/ 1692
986. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Des Deux Masques, il n’en avait pris qu’un, mais son érudition l’avait dilaté outre mesure, en recherchant ce masque-là et en le signalant partout, chez tous les peuples, — qui ne l’ont pas aussi glorieusement porté que les nations chez lesquelles Paul de Saint-Victor a concentré l’art théâtral.

987. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Ainsi, il dit sérieusement, page 205, à propos de la mort d’Henri IV : « Malheureuses les nations dont la prospérité dépend de la vie d’un seul homme ! 

988. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Depuis le premier quart du xixe  siècle, toute protestante qu’elle est, on l’a vue rendre hommage au catholicisme, et, cela, dans la personne d’hommes discutés ou suspectés par l’opinion au sein des nations catholiques.

989. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

L’esprit oriental n’est pas très compliqué… Mais faire l’Anglais, c’est-à-dire entrer, tout botté, dans l’originalité du peuple le plus original, le plus profond, le plus insulaire d’esprit, d’impression, de jugement, qui ait jamais existé ; pénétrer, pour se les assimiler un instant, dans les manières de sentir et d’exprimer d’une nation qui a jusqu’à une gaîté à elle, — laquelle ne ressemble à la gaîté de personne et dont le nom même est intraduisible, et reste, dans toutes les langues, de l’humour, — c’est là une chose qui demandait plus qu’une prodigieuse souplesse de talent.

990. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Ils feraient, dans un temps donné, sur cette civilisation dont les doubles bases sont latines et chrétiennes, le travail du fer et du cheval d’Attila ; ils échoueraient, nous n’en doutons pas, — à moins pourtant que Dieu, qui use les races et qui frappe de mort les nations comme les individus, n’ait résolu que l’Europe périsse, — ils échoueraient, mais avant d’échouer ils auraient creusé un abîme qu’on ne comblerait peut-être plus qu’avec du sang.

991. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Si Romulus tète la maigre louve dont le lait sauvage devint le sang de la plus féroce nation qui ait jamais planté des millions d’épées dans la poitrine, trop petite, du genre humain, Mahomet, qui avait goûté au lait savoureux et sacré de la Bible et de l’Évangile, n’en perdit jamais la douceur première, même lorsque l’heure de la guerre vint, de la guerre fanatique, prosélyte et terrible !

992. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Armand Hayem inclinerait plutôt au Renan, dont les opinions sont flexibles et s’ajoutent aux siennes, comme le doute au doute… Il a la même notion fanatique de la science totale, qui est la lointaine destinée des nations et qui doit les faire immortelles.

993. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier a quelque chose de robuste et de vulgaire dans le talent qui conviendrait, je crois, très-bien au mélodrame, mais c’est cela précisément ce qui l’empêchera toujours de peindre ressemblant et même de bien comprendre cette délicate, subtile et molle Italie, qui n’est pas qu’ardente et que violente, comme on le croit, et qui, n’en déplaise à messieurs les égalitaires, est au fond la plus aristocratique des nations !

994. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Ajoutez les institutions particulières de chaque ville, et celles de la Grèce entière ; ces fêtes, ces jeux funèbres, ces assemblées de toutes les nations, les courses et les combats le long de l’Alphée, ces prix distribués à la force, à l’adresse, aux talents, au génie même ; des rois venant se mêler parmi les combattants, les vainqueurs proclamés par des hérauts, les acclamations des villes sur leur passage, les pères mourants de joie en embrassant leurs fils vainqueurs, et leur patrie à jamais distinguée dans la Grèce, pour avoir produit de tels citoyens.

995. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Ce serait un exemple à présenter, je ne dis pas seulement aux princes, mais à une foule de citoyens qui, embarrassés de leur opulence, prodiguent leurs richesses en bâtiments, en luxe, en chevaux, en superfluités aussi éclatantes que ruineuses, transportent des terres, aplanissent des montagnes, font remonter des eaux, tourmentent la nature, construisent pour abattre, et abattent pour reconstruire, se corrompent et corrompent une nation, achètent avec des millions des plaisirs de quelques mois, et dans quelques années échangent leur fortune contre de la pauvreté, des ridicules et de la honte.

996. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Infailliblement il devait appartenir à la nation la plus avancée. […] Les deux grandes nations philosophiques de l’Europe sont aujourd’hui l’Allemagne et la France. Les nations du midi ou sont encore dans les liens de la philosophie du moyen âge ou se traînent à la suite de la France145. […] Mais il ne faut pas oublier que les nations y étaient totalement dans la main de leurs chefs, que ces chefs en disposaient à volonté, et quelquefois en disposaient mal. […] Des imitations malheureuses ont assez manifesté l’ardente sympathie du midi de l’Europe pour ce dernier et glorieux résultat du long travail de notre nation.

997. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Dans ce poème dédié à Victor Hugo, Moïse, conversant avec Dieu face à face sur la montagne, se plaignait de sa charge terrible de conducteur de nation et de sa grandeur solitaire, et il n’était pas malaisé de deviner le personnage agrandi du poète sous le masque du prophète. […] Le Christ demande à son père le prix de sa venue : il pose les éternels problèmes du bien et du mal, de la vérité et du doute, de la vie et de la mort, de la Providence et du Hasard, tous les pourquoi possibles, en philosophie naturelle, en philosophie morale, en politique : Et si les nations sont des femmes guidées Par les étoiles d’or des divines idées, Ou de folles enfants sans lampe dans la nuit, Se heurtant et pleurant, et que rien ne conduit ? […] J’ai caché à ma famille et à mes amis en France ma détention, j’ai crudevoir le faire… Étranger dans ces lieux, personne ne me tend une main secourable ; victime d’un cruel préjugé contre ma nation, qui confond tous les Français, je suis obligé de le combattre par les preuves de mon éducation ; j’ai beau faire, je suissouvent vaincu.

998. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail. […] Après une matinée passée dans l’atelier de Canova, le Phidias vénitien, on visitait les ateliers de Thorwaldsen, le Michel-Ange du Nord ; on assistait à la création de toiles ou de fresques magiques sous le pinceau de dix écoles de peintres de toutes les nations, presque tous hommes d’un esprit de conversation transcendante (car le pinceau, je ne sais pourquoi, aiguise l’esprit plus qu’aucune autre profession artistique ; c’est peut-être parce que l’intelligence pense pendant que le pinceau, qui se promène de la toile à la palette, repose l’esprit et le rend plus dispos au doux exercice de l’entretien.

999. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Mahmoud est un grand homme qui a devancé sa nation, etc. […] Notre pauvre nation, mon cher ami, est et sera toujours au pouvoir : quiconque régnera l’aura ; hier Charles X, aujourd’hui Philippe, demain Pierre, et toujours bien, sempre bene, et des serments tant qu’on voudra, et des commémorations à toujours pour toutes les glorieuses journées de tous les régimes, depuis les sans-culottides jusqu’aux 27, 28 et 29 juillet. […] Je combattis à la Chambre cette mauvaise pensée ; il faut ennoblir les nations en leur faisant honorer contre soi-même les simulacres de l’honneur et de la fidélité.

1000. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Werther, comme un jet de flamme que le monde combustible de l’époque attendait, incendia à son apparition toutes les nations. […] Les temps sont dans un progrès éternel ; les choses humaines changent d’aspect tous les cinquante ans, et une disposition qui en 1800 sera parfaite est déjà peut-être vicieuse en 1850. — Mais il n’y a de bon pour chaque peuple que ce qui est produit par sa propre essence, que ce qui répond à ses propres besoins, sans singerie des autres nations. […] Tous les essais pour introduire des nouveautés étrangères sont des folies, si les besoins de changement n’ont pas leurs racines dans les profondeurs mêmes de la nation, et toutes les révolutions de ce genre resteront sans résultats, parce qu’elles se font sans Dieu ; il n’a aucune part à une aussi mauvaise besogne.

1001. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Mais, malgré ces distinctions si souvent et si fortement répétées, la mauvaise foi des gens de lettres, et la sottise de l’amour-propre, qui persuade à chacun que c’est toujours de lui qu’on s’occupe, lors même qu’on n’y pense pas, ont fait que les grandes nations ont pris pour elles ce qui n’avait pour objet que les petites républiques ; et l’on s’est obstiné à voir un promoteur de bouleversements et de troubles dans l’homme du monde qui porte un plus vrai respect aux lois et aux constitutions nationales, et qui a le plus d’aversion pour les révolutions et pour les ligueurs de toute espèce, qui la lui rendent bien. […] Il n’y a pas à nier que les nations protestantes ne soient morales : cela ne veut pas dire qu’il y ait plus de vertu chez elles que chez les catholiques ; mais l’autonomie morale y est plus grande ; avec l’indépendance croît la responsabilité, avec la responsabilité l’énergie. […] Enfin la moralité et la religiosité des nations protestantes font encore sentir leur action dans la façon dont Rousseau a peint la vie de famille, les occupations domestiques.

1002. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

L’Angleterre, nation superbement profonde, qui a donné au Roman tous ses développements et l’a élevé à ce degré de variété, d’analyse et de puissance qui ne peut pas être surpassé, l’Angleterre avait créé aussi la biographie. […] … Les matérialistes des vieilles civilisations les magnifient parce qu’elles filent des suaires brodés d’or et de pourpre aux nations sur le bord de leur tombe ; — mais la moindre vertu morale les empêcherait de s’y coucher ! […] Pour faire obéir cette nation si fière, la fille d’Henri VIII n’avait qu’à montrer ce fouet de chasse dont les Anglais connaissaient les coups.

1003. (1902) Le critique mort jeune

(Je note cette remarque sur la nature des vérités : « Dans un groupe social, dans une classe, dans une nation, — et c’est précisément ce qui fait qu’un groupe, une classe, une nation existent, persévèrent dans l’être, — il y a un sens commun ; et ce sens commun, qui fait office de vérité, fort précieux et fort utile, est pris par ce groupe, cette classe ou cette nation pour le sens commun de l’humanité… » (Politiques et Moralistes, 2e série, p. 257.) […] L’individu réduit à rien et goûtant l’âpre plaisir de se plonger dans le néant, — et l’instant d’après se ressaisissant, se relevant quand il comprend qu’il existe, autrement puissant, autrement complet, autrement durable « dans la famille, dans la race, dans la nation, dans des milliers d’années que n’annule pas le tombeau », tel est le thème de ces méditations. […] Et cette maxime, qu’il répétait si volontiers dans ses dernières années, que le préjugé est « une raison qui s’ignore » n’est-elle pas vérifiée dans « l’Étape », où se justifie la constante défiance dont la sagesse des nations entoure les parvenus ? […] Doit-on exposer les familles, c’est-à-dire les éléments mêmes de la nation, aux caprices des particuliers ? […] Pierre Laffitte, se sont autrefois prononcés contre l’établissement de la loi Naquet) systématisant la pratique de toutes les nations saines et prospères, sont seules aujourd’hui à condamner le divorce.

1004. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Mais il se trouva que la fortune de sa femme était en rentes sur le clergé : « La nation se chargea de les payer à sa façon… » Il faudra emprunter ; un notaire lui procurera dix mille francs. […] S’il subsiste, quel en sera l’effet sur les nations de l’Europe ?  […] Il a bien de la peine aussi à poursuivre son parallèle entre les nations de l’antiquité et celles d’aujourd’hui. […] Mais les nations seront trop indifférentes en matière religieuse et trop corrompues. […] Son père, le guerrier Outalissi, de la nation des Natchez, alliée aux Espagnols, l’a emmené à la guerre contre les Muscogulges, autre nation puissante des Florides.

1005. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Mais, en devenant une nation, et pour soutenir la concurrence de celles qui lui disputaient le droit d’exister, il ne le pouvait qu’en s’aidant contre elles de leurs propres moyens, dont la protection d’un Dieu national, exclusif et jaloux, — qui supposait les autres, puisqu’il leur était supérieur, — passait alors pour le plus efficace. Une autre cause d’affaiblissement ou d’éclipse de l’idée monothéiste en Israël, ce fut le contact, la fréquentation, l’imitation des nations étrangères, de l’Égypte ou de l’Assyrie. […] Peuples ou nations, de quelque nom qu’on les appelle, n’est-ce pas la guerre qui les pose, comme qui dirait un philosophe, en les opposant à tout ce qui gêne leur expansion, tout ce qui limite leur indépendance, tout ce qui menace leur sécurité ? […] Mais que signifie encore, dans une même nation, et d’où procèdent, à quoi répondent, comment s’expliquent la subordination ou la superposition des classes sociales, si ce n’est par l’établissement effectif du pouvoir d’une population conquérante sur une population conquise, c’est-à-dire par un fait de guerre ? […] Gumplowicz, diffère-t-elle essentiellement de celle de peuple ou de nation, par exemple ?

1006. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

— sans songer que ce Don Juan était sa plus vivante création ; que ce Don Juan sceptique allait remplir tout le xviiie  siècle ; que ce Don Juan amoureux allait devenir le type élégant et licencieux de toute la nation de Shakespeare, et aussi que Mozart, d’un côté, lord Byron d’autre part, et la jeunesse de notre siècle, éperdue, hors de sa voie, impuissante à reproduire même ses rêves, n’auraient pas d’autre héros que Don Juan. […] Que de nations oubliées, après leurs jours glorieux, ont pu inscrire, sur leur tombeau : Les Milésiens étaient braves, jadis ! […] ô honte des nations ! nous avons effacé, de nos annales et de nos remords ce jour de malédiction et de misère, ce jour de notre honte éternelle, ce jour où le triomphe fut un crime, où le supplice fut suivi d’une récompense éternelle, le deuil honteux, le deuil des nations libres et des peuples intelligents, le deuil abominable du 24 janvier ! […] » — Lauzun, en vrai compère de mélodrame, regardait madame de Montespan et disait : — « Tisse bien la toile, tisse ; la plus forte araignée dévorera l’autre ; un de nous deux doit succomber. » Il paraît que dès le premier jour de ce triste drame, toutes ces belles inventions furent vivement répudiées par la saine partie du public anglais. — Il y a de beaux et justes esprits au sommet de cette nation qui ne pouvaient pas tolérer ces abominables mensonges, et ces honteux démentis donnés à la majesté de l’histoire !

1007. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Mirabeau lui-même, écrivant à une personne à laquelle il ne parlait que le langage de la plus sincère conviction, disait : « Mon père a autant de supériorité sur moi par le génie, qu’il en a par l’âge et le titre de père. » Après un admirable récit de la vie de son grand-père, Jean-Antoine, récit composé dans une captivité au château d’If sur les notes de son père, il termine par ces mots : « Ceux qui seraient étonnés des couleurs que nous avons osé employer pour peindre un homme qui n’est resté ni dans les fastes des cours qu’on appelle histoire des nations, ni dans les recueils mensongers des gazettes, auraient tort, à ce qu’il nous semble…. […] L’exemple de l’Angleterre lui faisait entendre à quel point cet être complexe qu’on appelle nation peut vivre, se maintenir et prospérer, au milieu de mille irrégularités peu géométriques, et selon une harmonie plus occulte et bien supérieure.

1008. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Regrettant qu’on ait arrêté Louis XVI fugitif à Varennes, elle donne pour raison que, sans cette fâcheuse capture, la guerre civile devenant immanquable, la Nation allait forcément à cette grande école des vertus publiques. […] On conçoit, on pressent cette fâcheuse destinée de Lanthenas, dès qu’on le voit adresser à Brissot des articles aussi niaisement intitulés que celui-ci : Quand le peuple est mûr pour la liberté, une nation est toujours cligne d’être libre, ou bien lorsqu’il propose à Bancal de faire quelque grande confédération pour travailler dans quelques années, en même temps en Angleterre et en France, à nous débarrasser absolument des prêtres.

1009. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore. […] Le Roy ; le baron d’Holbach, au ton moqueur et discordant, près de sa moitié au fin sourire ; l’abbé Galiani, trésor dans les jours pluvieux, meuble si indispensable que tout le monde voudrait en avoir un à la campagne, si on en faisait chez les tabletiers ; l’incomparable portrait d’Uranie, de cette belle et auguste madame Legendre, la plus vertueuse des coquettes, la plus désespérante des femmes qui disent : Je vous aime ; — un franc parler sur les personnages célèbres ; Voltaire, ce méchant et extraordinaire enfant des Délices, qui a beau critiquer, railler, se démener, et qui verra toujours au-dessus de lui une douzaine d’hommes de la nation, qui, sans s’élever sur la pointe du pied, le passeront de la tête, car il n’est que le second dans tous les genres ; Rousseau, cet être incohérent, excessif, tournant perpétuellement autour d’une capucinière où il se fourrera un beau matin, et sans cesse ballotté de l’athéisme au baptême des cloches ; — c’en est assez, je crois, pour indiquer que Diderot, homme, moraliste, peintre et critique, se montre à nu dans cette Correspondance, si heureusement conservée, si à propos offerte à l’admiration empressée de nos contemporains.

1010. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Or, c’est sur le terrain industriel que les nations, que les races se rencontrent aujourd’hui. […] Tout poste important exige une culture générale fondée sur les humanités ; les négliger c’est ôter des forces vives à la nation.

1011. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Quand les langues sont arrivées à leur perfection dans des ouvrages marqués de toutes les qualités de l’esprit humain, personnifié lui-même dans l’esprit d’une grande nation, la plupart des écrivains secondaires ne font guère que ramasser ce que les écrivains supérieurs ont omis comme superflu. […] En politique, nous tâtonnons entre différents principes, tous mal notés, soit à cause des excès qui en ont déshonoré l’application, soit à cause de leur impuissance à retenir les nations sur cette pente qui les précipite vers le mal, par l’ardeur du mieux.

1012. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Or, au seizième siècle, un mélange de rudesse gauloise et de grandeur imitée de Plutarque, la licence propre aux temps où la violence et le danger rendent la vie précaire, la corruption de l’Italie en décadence, formaient les mœurs de la cour, sur laquelle se modelait la nation. […] C’était une frivolité de dire que « les malades se guérissaient à la vue des lettres de Balzac » ; que « son livre n’était guère moins connu que l’eau et le feu » ; que « c’était le philtre qui faisait aimer le français aux nations qui habitent les bords de la mer Glaciale » ; que Sénèque, auprès de Balzac, n’était que monotonie, et Cicéron que vide ; qu’il était l’empereur des orateurs, comme si le titre d’orateur, objecte judicieusement un de ses critiques, pouvait appartenir à qui n’a jamais parlé en public.

1013. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

»), lui exprimait quelques idées très aristocratiques, qui lui étaient si familières : La nation, lui disait-il, n’est sortie de la barbarie que parce qu’il s’est trouvé trois ou quatre personnes à qui la nature avait donné du génie et du goût, qu’elle refusait à tout le reste… Notre nation n’a de goût que par accident.

1014. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Ils ont marché par toute la terre pour évangéliser les nations, et, quand il l’a fallu, ils sont morts pour la vérité qu’ils apportaient au monde. […] Guenille de chrétien, ne l’est-il pas, par exemple, quand il dit, comme nous, que les nations ne sont divisées que parce qu’elles sont l’image de nos âmes, divisées comme elles, et que l’anarchie de tout un peuple n’est que l’anarchie de chacun de nos cœurs ?

1015. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Heureusement, il a vie et jeunesse ; il a confiance en lui-même, il sait ce qu’il vaut, et qu’il y a place pour sa royauté, même au sein des nations républicaines.

1016. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Pourquoi la liberté n’appartiendrait-elle pas aux gouvernements comme aux nations, et aux princes comme aux sujets ?

1017. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Les faits rendent impossible toute dénégation mais le ton de l’auteur, plus puissant que les faits, rend tout enthousiasme impossible pour les nations où les choses se passaient comme il prend la peine de les raconter.

1018. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Il fallut recommencer tous les pèlerinages de l’exil, et son chemin de croix à travers les nations.

1019. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

L’affreuse pensée de l’avortement hante les filles perdues… La pensée non moins affreuse de l’anéantissement hante les nations perdues à leur tour !

1020. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Ces modèles, dus au crayon de Notalis, de Matheus et de Spinx, et qui ont été retrouvés dans une pauvre cabane de paysans à Magny, sont d’une naïveté d’inspiration qui ferait croire qu’ils appartiennent à une époque d’une date plus ancienne que celle qu’ils portent, si on ne savait pas que l’Allemagne, par le fait seul du génie qui lui est personnel, peut, au xviie  siècle, équivaloir, en naïveté de touche et en candeur de sentiment, à ce que pouvaient être les autres nations de l’Europe au Moyen Âge.

1021. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Ce côté-là n’est pas le préféré par Rémusat, qui réserve, dit-il, en toutes choses, comme il convient, les droits de l’esprit humain, qui croit à l’efficacité des traités philosophiques de politique libérale, et qui ne veut pas faire à une nation qui pense l’affront de la croire gouvernée par le hasard ou l’habitude (pages 26 et 27 du premier volume).

1022. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

On la dirait stupéfiée par elle… Quand on a parlé de la pieuse manducation des cadavres, qui ne fut pas seulement pratiquée chez les nations anthropophages ; lorsqu’on a disserté savamment sur la crémation, l’incinération, la momification, qui sont les trois grandes formes de sépulture que le Paganisme puisse opposer à la forme juive et chrétienne de l’enterrement des morts, on est bientôt à bout de notions, et on a roulé, comme vous voyez, dans un cercle qui n’est pas immense.

1023. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Il a chanté Dieu et un Dieu inconnu à Virgile, et, depuis Virgile, nul poète chrétien dans les nations chrétiennes ne l’a chanté avec de tels accents· Voilà le mérite absolu de Lamartine parmi les poètes.

1024. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Rien, au contraire, ne montre mieux que le livre de Fabre la largeur d’idées de cette Église qu’ils font étroite comme leurs pauvres têtes, et qui est vaste comme la coupole sous laquelle doivent s’abriter les nations !

1025. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Né dans ce tourbillon de poussière que l’on appelle, par une dérision de l’histoire, les États-Unis34 ; revenu, après l’avoir quittée, dans cette auberge des nations, qui sera demain un coupe-gorge, et où, bon an mal an, tombent cinq cent mille drôles plus ou moins bâtards, plus ou moins chassés de leur pays, qu’ils menaçaient ou qu’ils ont troublé, Edgar Poe est certainement le plus beau produit littéraire de cette crème de l’écume du monde.

1026. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Il fait la règle et le modèle, et dicte à sa nation ce qu’elle doit penser.

1027. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il exprimait, non pas les sentiments les plus secrets et les plus intimes du poète, mais les sentiments les plus généraux, au contraire ; il célébrait les louanges des grands, des princes, des rois, les grandeurs de la nation, les charmes de la paix. […] Ils se mêlent aux passions, aux désirs, aux appétits et aux pensées quotidiens de la partie la plus jeune, la plus vivace et la plus ardente de la nation. […] Les Français finissent par s’apercevoir qu’elle altère l’essence même de la race, qu’elle donne à la nation des défauts, des travers, des vices nouveaux, que celle-ci n’avait pas ou qu’elle avait à peine ; qu’elle change l’aspect de la nation. […] Et encore il faudrait dire ici, comme tout à l’heure, qu’il est bien plus véritable aujourd’hui qu’il ne l’était de son temps : puisque le nombre des fonctionnaires a plus que doublé, a presque triplé depuis l’époque où il écrivait ; puisque le vice qu’il décrivait si bien est descendu de quatre ou cinq échelons dans la nation, et d’autre part, l’aristocratie ayant disparu, est monté aussi d’un degré dans l’échelle sociale ; puisque ce qui n’était la caractéristique que d’une partie, importante il est vrai, de la nation, est devenu celle de la nation presque tout entière. […] Il a consisté dans le désir et la volonté de relever la nation de la chute où les événements l’avaient entraînée.

1028. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

De ces terres lointaines et de ces races étranges, l’utopie féministe a gagné de proche en proche notre pays et notre nation. […] À travers le cours des événements et la diversité des fortunes, cette nation demeure inflexiblement attachée au même programme et à la même foi. […] L’histoire des relations diplomatiques de la France avec les autres nations attira de bonne heure les prédilections de son esprit. […] Les nations de Scythie, avides de carnage, se précipitent sur nous. […] C’est pour vous la seule manière de rendre possible une paix sérieuse entre vous et la nation russe.

1029. (1925) Dissociations

Mais en abaisser le niveau, ce serait faire un aveu bien humiliant pour la nation. […] Nationalisme Il est naturel qu’une nation soit nationaliste, qu’elle se préfère aux autres nations, qu’elle se fasse l’illusion de leur être supérieure en vertus sociales, en intelligence, en manières. […] Cela correspond pour les individus à l’estime de soi et quand il s’agit de toutes petites nations, elles trouvent encore, sans que les plus grandes soient portées à en rire, des motifs de fierté et d’allégresse. […] Il faut tenir compte, même dans les statistiques, de la tendance de presque toutes les nations à se prétendre en meilleur point que les autres.

1030. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Enfin le spectacle tumultueux et désordonné d’une nation, résolue à se sauver par l’impossible des époques révolutionnaires. […] Soyons bien persuadés que les souverains ne sont absolument que les représentants de l’état moral de la majorité de la nation qu’ils gouvernent, et qu’ils ne resteraient pas, trois jours, sur leurs trônes, s’ils étaient en contradiction avec cet état moral. […] Et à voir dans les rangs, ces redingotes, côte à côte, avec les blouses, ces barbes grises mêlées aux mentons imberbes, à voir ces pères, dont quelques-uns tiennent par la main leurs petites filles, glissées dans les rangs, à voir ces hommes du peuple et ces bourgeois faits soudainement soldats, et prêts à mourir ensemble, on se demande s’il ne se fera pas un de ces miracles qui viennent en aide aux nations qui ont la foi. […] … » « Mon cher Théo, lui dis-je, en le quittant, mon avis est que la blague a tué toutes les imbécillités héroïques, et les nations qui n’ont plus de ça… sont des nations condamnées à mourir. » Jeudi 27 octobre Au viaduc du Point-du-Jour, des accumulations de sable, de chaux, des montagnes de moellons. […] Au fond, la Révolution française a tué la discipline de la nation, a tué l’abnégation de l’individu, entretenues par la religion et quelques autres sentiments idéaux.

1031. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Malheureusement ce qu’on célébrait sous le nom d’Angleterre, ce n’était pas la nation trois fois admirable, mais encore si peu connue, dans son histoire, dans ses institutions, dans son Shakespeare.

1032. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Il y avait dans cette rédaction quelque chose de pénible et d’injurieux pour la nation.

1033. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

On ne voit, dans Rousseau, qu’un des premiers poëtes de la nation, un poëte victime peut-être de la jalousie.

1034. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Il a bien l’air d’un petit enthousiaste à qui ses parens ont tant répété qu’il était charmant, qu’il avait de l’esprit comme un ange, et qu’en vérité, il était le messie, le sauveur de sa nation, qu’il n’en doute pas. à droite, deux pharisiens l’écoutent debout ; on voit toute la figure de l’un, on ne voit que la tête de l’autre entre le premier et la colonne du temple qui termine le tableau de ce côté.

1035. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Les nations peuvent changer de prononciation comme elles peuvent changer de langue.

1036. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Les âmes qui retrouvent en cette œuvre leur âme, l’admirent, se groupent autour d’elle et se séparent des hommes d’âme diverse… En d’autres termes (remarquons la fin de ce paragraphe), la série des œuvres populaires d’un groupe donné écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe, une littérature exprime une nation, non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complue et reconnue. » En ces quelques lignes se trouvent exprimées une doctrine et une méthode, qui ne marchent pas nécessairement ensemble.

1037. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

III Et d’ailleurs, dans le livre de Fournier, j’ai cherché vainement les scandales non prouvés, les crimes sans authenticité dont il se vante, c’est-à-dire, en définitive, les grandes choses qui changent l’aspect des annales du monde et importent à la morale des nations parce que ces mensonges-là sont des oppressions et des injustices, et à cela près de deux ou trois faits remis sur la pierre du lavoir et sous le battoir, comme, par exemple, l’arquebusade de Charles IX, par cette fenêtre équivoque, le jour de la Saint-Barthélemy, — ce qui ne blanchit pas beaucoup, du reste, la mémoire tachée de sang de cet insensé du fait de sa mère, — je ne vois guères que des faits de très peu d’importance et je comprends mieux le sous-titre de ce livre de l’Esprit dans l’histoire : L’Esprit dans l’histoire, ou recherches et curiosités sur les mots historiques.

1038. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Il n’a pas même compris ces brigandages, qui, pendant un temps assez court d’anarchie féodale, furent l’exception, pour ces générations et nations guerrières, quand la règle était le point d’honneur !

1039. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

On but à la santé du roi, à celle de la reine et de son fils, point à la nation.

1040. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Et, en effet, c’est surtout lorsque l’on aime les monarchies qu’on souffre, en lisant de pareilles histoires, et que l’on comprend que Dieu qui, lui aussi, les aime, les châtie, et précisément de ce châtiment spirituel et antithétique qui un jour tua jusqu’à la politesse sous la grossièreté, chez une nation livrée aux plus ineptes révérences, et, correction d’un excès par un autre excès !

1041. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

L’espace me manque pour citer, mais, pour en donner une idée, je me contenterai de la définition de l’ancien régime par Pelletan : « Ce fut — dit-il — le meurtre organisé d’une nation. » Dans une discussion, à qui dirait cela on n’aurait plus, pour toute réponse, qu’à tourner les talons ; mais dans un article ?

1042. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

… « Toute personnalité grandiose est odieuse, quand elle n’a pas le pouvoir », — a écrit Balzac, dans sa Correspondance, et il entendait certainement le pouvoir matériel, politique, absolu ; le pouvoir qui a les six laquais de Pascal, multipliés par une nation, et qui empêche toute contestation insolente ; le pouvoir qui crée des chambellans !

1043. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il est évident qu’Hegel est l’homme le plus éminent de la philosophie, dans la nation la plus forte en philosophie qu’il y ait présentement dans le monde, et si c’est là une mesure très rassurante pour ceux qui tiennent la philosophie pour le peu qu’elle est, c’est une chose troublante et très entraînante pour ceux-là qui l’aiment et qui l’exagèrent parce qu’ils l’aiment.

1044. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

… Ou c’est un tâtonnement audacieux et superficiel que votre affreux livre des Ames mortes, dans lequel vous la vilipendez dans tout ce qui la constitue comme nation et comme société, ou c’est un conte à dormir debout !

1045. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Comment cette critique professionnelle s’est-elle établie dans les nations modernes ? […] Une littérature aussi riche que la littérature française, une nation faite d’éléments aussi divers et de cultures aussi variées, une époque où des partis et des générations adverses continuent de lutter sous la figure des vivants, impliquent cette pluralité, cette diversité d’esthétiques. […] Sainte-Beuve, dans le passage que nous citions, signale cette extension du goût comme un des dangers de la critique, ne voit de goût bien équilibré que dans des « familles d’esprits », et familles, nations, cela signifie indifférence ou hostilité à l’égard d’autres familles ou d’autres nations. […] Déjà, autour de madame de Staël, avec Sismondi, Bonstetten, s’était formée cette idée des deux nations modernes, celle du Nord et celle du Midi, irréductibles l’une à l’autre : par là parvient dans la critique une grande antithèse à la Pascal, qui a subsisté. […] Elevons l’amitié à toute la plénitude de sens qu’elle contracte dans ce titre de Barrès, les Amitiés françaises, ces amitiés dans lesquelles et par lesquelles se crée une continuité de famille et de nation.

1046. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il est le dieu par qui tout recommence ; il est l’honneur, il sera la gloire impérissable de cette minute heureuse de 1820 dans la reconnaissance et dans le respect des nations ! […] Et pourtant c’est celui-là qui a tout à fait habitué la nation française à ce laisser-aller de tous les jours. […] « Veux-tu savoir les mœurs d’une nation, étudie avec soin une seule famille. »Sufficit una domus ! […] Aussi, quand une nation succombe, plaignez-les, tous ces malheureux éperdus qui lèvent les mains en criant : Domine, salva nos, perimus ! […] Vous les rappelez-vous, ces plaintes touchantes qui touchaient à toutes les fibres de cette nation : Waterloo, Jeanne d’Arc, Parthénope et l’Étrangère ?

1047. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Aussi ne fallut-il rien moins que la volonté de fer et le pouvoir de Napoléon pour purger ces nouvelles étables d’Augias, et rendre le monument du Louvre à une destination digne de la nation au milieu de laquelle il a été élevé. […] Quel bonheur pour moi d’avoir été choisi pour le premier instituteur de ces jeunes gens, qu’on pourra justement appeler les enfants de la nation, puisqu’ils lui devront tout ! […] Quatorze chars à quatre roues, traînés par six chevaux, étaient ornés des drapeaux pris aux différentes nations ennemies par chacun des corps d’armée, et ces trophées étaient entourés de soldats blessés et invalides de ces quatorze armées. […] Toutefois la clause qui excluait du bénéfice de cette loi les personnes ayant pris part à la dernière conspiration, dont le dénoûment avait été la journée du 13 vendémiaire, entretenait de vives inquiétudes dans la nation. […] Cette existence précaire de la nation, cette inquiétude constante des esprits, causées par les efforts incessants du Directoire pour combattre alternativement les jacobins et les royalistes, entretenaient une activité extraordinaire dans toutes les intelligences.

1048. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Le théâtre de la Nation est ouvert comme de coutume. […] Le souffleur du théâtre de la Nation ? […] une fête à laquelle toute la nation puisse prendre part joyeusement, une fête qu’on célèbre avec plaisir et gaieté dans les palais comme dans les chaumières et mansardes, une fête qui présente à tous des idées, des sentiments, des souvenirs heureux pour la totalité de la nation. […] L’anniversaire du 14 Juillet est non une fête, mais une bravade, une insulte, une menace d’une très petite partie de la nation à la très grande majorité. […] Il convient, de plus, pour la dignité même de la nation, que le titre porté par son représentant, par « son délégué », le mette de pair avec les plus grands Monarques.

1049. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Tout ceci se résume en quatre mots : l’Etat contre la nation. […] Les guerres pour rien correspondirent elles-mêmes au principe de la nation armée, de l’appel aux armes de tous les citoyens valides, édicté par la Convention. […] Au lieu que deux bienfaiteurs de la nation, deux sages de génie, tels que Mistral et Fustel, ont été systématiquement délaissés et tenus à l’écart. […] Le vieux chemin de fer lui-même, destiné à faciliter les échanges entre les nations (et il les facilite en effet), sans rapprocher les nations pour cela, intellectuellement ni moralement, est devenu surtout un outil de concentration militaire. […] Elle a créé, entre autres dogmes, celui de la nation armée, qui vient de dépeupler la planète et la redépeuplera demain.

1050. (1924) Critiques et romanciers

… Et, ces mots, les bourgeois et le peuple, n’essayera-t-on de les remplacer par un autre et qui serait, peut-être, la nation ? […] « Là, en effet, est le secret du succès pour les nations. […] Ils valent bien d’être jugés quand vous apercevez qu’ils sont de qualité sociale, et qu’ils ont une importance et une influence elles-mêmes sociales, et qu’ils attestent la santé ou la maladie de la nation. […] L’étude de l’histoire et l’étude de notre époque amena Paul Adam à ne plus concevoir la vie humaine, la vie des collectivités et des nations sous l’aspect d’un syllogisme ou d’un sorite bien dérivé. […] On donne ce grand nom d’histoire, le plus communément, au récit des événements qui changent la destinée des nations.

1051. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

En courage : — nous soutenant tous par sa flamme de confiance dans les destinées de la nation, par son enthousiasme pour l’armée et pour les chefs. […] Trop souvent les nations comblées sont tentées d’oublier ces vérités. […] Même si la nation gisait abîmée tout entière dans le silence de la mort… Oui, il y avait du bon, mais toujours du trop. […] Ce n’est pas un groupe de hobereaux que nous avons devant nous, c’est toute une nation de commerçants, d’industriels, de paysans, d’ouvriers. […] Il garde à Taine, dont il se sépare sur d’autres points, une reconnaissance pieuse pour avoir, le premier, distingué dans la vaste nation française, la petite nation jacobine.

1052. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

— Une religion surnationale, prêchée au milieu d’un chaos où n’existait pas même encore de nations !  […] » Une nation aristocratique, c’est une nation où l’aristocratie et le peuple sont aristocrates autant l’un que l’autre. […] Une nation aristocratique, c’est une nation où l’aristocratie est aristocrate ; mais où la plèbe l’est bien davantage. […] Les nations patriotes sont donc toujours des nations aristocrates, et les nations aristocratiques sont des pays où l’aristocratie est aristocrate, mais où le peuple l’est beaucoup plus. […] La nation idéale est celle où le peuple est aristocrate et où l’aristocratie est démophile.

1053. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Pleure, car tu en as bien sujet, ò mon Italie, née pour surpasser les nations et dans la bonne fortune et dans la mauvaise. […] bienheureux et chers, et bénis les âges antiques, où les nations couraient par bandes à la mort pour la patrie ! […] Voilà que loin de toi, quand le plus beau de notre âge nous sourit, inconnus du monde entier, nous mourons pour cette nation qui te tue. » — « Et leur plainte, ajoute le poëte, ne fut entendue que du désert boréal et des forêts sifflantes.

1054. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

On a remarqué que la plaisanterie d’une nation ressemble (règle générale) à son mets ou à sa boisson favorite. […] Il s’agit de je ne sais quel conseil (page 229) dont Saint-Ange croit que les politiques d’alors pourraient tirer grand profit ; Mascurat répond : « Quand ils le feroient, Saint-Ange, ils ne réussiroient pas mieux au gouvernement des États et empires que les plus doctes médecins font à celui des malades ; car il faut nécessairement que les uns et les autres prennent fin, tantôt d’une façon et tantôt de l’autre : Quotidie aliquid in tam magno orbe mutatur, nova urbium fundamenta jaciuntur, nova gentium nomina, extinctis nominibus prioribus aut in accessionem validioris conversis, oriuntur (chaque jour quelque changement s’opère en ce vaste univers ; on jette les fondations de villes nouvelles ; de nouvelles nations s’élèvent sur la ruine des anciennes dont le nom s’éteint ou va se perdre dans la gloire d’un État plus puissant). […] IV) il avait dit : « Il ne faut donc pas croupir dans l’erreur de ces foibles esprits qui s’imaginent que Rome sera toujours le siége des saints Pères, et Paris celui des rois de France. » Je trouve que, de nos jours, les sages eux-mêmes ne sont pas assez persuadés que de tels changements restent toujours possibles, et l’on met volontiers en avant un axiome de nouvelle formation, bien plus flatteur, qui est que les nations ne meurent pas.

1055. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Le rieur de ce livre, qui rit, n’est pas l’affreux Homme qui rit de l’académicien Victor Hugo, ce monstre (c’est de L’Homme qui rit que je veux parler), mais c’est un rieur de cette nation qui avait, en riant, le plus de grâce, et qui faisait faire le tour du monde à son rire, — ce qui valait mieux que le drapeau de Mirabeau ! VI Cette joyeuse nation n’est plus. […] Mais, s’il y a en France, dans cette nation sociable comme une catin, quelque chose qui ressemble encore à la virginité d’esprit qu’on appelle l’originalité, c’est en province, et c’est là seul qu’il faut chercher cette escarboucle des littératures.

1056. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Rousseau écrivit, mal éveillé, le Contrat social, capable de donner le fanatisme de l’absurde à toute la bourgeoisie lettrée de la France, jusqu’à ce que la rage de l’impossible, le delirium tremens de la nation, s’emparât du peuple et lui fît commettre des crimes, des meurtres et des suicides, qui remontent, comme l’effet à la cause, à de mauvais raisonnements. […] Eh bien, c’est ce que l’intelligence de la nation vous donnera quand toutes les classes, tous les capitaux, tous les salaires, tous les droits, tous les devoirs, représentés dans la législation par le suffrage proportionné de tous, auront choisi le suffrage universel à plusieurs degrés pour l’harmonie sociale ; mais c’est ce qu’aucun homme sensé et consciencieux ne consentira jamais à vous donner dans ce que vous appelez l’organisation du travail ou socialisme radical, qu’on vous a amenés à vociférer ici sans en comprendre l’exécrable non-sens ! 

1057. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Non ; aucun homme d’État ne pouvait, de bonne foi, se faire une illusion pareille ; la guerre à mort entre l’ordre public, qui est l’intérêt et le droit de tous, et la presse libre, qui n’est que l’intérêt d’un petit nombre d’hommes de plume sans mandat et sans responsabilité, était évidemment l’état sauvage, au lieu de l’état régulier d’une nation en état légal. […] Dans un autre temps, c’eût été un événement national, mais le bruit qu’il avait trop adoré couvrit l’émotion publique par une émotion plus personnelle à la nation.

1058. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Je ressusciterai les cités submergées, Et celles dont le sable a couvert les monceaux ; Dans leur lit écumeux j’enfermerai les eaux ; Et les petits enfants des nations vengées, Ne sachant plus ton nom, riront dans leurs berceaux ! […] Il pense comme Vigny, son maître le plus direct, qui avait fait dire à la Nature dans un langage superbe : Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre, A côté des fourmis, les populations ; Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre ; J’ignore en les portant les noms des nations.

1059. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Le goût est un fruit de l’âge mûr des nations, alors que l’imagination et la sensibilité, après avoir été maîtresses, se subordonnent, sans abdiquer, à l’empire de la raison. […] Derrière lui, pas de modèle qui fît loi ; autour de lui, pas de critique qui l’accusât de violer la tradition, et qui lui opposât quelque vocabulaire officiel ; mais une nation avide de gloire littéraire, et qui attendait sa langue de ses grands écrivains.

1060. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

En forçant tous les termes de la langue pour infliger aux hommes de 93 les qualifications qu’ils méritent, on ne nous rend pas leur mémoire plus odieuse ; mais on détourne notre pensée des fautes de la nation qui les a soufferts. […] C’est qu’on ne comprend pas qu’une nation ait pu tomber assez bas pour supporter un tel misérable, ni comment des gens comme Tacite ont pu vivre sous ses pareils.

1061. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

C’est Voltaire qui compose son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. […] On relève les transformations microscopiques par où ont passé les mots, les lettres, les sons ; on analyse à la loupe les métamorphoses incessantes de la vie linguistique d’une nation.

1062. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Nous pouvons savoir, seulement, que les émotions furent, au début, simples et peu nombreuses, fort vagues : et que les musiques des nations primitives furent spécialement rythmiques. […] Chaque nation a son tour d’intelligence et sa manière de sentir qu’elle ne violerait pas impunément.

1063. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

La longévité des nations qui traversent le temps et qui ont toutes cherché à défendre le mariage et la légitimité paternelle comme la source même de leur double vie, l’Antiquité, par l’eunuchat, cette invention du désespoir, dégradante et terrible, et le Christianisme, qui a transfiguré toutes les institutions antiques par un autre eunuchat volontaire qui retranche, avec la volonté, la convoitise du cœur de l’homme et crée une atmosphère de pudeur inconnue avant Jésus-Christ, cette longévité relative des nations ne lui a rien appris pour, dans cette occasion, s’en souvenir !

1064. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Toute sa pensée se résume dans cette double formule : « La guerre est une terrible chose, mais c’est une grande grâce pour ceux qui l’endurent, individus ou nations. […] Si les paroles de la troisième Béatitude s’appliquent aux nations comme aux individus, elle mérite d’avoir un bel avenir.‌

1065. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Je ne sais pas dans la littérature des nations 250 pages plus grandes de sujet ni plus simples. — Non, nous ne sommes pas en décadence.

1066. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Placé entre deux grandes nations rivales qu’il eût voulu concilier dans les choses de l’intelligence, il a échappé à nos disputes du jour, à nos conflits, a nos misères ; il a eu les plus illustres et les plus charmants des morts pour contemporains et pour hôtes assidus ; heureux homme, dans ses dernières années du moins, à la fois rustique et attique, il jouissait de son jardin, envoyait à ses amis en présent des fruits à faire envie à Alcinoüs, et il possédait son Homère comme Aristarque.

1067. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

., cinq cents  seulement… de ceux qui cueillaient sous Condé des  lauriers stériles ou vivaient de la pitié des nations  étrangères, réunis alors (après le 10 août et avant le  21 janvier) dans Paris, auraient été probablement  soutenus par les habitants de cette ville, et, en attaquant franchement les fédérés, auraient peut-être, par un coup de main hardi, réussi à leur arracher leur victime. » Et ailleurs, « La facilité avec laquelle les jacobins furent dispersés par les sections (au 1er prairial) fit voir combien, à d’autres époques, avec de l’accord et de la résolution, il eût été aisé de triompher du crime.

1068. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

On s’est amusé follement au carnaval de 1833, parce qu’il y avait longtemps qu’on ne s’était amusé, parce qu’il faut toujours en France en revenir aux plaisirs, parce qu’au milieu des soucis qui assombrissent et des vertus sérieuses que, dit-on (et je le crois), nous acquérons, nous sommes l’éternelle nation de la Fronde et de la Régence, le Paris de Rabelais, de Manon Lescaut, du Mariage de Figaro et du Directoire.

1069. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

La littérature française à l’étranger Pour les nations méridionales, d’abord, les rôles sont renversés : elles nous empruntent et nous imitent. l’Italie échappe par le goût français aux fadeurs et aux affectations du marinisme.

1070. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

La fondation de toute ville doit être consommée par un fratricide ; au fond de toutes les substructions solides, il y a le sang de deux frères. » Et à la même heure un prophète d’Israël, captif, qui a tout vu de Babylone, prononce ces paroles : Ainsi les nations s’exténuent pour le vide ; Et les peuples se fatiguent au profit du feu.

1071. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Oui, à la condition que nous y prenions notre bien propre, la vérité du cœur humain, oh il peut y avoir des découvreurs et des premiers occupants de toutes les nations.

1072. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Nous supposons les conditions du monde réel tout autres qu’elles ne sont ; nous représentons un libérateur moral brisant sans armes les fers du nègre, améliorant la condition du prolétaire, délivrant les nations opprimées.

1073. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Chacun de nous a cette conviction secrète qu’il représente à lui seul l’esprit national, et il refuse à cet esprit les qualités ou les défauts variés qu’il admire ou pardonne chez toute autre nation.

1074. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il faut remonter d’abord au démêlé de Maupertuis avec le célèbre Kœnig, Suisse de nation, professeur de philosophie & de droit naturel en Hollande, bibliothécaire du prince Sthadhouder, & de madame la princesse d’Orange, membre de l’académie de Prusse, un des plus grands mathématiciens de l’Europe.

1075. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Les folies de la chevalerie disparurent ; & un homme inconnu, qu’un ministre barbare détenoit dans un cachot, eut la gloire de corriger la nation qui méconnoissoit son génie.

1076. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

L’Institut royal de France avait proposé pour sujet du prix qu’il devait adjuger en 1825, « d’examiner si l’absence de toute écriture, ou l’usage soit de l’écriture hiéroglyphique ou idéographique, soit de l’écriture alphabétique ou phonographique, ont eu quelque influence sur la formation du langage chez les nations qui ont fait usage de l’un ou de l’autre genre d’écriture, ou qui ont existé longtemps sans avoir aucune connaissance de l’art d’écrire ; et, dans le cas où cette question paraîtrait devoir être décidée affirmativement, de déterminer en quoi a consisté cette influence ».

1077. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Il ne fallait rien moins que notre armée d’Afrique, cette palpitation même des entrailles de la France, il ne fallait rien moins que cette armée et ses succès recommencés cent fois, payés cher toujours, mais jamais trop achetés, pour que nous pussions, nous, société française, résister à tous les énervements de ces vingt-cinq dernières années24, aux idées de paix à tout prix, au voltairianisme anti-national, à la mollesse croissante des mœurs, et enfin à la philanthropie, cette maladie qui ronge la moelle des peuples vieux et épuisés, ce tabes dorsal des nations !

1078. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Il fut certainement l’esprit le plus aristocratiquement esthétique d’un siècle et d’une nation également voués au génie bas de l’utilité, Edgar Poe n’a jamais fait, toute sa vie, que de la poésie et de la littérature inutiles, — et c’est encore un de ceux-là que les Omar de la Démocratie qui marche sur nous brûleront un jour avec le plus de plaisir, et, pour parler leur langue abjecte, comme « un faignant ! 

1079. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Il y avait encore cette disposition contradictoire et indisciplinée de l’esprit d’une nation qui aime à se moquer de tout pouvoir établi, et qui fait de la France le pays de la terre le plus facilement anarchique.

1080. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Ce qu’il fallait à cette famille, — plus qu’à aucune autre peut-être qui ait gouverné les nations, — c’était un contrôle quelconque de l’opinion publique, non pas seulement de Rome, mais des provinces.

1081. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

C’est précisément l’homme qu’il faut a la nation ! 

/ 1692