes soit l’idéal du faux, car l’un est le contraire de l’autre : l’un représente le sens propre, l’autre le sens commun ; l’un la liberté, l’autre l’autorité ; l’un les droits, l’autre les limites de la pensée. […] Rien n’est moins exact que de représenter le théâtre français comme une imitation du théâtre grec. […] Le principe de la discipline est représenté au xviie  siècle, selon M.  […] La discipline représentée par l’Académie était ennuyeuse, médiocre et sans goût ; la raison représentée par Boileau était alors une indiscipline.

76. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Supposez la physiologie adulte et la théorie des mouvements cellulaires aussi avancée que la physique des ondulations éthérées ; supposez que l’on sache le mécanisme du mouvement qui, pendant une sensation, se produit dans la substance grise, son circuit de cellule à cellule, ses différences selon qu’il éveille une sensation de son ou une sensation d’odeur, le lien qui le joint aux mouvements calorifiques ou électriques, bien plus encore, la formule mécanique qui représente la masse, la vitesse, et la position de tous les éléments des fibres et des cellules à un moment quelconque de leur mouvement. […] Avant l’opération, il se représentait une tasse de porcelaine comme froide, polie, capable de donner à sa main telle sensation de résistance et de forme ; lorsque pour la première fois elle frappe sa vue et lui donne la sensation d’une tache blanche, il conçoit la chose blanche et lustrée comme autre que la chose résistante, pesante, froide et polie. […] Or, lorsque nous examinons de près l’idée d’une sensation et l’idée d’un mouvement moléculaire des centres nerveux, nous trouvons qu’elles entrent en nous par des voies non seulement différentes, mais contraires. — La première vient du dedans, sans intermédiaire ; la seconde vient du dehors, par plusieurs intermédiaires. — Se représenter une sensation, c’est avoir présente l’image de cette sensation c’est-à-dire cette sensation elle-même directement répétée et spontanément renaissante. Se représenter un mouvement moléculaire des centres nerveux, c’est avoir présentes les images des sensations tactiles, visuelles et autres qu’il éveillerait en nous, si, du dehors, il agissait sur nos sens, c’est-à-dire imaginer des sensations de blanc, de gris, de consistance mollasse, de forme cellulaire ou fibreuse, de petits points tremblotants ; c’est enfin, si l’on va plus loin, combiner intérieurement les noms de mouvement, vitesse et masse, qui désignent des collections et des extraits de sensations musculaires et tactiles. — En somme, la première représentation équivaut à son objet, la seconde au groupe de sensations qu’éveillerait en nous son objet. […] Phrase à phrase, mot à mot, l’événement physique, tel que nous le représentons, traduit l’événement moral.

77. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Comme le véritable auteur dramatique écrit sa pièce en la voyant jouer, en voyant d’avance les acteurs qui entrent et qui sortent, qui se groupent et qui ont, en s’adressant les uns aux autres, telle ou telle attitude, et ne peut faire bien qu’à ce prix ; tout de même le lecteur doit voir, comme si elle était représentée, la pièce qu’il lit et pour ainsi dire presque littéralement entendre les couplets et les répliques. […] Ce que j’en dis, du reste, n’est que pour insister sur l’avantage de cette méthode qui consiste à se représenter les mouvements et les attitudes des acteurs et reconstituer l’action. […] J’ai vu représenter le commencement d’Athalie de la façon suivante : Abner apparaît à gauche, Joad apparaît à droite, reconnaît de loin Abner, lui fait un geste qui veut dire : « Ah ! […] Il doit avoir un style à lui et qui se reconnaîtra toujours quand il fait parler le personnage qui le représente, ou toutes les fois, dans quelque rôle que ce soit, qu’il fait dire à quelqu’un ce qu’il dirait en effet lui-même. […] Un auteur dramatique ne doit se servir de son style à lui et ne s’en sert, en effet, s’il a tout son art, que quand il parle en son nom et je veux dire quand il fait parler le personnage qui le représente ou le personnage qui lui est particulièrement sympathique.

78. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Le théâtre des Gelosi C’est sur le théâtre des Gelosi que la commedia dell’arte a atteint son plus haut point de perfection ; ils représentent en quelque sorte son âge classique. […] Mais le théâtre représente presque toujours le même décor traditionnel, au moins dans ses dispositions principales. […] Le théâtre représentait aussi des jardins, des forêts, des cavernes, etc. ; mais la perspective ordinaire, au milieu de laquelle se déroulaient les événements de la comédie, c’était cette piazetta ou ce carrefour, doré de soleil, divisé en coins et recoins mystérieux, qui, avec une plus grande simplicité d’architecture, a servi également à nos premiers poètes comiques. Flaminio Scala a soin d’indiquer en tête de chaque pièce les accessoires qui sont nécessaires pour la représenter. […] Elle consent, par la suite, après diverses aventures, à accepter un autre époux, à la grande satisfaction de son frère Cinthio. » Cette situation que Flaminio Scala développe en trois actes, peut être considérée comme une des plus simples et des plus communes qu’offrent les pièces représentées par les Gelosi.

79. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

La première est naturaliste ; elle consiste à représenter la pensée comme le reflet ou l’enregistrement passif des objets extérieurs et des lois de la nature, auxquelles elle n’aurait aucune part : c’est la forme de l’objet qui explique seule celle de l’image dans le miroir. […] En face de cette doctrine, l’idéalisme représente le sujet pensant comme le principe même des lois universelles et des relations nécessaires que l’on croit découvrir dans les objets extérieurs : c’est la forme du miroir qui explique celle de l’image, et par cela même de l’objet représenté.

80. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

L’idéal pour un directeur, serait de n’avoir à monter que des pièces qu’on pût représenter dans un décor banal. […] Du bois blanc habilement peint ne suffira-t-il pas à représenter à nos yeux le meuble le plus précieux ? […] Supposons qu’un poète nous représente Périclès pleurant sur le tombeau du dernier de ses fils. […] Le théâtre représente le péristyle du palais de Thésée, entouré d’un portique à colonnes élevées. […] L’action se divisait en général en cinq actes qui représentaient cinq moments successifs.

81. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Si l’on représente le nombre des espèces d’un genre ou des genres d’une famille par une ligne verticale variable en épaisseur, s’élevant à travers les formations géologiques successives dans lesquelles ce groupe est représenté, il se peut quelquefois que l’extrémité inférieure de cette ligne, au lieu de commencer par une pointe aiguë, semble faussement obtuse et large dès le principe. […] Si, comme nous l’avons vu précédemment, l’on représentait l’apparition et la disparition d’un groupe d’espèces par une ligne verticale d’épaisseur variable, cette ligne tendrait à s’amincir plus graduellement vers son extrémité supérieure, qui indique le mouvement de décadence, qu’à son extrémité inférieure, qui représente l’apparition première du groupe et la multiplication progressive de ses espèces. […] La figure se trouve ainsi trop simple, en ce qu’elle représente trop peu de genres et trop peu d’espèces ; mais ceci est sans importance pour la question. Les lignes horizontales peuvent représenter des formations géologiques successives, et toutes les formes au-dessous de la ligne supérieure seront supposées éteintes. […] C’est ce que nous voyons représenté dans la figure par la lettre F14.

82. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Le Théâtre Français a représenté une pièce nouvelle de M.  […] Féline nous représente, et c’est le seul qui aurait quelque originalité ; mais un tel caractère est-il bien naturel, bien réel en l’approfondissant, et soutient-il l’examen ? […] Il me semble qu’on n’en est guère là, et l’on aurait chance bien plutôt de peindre avec vérité un homme résolu à tout, déterminé à faire fortune, à se conquérir un nom, un état, une influence, une considération presque, ou du moins tout ce qui en tient lieu socialement et la représente, et cela en envoyant promener sa conscience et même le respect humain, mais en osant, en voulant fortement, en s’imposant.

83. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Guyau passe en revue ces conditions, dont la première et la plus fondamentale, est que l’être représenté par l’artiste soit vivant : « la vie, fût-ce celle d’un être inférieur, nous intéresse toujours par cela seul qu’elle est la vie ». […] L’art, qui cherche en définitive à nous faire sympathiser avec les individus qu’il nous représente, s’adresse ainsi aux côtés sociaux de notre être ; il doit donc aussi nous représenter ses personnages par leurs côtés sociaux. » Le héros en littérature est avant tout un être social : « soit qu’il défende, soit même qu’il attaque la société, c’est par ses points de contact avec elle qu’il nous intéresse le plus. » Guyau montre que les grands types créés par les auteurs dramatiques ou les romanciers de premier ordre, et qu’il appelle « les grandes individualités de la cité de l’art », sont à la fois profondément réels et cependant symboliques : Hamlet, Alceste, Faust, Werther, Balthazar Claëtz. En outre il est des types proprement sociaux, qui ont pour but de représenter l’homme d’une époque dans une société donnée ; or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a d’éternelles et il y en a de conventionnelles. […] Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art et s’attache au culte des formes, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, « ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. » Flaubert, qui était artiste dans la mœlle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. […] Guyau, pour le montrer, passe en revue les grands poètes de notre temps, Lamartine, Vigny, Musset ; il insiste de préférence sur celui qui a vécu le plus longtemps parmi nous, et qui a ainsi le plus longtemps représenté en sa personne le dix-neuvième siècle : Victor Hugo.

84. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Œuvre troublante et vertigineuse où de toute chose on voit le fond, où il n’existe pour la pensée d’autre va-et-vient que du roi tué à Yorick enterré, et où ce qu’il y a de plus réel, c’est la royauté représentée par un fantôme et la gaieté représentée par une tête de mort. […] Et ainsi à part des hommes, Hamlet a pourtant en lui on ne sait quoi qui les représente tous. […] Il représente le malaise de l’âme dans la vie pas assez faite pour elle. La chaussure qui blesse et qui empêche de marcher, il représente cela ; la chaussure, c’est le corps. […] Macbeth représente cet effrayant affamé qui rôde dans toute l’histoire, appelé brigand dans la forêt et sur le trône conquérant.

85. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Quand les Grecs et les Latins ont dit quelques mots d’un paysage, ce n’a jamais été que pour y placer des personnages et faire rapidement un fond de tableau ; mais ils n’ont jamais représenté nuement, comme nous, les fleuves, les montagnes et les forêts : c’est tout ce que nous prétendons dire ici. […] ……………………………………………………………………………………………… Mais, mes frères, ce n’est pas à moi de publier ces merveilles, pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Seigneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes les angoisses seront oubliées, et ne reviendront jamais : mais vous vous réjouirez, et votre âme nagera dans la joie durant toute l’éternité dans les choses que je crée pour votre bonheur : car je ferai que Jérusalem sera toute transportée d’allégresse, et que son peuple sera dans le ravissement : et moi-même je me réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans la félicité de mon peuple219. » Voilà de quelle manière le Saint-Esprit nous représente les joies de ses enfants bienheureux. […] Il dit ensuite qu’Auguste fit représenter, sur les murs des palais et des temples, des paysages et des marines. […] Les voûtes des thermes de Titus, dont Raphaël étudia les peintures, ne représentaient que des personnages. […] La fameuse mosaïque du palais des princes Barberins à Palestrine représente dans sa partie supérieure un pays de montagnes, avec des chasseurs et des animaux : dans la partie inférieure, le Nil qui serpente autour de plusieurs petites îles.

86. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Nous avons montré en effet que les objets situés autour de nous représentent, à des degrés différents, une action que nous pouvons accomplir sur les choses ou que nous devrons subir d’elles. […] Si je représente par un cône SAB la totalité des souvenirs accumulés dans ma mémoire, la base AB, assise dans le passé, demeure immobile, tandis que le sommet S, qui figure à tout moment mon présent, avance sans cesse, et sans cesse aussi touche le plan mobile P de ma représentation actuelle de l’univers. […] Et celui, au contraire, qui répudierait cette mémoire avec tout ce qu’elle engendre jouerait sans cesse son existence au lieu de se la représenter véritablement : automate conscient, il suivrait la pente des habitudes utiles qui prolongent l’excitation en réaction appropriée. […] Elles représentent les deux aspects complémentaires d’une seule et même tendance fondamentale, la tendance de tout organisme à extraire d’une situation donnée ce qu’elle a d’utile, et à emmagasiner la réaction éventuelle, sous forme d’habitude motrice, pour la faire servir à des situations du même genre. […] Dans le plan extrême qui représente la base de la mémoire, il n’y a pas de souvenir qui ne soit lié, par contiguïté, à la totalité des événements qui le précèdent et aussi de ceux qui le suivent.

87. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Cette idée bizarre du père Hardouin allait bien avec tout ce qu’on savait de lui, et quand on lui représentait qu’il aimait trop à s’écarter en tout des opinions communes : « Croyez-vous donc, répondait-il, que je me serais levé toute ma vie à trois heures du matin pour ne penser que comme les autres ?  […] J’y représentais la neutralité. […] Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps. […] L’aimable et spirituel abbé Fraguier, le même qui, à l’apparition du premier manifeste de La Motte, avait fait en latin ce vœu public aux Muses de lire chaque jour de l’année 1714, avec son ami Rémond, mille vers d’Homère pour détourner loin de soi la contagion du sacrilège ; l’abbé Fraguier, dans une élégie également latine sur la mort de Mme Dacier, nous la représente arrivant aux champs Élysées et reçue par sa fille d’abord, cette jeune enfant qui court à elle les cheveux épars et en pleurant ; puis l’Ombre d’Homère, pareille à Jupiter apaisé, sort d’un bosquet voisin et la salue comme celle à qui il doit d’avoir vaincu et de régner encore (« Quod vici regnoque tuum est… »). […] Dans le seul portrait qu’on a d’elle, elle est représentée déjà vieille, avec une coiffure montante et, je l’avoue, un peu hérissée, le voile rejeté en arrière, le front haut, les sourcils élevés et bien dessinés, la figure forte et assez pleine, le nez un peu fort, un peu gros, la bouche fermée et pensive ; elle a de la fierté dans le port et quelque épaisseur dans la taille.

88. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

et que représente-t-il dans la presse ? […] Qu’on se représente où en était, en général, le libéralisme sur la fin de la Restauration ; quelle doctrine peu élevée, peu intelligente du passé, et du passé même le plus récent, méconnaissant et méprisant tout de ses adversaires, purement tournée aux difficultés et au combat du moment, pleine d’illusions sur l’avenir, se figurant que, l’obstacle ministériel ou dynastique renversé, on allait en toute chose obtenir immédiatement le triomphe des idées et des talents, le règne du bien et du beau, une richesse intellectuelle et sociale assurée, une gloire facile, une prospérité universelle. […] Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux. […] Guéroult a, selon moi, le mérite de voir surtout le but, l’objet essentiel ; et c’est maintenant que je suis en mesure de répondre à la question que j’avais posée d’abord : que représente-t-il dans la presse quotidienne ? Il me représente quantité d’esprits comme il y en a dans notre pays et à notre époque, mais comme il n’y en a peut-être pas assez, qui vont au fait, à l’utile ; qui ne sont pas préoccupés plus qu’il ne convient de la forme ; qui acceptent ce qui est bien, avec bon sens et sans chicane ; dont l’opposition n’a ni arrière-pensée, ni amertume ; qui élèvent plutôt qu’ils ne rapetissent les questions, qui ne les enveniment jamais ; qui peuvent sans doute préférer les méthodes et les solutions libérales, mais qui ne tiennent pas pour suspect tout bienfait qu’apporte un gouvernement fort ; qui prennent le régime sous lequel ils vivent, avec le franc et sincère désir d’en voir sortir toutes les améliorations sociales dont il est capable.

89. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Il suit dans son étude les progrès de l’œil, dont il a défini plus haut la fonction artistique ; par suite les arts représentatifs viendront les premiers, et avec eux les décors qu’il faut donner au drame : « La peinture, dit-il, représentera (dans le théâtre) le paysage, qui, vivant, sera comme le fond devant lequel se manifestera l’homme vivant ; la scène, qui doit représenter l’image de la vie humaine, doit pouvoir contenir l’image de la nature pour la pleine compréhension de la vie, dans laquelle l’homme se meut (III, 73). » Ainsi, Wagner donnait au décor une signification très importante pour l’action du drame, et lui attribuait même une vie active. […] Il représente l’homme vivant (animé), non seulement dans une de ses parties, mais dans son être entier de la plante des pieds jusqu’à la tête. […] Il représente le milieu ; et, en particulier dans Parsifal, où le milieu aura plusieurs fois à intervenir, nous pouvons lui reconnaître une forme statique et une forme dynamique. […] Les chevaliers du Gral qui forment le chœur de ce drame, ont une attitude et un costume simples ; les deux jeunes écuyers, qui apparaissent enlacés, apportant du lac d’où ils viennent la fraîcheur, représentent la pureté du Gral — comme, aussi, le cortège de l’enterrement du Cygne. […] Quand elle apparaît, comme une fleur plus resplendissante que les autres fleurs, revêtue d’un costume étrange qui n’appartient à aucune époque, elle représente la séduction profonde opposée à ce charme joyeux des jeunes filles, exercée contre le pur et l’ignorant.

90. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 154

On représente pourtant encore la Médée de Longepierre, tandis qu’on ne représente plus Denys le Tyran, Aristomene, Cléopatre, &c.

91. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Dans une série ou quantité infinie, nous ne pensons pas la totalité de ses termes, mais quelques-uns de ses termes et un de leurs caractères abstraits représenté en nous par un nom. — Substitution de la formule à l’expérience impossible. — Nous pensons la série ou quantité infinie par sa formule. […] Pareillement encore, quand nous le lisons ou que nous l’entendons, nous n’avons qu’à insister pour évoquer intérieurement, comme en présence du mot chat ou du mot bouleau, l’image d’un cas où il s’applique ; nous imaginons un jeton à côté d’un jeton, une pierre à côté d’une pierre, un son après un son, comme tout à l’heure nous imaginions un museau fin avec un poil gris ou blanc, un mince tronc blanc avec de petites feuilles frissonnantes. — Il en est de même pour les mots trois, quatre ; cela est plus difficile pour les mots cinq, six ; la difficulté va croissant pour les nombres supérieurs, et il y a toujours un chiffre plus ou moins élevé où tout esprit s’arrête ; nous ne pouvons pas percevoir ou nous représenter distinctement ensemble au-delà d’un certain nombre de faits ou d’objets ; d’ordinaire, c’est cinq ou six, plus souvent quatre. — Pour remédier à cet inconvénient, nous négligeons le groupe qui correspond au mot ; nous ne donnons plus d’attention qu’au mot substitut ; après avoir vu ensemble quatre objets, nous les oublions pour ne plus songer qu’au mot quatre, et nous pouvons les oublier, parce que plus tard, revenant sur le mot et appuyant dessus, nous les reverrons intérieurement, sans méprise ni confusion. […] Trouver la formule algébrique d’une courbe, c’est découvrir entre certaines lignes liées à la courbe un rapport mathématique et traduire une qualité en quantité. — Quel que soit le raisonnement que nous fassions sur des nombres et des grandeurs, il consiste toujours à aller d’un équivalent jusqu’à un autre équivalent par une série d’équivalents intermédiaires, à remplacer des grandeurs par les nombres qui les expriment, une forme par l’équation qui lui correspond, une quantité faite par une quantité en voie de formation dont celle-là est la limite, un mouvement et une force par une ligne qui les représente. […] Des objets infinis, séries ou quantités8, peuvent donc être représentés par une propriété abstraite ; il suffit que celle-ci soit leur génératrice. […] Nous la comparons à quelque chose d’aérien, d’inétendu, d’incorporel ; nous supposons un être dont elle soit l’action ; il nous semble aussi pur et aussi éthéré qu’elle ; nous l’appelons esprit, et nous disons que notre esprit, par-delà toutes les images, se représente et combine les qualités abstraites des choses.

92. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

C’est que quand nous cherchons à imaginer une courbe, nous ne pouvons pas nous la représenter sans épaisseur ; de même, quand nous nous représentons une droite, nous la voyons sous la forme d’une bande rectiligne d’une certaine largeur. […] Et alors il est clair que nous pourrons toujours nous représenter ces deux rubans étroits, l’un rectiligne, l’autre curviligne, dans une position telle qu’ils empiètent légèrement l’un sur l’autre sans se traverser. […] Longtemps les objets dont s’occupent les mathématiciens étaient pour la plupart mal définis ; on croyait les connaître, parce qu’on se les représentait avec les sens ou l’imagination ; mais on n’en avait qu’une image grossière et non une idée précise sur laquelle le raisonnement pût avoir prise. […] L’intuition n’est pas forcément fondée sur le témoignage des sens ; les sens deviendraient bientôt impuissants ; nous ne pouvons, par exemple, nous représenter le chilogone, et cependant nous raisonnons par intuition sur les polygones en général, qui comprennent le chilogone comme cas particulier.

93. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Pendant qu’ils se précipitent l’un contre l’autre de tout l’élan de leur vertu exclusive, le chœur représente la majestueuse et paisible harmonie de l’Idée divine, dont chacun d’eux ne personnifie qu’un côté. […] Le théâtre de Molière représente assez bien le second. […] L’imagination se représente objectivement les lois divines et les puissances de l’âme comme formant le cercle des divinités supérieures. […] Et dès lors, ce côté personnel de la passion, qui contredit leur nature divine, se laisse représenter comme une fausse exagération. […] La forme de l’art qui entreprend de représenter cette lutte est la satire .

94. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

et puis, si le nom de Wagner devenait trop célèbre, si l’œuvre de Wagner était représentée, connue, quelle mine auraient leurs opéras ! […] Camille Benoit, ne veut pas, assurément, que le premier motif représente une bannière, le second Sachs ; la musique — étant, essentiellement, purement, sentimentale, — ne peut représenter un objet, et elle ne peut représenter qu’une émotion innommée ; il y a seulement correspondance entre l’idée littéraire et l’impression musicale. […] Comment une succession de notes peut elle représenter une épée, si ce n’est par une pure convention ? […] Seguin, chargé du rôle écrasant de Hans Sachs, en est arrivé à représenter magistralement cette grande figure, héroïque dans sa simplicité d’artisan-poète. […] Hermann Franke prépare une bien courte saison dramatique de dix jours, pendant laquelle Tristan seulement sera représenté.

95. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

C’est une voie beaucoup plus simple pour produire, par exemple, l’émotion de la peur, de décrire cette émotion entérines moraux que de nous représenter la sensation d’angoisse au creux de l’estomac, qui en est une conséquence très lointaine, très indirecte et que nous aurons peine à nous représenter si nous n’éprouvons pas déjà le sentiment même de la peur. […] Zola lui-même pourrait bien s’appliquer cette vérité, lui qui a la prétention de nous représenter la vie absolument telle qu’elle est. […] Il sert à attirer l’attention par le contraste de la nouveauté et à la concentrer sur l’objet qu’il nous représente. […] Décrire n’est pas énumérer, classer, étiqueter, analyser avec effort ; c’est représenter ou, mieux encore, présenter, rendre présent. […] Tandis que, dans les arts plastiques, les objets représentés gardent une beauté intrinsèque de forme ou de couleur, dans la littérature ils valent surtout comme centre et noyau d’associations d’idées et de sentiments.

96. (1932) Les idées politiques de la France

Il représente sous une enveloppe grossière un Parlement des Idées, comme l’Académie représente, par sa forme, le Concile des Lettres françaises. […] Représente-t-il une idée ? […] Rochefort l’a longtemps représentée. […] En principe, il représente la production. […] Elle représente aussi une faiblesse.

97. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Elle représente, dans la poésie dramatique, l’art français du xviiie siècle. […] Dorante se fait passer pour un domestique, et Silvia pour une soubrette ; un homme et une femme se rencontrent, qui ont juré chacun de leur côté de né jamais aimer ; une fée s’éprend d’Arlequin balourd et niais : ces données ne représentent rien, ou pas grand chose, de réel. […] Ni les uns ni les autres ne sont proprement des « caractères » : ils représentent des « moments » de la vie, ces moments de jeunesse heureuse, épanouie, belle de sa plénitude et du sentiment qu’elle en a. […] Mais songeons, pour être justes, aux acteurs campés devant le trou du souffleur, parlant au parterre sans regarder leur interlocuteur, ronronnant leurs tirades avec un rythme et des gestes convenus : nous comprendrons le progrès que représentait un Greuze mis à la scène. […] Ils sont tous représentés par des œuvres ; il convient seulement de remarquer qu’ils correspondent à des états d’esprit très divers, qui ne peuvent guère se rencontrer dans une seule race ou un seul siècle.

98. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

La dernière enfin, du rhéteur La Harpe, représentée en 1784, est la seule qui soit restée au théâtre. […] Les circonstances subséquentes, relatives au meurtre des deux chambellans, sont telles que Shakespeare les a représentées dans Macbeth. […] Bottom, qui exerce un état sédentaire, est représenté comme suffisant, sérieux et fantasque. […] Un hasard le lui rappelle alors ; il part en diligence pour Venise, et le reste de l’histoire se passe comme l’a représenté Shakspeare. […] Cette pièce a été représentée avant 1598.

99. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Il est bon que la conscience intérieure que chaque talent porte naturellement en soi prenne ainsi forme au dehors et se représente à temps dans la personne d’un ami, d’un juge assidu qu’on respecte ; il n’y a plus moyen de l’oublier ni de l’éluder. […] Avant la reprise actuelle, elle avait été représentée en dernier lieu le 7 et le 13 février 1807, c’est-à-dire il y a trente-sept ans. […] Elle crut qu’une victoire obtenue sur l’amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre : elle se ressouvenait des sentiments qu’elle avait eus longtemps pour Louis XIV et du goût vif de ce prince pour elle. […] Lorsqu’en effet on représenta, en novembre 1670, la pièce désirée et inspirée par Madame, cette princesse si chère à tous n’existait plus depuis quelques mois ; Madame était morte ! […] C’est par lui et par sa lutte sérieuse que le poëte remettait son œuvre sur le pied tragique, et prétendait corriger ce que le reste de la pièce pouvait avoir de trop amollissant : « Ce n’est point une nécessité, disait-il en répondant aux chicanes des critiques d’alors, qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Geoffroy, qui cite ce passage dans son feuilleton sur Bérénice, s’en fait une arme contre ceux qu’il appelle les voltairiens en tragédie, et qu’il représente comme altérés de sang et et de carnage dramatique.

100. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Lorsque les comédiens italiens allaient représenter à Versailles, à Saint-Germain-en-Laye, à Chambord, à Fontainebleau, ils avaient des gratifications ou ce qu’en langage technique on nommerait des feux. […] Quand Molière et ses acteurs allèrent représenter la comédie-ballet du Bourgeois gentilhomme à Chambord, puis à Saint-Germain, en octobre et novembre 1670, nous voyons, d’après l’état officiel47, les dépenses accessoires s’élever à la somme considérable de 49 404 livres, 18 sous. […] La scène représente une rue ; il est nuit. […]   Dominique a laissé un manuscrit des scènes qui lui étaient personnelles dans les pièces représentées de son temps, manuscrit où il notait avec un soin égal ses bons mots et ses culbutes. […] Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.

101. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Elle représente une vie française qui n’est plus celle d’aujourd’hui. […] Comment le roi qui, par définition, la représentait cette durée, aurait-il été considéré comme la pièce maîtresse de l’édifice national ? […] Il représente une adoration des mages, avec des personnages de grandeur nature. […] L’Empereur Sigismond est représenté assis sur son trône. […] Il est trop évident que cet équilibre représente le plus difficile des problèmes de l’avenir.

102. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « La Esmeralda » (1836) »

Du reste, il prie instamment le lecteur de ne voir dans les lignes qu’il écrit ici que ce qu’elles contiennent, c’est-à-dire sa pensée personnelle sur ce libretto en particulier, et non un dédain injuste et de mauvais goût pour cette espèce de poëmes en général et pour l’établissement magnifique où ils sont représentés. […] En 1671, on représenta avec toute la pompe de la scène lyrique une tragédie-ballet intitulée : Psyché.

103. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Il est représenté, ou tout au moins représentable, avant le détail de sa réalisation. […] Telle est l’espèce humaine, qui représentera le point culminant de l’évolution des Vertébrés. […] L’intelligence ne se représente clairement que le discontinu. […] Notre intelligence ne se représente clairement que l’immobilité. […] Il ne se borne pas à jouer sa vie passée, il se la représente et il la rêve.

104. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

« Il faut d’abord séparer la tragédie d’avec la comédie, a dit un maître ; l’une représente les grands événements qui excitent les violentes passions, l’autre se borne à représenter les hommes dans une condition privée, ainsi elle doit prendre un ton moins haut que la tragédie. » — Il ajoute, et cette louange a bien son prix dans cette bouche éloquente. […] Pour que Le Mariage de Figaro fût représenté tout à l’aise, il n’était pas besoin de se donner tant de peine, Beaumarchais n’avait qu’à attendre quelques jours, et dans cette société qui allait si gâtaient à l’abîme, il eût trouvé des reines pour jouer tout haut le rôle de Suzanne, des ducs et pairs pour représenter Figaro, des princes du sang pour se charger du rôle d’Almaviva. […] Jamais peut-être Molière n’a représenté avec plus de goût les innocentes coquetteries d’une jeune et belle femme d’esprit. […] s’écriait le feuilleton, quel bourgeois est-ce là pour représenter Alceste ! […] Non content de s’être représenté dans le rôle d’Alceste, il a créé le rôle, et avec quelle tristesse et quelle brusquerie il devait le jouer !

105. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

C’est donc à Paul vivant et conscient que nous devons nous adresser, et non pas à l’image de Paul représentée dans la conscience de Pierre. […] Est réel ce qui est mesuré par le physicien réel, fictif ce qui est représenté dans la pensée du physicien réel comme mesuré par des physiciens fictifs. […] Les autres seraient aussi bien des marionnettes vides ; ou bien alors ce ne seront que des physiciens virtuels, simplement représentés dans l’esprit du physicien en S. Comment celui-ci se les représentera-t-il ? […] Mais elle est capitale pour le philosophe, qui se représentera tout différemment le temps selon qu’il se placera dans une hypothèse ou dans l’autre.

106. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Liège eut son tour peu de temps après (28 mars 1855), tandis qu’Anvers voyait représenter en entier, par une troupe allemande, le même opéra de Tannhaeuser (13 mars 1855). […] Charles Nuitter, et l’opéra fut représenté sur le théâtre lyrique de Paris (direction Pasdeloup) en avril 1869. […] Tannhaeuser a été représenté dix-neuf fois du 20 février au 27 avril, et à sa reprise (15 décembre 1873), encore neuf fois. […] Gevaert, directeur du Conservatoire royal de Bruxelles, afin de représenter la Belgique au festival de 1876, dont une médaille, gravée par M.  […] Le projet de représenter la Walkyrie est près de se réaliser ; ce sera pour les directeurs actuels un titre à la reconnaissance des partisans du Beau.

107. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

La finalité de l’entendement est un rapport conçu, représenté, entre une fin et un moyen ; mais, à l’origine, la volonté n’a pas besoin de l’entendement. […] 156 L’échelle des instincts de plus en plus complexes représente les divers degrés par lesquels un instinct a passé avant d’arriver à sa forme supérieure. […] « La différence entre un mouvement volontaire et un mouvement involontaire de la jambe, dit Spencer, c’est que, tandis que le mouvement involontaire se produit sans conscience antécédente du mouvement à faire, le mouvement volontaire ne se produit qu’après qu’il a été représenté dans la conscience. » Selon nous, cette première caractéristique est insuffisante ; si je suis sur un précipice, je puis me représenter d’avance ma chute, ce qui ne la rend pas volontaire. […] La volonté ne se représente telle fin comme pouvant être atteinte que par le moyen de sa détermination même. […] Comment s’en représenter la nature.

108. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Le métaphysicien au contraire prétend représenter la nature des choses. […] Ils n’ont point de valeur en eux-mêmes, et représentent seulement les divers degrés de notre science de la nature. […] C’est en raison de toutes ces difficultés et impossibilités que l’éclectisme a été conduit à donner une théorie nouvelle de l’existence des systèmes, ou du moins une théorie renouvelée de Leibniz, et à laquelle on n’avait pas accordé assez d’attention : tous les systèmes sont vrais par certains côtés, tous représentent un aspect de la vérité. […] Les systèmes ne représenteraient donc plus l’univers : ils représenteraient l’esprit lui-même, ils ne seraient plus que le miroir de la raison. […] Il n’y a donc qu’une seule manière d’expliquer la diversité des systèmes sans tomber dans la déclamation et dans l’intolérance : c’est de supposer que chacun de ces systèmes représente un des aspects, une des formes de la vérité.

109. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Je ne répondrais pas que, dans un congrès européen où tous les esprits des diverses nations et des diverses littératures seraient représentés, la définition de l’esprit français par M.  […] Nisard, qui représente ostensiblement parmi nos principaux critiques en renom la doctrine classique, n’est pas un classique comme un autre et ne défend pas la tradition comme on la défend communément et comme on le faisait avant lui. […] Goethe l’a vu et l’a exprimé avec sa supériorité de critique et de naturaliste : « Lorsqu’une famille s’est fait remarquer, dit-il, durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit les défauts et les qualités de tous ses ancêtres, en sorte qu’il représente à lui seul sa famille entière. Il en est de même des peuples célèbres : la plupart ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la nature les eût destinés à en offrir le modèle. — Et c’est ainsi, ajoute-t-il, que la nature produisit dans Voltaire l’homme le plus éminemment doué de toutes les qualités qui caractérisent et honorent sa nation, et le chargea de représenter la France à l’univers. » Et il énumère les qualités nombreuses et les quelques défauts essentiels qui font de lui l’image brillante du Français accompli.

110. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Pourquoi exigez-vous, dirai-je aux partisans du classicisme, que l’action représentée dans une tragédie ne dure pas plus de vingt-quatre ou de trente-six heures, et que le lieu de la scène ne change pas, ou que du moins, comme le dit Voltaire, les changements de lieu ne s’étendent qu’aux divers appartements d’un palais ? L’Académicien. — Parce qu’il n’est pas vraisemblable qu’une action représentée en deux heures de temps, comprenne la durée d’une semaine ou d’un mois, ni que, dans l’espace de peu de moments, les acteurs aillent de Venise en Chypre, comme dans l’Othello de Shakspeare ; ou d’Écosse à la cour d’Angleterre, comme dans Macbeth. […] Pouvez-vous me nier que l’habitant de Londres ou d’Édimbourg, que les compatriotes de Fox et de Shéridan, qui peut-être ne sont pas tout à fait des sots, ne voient représenter, sans en être nullement choqués, des tragédies telles que Macbeth, par exemple ? […] Quand on dit que l’imagination du spectateur se figure qu’il se passe le temps nécessaire pour les événements que l’on représente sur la scène, on n’entend pas que l’illusion du spectateur aille au point de croire tout ce temps réellement écoulé.

111. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) L’œuvre la plus importante que joua la nouvelle troupe italienne pendant son séjour en France, fut la fameuse comédie intitulée Il Convitato di pietra (le Convié de pierre), qu’elle représenta en 1657. […] La scène change et représente une rue. […] Arlequin veut s’opposer à ce dessein, et représente combien le ciel en serait offensé. […] Ce succès fut, du reste, égalé, sinon surpassé, par une pièce à grand spectacle, une prodigieuse féerie intitulée La Rosaure, impératrice de Constantinople, et représentée le 20 mars 1658.

112. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Une triple influence a contribué ou contribue au discrédit qui frappe aujourd’hui la casuistique : l’influence de la pensée universitaire ; celle de la pensée politicienne et celle de la pensée ouvrière qui représente actuellement le dernier terme de la pensée démocratique. […] Sorel a montré l’existence d’un « sublime » moral à l’état latent dans l’âme ouvrière ; d’une aptitude au sacrifice dans la lutte sans merci que la classe ouvrière soutient contre les classes possédantes qui représentent pour elle l’immoralité. — L’ouvrier anticlérical confond volontiers casuistique et jésuitisme ; de plus il est intolérant dans les choses qui touchent à la conduite comme dans celles qui touchent aux opinions et il ne respecte guère la liberté individuelle. […] L’individualisme aristocratique ne représente pas la supériorité de l’individu comme une supériorité morale (point de vue chrétien ou stoïcien, vertus de dévouement, de sacrifice, de renoncement) ; il la représente plutôt comme une supériorité de la force, de l’intelligence, de l’énergie indépendante, de toutes les facultés non proprement morales (point de vue de Gobineau, d’Ibsen, de Nietzsche).

113. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le monde semblera renversé ; l’état actuel étant mauvais, pour se représenter l’avenir, il suffit de concevoir à peu près le contraire de ce qui existe. […] Quand nous voulons aujourd’hui représenter le Christ de la conscience moderne, le consolateur, le juge des temps nouveaux, que faisons-nous ? […] Nous supposons les conditions du monde réel tout autres qu’elles ne sont ; nous représentons un libérateur moral brisant sans armes les fers du nègre, améliorant la condition du prolétaire, délivrant les nations opprimées. […] Mais le récit maigre et concis de Marc, qui représente ici évidemment la rédaction primitive, suppose un fait réel, qui plus tard a fourni le thème de développements légendaires.

114. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Par exemple, que l’on compare les planches du Mariage à la mode avec celles qui représentent les Dangers et les Suites de l’incontinence, le Palais du Gin, le Supplice du Musicien, le Poëte dans son ménage, on reconnaîtra dans ces dernières beaucoup plus d’aisance et d’abandon. […] Je me rappelle surtout deux planches extraordinaires : — l’une représente un paysage fantastique, un mélange de nuées et de rochers. […] L’autre planche représente un être, un malheureux, une monade solitaire et désespérée, qui veut à toute force sortir de son tombeau. […] Les tableaux de Bassan qui représentent le carnaval de Venise nous en donnent une juste idée.

115. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

L’indécence des pièces de Congrève n’eût jamais été tolérée sur le théâtre français : on trouve dans le dialogue des idées ingénieuses ; mais les mœurs que ces comédies représentent sont imitées des mauvais romans français, qui n’ont jamais peint eux-mêmes les mœurs de France. […] Dans les comédies anglaises, on trouve rarement des caractères vraiment anglais : la dignité d’un peuple libre s’oppose peut-être chez les Anglais, comme chez les Romains, à ce qu’ils laissent représenter leurs propres mœurs sur le théâtre. […] Shakespeare et quelques autres ont représenté dans leurs pièces des caricatures populaires, telles que Falstaff, Pistol, etc. ; mais la charge en exclut presque entièrement la vraisemblance.

116. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

La première, c’est qu’il nous est absolument impossible de nous représenter exactement les traits et la physionomie d’un seul des comédiens d’autrefois. […] Mais je vous demanderai, à vous qui comme moi n’avez jamais vu cet estimable artiste : « Qu’est-ce que ce nom vous représente ? […] Car, au temps où ils étaient vivants, où ils apparaissaient en chair et en os aux regards de la foule idolâtre, ce n’était pas eux, du moins ce n’était pas eux seuls qu’on voyait, mais les personnages historiques ou imaginaires qu’ils étaient chargés de représenter.

117. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Elles y sont représentées sans aucun voile, sans aucun ménagement pour personne. […] Elles imaginèrent de représenter, dans cette apologie, une dame, le chief des dames, l’advocate de toutes les loyales dames du monde ; d’abord triste, abattue, ensévelie dans une douleur profonde ; ne cherchant que la retraite & les bois ; confuse de tout le mal qu’on a dit de son sexe : mais bientôt passant de cet état d’accablement à celui de la fureur & des menaces. […] Sans parler ici de Théophile, de Tristan l’hermite, qu’on a représentés comme insensibles à ces petites disgraces, & de Pierre Boissat, qu’on dit avoir été cruellement puni dans une ville de province, pour avoir abusé du privilège des masques, n’a-t-on pas prétendu que Despréaux lui-même avoit reçu des marques du ressentiment de M. de Dangeau ?

118. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Taine On se représente aisément l’enfance d’un Chateaubriand, d’un Renan ; mais celle d’un Taine ? […] Quant aux lettrés de Vouziers, ils prennent un ton réservé, disant : Taine n’est pas venu à nous ; il ne nous a pas connus ; il ne rentrait à Vouziers que de loin en loin, descendait à l’hôtel et ne voyait que ses hommes d’affaires. »‌ La supériorité de la vie contemplative sur la politique, c’est qu’il n’est pas besoin de délégation pour la représenter ; que le Rethelois, que l’Argonne, que nos régions de l’Est autorisent ou non Taine, elles s’expriment par son génie. […] Comment négliger de marquer que le sol d’où sortit ce maître est le même qui produisit Turenne et que l’un et l’autre représentent la discipline la plus haute de cet esprit français que des plaisantins et des irrespectueux veulent trop souvent définir par la nomenclature de nos vaudevillistes plus ou moins amusants à travers les âges ?‌

119. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

De là devrait résulter cette conséquence que notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l’insertion parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière. […] Mais de là devrait résulter aussi que notre pensée, sous sa forme purement logique, est incapable de se représenter la vraie nature de la vie, la signification profonde du mouvement évolutif. […] Elle ne devient relative que si elle prétend, telle qu’elle est, nous représenter la vie, c’est-à-dire le clicheur qui a pris l’empreinte.

120. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Ces pèlerins, allant par troupes et s’arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient, le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d’images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever un théâtre où l’on représenterait ces moralités les jours de fêtes, autant pour l’instruction du peuple que pour son divertissement. […] Ces sortes de spectacles parurent si beaux dans ces siècles ignorants, que l’on en fit les principaux ornements des réceptions des princes, quand ils entraient dans les villes ; et comme on chantait noël, noël, au lieu des cris de vive le roi, on représentait dans les rues la Samaritaine, le Mauvais Riche, la Conception de la sainte Vierge, la Passion de Jésus-Christ, et plusieurs autres mystères, pour les entrées des rois.

121. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Il représente une phase nouvelle et un progrès social dans la science qu’il cultivait avec succès ; il contribua plus que personne en son moment à la rendre facile, accessible, même élégante de forme, en la laissant sérieuse et solide ; à la tirer des écoles, sans la rendre pour cela frivole et sans la profaner. […] À les lire aujourd’hui, on a besoin, pour en comprendre tout le succès, de se replacer en scène, au vrai point de vue, et de se représenter cet auditoire mobile, sensible aux moindres allusions, avide de connaissances faciles, riche d’espérances en tout genre, des plus complaisants à l’admiration, et qui savait très bien s’éprendre d’une correction ornée à défaut d’une plus haute éloquence. […] Une scène tout à fait dans le goût du temps est celle des deux amis Gessner et Haller, que Vicq d’Azyr nous représente ensemble herborisant sur une haute montagne : Un jour, après avoir épuisé leurs forces dans une herborisation très pénible, M.  […] Que ceux qui connaissent les charmes de l’amitié se peignent le réveil de Gessner, sa surprise et leurs embrassements ; que l’on se représente enfin, au milieu d’un désert, cette scène touchante et si digne d’avoir des admirateurs. […] Ce ne fut certes point un des passages les moins applaudis : Vicq d’Azyr semblait proposer aux peintres de l’école sentimentale et aux amateurs de l’Arcadie helvétique un tableau du genre de celui qui représente deux Canadiens au tombeau de leur enfant.

122. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il faut se représenter ce qu’étaient les lecteurs de Balzac : les guerres civiles avaient rendu une bonne partie de la noblesse à l’antique ignorance. […] Le culte souvent aveugle des formes anciennes était le dogme fondamental de cette critique : et elle parvint à l’imposer à la légèreté indépendante de la société polie. l’homme qui nous représente éminemment l’influence des doctes sur le monde, l’homme qui fit plus que personne pour opérer la transformation des théories savantes en préjugés mondains, fut le bonhomme Chapelain291, qui se place entre Ronsard et Boileau, comme ayant fait faire un progrès décisif à la doctrine classique. […] Plus large encore est la portée du Discours de la méthode ; ici, Descartes ne représente plus sa génération : il représente son siècle, à certains égards même les temps modernes. […] Elle consiste essentiellement dans une conception scientifique de l’ensemble des choses, constituant la raison juge souverain du vrai, et lui proposant pour tâche de représenter par l’enchaînement logique de ses idées la liaison nécessaire des vérités : elle fixe une méthode rationnelle pour parvenir à la certitude, écartant toute autre voie, autorité, tradition, révélation ; elle espère, elle annonce que par le procédé rationnel, toute vérité sera un jour saisie, et ne fixe aucune limite aux ambitions légitimes de la science.

123. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Un théâtre construit selon les règles, doit être très vaste ; il doit représenter une partie d’une place publique, le péristyle d’un palais, l’entrée d’un temple. […] Le poème dramatique, représentation d’actions merveilleuses, héroïques ou bourgeoises, est ainsi nommé du mot grec δραμα (drama), action, représentation, parce que, dans cette espèce de poème, on ne raconte point l’action comme dans l’épopée, mais qu’on la montre elle-même dans les personnages qui la représentent. […] On dit seulement qu’Hippolyte a été attaqué par un monstre et déchiré par ses chevaux, parce que, si on eût voulu représenter cet événement plutôt que le raconter, il y aurait eu une infinité de petites circonstances qui auraient trahi l’art et changé la pitié en risée. […] C’est le nom qu’on donne à la fable d’une tragédie ou d’une comédie, ou à l’action qui y est représentée. […] Dans la fable unie et simple, si l’on représente le malheur du méchant, ce malheur n’inspire ni pitié ni terreur ; nous le regardons comme la juste punition de son crime.

124. (1905) Promenades philosophiques. Première série

On le représente toujours tel qu’un béat, les yeux au ciel et les mains dans ses manches. […] Et pourtant, dans sa médiocrité même, il représente une victoire sur le travail. […] En fait, l’assemblée des élus a toujours été représentée sous la figure d’un cirque. […] Ils représentent l’aspect esthétique d’un travail purement utilitaire. […] L’un représente à le ; l’autre, qui est le fruit de transformations plus complexes, représente en le.

125. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

« La représentation dure deux heures, et ressemblerait parfaitement, si l’action qu’elle représente n’en demandait pas davantage pour sa réalité. […] Mais Corneille s’est arrêté avec prédilection à l’histoire romaine, où il n’y a guère d’époque qu’il n’ait représentée ; les rois dans Horace ; la conquête du monde dans Sophonisbe et dans Nicomède ; les guerres civiles dans Serîorius et dans Pompée ; l’empire dans Cinna, Othon, Tite et Bérénice, Pulchérie ; le christianisme et l’empire dans Polyeucte et Théodore : les barbares et l’empire dans Attila, l’empire byzantin dans Héraclius. […] Nicoméde formule en vers admirables les maximes de la politique romaine : Sévère et Félix, dans Polyeucte, représentent avec justesse les sentiments des Romains à l’égard du christianisme. […] Cette conception a sa vérité : elle représente, en leur forme idéale, les âmes fortes et dures, qui raisonnent leurs passions, les âmes des Richelieu317 et des Retz, des grands ambitieux lucides et actifs. […] Corneille semble établir une sorte de symbolisme conventionnel, qui fait représenter par les horreurs de la tragédie une réalité moins horrible : Suréna tué, par exemple, représentera Condé emprisonné323 ; je ne dis pas que l’auteur ait songé à Condé, mais je prends un cas entre cent autres similaires.

126. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

D’une part, à côté des hommes qui représentent le goût moyen du moment, on est sûr de rencontrer des attardés et des précurseurs. […] La campagne représente aux yeux des hommes de ce temps quelque chose d’inélégant, qui sent le fumier, qui est semé de bêtes malpropres et d’êtres humains assez semblables à ces bêtes. […] Parmi eux, ceux-ci sont des moralistes moralisants, comme Nicole ; ceux-là se contentent de représenter les mœurs comme ils les voient, sans prétention à les corriger, tel La Rochefoucauld, qui concentre dans son petit livre des Maximes l’amertume et le désenchantement de son âme. […] D’une part, des écrivains, qui sont les contemporains proprement dits de Louis XIV, qui représentent le goût dominant de sa génération et de sa cour ; Boileau, Racine, Bossuet sont les chefs de cette petite troupe. […] Quel que soit d’ailleurs l’ordre qu’on préfère, il faut réserver une place d’honneur aux grands hommes et aux chefs-d’œuvre qui représentent sans doute leur époque, mais la dépassent et l’entraînent à leur suite, qui sont la brillante expression de l’esprit de leur temps, mais en même temps de puissants agents d’innovation.

127. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Qu’on se représente l’état des esprits au moment où parut Le Diable boiteux, cette vieillesse chagrine, ennuyée, calamiteuse de Louis XIV, cette dévotion de commande qui pesait sur tous, le décorum devenu une gêne et une contrainte. […] Avant que la pièce fût représentée, il avait promis à la duchesse de Bouillon d’aller la lui lire. […] Il ne représente rien de singulier et d’unique, ni même de rare. […] Il rompt de bonne heure avec la Comédie-Française, se met en guerre avec elle, avec les Comédiens du roi qui représentent le grand genre, la déclamation tragique. Il s’adonne aux petits théâtres, aux théâtres forains, et fait seul ou en société une centaine au moins de petites pièces qui représentent assez bien en germe, ou déjà même au complet, ce que sont aujourd’hui les vaudevilles, les opéras-comiques, nos pièces des Variétés et des Boulevards.

128. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le Barbier en prit encore son parti ; l’auteur, au lieu d’une comédie, en donna une autre : Le Barbier n’ayant pas été représenté comme il devait l’être le samedi (12 février), le lendemain dimanche, l’auteur mettait en vente, la nuit même, au bal de l’Opéra, ce fameux quatrième Mémoire dont il se débitait six mille exemplaires et plus, avant que l’autorité eût le temps d’intervenir et de l’arrêter. Cependant, de retard en remise, de carnaval en carnaval, l’heure du Barbier arrivait ; il fut représenté le 23 février 1775 ; mais voilà bien un autre mécompte. […] Beaumarchais, en l’imprimant plus tard, se donna le plaisir de mettre au titre : Le Barbier de Séville, comédie en quatre actes, représentée et tombée sur le théâtre de la Comédie-Française, etc. […] messieurs, il ne veut pas qu’on la représente ici, et je jure, moi, que plutôt que de ne pas être jouée, elle le sera, s’il le faut, dans le chœur même de Notre-Dame. » Ce n’était que partie remise. […] Enfin, le 27 avril 1784, l’explosion eut lieu, et la défense étant levée, la pièce put être représentée à Paris.

129. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Sans doute, quand nous essayons de nous représenter le vouloir, nous n’y parvenons qu’en l’incorporant dans un objet, — désir de telle chose, vouloir de tel mouvement, — car nous ne pouvons vouloir à vide ; mais cette présence nécessaire d’un objet, qui seul donne à la volonté une détermination représentable, n’empêche pas la volonté même d’être avant tout nécessaire. […] Concluons que, dans la conception même du fait psychologique, on trouve impliquées : 1° la distinction de sujet conscient et d’objets qui sont présentés ou représentés à la conscience sous une forme quelconque (sensations, idées, etc.) ; 2° la relation des objets, harmonie ou conflit, avec le sujet même, relation qui se manifeste par le caractère agréable ou pénible de la sensation ; 3° une réaction quelconque du sujet par rapport à l’objet, une activité quelconque d’ordre subjectif, qui est le fond du vouloir. […] On l’a vu, nous ne nous représentons pas une action sans en poser les premières conditions et en esquisser le premier dessin ; toute représentation est un commencement d’exécution. […] Nous avons dit qu’un acte volontaire, du côté mental, suppose la représentation d’un mouvement déterminé et un désir de ce mouvement ; or on ne peut se représenter un mouvement déterminé dans tel membre que par le souvenir des sensations musculaires, tactiles, etc., qui se produisent pendant que ce membre est mû : nous accordons donc que toute volition enveloppe des souvenirs de sensations afférentes, qui représentent le point d’arrivée et même le chemin des cordons nerveux à partir du cerveau. […] C’est donc parce qu’un centre est, physiologiquement et psychologiquement, représentatif d’un membre déterminé qu’il est moteur de ce membre déterminé, non de tel autre : la représentation est un dessin de mouvement commencé qui, par la coordination du système nerveux, se propage jusqu’aux muscles de l’organe dont on s’est représenté le mouvement.

130. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Au sens, du moins, où j’emploierai le mot, cliché représente la matérialité même de la phrase ; lieu commun, plutôt la banalité de l’idée . […] L’un, le plus beau, a pour titre le Génie de la langue française 219 ; on y trouve la plupart des mots du vocabulaire et, à leur suite, la série des phrases toutes faites et comme cristallisées autour de l’idée qu’ils représentent . […] Seuls, les Shakespeare, plus faciles à compter, résistent à la prostitution du génie, parce que, redevenus pareils à la nature qu’ils représentent, ils offrent aux hommes moins une source d’imitation qu’une source d’art, un monde nouveau et second où l’on peut puiser sans honte et sans peur, éternellement. […] Sans images abstraites, la littérature, identique à la vie, serait, comme la vie, incompréhensible ; elles représentent les points lumineux d’un poème, d’un paysage ou d’une figure . […] Cela se représente à toutes les époques de la langue française et de toutes les langues, mais en atteignant surtout les mots d’origine étrangère.

131. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

On le voit représenté fort exactement en tête de sa Supplica imprimée à Venise en 1634 ; nous reproduisons ce dessin. […] Après Hardy étaient venus Théophile, Racan, Mairet et Gombault, puis Rotrou, Des Marets, Scudéry, Pierre Corneille, qui faisait représenter Mélite en 1629, Le Menteur en 1642, l’année même de la mort du cardinal-ministre. […] Il n’est point tel dans Callot, qui l’a représenté vêtu à peu près comme Franca-Trippa et Fritellino.

132. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Lesquels représentent le plus riche, le plus solide échantillon de l’espèce humaine ? […] Et alors, que lui représente cette technique ? […] C’est une de ces formules vides qui ne représentent rien à l’esprit. […] C’est l’histoire de Noé, où ils sont représentés dans l’exercice de leur métier. […] La classe qui ne travaille pas de ses bras représente la partie nerveuse.

133. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Les Romains, qui savaient merveilleusement désigner les diverses œuvres de l’esprit, et ce fut un grand avantage de leur critique sur la nôtre, avaient des noms pour distinguer entre elles, les diverses comédies représentées sur leurs théâtres : satyres, drames, comédies — præxtextæ, togatæ, palliafæ ; comédies vêtues à la grecque, à la façon des nobles ; vêtues à la romaine, à la façon du peuple. Même ces pièces diverses portaient les noms des villes et des bourgs où elles avaient été représentées pour la première fois : Atellanæ fabulæ, les atellanes, du nom d’une ville élégante : Atella, située entre Naples et Capoue, au beau milieu des délices romaines. — Poésies fescéniennes, du nom d’une ville de la Toscane savante. […] Ainsi, rien que par le titre de la chose représentée, on savait si l’on allait voir des gens du monde ou des gens du peuple, des bouffons ou des sénateurs, des élégances chastes, ou des satyres pleines de vin et de licences. […] Le paravent représente tour à tour le palais et la chaumière ; le grand fauteuil joue le rôle du père qui gronde toujours ; la chaise de paille vous représente la soubrette alerte et vive, le guéridon, posé sur un pied, saluez ! […] Cette fois les comédiens se représentaient eux-mêmes ; Molière leur avait conservé leurs noms, leurs habits, leurs visages ; ils étaient jeunes et beaux alors ; ils marchaient à la suite de ce grand homme, l’honneur du théâtre.

134. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Plusieurs de ces images représentent la conversion de M. […] Ratisbonne est représenté comme un très-jeune homme, très-beau, à physionomie élégante, avec la barbe en pointe, et ayant la chevelure très-bien peignée et soigneusement partagée en deux (ce que les jeunes gens appellent avoir la raie.

135. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Frères de la poésie, les beaux-arts vont être maintenant l’objet de nos études : attachés aux pas de la religion chrétienne, ils la reconnurent pour leur mère aussitôt qu’elle parut au monde ; ils lui prêtèrent leurs charmes terrestres, elle leur donna sa divinité ; la musique nota ses chants, la peinture la représenta dans ses douloureux triomphes, la sculpture se plut à rêver avec elle sur les tombeaux, et l’architecture lui bâtit des temples sublimes et mystérieux comme sa pensée. Platon a merveilleusement défini la nature de la musique : « On ne doit pas, dit-il, juger de la musique par le plaisir, ni rechercher celle qui n’aurait d’autre objet que le plaisir, mais celle qui contient en soi la ressemblance du beau. » En effet, la musique, considérée comme art, est une imitation de la nature ; sa perfection est donc de représenter la plus belle nature possible.

136. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Or il est naturel que cet esprit se représente la réalité autrement que ne fait le nôtre, puisqu’il est d’une autre nature. […] Or le mot existe, et vous en usez, et il représente pour vous quelque chose, comme d’ailleurs pour nous tous. Demandons-nous ce qu’il peut bien représenter. […] Non, sans doute, car il ne se représente pas le monde, et n’a d’ailleurs aucune envie de spéculer. […] Nous le voyons se conserver, vivace et tenace, là même où l’homme se représente déjà des dieux à son image.

137. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Ce sont les livres aujourd’hui et les revues qui représentent la littérature. […] Faire vrai, de nos jours, c’est nous représenter une chaufferie de navire ou nous montrer une femme gigotant dans son lit. […] Pour moi, je préfère infiniment lire une belle partition de musique dramatique plutôt que d’assister à sa réalisation théâtrale, réalisation toujours inférieure, à mes yeux, à ce que mon imagination peut se représenter. […] Mais la planche et l’histrion avilissent le Théâtre et ne le représentent point. […] L’homme qui aime à lire avant tout du Racine ou du Shakespeare représente un type préférable au rat de bibliothèque et au matou d’opéra.

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