Or, vers comme prose, il faut, à leur jugement, reculer d’un demi-siècle, et remonter le cours des temps pour avoir mission d’écrire. […] Sur un terrain neutre, la critique est le mieux placée pour garder sa liberté ; oison jugement n’a de poids que quand il est libre. […] Mais, en s’offrant au jugement de tous, tel qu’il est, avec ses qualités, avec ses défauts, il trouvera moins d’ennemis, et de meilleurs amis que ne sont des partisans ; car ils auront commencé par être ses juges. […] Aussi le public revient-il à ses poèmes revus et corrigés ; car le public a ses faiblesses comme les poètes ; il aime qu’on ne fasse pas mépris de ses jugements et qu’on ne le traite pas de trop haut. […] Je me sers du mot impression ; jugement serait trop absolu.
Ce silence des critiques est sans doute quelque chose de remarquable à l’égard de la publication des jugements du critique le plus redoutable et le plus renommé que nous ayons eu jusqu’à ce jour. […] Nous avons recueilli quelques nouveaux jugements sur les acteurs les plus célèbres, même ceux où il s’est montré d’une rigueur qui avoisine l’injustice. […] Ce prétendu marguillier est un homme plein de sens, qui dans une petite brochure de quelques pages a renfermé des vérités et des observations dignes de figurer dans le jugement de l’Académie. […] C’est un tableau parfait des terribles catastrophes que la guerre produit dans une famille ; et le dénouement naturel de ces catastrophes, c’est le jugement qui arrache à l’ignominie du supplice le vainqueur des Curiaces. […] Voltaire a daigné discuter ce jugement ; mais il l’a dénaturé et falsifié.
« Voici une dépêche, ajoute le même biographe, où nous voyons « le dernier Père de l’Église » réclamer l’affectation des biens d’un religionnaire fugitif aux missions organisées dans le diocèse de Meaux, et cela avant même qu’aucun jugement de confiscation fut intervenu ! […] Mais comme la confiscation ne peut avoir lieu que quand il sera condamné, il faut attendre qu’il ayt esté rendu un jugement contre luy ; après quoy, je le proposerai au Roy, selon vos instructions. » Autre document : Note extraite des mémoires d’un augustin déchaussé, Léonard de Sainte-Catherine de Sienne : « De Paris, ce 5 juillet 1699. […] En résumé, l’originalité de Bossuet, comme théologien, est précisément de repousser toute originalité, toute innovation, même tout développement neuf ; de se fortifier au centre de la doctrine officielle, de n’admettre que les choses consacrées et ne rejeter aucune de celles qui sont consacrées… » Cette métaphysique, ayant été définitivement située par d’autres, dans le puits sans fond des erreurs humaines, je ne crois pas nécessaire de commenter ces quelques lignes qui contiennent leur propre jugement. […] Ce jugement m’a toujours étonné profondément. […] IV Une tâche importante nous reste, celle de relater un dernier fait, le plus frappant peut-être, celui qui nous permettra de porter un jugement d’ensemble sur le rôle social de Bossuet.
Les Mémoires imprimés du marquis d’Argenson contiennent (page 178) un jugement défavorable sur Saint-Simon. Ce jugement a été arrangé et modifié à plaisir, comme tout le style en général dans ces éditions de d’Argenson. […] Si injurieux qu’en soient les termes pour Saint-Simon, ce n’est pas tant à lui que ce jugement fera tort qu’à celui qui s’y est abandonné ; et d’ailleurs on peut, jusqu’à un certain point, en contrôler l’exactitude, et cela en vaut la peine avant que quelqu’un s’en empare, ce qui aurait lieu au premier jour ; on ne manquerait pas de crier à la découverte et de s’en faire une arme contre Saint-Simon : Le duc de Saint-Simon, écrivait d’Argenson à la date de 1752, est de nos ennemis parce qu’il a voulu grand mal à mon père, le taxant d’ingratitude, et voici quel en a été le lieu. […] Elle y revient pourtant et corrige ce qui peut étonner dans ce premier jugement tumultueux (9 janvier 1771) : « Je suis désespérée de ne pouvoir pas vous faire lire les Mémoires de Saint-Simon : le dernier volume, que je ne fais qu’achever, m’a causé des plaisirs infinis ; il vous mettrait hors de vous.
Mais je pensais que la gravité du sujet avait peut-être rebuté l’esprit si charmant, quoique si solide, de Voltaire, et qu’il ne fallait pas demander à un homme universel, — réputé léger, — un jugement sur un magistrat — réputé érudit. — Je m’étais réservé de lire à fond Montesquieu quand j’en aurais le temps et de me faire une idée juste de l’Aristote de la France. […] Mais quel honneur y a-t-il à obéir servilement aux fantaisies d’un sultan qui vous demande votre tête sans jugement ? […] « Dans le feu des disputes entre les patriciens et les plébéiens, ceux-ci demandèrent que l’on donnât des lois fixes, enfin que les jugements ne fussent plus l’effet d’une volonté capricieuse ou d’un pouvoir arbitraire. […] Dix hommes dans la république eurent seuls toute la puissance exécutrice, toute la puissance des jugements.
Notre pouvoir conscient de comparer les motifs et mobiles est un facteur capital de la résolution ; notre conscience ne se voit donc pas inerte, mais en train de diriger et de décider par le jugement, par la comparaison entre les idées et par l’idée même de son pouvoir directeur. […] Ce pouvoir de choisir est, en réalité, le pouvoir d’être déterminé par un jugement et un sentiment de préférence. […] Si nous prenons au hasard, les raisons de notre mouvement seront toutes mécaniques ; si nous choisissons, nous serons alors déterminés par un jugement de préférence fondé sur la grosseur, la couleur, le poids, la qualité de telle orange. […] Et, en dernière analyse, nous sommes déterminés à nous laisser déterminer par des conditions fortuites, c’est-à-dire nécessaires, extérieures à notre jugement de préférence ou de choix.
Il appartient, ainsi que la plupart des grammairiens philosophes de son temps, à cette école qui considérait avant tout une langue en elle-même et d’une manière absolue, comme étant et devant être l’expression logique et raisonnable d’une idée et d’un jugement ; il la dépouillait volontiers de ses autres qualités sensibles ; il ne l’envisageait pas assez comme une végétation lente, une production historique composée, résultant de mille accidents fortuits et du génie persistant d’une race, et qui a eu souvent, à travers les âges, plus d’une récolte et d’une riche saison ; il ne remontait point à la souche antique, et ne se représentait point les divers rameaux nés d’une racine plus ou moins commune. […] Je voudrais pourtant un peu d’examen et de discussion avant le jugement.
La mort soudaine de Louvois au sortir d’un travail avec Louis XIV (16 juillet 1691) est un des endroits de Dangeau que Saint-Simon commente le plus ; il fait de ce grand ministre un admirable portrait, où cependant, à force de vouloir tout rassembler, il a introduit peut-être quelques contradictions et des jugements inconciliables, comme lorsque après l’avoir représenté si absolu, si entier, il veut qu’il n’ait été bon qu’à servir en second et sous un maître. […] Il nous en coûte quelques vaisseaux ; cela sera réparé l’année qui vient, et sûrement nous battrons les ennemis. » Parole encore de vrai roi, qui n’a ni l’humeur du despote, irrité que les choses lui résistent, ni la versatilité du peuple, dont les jugements varient selon le bon ou le mauvais succès.
Un jugement de détail, avec les discussions qu’il introduirait, ne saurait être porté ici, par nous du moins ; mais il nous est possible, et il nous est particulièrement précieux, à nous qui, depuis 1827, n’avons cessé d’aimer et d’honorer en M. […] Jointe à cette prodigieuse intelligence qu’il possède et dont il a prétendu faire la qualité essentielle et même unique de l’historien, elle la redouble et l’aiguise sur quelques points ; elle est comme un sens de plus que toutes les intelligences n’ont pas et qui lui inspire des jugements d’une rare délicatesse (ainsi dans les différences qu’il établit, page 679, entre les différents moments de la résistance de Napoléon à la paix).
comment s’y prendre, si l’on veut ne rien omettre d’important et d’essentiel à son sujet, si l’on veut sortir des jugements de l’ancienne rhétorique, être le moins dupe possible des phrases, des mots ; des beaux sentiments convenus, et atteindre au vrai comme dans une étude naturelle ? […] Sous ce nom de rhétorique, qui n’implique pas dans ma pensée une défaveur absolue, je suis bien loin de blâmer d’ailleurs et d’exclure les jugements du goût, les impressions immédiates et vives ; je ne renonce pas à Quintilien, je le circonscris8.
Nous oublierons notre liaison avec l’auteur, notre amitié même pour lui, et nous rendrons à son talent le plus grand témoignage d’estime qui se puisse accorder, celui d’un jugement attentif, impartial et dégagé de toute complaisance. […] Je continuerai cette analyse de Salammbô, et j’y ajouterai un jugement et quelques doutes sur le système embrassé par l’auteur, et que tout son talent et tout son effort, également visibles, n’ont pu me faire accepter.
Ceux qui ont étudié Bossuet savent combien, dès ses premiers sermons prêchés à Metz, il était préoccupé de cette destruction de Jérusalem et des scènes particulières d’horreur qu’elle présente ; il y insiste de nouveau dans ce Discours, il les étale et les commente, y voyant l’image anticipée du Jugement dernier. […] erreur du temps, de la profession tant que l’on voudra, mais aussi erreur et faiblesse de caractère ou d’esprit en celui qui parle et qui, à force d’embrasser l’universalité des siècles, ne prévoit pas ce que lui garde le jugement du lendemain !
On peut juger jusqu’à un certain point un homme par ce qu’il fait dans des circonstances où il agit visiblement par choix ; mais, pour le connaître vraiment, il faudrait connaître ce qu’il désirait de faire : on peut blâmer ou approuver ce qu’un homme a fait, on peut décider quelquefois d’après ses actions, mais pour apprécier sa personne et en porter avec justesse un jugement favorable ou défavorable, il faudrait savoir ce qu’il eût fait dans un sort favorable à ses desseins. […] J’aime mieux compléter mes citations par la page suivante, qui est de l’entière maturité de l’auteur et qui consomme son propre jugement sur lui-même : « Il y a, dit-on, dans mes écrits trop de vague et trop de doute.
J’y ai cherché vainement le nom de Léonard ; mais on y lit ce jugement sur le Prince-Evêque, alors régnant : « La Société d’émulation a pris naissance sous Welbruck ; on le détermina à s’en déclarer le protecteur, mais il fit peu de chose pour consolider cet établissement. […] J’y ai cherché vainement le nom de Léonard ; mais on y lit ce jugement sur le Prince-Evêque, alors régnant : « La Société d’émulation a pris naissance sous Welbruck ; on le détermina à s’en déclarer le protecteur, mais il fit peu de chose pour consolider cet établissement.
Il y aurait beaucoup de choses à dire, je n’en trouve pas une écrire. » Bussy, instruit par madame de Scudéry, répond nettement à madame de Sévigné, malgré la réserve de celle-ci : « Je ne doute point que l’amour ne soit égal à ce qu’il était, et que toute la différence n’aille qu’à plus de mystère : ce qui le fera durer plus longtemps. » Nous verrons si ce jugement d’un homme du monde n’était pas aussi éclairé que la confiance de l’évêque de Condom dans la conversion des amants l’était peu. […] Comment ne pas admirer la profondeur de raison et d’honnêteté qui caractérise le jugement de madame de Sévigné sur la situation de madame de Montespan, et sur les avantages qu’elle en peut retirer !
Parlant, il y a quelque temps, d’Horace Walpole dans la Revue des deux mondes, et jugeant le roman et la tragédie que s’avisait de composer à un certain jour cet esprit distingué, M. de Rémusat y reconnaît bien quelques mérites d’idée et d’intention, mais il n’y trouve pas le vrai cachet original, et il ajoute avec je ne sais quel retour sur lui-même : « Le mot du prédicateur : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais, est l’éternelle devise des esprits critiques qui se sont mêlés d’inventer. » Si M. de Rémusat a, en effet, pensé à lui-même et à ses essais de drames en écrivant ce jugement, il a été trop sévère ; je suis persuadé que, pour être artiste, c’est-à-dire producteur d’ouvrages d’imagination, pleins d’intérêt, il ne lui a manqué que d’être un peu moins nourri dès son enfance dans le luxe fin de l’esprit, et d’être aiguillonné par la nécessité, cette mère des talents. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Octave, cruel sans passion, souillé de crimes et de perfidies dans la jeunesse, sans grandeur dans la victoire et portant même dans la politique moins de génie que d’astuce, fut célébré par les plus rares esprits de son temps et transformé par leurs louanges, au point d’avoir ébloui et en partie trompé le jugement de l’avenir. […] De là le jugement du critique ancien qui nous dit : « Des a poëtes lyriques, Horace est presque le seul digne d’être lu ; car il s’élève par moment, il est plein d’enjouement et de grâce, et, dans la variété de ses images et de ses expressions, il déploie la plus heureuse audace.
Mais nous saluons les modernes en passant, et nous y revenons avec empressement, quand nous avons touché le but et affermi notre jugement.
Il y a là deux contre-sens qu’il importe de relever ; le jugement qu’on portera du livre en deviendra plus sérieux et plus sévère.
Parmi les hommes de lettres du Nord, il existe une bizarrerie qui dépend plus, pour ainsi dire, de l’esprit de parti que du jugement.
C’était, dit-on, un homme sobre, d’un jugement rare, plein de bons conseils, buvant peu et beaucoup plus prévoyant qu’il ne voudrait le faire croire dans ses chansons.
Voltaire rapporte, d’après un écrit du temps, que mesdames de Rambouillet trouvaient le christianisme trop exalté dans Polyeucte ; et Voltaire approuve ce jugement.
M. de Voltaire auroit dû s’en tenir à ce jugement, qui faisoit honneur à ses lumieres & à son goût, & ne pas dire, dans un autre Ouvrage, que le Discours sur l’Histoire universelle n’est qu’une éloquente déclamation qui peut éblouir un jeune Prince, mais qui contente peu les Savans ; ce qui ne prouve que son injustice & son inconséquence.
Cet Auteur seroit-il moins estimable, en se montrant plus attentif à rejeter l’esprit de systême, qui lui fait envisager les choses du côté le plus singulier ; à éviter de certaines discussions, propres à faire briller l’éloquence, à la vérité, mais rarement d’accord avec l’exactitude & la solidité du jugement ; à interdire à son imagination quelques essors un peu trop libres ; & à retrancher de sa maniere d’écrire, des expressions, qui, pour être pittoresques & supposer la facilité la plus heureuse, n’en sont pas toujours, pour cela, conformes à la dignité du style & à la sévérité du goût ?
Son roman, ou plutôt son poème de Paul et Virginie, est du petit nombre de ces livres qui deviennent assez antiques en peu d’années pour qu’on ose les citer sans craindre de compromettre son jugement.
Mais le génie y est, et le jugement viendra sûrement.
C’était le Jugement d’Appius Claudius, scène immense ; Diomede qui blesse Venus, autre scène immense ; une Bacchanale, sujet d’ivresse, exécuté avec force et chaleur.
Au contraire ils en sont remplis ; mais leurs fictions sans vrai-semblance, et les évenemens trop prodigieux, dégoutent les lecteurs dont le jugement est formé, et qui connoissent les auteurs judicieux.
Si l’on me demande quel temps il faut au public pour bien connoître un ouvrage et pour former son jugement sur le mérite de l’artisan, je répondrai que la durée de ce temps d’incertitude dépend de deux choses.
Alors que nous nous en croyons affranchis, il nous impose ses jugements sans que nous y prenions garde.
Sur ce point-là, comme sur tant d’autres, il y a des jugements superficiels, des préjugés, mais nulle conclusion véritablement scientifique.
Le jugement esthétique devient ici seul compétent. […] Gaston Paris, et avec « plus de jugement ». […] avant l’épreuve et le jugement du public et de la critique ? […] Pellissier, — que de juger à leur tour les jugements qu’il porte sur nos contemporains, sur MM. […] La critique ne consiste pas à formuler des jugements, ainsi que M.
Paris, sur tous ces points, a eu raison et gain de cause ; et tantôt corrigeant la Cour, tantôt l’imitant et rivalisant avec elle, il contribuait au moins de moitié à vérifier et confirmer cette remarque de Vaugelas : « Notre langue se perfectionne tous les jours ; elle cherche une de ses plus grandes perfections dans la douceur. » Sur la locution A présent, Vaugelas nous apprend une particularité assez étrange : « Je sais bien que tout Paris le dit, et que la plupart de nos meilleurs écrivains en usent ; mais je sais aussi que cette façon de parler n’est point de la Cour, et j’ai vu quelquefois de nos courtisans, hommes et femmes, qui l’ayant rencontrée dans un livre, d’ailleurs très-élégant, en ont soudain quitté la lecture, comme faisant par là un mauvais jugement du langage de l’auteur. » Vaugelas indique comme équivalent et à l’abri de toute critique A cette heure, Maintenant, Aujourd’hui, Présentement ; mais A présent, qui vaut certes Présentement, l’a emporté et s’est, maintenu malgré la Cour. […] Et dès lors j’en fis ce jugement, qui se peut faire en beaucoup d’autres mots, qu’à cause qu’on en avait besoin et qu’il était commode, il ne manquerait pas de s’établir. » Arnauld avait risqué le mot d’Exacteté dans son livre de la Fréquente Communion (1643), se réglant en cela sur les terminaisons en usage dans les mots de Netteté, Sainteté, Honnêteté ; mais, se voyant à peu près seul, il se rétracta depuis et revint à Exactitude. […] Homme de sens, sans supériorité d’ailleurs, il avait tant lu de choses qu’il savait que tout a été dit et pensé, et il en concluait que toute opinion a sa probabilité à certain moment, que la diversité des goûts et des jugements est infinie.
Vous en avez eu le courage tranquille, et je vous écoutais vraiment comme je ferais au jugement dernier… Je vous écoutais, monsieur, car on a lu devant moi votre analyse de ces livres imparfaits, inutiles même, si quelque chose l’est sur la terre, et que vous avez lus patiemment en y appuyant votre pensée et votre âme pour en extraire quelque chose à aimer, à louer et à plaindre ! […] Je vous dois un double remerciement pour m’avoir fait connaître le jugement que portait de moi cette femme distinguée, dont le talent et la personne m’ont toujours inspiré l’admiration la plus sincère et la plus vive sympathie, et pour avoir sanctionné ce jugement de votre autorité… Indifférente aujourd’hui à la publicité…, je ne le suis point à l’estime affectueuse de quelques nobles âmes, à l’approbation de quelques esprits d’élite. — Je vous dois donc, monsieur, une très douce émotion… » — M.
» — En d’autres termes, on l’imagine comme désolée et un instant après comme calme ; les deux représentations se contredisent, et, comme la seconde est munie de plus de soutiens, mieux liée à la somme de notre expérience antérieure, appuyée par l’ensemble de tous nos jugements généraux, c’est la première qui est niée, altérée, réprimée, jusqu’au moment où les incidents et souvenirs qui sont les promoteurs de sa rivale, disparaissant avec sa rivale, lui laisseront prendre à elle-même une autre minute d’ascendant. […] Il est une connaissance, en ce que, dans le passé et justement à l’endroit convenable, il se rencontre une sensation exactement semblable à la sensation affirmée, et qu’ainsi notre jugement, qui, en lui-même et directement, est faux, se trouve vrai indirectement et par une coïncidence. — Ici encore, la nature nous trompe pour nous instruire. […] Elle roule ainsi, banale ; si je lui découvre sa niche dans le lointain vague de l’enfance, c’est par conjecture et raisonnement ; d’elle-même, elle ne se la trouve point ; elle n’a plus son avant et son après, elle est privée de situation. — Et, si l’on regarde l’avenir, son cas est le même, puisque son existence future apparaît comme soumise à telle ou telle condition, entre autres à ma volonté variable, et puisque, dans le royaume de l’avenir, elle est encore banale, capable de s’intercaler à tel ou tel moment de mon expérience future aussi bien qu’à tel autre. — Des deux côtés, la situation lui manque ; par essence, elle flotte ; je ne puis la fixer, l’affirmer ; en cela, elle s’oppose aux jugements affirmatifs précédents, prévisions et souvenirs.
Mais il n’y a rien de moral dans toute leur existence ; toute réflexion, tout jugement, tout dialogue entre eux leur est sévèrement interdit ; il serait contraire à la subordination théâtrale qu’ils excitassent le moindre intérêt. […] Ces chœurs portaient un jugement sur les sentiments et les actions des rois et des héros, dont ils contemplaient les crimes et les misères. Il s’établissait, par ce jugement, une correspondance morale entre la scène et le parterre, et ce dernier devait trouver quelque jouissance à voir décrites et définies, dans un langage harmonieux, les émotions qu’il éprouvait.
Cette situation nouvelle, quelque éphémère et superficielle qu’elle puisse être, étant donnée la succession rapide des écoles et des théories, mérite bien qu’on s’y arrête pour l’envisager ; d’autant plus qu’elle nous fournira l’occasion d’un jugement d’ensemble, à un point de vue nouveau, sur l’œuvre et les idées conductrices du maître de Médan. […] Son œuvre et son rôle valent cependant la peine d’un regard sérieux et d’un clair jugement, car ils sont synonymes de force et de vie. […] Que, d’une part, cette constatation n’attente en rien à la grandeur, à la puissante beauté de son rôle comme représentant de la vie en face du spiritualisme pourri et de l’idéalisme enfantin, nul n’en doutera, s’il est sincère et de jugement sain ; mais que, d’autre part, ce strict attachement à une doctrine qui nous paraît singulièrement insuffisante, aride et succincte, malgré l’enthousiasme qui cherchait à l’imposer, ne porte pas atteinte à l’intégrale portée de son œuvre aux yeux de l’avenir, il est au moins téméraire de l’affirmer.
On est très prompt, dans notre pays, à faire intervenir la morale dans les questions d’art : le jugement public, porté par M.
L’auteur de ces Souvenirs, que déjà de grands dons de nature et d’art recommandent à l’admiration, aurait peine à éluder, en s’offrant sous une autre forme au jugement du monde, cette disposition un peu maligne qu’il a de ne louer qu’à son corps défendant, si l’absence de toute prétention d’abord, et puis une cordialité noble, sociable, une nature manifestement bienveillante et généreuse, n’engageaient le lecteur qui a tant de fois applaudi.
Et fors lui, qui des jugements sur lui-même pourraient-ils bien émouvoir ?
Ne voulant pas souscrire au jugement porté sur Voiture par une multitude d’écrivains qui ne l’ont pas lu, j’ai courageusement entrepris de le lire, et voici ce que j’ai recueilli de ma lecture : Voiture, dans sa première jeunesse, écrivit à la manière du temps, avec recherche et affectation.
Pour montrer combien il respecte la Magistrature, il dit du Parlement de Paris, que c’est un Corps d’assassins, & cite en toutes lettres deux de ses Membres les plus respectables & les plus vénérés du Public, comme les auteurs d’un jugement, qu’il appelle atroce.
Avoir reçu du Ciel une imagination vive & féconde, un jugement aussi exquis que solide ; allier à l’étendue du savoir une profonde sagesse ; aux charmes de l’éloquence l’empire de la vertu ; à l’élévation des dignités un amour aussi éclairé qu’intrépide pour le bien ; avoir ajouté à ces qualités une application infatigable à cultiver ses talens, une modestie sincere, la véritable parure du mérite : tel est le privilége heureux qui distingue ce Grand Homme, à qui les hommages ne peuvent être trop prodigués.
C'est méconnoître les grands talens, mépriser son Siecle, ôter à son jugement toute espece d'autorité, décrier ses propres sentimens, que de prétendre affoiblir une gloire qui ne déplaît peut-être à son détracteur, que parce qu'elle paroît plus solidement établie que la sienne.
C’est une chose bizarre que la diversité des jugements de la multitude qui se rassemble dans un Salon.
Perrault le jugement raisonné qu’il porte sur ces deux tableaux.
dans la note du discours le jugement sur Dante.
— Sans doute ; mais ce qui importe ici, c’est de savoir sur quoi, lors de cette remémoration, porte le jugement de reconnaissance. […] J’ai observé des lapsus memoriæ qui n’ont pas d’autre explication ; voici leur formule générale : un jour j’éprouve un état A, assez fort ; quelques jours plus tard, un état a, analogue à A et très faible ; à quelque temps de là, je me trouve de nouveau en présence de l’objet a, et, tout d’abord, je le méconnais, car je me dis : « C’est A » ; puis une circonstance quelconque me révèle mon erreur ; — l’état a avait donc été trop faible pour être ensuite bien reconnu ; sans doute il l’a été : je l’ai jugé ancien en même temps que présent ; mais ce jugement, en se déterminant, s’égarait sur un état analogue à a, plus ancien pourtant et, par suite, plus effacé par l’oubli, mais que sa vivacité primitive prédisposait à être reconnu en toute circonstance. […] Non seulement les idées, — concepts et jugements, — s’usent en nous par la répétition, mais aussi les concepts et les jugements nous arrivent en quelque mesure du dehors tout formés et déjà usés par une longue répétition ; l’habitude individuelle ne fait qu’aggraver un mal déjà réel et confirmer les effets de l’habitude collective du milieu qui nous entoure. […] Durant le sommeil, la parole intérieure est incohérente, et quand elle nous paraît intérieure, et quand nous l’externons par un jugement erroné (c’est le propre de l’hallucination [voir chap. […] A savoir, de ceux qui, se croyant plus habiles qu’ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements, ni avoir assez de patience pour conduire par ordre toutes leurs pensées […].
Que si l’on confond ensemble et que l’on enveloppe dans un même jugement, comme l’a fait M. […] Et, plutôt que de déplorer le mouvement de la Renaissance, on fera mieux de s’en tenir au jugement consacré. […] Mais je crois que l’opinion commune se trompe et qu’il convient d’en appeler du jugement consacré. […] Renversons les termes d’un jugement qu’on accepte avec trop de docilité. […] Nous avons ici trop aisément accepté le jugement haineux de Lessing.
Je me contenterai de rapporter quelques jugements littéraires qui m’ont fort étonné, parce qu’ils sont en contradiction directe avec nos opinions reçues. […] Le jugement qu’il porta d’abord du tragique anglais fut, comme la plupart de ses premiers jugements, plein de mesure, de goût et d’impartialité. […] Les jugements que l’on porte sur notre littérature moderne nous semblent un peu exagérés. […] Qu’un autre poète avec plus de goût et de jugement décrive Les Amours des plantes, elles lui offriront d’agréables tableaux. […] Or, ce qui manque aux ouvrages de ces hommes, c’est précisément le jugement et le bon sens.
Le jugement que nous portons habituellement sur les « ténèbres du premier moyen âge » est faussé par notre anticléricalisme, par notre vanité d’hommes « modernes », par la sécheresse soi-disant objective de notre érudition ; pour bien pénétrer l’état d’esprit d’alors, il faudrait se faire une âme naïve et catholique. […] Ce caractère lyrique de la première période est le fait essentiel ; quand on en sera bien pénétré, on interprétera et on groupera mieux les divers témoignages de la littérature en langue latine ; on retrouvera, derrière le système des clercs, l’âme d’un peuple nouveau, et le jugement total que nous portons sur cette époque de nos origines s’en trouvera heureusement modifié, dans un sens de plus grande justice historique. […] Je prie le lecteur de bien vouloir suspendre son jugement, faire abstraction pour un moment du mode habituel de considérer le xviie siècle, et d’examiner sans parti pris les considérations que j’ai à lui soumettre. […] Qui l’entreprendra sans parti pris, verra crouler les jugements traditionnels, et comprendra par exemple l’importance de Mlle de Scudéry dont nous ne lisons plus que les Conversations ; on lui reproche d’avoir fait des romans pseudo-historiques, d’une longueur démesurée ; mais si pour ses lecteurs cette convention était transparente ? […] Faute de recourir aux auteurs mêmes, à force de lire les mêmes « morceaux » dans les anthologies, les mêmes citations et les mêmes jugements dans les histoires littéraires, à force de substituer notre goût, notre nature et notre raison aux notions du xviie siècle, nous transformons l’unité de l’époque en uniformité, dans nôtre admiration autant que dans notre critique.
Accusé d’avoir pris part à l’évasion de Bourmont, il s’évada lui-même de la ville, et n’y revint qu’après qu’un jugement rendu l’eut mis à l’abri. […] Ne lui demandez pas une discussion suivie et rigoureuse, armée de précautions, appuyée aux lignes établies de l’histoire, aux grands résultats acquis et aux jugements généraux de la littérature. […] Les esprits même les plus en délicatesse de littérature pourront désirer quelquefois plus de circonspection et de sévérité dans certains jugements qui atteignent des noms connus : ainsi, M. de La Rochefoucauld n’est pas formellement accusé, à l’article IV des Questions, d’être un plagiaire de Corbinelli ; mais cette singulière accusation, une fois soulevée, n’est pas non plus réfutée et réduite à néant, comme il l’aurait fallu. […] Mais ce dernier possédait un manuscrit de M. de Surville avec des ébauches inédites de pastiches nouveaux, et les deux amis, malgré leur jugement antérieur, ne purent résister au plaisir de rentrer, en la prolongeant, dans la supercherie innocente.
» Au lendemain, vêtu d’une sequenie blanche, charge sur son dos les deux précieuses coignées, se transporte à Chinon, ville insigne, ville noble, ville antique, voire première du monde, selon le jugement et assertion des plus doctes Massorets. […] La force du jugement sert de prétexte pour l’attaquer. […] Car je vous déclare que vous n’êtes ni plus courageux, ni plus hardis, ni plus vaillants que nous ; mais bien comme nous avions offensé nos dieux et qu’ils voulaient nous châtier, par un jugement qui nous est caché, ils ordonnèrent que vous seriez cruels bourreaux. […] « Ô secrets jugements des dieux !
Il n’est pas nécessaire de dire avec quelle mesure nous discuterons ces deux faux actes du premier Consul, ces deux faux jugements de son historien. […] On ne peut reprendre dans ce récit de quelques mois de paix que deux ou trois jugements qui manquent de justesse parce qu’ils manquent d’impartialité. […] XVI Le récit du jugement nocturne de Vincennes par M. […] Thiers donne à ce procès l’intérêt d’un grand drame ; il y est aussi juste qu’éloquent : juste envers Bonaparte, qui avait le droit de sévir contre un rival devenu un conjuré ; juste envers Moreau, qui avait failli à la patrie, à la reconnaissance et à lui-même ; juste envers la magistrature du pays, qui montre dans ce jugement des caractères dignes de Rome.
À quelques jours de là, Hetzel lui faisait dire de passer chez lui, et dans une entrevue féroce, lui déclarait qu’il n’avait aucun talent, n’en aurait jamais, que c’était écrit d’une manière exécrable, qu’il recommençait la Commune de Paris dans la langue française, qu’il était un détraqué de croire, qu’un mot valait plus qu’un autre, de croire qu’il y avait des épithètes supérieures… Et Huysmans me peignait l’anxiété que cette scène avait mise dans le cœur de sa mère, pleine de confiance dans le jugement de l’éditeur, en même temps, que la douloureuse méfiance qui lui était venue à lui, de son talent. […] Puis, au bout de quelques secondes, le regard perçoit dans ces apparences de madrépores du premier moment, les ressauts et les rentrants, les saillies et les cavités de tout un monde de délicieuses petites académies, pour ainsi dire, remuantes, que la sculpture de Rodin a l’air d’emprunter à l’épique dégringolade du « Jugement dernier » de Michel-Ange, et même à de certaines ruées de multitudes, dans les tableaux de Delacroix, et cela avec un relief sans exemple, et que lui seul et Dalou ont osé. […] C’est vraiment beau, le manque de jugement personnel du Parisien éclairé, asservi absolument au jugement du journal qu’il lit.
Royer-Collard, parlant à moi-même, me fit un jour l’honneur de s’expliquer au sujet de Jouffroy : son jugement était des plus sévères, il était même injuste ; je me permis de le lui représenter. […] Ici, maître de son terrain, manœuvrant de pied ferme, prenant son temps et ses mesures, il étudie les faits, il les ordonne et les combine, il les appuie et les enchaîne dans des compositions savantes qui ont de l’intérêt, du jugement, de la force et des parties d’éclat.
À beaucoup de pénétration il joignait une grande justesse de jugement, une mémoire excellente, des vues élevées et de vastes conceptions. […] Il faut qu’à une mémoire sûre ils joignent une élocution facile et un jugement exercé ; il faut que leurs idées s’offrent comme à volonté et dans le plus grand ordre à leur esprit.
La Harpe, après Rivarol, rétrogradait et se repliait sur le jugement de Voltaire, lorsqu’en quelques lignes rapides de son Cours de littérature il parlait de l’ouvrage de Dante comme « d’un poème monstrueux et rempli d’extravagances, que la manie paradoxale de notre siècle, disait-il, a pu seule justifier et préconiser ». […] Pour produire tout son effet et pour donner à ses jugements toute leur portée, il faut se dire et dire aux autres qu’on retourne les points de vue, si on les retourne en effet.
Cette étude sur Swift, où l’ambition politique ardente et déçue, le talent ironique et âcre, la misanthropie douloureuse poussée à la démence, sont rendus avec vigueur et sobriété, se recommande surtout « par les jugements et les pensées, par les idées et par la forme qu’elles prennent. » C’est dire qu’il laisse à d’autres l’étalage des recherches et le surcroît de l’érudition. […] Je me le suis dit assez souvent à moi-même, j’ai le droit de le dire aux autres : prenons garde que notre jugement ne soit suborné par le plus subtil et le plus délié des intérêts, celui de notre esprit.
Écoutez le sage Fleury, son sous-précepteur : « C’était, nous dit-il, un esprit du premier ordre : il avait la pénétration facile, la mémoire vaste et sure, le jugement droit et fin, le raisonnement juste et suivi, l’imagination vive et féconde (que de choses !). […] Il apprit ensuite l’espagnol et l’italien, et il aurait appris le grec si l’on eut voulu, pour mieux entendre les bons auteurs, particulièrement les poètes… » Écoutez La Fontaine qui, dévot alors et bien près de sa fin, fut admis auprès du jeune prince et reçut de ses bienfaits ; il parle comme l’abbé Fleury, et célèbre « ce goût exquis, ce jugement si solide », qui l’élève si fort au-dessus de son âge.
Mais il l’était à l’état de repos, de contemplation sereine, et là, seulement où il pouvait l’être encore, dans l’inspiration habituelle qui lui dictait ses jugements. […] Quand on est lettré soi-même, on sourit involontairement d’abord de voir la critique de Napoléon s’appliquer à l’examen de chacune de ces campagnes fameuses dans l’histoire comme on procéderait au jugement d’une œuvre d’esprit, d’une épopée, d’une tragédie : mais n’est-ce pas une œuvre de génie également ?
En France, quoiqu’il y ait dans notre génie, dans notre tour naturel d’esprit et de langage, ainsi qu’Henri Estienne l’a dès longtemps observé, quelque chose qui nous rapproche davantage des Grecs, nous tenons des Romains par une filiation presque immédiate ; nous y tenons aussi par réflexion, par habitude et routine ; nous empruntons d’eux volontiers nos formules en tout ; dans nos jugements et dans nos raisonnements sur l’art, nous sommes latinistes. […] Il n’a certainement pas pris la peine de regarder autour de lui, de faire quelques pas, soit dans l’Acropole, soit dans la ville, avant de porter un jugement sur un édifice dont il ne connaît ni la destination sacrée, ni la place.
A la nouvelle de cette publication, je répondais à l’honorable exécuteur testamentaire qui voulait bien faire appel à mes souvenirs et à mon jugement sur le poëte : « Boulay-Paty était un de mes plus anciens et fidèles amis. […] Cambouliu, professeur à la Faculté des Lettres de Montpellier, a écrit à l’un de ses amis, à l’occasion de ce mien jugement : « … Il n’y a rien en effet chez les Félibres de comparable à Mistral (à qui j’ai consacré cet hiver une leçon qui a eu un grand succès), et Jasmin a largement obtenu tout ce qu’il méritait, — j’oserai même ajouter plus qu’il ne méritait ; car je vous avoue franchement que je ne le tiens pas en très haute estime et que je ne puis guère voir en lui qu’un écolier de nos maîtres parlant patois ; je mets une grande différence entre lui et l’auteur de Mireïo, qui est, celui-là, un véritable poëte.
Réduites en langage commun, ses théories n’ont en général rien d’inacceptable, et beaucoup de ses jugements, encore que sévères, sont mérités. […] Son jugement — chose énorme en France — donne aux gens le droit d’estimer ce dont ils s’amusent.
Les jugements qu’on faisait de La Rochefoucauld sont conformes à ce portrait. […] « Son jugement, dit-il, n’était pas exquis dans l’action.
Il en propageait la leçon, à la stupeur des poètes libertaires, incapables de s’y plier, faute de culture et de jugement. […] C’est la ressource des esprits grossiers et dépourvus de jugement.
que je ne voudrais pas être ainsi loué par lui, et que j’aime mieux de sa part un jugement plus sobre, plus motivé, où ce n’est plus le Janin du rôle, mais le Janin de l’entracte qui parle, le Janin véridique et franc du collier ! […] Sur Scribe, sur Balzac, sur Eugène Sue, sur Théophile Gautier, sur Méry, il a écrit des jugements rapides, nuancés, trouvés à l’heure même, qu’on ne refera pas, et qu’il faudrait découper, isoler de ce qui les entoure.
Gargantua s’éveille à quatre heures du matin environ : pendant sa première toilette, on lui lit quelques pages de la sainte Écriture, hautement et clairement, de manière à élever dès le matin son esprit vers les œuvres et les jugements de Dieu. […] Ce dernier jugement de Voltaire restera celui de tous les gens de sens et de goût, de ceux qui n’ont point d’ailleurs pour Rabelais une vocation décidée et une prédilection particulière.
Le danger, aujourd’hui, pour quantité d’esprits distingués, atteints dans leurs habitudes, dans leur symbole politique, et qui ont à se plaindre des choses, serait de se fixer dans une disposition habituelle de rancune, d’hostilité sans grandeur, de jugement ironique et satirique : il en résulterait une altération, à la longue, dans le fond même de leur esprit et de leur jugement.
Préviens, si tu l’oses, le jugement de la postérité ; ou si tu n’en as pas le courage, peins-moi du moins celui qu’elle a porté. […] L’expression exige une imagination forte, une verve brûlante, l’art de susciter des fantômes, de les animer[,] de les agrandir ; l’ordonnance, en poésie ainsi qu’en peinture, suppose un certain tempérament de jugement et de verve, de chaleur et de sagesse, d’ivresse et de sens froid dont les exemples ne sont pas communs en nature.
S’il est très vrai, comme on disait autrefois, qu’une bonne comédie ne se peut juger qu’aux chandelles, il n’est pas moins véritable qu’il y a comme un jugement d’appel à porter sur elle et qui ne se peut porter qu’à la lecture. […] Cela veut dire : « Cléante a raison, non seulement parce qu’il raisonne bien ; mais parce qu’Orgon ne trouve pas un mot à lui répliquer ; et donc Orgon n’obéit qu’à sa passion et Cléante obéit à son jugement ».
C’est ce que l’Aréopage donna bien à entendre dans une cause délicate et embarrassante dont le jugement lui fut renvoyé.
Il est une tradition d’école qui fait accuser le Père Malebranche d’avoir, dans son grand ouvrage De la Recherche de la Vérité, médit de l’imagination avec beaucoup d’imagination, jugement singulier et faux comme tant d’autres, car le Père Malebranche, qui a l’espèce d’imagination qui, pour un philosophe, est une maladie, n’a pas celle qui, pour un écrivain, est une faculté.
» Nous devons faire le même jugement à l’égard des ouvrages des poètes et des orateurs. […] Aussi ne porte-t-il aucun faux jugement sur les passions, ni sur les vices contraires au sublime qu’il traite lumineusement. […] On est donc en droit de se défier de ses jugements : la lecture attentive de ses écrits redouble cette méfiance. […] Il importe donc ici d’établir des certitudes dans les jugements, afin que les arrêts ne soient plus douteux. […] La dignité d’Eschyle inspira sur lui ce jugement d’Horace dans l’Épître aux Pisons.
L’intrépidité de sa foi et même la hardiesse des jugements qu’elle lui inspire sur les affaires de ce monde recouvre et suppose, à l’origine, l’horreur de l’incertitude et de la solitude, l’impossibilité de durer dans la non-affirmation, l’impérieux besoin de support et de magistère, en somme le frisson de je ne sais quelle peur irréductible, la peur du noir, celle qui jette les mourants aux bras des prêtres. […] Et, comme un grand nombre d’entre eux sont plus ou moins pénétré d’esprit chrétien, il ne fut pas trop gêné ensuite par ses croyances dans les jugements qu’il porte sur eux. […] Il n’en est presque pas un sur qui son jugement ne soit double, selon les ouvrages, et aussi selon qu’il les juge davantage avec sa conscience ou avec son goût. […] Et vous comprendrez mieux la magnanimité de ce jugement, si vous vous souvenez du vers abominable où Victor Hugo avait insulté Louis Veuillot dans sa mère. Vers la fin du joli chapitre de critique de Çà et là, Veuillot, après quelques jugements sévères sur la littérature de ce temps, rentre en soi : Je ne crains pas que l’on m’ahonte en m’opposant à moi-même le peu que je vaux.
Alceste l’avertit qu’il est un peu sévère dans ses jugements littéraires. « C’est ce que je demande », répond Oronte. […] Je n’entends rien aux vers », mais à cause de sa franchise, ayant dit : « Je suis sévère dans mes jugements ». […] Mais sur elle je puis porter un jugement et un jugement sévère s’il y a lieu, absolument comme sur une autre. […] Ainsi me paraît avoir pensé Voltaire, beaucoup plus rapidement que je viens de l’analyser, quand il a écrit ce jugement sur Molière. […] Robert la réflexion de votre jugement ?
C'est le jugement unanime même des ennemis.
Dans les observations relatives à la France, on pourrait relever aussi quelques jugements inexacts et légers.
Ce témoignage, je le porterai haut et ferme sur ma tête au jugement dernier.
est un secret entre sa conscience et lui, un secret qu’il lui est interdit de trahir dans ses jugements.
Les articles des journaux, les jugements des critiques sont en l’occurrence de précieux éléments d’information.
Ce jugement fait voir que M. de Voltaire n’étoit pas plus infaillible ni plus juste dans ses éloges que dans ses critiques.
Où est la fierté, le sens, le jugement, la raison indisciplinée de l’homme sauvage ?
Cedrenus raconte qu’un tableau du jugement dernier contribua beaucoup à la conversion d’un roi des bulgares.
Il me semble que ce passage jette presentement un grand jour sur le titre des comedies de Terence, qui souvent ont mis à la géne des sçavans commentateurs, sans qu’ils y disent rien sur quoi l’on puisse fonder un jugement arrêté.
La hauteur des opinions de Méry sur les hérésies, l’influence de l’hérésie sur les Barbares, le frappant vis-à-vis de l’apostasie d’Attila et de l’apostasie de Julien, — lequel appartient exclusivement au nouvel historien de Constantinople et qui a l’inattendu d’une révélation, — son bel épisode des Croisades, son mépris pour l’esprit des Grecs rebelles et disputeurs et pour ces protestants du xvie siècle qui renouvelèrent, à leur manière, l’esprit grec, et forcèrent les puissances chrétiennes à se détourner de la grande guerre traditionnelle de la chrétienté contre la barbarie musulmane pour brûler Rome et s’entre-déchirer entre elles au nom de la dernière hérésie sortie de la plume de Luther, enfin son jugement, d’une si noble pureté de justice, sur les grands calomniés de l’histoire, les jésuites, — puisqu’il faut dire ce nom si magnifiquement exécré, — et dont il nous raconte l’établissement et l’héroïsme, sous Murad III, à Constantinople, toutes ces choses et toutes ces pages, qui font de l’histoire de Méry une composition d’un mouvement d’idées égal pour le moins au mouvement de faits qu’elle retrace, n’ont pu être pensées et écrites que par un catholique carré de base déjà, mais qui va s’élargir encore.
Je n’ai jamais pu me rendre compte de cette différence entre ses jugements publics pendant qu’il vivait, et ses jugements confidentiels et posthumes avec la postérité. […] Cette mort fut douce et silencieuse comme le moment où l’âme confiante dans la miséricorde se jette avec tremblement dans le jugement de Dieu.
Quoiqu’on fasse dans la suite, on reste marqué au fer rouge pour l’éternité de pareils procédés, aussi révoltants, aussi iniques, aussi imbéciles, réhabilitant les jugements de l’Académie française. […] La justice civile et pénale est boiteuse et myope ; elle rend des arrêts qui sont rarement l’expression de l’équité absolue, et la plupart des jugements sont des cotes mal taillées. […] Jean Royère Je crois qu’on discutera pour ou contre les prix littéraires tant qu’ils existeront et même au jugement dernier, mais la question n’est pas palpitante.
Jullien n’a pas cru devoir se contenter de juger l’homme, après l’artiste : il a porté des jugements sur quelques personnes tout en dehors de la vie publique qui eurent leur existence mêlée à celle de Wagner, et qui vivent encore. […] Chap. 1er : Conception et Exposition du drame musical (jeunesse, vocation, premières œuvres de Wagner, séjour à Paris, jugement de Wagner sur ses contemporains, la théorie du drame musical. […] D’autres jugements : « L’analyse psychologique des personnages fait le plus souvent défaut » ou : « Wagner a porté tout l’effort de sa puissance révolutionnaire sur un seul objectif : l’illusion théâtrale … » Rectifions quelques informations erronées : dans Siegfried la scène de Siegfried et du Voyageur est après la traversée du feu ; ce qu’on appelle la scène d’amour de la Walkure est au premier acte ; etc. ; encore : Madame Vogl est de Munich, Mademoiselle Therese Malten de Dresde ; etc.
Ce qui est certain, c’est qu’elle est la base première de tout jugement esthétique sain et sérieux. […] Je n’approuve pas son jugement sur l’esprit de la Renaissance qui n’a nullement été un esprit d’orgueil. […] Saint-Saëns l’a signée. » Il y a dans ce jugement l’outrance d’une vérité. […] Il avait cependant l’esprit fort net et un très bon jugement critique. […] Comme les jugements sur les choses de l’art sont capricieux et fragiles !
. — Son jugement sur Voltaire. […] Son histoire de la Révolution française. — Sévérité de son jugement. — En quoi il est clairvoyant et en quoi il est injuste. […] Son jugement sur l’Angleterre moderne. — Contre le goût du bien-être et la tiédeur des convictions. — Sombres prévisions pour l’avenir de la démocratie contemporaine. — Contre l’autorité des votes. — Théorie du souverain. […] Là-dessus, comme il est naturel, on se hâte de prendre les vingt volumes de Carlyle, critique, histoire, pamphlets, fantaisies, philosophie ; on les lit avec des émotions fort étranges, et en démentant chaque matin son jugement de la veille. […] Je puis vérifier, en lisant celle-ci, le jugement de l’auteur ; je ne pense plus d’après lui, mais par moi-même : l’historien ne se place pas entre moi et les choses ; je vois un fait, et non le récit d’un fait ; l’enveloppe oratoire et personnelle dont le récit recouvre la vérité a disparu ; je puis toucher la vérité elle-même.
Voici pourtant quelques beaux passages, du jugement le plus sûr, de la meilleure et de la plus saine des langues : « Hippocrate a fleuri à l’époque la plus brillante de la civilisation grecque, dans ce siècle de Périclès qui a laissé d’immortels souvenirs. […] « On ne doit pas aller là, dit-il, pour apprendre la médecine ; mais, quand on est pourvu d’une instruction forte et solide, il faut y chercher un complément qui agrandisse l’esprit, affermisse le jugement, excite la méditation, genre de service que tous les livres ne rendent pas. […] Je regrette que ce ne soit pas ici le lieu d’entrer dans le détail des commentaires si sagaces et si fins qu’il donne de quelques-uns des aphorismes, notamment de ce premier aphorisme si célèbre : « La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile. […] Vie et régime. — Jugements et témoignages.
Pierre Mais quels jugements littéraires ! […] Paul Ce sont des jugements fort académiques, et qui pourraient le conduire au secrétariat perpétuel. […] Les jugements ne sont pas plus motivés que correctement signés. […] Comme le jugement de Dieu au Moyen Âge, l’assassinat est la ressource des imbéciles.
Quand je vois l’arbre ou que je touche la boule, ma sensation me suggère un jugement, c’est-à-dire une conception et une affirmation. […] Mais ce n’est point là le jugement primitif ni ordinaire ; il faut être devenu savant pour le porter ; l’explication est ultérieure et surajoutée. — D’ailleurs, la difficulté n’est que déplacée : munis de la théorie, nous disons que les molécules de l’air ou de l’éther ont le pouvoir, lorsqu’elles oscillent, de provoquer en nous les sensations de son ou de couleur. Ce pouvoir, que le jugement spontané accordait au corps éclairé et à la corde vibrante, est reporté maintenant sur les molécules interposées de l’air et de l’éther ; ainsi la couleur et le son restent toujours des propriétés relatives ; qu’on les attribue à la corde vibrante et au corps éclairé, ou aux particules aériennes et éthérées, elles ne sont rien de plus que le pouvoir de provoquer en nous telles ou telles sensations. […] Lorsque rien ne contredit la conception ainsi formée et que, au lieu d’être réprimée et niée, elle est provoquée et suscitée par la sensation actuelle, elle est affirmative et devient un jugement.
Comme je l’ai dit au début, je ne les considère que comme « une contribution à la formation d’un jugement sain sur l’œuvre et sur son auteur. » Et si, maintenant, je me laisse induire à dire quelques mots de jugement sain sur l’œuvre pour contrebalanceras jugements maladifs que j’ai réfutés au début de ces notes, je dois auparavant dire qu’ici aussi je me trace d’étroites limites. […] En abordant Tristan de plus près, nous verrons de suite les déplorables effets de cet alanguissement des sensations artistiques qui fait qu’en chaque chose nous cherchons à orienter nos jugements d’après des théories.
Est-il digne de vous, Seigneur, de regarder ce je ne sais quoi qu’on appelle un homme, et de vous mesurer avec lui dans un jugement entre lui et vous ? […] » Il veut prendre Dieu corps à corps. « Pourquoi l’homme ne peut-il pas entrer en jugement avec Dieu comme avec son égal ? […] et c’est avec un pareil atome que vous daigneriez entrer en jugement ! […] Je comprends, comme Job, que l’âme, irritée et indignée au commencement de son supplice, sans savoir pourquoi elle l’a mérité, appelle son Créateur en jugement devant l’éternelle équité révoltée en elle, et qu’elle lui dise : « Maudit soit la nuit où un homme a été conçu. » Le blasphème contre l’existence est un péché, mais c’est le plus noble des péchés, car c’est le plus courageux et le plus fier ; c’est le cri du supplicié interpellant et défiant son bourreau dans le supplice ; c’est le péché des braves, et non des lâches : il a sa grandeur au moins dans sa folie.