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813. (1914) Boulevard et coulisses

Nous ne reverrons presque plus jamais, ou nous ne reverrons peut-être que de loin en loin, le type de l’écrivain solitaire et entièrement désintéressé, qui se borne à son œuvre et l’accomplit silencieusement pour la joie de l’accomplir. […] Je frémis de joie et de stupeur, et ne trouvai rien à répondre. […] C’est à vous maintenant de créer d’autres légendes et d’autres formes de la joie.

814. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

. — Ces jours-là ils arrivent en nombre, rayonnants de joie, car ils se font cette illusion qu’ils sont revenus à ce bon temps où ils pouvaient bavarder tout à leur aise dans une assemblée consultative ; un orateur désigné d’avance se lève, il déroule un cahier et se met à lire. […] Une bonne partie de cette société française qui pleure le passé en arrosant des lis et qui tient M. de Vigny en singulière aversion, parce qu’il est un libre penseur, et qu’il sort par son talent de la médiocrité désolante de son monde, fut ravie, sauta de joie, et proclama l’ex-ministre un grand homme. […] Elle sera la bienvenue ; nous l’attendons avec calme, nous l’appelons de tous nos vœux, nous la saluerons de toutes nos joies.

815. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il y a des états d’âme, disions-nous, dont on s’émeut dès qu’on les connaît, des joies et des tristesses avec lesquelles on sympathise, des passions et des vices qui provoquent l’étonnement douloureux, ou la terreur, ou la pitié chez ceux qui les contemplent, enfin des sentiments qui se prolongent d’âme en âme par des résonances sentimentales. […] Pour la tirer au clair, il faudrait s’engager dans un ordre de recherches assez nouveau, analyser la sympathie artificielle que nous apportons au théâtre, déterminer dans quels cas nous acceptons, dans quels cas nous refusons de partager des joies et des souffrances imaginaires. […] Sous ces joies et ces tristesses qui peuvent à la rigueur se traduire en paroles, ils saisiront quelque chose qui n’a plus rien de commun avec la parole, certains rythmes de vie et de respiration qui sont plus intérieurs à l’homme que ses sentiments les plus intérieurs, étant la loi vivante, variable avec chaque personne, de sa dépression et de son exaltation, de ses regrets et de ses espérances.

816. (1929) La société des grands esprits

pleurs de joie !  […] Joie ! Joie ! Rires de joie ! […] ‘ N’en doutons pas, Berlioz a souvent ressenti de ces joies.

817. (1888) Études sur le XIXe siècle

Nous sommes, selon la magnifique expression du poète, dans « la sphère des images infinies de l’âme », et nous y restons du commencement à la fin du recueil, que Rossetti célèbre la joie de l’amour ou le désespoir du regret. […] C’était, de nouveau, « la joie du danger, des aventures et de la conscience de servir la cause sainte de la patrie », qui recommençait. […] M. de Amicis se met en route avec une joie communicative. […] épouvante du lâche, — joie du brave, santé du malade, — mystère immense, jeunesse infinie, — beauté formidable et charmante. […] Mais il se hâte de le chasser, pour s’abandonner de nouveau à ses étonnements et à ses joies.

818. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Je le constate sans une joie démesurée, mais aussi sans l’ombre d’un regret. […] Ô frères d’ici-bas, voici ma fille, adorez-la, car cette fille — c’est la Joie !  […] Mirbeau répéta deux fois ce vers avec un ton d’admiration sincère, presque de joie. […] À plus forte raison devons-nous accueillir avec joie les œuvres artistiques promises par : Verlaine, Mæterlinck, Moréas, Morice, etc. […] Pas chez de Hérédia, ce mangeur de rubis et de chrysoprases, fou de joie et de lumière !

819. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Son opéra de Rosamonde s’achève par le conseil de préférer l’amour honnête aux joies défendues ; son Spectator, son Tatler, son Guardian sont les sermons d’un prédicateur laïque. […] Addison rejette avec dédain la grosse joie physique, le plaisir brutal du bruit et du mouvement907. « Est-il possible », dit-il en parlant des farces et des assauts de grimaces, « que la nature humaine se réjouisse de sa honte, prenne plaisir à voir sa propre figure tournée en ridicule et travestie en des formes qui excitent l’horreur et l’aversion ? […] Quelques voyageurs, à la vérité, mais leur nombre était bien petit, avançaient en clopinant jusque sur les arches rompues, mais tombaient tour à tour, au travers, épuisés comme ils étaient et accablés d’une si longue marche… Mon cœur se remplit d’une profonde tristesse en voyant plusieurs des passants qui tombaient à l’improviste, au milieu de leur joie et de leurs éclats de rire, et s’accrochaient à tout ce qui était près d’eux pour se sauver. […] J’y pus distinguer des personnages revêtus d’habits glorieux avec des couronnes sur leurs têtes, les uns passant parmi les arbres, d’autres couchés au bord des fontaines, d’autres reposant sur des lits de fleurs, et j’entendis une harmonie confuse de chants d’oiseaux, d’eaux murmurantes, de voix humaines et d’instruments mélodieux. —  La joie entra dans mon cœur à la vue d’une apparition si délicieuse.

820. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

à quelle horrible joie tu vas te livrer lorsque, en regardant autour de toi, tu ne pourras plus ni voir ni entendre un seul homme de bien ! […] Je reçois le prix de mon dévouement, et le jugement des dieux immortels, le témoignage du sénat, l’accord unanime de toute l’Italie, la déclaration même de mes ennemis et votre inappréciable bienfait, qui sont ma récompense, ont rempli mon âme de la joie la plus vive. […] le moment où je les ai vus naître m’a causé moins de joie qu’aujourd’hui qu’ils me sont rendus. […] Or, non seulement la mort n’est point un mal, comme d’abord vous le pensiez ; mais peut-être n’y a-t-il que des maux pour l’homme, à la mort près, qui est son unique bien, puisqu’elle doit ou nous rendre dieux nous-mêmes, ou nous faire vivre avec les dieux………………………………………………………………………………………………………… « Pour nous, au cas que nous recevions du ciel quelque avertissement d’une mort prochaine, obéissons avec joie, avec reconnaissance, bien convaincus que l’on nous tire de prison, et que l’on nous ôte nos chaînes, afin qu’il nous arrive ou de retourner dans le séjour éternel, notre véritable patrie, ou d’être à jamais quittes de tout sentiment et de tout mal.

821. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Enivrée de joie, et flattée également de l’action de ses enfants et des applaudissements qu’elle recevait, la mère de Cléobis et de Biton, debout en face de la statue de Junon, pria pour ses enfants, qui venaient de lui donner une si grande preuve de respect, et conjura la déesse de leur accorder ce qu’il y avait de meilleur pour l’homme. […] Il raconta ensuite à sa femme ce qui était arrivé, et lui fit partager sa joie. […] « Harpagus, au comble de la joie de voir Astyage dans les fers, le poursuivit d’injures, et, entre autres insultes, animé par le souvenir de l’horrible repas où il avait été contraint de manger les membres de son propre fils, il demanda à Astyage : « comment il trouvait l’esclavage, après la royauté ?  […] À la mort d’un de leurs concitoyens, ils se livrent au contraire à la joie, le couvrent, en plaisantant, de terre, et le félicitent d’être enfin heureux, puisqu’il est délivré de tous les maux de la vie.

822. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Mozart me fait revivre tous mes jours ; il me rend mes joies d’autrefois sans leur emportement, et mes plaisirs sans leur lendemain ; il me donne une langue pour exprimer les choses qui se dérobent aux langues parlées ; il fait de la mélancolie, que dissipe ou aigrit la réflexion exprimée par des paroles, un état de l’âme délicieux qu’on voudrait voir durer toujours. […] Rodrigue, certain d’être aimé, fait éclater des transports de joie. […] Mais son cœur est ému de pitié au souvenir de leurs combats, du prix dont ils payent les passagères douceurs de leurs espérances ; car, dans cet admirable ouvrage, la peine suit d’aussi près la faute que l’ombre suit le corps, et ces tristes cœurs ne goûtent pas un moment de joie qui soit pur de regret ou de crainte. […] La vérité au théâtre se manifeste toujours à nous par un retour sur nous-mêmes, pénible ou agréable, selon que la parole de l’acteur éveille en nous un écho de douleur ou de joie.

823. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Le visage de l’homme qui médite est immobile ; mais si l’âme s’émeut, le visage devient expressif, la joie le dilate ou la tristesse le contracte ; quelque chose d’extérieur commence ; ce n’est pas encore la parole. […] Surprendre un aparté, recevoir à l’improviste la confidence involontaire d’un taciturne, dérober un secret soigneusement caché sans être soi-même indiscret, voir à nu dans une exclamation le vrai caractère ou la passion maîtresse d’un politique, ce sont là de petits événements qui font pour une soirée la joie d’un observateur ; un moraliste en tire un portrait, un auteur comique l’idée d’une scène heureuse ou d’un caractère nouveau. […] L’imaginatif ne se croit jamais seul ; il promène avec lui ses enfants, ses amis, ses ennemis, ses supérieurs, tous ceux dont l’existence est liée à la sienne et peut l’émouvoir en joie ou en tristesse. […] Nous venons de citer des exemples types : dans le premier, l’imagination domine évidemment ; dans les trois autres, la passion semble pure de tout mélange ; mais rarement la passion s’éveille sans éveiller en quelque mesure l’imagination ; la raison en est que rarement l’objet de la passion est purement intellectuel, c’est-à-dire d’ordre général, scientifique ou politique ; quand je n’ai d’autre société intérieure qu’une société abstraite, consistant dans des concepts que parcourt mon entendement, mêlés à des noms propres de personnages ou de pays que je ne connais que par ouï-dire et qui valent pour mon esprit des abstractions, alors je suis, à vrai dire, seul avec ma pensée, je n’ai point de société véritable, et, d’ordinaire, je reste calme228 ; l’émotion, presque toujours, me fait rentrer dans la vie réelle, dans la vie sociale ; ce qui m’émeut en joie ou en tristesse, c’est quelque objet concret de la nature, le plus souvent quelque personne humaine, dont mon souvenir reproduit l’image plus ou moins nette, et, avec cette image, le son spécifique.

824. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Nous surabondons de joie céleste comme le martyr. […] Me prend-il fantaisie, à cette heure où tout chante la joie de vivre, de célébrer le bois magnifique, de magnifier en des stances lyriques la ferveur des arbres séculaires, d’exalter les profondeurs calmes et palpitantes de mystère que mon esprit suppose par-delà les houles de ce sylvestre océan, — alors deux procédés me sollicitent. […] Comme eux solitaires, enthousiastes et purs, à l’abri du monde, sans en rien ignorer des joies ni des peines, j’aurais aimé atteindre à l’acuité de vision nécessaire pour découvrir le réel derrière la nature, l’idée vivante par-delà la forme matérielle. […] Préface de Joies.

825. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Le dedans d’un homme se montre en chacun d’eux : en Hugo jamais l’abandon de la nature ; il n’a ni joie, ni colère, ni douleur, ni tendresse ; il n’a que quelques adjectifs dans le cerveau. […] À peine étais-tu déliée, toute joie avait disparu, tu lâchas froidement l’aveugle. […] Aube, avril, joie éphémère ! […] Et moi, amoureux de la réalité, je suis plein de joie que la loi primordiale, nécessaire, absolue de l’art, soit l’effort vers cette précision qui consiste dans la plénitude des détails et qui s’appelle véracité, réalisme. […] Ne partage-t-on pas, sans arrière-pensée, leur bonne grosse joie en les lisant ?

826. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Dieu, qui voulut si jeune l’initier à une vie plus parfaite, ne laissa pas ses derniers jours sans joie ; et de son lit de mort, Eugène vit fonder la constitution définitive de la hiérarchie au sein de la famille saint-simonienne.

827. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Les raisons que j’ai essayé de démêler n’expliquent pas, en somme, la joie bizarre que me donne l’énorme et placide déraison de ces facéties ; et peut-être aurez-vous beaucoup de peine à comprendre mon admiration et à me la pardonner, et y soupçonnerez-vous quelque gageure… Mais non, il n’y en a point… Je relis l’interview que Grosclaude est allé prendre à la plus ancienne locomotive de France, à l’occasion du cinquantenaire des chemins, de fer, et je n’y résiste pas plus qu’à la première lecture.

828. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Aussi sa joie éclate à Strasbourg, où les enseignes sont en français, où le bureau de tabac a sa lanterne rouge, où il entend une jeune bonne dire en français à un enfant : « Pourquoi que tu pleures, René ? 

829. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Est-ce à cause de la joie qui en éclaire les pages3 ?

830. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

C’est dans la joie qui suit un avantage remporté, que l’amour-propre s’épanche plus librement.

831. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Tout drame pèche essentiellement par la base, s’il offre des joies sans mélange de chagrins évanouis, ou de chagrins à naître.

832. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

« Car, lorsque vous m’avez saluée, votre voix n’a pas plus tôt frappé mon oreille, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. » Marie entonne alors le magnifique cantique : « Ô mon âme, glorifie le Seigneur ! 

833. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

C’est mon ami Grimm ou ma Sophie qui m’ont apparu, et mon cœur a palpité, et la tendresse et la sérénité se sont répandues sur mon visage ; la joie me sort par les pores de la peau, le cœur s’est dilaté, les petits réservoirs sanguins ont oscillé, et la teinte imperceptible du fluide qui s’en est échappé, a versé de tous côtés l’incarnat et la vie.

834. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Après la bataille ils montaient leurs lyres et ils en tiraient des sons de joie ou de deuil, selon qu’elle avait été heureuse ou malheureuse.

835. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Ainsi, par exemple, au xviiie  siècle, le roman sans couleur, sans profondeur et sans idéal, de l’abbé Prévost, dont le héros est un escroc et l’héroïne une fille de joie, n’a-t-il pas été vanté comme un modèle littéraire par l’immoralité reconnaissante d’une époque abominablement dégradée ?

836. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Nous avons ouï dire que Guizot, l’illustre maître (et qui l’est trop) de Dupont-White, avait autrefois des joies singulières, des pâmoisons d’Ixion qui presse sa nuée sur son cœur, quand il disait ce simple mot, qui fut du reste toute sa politique : « le gouvernement ! 

837. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Il n’a pas, lui, la joie de vivre !

838. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Je dis que je n’y pouvais rien, car j’attendais toujours des avances en proportion de la qualité des gens, et plus de la part d’un duc que de la part d’un autre homme947. » Il triomphait dans son arrogance, et disait avec une joie contenue et pleine de vengeance : « On passe là une demi-heure assez agréable948. » Il allait jusqu’à la brutalité et la tyrannie ; il écrivait à la duchesse de Queensbury : « Je suis bien aise que vous sachiez votre devoir ; car c’est une règle connue et établie depuis plus de vingt ans en Angleterre, que les premières avances m’ont constamment été faites par toutes les dames qui aspiraient à me connaître, et plus grande était leur qualité, plus grandes étaient leurs avances949. » Le glorieux général Webb, avec sa béquille et sa canne, montait en boitant ses deux étages pour le féliciter et l’inviter ; Swift acceptait, puis, une heure après, se désengageait, aimant mieux dîner ailleurs. […] Il faut écouter le profond soupir de joie haineuse avec lequel il contemple ses ennemis sous ses pieds. « Tous les whigs étaient ravis de me voir ; ils se noient et voudraient s’accrocher à moi comme à une branche ; leurs grands me faisaient tous gauchement des apologies. […] Si jamais âme fut rassasiée de la joie de déchirer, d’outrager et de détruire, ce fut celle-là. […] L’homme fiévreux, après le labeur du soir et les angoisses de la nuit, aperçoit au matin la blancheur rayonnante du ciel qui s’ouvre ; il se déprend de lui-même, et de toutes parts la joie de la nature entre avec l’oubli dans son cœur. […] Quand les tonneaux se vident dans son gosier et que les viandes s’engloutissent dans son estomac, l’on prend par sympathie part à tant de bien-être ; dans les ballottements de ce ventre colossal et dans le rire de cette bouche homérique, on aperçoit comme à travers une fumée les souvenirs des religions bachiques, la fécondité, la joie monstrueuse de la nature ; ce sont les magnificences et les dévergondages de ses premiers enfantements.

839. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Bientôt, la voiture fut faite, et en la voyant, je témoignais de mon admiration et de mon contentement par des sauts et des cris de joie. […] Mais en ressortant, je n’étais plus aussi pimpante ; l’humiliation avait abattu l’orgueil, et je pus, dès ce jour-là, juger de la vanité des joies humaines. […] … Je ne sais pas bien…, en tout cas, ce n’est pas de la joie. […] Nous sautions de joie et nous improvisions des entrechats fantaisistes, en essayant tout cela. […] Nous sautions de joie, croyant voir l’institutrice renvoyée après les vacances.

840. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Fauriel, qui possède l’arabe comme le grec moderne et toutes les littératures du Midi, nous entrerions avec joie dans ces mines d’Orient, où se cachent tant de trésors d’imagination et de poésie. […] Il me plaît d’écouter la joie des oiseaux qui font retentir leurs chants par le bocage. […] De ce siècle lâche et plein de troubles, si l’amour s’en va, je tiens sa joie pour mensongère ; car il n’est rien qui ne tourne en souffrance. […] j’aimai toujours la joie et les plaisirs, soit quand j’étais chez moi, soit quand j’en étais éloigné. […] Il faut voir la joie des vainqueurs de trouver tant d’or et d’argent fins, de vaisselle, de pierres précieuses, de samis, de draps de soie, et d’hermines.

841. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

De sa part, et avec mission de lui, Argus m’est venu presser d’obtenir, s’il se peut, ton assistance ; je l’ai laissé chez moi en accourant ici. » A ces mots, le cœur de Médée s’envole de joie ; elle rougit, un brouillard délicieux l’enveloppe, et elle promet tout, mais dans quels termes encore et avec quel mélange de gracieux déguisement ! […] Elle se ressouvint de tout ce qu’il y a d’agréable parmi les vivants ; elle se souvint de ses compagnes du même âge qui faisaient sa joie, comme une jeune fille qu’elle était ; et le soleil lui parut plus doux à regarder qu’auparavant, à mesure en effet qu’elle se reprenait en idée à chaque chose. […] En attendant, elle n’eut rien de plus pressé que de tirer de sa ceinture odorante l’herbe magique, qu’il reçut de sa main avec joie ; et certes, puisant son âme tout entière dans sa poitrine, elle la lui aurait livrée au besoin avec le même transport, tant l’amour en ce moment lançait d’aimables éclairs de la blonde tête du fils d’Éson !

842. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

On voit la joie gloutonne et cruelle du brigand : Prétend qu’elle en fera gorge chaude et curée. […] Je n’en veux grain. » Autant fit de la coignée d’argent et dit : « Non, cette-ci, je vous la quitte. » Puis prend en main la coignée de bois, il regarde au bout du manche, en icelui reconnaît sa marque, et, tressaillant tout de joie comme un renard qui rencontre des poules égarées, et souriant du bout du nez, dit : « Merdigue, cette-ci était mienne ; si me la voulez laisser, je vous sacrifierai un bon et grand pot de lait tout fin couvert de belles fraières, aux Ides (c’est le quinzième jour de mai). — Bon homme, dit Mercure, je te la laisse, prends-la et, pour ce que tu as opté et souhaité médiocrité en matière de coignée, par le veuil de Jupiter, je te donne les deux autres. […] « Il tressaille de joie comme un renard qui rencontre poules égarées, il sourit du bout du nez ; il va se prélassant par le pays, faisant bonne trogne parmi les parochiens et voisins, et leur disant le petit mot de patelin : « En ai-je ! 

843. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Si le Ciel, dans sa bonté, me réservait un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu ; si une femme, des enfants, des frères séparés de moi depuis longtemps, et sans espoir de réunion, devaient tout à coup tomber dans mes bras, je voudrais, oui, je voudrais que ce fût dans une de ces belles nuits, sur les rives de la Néva, en présence de ces Russes hospitaliers. […] Il a fini : le cœur lui bat, mais c’est de joie ; il s’applaudit, il dit dans son cœur : Nul ne roue mieux que moi ! […] Comme le pape y donne des chapelets, et que tout est mode en France, on a fait à Paris une mode des chapelets ; chaque fille de joie a le sien.

844. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

En se voyant ainsi accueillie, la grande Nanon pleura secrètement de joie, et s’attacha sincèrement au tonnelier, qui d’ailleurs l’exploita féodalement. […] Ne verse-t-il pas tour à tour des larmes de joie et de douleur ? […] En quittant avec joie l’existence, cette mère plaignit sa fille d’avoir à vivre, et lui laissa dans l’âme de légers remords et d’éternels regrets.

845. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Bonaparte n’avait encore rien fait de précisément coupable ; beaucoup de gens assuraient qu’il préservait la France de l’anarchie ; enfin, si dans ce moment il m’avait fait dire qu’il se raccommodait avec moi, j’en aurais eu plutôt de la joie ; mais il ne veut jamais se rapprocher de quelqu’un sans en exiger une bassesse, et, pour déterminer à cette bassesse, il entre d’ordinaire dans des fureurs de commande qui font une telle peur qu’on lui cède tout. […] On voit à l’accent du récit qu’elle fait de cet événement, dans son livre Dix années d’exil, qu’elle éprouva quelque chose de semblable à ce qu’éprouva Agrippine à la première révélation de l’inhumanité de son fils, une consternation mêlée de joie tragique, parce qu’elle avait enfin le droit de haïr celui qu’elle craignait. […] J’ai été jeune et je suis devenu vieux, et, dans cette vie incertaine, le Tout-Puissant m’a envoyé beaucoup de joie et de douleur.

846. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

« L’écrivain semi-sérieux est un homme chez lequel la sensibilité douce et l’enjouement tendre sont, par le don d’une nature modérée, dans un si parfait équilibre, qu’en étant sensible, l’écrivain ne cesse jamais d’être enjoué, et qu’en étant enjoué il ne cesse jamais d’être sensible ; en sorte qu’en le lisant ou en l’écoutant on passe à son gré, du sourire aux larmes, et des larmes au sourire sans jamais arriver ni jusqu’au sanglot qui déchire le cœur, ni jusqu’à l’éclat de rire, cette grossièreté de la joie. […] Il me semblait que j’entendais la voix ricaneuse de don Juan, ou la voix plus grinçante de Heine le poète réprouvé de cette école, nous dire, en se faisant une joie de notre horreur : Tenez, regardez votre idéal : Ici la jeunesse, ici la beauté, ici l’innocence, ici l’amour, ici la pudeur, ici la vertu, ici la piété, ici la poésie, cette fleur de l’âme ! […] Jeunesse dorée de Musset, toi qui le pleures, mais qui ne t’es pas même donné la fatigue d’aller jeter une feuille de rose sur son cercueil ou de l’accompagner jusqu’au seuil creux de l’éternité, de peur de déranger une de tes paresses ou d’attrister une de tes joies !

847. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Je me trompe, tu y étais encore, et à mon retour, les hommes verront ma joie, mais ils n’en devineront pas la cause. […] Mon ami, si l’on vous présente un canevas de comédie ou de tragédie, faites quelques tours autour de l’homme et dites-lui, comme la fille de joie au président De Brosses : cela est beau, sans contredit, mais où est le cu ? […] J’aimerais bien mieux y voir la joie infernale d’une troupe de bohémiens, le repaire de quelques voleurs ; le spectacle de la misère d’une famille paysane ; les attributs et la personne d’une prétendue sorcière ; quelque aventure de Cléveland ou de l’ancien testament ; l’asyle de quelque illustre malheureux persécuté ; l’homme qui jette à sa femme et à ses enfans affamés le pain qu’il s’est procuré par un forfait ; l’histoire de la bergère des alpes ; des enfans qui viennent pleurer sur la cendre de leurs pères ; un hermite en oraison ; quelque scène de tendresse ; que sais-je ?

848. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Ce beau temps, selon lui, où l’on pouvait penser à cœur joie et dire tout haut ce qu’on avait sur le cœur, était avant que Berthe filât : « Depuis qu’elle a filé, le monde s’est bien corrompu. » Je l’ai montré, dans la première partie de sa vie, guerroyant et processif : il s’apaisa pourtant un peu en vieillissant. […] M. de Lamoignon, fort jeune alors, était tellement du parti de Pompée, qu’il témoigna de la joie à Gui Patin de l’en voir également.

849. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

À cette nouvelle, le roi eut grande joie. […] Quatre chevaliers envoyés pour reconnaître l’ordre et le plan des Anglais le viennent redire au roi Jean, qui, « monté sur un grand blanc coursier », exhalait son ardeur et n’épargnait pas les paroles pour piquer les siens : « Entre vous, disait-il, quand vous êtes à Paris, à Chartres, à Rouen ou à Orléans, vous menacez les Anglais et vous vous souhaitez le bassinet en la tête devant eux : or, y êtes-vous ; je vous les montre… » Et ses barons lui répondaient par des cris de joie et d’espérance.

850. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

J’avais tort ; tout ce qui vous connaît est venu à moi me témoigner la joie de vous voir aussi consolée que vous pouvez l’être. […] J’ai vu le grave et chaleureux publiciste littéralement ivre de joie à l’aspect de ce qu’il appelait ce grand succès ; Bonstetten, plus modéré, parce que la grâce n’admet aucune violence, n’applaudissait pas moins de tout son cœur.

851. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Ils se précipitèrent à la cour d’entrée, avec des flambeaux et des cierges ; ils reçoivent avec la plus grande joie celui qui en bonne heure naquit. « J’en rends grâces à Dieu, mon Cid, dit l’abbé don Sanche ; puisque je vous vois ici, recevez de moi l’hospitalité. » Le Cid dit : « Merci, seigneur abbé, et je suis votre obligé ; je me pourvoirai de vivres pour moi et mes vassaux. […] Loin de là, avec cette même main je vous déchirerais les entrailles, en faisant pénétrer le doigt en guise de poignard ou de dague. » « Le vieillard, pleurant de joie, dit : « Fils de mon âme, ta colère me calme, et ton indignation me plaît.

852. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Remarquez-vous comme la joie est naturellement absente dans cette conception ; comme aucune Muse, — même de ces Muses sévères qu’invoquait Montesquieu, — ne vient assister et sourire à la naissance de la pensée ? […] Les choses flatteuses que vous avez bien voulu dire sur mon ouvrage m’auraient causé beaucoup d’orgueil et de joie, de quelque part qu’elles vinssent ; mais le nom de l’auteur de l’article ajoute encore à mes yeux un nouveau prix à ce que contient d’aimable l’article même.

853. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il me reste à vous supplier de prendre sur vous mes vifs remerciements et mon respectueux refus ; c’est à votre adorable bonté que j’ai dû la distinction d’un homme illustre qui m’ignorait, et c’est à vous, madame, que mon âme demeure éternellement acquise. » Dans cette même lettre toutefois, sachant les démarches de Mme Récamier pour lui faire obtenir une pension régulière par l’entremise du vicomte de La Rochefoucauld, Mme Valmore ajoutait : « Je vous la devrai, madame, et avec joie, si quelque jour on accorde à votre demande ce dont vous ne me jugez pas indigne ; je voudrais avoir bien du talent pour justifier votre protection qui m’honore, et pour mériter l’encouragement vraiment littéraire que vous entrevoyez dans l’avenir ; je serai contente alors de l’obtenir de vous, et je n’aurai ni assez d’orgueil ni assez d’humilité pour m’y soustraire… » Mais lorsque cette petite pension fut obtenue, — une pension au nom du roi, — ce fut de la part de l’humble et généreux poète un sentiment de peine et de résistance morale à l’aller toucher. […] Il est impossible que la Vierge, qui a présidé à notre naissance dans la rue Notre-Dame, l’ait oublié : oui, Félix, c’est impossible, Elle aime en toi le fils du père des pauvres, et te donne aujourd’hui pour protecteur ceux qui les jugent et se consacrent à eux… « … Mais la politique empoisonne les esprits. — Moi qui pleurais de joie et de respect en traversant enfin Genève, patrie de notre grand-père paternel, on m’y a poursuivie avec ma petite famille en criant contre nous : “À bas les Français !”

854. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il est mort, il s’est éteint en février dernier, demandant jusqu’à la fin des nouvelles de l’édition de Pascal, et ne pouvant dire tout à fait comme le vieillard Siméon qu’il mourait content ; c’eût été trop de joie pour lui. […] Selon Pascal, qui est du Calvaire, il n’y a de profond et de sérieux dans l’homme que la sainte pauvreté et le dépouillement, la tristesse féconde qui se change en joie ; tout le reste est légèreté.

855. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

On m’assure qu’il y aura du danger pour ma vie ; mais elle m’est si peu considérable quand il s’agit de vos intérêts, que je la hasarderai avec toute la joie dont est capable une personne qui a pour vous une tendresse infinie. […] Le pauvre homme n’y a pas trouvé son compte, et il m’avoua toute votre confidence sur cela : c’est être bien malicieux, et si j’avois loisir de vous quereller, je le ferois avec la plus grande joie du monde.

856. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Son roman, — oui, son roman, nonobstant la fille de joie et l’escroc que vous en connaissez, procède en ligne assez directe de l’Astrée, de la Clélie et de ceux de madame de La Fayette. […] En général, ces personnages sont oublieux, mobiles, adonnés à leurs impressions et d’un laisser-aller qui par instants fait sourire ; l’amour leur naît subitement d’un clin d’œil comme chez des oisifs et des âmes inoccupées ; ils ont des songes merveilleux ; ils donnent ou reçoivent des coups d’épée avec une incroyable promptitude ; ils guérissent par des poudres et des huiles secrètes ; ils s’évanouissent et renaissent rapidement à chaque accès de douleur ou de joie.

857. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Pascal voulait emprunter à Montaigne ses arguments sceptiques et leur donner une place de premier ordre dans son apologétique. « On ne peut voir sans joie, dit-il, dans cet auteur, la superbe raison si invinciblement froissée par ses propres armes… et on aimerait de tout son cœur le ministre d’une si grande vengeance, si… 192 » Quand le scepticisme est devenu de mode, il ne suppose ni pénétration d’esprit ni finesse de critique, mais bien plutôt hébétude et incapacité de comprendre le vrai. « Il est commode, dit Fichte, de couvrir du nom ronflant de scepticisme le manque d’intelligence. […] Que de fois, dans ma pauvre chambre, au milieu de mes livres, j’ai goûté la plénitude du bonheur, et j’ai défié le monde entier de procurer à qui que ce soit des joies plus pures que celles que je trouvais dans l’exercice calme et désintéressé de ma pensée !

858. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Que l’on suppose Mme Bovary transportée en réalité dans le milieu qu’on lui voit rêver, qu’au lieu d’être la fille du père Rouault, le fermier des Aubrays, elle soit issue de parents aristocrates et millionnaires, qu’au lieu d’être l’épouse d’un officier de santé dans un petit village normand, elle soit la femme d’un grand seigneur, et vive dans une atmosphère de fêtes, de luxe et de galanterie et la voici, toujours la même prenant en aversion ces réalités voisines, méprisant ces joies, artificielles, dont la vanité fait le fond, ces passions libertines, auxquelles le cœur n’a point de part, harassée de ces plaisirs forcés et de la contrainte d’un perpétuel apparat, rêvant de quelque vie cachée au fond d’une province, et des joies simples d’une intimité heureuse.

859. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

C’est avec joie qu’il vient à son tour, lui chétif, donner son coup de cognée, et élargir de son mieux l’entaille que Beccaria a faite, il y a soixante-six ans, au vieux gibet dressé depuis tant de siècles sur la chrétienté. […] Le peuple venait de faire un feu de joie des guenilles de l’ancien régime.

860. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Or ce que les autres ne voyaient pas dans les joies et les entraînements de ce jour, elle le vit, elle, de ces yeux tristement prophètes, qui voient tout quand on aime ! Elle cacha la tache de sa joie ; mais cette pêche était attaquée.

861. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Il en est de même des nations qui cultivent les arts de l’imagination avec joie et succès. […] Les belles femmes, les natures riches, les santés calmes et florissantes, voilà son triomphe et sa joie !

862. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Vous trouverez d’abord Homère et Virgile qui viendront vous en faire les honneurs et vous dire avec un souris malicieux que la joie qu’ils ont de vous voir est intéressée, puisque, par quelques années d’une plus longue vie, leur gloire aurait été entièrement effacée.

863. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Ami de M. de Choiseul, ennemi du ministère d’Aiguillon et de la maîtresse favorite, il eût pu dire aux approches du danger, comme Saint-Simon à la nouvelle de la mort de Monseigneur : « La joie néanmoins perçoit à travers les réflexions momentanées de religion et d’humanité par lesquelles j’essayois de me rappeler. » A nos yeux comme aux siens, est-il besoin d’en avertir ?

864. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Loève-Veimars l’a rempli avec simplicité et sentiment ; lui aussi il sait peindre ; il nous a peint tour à tour Aloysius Block et l’abbé Joie, portraits à la flamande, et récemment Casimir Périer moribond, en traits historiques qui ont fortement frappé.

865. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Ma rame bat avec langueur Sur la mesure de ton cœur ; Puis, las d’amour, j’aurai la joie, Avec un simple tour de reins, De faire voir aux riverains Comme une maîtresse se noie !

866. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

C’est celle qui verse aux dieux l’ambroisie, ce breuvage qui alume dans les âmes divines une joie éternelle, et elle est ennuyée et triste.

867. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Sur le devant, une autre danseuse qui tient son enfant par la main ; l’enfant danse aussi, mais il a les yeux attachés sur l’horrible tête, et son action est mêlée de terreur et de joie.

868. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

quand il sera clair de manière que vous l’entendiez… » La joie pour certains et même pour beaucoup est d’abord de comprendre, mais surtout de comprendre ce que le vulgaire ne comprend pas.

869. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

En présence d’un mérite si mince et si solitaire, on comprendrait à peine, même pour une heure, la béotienne admiration des contemporains de La Grange-Chancel, si l’on ne savait que l’admiration des hommes n’est le plus souvent ni générosité ni justice, mais joie grossière de se retrouver, soi et sa passion, dans l’œuvre d’un écrivain qui vous fait miroir, comme le ruisseau le faisait à cet imbécille de Narcisse !

870. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Eh bien, notre joie n’a pas été longue !

871. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

De cette masse de flèches qui ont si bien sifflé dans le temps, et percé, — semblait-il, — et fait tant pousser, aux uns des cris de joie, et aux autres des cris de douleur, on a choisi celles-ci et on en a composé comme un carquois en ces deux volumes ; et c’est ce carquois, jugé si formidable, que nous venons à l’instant de peser, et qui, le croira-t-on ?

872. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

la chair n’a pas ses joies dans le capucin.

873. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

pour que les badauds y trouvent de l’illusion ou de la joie : mais est-ce là de la poésie vraie ?

874. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Son jeune chien, fou de joie,          Court, aboie, Lèche ses mains, son cou blanc ; Dans l’herbe qu’ils éparpillent,          Ils sautillent Et roulent flanc contre flanc.

875. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Poitou, Balzac ne s’est pas borné à de simples excursions dans le monde des forçats et des filles de joie. […] Se demande-t-il ce que sont ces vagues impressions, mêlées de joie et d’espérance, que la jeune fille éprouve auprès de son fiancé ? […] Joies, douleurs, déceptions, espérances, il ramasse toute sa vie en ce point culminant. […] À quoi cependant aboutissent et toutes ces joies et tous ces flots impétueux d’éloquence épique ? […] Carlin, c’est une joie extrême De trouver innocent un coupable qu’on aime.

876. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il n’y a point de mal, tant que la joie est innocente. […] Ma joie est profonde d’avoir écrit cet opuscule. […] Si nos cœurs sont mal à leur aise et si la rougeur monte à nos fronts en voyant le talent se prostituer au gain matériel d’une fortune, l’humiliation n’est guère moindre de le voir rechercher anxieusement la publicité, payer des réclames, mendier des articles, estimer quelque chose l’empressement et la curiosité d’un peuple de badauds, jouir, comme du souverain bien, du plaisir d’entendre les gens dire à voix basse en se poussant les coudes : « C’est monsieur X. », et placer au-dessus de tout autre bonheur la joie de rencontrer sa photographie aux vitrines du boulevard. […] J’apprendrais sans la moindre surprise une nouvelle contradiction ici entre sa théorie et ses instincts, comme il y en a entre son pessimisme philosophique et son optimisme pratique, entre la couleur sombre de ses idées et la gaieté de son humeur, entre ses aspirations vers la mort et son penchant aux joies de la vie, entre son prétendu mépris du beau sexe et l’attrait réel qu’offraient à ses sens, pour emprunter au vieux Malherbe son succulent langage « les délices que nous font goûter les femmes par la douceur incomparable de leur communication ». […] La joie douloureusement exquise de lutter avec l’idée à la fois vague, provocante et rebelle, jusqu’à ce qu’on lui ait imposé l’expression qu’on croit être la plus juste, la seule par laquelle on espère la rendre fixe, solide et durable, cette joie devrait suffire à l’ambition de ceux qui pensent gravement et ne veulent répandre leurs pensées que dans l’intérêt de tous69.

877. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il a vu ce pays désolé où le Nirvâna, célébré par les sages de l’Inde, apparaît comme l’idole monstrueuse et funéraire, dans l’adoration de laquelle toutes les douleurs s’endorment, mais aussi toutes les joies. […] S’il avait été uniquement un artiste, le triomphe définitif de son esthétique et de ses œuvres l’eût empli de toutes les joies de l’orgueil satisfait. […] On peut considérer, par exemple, que la foi spiritualiste dans le Dieu personnel, le mérite et l’immortalité, enveloppe en elle des trésors de joie lucide et de vaillance, tandis que la foi panthéiste dans la communion de l’âme et de la nature produit, elle aussi, une joie profonde, mais enivrée et comme passive dans son extase. […] Il en résulte qu’elle s’essaye à prolonger toutes ses sensations, ou heureuses ou douloureuses, et qu’elle finit par se complaire aussi bien dans ses tortures que dans ses joies. […] Ce dont Amiel a souffert fait la joie et la santé actuelles comme aussi le péril probable de beaucoup d’autres, qui le comprennent à travers eux et goûtent en lui la transposition douloureuse de leurs propres tendances, et si ce n’est pas la grande gloire, c’est une gloire encore et une immortalité.

878. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

S’il se trouve que par faveur du sort nous avons vécu dans la sérénité et la joie, entourés de gracieuses images, nos pensées prendront d’elles-mêmes une allure esthétique. […] La nature sera représentée maternelle, berçant les hommes sur son sein ; ou cruelle, absorbée dans son œuvre, indifférente à nos joies ou nos tristesses, mais toujours avec quelque trait qui l’humanise. […] Se rappeler une joie qu’on a eue, ce n’est pas se réjouir ; quelquefois même c’est s’attrister. — Cette faculté de représentation concrète du sentiment comporte bien entendu des degrés divers ; elle doit être, comme les facultés de vision ou d’audition mentale, très inégalement répartie. […] D’où vont venir les pleurs que nous allons verser, Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ?... […] Accueillir les images qui se présentent d’elles-mêmes, ce n’est pas un travail, c’est une joie.

879. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Il nous promènera nous-mêmes par tous les lieux où nous sentirons que son âme s’est exaltée, que son cœur a tressailli d’innocente joie ou d’admiration. […] La malignité secrète des hommes, et leur envie excitée par les avantages d’autrui, leur font goûter une certaine joie à saisir et à dénoncer les ridicules. […] « Là, le vin et la joie éveillant les esprits, « Du plus habile chantre un bouc était le prix. […] La crainte bien épurée nous fait supporter toutes ces choses ; elle nous fait même courir au-devant avec joie lorsqu’il s’agit des intérêts de la patrie, de l’honneur, de la vertu, et de l’observation des lois éternelles établies par les dieux. […] Si quelque scélérat tombe de la prospérité dans le malheur, il n’y aura là d’autre mouvement que celui de la joie de sa punition, sentiment contraire à la pitié que l’on veut produire.

880. (1922) Gustave Flaubert

Le livre n’a pas été composé dans la joie. Mais quand Flaubert a-t-il vraiment composé dans une joie entière ? […] s’il est payé par des joies sublimes. […] Son amitié pour Frédéric était morte ; il en éprouvait de la joie ; c’était une compensation. […] Évidemment on voit, dans ce choix, la joie de dépouiller les bestiaires et les livres de vénerie du moyen âge.

881. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Et l’on s’entretient amoureusement de ce théâtre faisant la joie intellectuelle de Weimar, et de là on est amené à dire qu’il n’y a que les milieux restreints, les petits centres pour goûter la littérature distinguée, et l’on cite les petites républiques de la Grèce, et les petites cours italiennes de la Renaissance : tout le monde constatant que les grandes accumulations de populations, comme Paris, les capitales à l’innombrable public, font de préférence de formidables succès à Roger la Honte ou à La Porteuse de pain, à de grosses et basses œuvres. […] Vendredi 19 avril Je voulais travailler aujourd’hui, mais les roulades des oiseaux, la nage folle des poissons sortant de leur léthargie de l’hiver, le bruissement des insectes, l’étoilement du gazon par les blanches marguerites, le vernissage des jacinthes, et des anémones par le soleil, le bleu tendre du ciel, la joie de l’air d’un premier jour de printemps… m’ont fait paresseux et habitant de mon jardin, toute la journée. […] Et la chasse était amusante, parce que dans l’éparpillement de la correspondance, il retrouvait dans une boutique la fin d’une lettre, dont il avait découvert le commencement dans la boutique d’à côté, et il éprouvait une vraie joie, un jour, de réempoigner chez un épicier éloigné, le milieu de la lettre que le savetier était en train de chiffonner. […] — Oui, me répond-il, la verdure ne me comble pas de joie… Nous les gens du Midi, nous aimons les grillades de toutes sortes, et c’est pour nous une stupeur, quand nous arrivons à tout ce vert qui est dans le Nord. […] Il parlait aujourd’hui de l’extraordinaire force physique des turcos, et de l’espèce de joie orgueilleuse qu’ils éprouvaient, quand leur sac, leur écrasant sac dépassait de beaucoup leur tête.

882. (1901) Figures et caractères

Il voulut dominer son temps pour que le souvenir passât à la postérité du peu de joie qu’il y a d’être sûr d’elle, et il mit à ce morne désir une persévérance et une énergie admirables. […] On lui voudrait des joies inattendues, des surprises extraordinaires, des aventures inouïes. […] Tout lui semble paré d’une beauté nouvelle ; il est convulsif de joie solitaire. […] Elle en fait des êtres forts et sains, capables de goûter la vie en ses joies matérielles et spirituelles. […] Une belle chose est une joie pour toujours.

883. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais qui se distinguait entre nous tous par la joie que lui faisaient éprouver les succès d’un camarade ? […] Il m’accueillit avec joie, et me tendant la main, il allait me parler lorsqu’une quinte de toux l’arrêta. […] — L’enfant reprit aussitôt, mais avec une joie maligne : — Arrive ici, diable, loup-garou… ou… — Pourquoi… oi… oi… oi… ? […] Tout respire la fraîcheur et la joie !

884. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Nous avons eu peu, dans notre vie, de joies aussi vives. […] 21 avril Les dernières paroles de la bénédiction du pape flottaient encore dans l’écho de l’air, alors que trois femmes — c’est le premier spectacle qui m’est donné — trois femmes cherchent à s’arracher des morceaux de visage, au milieu de la joie d’hommes riant et se frottant les mains. […] Un morceau de splendeur que le jour caresse avec joie, et qui se lève dans sa grande niche, comme l’échantillon rayonnant de la richesse et du luxe du Temple antique. […] Comme toutes les joies, celle-ci arrive incomplète, et le décoré est très embêté… Quelque orgueil pourtant de cette décoration, qui aura cette rareté de n’avoir été ni demandée, ni sollicitée même par un mot, une allusion, mais arrachée par une amitié qui y a pensé toute seule, et des sympathies d’inconnus… * * * — Il me revient, ce mot de Sainte-Beuve, que me rapportait de lui, l’autre jour, Soulié : « C’est du dîner Magny que sort mon discours du Sénat. » Et c’est vrai !

885. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — La Joie, roman, 1905. — (Ces quatre vol. aux éditions du Mercure de France, in-18). — Paul Adam, biographie, Sansot et Cie 1903. […] — Joies Conjugales, id., id. […] Revue Lorraine, Nancy, 1898, in-12. — Variations sur un thème d’Automne (h. c.), 1899. — Les Joies humaines, poésies, Mercure de France, 1899, in-18. — De Messidor à Prairial (en coll. avec René d’Avril), Nancy, Grosjean et Maupin, 1889, in-18. — La Gerbe des Fleurs Noires, poésies, Nancy, 1901. — La conscience du Soir, 1903, (h. c.). […] Les œuvres. — Fleurs de Neige, poésies, Nancy, Crépin-Leblond, 1893 (sous le pseudonyme d’Hericlas Rügen). — L’Art parjure, poésies, Munich, 1894. — Joies Grises, poésies, Paris, Ollendorff, 1894. — Georges Rodenbach, essai de critique, Nancy, Crépin-Leblond, 1894. — Le Sang des Crépuscules, poésies, Paris, Soc.

886. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

. — Ce qui fut dit fut fait, nous voilà embarqués et vingt lorgnettes d’opéra braquées sur nous, et notre arrivée saluée par des cris de joie qui partaient de la terrasse et du sommet du château : nous y répondîmes, selon l’usage. […] Qu’on vous montre sur la toile les incidents de cette calamité et vos yeux s’y arrêteront avec joie ; vous direz avec énée : en priamus… etc. . […] L’homme le plus épris de la fureur, de la tyrannie, laisse là le tyran et le voit tomber avec joie dans la coulisse, mort d’un coup de poignard. […] Le poëte, le peintre, le statuaire, le comédien, sont des charlatans qui nous vendent à peu de frais la fermeté du vieil Horace, le patriotisme du vieux Caton, en un mot, les plus séduisans des flatteurs… " l’abbé en était là, lorsqu’un de ses élèves entra, sautant de joie, son cahier à la main.

887. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

tout d’un coup le voile se déchire, et je m’aperçois que ce que je désirais sous une forme équivoque est quelque chose de naturel et de pur, c’est un regret qui s’éveille, c’est de n’avoir pas à moi, comme je l’aurais pu, une fille de quinze ans qui ferait aujourd’hui la chaste joie d’un père et qui remplirait ce cœur de voluptés permises, au lieu des continuels égarements.

888. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez !

889. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Comme un homme, au milieu d’une fête, qui boit dans une coupe ciselée, debout, à la première place, parmi les applaudissements et les fanfares, les yeux riants, la joie au fond du cœur, échauffé et vivifié par le vin généreux qui descend dans sa poitrine et que subitement on voit pâlir ; il y avait du poison au fond de la coupe ; il tombe et râle ; ses pieds convulsifs battent les tapis de soie, et tous les convives effarés regardent.

890. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

En le lisant, son ame s’ouvrit à la joie.

891. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Cette apologie combla de joie Fontenelle.

892. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Dans sa cave il enserre L’argent et sa joie à la fois.

893. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Ici se révèle, mêlée à ses qualités ordinaires, une supériorité de sensibilité et de sérieux qui ne s’était jamais produite, même dans les meilleures inspirations de Monselet, avec cette netteté, et qui nous a causé presque de la joie.

894. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Même avec le souvenir des salons dont il avait été la joie, l’intérêt et le charme, il remplit ces fonctions comme s’il avait été fait, de toute éternité, pour elles.

895. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

… Et les peuples, heureux de patauger dans ce flot des anarchies de toutes les espèces, comme les Condamnés des premiers temps dans les eaux du déluge, y nagent et s’y débattent dans le délire d’une joie insensée, croyant que le flot qui les submerge ne pourra pas les engloutir !

896. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

… Le malheureux poète, dont le matérialisme grandit chaque jour, a retenu des dons de sa jeunesse la sensualité trempée de larmes, cette mélancolie des organes lassés ou épuisés qui a la grâce de toute tristesse, car toute tristesse, fût-ce la moins noble, nous sied plus que la joie, tant nous sommes faits pour la douleur !

897. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Ajoutez les institutions particulières de chaque ville, et celles de la Grèce entière ; ces fêtes, ces jeux funèbres, ces assemblées de toutes les nations, les courses et les combats le long de l’Alphée, ces prix distribués à la force, à l’adresse, aux talents, au génie même ; des rois venant se mêler parmi les combattants, les vainqueurs proclamés par des hérauts, les acclamations des villes sur leur passage, les pères mourants de joie en embrassant leurs fils vainqueurs, et leur patrie à jamais distinguée dans la Grèce, pour avoir produit de tels citoyens.

898. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

A plus forte raison est-ce une joie vive pour le lecteur lorsqu’avec le style le plus naturel l’écrivain exprime les pensées les plus justes et les sentiments les plus vrais. […] La moelle de chaque siècle, ajoutée à la leur, accroît leur force, leur puissance et leur joie. […] » Alors le père, pleurant de joie : « Fils de mon âme, j’aime ta colère, c’est toi, qui vas me venger !  […] Joie du père, qui lui confie le soin de sa vengeance. […] Don Diègue Ne mêle point de soupirs à ma joie.

899. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Les sentiments qui appartiennent à son sexe ne lui sont point étrangers : elle aime son mari, connaît les joies d’une mère, et n’a pu tuer elle-même Duncan, parce qu’il ressemblait à son père endormi ; mais elle veut être reine. […] — Ce qui trouble ma joie, répondit le More, c’est l’amour que je te porte ; car je vois qu’il faut que je t’emmène avec moi affronter les périls de la mer, ou que je te laisse à Venise. […] Celui-ci, remis sur son trône par le secours de ses amis, meurt de joie en couronnant son fils Léonatus ; et Plexirtus, le bâtard, par un hypocrite repentir, parvient à désarmer la colère de son frère. […] Glocester, naturellement faible, succombe à la misère, et ne résiste pas davantage à la joie : il meurt en reconnaissant Edgar. […] Ces tableaux sont sans doute d’une vérité frappante et abondent en traits comiques, mais la vérité n’est pas toujours assez loin du dégoût pour que le comique nous trouve alors disposés à toute la joie qu’il inspire ; et les personnages sur qui tombe le ridicule ne nous paraissent pas toujours valoir la peine qu’on en rie.

900. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Leur nature est trop riche ; à chaque secousse, il se fait en eux comme un ruissellement de joie, de colère ou de désirs ; ils vivent plus que nous, plus chaudement et plus vite. […] Ils fourragent dans la prairie poétique, avec des caprices et des joies impétueuses et changeantes. […] Comme un homme, au milieu d’une fête, qui boit dans une coupe ciselée, debout, à la première place, parmi les applaudissements et les fanfares, les yeux riants, la joie au fond du cœur, échauffé et vivifié par le vin généreux qui descend dans sa poitrine, et que subitement on voit pâlir ; il y avait du poison au fond de la coupe ; il tombe et râle ; ses pieds convulsifs battent les tapis de soie, et tous les convives effarés regardent.

901. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

La mort est le supplice de l’être vivant : se faire de ce supplice un devoir, c’est beau et grand ; mais se faire de ce supplice une joie, ce n’est pas se grandir, c’est mentir. […] Quand mes infirmités me feront sentir que je ne puis plus me livrer à un travail assidu ni vaquer aux affaires comme auparavant, alors je remettrai avec joie les rênes de l’empire en d’autres mains, et j’aurai la douce satisfaction d’avoir fait, jusqu’à la fin, tout ce qu’il a été en mon pouvoir de faire. Je serai parvenu au terme de ma vie, où je pourrai jouir sans remords d’un peu de tranquillité et où je pourrai connaître la véritable joie ; car jusqu’à présent je n’ai connu que le travail, la gêne, les inquiétudes et les soucis.

902. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

» Mais je n’avais plus la force de répondre, et seulement à la fin, nous étant assis l’un à côté de l’autre, je pris la montre et je dis : « Cette peinture, tante Grédel, représente deux amoureux qui s’aiment plus qu’on ne peut dire : Joseph Bertha et Catherine Bauer ; Joseph offre un bouquet de roses à son amoureuse, qui étend la main pour le prendre. » Quand la tante Grédel eut bien vu la montre, elle dit : « Viens que je t’embrasse aussi, Joseph ; je vois bien qu’il t’a fallu beaucoup économiser et travailler pour cette montre-là et je pense que c’est très-beau… que tu es un bon ouvrier et que tu nous fais honneur. » Je l’embrassai dans la joie de mon âme, et depuis ce moment jusqu’à midi, je ne lâchai plus la main de Catherine ; nous étions heureux en nous regardant. […] » « Le jour même de l’affiche, je me rendis aux Quatre-Vents ; mais ce n’était pas alors dans la joie de mon cœur, c’était comme le dernier des malheureux auquel on enlève son amour et sa vie. […] … Durant plus d’une heure, malgré la joie que j’éprouvais de tenir dans mes bras celle que j’aimais, cette pensée affreuse ne me quitta pas une seconde, et même aujourd’hui, tout vieux et tout blanc que je suis, elle me revient encore avec amertume… Oui, nous avons vu cela, nous autres vieillards, et il est bon que les jeunes le sachent : nous avons vu l’Allemand, le Russe, le Suédois, l’Espagnol, l’Anglais, maîtres de la France, tenir garnison dans nos villes, prendre dans nos forteresses ce qui leur convenait, insulter nos soldats, changer notre drapeau et se partager non-seulement nos conquêtes depuis 1804, mais encore celles de la République : — C’était payer cher dix ans de gloire !

903. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Génius est accueilli avec joie. […] Son prêche, dans lequel se confondent Jupiter, Saturne, les joies du Paradis, la fontaine de la divine essence, rend le courage aux soldats. […] Ce qui fait goûter les pensées de Villon, c’est cette gaieté mélancolique, la plus pure source de poésie peut-être, parce qu’elle est la disposition d’esprit la plus naturelle à l’homme, qui n’a été fait ni pour les joies ni pour les douleurs sans mélange.

904. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Et si cette compensation est juste, à qui sied-il mieux de l’appliquer qu’à l’écrivain qui depuis un siècle est le bon conseil des nations civilisées, à l’homme de bien dont l’histoire privée offre des traits à la Plutarque, au citoyen qui a pu dire de lui-même sans risquer d’être démenti : « J’ai toujours eu une joie secrète lorsqu’on a fait quelque règlement qui allait au bien commun ?  […] Après le plus humble de ces exercices, tout enfant bien doué sent qu’il a fait un pas en avant ; il n’est pas de maître éclairé qui ne soit en état de l’en avertir et de lui en donner la joie encourageante. […] Je sens de nouveau les joies et les peines fécondes de l’émulation, et ces naissantes admirations pour les beautés des lettres, auxquelles m’invitait une parole respectée, et qui sont jusqu’à la fin de la vie des voluptés pour l’esprit et des forces pour l’âme.

905. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Si Valère oublie dans la joie du gain son amour pour Angélique, et s’il s’en souvient dans la perte, c’est qu’il n’est pas assez amoureux quand il aime, ni assez joueur quand il joue. […] La joie de Valère dans le gain est-elle plus vraie ? […] De la joie et du cœur on perd l’heureux langage Pour l’absurbe talent du triste persiflage57.

906. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

J’ai goûté dans mon enfance et dans ma première jeunesse les plus pures joies du croyant, et, je le dis du fond de mon âme, ces joies n’étaient rien comparées à celles que j’ai senties dans la pure contemplation du beau et la recherche passionnée du vrai. […] Que si votre religion est pour un petit nombre, que si elle exclut les pauvres et les humbles, elle n’est pas la vraie ; bien plus, elle est barbare et immorale, puisqu’elle bannit du royaume du ciel ceux qui sont déjà déshérités des joies de la terre.

907. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Tel d’entre eux se continue pendant plus de cent ans et change de nature sur la route ; il commence par la gaieté, par la joie de vivre, et finit par l’amertume et la raillerie mordante. […] La France respire et s’égaie, et, comme il arrive après une longue oppression, c’est d’abord un débordement de joie et de vie animale, une fureur de plaisir. […] Qui sait s’il ne se prépare pas ainsi, par le peuple et pour le peuple, un renouvellement de ces solennités légendaires de la Grèce où la poésie eut toujours sa place marquée parmi tous les arts qui font la joie et l’orgueil de l’humanité ?

908. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Cela est triste, que des êtres doués d’âmes compréhensives n’aient point su se donner tout à la vénération d’un génie immense : pour savourer la chaste, forte et désintéressée volupté de ce bonheur qui renferme en lui toutes les joies d’amour et, moins égoïste qu’elles, va plus haut : l’admiration. […] Et heureux ceux qui s’en iront à Bayreuth ranimer leur foi en entendant Parsifal ; — l’œuvre, précisément, où s’affirme la grandeur de renoncer aux joies immédiates de l’égoïsme. […] Voilà mes modestes hypothèses, monsieur, je songe souvent à la consolante joie qu’aurait Wagner, s’il vivait encore, en voyant nos Wagnériens et leur wagnérisme.

909. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

C’est à cette théorie que Schneider, comme Spencer dont il est le zélé disciple en Allemagne, demande le dernier secret de nos joies ou de nos peines. […] Je puis me faire illusion sur les causes de mes joies ou de mes peines, mais je ne puis pas me tromper sur ce fait même que je jouis ou que je souffre. […] Pourquoi le sentiment du sublime est-il, comme l’a montré Kant, un mélange de joie et de tristesse ?

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