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1437. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

et il dit à ceux qui le regardent ou qui ne le regardent pas, il leur dit, avec ce besoin d’être vu qui est l’âme de ces Insurgés solitaires : « Tenez ! […] Car Jules Vallès a du talent, et je tiens à ce qu’il ne nous le gâte pas et qu’il nous le conserve… Puisque j’ai parlé de Callot, je ne dirai pas, certes !

1438. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Aux hommages de la foule, qui flattent d’autant plus qu’ils tiennent toujours un peu de la superstition et de l’enthousiasme d’un culte, il joignit le suffrage de quelques-uns de ces hommes qu’on pourrait, au besoin, opposer à un peuple entier. […] Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.

1439. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

L’immortalité littéraire tient à l’art bien plus qu’aux sujets dont il s’occupe. […] nous habitions autrefois la belle ville de Corinthe ; maintenant l’île d’Ajax, Salamine, nous retient ; et de là, vainqueurs des vaisseaux phéniciens, des Perses et des Mèdes, nous avons préservé le sol sacré de la Grèce104. » Puis encore, et pour mieux expliquer cette présence des Grecs de Corinthe dans l’île de Salamine, c’est-à-dire la sépulture qui conservait sur ce rivage les restes d’une partie d’entre eux, Simonide disait avec une familière énergie : « Quand la Grèce entière se tenait sur la lame d’un couteau, au prix de nos vies, nous l’avons délivrée, nous ensevelis ici.

1440. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Puis, il me raconte avoir assisté à un traité entre Verlaine et l’éditeur Vanier, où l’éditeur ne voulait donner que vingt-cinq francs, de quelques pièces de poésie qu’il venait d’écrire, et dit que Verlaine tenait à avoir trente francs. Et cela se terminait par Verlaine, tenant d’une main son reçu, et ne le lâchant, que lorsqu’il tenait, dans l’autre main, un napoléon et deux pièces de cent sous, s’écriant : « Un sale Badinguet et deux pièces suisses !  […] Et c’est un plaisir de voir Mirbeau, parlant de ces plantes, avoir dans le vide, des caresses de la main, comme s’il en tenait une. […] J’ai la surprise de l’aimable toast d’Anatole France, qui veut bien se dire fier, de tenir sa décoration du ministre qui m’a décoré. […] Le jour de l’érection de la statue d’Augier, déjà un peu souffrant, il a tenu à y assister, pour mettre à néant la légende de son antagonisme, avec l’auteur du Mariage d’Olympe.

1441. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

La difficulté de ce problème tient surtout à ce qu’on se représente la substance grise et ses modifications comme des choses qui se suffiraient à elles-mêmes et qui pourraient s’isoler du reste de l’univers. […] Les autres posent la perception d’abord, l’érigent en absolu, et tiennent la science pour une expression symbolique du réel. […] Je ne comprends pas, je ne comprendrai jamais qu’il y puise la miraculeuse puissance de se transformer en représentation des choses, et je tiens d’ailleurs cette hypothèse pour inutile, comme on le verra tout à l’heure. […] La dépendance réciproque de ces deux termes tient donc simplement à ce qu’ils sont, l’un et l’autre, fonction d’un troisième, qui est l’indétermination du vouloir. […] Ayant fait voir ce que la mémoire n’est pas, nous serons tenus de chercher ce qu’elle est.

1442. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

D’ailleurs, rien de plus convenable aux mœurs guerrières qui tiennent de finir et au goût espagnol qui règne. […] Ceux-ci se troublent, et Ménon pareillement ; ils courent aux armes et se tiennent prêts de leur côté à tout hasard. […] Non ; par malheur, son talent tient à ses défauts. […] Il est déjà pénétrant, et, quand il tient la vérité, il la serre avec force, et ne se laisse détourner du sujet par aucun artifice. […] S’il allait trouver le riche et lui demandait de tenir à ferme ce champ volé ou acheté, on lui montrait des bandes d’esclaves.

1443. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

A sept ans, au sortir d’un externat de Tours, on le mit au collège de Vendôme, tenu par des oratoriens ; où il passa pour un élève très-médiocre. […] Il fit le plus grand effort humain qui jamais ait été essayé : il tint seul contre une foule sans frein. […] Il s’en tenait au dix-huitième siècle, tandis que nous remontions au seizième pour nous agenouiller devant Ronsard et les poëtes de la pléiade. […] Quelquefois, Sylvain tenait embrassé le fût rugueux d’un chêne ; mais qui songerait à être jalouse d’un arbre ? […] Il tenait un crayon à la main et avait sur un guéridon quelques feuilles de papier placées à sa portée.

1444. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Il retourne encore à Brunswick au printemps de 1794, mais il n’y tient plus, il revient en Suisse, il y rencontre pour la première fois Mme de Staël, le 19 septembre de cette année. […] « D’abord, pour mon père, je lui ai écrit ; je lui ai fait deux propositions très-raisonnables : l’une de me marier tout de suite ; je suis las de cette vie vagabonde ; je veux avoir un être à qui je tienne et qui tienne àmoi, et avec qui j’aie d’autres rapports que ceux de la sociabilité passagère et de l’obéissance implicite. […] Je suis indigne de vous voir, et je crois qu’il vaut mieux m’en tenir à vous assurer de loin de mon respect, de mon attachement et de mes regrets. […] je suis comme atterré de la solitude qui m’entoure ; je suis effrayé de ne tenir à rien, moi qui ai tant gémi de tenir à quelque chose… » Ainsi allait ce triste cœur mobile, ainsi va le pauvre cœur humain. […] Benjamin revient à diverses reprises sur ce cheval et sur les mérites qu’il lui trouve : « Mon cheval et mes projets de chevaux m’amusent et me tiennent lieu des ânes.

1445. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Car tout lui parle ; si l’unique et brillante pensée ne tient plus son cœur, il n’est non plus indifférent à rien. […] Mais tenons-nous-en au gage le plus sûr, tenons-nous à ce que nous possédons.  […] C’est le nom de l’enfant ; Laurence, nom douteux, enfant charmant, virgilien, qui tient d’Euryale et de Camille, qui a quinze ans : pene puella puer ! […] Mais, pour nous en tenir au curé, au vicaire de campagne. poétique ou poëte, c’est à celui du Village abandonné qu’il faut revenir comme type aimable : A man he was to all the country dear, And passing rich with forty pounds a year. […] Quant au vicaire (curate), il est admirable et touchant de vérité naïve : sa science dans les classiques grecs ; sa pauvreté, la maladie de sa femme ; ses quatre filles si belles et si pieuses, ses cinq fils qui s’affligent avec lui ; ce mémoire de marchand, entre deux feuillets, qui le vient troubler au milieu du livre grec qu’il commentait dans l’oubli de ses maux ; sa joie simple, triomphante, un matin qu’il a lu au réveil et qu’il annonce à sa famille qu’une société littéraire (il le tient de bonne source) se fonde enfin, pour publier les livres des auteurs pauvres ; toutes ces petites scènes successives composent un ensemble fini qui ne peut être que de Wilkie ou de Crabbe.

1446. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Il était grand et mince comme ceux qui ne tiennent au sol que par l’extrémité inférieure, les pieds, et qui semblent prêts à s’élever dans l’atmosphère ; il ne lui manquait de l’esprit pur que les ailes ; sa tête oblongue avait l’organe du spiritualisme pieux, une proéminence visible au sommet du crâne, cette coupole intérieure où les spiritualistes contemplent et adorent d’instinct la divinité de leur pensée. […] Ceux-là ont la légèreté de l’oiseau ; ils ne se posent pas, ils ne ruminent rien, ils effleurent tout avec les ailes, figures sans contrepoids, qui manquent de balancier pour se tenir en équilibre sur le vide de leurs facultés. […] Le génie et la fantaisie se tiennent par la main pour rêver et chanter ensemble à leur heure, ou bien pour (comme dit Virgile, connaisseur en indolence). […] Mais, si la gloire a quelques inconvénients inséparables des retentissements souvent importuns qu’elle donne au nom du poète, alors on n’en veut plus, ou bien on n’en veut qu’à sa mesure, c’est-à-dire une gloire commode, silencieuse, intime, pour ainsi dire, chuchotée à l’oreille de quelques amis et qui fait dire au coin du feu de la famille : « Tenez, lisez, jugez, jouissez ; mais ne faites pas de bruit de peur d’éveiller l’enfant et la mère, et surtout de peur d’éveiller la jalousie des rivaux. […] Dis à ta mère que tu m’as apporté un quine. » C’était alors le langage compris des concierges, institution du hasard qui tenait toujours ouverte à la fortune la loge du portier.

1447. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il a trois atlas principaux en lui, à demeure, chacun d’eux composé « d’une vingtaine de gros livrets » distincts et perpétuellement tenus à jour : un atlas militaire, recueil énorme de cartes topographiques aussi minutieuses que celles d’un état-major ; un atlas civil, qui comprend tout le détail de toutes les administrations et les innombrables articles de la recette et de la dépense ordinaire et extraordinaire ; enfin, un gigantesque dictionnaire biographique et moral, où chaque individu notable, chaque groupe local, chaque classe professionnelle ou sociale, et même chaque peuple a sa fiche. […] Il a fait la guerre pendant vingt ans : cela veut dire que, pendant vingt années, il a tenu haut l’âme de ce peuple, en exaltant chez lui le courage, la fierté, l’esprit de sacrifice. […] La terre vous tient, vous enserre, vous emprisonne, vous défie d’inventer d’autres images de béatitude que celles mêmes qu’elle a pu vous offrir aux heures clémentes de vos journées. […] Cela tient du tour de force ? […] Sully-Prudhomme, quelques erreurs dont je tiens à m’excuser.

1448. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Je ne peux pas dire que le bon saint Yves ait merveilleusement géré nos affaires, ni surtout qu’il m’ait donné une remarquable entente de mes intérêts ; mais je lui dois mieux que cela ; il m’a donné contentement qui passe richesse et une bonne humeur naturelle qui m’a tenu en joie jusqu’à ce jour. […] Les paysans les tenaient pour les chefs laïques de la paroisse, comme le curé était le chef ecclésiastique. […] Sa qualité de noble lui défendait de travailler aux champs ; il se tenait renfermé chez lui tout le jour, et s’occupait à huis clos à une besogne qui n’exigeait pas le plein air, Quand le lin a roui, on lui fait subir une sorte de décortication qui ne laisse subsister que la fibre textile. […] La femme protestera ; car il y a une chose à laquelle la femme tient encore plus qu’à être aimée, c’est qu’on attache de l’importance à l’amour. […] La tête de la malheureuse enfant n’y tint pas, elle s’égarait.

1449. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Près de lui se tient Kurwenal, son fidèle écuyer à la barbe grise, homme de rude expérience et de sûr dévouement. […] Mais Tristan n’échappera jamais à l’enchantement qui le tient. […] Kurwenal ne tient guère à la vie ! […] « Je tiens décidément à l’avant-fête du 22 mai ; de son indubitable et heureux succès résultera, je crois, un vif progrès dans notre grande entreprise. […] Hans Richter tenait le bâton de chef d’orchestre ; et les rôles étaient remplis par des artistes venus pour la plupart du théâtre Royal de Dresde et qui chantèrent en allemand : Isolde et Brünnhilde — Fraülein Therese Malten, Brangoeue — Fraülein Pauline Cramer, Tristan et Siegfried — Herr Heinrich Gudehus, Marke et Kurwenal — Herr Georg Henschel, Melot — Herr Goerg Ritter.

1450. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

C’est encore une scène habilement conduite que celle où la dame, flattée plutôt que touchée d’un si grand amour, se fait offrir ce sacrifice auquel elle ne tient pas autrement. […] Le litige y tient trop de place, la chicane y tend trop de fils. […] Cette fois Francine n’y tient plus ; son cœur éclate, et en se brisant, il laisse échapper son secret. […] Cela tient vraiment du miracle. […] Quelle bassesse a donc commis ce petit jeune homme pour qu’il le croie capable de tenir l’emploi d’un frère complaisant ?

1451. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Il y a dans le génie artistique un élément de liberté et de caprice qui tient à ce qu’il a d’individuel ; le génie scientifique a quelque chose de l’impersonnalité de la nature et de la fatalité de ses lois. […] À toutes les époques, on l’aurait vu regarder derrière lui, étant né avec des yeux tournés vers le passé et la moqueuse nature lui ayant fait enfourcher à rebours son pauvre Pégase, qu’il tient par la queue. […] Ferdinand Fabre est moins célèbre que Pierre Loti, par exemple, à quoi cela tient-il ? […] Cela tient à un fil, à un caprice, à rien : peut-être à ce que Pierre Loti porte le costume d’officier de marine. […] Celles qui me plaisent, je les garde dans ma tête et je les fredonne… Une fois que je tiens mon air, un autre vient bientôt s’ajouter au premier… et tous ces morceaux finissent par former le pâté.

1452. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

C’était un reste des vieilles opinions, qui tenaient le commerce à déshonneur. […] C’est une centaine de membres qui tiennent fortement aux mœurs antiques et surtout à la religion. […] On sait que c’est son amour-propre blessé, plus encore qu’aucune autre raison, qui l’a tenu si longtemps éloigné du parlement. […] Dans un siècle de lumières, les bonnes mœurs d’un peuple très poli tiennent plus au bon goût qu’on ne pense. […] Un seul homme pourtant tient encore le fil de l’antique tradition, et s’élève dans cet intervalle désert.

1453. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Baron lui rapporta un de ceux que Mlle Molière tenait toujours prêts pour elle-même, « car elle avait un soin extrême de sa personne ». […] Les monstruosités de Shakespeare tiennent à son temps ; son génie tient à lui-même et à son respect de la nature. […] Élomire tient un miroir. […] Il m’a tenu parole et nous allons voir s’il s’acquittera bien de ce qu’il m’a promis. […] Pour Molière, la postérité tout entière tient dans ces deux siècles.

1454. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Qu’ils parlent de la nuit et du jour, de la syllabe « et », de mille choses invisibles, par eux vues, un même sentiment les tient ravis, l’amour cruel et fatal, et si doux chez le héros puissant, plus fougueux chez la reine, et plus lascif. […] Les Maîtres Chanteurs tiennent, si l’on doit user des mots connus, de l’opéra-comique et du grand opéra, de la grande farce satirique et du drame sentimental, et ils ne relèvent de rien. […] Aux premiers arpèges on sait à quoi s’en tenir. […] Delaquerrière (David), Soulacroix (Beckmesser), Durat (Pogner), Renaud (Kothner), et tous les rôles secondaires sont consciencieusement tenus ; MM.  […] Les Maîtres tient de tout cela et allie modernité et tradition.

1455. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Des considérations analogues nous empêcheront de tenir pour fondé le second principe par lequel M.  […] Taine possèdent une apparence d’exactitude et entraînent la conviction, cela tient à l’art avec lequel cet écrivain dispose ses arguments et ses preuves, au fait que dans les principaux de ses ouvrages il traite de cas où ses principes sont en effet applicables sans erreur trop flagrante. […] Il est clair que, pour éprouver un sentiment à propos d’une lecture, pour que celle-ci puisse le susciter, il faut qu’on soit disposé de façon à l’éprouver, qu’on le possède ; or, la faculté de percevoir un sentiment n’est point une chose isolée et fortuite ; il existe une loi des dépendances des parties morales, aussi précise que la loi de dépendance des parties anatomiquesdr ; l’esprit humain se tient en toute son étendue ; la force d’une de ses facultés détermine celle des autres, et toutes réagissent et influent l’une sur l’autre. […] Le détail et le groupement des spectacles qu’on lui présente doivent être tels qu’ils provoquent des images faiblement analogues à celles que donnerait la réalité et de nature à susciter comme celle-ci des sentiments d’aversion, de sympathie, d’excitation ; si ce charme ne s’opère pas, c’est que le livre est mauvais, mal fait, gâté à quelque endroit par quelque faute de composition qui ôtera l’illusion à tout le public, sans qu’une partie s’obstine à tenir pour ressemblant ce qu’une autre aura jugé faux. […] Henri Heine, bien qu’Allemand, a écrit plutôt pour une certaine classe de lecteurs français qui le prisent et parmi lesquels il eut des disciples, que pour sa patrie où on le tient en petite estime, ou pour l’Angleterre où il commence à peine à être connu.

1456. (1914) Boulevard et coulisses

Koning me dit qu’elles ne tenaient pas debout et me conseilla de prendre un collaborateur. […] Aussi notre génération tenait-elle le théâtre en grand mépris. […] Entre le public et les coulisses, il existait encore une sorte de cloison étanche de chaque côté de laquelle on se tenait à sa place. […] Admettons, si nous tenons toujours à cette fiction, que l’art est libre. […] dans huit jours il ne tient qu’à elle d’être la fiancée de ce garçon pour lequel elle n’a aucune espèce de sympathie ; elle n’a qu’un mot à dire pour être sa femme dans deux mois, et, à la suite de cette formalité, une mère de famille dans un ménage sans luxe et sans gaieté.

1457. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Les uns ont trouvé en lui une éloquence qui tient du sublime ; les autres n’y ont vu qu’un pompeux & brillant verbiage ; mais tournons-nous plûtôt du côté de la louange que de celui de la censure. […] Quoique moins orné que Fléchier, & moins sublime que Bossuet, moins touchant que Massillon, il tiendra toujours un rang distingué parmi nos Orateurs. […] in-12., montrent beaucoup de talent pour ce genre, qui tient à l’Oraison funèbre, & qui demande les ornemens & la pureté du style. […] Ce qui fera dégénérer l’éloquence parmi nous, c’est l’envie qu’ont tous nos Orateurs de donner à leur style cette espêce de force qui trop souvent tient à la dureté. […] Thomas joint à tous ses éloges d’excellentes notes, dont on ne doit pas lui tenir moins de compte que du fond même du discours.

1458. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Si l’on en vient à comprendre que tout se tient, se lie, se correspond dans la vie des sociétés comme dans celle des individus, on peut considérer ce qui fait l’objet propre des études historiques, les événements politiques et sociaux, tels que guerres, traités, institutions, lois de toute espèce, dans leurs rapports avec les conditions, les causes, les influences économiques, géographiques, ethnographiques, qui ont concouru à l’avènement et à la durée de ces faits. […] Cela tient avant tout au génie même de l’antiquité, génie essentiellement pratique et politique qui faisait de toute chose, science, art, religion, poésie, histoire, une institution d’État. […] En professant que tout se tient et se lie dans la succession des choses, que le présent est gros de l’avenir, comme le passé était gros du présent, il a posé le principe de la théorie de l’évolution fatale et traditionnelle. […] Michelet, ne s’en est tenu à cette vue superficielle de la réalité. […] Tant qu’elle s’en tient à la partie expérimentale et analytique de sa tâche, elle est dans le vrai, et la critique n’a qu’à enregistrer et admirer des résultats incontestables.

1459. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il a dans son talent une qualité dont rien ne dispense et ne tient lieu, je veux dire la fertilité. […] Il est évident qu’il y a ici un faux respect humain qui tient en échec et qui arrête l’instinct naturel de Vicq d’Azyr. […] Nous ne pouvons que deviner le rôle qu’il tint en ces trois années agitées et périlleuses, depuis le 5 octobre jusqu’au 10 août.

1460. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Ayant entendu le 8 décembre 1700, jour de la Conception, le sermon du père Maure de l’Oratoire prêché aux Récollets de Versailles, « notre prélat en a loué, dit Le Dieu, la pureté du style, la netteté, les tours insinuants et pleins d’esprit ; mais il n’y a trouvé ni sublimité ni force ; il le tient même au-dessous de son confrère le père Massillon. » Mais ce n’est pas un jugement définitif, et l’on voit que, le vendredi 4 mars 1701, « il entendit à Versailles le sermon de la samaritaine prêché par le père Massillon, dont il fut très content. » Toutefois, il reste vrai pour nous que Bossuet et Massillon ne sont pas tout à fait de la même école d’éloquence sacrée, Bossuet étant de ceux qui y veulent à chaque instant la parole vive, et Massillon au contraire disant, quand on lui demandait quel était son meilleur sermon : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. » Les jugements de Bossuet sur Fénelon sont encore plus sévères, et ils sont décidément injustes. […] Au reste, le même abbé Le Dieu les rétractera pour sa part ces messéantes paroles, autant qu’il sera en lui ; car Bossuet mort, et peu de mois après, ayant eu l’occasion de faire un voyage à Cambrai, il fut séduit, il fut charmé comme tous ceux qui approchaient de l’aimable et de l’édifiant archevêque ; et ce même homme qui avait couché dans son journal ce que, par égard pour Bossuet même, on en voudrait effacer, écrivait à Mme de La Maisonfort, en racontant tout ce qu’il avait ouï et vu de la vénération unanime partout acquise à Fénelon : Mais je m’en tiens à ce que j’ai vu dans Cambrai, où tout est à ses pieds : on est frappé de la magnificence de sa table, de ses appartements et de ses meubles ; mais, au milieu de tout cela, ce qui touche bien davantage, c’est la modestie et, à la lettre, la mortification de ce saint prélat. […] Aujourd’hui qu’on est entré jour par jour pendant quatre années dans l’intérieur de Bossuet vieux, malade, laborieux toujours, mais défaillant par degrés et mourant, on sait à quoi s’en tenir, comme si l’on avait été soi-même un témoin oculaire lisant dans cette belle et bonne conscience à toute heure.

1461. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Sans doute, tout ne s’y tient pas également ; la source est pleine de fraîcheur, mais elle ne coule pas dans un canal régulier. […] Cette difficulté tenait au grand nombre des concurrents, à la diversité des sujets ou à la manière très diverse dont le même sujet était envisagé, et, je le dirai aussi, au grand nombre des juges. […] [NdA] La somme de 20000 francs affectée à ces prix avait été mise à la disposition de la Société par le docteur Véron qui avait tenu à garder l’anonyme, mais dont le nom n’était un secret pour personne.

1462. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Gilbert n’a pas voulu s’en tenir à ce succès et à cette appréciation littéraire une fois couronnée et publiquement applaudie. […] J’ai eu quelque pensée sur M. d’Oraison ; il a un fils qu’il voulait mettre au Régiment du roi ; je le défie de l’y faire entrer, à qui que ce soit qu’il s’adresse ; mais il est riche, il a des amis ; cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer : cependant, s’il persistait à le vouloir avec nous, je le prendrais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mais comment lui dire cela, comment même l’en persuader ? […] Je vous remets, mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : offrez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous le jugez convenable, et n’attendez point ma réponse pour agir ; je me tiendrai heureux et honoré de tout ce que vous ferez pour moi et en mon nom.

1463. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mme Récamier était, en 1823-1824, leur confidente à tous deux ; elle entrait bien pour quelque chose dans leur jalousie, dans leur rivalité déguisée ; elle penchait d’inclination, je le crains, pour le moins sage (les meilleures même des femmes sont ainsi) ; pourtant elle savait tenir la balance assez indécise encore : chacun était écouté, chacun lui parlait de l’autre ; tout le monde était content, personne n’était trahi. […] Ballanche aussi tient une grande place et a un beau rôle dans cette correspondance. […] On le voit assez, aujourd’hui encore, à la place qu’il tient dans ces volumes : l’impression des lecteurs les plus favorables est qu’on a un peu trop mis de lui ; il remplit trop de pages de son impérieuse et inévitable personnalité.

1464. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Ce général, chargé d’envahir le comté de Nice et de défendre la frontière contre les Piémontais et les Autrichiens, avait fait d’emblée la partie facile de sa tâche, la conquête du comté ; mais il s’y était tenu, ne se sentant pas la force de rien tenter de considérable au-delà. […] Dans quelque gouvernement que ce soit, pour être indépendant, il ne faut tenir en rien à ceux qui gouvernent. […] Je les ai reconnus qui se tenaient à vingt pas de moi, détournant la tête quand je les regardais, en s’extasiant sûrement de voir des pays si loin.

1465. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Destitué lui-même par le Directoire peu après le rappel de Brune, et remplacé par Rivaud qui lui apportait l’ordre de sortir de l’Italie : Je n’en tins aucun compte, dit-il, persuadé que le Directoire n’avait pas le droit de m’empêcher de vivre en simple particulier à Milan. […] Il est de ces misérables époques intermédiaires qui ne sont bonnes qu’à user les hommes : que tous ceux qui se sentent valeur et avenir, s’y tiennent à l’écart, s’ils le peuvent, et se réservent pour le jour utile ! […] Cette espèce de partie liée avec Sieyès tint-elle jusqu’à la fin ?

1466. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

chacun s’intéresse ; les huissiers s’agitent et sont eux-mêmes visiblement émus ; on se tient prêt pour quelque évanouissement. […] Veuillot à s’en tenir là dans l’éloge et à ne le considérer que comme satirique. […] Veuillot une dernière querelle, sur un des thèmes précisément qui lui tiennent le plus à cœur.

1467. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Madeleine se célèbre elle-même et sa manière de vivre : « Gracieuse aux uns, aux autres rieuse, jamais je ne me tiens à un seul », dit-elle ; et ses suivantes de l’approuver et de l’applaudir : Vous ne devez point avoir honte De recevoir en votre hôtel Tout homme, pourvu qu’il soit tel Que par lui vous n’ayez diffame pourvu que vous n’en soyez pas compromise. — C’est déjà la maxime relâchée du joli conte de Gertrude, par Voltaire : Les plus honnêtes gens y passèrent leur vie ; Il n’est jamais de mal en bonne compagnie. […]  » Pasiphaé le lui apporte avec des burettes d’eau rose et d’aspic et un linge fin : Voici vos riches oignemens Pour tenir le cuir bel et frais… Cuir pour peau n’avait rien alors de désagréable. […] Ils sont les premiers à reconnaître ; « Que l’imagination des auteurs, quand ils traitaient des sujets religieux dont les points fondamentaux étaient fixés par l’Ancien ou le Nouveau Testament, ne pouvait se donner carrière que dans quelques scènes épisodiques et dans le dialogue naïf, familier, souvent trivial, des personnages secondaires, tels que les bergers, les soldats, les démons ; que l’exactitude des tableaux, le langage plus ou moins vrai qu’on prêtait aux personnages, l’effet comique qui résultait des facéties de quelques-uns, constituaient le principal mérite de l’ouvrage aux yeux du public, et en faisaient tout le succès ; que toute espèce d’idée d’unité était absente de ces compositions et étrangère à la pensée des auteurs ; qu’on ne songeait nullement alors à disposer les faits de façon à les faire valoir par le contraste, à concentrer l’intérêt sur certaines scènes, à tenir en suspens l’esprit du spectateur et à l’amener de surprise en surprise, de péripétie en péripétie, jusqu’au dénouement.

1468. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Bignon, envoyé à Varsovie dès les premiers mois de 1811, n’était pas en mesure de tenir un pareil langage, eût-il observé les choses du même œil. […] Le retrouvant dans l’automne à Varsovie, il le tint de même à distance, et jamais il ne s’établit entre eux aucun rapport de confiance. » Remarquez que ce reproche, adressé ici à M.  […] Dans ce travail d’exploration j’avais à surmonter de nombreuses difficultés, dont la principale tenait au caractère même de la nation polonaise.

1469. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

« Chaque plante tient du sol, chaque fleur tient de son vase, chaque homme de son pays. » Qui le croirait ? […] Pas moyen d’y tenir quand, après les vœux, la jeune professe s’allonge sous ce drap mortuaire aux chants des morts, des enterrements ; mais comme la religion est aimable !

1470. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

De la tradition gauloise, c’est-à-dire purement française, il tient l’esprit, le récit leste et vif, la raillerie subtile et pénétrante, sans parler de l’immoralité qui est un jeu de l’esprit plutôt qu’une fougue des sens. […] De son siècle, de l’esprit rationaliste et scientifique qui prévalait alors, il tient son goût de vérité exacte, son observation précise et serrée, sa curieuse recherche et sa sûre connaissance de la vie morale et des passions humaines. […] Ils nous aident à comprendre aussi ce que l’unique et personnelle perfection des Fables nous dérobe : par où La Fontaine tient à la poésie légère de son temps.

1471. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Ou peut dresser l’enfant à bien tenir sa fourchette, à ne pas se mettre les doigts dans le nez, à bien se tenir à table, etc. […] Si habilement qu’on s’y prenne, on se heurtera à l’antinomie que nous avons signalée et qui tient à la double nature de l’homme, à la fois être individuel et être social.

1472. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Il serait prématuré de viser à construire un système complet que l’avenir pourrait renverser ; il est sage de s’en tenir à quelques résultats généraux, mais certains, dont les travaux des historiens et des philosophes accroîtront peu à peu le nombre et la précision. […] Est-ce qu’il est possible aux nouveaux venus, même quand ils répudient une partie de ce legs, de faire table rase de ce qui a existé avant eux, de n’en tenir aucun compte, de recommencer toute la civilisation, comme si le monde datait de leur apparition sur la terre ? […] Les plus violentes ruptures de tradition ne peuvent briser la chaîne qui unit aujourd’hui à hier ; par leur sang comme par leurs idées, les fils les plus rebelles tiennent encore de leurs pères.

1473. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Imposer la succession régulière des quatre drames de la Tétralogie est une noble pensée digne de l’esprit de Wagner ; est-il possible cependant de s’y tenir longtemps ? […] Lamoureux n’aurait naturellement pas eu le temps de préparer en quatre mois, bien que l’ouvrage n’ait pas de chœurs, la représentation de la Walkure pour sa saison théâtrale de 1387 ; mais, si les directeurs de la Monnaie n’obtiennent pas l’autorisation demandée, il y a tout lieu de croire, à moins d’un premier échec, que l’éminent chef d’orchestre ne s’en tiendra pas à Lohengrin 101. […] César Franck je le sais, est originaire de Belgique ; mais c’est pour nous qu’il a écrit, c’est en France qu’il a vécu et travaillé, et, ce libre choix, il a tenu à l’affirmer aux heures les plus douloureuses de l’An terrible.

1474. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton. […] À défaut de nom, je l’appelais en moi-même mystère : je lui rendais sous ce nom un culte qui tenait de la terre par la tendresse, de l’extase par l’enthousiasme, de la réalité par la présence, et du ciel par l’adoration. […] Quant aux grandes scènes finales de l’arbre de Saint-Cloud, autrement dit l’arbre de l’Adoration, et aux promenades dans le parc de Mousseaux, j’y suis peu sensible ; elles rentrent dans ce nouveau système d’amour, qui consiste à identifier Julie avec la nature et avec Dieu, à faire de tous les trois un mélange qui semble tenir à la présente religion de l’auteur, et qui appartient peut-être à la future religion du monde.

1475. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Très jeune, M. de Rémusat s’est pris d’un goût vif pour les questions philosophiques et métaphysiques, et pour cette escrime déliée qui semble tenir à la qualité même de l’intelligence. […] Des deux volumes sur Abélard, il n’y a que la moitié du premier volume qui soit à notre usage, je veux dire à l’usage des esprits qui tiennent à ce que le sérieux ne soit pas dénué de tout agrément ni de tout profit, et qui ne se paient pas du pur amour-propre de comprendre. […] Anselme était né de parents nobles et riches, d’un père homme du siècle et livré à ses passions, d’une mère bonne et pieuse, de laquelle il tint beaucoup.

1476. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Il ne tient pas à lui… M. le dauphin, qu’on appelait monseigneur, père du duc de Bourgogne, commandait l’armée d’Allemagne, et avait, sous ses ordres, et pour conseil, MM. les maréchaux de Duras, de Boufflers et d’Humières. […] Ces sortes de dieux, et la raison qui tient le haut bout est d’un style très-négligé. […] La Fontaine suppose que l’amour est là, et lui tient compagnie.

1477. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

» Il me semble que c’est tenir trop peu de compte de la structure même des vers, de l’heureux emploi des coupes et des césures, de l’ordonnance de la strophe, de la précision et de l’aisance du Rythme qui me paraissent bien concourir à l’harmonie. […] En effet, au siècle des Pascal et des Corneille, tous les peuples tenaient leurs yeux attachés sur la France ; ils contemplaient Versailles où triomphaient Molière et Racine, comme on contemple le soleil. […] Jusqu’en 1815, l’Allemagne nous semble avoir tenu le principat intellectuel, de par Goethe et Schiller, Herder et Fichte ; mais depuis la Restauration, date d’une seconde Renaissance, depuis l’apparition des Villemain, des Thierry, des Michelet ; depuis l’avènement de Lamartine et de Victor Hugo, quelle est la littérature dont l’Europe, même involontairement, proclame la suprématie irrécusable ?

1478. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

En passant des mains des apôtres juifs en celles de Grecs et de Latins, possédant une plus profonde culture et soumis à de meilleures habitudes de discipline intellectuelle, le christianisme perdit pour un temps cette tendance qu’il tenait de ses origines orientales. […] Un jour, cependant, Barbey d’Aurevilly, qui professait pour lui une grande admiration littéraire et une vive sympathie intellectuelle, ne put se tenir de le tancer vertement pour avoir présenté un de ses livres sous ce titre : les Plateaux de la Balance, image usée, vulgaire et jetée au rebut des allocutions de comices agricoles. […] À l’exemple du célèbre Voyage en France et en Italie, le récit de la moindre Excursion dans les provinces occidentales de France par Brune, ou même d’une simple Promenade de Lausanne à Yverdun par Vernes était tenu d’être Sentimental.

1479. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Nos annales françaises font partie du domaine de la poésie, comme toutes les histoires des peuples ; mais c’est en ce qu’elles tiennent à l’histoire du genre humain. […] Les fêtes, quelles qu’elles soient, tiennent à des traditions qui souvent sont très obscures ou tout à fait perdues, et ont certainement une origine religieuse. […] L’espèce d’abandon où nous avons laissé jusqu’à présent les monuments de notre langue romance tient à cet inconcevable dédain de nos propres origines, que j’ai si souvent déploré dans cet écrit.

1480. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Et en effet, il est impossible de fournir de la race une définition précise, et de lui assigner une action originale, — si on ne la tient pour un ensemble de qualités fondées dans le corps, comme telles relativement immuables et transmissibles héréditairement. Si l’on continue à donner aux « races » des qualificatifs qui ne conviennent qu’aux « civilisations », et à tenir pour l’apanage des races germaine ou slave des institutions d’ailleurs variables, dont l’hérédité biologique ne saurait nullement expliquer la permanence ou les transformations, il est trop évident qu’on ne fait qu’emprunter un mot au vocabulaire naturaliste pour désigner des phénomènes sociaux. […] Tant qu’on ne nous aura pas montré comment le métissage impose aux cerveaux certains arrangements de molécules tels qu’ils produisent fatalement, en vertu de lois plus générales antérieurement connues, la combinaison d’idées qui aboutit a l’égalitarisme, l’égalitarisme ne saurait être légitimement tenu pour la conséquence du métissage.

1481. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

On voit que le bien et le mal de ce règne célèbre tient à une seule idée, une idée de grandeur, tantôt exagérée et tantôt vraie. […] Il sut comme lui employer les talents, et faire, servir les grands hommes à sa renommée ; mais il fallait qu’Octave se servît de ses égaux pour sa grandeur, et leur persuadât qu’il avait droit à leurs victoires, quoiqu’il ne tînt ce droit que de leurs victoires même. […] Là on verrait Turenne et Condé, Catinat et Vauban ; Lamoignon tiendrait à la main le code des ordonnances ; Colbert, ses plans de marine et de commerce ; Racine s’avancerait sur les pas de Corneille ; Molière et La Fontaine suivraient : après eux viendraient les artistes célèbres.

1482. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

L’auteur s’est, depuis longtemps, installé en maître dans cette forme d’art : il s’y tient ; il déclare qu’il a résolu de s’y tenir, et il n’a pas tort. […] Ses ancêtres se tenaient souvent debout, l’épée nue, devant la porte du roi. […] Il tient à la main une faux qu’il aiguise continuellement avec des ossements humains. […] Aussi, comme il tenait son bataillon dans sa main ! […] Celui qui tient les masses règne.

1483. (1888) Études sur le XIXe siècle

Ô nature, ô nature, pourquoi ne tiens-tu pas plus tard ce que tu nous as promis ? […] Nous nous en tiendrons à celles de D. […] Ce sont eux, en tous cas, qui se sont jusqu’à ce jour le plus nettement affirmés, et c’est à eux que je m’en tiendrai. […] Ce n’est point non plus par hasard que la mosaïque tient une si grande place dans l’art industriel national. […] la tienne commence.

1484. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Les gens d’esprit y sont tenus d’y faire des vers et dans un certain style, comme les autres y sont tenus d’y étaler des dentelles et sur certain patron. […] Il apprenait l’art d’égayer, de toucher, de parler d’amour ; il sortait ainsi des études arides ou spéciales ; il savait choisir parmi les événements et les sentiments ceux qui peuvent intéresser ou plaire ; il était capable de tenir sa place dans la bonne compagnie, d’y être quelquefois agréable, de n’y être jamais choquant. […] Il n’y a point de société ni de conversation qui puisse subsister dans le monde sans bonté ou quelque autre chose qui en ait l’apparence et en tienne la place ; pour cette raison, les hommes ont été forcés d’inventer une sorte de bienveillance qui est ce que nous désignons par le mot d’urbanité. » Il vient ici d’expliquer involontairement sa grâce et son succès. […] Le jeune, homme, après avoir attendu un instant, lui dit : « Cher Monsieur, vous m’avez fait demander ; je crois, j’espère que vous avez quelques commandements à me donner ; je les tiendrai pour sacrés. » Le mourant, avec un effort, lui serra la main et répondit doucement : « Voyez dans quelle paix un chrétien peut mourir. » Un instant après, il expira. […] S’il se tient au-dessus de la vie sensuelle, il reste au-dessous de la vie philosophique.

1485. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Zola a commencé un des tableaux les plus noirs de sa jeunesse, des amertumes de sa vie de tous les jours, des injures qui lui sont adressées, de la suspicion où on le tient, de l’espèce de quarantaine faite autour de ses œuvres. […] Et deux petits chiens, nouveaux nés, gros comme des rats, se tiennent fraternellement dans les pattes l’un de l’autre, se mordillant leurs petites gueules entrouvertes. […] Renan. — Le miel de l’Hymète… il n’est bon que quand il est vieux… Alors il est dur, il faut le couper au couteau : Tenez, pendant le siège, nous avons fait la découverte d’une boîte oubliée… elle était au moins, depuis six ans, à la maison… ça été une vraie ressource. […] des livres dans le roulage… Tenez, vous êtes un bon garçon, je vous les donne… Vous me payerez deux francs par mois. » « C’est ainsi que je devins possesseur d’un Montaigne et d’un Rousseau. […] Un jeune homme, dont la mère tenait un commerce de dentelles à Groslay, passe sa jeunesse toute entière à courir à cheval les villages des environs, à surveiller le travail des ouvrières, et à leur faire des enfants.

1486. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Le boudoir de la maîtresse de maison tient de la chapelle et du harem. […] La science n’aurait pas tenu ce qu’elle a promis ! […] Et n’a-t-elle pas tenu cette promesse ? Ne la tient-elle pas constamment ? […] On veut tenir une place, être notoire, ou notable.

1487. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Les critiques que fait le marguillier de don Diègue et du comte de Gormas n’ont aucun fondement ; la vanité de don Diègue tient à son caractère, à son pays. […] Après la mort de Numa, qui avait tenu leur haine en respect, ils s’attaquèrent mutuellement. […] Je ne suis cependant pas terrassé par ces deux grandes autorités, et je ne tiens pas Corneille pour battu. […] Les citadins de Rome pouvaient-ils tenir contre la vieille infanterie de César ? […] Je ne sais même s’ils n’en viennent pas jusqu’à mépriser cette bonne foi, cette grandeur d’âme ; s’ils ne prennent pas pour bêtise ce qui tient au génie, et pour défaut d’adresse ce qui est le comble de l’art.

1488. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

n’est-ce pas s’en tenir à des combinaisons sensées, prudentes, françaises, en effet, mais tout extérieures ? […] philosophique qui l’aura occupé, car nous tenons d’une personne qui l’a rencontré dans ce voyage et qui passait au retour par nos contrées, que l’illustre écrivain, chaque matin, méditait quelque chose.

1489. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Et vous, confrère et médecin, qui trouvez d’ailleurs, dites-vous, mes éloges du docteur Paulin justes et mérités, vous venez, après neuf ans, relever, par une diatribe bruyante, qui vise au grotesque et qui prend en s’affichant des airs de mascarade, quelques négligences et des rapidités inévitables de diction : vous venez en faire une sorte d’éclat et comme de découverte dans un journal quotidien, de telle sorte qu’il ne tenait qu’aux lecteurs de l’Événement, ce jour-là, de croire que je m’étais rendu coupable d’un méfait littéraire assez récent, d’une harangue tout à fait ridicule. […] Tel est l’usage ; et c’est ainsi qu’à propos de l’École normale dans sa première nouveauté, j’ai été conduit à parler de la « ferveur de la création. » Enfin (et c’est là le seul côté sérieux de la discussion présente) ce docteur, grammairien improvisé, prend pour des fautes de langue ce qui n’est, à vrai dire, que le caractère et la marque d’an style ; il impute à la grammaire ce qui tient à la manière d’un écrivain.

1490. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Si, dans le système du monde, les diverses natures des êtres, des espèces, des choses, des sensations, se tiennent par des intermédiaires, il est certain que la passion du crime est le chaînon entre l’homme et les animaux ; elle est à quelques égards aussi involontaire que leur instinct, mais elle est plus dépravée ; car c’est la nature qui a créé le tigre, et c’est l’homme qui s’est fait criminel : l’animal sanguinaire a sa place marquée dans le monde, et il faut que le criminel le bouleverse, pour y dominer. […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.

1491. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Lorsque l’espoir de faire une découverte qui peut illustrer, ou de publier un ouvrage qui doit mériter l’approbation générale, est l’objet de nos efforts, c’est dans le traité des passions qu’il faut placer l’histoire de l’influence d’un tel penchant sur le bonheur ; mais il y a dans le simple plaisir de penser, d’enrichir ses méditations par la connaissance des idées des autres, une sorte de satisfaction intime qui tient à la fois au besoin d’agir et de se perfectionner ; sentiments naturels à l’homme et qui ne l’astreignent à aucune dépendance. […] C’est une action continuelle, et l’homme ne saurait renoncer à l’action ; sa nature lui commande l’exercice des facultés qu’il tient d’elle.

1492. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

On s’en tenait aux escarmouches, aux actions de détail. […] Cependant Boileau, qui ne se tenait pas de rage pendant la lecture de Perrault, Boileau n’éclatait pas.

1493. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Le poète de Mirèio est un André Chénier, mais c’est un André Chénier gigantesque qui ne tiendrait pas dans les Quadri où tient le génie du premier.

1494. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ce scalpel qu’il tient si bien, qu’il dirige si sûrement le long des moindres nervures du cœur ou du front, il l’a pris tard, après l’épée, après la harpe ; il a tenté d’être, entre tous ceux de son âge, poète antique, barde biblique, chevalier trouvère. […] Ayant cherché Dieu dans la nature et ne l’ayant pas trouvé, il voulait que l’être humain se tint seul et debout, ayant son Dieu présent en lui : l’Honneur.

1495. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Je tiens la chose pour faite. […] Et quel emploi tient-elle à la cour ?

1496. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Bourget s’en tient louablement à des « énoncés ». […] S’il tenait à une distinction binaire, il eût plus valablement séparé (bien que dans presque tous les chefs-d’œuvre on doive constater leur concours) le roman de conscience et le roman d’inconscience.

1497. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

L’opium de ses pilules le tient engourdi deux après-midi sur trois. […] Il flotte entre le pointilleux, le méticuleux Bourget qui le retient aux limites du devoir parnassien, et le spéculatif Gustave Kahn qui tient de ses origines sémites une grande facilité d’improvisation, des aptitudes d’essayiste et qui le pousse aux aventures.

1498. (1890) L’avenir de la science « XI »

Ce fait d’une langue ancienne, choisie pour servir de base à l’éducation et concentrant autour d’elle les efforts littéraires d’une nation qui s’est depuis longtemps formé un nouvel idiome, n’est pas, comme on voudrait trop souvent le faire croire, l’effet d’un choix arbitraire, mais bien une des lois les plus générales de l’histoire des langues, loi qui ne tient en rien au caprice ou aux opinions littéraires de telle ou telle époque. […] Nulle loi, nul règlement ne leur a donné, ne leur ôtera ce caractère qu’ils tiennent de l’histoire.

1499. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Nous ne prétendons pas justifier Lafontaine sur quelques défauts de langage : nous pourrions dire que ces défauts tiennent en quelque sorte à la tournure de sa pensée, & contribuent souvent à l’embellir. […] A l’égard des Vertus, rarement on les voit Toutes, en un sujet éminemment placées, Se tenir par la main sans être dispersées.

1500. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Ces discours devoient plaire à des gens qui supposoient dans les animaux un dégré de connoissance que nous ne leur accordons pas, et qui plusieurs fois en avoient tenu de pareils à leurs chevaux. […] il est bien à croire que cela ne s’étoit point fait sans que l’ambassadeur eut tenu à ses chevaux des propos capables de le bien faire reprimander par nos censeurs.

1501. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Puisqu’il nous en faut tenir au préjugé sur leur habileté dans l’art des représentations théatrales, ce préjugé ne doit-il point être qu’ils y réussissoient, et que nous donnerions à ces représentations si nous les voïions, les mêmes loüanges que nous donnons à leurs bâtimens, à leurs statuës et à leurs écrits. […] Ils observoient même de se tenir couchez durant cet exercice.

1502. (1762) Réflexions sur l’ode

S’il ne tient qu’à cela, ont-ils dit, nous mettrons de la philosophie dans nos vers. […] Qu’on me permette à cette occasion une réflexion qui tient à mon sujet.

1503. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Jusque-là tout était parfait, — un peu ardent peut-être, — mais enfin…, bien, et, catholique comme je le suis, je n’aurais été qu’édifié de cette conduite et je n’en aurais parlé que discrètement et pour l’édification des âmes, si la trop crâne dévote qui avait effarouché les Pères de la Terre-Sainte ne s’était pas avisée de publier le livre que je vous annonce ; livre qui tient tout à la fois des Mémoires et du Roman, et dans lequel, Mme Marie-Alexandre Dumas, nous parle d’elle-même sans guimpe ni voile, et de son couvent et de sa cellule et de ses communions, comme de choses officielles et connues, que tout le monde doit savoir, sans explication préalable, et si ce livre n’avait pas la portée voulue d’une prédication mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort, mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté ! […] … Enfin toute religieuse et pure, et Imitation de Jésus-Christ et Introduction à la vie dévote qu’elle veuille être et se conserver, Mme Marie-Alexandre Dumas finit par ne plus y tenir ; et le tempérament Dumas prenant le mors aux dents, elle saute par-dessus toutes les réserves dans les terres de son père et de son frère, et la voilà qui nous raconte, — ma foi, tout aussi crûment qu’eux, — un horrible drame d’adultère et de meurtre que, pendant qu’elle est au couvent à Passy, son père et son frère, ces forts arrangeurs, pourraient planter à la scène et faire jouer.

1504. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Il y a dans le titre seul de cette histoire quelque chose de fastueux, d’étalé, de gonflé, qui sent son petit Tuffière historique en herbe, et qui dispose mal la critique en faveur d’un livre annonçant plus qu’il ne peut tenir. […] … À côté de ce superbe cadre d’événements dans lequel peut tenir cette fresque historique à tant de groupes (la vie de Napoléon, sa famille, son époque), on pourrait être beaucoup plus grand que lui et paraître petit encore… Mais, franchement, ce n’est pas même sous le coup terrible du contraste qu’il se rapetisse, se fond et disparaît.

1505. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Si elles sont d’elle, en effet, on ne saurait trop admirer le mot qu’on s’est donné (et qu’on s’est tenu) de les traiter imperturbablement de chef-d’œuvre en fait d’expression passionnée. […] Nous n’en tenons pas moins pour certain que la femme qui écrivit de pareilles lettres n’appuya jamais son sein bouleversé contre les marches d’un autel.

1506. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Comme les amoureux qui croient tenir des divinités dans leurs bras, il a cru tenir un homme de génie sous les caresses de sa plume.

1507. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Après cette généreuse distribution, le général se mettait seul à table, pendant que ses aides de camp et son secrétaire se tenaient debout derrière lui. […] Ses amours et ses aventures tiennent plus du roman que de l’histoire. […] Alors, voyant que sa bonne se tenait debout pour le servir, il lui dit de se mettre à table à côté de lui ; mais ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à l’y décider. […] Tiens, ma bien-aimée, prends cette branche fleurie de citronnier, que j’ai cueillie dans la forêt ; tu la mettras, la nuit, près de ton lit. […] J’aime bien ma mère, j’aime bien la tienne ; mais quand elles t’appellent mon fils, je les aime encore davantage.

1508. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Les Allemands, avec lesquels il a plus d’un rapport intellectuel, le tenaient en grande estime, et nous, en ce temps-là, nous tenions en grande estime les Allemands. […] Dans le volume d’aujourd’hui, intitulé Philosophie, je l’ai dit déjà, la philosophie de Diderot ne tient pas. […] Seulement, en rentrant dans l’ordre de la critique purement littéraire et dramatique, ce qu’on appelle le théâtre de Diderot ne tient vraiment pas devant un examen désintéressé. […] Il se contentait de dire sa petite impression, puis se retirait sous ses petites phrases, petit serpent de ces petites fleurs… Diderot, lui, avait cette puissance de dire à un homme qui avait échoué : Tenez ! […] Le croirait-on, si on ne tenait sous la main tous ses Salons ?

1509. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Du moment qu’elle sait tout ou veut tout savoir, pourquoi se tiendrait-elle sur la réserve ? […] À quoi tient pourtant le bonheur des nations. […] Scribe tient encore à d’autres causes que l’imitation. […] tient-elle à garder l’amitié de monseigneur l’archevêque ? […] Chacun sait à quoi s’en tenir sur la révolution poétique de 1829 ; mais M. 

1510. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Leur plus belle pensée, ils la tiennent en réserve dans leur âme. […] Ulysse, dans ses liens, s’agite : on resserre les cordes qui le tiennent. […] Pour convaincre Müller de se tenir coi, M.  […] Non : il analyse et il tient sa synthèse. […] Je tiens la lampe… — Ah !

1511. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Il prenait avec intelligence le mouvement indiqué et savait tenir la pose, qualité rare ! […] Bien que l’ombre soit descendue trop rapidement sur lui, il a tenu une assez grande place dans ce temps-ci. […] L’enthousiasme tenait du délire. […] Ils vont si vite que Faust a de la peine à se tenir. […] Si la vie ne nous a pas tenu toutes ses promesses, l’art au moins, rendons-lui cette justice, ne nous a jamais trompé.

1512. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

La table des matières du petit volume où il tient à l’aise est vraiment encyclopédique. […] Sa faculté de s’insinuer tient du prodige. […] André Léo tient la plume d’une main ferme : son Mariage scandaleux est une œuvre. […] Cela tient du boniment, de la charge d’atelier, de la parodie et de la caricature. […] Le public n’est pas tenu au courant des anecdotes et ne connaît pas les figures.

1513. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Taine est embarrassé d’expliquer comment il se fait que M. de Biran, qui avait eu le bonheur de naître sensualiste, ne s’en est pas tout simplement tenu là ; il paraît donc que le sensualisme ne suffit pas à tout le monde. […] Un tel système ne pouvait toutefois tenir longtemps devant l’application. […] Rien de plus facile que d’éliminer une science, lorsqu’on supprime purement et simplement les problèmes qu’elle soulève, que l’on tient pour non avenus tous les faits qu’elle a établis et les vérités qu’elle a démontrées. […] Il consacre quelques pages de cette préface à l’une des questions qui lui tiennent le plus à cœur, ainsi qu’à nous, la question des causes finales. […] Si nous présentons nous-mêmes de fortes pensées, on nous tiendra volontiers quittes des critiques de nos adversaires.

1514. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Le chaste amour qu’elle exprime et qui la colore, ne tient plus de la volupté terrestre, et ne paraît être que la flamme de la vertu conjugale. […] Ces dénombrements ne perpétuent pas même le souvenir des individus, et tiennent la place que réclame l’action et que doit occuper la vue intéressante des héros et des mœurs. […] Le poète épique, jaloux de leur faire parcourir la vaste carrière qu’il leur ouvre, ne doit donc pas oublier de les tenir en haleine, par l’intérêt, le plaisir, et l’instruction. […] Ceux qui l’écoutent ne peuvent apercevoir ces objets de l’enceinte où se tient le conseil, ainsi qu’il les découvrit du lieu où il était en sentinelle. […] Que dirai-je des nœuds politiques, des mariages contractés par les fils nombreux et les parents de Priam et d’Hécube, liens étendus qui tenaient les états environnants dans la dépendance du monarque troyen ?

1515. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Albalat croit qu’il y a un goût absolu, de même qu’il tient pour très probable l’existence d’un beau immuable. […] Albalat tienne en mépris (ou ignore) l’admirable littérature du onzième siècle ! […] A quoi tient la gloire de La Fontaine ? […] C’est dans les bois, les prairies et les potagers qu’il faut tenir les écoles d’art décoratif. […] Tout se tient dans une langue qui est presque aussi lue qu’elle est parlée.

1516. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Harvey le méprisait, le tenait pour un vain compilateur. […] Cela tient en grande partie à la médiocrité de ses traducteurs et de ses commentateurs. […] C’est le dédain pour le pouvoir d’un homme qui le tient et ne le lâchera pas volontairement. […] Cette valeur tient-elle à la qualité du style ou à la qualité de la pensée ? […] Comme tout se tient !

1517. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Il mène assez grand bruit pour tenir ce dernier suffisamment en éveil ». […] Ô monsieur Floquet, vous n’avez qu’à bien vous tenir. […] Il a bien fait, tiens, après tout ! […] tient plutôt à son intellectualité qu’à sa sensibilité. […] Nous tenons ce précieux renseignement de M. de Somer, beau-père de notre Vermersch.

1518. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

L’apothicaire romain tient sur même planche la boîte à remèdes, la boîte à cosmétiques et la boîte à poison128. […] Le seigneur Voltore vient d’apporter une pièce d’argenterie. —  Tiens, Mosca, dit Corbaccio, regarde. […] quelque idiote sortie de l’hôpital, qui se tiendrait roide, les mains comme ceci, la bouche tirée d’un côté, et les yeux sur vous154 ?  […] Les marches du trône s’élèvent portant des groupes de Cupidons, qui chacun tiennent une torche170. […] Ce caractère tient le milieu entre ceux de Fielding et de Samuel Jonson.

1519. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Depuis soixante ans, ils s’en approchaient ; à présent ils le tiennent, ils le manient, déjà ils l’usent et l’exagèrent. […] Il ne peut se lever ; c’est une femme qui l’habille ; on lui enfile trois paires de bas les unes par-dessus les autres, tant ses jambes sont grêles ; puis on lui lace la taille dans un corset de toile roide, afin qu’il puisse se tenir droit, et par-dessus on lui fait endosser un gilet de flanelle ; vient ensuite une sorte de pourpoint de fourrure, car il grelotte vite, et enfin une chemise de grosse toile très-chaude avec de belles manches. […] Un grand écrivain est un homme qui, ayant des passions, sait le dictionnaire et la grammaire ; celui-ci sait à fond le dictionnaire et la grammaire, mais s’en tient là. […] Ils tenaient à ce style comme à leur habit ; c’était affaire de convenance ou de cérémonie ; il y avait un patron accepté, immuable ; on ne pouvait le changer sans indécence ou ridicule ; écrire en dehors de la règle, surtout en vers, avec effusion et naturel, c’eût été se présenter dans un salon en pantoufles et en robe de chambre. Leur plaisir, en lisant des vers, était de vérifier si le patron était exactement suivi ; l’invention n’était permise que dans les détails ; on pouvait ajuster là une dentelle, ici un galon ; mais on était tenu de conserver scrupuleusement la forme officielle, de brosser le tout avec minutie, et de ne paraître jamais qu’avec des dorures neuves et du drap lustré.

1520. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Il était né à Salzbourg, charmante petite ville allemande qui tient plus du Tyrol que de la Germanie par le site, par la physionomie, par les mœurs et par la langue. […] Ce qui a paru encore plus extraordinaire à MM. les Français, c’est que, au grand couvert qui eut lieu dans la nuit du nouvel an, non seulement on nous fit place à tous près de la table royale, mais Monseigneur Wolfgangus dut se tenir tout le temps près de la reine, lui parla constamment, lui baisa souvent les mains, et mangea à côté d’elle les mets qu’elle daignait lui faire servir. […] Je me tenais près de lui. De l’autre côté du roi, où étaient assis M. le Dauphin et madame Adélaïde, se tenaient ma femme et ma fille. […] Tu vas entrer dans un monde nouveau, et il ne faut pas que tu t’imagines que c’est par préjugé que je tiens Paris pour une ville si dangereuse ; au contraire, je n’ai, par ma propre expérience, aucun motif de considérer Paris comme dangereux ; mais ma situation d’alors et ta position actuelle diffèrent comme le ciel et la terre.

1521. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

de tenir tout ce que les Consolations avaient promis. […] Gallus, qui eut part avec lui dans la protection du jeune Virgile, finit de bonne heure par une catastrophe et par le suicide ; lui aussi il semble, comme Fouquet au début de Louis XIV, n’avoir pu tenir contre les attraits enchanteurs de la prospérité. […] Il fallut quelque protection nouvelle et présente, telle que celle de Varus (on l’entrevoit), pour mettre le poète à l’abri de la vengeance, et pour tenir la main à ce que le bienfait d’Octave eût son exécution ; à moins qu’on n’admette que ce ne fut que l’année suivante, et après la guerre de Pérouse, Octave devenant de plus en plus maître, que Virgile reconquit décidément sa chère maison et son héritage. […] « Je crois être dans le vrai en insistant sur cette médiocrité de fortune et de condition rurale dans laquelle était né Virgile, médiocrité, ai-je dit, qui rend tout mieux senti et plus cher, parce qu’on y touche à chaque instant la limite, parce qu’on y a toujours présent le moment où l’on a acquis et celui où l’on peut tout perdre : non que je veuille prétendre que les grands et les riches ne tiennent pas également à leurs vastes propriétés, à leurs forêts, leurs chasses, leurs parcs et châteaux ; mais ils y tiennent moins tendrement, en quelque sorte, que le pauvre ou le modeste possesseur d’un enclos où il a mis de ses sueurs, et qui y a compté les ceps et les pommiers ; qui a presque compté à l’avance, à chaque récolte, ses pommes, ses grappes de raisin bientôt mûres, et qui sait le nombre de ses essaims. […] Après les déchirements de la spoliation et de l’exil, ayant reconquis, et si pleinement, toutes les jouissances de la nature et du foyer, il n’oublia jamais qu’il n’avait tenu à rien qu’il ne les perdît : un voile légèrement transparent en demeura sur son âme pieuse et tendre.

1522. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Mais, quand Platon voulut transporter sur la terre ses rêves impossibles et introduire ses fantaisies dans le domaine des réalités, Aristote le plaignit, repoussa modestement ses doctrines politiques, aigrit son maître, qui tenait plus à ses chimères qu’aux vraies doctrines de Socrate, et s’éloigna respectueusement de lui. […] Tous assurent qu’il mourut d’une mort violente, forcée ou volontaire : triste récompense pour un homme qui avait toujours cherché à tenir son destin et son âme en équilibre et comme dans un juste milieu, entre l’espérance et le désespoir. […] « En effet, tous ces individus tiennent à la famille, aussi bien que la famille tient à l’État ; or la vertu des parties doit se rapporter à celle de l’ensemble ; il faut donc que l’éducation des enfants et des femmes soit en harmonie avec l’organisation politique, s’il importe réellement que les enfants et les femmes soient bien réglés pour que l’État le soit comme eux. […] Il n’a point parlé davantage de plusieurs autres qui leur tiennent de bien près, telles que le gouvernement, l’éducation et les lois spéciales à la classe des laboureurs : or il n’est ni plus facile ni moins important de savoir comment on l’organisera, pour que la communauté des guerriers puisse subsister à côté d’elle. […] Aujourd’hui même, il y suffit du décret d’un seul magistrat pour que tous les membres du gouvernement soient tenus de se réunir en assemblée générale ; et, dans cette constitution, l’archonte unique est un reste d’oligarchie.

1523. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il sentait que la colonne fondamentale du monde conservateur auquel il tenait allait s’écrouler. […] L’Allemagne aussi me tient fortement au cœur. […] (Je tiens pour à peu près impossible un accommodement ; et s’il se faisait, il serait inutile ; nous serions de nouveau comme autrefois.) […] Cependant je tiens les quatre évangiles pour parfaitement authentiques, car il y a là le reflet de l’élévation qui brillait dans la personne du Christ, élévation d’une nature aussi divine que tout ce qui a jamais paru de divin sur la terre. […] Le nom d’Ottilie revenait souvent sur ses lèvres ; il la pria de s’asseoir auprès de lui et tint longtemps sa main dans les siennes.

1524. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Nous ne désirons plus l’objet futur, nous le tenons, par la substitution de l’image intense à l’objet. […] L’animal qui perd ce qu’il tenait à un sentiment de perle très distinct du sentiment de jouissance, et qui n’est pas non plus le sentiment de désir, orienté vers le futur. […] Il la laisse échapper et ne la tient plus, voilà le passé ; il la ressaisit et la dévore, voilà le présent. […] C’est qu’il s’en tient toujours à des représentations et à des rapports de représentations statiques, au lieu de faire appel au dynamisme appétitif. […] Cette séparation tient à ce que l’image est moins intense, moins différenciée, moins complète, enfin liée à d’autres images également faibles (souvenirs concomitants), que contredit l’ensemble intense et complet des perceptions actuelles.

1525. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Si cet homme-là tenait par métier une plume entre les mains comme Charles Nodier ou Alexandre Dumas (qu’il aimait tous deux), il n’en serait pas plus embarrassé que de son épée ; mais l’épée lui va encore mieux que tout. […] Quand le mal vient saper mon moral, que je me sens seul, isolé, loin de tout ce que j’aime, j’ai le cœur bien serré ; alors je regarde ma croix, mes épaulettes, je pense à mes enfants, à vous, à mon passé, à l’avenir ; je me roidis et je tiens bon, mais mes cheveux blanchissent et mes genoux tremblent. » Dans une expédition faite pour prendre possession de Djidjelli (mai 1839) et pour châtier les Kabyles voisins, le capitaine Saint-Arnaud mérite d’être proposé pour le grade de chef de bataillon, en remplacement du brave Horain, qui meurt des suites d’une blessure. […] Saint-Arnaud n’est pas de l’expédition des Portes de fer, que le maréchal Valée exécute de concert avec le duc d’Orléans (octobre 1839) ; mais il tient, malgré sa fièvre, à être des expéditions qui se font dans les mois suivants. […] Mais il a touché le terme, et, comme dans l’épopée antique, le fantôme de la mort l’environne jusque durant sa victoire et se tient debout à ses côtés. « Si je triomphe, avait-il dit en s’embarquant, je ne resterai pas longtemps à jouir du succès ; j’aurai fait plus que ma tâche, et je laisserai le reste à faire à d’autres ; mon rôle sera fini dans ce monde, nous vivrons pour nous dans la retraite et le repos. » Il écrivait cela à la maréchale en se flattant peut-être ou plutôt en la flattant ; il n’y avait plus pour lui que l’éternel repos. […] Le maréchal de Saint-Arnaud est de ceux qui ne sont pas plus embarrassés à tenir la plume que l’épée, et qui, en ne songeant qu’à laisser courir leur pensée du moment, réussissent souvent à mieux dire que les auteurs de profession.

1526. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

En tête d’un des nombreux projets d’ouvrages de métaphysique qu’il a ébauchés, je trouve cette phrase qui ne laisse aucun doute : « C’est en 1803 que je commençai à m’occuper presque exclusivement de recherches sur les phénomènes aussi variés qu’intéressants que l’intelligence humaine offre à l’observateur qui sait se soustraire à l’influence des habitudes. » C’était s’y prendre d’une façon scabreuse pour tenir fidèlement cette promesse de soumission religieuse et de foi qu’il avait scellée sur la tombe d’une épouse. […] Vous tenez beaucoup trop à la vie, et j’y tiens trop peu. […] Il faut que vous quittiez Paris, que vous renonciez aux projets que vous aviez formés en y allant, parce que vous ne pourrez jamais trouver, je ne dis pas le bonheur, mais au moins le repos, dans cette solitude de tout ce qui tient à vos affections. […] Par malheur, si M. de Biran se tient trop étroitement à cette volonté retrouvée, à cette causalité interne ressaisie, comme à un axe sûr et à un sommet, d’où émane tout mouvement, M.  […] Cette difficulté tenait sans doute à la connaissance originelle de l’idée de cause et à la distinction du moi d’avec le monde extérieur.

1527. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Je lis ou j’écris jour et nuit ; l’un me délasse de l’autre… Mes yeux sont affaiblis par les veilles, ma main est lasse de tenir la plume, mon cœur est rongé par les soucis… J’ai à combattre mes passions ; pour tout ce qui tient à la fortune, je suis dans un juste milieu, également éloigné des deux extrêmes. […] Après avoir tenu tous les propos qu’une nouvelle connaissance amène, nous nous sommes assis dans votre jardin avec quelques amis qui étaient avec nous ; alors elle m’a offert votre maison, vos livres et tout ce qui est à vous, qu’elle m’a pressé d’accepter aussi vivement que la décence de son sexe pouvait le permettre. […] « De cette même main que je désirai tant tenir dans les miennes elle m’essuie les yeux, et le son de sa voix, et ses douces exhortations m’apportent des douceurs à l’âme qu’aucun homme mortel n’a jamais senties ! […] Ugo Foscolo, qui écrivit ce capricieux et pathétique petit volume en 1809, est un génie avorté dans la misère et dans la proscription, qui tenait à la fois du Dante, de Gœthe, de Byron et de Pétrarque : sauvage comme Dante, rêveur comme Gœthe, amer comme Byron, amoureux comme Pétrarque. […] Ils ont tenu à avoir l’infâme gloire de me conduire toujours mendiant, comme Homère, à ma sépulture !

1528. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Si on voulait réussir, il fallait s’en tenir là, et ne pas lui fournir un prétexte légitime de dire qu’on attaquait la religion elle-même dans ce qu’elle avait d’immuable et de sacré. […] Mais, dans les temps modernes, le créateur d’une religion serait tenu pour un imposteur ; et, entouré de terreur comme Robespierre, ou de gloire comme le jeune Bonaparte, il aboutirait uniquement au ridicule. […] Le ministre anglais, qui tient dans sa main les brandons vivants de la guerre civile et des complots extrêmes dans le Vendéen Georges Cadoudal, dans Pichegru, et dans un certain nombre de jeunes émigrés impatients de remuer leur patrie, fût-ce avec la lame de leurs poignards, lance en France ces conjurés du désespoir. […] Dans cette accusation, fournie par écrit, il n’avait énoncé que des choses qu’il tenait de Georges lui-même. […] Les principaux officiers des deux armées se tenaient à l’écart et regardaient avec une vive curiosité ce spectacle extraordinaire du successeur des Césars vaincu et demandant la paix au soldat couronné que la révolution française avait porté au faîte des grandeurs humaines.

1529. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

» cette opération de l’esprit atteste l’existence de Dieu avec autant et plus de certitude que si des milliers de mathématiciens, d’astronomes ou de chimistes tenaient Dieu lui-même sous leurs compas, sous leurs télescopes ou dans leurs cornues. […] Et, en effet, ce défaut de Socrate et de Platon tient aux défauts du temps et du peuple d’Athènes. […] « Mais, me dira-t-on peut-être, Socrate, quand tu nous auras quitté absous, ne pourras-tu pas te tenir en repos et garder le silence ? […] Je m’en tiens à ma peine, et eux à la leur. » Il disserte ensuite un moment avec une sérénité complète sur les avantages comparés de la vie et de la mort. […] « Alors, dit Phédon, il se mit sur son séant, plia sous lui la jambe qu’on venait de dégager des fers, la frotta de la main, et nous dit en la frottant avec une sensation de plaisir : “L’étrange chose, mes amis, que le plaisir et la douleur se tiennent de si près que l’un naisse ainsi de l’autre, quoique l’un soit le contraire de l’autre !

1530. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Né avec les yeux retournés et dilatés du Voyant, Poe tenait par les ancêtres, l’éducation, les habitudes, toute cette seconde nature, à une société qui a le rayon visuel presque rectangulaire et qui ne l’applique qu’aux choses pratiques, géométriques et tangibles. […] La manière d’agir sur l’esprit du lecteur ne tient pas, chez Edgar Poe, à la partie extérieure des choses, à la mise en scène de son drame ou à la poignante expression qui double la force de la pensée. […] Baudelaire a lui-même écrit, en parlant de ces compositions logogriphiques et stupéfiantes, le mot de jonglerie, et nous tenons le mot pour exact. […] L’excuse de cela est triste, elle est cruelle, elle tient au côté saignant de la vie littéraire ; mais elle n’est pas littéraire. […] Mais le silence de sa notice sur l’éducation morale, nécessaire même au Génie pour qu’il soit vraiment le Génie, genre d’éducation qui manqua sans doute à Edgar Poe ; et, d’un autre côté, le peu de place que tiennent le cœur humain et ses sentiments dans l’ensemble des œuvres de ce singulier poète et de ce singulier conteur, renseignent suffisamment — n’est-il pas vrai ? 

1531. (1739) Vie de Molière

Ces premiers essais très-informes tenaient plus du mauvais théâtre italien où il les avait pris, que de son génie, qui n’avait pas eu encore l’occasion de se développer tout entier. […] Le prince de Conti, qui tenait les états de Languedoc à Béziers, se souvint de Molière, qu’il avait vu au collège ; il lui donna une protection distinguée. […] La coutume humiliante pour l’humanité, que les hommes puissants avaient pour lors de tenir des fous auprès d’eux, avait infecté le théâtre ; on n’y voyait que de vils bouffons, qui étaient les modèles de nos Jodelets ; et on ne représentait que le ridicule de ces misérables, au lieu de jouer celui de leurs maîtres. […] Tiens, voilà un louis d’or ; mais je te le donne pour l’amour de l’humanité. […] Il est rapporté dans Vittorio Siri, qu’on n’avait pas manqué, à la naissance de Louis XIV, de faire tenir un astrologue dans un cabinet voisin de celui où la reine accouchait.

1532. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Au reste, s’il lisait déjà beaucoup et toutes sortes de livres, il ne se croyait pas encore voué à un rôle de critique ; il eut là de premiers printemps qui sentaient plutôt la poésie, et j’ai sous les yeux une suite de lettres écrites par lui dans l’intimité durant les années 1832-1836, c’est-à-dire depuis l’âge de seize ans jusqu’à celui de vingt, dans lesquelles les rêveries aimables et les vers tiennent la plus grande place. […] Or, il n’y a qu’une manière de se tenir en garde contre l’abus, c’est de faire toujours entrer la tradition pour une grande part dans ses considérations, et de ne pas la supprimer d’un trait sous prétexte qu’on n’a plus de moyen direct et matériel d’en vérifier tous les éléments. […] Quiconque a traversé, dans son existence intellectuelle, l’une de ces phases d’incrédulité stoïque et d’épicuréisme élevé, sait à quoi s’en tenir sur ces monstres que de loin on s’en figure. […] Il faut voir la même idée rendue comme les anciens savaient faire, c’est-à-dire en des termes magnifiques, au xiie chapitre du Traité du Sublime qui a pour titre : « Suppose-toi en présence des plus éminents écrivains. » Longin (ou l’auteur, quel qu’il soit) y fait admirablement sentir, et par une gradation majestueuse, le rapport qui unit le tribunal de la postérité à celui des grands prédécesseurs. — Ne pas s’en tenir à la traduction de Boileau. — Racine, dans sa préface de Britannicus, a usé aussi, en se l’appliquant, de la pensée de Longin : « Que diraient Homère et Virgile s’ils lisaient ces vers ? […] Celle-ci par exemple : «  Il avait fallu répondre à la Ligue par de gros livres, comme le De Regno de Barclay ; il suffit au contraire, pour désarçonner la Fronde, des plaisanteries érudites de Naudé dans le Mascurat . » Le gros pamphlet de Naudé put être utile à Mazarin auprès de quelques hommes de cabinet et de quelques esprits réfléchis ; mais si la Fronde n’avait jamais reçu d’autre coup de lance, elle aurait tenu longtemps la campagne. — La plume de l’auteur, en ce passage et dans quelques autres, a couru plus vite que la pensée 229.

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