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1192. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Cet ouvrage embrasse les Belles-Lettres françoises, latines & grecques ; & pour former plus sûrement le goût des jeunes gens, l’auteur fait la comparaison des piéces de même genre dans les trois langues.

1193. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Par suite de ses préoccupations d’économiste, sans doute, Cochut a voulu surtout tracer l’idée nette du système, et il l’a pris à part, l’isolant de tous les faits généraux et ne l’expliquant que par l’état où les prodigalités de Louis XIV avaient mis les finances et la monarchie ; et, pour parler la langue économique, il s’est très bien tiré de ce dix-huitième d’épingle historique.

1194. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Pour que les hommes déjà entrés dans la société pussent se communiquer les mœurs, droits et gouvernements dont nous venons de parler, il se forma trois sortes de langues et de caractères.

1195. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Beaux-arts, politique, histoire, voyages, langues, éducation, botanique, géographie, harmonies du globe, l’auteur traite de tout, et toujours il est original. […] Dieu y répand les attractions, les consonances, les contrastes, la grâce, la beauté et ces sentiments si doux et si variés des êtres sensibles, connus dans la langue des hommes sous le nom d’amour. […] Ce sont deux races qui ne parlent pas la même langue. […] Sa figure était inexprimable au pinceau et à la langue ; il aurait fallu, pour la peindre, les yeux, les sens et comme l’âme de l’auteur de Paul et Virginie. […] quelle langue pourrait décrire ces rivages d’un orient éternel que j’habite pour toujours ?

1196. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On tient que ce n’est pas eau de source, mais eau de neige, qui en fondant distille à travers les rochers dans ce lac enfermé ; et on le juge ainsi, parce qu’en mettant de cette eau sur la langue, on y trouve de l’acrimonie et que l’on n’en est pas désaltéré quand on en boit ; mais elle perd cette qualité en se mêlant dans le fleuve de Zenderoud. […] Il me suffira de dire, pour donner une idée de son mérite, que Golius, ce fameux professeur des langues orientales, le jugeait le plus digne de tous ses disciples de remplir sa chaire et de lui succéder. […] Je suppliai le bibliothécaire de me faire voir les livres en langue occidentale. […] L’envie que j’avais d’étudier la langue et les sciences m’avait toujours porté à demeurer à la ville, parmi le monde persan. […] Je suis intimement persuadé que Chardin répète ici la même erreur que j’ai déjà relevée, et confond la langue et l’écriture qofthes ou égyptiennes modernes avec l’écriture kufyque, dont les Arabes se servaient autrefois.

1197. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Il a le secret de parler à son public, à ce public des premières ; il en est le poète, et sert aux hommes et aux femmes de ce monde, dans une langue à leur portée, l’idéal des lieux communs de leur cœur. […] Et il arrive presque aussitôt, accompagné de l’ami chez lequel il demeure, un vieux Français, échoué à Rome depuis 1826, marié à une grosse femme qui nous a ouvert, et qui me semble avoir eu sa carrière d’artiste, sa patrie, sa langue, enfin tout, dévoré par cette femme. […] Et les uns sur les bateaux, les autres sur des périssoires, semant le lac d’éclairs, en coupant de la rame ou des palettes l’eau scintillante, évoquent dans cette banlieue un souvenir d’un lac de cette Italie, dont la langue revient en musique, sur les lèvres des hommes et des femmes. […] * * * — Les étrangers parlent haut en public, ils ont la conscience de parler une langue qu’ils sont seuls à comprendre. Le Français parle bas, parce qu’il se sait compris de tous, et parler la langue universelle.

1198. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Et lorsqu’on pense cependant que dans chaque ministère qui succède à l’autre, et qui, dans chaque succession, consacre de plus en plus cet abus de mots, il y a toujours, au bas chiffre, un ou deux académiciens qui conservent la langue, comme M.  […] Hugo gouvernait la langue comme un écuyer son cheval. […] Il gouverne maintenant la langue comme un écuyer gouverne son cheval. […] « Je ne connais rien de plus fatigant et de plus puéril que cet affreux patois (il s’agit du style de Mme Sand dans Jeanne) ; franchement, je préférerais presque l’argot : il a au moins le mérite de l’étrangeté, tandis que la langue de la plupart des personnages de Jeanne est d’une trivialité à faire frémir. […] Je ne parle plus du style : à part quelques passages, où le cœur rencontre par hasard, et comme de lui-même, la belle et pure langue d’autrefois, tout le reste est prétentieux ou hérissé d’incorrections ; on sent à chaque phrase un anneau qui manque à la chaîne des idées.

1199. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Certes, je jette ma langue aux chats ! […] Mais une prompte gloire et la faveur des princes firent taire les langues envenimées. […] Mais en fait de langue, on ne vient à bout de rien sans les hommes pour lesquels on parle. […] Après cet ouvrage vint la célèbre Défense et Illustration de la Langue française, dédiée, celle-là, au cardinal du Bellay. […] Au milieu de tout ce fatras, de toutes ces fautes contre la langue, il y a parfois des initiatives fort inattendues, des entreprises pleines de risques, et toujours si engageantes.

1200. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Mais, ce que le drame peut encore enseigner chez Wagner, c’est la force et la puissance de la langue, telle qu’elle jaillit dans sa pureté native, hors des profondeurs du sentiment, également éloignée de la banalité journalière et des enflements rhétoriques. L’idéal de la déclamation est la langue chantée du théâtre de Bayreuth : un artiste pénétré de sa beauté saura trouver le ton du drame parlé. […] Mais les études qui, plus spécialement, lui valurent un nom dans le monde savant, furent celles des langues et littératures italiennes et anglaises. […] L’autre drame parle notre langue de tous les jours ; il doit nous montrer des caractères, tels qu’ils sont, et leur développement psychologique ; le cadre du tout est une action.

1201. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Depuis elle a amassé des faits, constaté des lois, classé les langues, déterminé des racines : elle avance toujours dans son analyse quasi-chimique des mots ; elle a son vocabulaire, ses parties distinctes, sa phonétique, sa morphologie, etc. […] Mais en se constituant définitivement comme science particulière, la linguistique l’a écartée ; et quoiqu’elle paraisse plutôt obscure qu’insoluble, cette recherche est bannie de l’étude positive des langues. […] Les progrès des sciences physiques et naturelles, de la linguistique et de l’histoire ont révélé des faits inattendus, suggéré des aperçus tout nouveaux, à ceux du moins qui n’ont point de goût pour une psychologie immobile et scolastique : études sur le mécanisme des sensations, sur les conditions de la mémoire, sur les effets de l’imagination et de l’association des idées, sur les rêves, le somnambulisme, l’extase, l’hallucination, la folie et l’idiotie, recherches jusqu’ici inconnues sur les rapports du physique et du moral, conception nouvelle de la nature morale (psychologique), de l’humanité résultant de l’étude approfondie de l’histoire et des races, les langues nous offrant comme une psychologie pétrifiée. […] L’expression naturelle des passions, la variété des langues et des événements de l’histoire sont autant de faits qui permettent de remonter jusqu’aux causes mentales qui les ont produits : les dérangements morbides de l’organisme qui entraînent des désordres intellectuels ; les anomalies, les monstres dans l’ordre psychologique, sont pour nous comme des expériences préparées par la nature et d’autant plus précieuses qu’ici l’expérimentation est plus rare.

1202. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Un fin dîner, composé d’un potage au blé vert, de langues de rennes de Laponie, de surmulets à la provençale, d’une pintade truffée. […] Samedi 25 mars Ce Forain a une langue toute parisienne, faite de ces expressions intraduisibles dans un idiome quelconque, et qui renferment le sublimé d’une ironie infiniment délicate. […] Il joue de la langue française, avec une parfaite connaissance de tous les parisianismes, pimentés d’une certaine gouaillerie sentant le ruisseau. […] Samedi 30 décembre Au milieu de la gaieté et du tapage des conversations, Nittis adossé à son bureau du fond de l’atelier, me dit dans sa jolie langue enfantine, sur une note mélancolique : « Oh, quand on a passé la première jeunesse… quand il n’y a plus dans les veines, un certain bouillonnement du sang… la vie, ce n’est plus guère attachant… et moi encore tout enfant — j’avais dix ans — j’ai entendu : « Il y a un « monsieur qui s’est tué… » c’était de mon père qu’il s’agissait… vous concevez la vie fermée que ça m’a fait là-bas… deuil et solitude… et des notions tout élémentaires… lire et écrire : ç’a été tout… le reste c’est moi qui me le suis donné… je me suis entièrement formé par la réflexion solitaire… cela m’a laissé une naïveté… et vous concevez que dans la société actuelle cette naïveté… » Nittis ne finit pas sa phrase.

1203. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Une nation est une agrégation de races diverses dont aucune ne peut être considérée comme puredd, et n’a guère d’autre caractère commun qu’un habitat défini et qu’une langue usuelle, dans laquelle on peut encore distinguer mille éléments adventices ; et quand une nation produit une littérature, cette littérature, de même, est une littérature d’idiome et non de race, à laquelle coopèrent des talents venus de toutes les régions et issus de toutes les communautés où la même langue est parlée ; quand une nation produit un art, ceux qui contribuent à l’illustrer et à le fonder par leurs œuvres, sont pris, encore, aux quatre coins du peuple parlant la même langue et comprennent en outre des étrangers absolus, attirés et retenus par mille circonstances. […] Ceux qui, lisant un livre, frémissent d’aise d’y trouver exprimées, en une langue parfaite, les idées qui leur sont sourdement chères ; ceux qui, devant un tableau, sentent leurs prunelles et tout leur être natté et comme vivifié par l’accord de nuances sombre ou violent, par la noblesse ou la ferveur de la composition ; ceux que transporte et qu’anéantit quelque pathétique andante ou le caprice d’un scherzo, sont les frères en esprit de l’homme chez qui ces œuvres sont d’abord écloses.

1204. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Comme académicien, il a payé son tribut particulier à l’étude de la langue par les remarques judicieuses qu’il a ajoutées à la Grammaire générale dite de Port-Royal, et qui furent publiées pour la première fois dans l’édition de 1754. […] Il appartient, ainsi que la plupart des grammairiens philosophes de son temps, à cette école qui considérait avant tout une langue en elle-même et d’une manière absolue, comme étant et devant être l’expression logique et raisonnable d’une idée et d’un jugement ; il la dépouillait volontiers de ses autres qualités sensibles ; il ne l’envisageait pas assez comme une végétation lente, une production historique composée, résultant de mille accidents fortuits et du génie persistant d’une race, et qui a eu souvent, à travers les âges, plus d’une récolte et d’une riche saison ; il ne remontait point à la souche antique, et ne se représentait point les divers rameaux nés d’une racine plus ou moins commune.

1205. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Il est curieux, pour l’étude de la langue, de lire à côté du texte la traduction ou paraphrase qu’en a donnée Du Cange. […] Il serait évident, rien qu’à voir les deux styles, que, dans l’intervalle de Villehardouin à Du Cange, il est arrivé un accident à la langue ; qu’elle s’est de nouveau compliquée, qu’elle a été reprise de latinisme et ne s’en est pas encore débarrassée.

1206. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Plume habile, savante en couleurs, curieuse en nuances, cherchant l’art pour l’art, ayant moins à dire qu’à décrire, il a fait dans son genre des miracles de hardiesse et d’adresse ; il a fait rendre à notre langue plus qu’elle ne pouvait jusque-là. […] En proposant tout net « la dissolution de cette fade compagnie de bavards » (car c’est ainsi qu’il parle), il a son projet d’une Académie nouvelle : il y veut faire entrer « des lexicographes, des poètes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants, qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française (mais c’est ce qu’on fait aujourd’hui à l’Académie !)

1207. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Il est abondant, débordant (exundans), irrégulier ; mais quand on est à ce degré chez soi, dans le plein de la langue et de la veine françaises, on peut tout oser et se permettre, on peut hardiment écrire comme on parle et comme on sent, on n’est pas hasardé. […] Le génie de la langue et de l’expression ne va pas plus loin.

1208. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

La vraie et juste disposition à leur égard est un premier fonds de respect, et tout au moins beaucoup de sérieux, de circonspection, d’attention, une patiente et longue étude de la société, de la langue, un grand compte à tenir des jugements des Anciens les uns sur les autres, ce qui nous est un avertissement de ne pas aller à l’étourdie, de ne pas procéder à leur égard avec un esprit tout neuf en partant de nos idées d’aujourd’hui. […] Observons-le bien : au sortir des bras de sa nourrice, à deux ou trois ans, il répète tous les mots, il gazouille tous les sons, il inventerait les langues, si elles n’étaient déjà inventées.

1209. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Pour lui donner raison, il faudrait, en effet, admettre avec lui que l’intelligence de cette histoire juive et des Écritures sur lesquelles elle repose est du ressort à peu près exclusif de la théologie, de la tradition, telle que les Pères l’ont autrefois comprise et accommodée, et que la connaissance directe de la langue, la discussion des textes en eux-mêmes n’est plus aujourd’hui que très-secondaire, à tel point que tout ce que cet examen produirait de contraire à la tradition devrait être de prime abord rejeté. […] Un homme de son temps, au contraire, un habile que la nature avait doué d’une rare faculté philologique comme elle avait doué Malebranche d’un génie métaphysique éminent, avait entrepris cet examen puisé aux sources et avait fondé la véritable critique des Écritures en l’appuyant sur la connaissance de l’hébreu, des langues orientales prochaines qui en sont comme autant de branches, et sur la familiarité avec les anciens commentateurs juifs les plus compétents.

1210. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Ce ne sont là, du reste, que des intentions, à temps réprimées, qui affectent à peine une diction exquise et de la meilleure langue. […] Si elle a manqué plus d’un à-propos de destinée, elle a rencontré du moins celui de l’esprit, de la langue et du goût.

1211. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Telle qu’elle devint trop vile, avec sa technique compliquée et sa froide insincérité, avec l’insuffisance esthétique de son élégance abstraite et de sa banale distinction, que réparait la nature d’une langue chaude et sonore, la poésie provençale n’en avait pas moins un grand prix : c’était la première fois, depuis les Romains, que la poésie était un art, que le poète concevait un idéal de perfection formelle, et se faisait une loi de la réaliser en son œuvre. […] Avec Aliénor d’Aquitaine, qui fut mariée successivement aux rois de France et d’Angleterre, les troubadours et leur art envahirent les provinces de langue française : quand les deux filles d’Aliénor et de Louis VII eurent épousé les comtes de Champagne et de Blois, Reims et Blois, avec Paris, devinrent des centres de poésie courtoise.

1212. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

La Fontaine s’est fait une langue personnelle, exquise, énergique, pittoresque. […] Marty-Laveaux, Essai sur la langue de La F.

1213. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

La langue française n’a pas de plus belles pages que les lignes simples et sévères de cet incomparable tableau. […] Le tout se couronne par une prière adressée surtout au Dieu infini et bon, auquel il s’abandonne avec confiance si quelquefois la parole l’a trahi : Pardonnez ces erreurs, ô Bonté qui n’êtes pas moins infinie que toutes les autres perfections de mon Dieu ; pardonnez les bégaiements d’une langue qui ne peut s’abstenir de vous louer, et les défaillances d’un esprit que vous n’avez fait que pour admirer votre perfection.

1214. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Pauvres gens qui, s’ils le pouvaient, pèseraient dans leurs balances Paris et Londres, Vienne et Constantinople, Pétersbourg et Berlin, et d’une égalité de poids, si elle existait, concluraient à la similitude des langues, des caractères, des industries !  […] Nous lisions dernièrement le récit d’un courageux voyageur américain qui a passé deux ans dans le commerce intime des Esquimaux, partageant leurs mœurs, leur vie, leur langue.

1215. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Il songeait à passer en Angleterre ; il apprenait même la langue anglaise, lorsque les bienfaits de M. le duc de Bourgogne le retinrent en France, et sauvèrent à sa vieillesse les désagrémens de ce voyage. […] L’habileté de l’écrivain consiste à sauver cette misère de la langue, par le naturel et l’exactitude de la phrase où ces mots sont employés.

1216. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Victor Hugo, — comme tous les impies de la libre pensée, n’a pas d’autre langue contre le christianisme qu’une langue, faite par le christianisme.

1217. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Il finit par composer la Langue des calculs, son chef-d’œuvre, expression définitive de sa découverte, et meurt en achevant le premier volume. […] Quant aux mille questions que suggèrent la physiologie et l’étude des langues, nous ne nous en embarrasserons pas.

1218. (1925) Portraits et souvenirs

Ce poème, Gérard de Nerval l’a écrit dans la langue la plus limpide et la plus pure. […] Aussi ces lettres de Baudelaire sont-elles d’une langue toujours correcte et élégante ; nette et claire jusqu’en leur teneur la plus aride et la plus familière. […] Hugo connaissait vraiment tous les mots de la langue française. […] Il prisait en lui une langue riche, mais toujours appropriée, il était fort sensible à cette qualité aussi bien de la prose que des vers de Gautier. […] En effet, à une certaine époque de sa vie, Verlaine trouva dans l’enseignement de cette langue une ressource momentanée.

1219. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Dujardin est toujours sage, prudente et calme ; s’il y a des écarts de langue, des essais de syntaxe un peu osés, la pensée est sûre, logique, raisonnable. […] La langue dont a usé M.  […] Il paraît qu’il n’y a plus de jargon ou argot spécial aux voleurs ; c’est-à-dire que son domaine se serait étendu et aurait pénétré jusque dans les ateliers et les usines : une telle langue n’en demeure pas moins une langue secrète. […] Voulant reproduire en son élémentaire véracité la langue des enfants, ils s’astreignirent à passer sur un banc des Tuileries d’immobiles après-midi, figés en un feint sommeil, pour ne pas effaroucher la piaillerie des moineaux. […] Il vante le pouvoir miraculeux de la langue de M. 

1220. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

J’avoue même que j’ai été (pour parler la langue de M. 

1221. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

Un soir que le public s’était retiré, que les derniers rayons mourants éclairaient encore la serre, que les calices qui s’ouvrent de jour n’étaient pas encore fermés, et que ceux qui attendent la nuit pour éclore commençaient déjà à s’entr’ouvrir, à cette heure charmante, les plus nobles des fleurs rapprochées et faisant cercle vers le haut de la serre se mirent à rêver, à s’enivrer de leurs propres parfums, et à causer entre elles dans la langue des fleurs.

1222. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Mais tout cela n’est que ridicule ; et il y a pis que du ridicule dans ce déplorable délire du talent, qui trouve des enthousiastes, même des imitateurs, et qui se fait tirer à dix éditions et traduire en onze langues.

1223. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

L’auteur, on le voit, a dû beaucoup étudier la langue du xvie  siècle.

1224. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Mais il faut être bien sûr de soi, bien maître de sa pensée et de la langue.

1225. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

La langue dont a usé M. 

1226. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

L’auteur, au rebours de beaucoup de ses confrères, s’exprime dans une langue ferme et savoureuse dont la sobriété et la gaîté font songer aux chansons populaires.

1227. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Dans un livre écrit avant la vingtième année et dont la langue est d’une beauté précoce et sûre, Léon Vannoz hésite entre différentes noblesses apprises.

1228. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Malgré mon peu de goût pour tout ce qui peut paraître une affectation, j’ai cru devoir transcrire leurs noms tels que la langue grecque les présente.

1229. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Le dialecte dorique ajoute encore à ces vers un ton de simplicité qu’on ne peut faire passer dans notre langue.

1230. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il sait soixante langues mortes ou vivantes, et il ne sait pas le français. […] Cette langue simple et intelligible pour tous les peuples devra, selon M. de Malberg, se rapprocher autant que possible du phénicien, « la langue originelle ». […] Il n’est pas extraordinaire que deux sémites se soient imaginé que la langue primitive était une langue sémitique, comme après tout l’enseigne la théologie chrétienne. […] Il prêchait en français, du moins dans les pays français, et se faisait comprendre également des peuples de langue d’oïl et des peuples de langue d’oc. […] Il les enveloppait dans les enchantements du plus beau génie qui ait jamais parlé la plus belle des langues.

1231. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Dans cinquante ans, la langue des frères de Goncourt, par exemple, ne sera comprise que des spécialistes. […] Beaucoup ont dû apprendre les langues. […] La langue des romantiques n’a-t-elle pas acquis, sous la prépondérance du génie verbal de Victor Hugo, des qualités de relief incomparables ? […] Il n’y a pas de mots dans les langues antiques pour traduire ces deux termes, parce que ces deux idées n’existaient pas. […] Les condillaciens définissaient la langue une algèbre, et Beyle voulut écrire, je le disais plus haut, comme un algébriste.

1232. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

J’ai déchaîné l’émeute dans la langue française et terrorisé Batteux. […] Le style d’Hugo n’a été rien moins qu’une révolution dans la langue française. […] Il a créé une manière de dire dans une langue qui existait comme langue littéraire depuis quatre siècles, et qui avait été renouvelée au moins trois fois. […] Toute langue humaine est une manière de mythologie. […] Ce qui fait cette différence, c’est le plus ou moins de foi de celui qui parle une langue dans les mythes que cette langue contient.

1233. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Une langue universelle est aussi introuvable que la paix perpétuelle. […] L’Europe aura toujours plusieurs langues et plusieurs littératures. […] La fatuité, bannie des premiers rangs de la société, ne s’est pas refugiée chez les maîtres de langue. […] Il a tout étudié, depuis l’entomologie jusqu’à la langue basque. […] Il sait les étymologies, les racines et les origines des langues, la paléographie, comme Heyne, Heinsius, ou M. 

1234. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Puis, il s’allongea encore, prostré, tournant vers Miserey son œil souffrant et doux, toute la langue tirée hors de la bouche, avec de l’écume aux lèvres. […] Dans une bonne langue, franche, sans sucreries ni brutalités, M.  […] » avec le clapement de langue qui savoure une pêche mûre, il parle comme il pense, et son amorce est d’autant plus forte et dangereuse. […] Que peut être cette débauche pour qu’il n’ait pas osé la préciser, lui qui les a toutes détaillées, et dans une belle langue, hélas ! […] Peut-être aussi qu’un autre érudit que lui en cette matière y eût trouvé un tout autre sens ; mais alors, qu’on le dise franchement, il s’agit d’une langue qui n’est plus au qui n’est pas encore la langue française, et j’ai confessé, au commencement de cet article, mon ignorance des dialectes étrangers.

1235. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Au premier abord, et quand on se souvient de ce mot : politesse, et de cet autre mot : urbanité, qui ont été le fond de cette langue française, « dont les moindres syllabes nous sont chères, disait un académicien, parce qu’elles nous servent à glorifier le Roi », on se figure que, plus tard, après Richelieu et Mazarin, les ballets dansés par Louis XIV ont perdu quelque peu de leur entrain et de leur gaieté, pour ne pas dire pis. […] quelle langue, et quel style ! […] Notez bien que chacun de ces cinq actes de Molière, si vous le prenez à part, est un chef-d’œuvre, écrit avec tant de soin, ou, ce qui revient au même, avec tant de bonheur, que l’on dirait de temps à autre la langue même des Provinciales, cette langue correcte, incisive, railleuse, qui parle comme parle la comédie, quand la comédie le prend sur le ton le plus élevé27. […] Ajoutez que ce Molière parle un patois vif, alerte et vrai ; même il parle tous les genres de patois, comme un digne enfant des Halles : Tout lui va, le patois de la ville et celui du village, le patois des provinces, la vraie langue des franches natures, la langue qu’il nous faut protéger contre Despréaux, ce dédaigneux qui posait l’Art poétique comme la borne qui ne veut pas qu’on aille plus haut, ou plus loin. […] Savez-vous, dans notre langue, un plus beau passage que la plainte de ce vieillard déshonoré par son fils, mais en même temps savez-vous une création plus amusante que M. 

1236. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il était bon que cette rénovation littéraire fut considérée non plus de chez nous et du centre, mais du dehors et d’au-delà du Rhin, et qu’elle fût regardée et jugée par quelqu’un qui nous connût bien sans être des nôtres, qui fût de langue et de culture françaises, sans être de la nation même. […] Né dans la zone méridionale de la France, il savait d’instinct les langues et les poésies du midi. […] Pons a publié à la librairie Garnier un Dictionnaire de la Langue française, fort bien digéré et digne d’estime.

1237. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Il nous a tracé une courte histoire de la prose française en ces termes : « L’on écrit régulièrement depuis vingt années ; l’on est esclave de la construction ; l’on a enrichi la langue de nouveaux tours, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement françoise ; l’on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avoient les premiers rencontré, et que tant d’auteurs depuis eux ont laissé perdre ; l’on a mis enfin dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable : cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. » Cet esprit, que La Bruyère ne trouvait pas assez avant lui dans le style, dont Bussy, Pellisson, Fléchier, Bouhours, lui offraient bien des exemples, mais sans assez de continuité, de consistance ou d’originalité, il l’y voulut donc introduire. […] On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés « au public, outre les traductions en diverses langues et les dix « éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente « volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; « Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; « Suite des Caractères de Théophraste ut des Mœurs de ce siècle ; les « différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture « sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels « des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; « Caractères des Vertus et des Vices. […] M. de Feletz, bon juge et vif interprète des traditions pures, a écrit : « La Bruyère qui possède si bien sa langue, qui la maîtrise, qui l’orne, qui l’enrichit, l’altère aussi quelquefois et en viole les règles. » (Jugements historiques et littéraires sur quelques Écrivains… 1840, page 250.)

1238. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Le Hir, la théorie comparée des langues sémitiques, et ma position était celle du dernier maître d’étude ; j’étais un savant et je n’étais pas bachelier. […] La première édition de mon Histoire générale des Langues sémitiques contient ainsi, en ce qui concerne l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, des faiblesses, pour les opinions traditionnelles que j’ai depuis successivement éliminées. […] La France m’a fait bénéficier des faveurs qu’elle réserve à tout ce qui est libéral, de sa langue admirable, de sa belle tradition littéraire, de ses règles de tact, de l’audience dont elle jouit dans le monde.

1239. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Après la représentation des Maîtres Chanteurs, il y a deux ans, celle de La Walküre était l’introduction définitive du drame wagnérien dans nos pays de langue française. […] Comment se présenterait-il, devant un public parisien — et c’était le cas, le 9 mars, à Bruxelles,  —  transposé en langue française, exécuté par des interprètes pour qui un tel art était au demeurant fort nouveau ? […] Après les refus français, c’est au théâtre de la Monnaie de Bruxelles que la Walkyrie est créée en langue française sous la direction de Joseph Dupont.

1240. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

N'eût-ce pas été assez pour sa gloire, & pour celle de leur jugement, de se contenter de dire, qu'il a donné le premier Poëme héroïque, en vers, qui ait réussi dans notre Langue ? […] le Franc, aucun de nos bons Poëtes n’a eu, comme lui, le talent d’écrire, dans les deux Langues, avec une égale supériorité. […] La plupart de ses Dissertations littéraires sont un tribut d’hommages qu’il se paye à lui-même, ou des arrêts prononcés contre ses Rivaux ; ses observations sur la Tragédie, une justification de ses Pieces, & la satire adroite de celle des autres ; son Essai sur la Poésie épique, une Apologie de la Henriade, & une censure injuste des autres Poëmes ; la connoissance des beautés & des défauts de la Poésie & de l’Eloquence, dans la Langue Françoise, donnée sous un nom emprunté, l’apothéose de ses Productions ; mille autres Ouvrages de sa façon, sont autant de trompettes sonores qu’il consigne à la Renommée, pour préconiser son mérite en tout genre.

1241. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Comme on le questionnait, et qu’on lui demandait, dans quelle langue, se formulaient ses idées, il nous avouait que les choses de droit, les choses artificielles venaient à lui, sous des formules françaises ; les choses naturelles, les choses d’amour et autres, sous des formules japonaises. […] Dimanche 3 juin Par la luminosité spectrale, que fait dans la pierre d’une capitale, un coucher de jour, des silhouettes noires marchant, un journal devant le nez, sur le bitume mou. — Un glissement, un bruissement d’êtres silencieux, dans la mort du jour, allant aux kiosques illuminés du rouge transparent des annonces de l’eau de Botot, et s’accumulant en un coin du boulevard. — Puis, tout à coup, de ces tas d’hommes sous les arbres, dont le gaz se met à éclairer le feuillage poussiéreux, s’élève un murmure de phrases, en une langue inintelligible, qui devient un braillement énorme. […] De retour à la maison, on dîne avec des mets qui vous font venir des ampoules sur la langue, et des vins sucrés.

1242. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

« Il ne faut pas dédaigner les rhétoriques, disait l’archevêque de Cambrai ; une bonne rhétorique serait bien au-dessus d’une grammaire, et de tous les travaux bornés à perfectionner une langue. […] Vous ne voulez pas que je m’étonne quand j’entends retentir autour de ces seize ans non accomplis, les dissertations conjugales du seigneur Arnolphe, et ces mots grossiers de la vieille langue bourgeoise que M.  […] Enfin, et ceci est une critique à faire aux pédants (meâ culpâ), armés de citations dans l’une et l’autre langue ( utriusque linguæ , disait Horace) : « Ne paraissez pas si savant, de grâce ; humanisez votre discours et parlez pour être entendu. » Qui voudrait avoir le secret de la critique appliqué à l’art du théâtre, se pourrait contenter d’étudier et de méditer La Critique de l’École des femmes ; il y trouverait les meilleurs et les plus utiles préceptes de prudence, de modération, de finesse, et comme dit un de nos vieux auteurs : En délectant profiteras.

1243. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Les mots de la langue usuelle le servaient mal. Il les a ployés au service d’idées et de sensations nouvelles ; il les a détournés du sens habituel, groupés en combinaisons ingénieuses ; il a pris à l’atelier, pour les faire entrer dans la littérature, les termes d’argot vraiment pittoresques et méritants : il a créé une langue pour la critique d’art, dont il est à la fois l’inventeur et le modèle. […] Il dit du peintre Van Orley : « Vous trouvez en lui du gothique et du florentin… ici la pâte lourde et cartonneuse, la couleur terne et l’ennui de pâlir sur des méthodes étrangères ; là des bonheurs de palette, et la violence, les surfaces miroitantes, l’éclat vitrifié propres aux praticiens sortis des ateliers de Bruges. » Quelles images neuves, et quelle langue nouvelle aussi, combien forte !

1244. (1908) Jean Racine pp. 1-325

La France, alors, continuait de travailler à épurer sa langue. […] Donc Racine, dans ce lointain Languedoc, craint d’oublier la bonne langue, le « bon usage ». […] Ses commentaires sur les quatorze Olympiques attestent une connaissance assez approfondie de la langue grecque. […] C’est un grand artiste, et qui a fait quelques-uns des plus beaux vers pittoresques de notre langue. […] Quant à la langue, vous avez pu voir par les citations que c’est déjà presque entièrement la langue de Racine.

1245. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

c’est le fond de la langue anglaise ? […] était le fond de la langue anglaise, avait trouvé que : Ô mon Dieu, Monsieur ! était le fond de la langue française. […] À cette comédie de Térence, commence la langue véritable de l’amour. […] Si l’art dramatique a fait un pas avec Térence, la langue dramatique est parvenue à un immense progrès.

1246. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Langue universelle, esprit de prosélytisme, il y voit les deux instruments et comme les deux bras toujours en action pour remuer le monde. […] Raymond, un religieux dominicain, Lithuanien de nation et professeur de langues orientales. […] L’origine du mal, l’origine des langues, les destinées futures de l’humanité,  — pourquoi la guerre ?   […] Qu’on ne vienne pas tant s’étonner, après les Soirées, que M. de Maistre, étranger, ait si bien écrit dans notre langue : quand on est de cette taille comme écrivain, on a droit de n’être pas traité avec cette condescendance. Compatriote de saint François de Sales, il écrit dans sa langue, qui se trouve en même temps la nôtre, dans une langue postérieure à celle de Montesquieu, et qui tient de celle-ci pour les beautés comme pour les défauts.

1247. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Les objets que peuvent atteindre leurs lèvres, leurs poils tactiles, leur trompe et leur langue sont ceux sur lesquels se font leurs premières recherches. […] Pour percevoir avec nos veux, nos oreilles, nos mains, nos pieds, notre langue, nos narines, il faut des mouvements. […] Même dans les cas où nous restons immobiles, on trouvera, si l’on s’observe avec soin, que la réflexion intense s’accompagne d’un commencement de parole, de mouvements du larynx, de la langue, des lèvres. […] La langue courante elle-même établit une distinction entre la forme ordinaire et la forme attentive des états de l’esprit. […] C’est une confession faite par ordre du pouvoir spirituel, c’est l’œuvre d’un esprit très délicat, très habile à observer, sachant manier sa langue pour exprimer les plus fines nuances.

1248. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Mais sans doute les deux langues ne se rejoindront jamais. […] Aucune femme ne manie avec plus de souplesse, dans les gestes de l’écriture, la langue française. […] Cependant, s’il y a de vrais poètes presque tout à fait ignorants, il n’y en a pas de grands sans une connaissance profonde de leur langue. […] Plus lointainement Ronsard et la Pléiade, auxquels elle a emprunté certains néologismes, jeunes encore parce que décidément inacceptés dans notre langue. […] C’est lorsqu’elle parle la langue simple et presque rurale qui lui est familière que Marie Dauguet atteint sa plus parfaite beauté.

1249. (1897) Aspects pp. -215

La langue turque est comme cela ; elle dit beaucoup en peu de paroles. […] Son art affolé, tordant la langue, culbutant les métaphores, vole en foudre. […] Mais l’Académie ne fait plus loi, elle perd même toute autorité sur la langue. […] Mallarmé a déformé la langue ; son influence fut déplorable, vient à son heure. […] Huysmans, pieux déformateur de la langue.

1250. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

« Elle parlait pourtant assez bien espagnol, nous dit l’auteur du récit, mais elle n’en prononça pas un mot.Il semble que dans les grandes douleurs, on revient à la langue naturelle, comme on se réfugie dans le sein d’un ami. » L’arrivée de la jeune Mercedès à Cadix, puis à Madrid où elle retrouve sa mère, sa famille ; l’état de la société peu avant l’invasion des Français ; les accidents gracieux qui formaient de légers orages ou des intérêts passagers dans cette existence de jeune fille, puis l’invasion de Murat, la fuite de Madrid, le retour, la cour de Joseph, et le mariage ; tels sont les événements compris dans ces deux premiers volumes de Souvenirs.

1251. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Des hommes froids, qui veulent se donner l’apparence de la passion, parlent du charme de la douleur, des plaisirs qu’on peut trouver dans la peine, et le seul joli mot de cette langue, aussi fausse que recherchée, c’est celui de cette femme qui, regrettant sa jeunesse, disait : c’était le bon temps, j’étais bien malheureuse.

1252. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Ils ne sont pas gênés comme nous par une tradition, par le souvenir d’une langue plus exacte et plus précise.

1253. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Georges Rodenbach est un des meilleurs écrivains belges qui soient venus se servir de notre langue, et l’acquisition pour la littérature française est bonne.

1254. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

quelle hardiesse dans ces figures, dont notre Langue paroissoit peu susceptible avant lui !

1255. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Est-elle une voix visible, une langue peinte de la pensée ?

1256. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Locution empruntée de la langue latine.

1257. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Ce n’est pas que vous dédaigniez la lecture des chefs-d’œuvres d’Athènes & de Rome, la meilleure école du goût & du génie ; mais né avec un tempérament aussi délicat que votre esprit, & ne voulant pas vous faire de l’étude un travail pénible, vous avez pensé, avec raison, qu’on éprouvoit toujours quelque fatigue en lisant des Livres écrits dans une langue morte, dont les tours variés, les expressions singulieres, les inversions fréquentes mettent l’esprit à la torture.

1258. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Le premier livre de la pluralité des mondes traduite en tant de langues, est la meilleure églogue qu’on nous ait donnée depuis cinquante ans.

1259. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

… La littérature implique le style et la langue.

1260. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Comment a-t-elle pu devenir ce que M. de Balzac, dans sa langue, eût appelé une femme si forte ? […] Les scènes historiques ou politiques y révèlent cet art de faire parler à ses acteurs la langue des affaires, art tout Cornélien, que M.  […] Nous le demandons, est-ce la même langue ! […] Dante, Shakspeare et Milton n’ont prouvé que la force et la hauteur de leur génie individuel : leur langue et leurs conceptions sont barbares. […] Cousin regrette et dont il nous rend les souvenirs et la langue, Descartes, ce premier émancipateur de la philosophie moderne, dominait les intelligences et les âmes.

1261. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Cette mauvaise langue de Furetière n’a-t-il pas insinué qu’on payait pour être peint, sous quelque nom grec ou babylonien, dans ces romans célèbres ? […] Un autre de ces laborieux traducteurs, comme il en abondait alors, Nicole Colin, faisait passer en notre langue les sept premiers livres de la Diane amoureuse de George de Montemayor, en 1578. […] Si la langue ou la phrase de Pascal ont des mérites que celles de Nicole n’aient point, ne tâcherons-nous pas de les nommer par leur nom ? […] De même encore — et longtemps avant lui, puisque l’origine en remonterait au besoin jusqu’à l’hôtel de Rambouillet, — ce mouvement avait commencé, dont l’objet était de donner à la langue française les qualités qui jadis avaient fait du grec ou du latin la langue universelle. […] Elle exige, en effet, pour être méritée, deux qualités voisines du génie : un sentiment très sûr, très profond, des ressources d’une langue et un tact très subtil du point d’avancement de l’intelligence publique.

1262. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Mais le perfectionnement et l’euphonie des langues ne sont dus qu’à la poésie. […] Les exemples qu’il choisit éclaircissent parfaitement ses définitions, et partout il se montre riche d’un savoir puisé dans la langue attique et dans la bonne latinité. […] Le moyen de la rendre sensible était d’établir des repos dans la prononciation ; ce qui fit établir la césure qui est commune à toutes les langues. […] L’origine, les progrès, le perfectionnement de la pensée et de la langue, ne sont qu’une partie des matériaux de l’édifice qu’il voulut construire à la gloire des lettres françaises. […] Il ne conseillait doctoralement à Despréaux rien moins que de savoir sa langue et de parler français.

1263. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Cette chaire est intitulée : Langue et Littérature françaises modernes. Par conséquent, l’une des deux leçons de la semaine, celle du samedi, sera consacrée à la langue ; l’autre, celle du mercredi, à la littérature. […] Ainsi, toute jeune et toute charmante qu’elle est, elle parle naturellement la langue du Palais, comme les Plaideurs de Racine. […] On dira, si l’on veut, qu’un homme n’a pas la langue aussi prompte qu’une femme, surtout qu’une femme en colère. […] Le Cid de Corneille fut traduit dans toutes les langues ; même en espagnol !

1264. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il écrit des romans vrais dans une langue pleine de saveur. […] Quant à la langue de M.  […] La langue n’appartient pas en propre aux lettrés. […] La langue est à tout le monde. […] C’est écrire à plaisir dans une langue morte, quand il y a tant de joie à parler toute vive notre aimable langue française.

1265. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Sitôt que nous avons une impression de froid, de chaud, de douleur, de contact, de contraction musculaire, de saveur, d’odeur, nous pouvons indiquer plus ou moins précisément l’endroit où nous l’éprouvons : c’est à la main, à la joue, au milieu du bras, dans le nez, sur la langue. — Ce jugement n’est séparé par aucun intervalle appréciable de la sensation elle-même ; nous sommes même tentés de croire que les deux événements n’en font qu’un, et que, du même coup, nous remarquons à la fois l’élancement douloureux et sa place. […] » — C’étaient des dames avec des châles rouges. — Il fallait sans cesse lui traduire dans le langage tactile qu’elle entendait la langue inconnue que son œil lui parlait. — Comme, avant l’opération, elle savait dire d’où venait la lumière, elle était probablement déjà capable de diriger à peu près sa tête et ses yeux du côté où apparaissaient les objets éclairés ; mais chez elle cet art était tout à fait rudimentaire. […] À cet égard, la peau, comparée à la rétine, est un instrument grossier, même aux endroits où son toucher est le plus délicat. — Aux vertèbres dorsales, au milieu du bras, de la cuisse et du cou58, nous ne distinguons deux attouchements que lorsque les points touchés sont distants de seize à vingt-quatre lignes ; à la face palmaire de la dernière phalange des doigts, il suffit que cette distance soit de 7/10 de ligne ; au bout de la langue, qui a le discernement le plus parfait, cette distance peut être un peu moindre qu’une demi-ligne. […] À la vérité, pour l’intérieur de la bouche, c’est la seconde représentation qui nous sert le plus, parce que la langue fait l’office de main ; par exemple, nous ne discernons et imaginons que par des images tactiles et musculaires les mouvements qu’il nous faut faire pour proférer les divers sons et les articulations du langage. […] C’est ce qui arrive pour les sensations de contact, notamment à la superficie de la peau, et particulièrement aux lèvres, au bout de la langue, à la main, aux doigts, au bout des doigts65 ; là, le discernement est très délicat, et deux points séparés par une ligne ou même une demi-ligne donnent deux sensations distinctes.

1266. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Un beau passage, et qui a pu être qualifié admirable par d’Alembert, est celui où les deux amants, qui avaient été séparés peu de mois auparavant sans savoir la langue l’un de l’autre, se rencontrent inopinément, et s’abordent en se parlant chacun dans la langue qui n’est pas la leur, et qu’ils ont apprise dans l’intervalle, et puis s’arrêtent tout à coup en rougissant comme d’un mutuel aveu. […] La langue en est également délicieuse, exquise de choix118, avec des négligences et des irrégularités qui ont leur grâce et que Valincour n’a notées en détail qu’en les supposant dénoncées par un grammairien de sa connaissance, et avec une sorte de honte d’en faire un reproche trop direct à l’aimable auteur. […] Un critique que nous aimons à citer a dit : « Il est très-remarquable de voir combien, sous Louis XIV, la langue française dans toute sa pureté, et telle que l’écrivaient Mmes de La Fayette, de Sévigné, M. de La Rochefoucauld, se composait d’un petit nombre de mots qui revenaient sans cesse avec une sorte de charme dans le discours ; et quelle était la généralité des expressions qu’en employait… On peut dire particulièrement du style de Mme de La Fayette qu’il est la pureté et la transparence même ; c’est le liquida vox d’Horace. » 119.

1267. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Grâce à cette aptitude, l’enfant de quinze mois apprend, en deux ou trois ans, les principaux mots de la langue usuelle et familière. — Notez la différence profonde qui sépare cette acquisition de l’acquisition parallèle que pourrait faire un perroquet. […] nim), pour dire mauvais, répugnant à manger. — Il est certain que le verbe nimer (to nim), signifiant manger, se serait développé en lui, si son esprit en mûrissant n’avait adopté la langue courante qui s’offrait à lui toute faite. » — L’initiative de l’enfant se manifeste encore par l’usage incorrect qu’il fait de nos mots en leur donnant un sens qu’ils n’ont point pour nous et qu’il invente. […] Au-delà de dix, nous disons dix-un, dix-deux87, dix-trois88, et ainsi de suite jusqu’à dix-neuf. — Au-delà de dix-neuf, les langues bien faites, observant que le nombre suivant équivaut à deux fois dix, reprennent le mot deux en le modifiant d’une façon convenable89, et modifient de la même façon les noms de nombre qui expriment les dizaines suivantes, afin de leur faire exprimer trois fois dix, quatre fois dix et la suite des dizaines jusqu’à dix fois dix90. […] Voir l’analyse très élégante et très délicate de ce procédé d’esprit dans la Langue des calculs de Condillac.

1268. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il considère la parole, ainsi que nous la considérons nous-même, comme un organe aussi divinement et aussi primitivement révélé que la langue qui la profère. V L’entretien sur la guerre, qui suit ces entretiens sur la Providence et sur l’origine des langues, sur le spiritualisme, est à la fois son chef-d’œuvre de style, et, selon nous, son chef-d’œuvre de sophisme. […] Il n’est pas criminel ; cependant aucune langue ne consent à dire, par exemple, qu’il est vertueux, qu’il est honnête homme, qu’il est estimable, etc. […] Jean de Dieu, Jean de Matha, Vincent de Paul (que toute langue, que tout âge les bénissent !)

1269. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Il fallait quatorze siècles pour que le génie latin, après avoir changé de lieu, de religion et de langue, se retrouvât à Rome, à Florence et à Ferrare, sous les Médicis, dans le Dante, dans Pétrarque, dans le Tasse, dans l’Arioste, ces quatre grands ressusciteurs de l’Italie. […] La poésie légère est un fruit des cours, parce qu’elle est l’élégance de l’esprit et l’aristocratie des langues ; on le voit sous Périclès à Athènes, sous Auguste à Rome, sous les Médicis à Florence, sous Louis XIV en France, sous Charles II en Angleterre. […] Le temps ne change pas autant les choses sur la terre qu’on le croit ; il ne change guère que les noms ; deux mille ans, c’est un battement d’ailes dans son vol ; si Horace renaissait, il connaîtrait tout, excepté sa langue et ses dieux. […] Lisez cette fable dans Horace et lisez-la dans La Fontaine ; vous verrez la différence de concision et d’expression des deux langues, la latine ou la gauloise.

1270. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Était-ce parce que les langues humaines leur paraissaient insuffisantes à contenir les vérités divines qu’ils annonçaient aux hommes ? […] Grâce à la langue de Platon, la sagesse de Socrate ne peut plus mourir. […] Ils jouaient la sagesse et la vertu dans les académies et dans les places publiques ; ils accoutumaient les Athéniens à ces jeux d’idées et de paradoxes qui rendaient l’oreille fine et l’esprit sceptique ; pour effacer ces sophistes, il fallait bien parler leur langue à ce peuple infatué. […] Ce dialogue n’a pas l’accent de la langue d’ici-bas ; la race humaine, dont une main d’homme a pu écrire ces lignes, est immortelle : Phédon le sent.

1271. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

— Quant à moi, dit Gautier, cet homme, je ne peux pas le sentir, je le trouve prêtreux, calotin, c’est le Prud’homme du déisme, oui, pour moi, voilà ce que c’est : le Prud’homme du déisme. » La discussion s’éteint un moment, puis reprend autour d’Horace, ou quelques-uns veulent retrouver Béranger, et dont Saint-Victor vante la pureté de la langue, langue que Gautier trouve bien inférieure à l’admirable langue de Catulle. […] * * * — Dans la langue de la bourgeoisie, la grandeur des mots est en raison directe de la petitesse des sentiments.

1272. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Si dans un individu il y a disette d’inertie et surabondance d’énergie, l’être est saisi de violence comme par le milieu du corps et jetté par une force innée sous la ligne ou sous l’un des pôles : c’est Anquetil qui s’en va jusqu’au fond de l’Indoustan, étudier la langue sacrée du brame ; voilà le cerf qu’il eût poursuivi jusqu’à extinction de chaleur, s’il fût resté dans l’état de nature. […] Là, tout à fait sur le devant, des eaux qui viennent de dessous les arcades ; au bord de ces eaux rassemblées, sur une langue de terre à gauche, d’autres figures d’hommes, de femmes, d’enfans, de pêcheurs. […] La langue d’un enfant qui fait un voyage de province se corrompt au bout de quelques semaines ; Voltaire, relégué sur les bords du lac de Genève, y conserve toute la pureté, toute la force, toute l’élégance, toute la délicatesse de la sienne. […] Aussitôt qu’on s’est accommodé d’un certain style figuré, d’une certaine langue qu’on appelle poétique, aussitôt qu’on a fait parler des hommes en vers et en vers très-harmonieux, aussitôt qu’on s’est écarté de la vérité, qui sait où l’on s’arrêtera ?

1273. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Est-ce la pensée appliquée aux sciences, à l’histoire, aux langues, à l’érudition ? […] Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés.

1274. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Ce sont les expressions les plus simples de la langue ; les mots de tendresse, de charme, de langueur, y reviennent souvent et ont sous la plume de l’abbé Prévost une douceur et une légèreté de première venue qu’ils semblent n’avoir qu’une fois : par exemple, au moment où, au sortir de sa captivité, Des Grieux revoit Manon et où, accompagné de son libérateur, M. de T., il s’empresse d’aller pour la délivrer à son tour : « … Elle comprit que j’étais à la porte. […] Homme bon, entraînant, fragile, cœur tendre, esprit facile, talent naturel, langue excellente, plume intarissable, inventeur invraisemblable et hasardeux, qui sut être une fois, comme par miracle, le copiste inimitable de la passion, tel fut l’abbé Prévost, qu’il ne faut point juger, mais qu’on relit par son meilleur endroit et qu’on aime.

1275. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] Ce genre de traduction dans la langue usuelle n’est que très rarement possible en ce qui est des travaux de haute physique, et elle est tout à fait impraticable pour ce qui tient aux mathématiques.

1276. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

On n’arrive pas à l’admiration ni à l’enthousiasme comme le prince de Ligne, que j’aurai souvent occasion de citer à son sujet, mais on comprend en souriant que celui-ci, dans une de ses saillies à demi romantiques, ait pu dire : Si La Bruyère avait bu ; si La Rochefoucauld avait chassé ; si Chamfort avait voyagé ; si Lassay avait su les langues étrangères ; si Vauvenargues avait aimé ; si Weisse24 avait été à la Cour ; si Théophraste avait été à Paris, ils auraient bien mieux écrit encore. […] Ma mauvaise santé, qui me prive de l’honneur de vous écrire de ma main, m’ôte aussi la consolation de vous répondre dans votre langue.

1277. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Et c’est par tous ces caractères qu’il est unique pour nous, et que, quel que soit l’emploi de sa parole, il reste le modèle de l’éloquence la plus haute et de la plus belle langue. […] La langue de ce sermon, comme de tous les discours de ces années, est un peu plus ancienne que celle de Bossuet devenu l’orateur de Louis XIV ; on y remarque des locutions d’un âge antérieur : « Or encore que nous fassions semblant d’être chrétiens, si est-ce néanmoins que nous n’épargnons rien, etc. » Il est dit que l’exemple de la ruine de Jérusalem et de cette vengeance divine, si publique, si indubitable, « doit servir de mémorial ès siècles des siècles ».

1278. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Il n’apprit point le latin. » Ce qui ne veut pas dire que Bailly n’en ait appris plus tard ce qui lui était nécessaire pour comprendre les livres de science écrits en cette langue, et pour choisir à ses divers ouvrages des épigraphes bien appropriées ; mais il manqua d’un premier fonds classique régulier et sévère, et ce défaut, qui qualifie en général son époque, contribua à donner ou à laisser quelque mollesse à sa manière, d’ailleurs agréable et pure. […] On voit cependant qu’il n’aura rien d’austère, qu’il est de l’école scientifique fleurie qui se rattache à Fontenelle et à Mairan ; et, sans aller jusqu’à dire qu’il y a du petit goût dans Bailly, ce que son Histoire de l’astronomie démentirait, j’oserai affirmer (car on peut parler avec lui la langue des tableaux) qu’il y a un peu de mollesse dans ses couches de fond, et que, dans certaines vues de développement et de lointain qu’offre ce bel ouvrage, il y a des parties qui, à les presser, se trouveront plutôt élégantes et spécieuses que solides.

1279. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Les langues, les sciences, le droit public, la médecine, entrèrent pour beaucoup et presque à la fois dans cette éducation que favorisait la plus heureuse intelligence. […] C’est ce sentiment, si souvent exprimé depuis, des hautes cimes et de l’allégresse intime, de la sérénité de pensée qu’on y rencontre, c’est cette sublimité naturelle et éthérée que Ramond excelle à rendre dans ces pages comme il y en avait si peu à cette date dans notre langue.

1280. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il n’étudia point, ne sut point le latin, mais apprit les langues vivantes par l’usage et par les livres à la mode. […] Le poète, tout en se vantant presque de n’avoir point étudié et de ne savoir, comme Homère, que la langue de sa nourrice, sait pourtant bien des choses ; il connaît, bon gré, mal gré, la fable, Pan et les demi-dieux, le déluge de Deucalion, Philomèle.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

certes il existe, mais dans quelle langue le proférer ? Au second chapitre de la Genèse, il est dit d’Adam « que le Seigneur Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terrestres et tous les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam, afin de voir comment il les appellerait : et le nom qu’Adam donna à chacun des animaux est son nom véritable. » Mais cette langue primitive d’Adam est perdue ; et puis il s’agit ici de nommer les pareils d’Adam, ou, pour ne pas sortir de notre ton et de notre sujet, il s’agit de trouver une juste nomenclature à des esprits et des talents humains, matière essentiellement ondoyante et flottante, diversité et complication infinie.

1282. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Les tourments qu’il fait endurer au lecteur et au spectateur, il les a endurés le premier comme auteur. » Ce gentilhomme piémontais qui s’adonna à la pure langue toscane n’en eut jamais la douceur. Il fut de ceux du moins qui la retrempèrent et la refirent la langue des hommes libres.

1283. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La connaissance des langues anciennes, qui a ramené le véritable goût de la littérature, inspira pendant quelque temps une ridicule fureur d’érudition. […] Peut-être aussi que tout le faste de ces récompenses d’opinion était nécessaire pour exciter aux difficiles travaux qu’exigeaient, il y a trois siècles, le perfectionnement des langues modernes, la régénération de l’esprit philosophique, et la création d’une méthode nouvelle pour la métaphysique et les sciences exactes.

1284. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

C’est aussi que parmi toutes ces bonnes volontés qui s’empressent au service de la poésie et de la langue, j’aperçois trop d’étrangers, dont la prose ou les vers sonnent trop souvent comme feraient des traductions fâcheusement littérales d’un anglais déjà contourné. […] Hervieu, trop bizarre aussi et violent par inhabileté dans le maniement de la langue, mais créateur de types solides et fins, observateur clairvoyant et féroce des classes aristocratiques Peints par eux-mêmes, 1893.

1285. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Les quarante pages des Contes sont « les plus nourries de choses et de notations diverses, les plus légères d’allure qu’on ait écrites dans notre langue ». […] « La langue d’Amphitryon est la plus souple, la plus épanouie, la plus polie, la plus savoureuse, la plus riante, la plus pure qu’on ait écrite. » Quand il nous parle de Labiche, il n’y a plus que Labiche et son rire épique ; et quand il nous parle d’Octave Feuillet, il n’y a plus qu’Octave Feuillet et son délicieux romanesque, consolateur de l’homme dont le cœur est supérieur à sa fortune.

1286. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Et sans doute, dans son tête-à-tête avec Elmire, il débute assez lourdement par l’emploi du « jargon de la dévotion » ; mais, insensiblement, il sait tourner ce jargon en caresse, et le rapproche enfin de la langue vaguement idéaliste que l’amour devait parler, cent cinquante ans après Molière, dans des poésies et romans romanesques et qui a plu si longtemps aux femmes… Mais, en outre, il a de la finesse et de l’esprit, et des ironies, et des airs détachés qui sentent leur homme supérieur et qui sont d’un véritable artiste en corruption. […] Cela, c’est la langue ordinaire de la galanterie au dix-septième siècle.

1287. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Au xviiie  siècle, Bernardin de Saint-Pierre, sans en avoir jamais étudié la langue, est celui qui, en quelques-unes de ses pages, en devine et en révèle le mieux le génie. […] La conclusion à tirer pour moi de cette longue suite d’essais où l’on a été tour à tour dans les extrêmes et où l’on a si rarement atteint le point précis, c’est qu’on ne transporte pas une littérature dans une autre, ni le génie d’une race et d’une langue dans le génie d’un peuple différent ; que, pour bien connaître la Grèce et les Grecs, il faut beaucoup les lire et en très peu parler, si ce n’est avec ceux qui les lisent aussi, et que, pour en tirer quelque chose dans l’usage courant et moderne, le plus sûr encore est d’avoir du talent et de l’imagination en français.

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