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1355. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Chapitre premier. […] La fixité, le solide établissement de l’esprit dans une idée première, l’impersonnalité, la vigueur objective, la rigueur dans la déduction, toutes ces choses de l’homme, quand l’homme a du génie, Mme de Staël ne les connaît pas ! […] Mme Sand, qui n’est pas plus un homme que Mme de Staël, qui n’a pas plus de principes premiers, pas plus de métaphysique prépondérante que Mme de Staël, n’a pas l’esprit critique, même dans la mesure où il est en Mme de Staël.

1356. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Ce ne fut pas, du reste, dans son premier ouvrage que Daumas montra, dans toute leur plénitude, les vives qualités d’écrivain qui allaient distinguer sa manière. Ce premier ouvrage était une suite d’études géographiques, statistiques, historiques, sur la région au sud des établissements français en Algérie. […] En effet, il n’y avait pas dans cet ouvrage que des détails de mœurs à animer, des faits à grouper et à décrire, enfin de la tapisserie historique à nous dérouler avec ses premiers plans et ses perspectives ; il y avait aussi de véritables questions d’histoire à toucher, à pressentir ou à résoudre, d’autant plus difficiles et plus hautes, ces questions, que l’histoire qu’écrivait Daumas n’était pas faite, mais qu’elle se faisait, et qu’il fallait pour récrire la sagacité des historiens contemporains, — les premiers des historiens quand ils sont un peu supérieurs, — qui jugent les événements et leurs résultats dans le coup de la mêlée, tandis que les historiens d’une époque finie les jugent tranquillement après coup.

1357. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Une fois arrivée de la persécution et de l’oppression à la puissance, grâce à trois grands hommes dont les deux premiers ne sont pas sans reproche et dont le troisième est le plus grand : Constantin, Théodose et Charlemagne, l’Église, unifiée avec l’État et mêlée à son gouvernement, imprima aux choses son influence et sa direction suprême. […] Après l’horrible guerre des Albigeois, qui finit après que le frère de Saint Louis eut pris possession du comté de Toulouse, M. de Meaux ajoute triomphalement : « Dans ce premier effort de l’Hérésie pour avoir un peuple qui lui appartînt, sa tentative pour rompre l’unité nationale l’avait resserrée », — et, toujours content, il sourit et se frotte les mains pour le Catholicisme. […] … Pour résister comme il aurait fallu, et dans la mesure qu’il aurait fallu, à l’Hérésie nouvelle, besoin était d’une tête catholique et politique et de premier ordre, d’une espèce de Charlemagne proportionné aux circonstances, et il n’y en avait pas.

1358. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Buffon17 [Le Pays, 31 janvier 1860] I Ce travail, très complet et très intéressant, sur l’un des premiers hommes du dix-huitième siècle, confine à deux mondes et embrasse également la science et la littérature. Et lorsque je dis l’un des premiers hommes du dix-huitième siècle, ce n’est pas assez ; c’est le premier qu’il faudrait dire, car dans l’ordre religieux, supérieur à tout, Joseph de Maistre et Bonald doivent être comptés comme étant du dix-neuvième siècle, et dans les sciences naturelles, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire en sont aussi. […] Excepté quatre mois de l’année, il restait à Montbar, perché comme un aigle dans cette aire de cristal qu’il s’y était bâtie, pour mieux y méditer dans la lumière ; et ce ne fut qu’au bout de dix ans qu’il en descendit, rapportant, imprégnés, trempés et saturés de cette lumière, les trois premiers volumes de son Histoire naturelle.

1359. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Comte le philosophe escamote littéralement, dans son système de philosophie positive, qui n’est que le vide positif, — d’abord Dieu et tout l’ordre surnaturel ; ensuite la métaphysique tout entière et le monde d’abstractions et d’explications qu’elle traîne à sa suite ; enfin, les causes finales et les causes premières ! […] En effet, ce négateur des causes finales et premières par haine de l’indémontré n’en part pas moins de l’indémontré, comme le plus modeste d’entre nous. […] Comte appuie la négation des deux premiers états du genre humain qui ont existé, mais qui sont finis, la période de la fiction, c’est-à-dire de toutes les religions, depuis le fétichisme jusqu’à la religion positive — exclusivement, et la période de la métaphysique depuis Aristote jusqu’à Hegel… ma foi !

1360. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Mais il n’écrivait plus ; il avait donné sa démission de la littérature… L’ancien éventailliste du premier Figaro, dégoûté des Célimènes et des journaux pour lesquels il avait travaillé, dégoûté même des livres qu’il avait écrits, dégoûté des philosophies par lesquelles il avait passé, s’était fait chrétien pour en finir avec tous ces dégoûts, qui sont les égouts de nos cœurs… Il était devenu chrétien, — mais le christianisme de Brucker n’était pas ce haut balcon d’où l’on peut cracher sur le monde méprisé. […] La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu ! […] Père lui-même, père chrétien, il savait l’auguste grandeur de cette première des magistratures. — Qu’on me permette une anecdote : Un jour, en 1848, il était allé, sous les balles, chercher un de ses fils aux barricades, et il avait fait rentrer devant lui à la maison ce jeune homme, qui y rentra tête basse et le fusil fumant encore entre ses mains.

1361. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

On m’a dit qu’elle fut la femme d’un professeur, et elle-même semble, au premier coup d’œil, une de ces femmes qu’on croirait nées avec une écharpe noire autour du cou, comme ces femmes-professeurs qui en portaient une, autrefois, dans certaines contrées de l’Italie. […] Je l’aurais laissée avec sa plaquette des premiers jours et ses cent exemplaires. […] On ne peut rien couper ou détacher dans ce poète mâle, qui ne se préoccupe jamais des détails comme les poètes ses contemporains. — par ce côté plus ou moins femelles, — et qui a pour qualités premières et presque exclusives l’ampleur et la majesté dans le mouvement de l’ascension lyrique.

1362. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Il m’était bien difficile d’admettre que Saint-Maur eût dit son dernier mot dans ce livre, qui, selon moi, était son premier dans la grande publicité, — la publicité retentissante. […] Il pourrait très bien aller, par exemple, de Boileau à Gresset, — les deux auteurs des deux Lutrins, — touchant, par la bonne humeur et le style, aux Épîtres du premier (V. […] Saint-Maur a, pour qualités premières, l’abondance Lamartinienne, la souplesse, l’aisance du nageur dans le rythme, la largeur de la touche et du développement, la difficulté facile des vrais poètes et le secret de leur magie ; car il y a deux facilités, et l’autre s’appelle la facile difficulté, — et c’est le trompe-l’œil des imbéciles !

1363. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Ce qui distingue particulièrement et toujours davantage son genre de talent, lequel se développe dans le sens de ses premiers ouvrages et de sa native personnalité, c’est l’éclat à tout prix et l’aperçu à tout prix, et pour les avoir, à tout prix, il met souvent à la vérité des atournements pour lesquels elle n’est point faite, et il va même parfois jusqu’à la renverser la tête en bas, pour la montrer par où on ne l’avait pas vue encore. […] Mais Albéric Second n’a pas craint de jouter dans son livre avec cette difficulté qu’il s’est créée à plaisir et qu’il a vaincue, avec cette terrible première impression qui presque toujours décide de tout en amour. […] Mais Eugène Sue, qui eut un immense succès de surprise et fît faire leurs premières études d’argot aux jaboteurs blasés de la langue de Scribe, n’est plus lu à présent que par les portières.

1364. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

disait-il, je t’invoque ; parmi toutes les divinités, nulle ne parle plus puissamment au cœur de l’homme que toi. » Un autre, qui conseillait de fuir les villes et sentait que la situation des lieux influe sur l’âme : « Habite et parcours les montagnes, disait-il, le soleil les frappe de ses premiers rayons ; les derniers rayons du soleil reposent sur elles ; élève-toi vers les cieux, sors de l’ombre, et respire la lumière et la pureté du jour » ; un autre, après la mort de son épouse, ramasse tous les ornements qui servaient à sa parure, et les suspend dans un temple pour les consacrer à la divinité du lieu. Le plus célèbre d’entre eux fut Hérode Atticus ; il descendait de Miltiade, avait eu un de ses ancêtres consul à Rome, fut lui-même consul, devint le maître de Marc-Aurèle, et posséda des richesses immenses ; mais il préférait à tous ces titres la gloire de parler sur-le-champ d’une manière éloquente : il reçut des leçons d’un fameux orateur de Smyrne, et pour premier essai prononça sur-le-champ l’éloge de son père. Dans sa première jeunesse, désespéré d’être resté court devant un empereur, il veut s’aller précipiter dans le Danube.

1365. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Quelles espérances pouvons-nous fonder sur leurs premières œuvres ? […] À l’âge de vingt-cinq ans, Renan était en possession du premier article de sa méthode. […] Ils revenaient aux croyances de l’âge patriarcal, au rêve édénique des premiers hommes, libres de tout souci et purs de tout péché. […] Il est consolant de penser que ces hommes sont vraiment les rois de ce monde qui semble au premier aspect gouverné par la vulgarité intrigante, l’habileté niaise ou la force brutale. […] Ses premiers recueils sont pleins d’imitations, dont il n’a jamais rougi.

1366. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Les quarante premières pages de sa Marylka m’ont charmé. […] Ses premiers pas sont, d’ailleurs, les plus solennels et les plus compassés. […] Son premier livre, Pauvre Petite ! […] Ce troisième roman est fort différent des premiers du même auteur. […] L’artiste a pour premier devoir d’être lui.

1367. (1903) Le problème de l’avenir latin

Cette substitution de langage a, en réalité, une importance de tout premier ordre. […] Et cette cause première il faut la chercher dans nos origines en tant que nation. […] Le second panneau du diptyque est essentiel à la compréhension du premier.‌ […] Ce serait l’assise première d’où dépendrait la stabilité de l’édifice futur. […] Un jour une nation de premier rang s’en empare.

1368. (1883) Le roman naturaliste

Ne serait-ce pas du premier de ces recueils que M.  […] Au premier coup d’œil, vous ne voyez là qu’une singularité de style, une fantaisie d’écrivain. […] Le Senne et Texier n’ont pas été fidèles aux promesses de leurs premiers romans. […] L’idée première du roman de M.  […] Cette première différence en entraîne d’autres, qui suivent comme nécessairement, et qu’il s’agit de mettre en lumière.

1369. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Un corridor fait face à la porte de la rue ; une chambre à droite, une autre à gauche, forment tout le rez-de-chaussée ; un petit escalier de pierre conduit par peu de marches au premier et seul étage de la maison. […] Il aurait fallu un autre cœur que le mien pour refuser une si agréable hospitalité, à une époque de première jeunesse et de première impression où l’on croit aimer tout ce qu’on admire. […] L’habitude de professer donne souvent un pédantisme à la parole et une impériosité au geste, qui révoltent au premier abord ; l’homme n’aime pas à vivre avec les oracles. […] Il n’y avait point de déjeuner en famille ; chacun jouissait de sa première matinée à sa guise et sans rendre aucun compte de ses heures jusqu’après midi. […] Si j’avais été d’elle, j’aurais préféré l’amour d’un tel cavaliere à la main du premier prince d’Italie !

1370. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mon premier coup d’œil sur lui me reporta à ces hommes. […] cette intelligence se trahissait à ses premiers mots et jusque dans ses gestes ! […] « On le voit, les seules paroles qu’on a retenues des premières années d’Honoré révélaient plutôt la bonté que l’esprit. […] Villemain et Cousin lui inspirèrent ses premières admirations. […] Il ne se plaignit pas toutefois dans ce réduit, où il trouvait la liberté et portait de belles espérances que ses premières déceptions littéraires ne purent éteindre.

1371. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Mon chien vint le flairer à plusieurs reprises ; mais, entendant que je lui parlais de mon ton de voix ordinaire, il nous quitta, et se mit à faire ses tours non loin de nous, prêt à revenir au premier coup de sifflet. […] Pourvoir aux besoins de cinq personnes n’était pas tâche facile dans ces lieux sauvages : d’autant plus qu’au premier signal de l’étonnante disparition de cette famille extraordinaire, ils se virent traqués de tous côtés, et sans relâche. […] Le fugitif semblait avoir bien compris ce proverbe, car pendant la nuit il s’approchait de la plantation de son premier maître, où il avait toujours été traité avec une grande bonté. […] Je leur conseillai de prendre leurs enfants avec eux, et leur promis de les accompagner à la plantation de leur premier maître. […] C’est là qu’au premier printemps et avant de commencer à bâtir, les deux sexes se rendent en foule depuis une heure ou deux avant le coucher du soleil, jusque bien longtemps après nuit close.

1372. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Le xixe  siècle lui-même, durant la période de réaction philosophique qui marqua ses trente premières années, a accablé de sarcasmes et d’invectives l’œuvre des encyclopédistes, Rousseau, Helvétius, Voltaire « et son hideux sourire ». […] Mais le xviie et le xviiie ont eu les leurs aussi, et ce premier quart du xxe n’en manque pas non plus. […] Il ne s’égale certes pas au xviie  siècle qui le dépasse en tous les domaines et jusque dans l’érudition et il l’emporte, du moins dans sa première moitié, sur le xviiie  siècle par une certaine générosité. […] L’œuvre préservée de Lamartine, ou celle de Victor Hugo, tiendra peut-être dans un florilège pas plus gros que le volume qui contient tout ce qu’a écrit Malherbe ; tandis que des écrivains comme Gérard de Nerval, Maurice de Guérin ou Barbey d’Aurevilly viendront en pleine lumière et au premier rang. […] Pierre Mille d’écrire : « Pendant la guerre on aurait dit d’eux des traîtres à la patrie. » L’un des premiers résultats de notre enquête aura donc été de signaler les abus et les dangers auxquels peuvent conduire les procédés et le vocabulaire des politiciens introduits dans la critique littéraire.

1373. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Caractères généraux des premiers, écrivains en vers. — § II. […] Caractères généraux des premiers écrivains en vers. […] L’honneur de ce premier essor de l’esprit français revient au grand roi saint Louis. […] La pensée de cette première partie paraît assez claire. […] Cette première partie se compose de 4, 000 vers ; la seconde en a 18, 000 ; ce sont des vers de huit syllabes.

1374. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ces erreurs de goût sont la punition de ses premières complaisances pour les mœurs et les préjugés de son temps. […] Chez ceux-ci la vraisemblance est au premier rang et la vérité au second. […] S’il oblige les gens, son premier mouvement est de faire montre de son crédit ; faire du bien n’est que le second ; mais le second vient pour corriger le premier. […] Il ne manquerait rien à Gil Blas pour être un livre de premier ordre, si à la peinture de l’homme tel qu’il est se joignait l’élévation morale. […] C’est là cette première morale du Traité des études dont je parlais tout à l’heure.

1375. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

11 février À une soirée d’Arsène Houssaye… Une des premières fois que notre succès nous arrive à l’oreille, et qu’il se fait autour de nous un petit moutonnement de curiosité. […] Condamné à vivre avec lui, j’achèterais un revolver, et je lui dirais : « Ecoutez, au premier mot de votre part qui ne sera pas simple, je vous brûlerai la cervelle !  […] On compte, on recompte, et on recompte encore, au bout de quoi, dans le grand silence de l’étude, la voix nette et un peu railleuse du premier clerc s’élève, et jette : « À cette pile, il manque cent francs, à celle-ci dix francs, à celle-là vingt francs… Le trio de la campagne joue la stupéfaction, muet, il regarde, il regarde toujours la table, comme si, à force de regarder, il allait évoquer sur les piles, les pièces d’or qu’il a oublié d’y mettre. […] Nous restons stupéfaits de la légèreté qui préside aux clauses, aux vérifications de toutes sortes, sous la conduite étourdie de notaires folâtres, feuilletant l’acte en causant de choses légères : vrais tabellions de pantomimes, légers, volages et hannetonnant, et qui ne savent rien du premier mot de l’affaire, ni du contrat qu’ils font signer. […] * * * — Le goût de la chinoiserie et de la japonaiserie, ce goût nous l’avons eu des premiers.

1376. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Aussi, à dater de ce premier poème applaudi avec frénésie par une jeunesse saturée d’idéal et ennuyée de platonisme, Alfred de Musset se déclara-t-il de plus en plus le poète des sens contre les poètes de l’âme. […] Dans ces douze pages de ballade ou de poème de Portia, il y a pour nous une révélation d’un poète de première race. […] Il y a des détails ravissants, tels que cette première rencontre du bandit et de sa maîtresse. […] Puis il me raconte les déboires de sa première passion trompée. […] Ce scepticisme te porta à te détourner de la mêlée, comme tu t’étais, au premier déboire, détourné de l’amour ; tu cherchas dans ta tristesse à savourer la vie sans la sentir, et à goûter dans un opium assoupissant les sommeils et les rêves d’un autre Orient ?

1377. (1926) L’esprit contre la raison

Constater que les mots sont la matière première du style est à peine plus ingénieux que présenter les lettres comme base de l’alphabet. […] « Dans l’abord, cette découverte, qui en cela seul déjà est très grande, n’est rien d’autre pour lui et pour Philippe Soupault qui se livre avec lui aux premières expériences surréalistes. […] Du premier coup, la preuve venait d’être faite que toute poésie est une révolution en ce qu’elle brise les chaînes qui attachent l’homme au rocher conventionnel. […] Les cinq premiers articles de son acte d’accusation contre Barrès développent l’idée d’imposture du style et de la « phrase [qui] ne satisfait que l’oreille ». […] Pour lui, le départ a conservé la saveur d’un goût premier.

1378. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Il est vrai que nous nous dispensons le plus souvent de recourir à cette image, et qu’après en avoir usé pour les deux ou trois premiers nombres, il nous suffit de savoir qu’elle servirait aussi bien à la représentation des autres, si nous en avions besoin. […] Peut-être quelques-uns comptent-ils d’une manière analogue les coups successifs d’une cloche lointaine leur imagination se figure la cloche qui va et qui vient cette représentation de nature spatiale leur suffit pour les deux premières unités ; les autres unités suivent naturellement. […] Les psychologues sont d’accord pour attribuer une origine kantienne à l’explication nativistique de Jean Muller ; mais l’hypothèse des signes locaux de Lotze, la théorie de Bain, et l’explication plus compréhensive proposée par Wundt paraîtront, au premier abord, tout à fait indépendantes de l’Esthétique transcendantale. […] Mais nous nous contentons le plus souvent du premier, c’est-à-dire de l’ombre du moi projetée dans l’espace homogène. […] Pas tout à fait, sans doute, parce que nous conserverions l’idée d’un espace homogène où les objets se distinguent nettement les uns des autres, et qu’il est trop commode d’aligner dans un pareil milieu, pour les résoudre en termes plus simples, les états en quelque sorte nébuleux qui frappent au premier abord le regard de la conscience.

1379. (1903) La renaissance classique pp. -

Joachim Gasquet a trente ans, — comme le Lamartine des Premières Méditations, comme le Hugo des Feuilles d’Automne. […] Leurs mépris n’ont touché que les décadents du classicisme, petits talents médiocres dont les œuvres hybrides se distinguaient d’ailleurs malaisément de celles du premier Cénacle. […] Nous nous mettrons en garde contre notre impression première, qui nous ferait juger monstrueux ou ridicules des individus que nous n’aurions pas assez pénétrés. […] Au contraire, la santé de la race est la condition première et nécessaire de tout art classique, c’est-à-dire vraiment social et vraiment humain. […] Tous les vrais aristocrates d’une nation se reconnaissent à première vue, d’où qu’ils viennent.

1380. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Sa première femme, Marguerite de France, y est pourtraite à sa belle heure ; mais elle est tellement masquée par sa toilette et engoncée dans sa fraise, qu’on a besoin de savoir tout son charme pour être sûr que cette figure pouparde n’en manquait pas. […] Il ne faut pas trop chercher à approfondir ses premières années ni tout ce qui précède sa relation avec Henri IV69. […] Ainsi, dès cette entrée de Henri IV, aux premiers jours de sa capitale reconquise, Gabrielle était presque sur le pied de reine et en affectait déjà, ou du moins s’en laissait donner l’attitude. […] La reine Marguerite, première femme de Henri, ne l’était plus, en effet, que de nom ; reléguée en Auvergne dans sa résidence d’Usson, il semblait qu’il ne s’agissait que de régler avec elle les formes de son consentement pour délier à l’amiable une union qui avait été si mal assortie et si peu observée des deux parts.

1381. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

À quelqu’un qui lui parlait de ses Sermons prêchés à la Cour, Massillon répondait : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Il ne paraît rien de cet amollissement dans aucun des premiers discours de Massillon (1699-1715). […] » Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] Il arriva à Massillon après ses premiers succès ce qui arrive à tout prédicateur éloquent et célèbre ; il fut recherché, on accourut à lui, on le força de quitter souvent cette retraite de la maison de Saint-Honoré où il vivait humble, studieux, et occupé de la méditation de l’éternité. […] Ce n’est point devant les Villeroi, les Fleury, les du Maine, devant ces vieillards et ces sages, et ces fidèles de l’ancien règne, tous ces tuteurs du royal enfant, qu’il se fût permis une pareille inconvenance ; mais, en parlant pour la paix contre les conquêtes, il exprimait le sentiment universel, celui que ces hommes prudents avaient été des premiers à partager avec tous.

1382. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ses premiers essais furent accueillis comme une tentative honnête et innocente. […] Mme Dacier continua quelque temps de le défendre avec vigueur, mais contre d’autres ennemis, et en évitant de se rencontrer face à face avec son premier antagoniste. […] La jeunesse des premières années du xviiie  siècle ne répondit pas, comme il aurait fallu, à cette parole de cœur où palpitait le zèle d’une amie : « M. de La Monnoye, écrivait Brossette à J. […] L’aimable et spirituel abbé Fraguier, le même qui, à l’apparition du premier manifeste de La Motte, avait fait en latin ce vœu public aux Muses de lire chaque jour de l’année 1714, avec son ami Rémond, mille vers d’Homère pour détourner loin de soi la contagion du sacrilège ; l’abbé Fraguier, dans une élégie également latine sur la mort de Mme Dacier, nous la représente arrivant aux champs Élysées et reçue par sa fille d’abord, cette jeune enfant qui court à elle les cheveux épars et en pleurant ; puis l’Ombre d’Homère, pareille à Jupiter apaisé, sort d’un bosquet voisin et la salue comme celle à qui il doit d’avoir vaincu et de régner encore (« Quod vici regnoque tuum est… »).

1383. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Il fallait que le duc de Bourgogne eût été bien maté et dompté dans sa nature première pour ne pas regimber contre de tels avis, qui entraient plus avant que l’épiderme et qui piquaient jusqu’au cœur. […] Le duc de Bourgogne, à cette date, n’était plus un enfant, il avait vingt-six ans : mais il avait conservé bien des puérilités de sa première vie ; il ne représentait pas au-dehors ; il manquait de décision et de vues dans le conseil ; il ne paraissait pas d’une valeur incontestable dans les occasions. […] Il n’a jamais donné aux siens la dernière main et ne les a jamais proposés que comme de premières idées qu’il faudrait ensuite serrer de plus près dans la pratique. […] [NdA] Ce jugement serait bien injuste si on l’appliquait à tous les hommes de Port-Royal, et surtout du premier Port-Royal ; il n’est vrai que si l’on a en vue la majorité des jansénistes du dehors.

1384. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Les événements de 1814 et de 1815, qui détachèrent la principauté de Neuchâtel de la France, ôtèrent à Léopold Robert, avec la qualité de Français, l’espoir d’être envoyé à Rome comme premier grand prix de gravure, distinction à laquelle il touchait presque avec certitude. […] Ce fut pour lui que le peintre se hâta de terminer une tête, de grandeur naturelle, d’une jeune fille en costume de l’île de Procida : « Comme le costume était assez pittoresque et la figure jolie, elle a plu au roi, et il me l’a prise. » Malgré ces premiers succès et les éloges qu’il recevait, malgré ceux qu’il espérait surtout de la France, qui fut toujours sa vraie patrie, il écrivait à Navez : Mais, mon cher, je suis quelquefois réellement à plaindre quand je me classe parmi les peintres, et je sens que je ne puis faire de grands progrès en traitant toujours les mêmes sujets et en ne faisant que de petites bamboches. […] Ce premier tableau un peu grand, qui fut celui de Corinne, devenu plus tard L’Improvisateur, lui avait coûté bien de la peine ; ce devait être sa condition de faire et son élément : « D’ailleurs, disait-il, chacun a sa manière de jouir au monde : la mienne est de me donner beaucoup de peine, ce qui naturellement doit m’occuper beaucoup la tête, l’esprit et l’âme, avantage que j’ai toujours apprécié. » Malgré l’impression de sérieux et d’élévation que font à bon droit les œuvres de Léopold Robert et la lecture de ses lettres citées par M.  […] Le premier jet frappe et attire : mais ensuite une expression juste, une pose sévère et vraie, un dessin serré et gracieux en même temps, ne conservent pas seulement cette première attention, mais ces qualités produisent le goût des arts et font les amateurs constants.

1385. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ayant quitté Paris après ses premiers succès dans la chaire, il fut attaché successivement par ses fonctions à diverses églises du Midi, et ne resta pas moins de dix-sept ou dix-huit ans sans revenir dans la capitale ; toutefois, après une si longue absence, il avait dessein d’y revenir, mais pour s’y ensevelir dans la retraite : il avait fait vœu de se faire Chartreux, et ce n’était point une ferveur de jeune homme, puisqu’alors Charron n’avait pas moins de quarante-sept à quarante-huit ans. […] Il traite brièvement des deux premiers points et réserve tous ses développements pour la troisième vérité qu’il dédie expressément à Henri IV ; et dans cette dédicace il exprime particulièrement sa joie comme Parisien « pour cette tant douce et gracieuse, et en toutes façons tant miraculeuse réduction de cette grande ville du monde à l’obéissance de son vrai et naturel roi, à son devoir et à son repos. » C’était l’heure de la Satyre Ménippée, cette œuvre parisienne aussi et si décisive pour le triomphe de la bonne cause. […] Quelques-uns de ces caractères ne laissent pas d’étonner au premier abord : en effet Charron s’y montre plus sceptique dans l’exposé de certaines vérités naturelles qu’on ne s’y attendrait d’après son rôle public de théologien, et il nous est possible, sans trop de difficulté, de retrouver le lien qui unit ses ouvrages de religion et d’apologétique à celui qu’il composera bientôt à un point de vue tout philosophique, comme disciple de Montaigne, et sous le titre humain De la Sagesse. […] C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ».

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

En un mot, dans toute sa première partie, Charron taquine l’homme et lui fait échec sur tous les points, mais sans rire comme Montaigne, avec gravité, en s’appesantissant ; et tout cela pour arriver à le relever ensuite et le restaurer moyennant la construction de sa lente et artificielle sagesse. […] Qui agit par ce ressort, agit selon Dieu… » Charron ici, comme en quelques autres endroits, se trouve en contradiction avec son premier scepticisme fondamental, et moyennant cette lumière naturelle qui luit en chacun et qu’il semble reconnaître, il est plus voisin des platoniciens qu’il ne croit. […] Il fait commencer l’instruction dès les plus tendres années de l’enfant ; il montre la force des premières impressions, il développe le « quo semel est imbuta recens… » : « Cette âme donc toute neuve et blanche, tendre et molle, reçoit fort aisément le pli et l’impression que l’on lui veut donner, et puis ne le perd aisément. » Cette jolie et franche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de luim ? […] On a beau admettre toutes les formes de maturité et d’expérience ; on a beau se dire que Charron était un de ces esprits à qui il n’est pas donné de faire leur initiation par eux-mêmes, de se donner l’impulsion, qui l’attendent d’autrui, mais qui n’ont besoin que de ce premier mouvement, de cette chiquenaude du voisin, pour prendre leur assiette et arriver à la pleine possession de leur pensée ; on a beau se donner cette explication, il reste un coin d’obscurité et d’incertitude.

1387. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il y a longtemps que si les hommes écrivaient aussi bien qu’ils parlent, ou que si l’on écrivait pour eux ce qu’ils disent dans les circonstances décisives où ils se trouvent, il y aurait quantité d’écrivains qui n’en seraient que plus mémorables pour ne pas être du métier : mais, parmi ceux qui ont songé à écrire ou à dicter après coup ce qu’ils avaient dit ou ce qu’ils avaient fait, la plupart ont perdu, en se mettant dans cette position et comme dans cette attitude nouvelle, une partie de leurs facultés, de leurs ressources ; s’imaginant que c’était une grande affaire qu’ils entreprenaient, et préoccupés de leur effort, ils ont laissé fuir mille détails qui animent et qui donnent du charme ; ils se sont ressouvenus froidement, ou du moins incomplètement ; on n’a eu que l’ombre de leur action ou de leur verve première. […] Pour essayer moi-même d’appliquer quelque analyse ou de rattacher quelques observations à ces lettres, je choisirai celles qu’il a écrites à la comtesse de Grammont, l’une de ses premières maîtresses, et qui sont certainement tout entières de sa façon. […] Cela, avec la mort de sa mère (Catherine de Médicis), me ferait bien chanter le Cantique de Siméon. » On voit que Henri ne dissimule point ses premiers mouvements, et qu’il écrit quelquefois ce que le bon goût du moins commanderait de retenir. […] C’est un des premiers changements que je veux voir en vous.

1388. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Le prince Thomas de Savoie lui ayant fait dire par un gentilhomme que, s’il était en même humeur que par le passé, et qu’il voulût s’approcher, lui, le prince Thomas, ferait une diversion dans le Dauphiné, Rohan répond qu’il est en meilleure humeur que jamais, et prêt à marcher aux premières nouvelles qu’il aura du prince. […] Saint-Évremont, en regrettant que M. de Rohan n’ait pas pénétré plus avant dans les desseins de César, et mieux expliqué les ressorts de sa conduite, avoue pourtant « qu’il a égalé la pénétration de Machiavel dans les remarques qu’il a faites sur la clémence de César, aux guerres civiles. « On voit, dit-il, que sa propre expérience en ces sortes de guerres lui a fourni beaucoup de lumières pour ces judicieuses observations. » Rohan, dans ce travail sur les guerres des Gaules et sur l’ancienne milice, paraît un homme fort instruit ; il n’y a plus trace de ces premières inadvertances qu’on a tant relevées dans son premier voyage de 1600, lorsqu’il y faisait Cicéron auteur des Pandectes, comme il aurait dit des Tusculanes. […] Habile capitaine plutôt que grand général, sa mesure à cet égard est difficile à prendre, et j’aimerais assez à entendre là-dessus des gens du métier : à le traduire à la moderne, ce qui est toujours hasardeux, vu l’extrême différence des moyens en usage aux différents siècles, il me fait l’effet d’être ou d’avoir pu être, comme militaire, quelque chose entre Gouvion Saint-Cyr et Macdonald, et plus près du premier à cause des pensées.

1389. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] Que va faire le duc d’Orléans, placé ainsi entre l’insurrection de Paris, dont on le croit complice, et les périls de la Cour, où l’appellerait sa qualité de premier prince du sang ? […] Mme Elliott, malade des émotions de ces journées, ne put retourner savoir le résultat de la démarche ; mais le duc vint lui-même chez elle le lui apprendre, et lui raconta de quelle manière il avait été reçu ; comment, arrivé à temps pour le lever du roi et s’y étant rendu, ayant même présenté au roi la chemise selon son privilège de premier prince du sang, et ayant profité de ce moment pour dire qu’il venait prendre les ordres de Sa Majesté, Louis XVI lui avait répondu rudement : « Je n’ai rien à vous dire, retournez d’où vous êtes venu. » Le duc paraissait ulcéré ; cette dernière injure, venant après tant d’autres affronts, avait achevé de l’aliéner. […] Ils le laissèrent alors dans des mains pires que les leurs. » Au nombre des pires, et au premier rang, elle cite Laclos, présent au Palais-Royal dès ce temps-là.

1390. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

La plupart des premières et des plus anciennes, qui remontent jusqu’à 1818, sont écrites à de bonnes et pieuses demoiselles, Mlle de Lucinière, Mlle de Tremereuc, que Lamennais avait connues aux Feuillantines, dans une espèce de petit couvent dirigé par le respectable abbé Carron : il avait inspiré à ces dignes personnes une vive amitié, qu’il leur garda de son côté très-fidèlement, au milieu de toutes ses traverses et de ses vicissitudes. […] Car la Vérité triomphera, cette Vérité « qui seule, dit-il, a eu ses premières années, et qui aura ses dernières » ; mais quellevérité ? […] que quand il eut désespéré de faire accepter la sienne, sa formule première : Tout par le Pape et pour le peuple ! […] J’allai immédiatement chez l’éditeur Eugène Renduel, qui consentit au premier mot, en regrettant seulement que l’auteur ne voulût point se nommer.

1391. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Jamais personne ne monta au premier poste avec tant d’avantage ; la grandeur de son rang, l’attente des peuples, la faveur des grands, la jeunesse du roi, tout semblait contribuer à l’élever et à l’affermir ; lui seul se manqua à lui-même, et on peut dire de lui comme autrefois d’un empereur, qu’il ne parut digne de gouverner que tant qu’il ne gouverna point. […] Il y eut même, dès ces premiers jours et pendant le voyage ; un religieux théatin, le Père Vintimiglia, qui travailla dans le même sens, et qui avait déjà ses plans politiques en poche, avec un premier ministre (le duc d’Ossuna) à proposer. […] La camarera-mayor, par les mesures qu’elle prit pendant ce premier séjour au Retiro, se conduisait véritablement comme une gouvernante ; la reine était traitée en pupille et vraiment esclave. […] Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.

1392. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Elle revêt ta robe, ô pureté première ! […] Lacaussade ; car si au premier on est parfois tenté de dire : « Animez-vous », on dirait volontiers au second : « Calmez-vous, apaisez-vous !  […] Espoir des jours premiers, ivresse printanière, Lilas qui balanciez vos fronts dans la lumière, Amour, lis virginal, dans l’ombre épanoui, Promesses qui des ans nous cachiez les ivraies, Ô fleurs de notre avril, vous étiez donc moins vraies Que ces roses, vos sœurs, les roses de l’oubli ! […] Comme cet article-ci n’est pas didactique ni méthodique, et que c’est une promenade de poésie par une des premières matinées de printemps, je veux citer encore une pièce de M. 

1393. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Or, il est certain que, dans ces premiers temps, non seulement Benjamin Constant, mais des libéraux puritains tels que Lafayette, tout en se tenant sur leurs gardes et en ne procédant qu’avec réserve, approuvaient ce qui se faisait. […] Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote. […] Il suffît d’ouvrir le livre admirable où elle apprécie d’un jugement si ferme les principaux événements de la Révolution française, pour être pleinement édifié sur le peu de foi qu’elle accordait au libéralisme de celui, etc., etc. » Mais, Madame, il ne s’agit pas, encore une fois, du livre de Mme de Staël rédigé plus tard et d’après une impression totale et résumée où l’on supprime et l’on abolit tout ce qui a pu s’en écarter un moment ; il s’agit de lettres écrites dans les cinq premières semaines des Cent-Jours, sous le coup des événements les plus menaçants, de conseils d’amis sans doute très pressants, et sous l’inspiration aussi d’un sentiment national honorable, dont la suggestion a pu être plus forte que les règles et les principes. […] Cette première et cette seconde Charte, ne l’ont-ils pas, l’un violée, l’autre éludée et faussée tant qu’il a pu, et ne sont-ils pas tombés pour cela ?

1394. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

je ne sais, mais il y habite un Dieu). » Il lui est échappé un jour, dans un article sur Feuerbach, de se prononcer sur le sens du mot Dieu, et il l’a fait cette fois d’une manière un peu légère et du ton un peu trop protecteur d’un raffiné en matière de philosophie : il est revenu depuis sur la chose et sur le mot ; il a rétracté, c’est-à-dire retouché sa première parole. […] les mots les plus secrets de son cœur, les notes qui donnent la clef de sa nature morale, lui sont échappés dans cette page mouillée d’une larme : « Nous autres Bretons, ceux surtout d’entre nous qui tiennent de près à la terre et ne sont éloignés de la vie cachée en la nature que d’une ou deux générations, nous croyons que l’homme doit plus à son sang qu’à lui-même, et notre premier culte est pour nos pères. […] Renan voudrait avoir en main, ces matériaux primitifs et originaux, ce fût pour les publier tels quels, en les interprétant : non, s’il les avait en sa possession, et après sa première soif de curiosité apaisée, sa seconde ambition, j’imagine, serait de refaire lui-même un monument historique, un monument cimenté à neuf et supérieur de qualité et de construction à l’ancien. […] À côté des maîtres, ses confrères et ses amis, à côté des lumières de l’Université, desquelles toutefois il se distingue, que voit-il au premier rang ?

1395. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Hugo était alors dans son premier éclat de lyrisme, et il avait déjà écrit la préface de Cromwell ; il avait des admirateurs très vifs dans la famille qui régnait aux Débats, et plus d’un allié dans la place : Armand Bertin, un peu plus mûr et de nature volontiers sceptique, mêlait bien, je le crois, à ses applaudissements quelques légères plaisanteries et quelques réserves ; mais son frère Édouard, le peintre au pinceau sévère, ce Schnetz du paysage, mais Mlle Louise, nature poétique et profonde, étaient tout gagnés aux idées et aux enthousiasmes de la génération à laquelle ils appartenaient et faisaient honneur par leur talent. […] J’avais l’honneur d’être de ceux auxquels on pensait pour la critique : mes premiers essais en ce genre et l’amitié de Victor Hugo me désignaient. […] Nisard, va jusqu’à accorder à la génération de 1660, c’est-à-dire des premières années du règne effectif de Louis XIV, à la génération qui était encore jeune ou déjà mûre alors, qui avait vu la fin de Richelieu et la Fronde, « une supériorité de lumières » sur les générations du xviiie  siècle qui lisait l’Esprit des Lois, les Lettres philosophiques et l’Émile ; admettant cette supériorité comme un fait, il l’explique par la nature même des événements politiques auxquels cette génération avait assisté, par les revirements étranges qui lui avaient découvert toutes les vicissitudes de l’opinion et qui l’avaient éclairée sur le fond de la nature humaine, tandis que les hommes du xviiie  siècle et d’avant 89 avaient perdu le souvenir des révolutions et des impressions qu’elles laissent, et n’avaient assisté qu’à des intrigues ministérielles, à des disputes de jansénisme et de molinisme, de gluckisme et de piccinisme, à de petites choses enfin, tout en en rêvant de grandes et d’immenses. […] L’abbé Fouquet était un intrigant osé et de première force qui avait en lui du Vitrolles et du Fouché.

1396. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Après son premier jet poétique et sa première moisson si riche, si puissante et comme indomptable, il s’apaisa, parut avoir tout donné, et se mit à étudier le monde en savant. […] Il avait fort souffert du premier accueil que les savants de profession avaient fait à ses idées ; et, même dans ses derniers jours, la blessure n’était pas encore guérie. […] Et Gœthe faisait l’application de son idée à des talents en vue, à Mérimée qui montrait tant de maturité dans cette première œuvre de Clara Gazul ; et il cherchait un autre exemple saillant dans Béranger, non plus jeune, mais plein de grâce, d’esprit, d’ironie fine, bien que sorti d’une classe vulgaire.

1397. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

D’abord il se passe dans le sanctuaire et dans l’église, et est tout latin ; Puis, dans son premier mélange, à l’état de drame farci, c’est-à-dire dans son latin entrelardé de français, il se tient dans l’église encore ; Puis, tout en français, mais encore timide, s’écartant peu des textes, sacrés et, pour ainsi dire, attenant, à l’église, il se joue tout contre et devant. […] Les grands et immortels drames de Polyeucte, d’Esther, d’Athalie, ne sont pas la suite et la continuation de ce premier mouvement et de cette production dramatique religieuse qui a fini sous les risées au xvie  siècle, il y eut interruption totale, et il fallut tout recommencer. […] Était-il le très-excellent docteur en médecine et premier médecin de Charles VIII, ou bien était-ce un autre Jean Michel qui fut évêque d’Angers ? […] Mais un second sermon, qui commençait effectivement la pièce, est une prédication de saint Jean-Baptiste sur ce texte d’Isaïe : « Parate viam domini… Préparez la voie du Seigneur… » Ce sermon, grâce à Dieu, a moins de 300 vers dans sa première partie.

1398. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

La scène touchante de l’Andrienne, qui est en récit dans l’exposition, cette espèce de déclaration publique involontaire de l’amour de la jeune fille éplorée, de Glycère pour Pamphile, aux funérailles de Chrysis, ne saurait se séparer de cette autre scène racontée par Pamphile lui-même à la fin du premier acte. […] Dans cette même comédie de l’Eunuque, le frère cadet de Phédria, l’aimable Chéréa, est bien l’image du naïf et bouillant jeune homme à son premier amour. […] Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux. […] Térence est le contraire de bien des choses, il l’est surtout de la dureté, de l’inhumanité, de la brutalité, — de ce qu’on court risque, à mesure qu’on avance dans les littératures, d’ériger insensiblement en beauté et de prendre pour la marque première du talent.

1399. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Aussitôt nommé, il en avait fait part au général de l’armée d’Italie, il faut voir en quels termes : ce sont ses premières avances, et elles sont d’une vivacité, d’une grâce toute spirituelle et toute voltairienne. […] Quelle fut sa part précise dans la politique extérieure du Consulat et des premières années de l’Empire ? […] Tout à coup on vint l’avertir que l’empereur Alexandre, qui logeait au premier, le demandait : il se leva en recommandant à ces messieurs de continuer le triage de confiance et le brulement. […] Un volume in-8°, chez Reinwald, libraire-éditeur, rue des Saints-Pères, 15. — J’ai dit, après beaucoup d’autres, que c’était par suite d’un accident et dès sa première enfance que M. de Talleyrand était boiteux ; mais la vérité en tout, avec de tels hommes, est difficile à savoir.

1400. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Cette remarque est nécessaire pour expliquer et motiver, au premier coup d’œil, certaines parties de notre jugement auprès des personnes nombreuses qui ne connaissent M. de La Mennais que par ses plus récents écrits et qui même commenceront à le connaître par celui-ci tout d’abord. […] La trompette éclatante et digne de Jéricho, qui sonnait contre eux au couchant, la voilà qui résonne de plus belle à l’Orient sur le même ton et dans un camp tout différent du premier. […] Dès ses premiers ouvrages, on le voit toujours en hâte au début et comme craignant d’arriver trop tard. […] Ces Russes qui, dit-on, au sortir d’un bal, courent se plonger nus dans la neige, n’éprouvent certes pas une impression plus violemment contradictoire que n’en ressentirait ce jeune homme tout ému de sa première lecture, et venant se heurter contre des assertions si opposées, également logiques, également éloquentes, également sincères !

1401. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Au premier abord, Regnier semble encore moins religieux que Chénier. […] Or j’ai soigneusement recherché dans ses œuvres les traces de ces premières et profondes souffrances ; je n’y ai trouvé d’abord que dix vers datés également de Londres, et du même temps que le morceau de prose ; puis, en regardant de plus près, l’idylle intitulée Liberté m’est revenue à la pensée, et j’ai compris que ce berger aux noirs cheveux épars, à l’œil farouche sous d’épais sourcils, qui traîne après lui, dans les âpres sentiers et aux bords des torrents pierreux, ses brebis maigres et affamées ; qui brise sa flûte, abhorre les chants, les danses et les sacrifices ; qui repousse la plainte du blond chevrier et maudit toute consolation, parce qu’il est esclave ; j’ai compris que ce berger-là n’était autre que la poétique et idéale personnification du souvenir de Londres, et de l’espèce de servitude qu’y avait subie André ; et je me suis demandé alors, tout en admirant du profond de mon cœur cette idylle énergique et sublime, s’il n’eût pas encore mieux valu que le poète se fût mis franchement en scène ; qu’il eût osé en vers ce qui ne l’avait pas effrayé dans sa prose naïve ; qu’il se fût montré à nous dans cette taverne enfumée, entouré de mangeurs et d’indifférents, accoudé sur sa table, et rêvant, — rêvant à la patrie absente, aux parents, aux amis, aux amantes, à ce qu’il y a de plus jeune et de plus frais dans les sentiments humains ; rêvant aux maux de la solitude, à l’aigreur qu’elle engendre, à l’abattement où elle nous prosterne, à toute cette haute métaphysique de la souffrance ; — pourquoi non ?  […] Premier chapitre d’un ouvrage sur les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres. […] Dans tout ce qui précède, j’avais supposé, d’après la Notice et l’Édition de M. de Latouche, qu’André Chénier devait être à Londres en décembre 1782, et que les vers et la prose où il en maudissait le séjour étaient du même temps et de sa première jeunesse.

1402. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Les deux premiers livres de Gargantua et de Pantagruel. […] Immense aspiration vers la science universelle ; libre épanouissement de tout l’être physique et moral : voilà tout ce premier Pantagruel ; et Gargantua ne fait que développer les mêmes thèmes : car la discipline de Ponocrates, et l’activité de frère Jean, voilà l’âme du livre. […] Il réimprima ses deux premiers livres, expurgés de mots mal sonnants, tels que sorbonistes, sorbonagres, sorbonicoles : il biffa même le reproche de « choppiner » volontiers, qu’il adressait en quelques lieux aux théologiens. […] Premier livre de Pantagruel : Lyon, Cl.

1403. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Cette première représentation fut un délire général ; on s’écrasait aux portes du théâtre : trois personnes y furent étouffées. […] Outre l’importance que lui donne sa signification politique, la pièce a encore par sa forme un intérêt d’un autre genre, et de premier ordre. […] Il était allé en Espagne (1764) pour défendre une de ses sœurs abandonnée par un certain Clavijo : de cette aventure il tire son premier drame, Eugénie (1767), suivi bientôt des Deux Amis (1770). […] En 1770 commencent les procès qui vont lui donner la gloire : à propos de son règlement de comptes avec Paris-Duverney, mort le 17 juillet 1770, le comte de la Blache, petit-neveu et héritier du vieux banquier, accuse Beaumarchais de faux et lui réclame 139 000 livres : il perd en première instance, gagne en appel, et enfin, après cassation de l’arrêt d’appel, perd définitivement ; il est débouté, condamné sur tous les points, et en outre à des dommages-intérêts pour raison de calomnie.

1404. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

De l’Allemagne, nous avons connu surtout, de première ou de seconde main, le matérialisme scientifique de Büchner923, l’évolutionnisme systématique de Hæckel ; le pessimisme de Schopenhauer nous a conquis ; et M. de Hartmann a mis pour un temps l’inconscient à la mode. […] Mais ce qu’il y a de caractéristique en ce genre, c’est l’éclosion, dans ces dernières années, des Mémoires relatifs au premier Empire : chaque jour en voit paraître de nouveaux942. […] Stuart Mill : Logique, Principes d’économie politique, Auguste Comte et le positivisme. — Herbert Spencer : Premiers principes ; les Bases de la Morale évolutionniste ; Introduction à la science sociale ; Justice. — Bain : la Science de l’éducation. […] Mémoires de Constant (premier valet de chambre de l’Empereur), 4 vol. in-8, 1894.

1405. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Les autres idées générales ne sont que les développements de cette idée première, par la même raison que tous les hommes en particulier ne sont que des copies très-diverses du même original, de l’humanité. […] La distance qui paraît si grande entre les clercs et les écrivains en langue vulgaire, ainsi qu’entre les deux publics distincts qui les suivaient, est moindre qu’il ne semble au premier abord. […] Il en a été du premier effet des idées générales au moyen âge, comme du premier effet des pièces d’artillerie du même temps elles ont tué les premiers qui s’en sont servis.

1406. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Un écolier inintelligent et oratoire de Descartes fut une autorité suffisante à ta naïveté première. […] Mon premier mouvement — avec quelle joie j’y céderais !  […] Il est intéressant de voir la matière première de ce qui deviendra poésie. […] Il n’y a pas à craindre que Bourget, Huysmans ou Léon Daudet soient chrétiens dans les deux cents premières pages de leur prochain roman. » Je me trompais.

1407. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Villemain particulièrement, auquel il devait sa première entrée dans l’instruction publique, M.  […] Guizot sur ce terrain tout littéraire où il a fait, il y a quarante ans, ses premiers pas. […] Non, les lettres si aimées et si consolantes n’ont pas cette vertu qu’on leur supposait ; cette vertu, l’éducation peut y aider sans doute, elle est avant tout dans une certaine nature première et dans le caractère même, qui ne se donne pas. […] Un léger tort, qui tient de près au savoir-faire, c’est, en réimprimant ces morceaux, d’en dissimuler l’origine et la destination première, et de laisser croire que c’est du nouveau pour le public, un fond de portefeuille inédit.

1408. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Je laisse à son biographe le soin de nous raconter ses premiers essais en vers, en prose rimée. […] Ce premier titre d’honneur lui resta toujours cher, et il en conservait dans un coffre le parchemin à côté du manuscrit de Figaro. […] Jusque-là, et si nous le prenons à son retour d’Espagne (1765), il n’avait rien écrit pour le public ; il va débuter, et ses premiers débuts ne sont pas heureux. […] De là, procès, d’abord gagné en première instance aux Requêtes de l’Hôtel par Beaumarchais.

1409. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée écrivait cela dans la préface de la Chronique du règne de Charles IX, il a bien étendu et développé son point de vue, et à la fois il est resté fidèle à son premier goût. […] Après l’assassinat de Démétrius (car il fut assassiné dans une émeute populaire), on en voit naître un nouveau, mais qui n’est plus qu’une copie grossière du premier. […] Dans le premier sujet, plein d’actions coupées et de guerres, il a trouvé des caractères comme il les aime, il a exhumé et peint quelques-uns des défenseurs énergiques des nationalités italiennes : dans le second sujet, où il fallait entrer dans le Sénat et descendre dans le Forum, il a rencontré, en première ligne, le personnage de Cicéron, et c’est ici que, repoussé par le dégoût des lieux communs, il n’a pas rendu assez de justice à cet homme dont on a dit magnifiquement qu’il était le « seul génie que le peuple romain ait eu d’égal à son empire ». […] Frédéric aime une jeune fille, et elle-même l’agrée et l’accueille du premier jour ; mais ils se prennent, se quittent plus d’une fois, puis se retrouvent encore avant de s’apercevoir qu’ils s’aiment réellement et de passion.

1410. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Je ne voudrais pas le voir seulement comparé et balancé avec Bossuet ; je voudrais qu’on me le mît à part comme un homme de premier rang, qui est avant tout lui-même ; je voudrais que l’on me dît que, dans cette science noble et excellente qu’on appelle la politique, Montesquieu n’est pas seulement le premier dans son siècle, mais l’un des premiers dans tous les siècles, et qu’Aristote excepté, il n’a ni supérieur ni égal. […] L’Esprit des Lois est lui-même, après les Lettres persanes, le commencement et un des premiers grands exemples de l’esprit de censure. […] La liberté est, avec la patrie, le devoir, l’âme, Dieu, l’une des premières inspirations de la pensée, du sentiment et de l’éloquence.

1411. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Quand je commençais à publier ce fut parmi les étudiants que je trouvai mes premiers lecteurs. […] Donc à premier examen ce distique se compose de quatre vers de six pieds dont deux seulement riment. […] Il y a dans cette différence d’expression toutes nos différences de théories, aussi ne fûmes-nous jamais affligés lorsque ce reproche nous fut adressé même pour la première fois, et depuis cette première fois, nous nous sommes très aguerris. […] Voir aussi la préface de mes Premiers Poèmes, éd. du Mercure de France.

1412. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il aura une tendance générale à faire beaucoup d’espèces, parce que, comme l’amateur de Pigeons ou d’autres volatiles dont j’ai déjà parlé, il sera sous l’impression de la différence des formes qu’il a constamment sous les yeux ; et il n’aura par contre, pour corriger cette première impression, qu’une connaissance superficielle et un sentiment moins vif des variations analogues des autres groupes en d’autres contrées. […] Cette tâche semble très simple au premier abord ; mais M.  […] L’auteur a supprimé ici un paragraphe qui se trouve dans les trois premières éditions anglaises et dans notre première édition française.

1413. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

S’il n’y avait dans l’Amour de Michelet que la fausseté de l’idée première : tout pour l’épouse et pour l’époux en vue du bonheur qu’ils se donnent tous deux ; s’il n’y avait que la théorie de l’enveloppement, et celle de l’imprégnation, et celle de l’unification… Dieu sait à quel prix ! […] Le rire et son éclat moqueur, ce clic-clac du fouet du bon sens, qui coupe un homme en deux du premier coup, serait la mort, — la mort subite du livre de Michelet ! […] Pour cette raison, on est moins frappé qu’au premier jour ; mais ce n’est pas la seule raison, du reste, qui puisse expliquer la pâleur ou la lenteur du succès d’un livre dans lequel, selon moi l’auteur vaut bien ce qu’il valait quand il fit l’Oiseau, si même il ne vaut davantage ! […] Trublet leste, jamais ennuyeux comme le bêta dont se moquait Voltaire, mais comique plutôt ; car il a l’impayable émotion de cette science acquise hier et si contente d’être aujourd’hui, qui, comme l’Ève de Milton, mais plus drôle qu’elle, se régale des premières ivresses de la vie !

1414. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Première vérification : considérez les rapports et la nature des opérations et des organes. […] « Première vérification : considérez la nature et les rapports des opérations et des organes. […] Par ces prévisions, on s’y transporte ; connaissant ses propriétés, on en conclut sa nature ; les métaphysiciens essayent de la définir sans traverser l’expérience et du premier coup. […] Ils se sont envolés d’un bond dans la loi première, et, fermant les yeux sur la nature, ils ont tenté de retrouver, par une déduction géométrique, le monde qu’ils n’avaient pas regardé.

1415. (1900) La culture des idées

Tout aurait été dit dans les cent premières années des littératures si l’homme n’avait le style pour se varier lui-même. […] Une fois que je tiens mon air, un autre bientôt vient s’ajouter au premier. […] Morale ou immorale, cela n’a ici aucune importance, elle devra, si elle est exacte, se lire au premier coup d’œil dans les faits. […] Parfois, l’organisme premier disparaît, entièrement dévoré par les colonies égoïstes qui s’y développent. […] Le premier soin des chrétiens qui voulurent ramener la religion à sa candeur première fut l’iconoclastie la plus furieuse.

1416. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

De cette première éducation ecclésiastique ils ont gardé le pli ineffaçable. […] Dès ses premiers vers, M.  […] Son premier article sur Voltaire est de l’année même où on en fêtait le centenaire. […] Faguet avait trente-cinq ans lorsqu’il publia ses premiers livres, vers 1883. […] Que leur reste-t-il des premiers enseignements reçus dans les années d’enfance ?

1417. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

En 1828, j’entame ma première campagne, toute romantique, par mon Ronsard et mon Tableau du seizième Siècle. […] C’est ma première campagne comme professeur.

1418. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Telle petite cabotine est arrivée du premier coup à reproduire sans douleur ces trémoussements redoutables et se taille ainsi de jolis succès après souper, entre intimes. […]   Sans doute, depuis un peu plus de deux siècles, nous avons la danse des premiers sujets d’Opéra, qui est, elle aussi, un solo et un spectacle.

1419. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Oui, je sais bien, être modéré, cela ne paraît très reluisant au premier abord. […] Soyez fidèles au premier, aimez le second, vénérez la troisième ; et, puisque les sentiments sincères ne manquent jamais de se traduire par des actes, ce sera là, pour vous, un sérieux commencement de vie morale.

1420. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

La Légende des siècles, tome premier, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Un de ces poëmes (Première rencontre du Christ avec le tombeau) est tiré, l’auteur pourrait dire traduit, de l’Évangile.

1421. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Il faut bien qu’il arrive en nous quelque chose d’approchant de ce que je dis, car après avoir vû vingt fois la tragedie de Mithridate, on est presqu’aussi frappé d’un retour imprevu de ce prince, quand il est annoncé à la fin du premier acte, que si cet incident de la piece surprenoit veritablement. […] On a rendu en cela un grand service au public, car on ne lit pas deux fois L’Arioste de suite, et en passant du premier chant au second, et de celui-là aux autres successivement, mais bien en suivant independamment de l’ordre des livres les differentes histoires qu’il a plûtôt incorporées qu’unies ensemble.

1422. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

C’est là une grande prédisposition pour l’historien en tant que narrateur et peintre, et, s’il peut joindre à cette faculté première et indispensable une réflexion plus secrète, la recherche des causes, ce sera tant mieux, et il s’élèvera alors à toute la hauteur de sa mission, quoiqu’il y ait toujours un peu à craindre qu’avec cette qualité de plus, avec ce fonds philosophique, le tableau du premier plan ne perde quelque chose de sa sincérité et de sa fraîcheur, et que la représentation des événements qu’on est jaloux d’expliquer ne conserve pas la même netteté involontaire, la même franchise. […] De même Gibbon aspire dès sa première jeunesse à la qualité d’historien. […] Un siècle après, Commynes remontera jusqu’aux principes politiques, aux causes premières des événements : voilà la gradation. […] La noble permission est accordée, et messire Jacques d’Audelée, joyeux, va se mettre au premier front de toute la ligne, accompagné seulement de quatre vaillants et fidèles écuyers, et, durant toute l’action, il ne songe qu’à combattre, à frapper, à aller toujours en avant sans vouloir faire aucun prisonnier (ce qui le retarderait et le forcerait de quitter le premier rang). […] Jean de Clermont, maréchal de France, le même qui s’était pris de paroles la veille avec Jean Chandos, y est tué des premiers en combattant vaillamment ; et quelques-uns même voulurent dire que ce fut pour ses paroles outrageuses de la veille.

1423. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est l’un de ceux qui seront le plus écoutés et comptés lorsque se fera l’histoire militaire critique définitive du premier Empire et de Napoléon ; car, malgré les larges et admirables pages publiées de nos jours et que nous savons, cette histoire, dépouillée de toute affection et couleur sentimentale quelconque, dégagée de tout parti pris d’admiration comme de dénigrement, ne me paraît pas écrite encore. […] Dans les distributions de récompenses et de décorations qui suivirent les succès de cette première partie de la campagne (septembre 1813), genre de faveur dont on sait que la Russie n’est pas avare, il ne fut compris que pour une décoration infime, — la simple croix de Sainte-Anne au cou : — ce qui avait sa signification désagréable dans sa position jalousée de nouveau venu et d’étranger, en présence surtout des plaques et des grands cordons accordés à ses rivaux. […] Dans le temps, l’honneur de ce qu’il fit alors alla presque tout entier à M. de La Harpe ; mais M. de La Harpe, l’ancien gouverneur d’Alexandre et dont l’influence était en effet prépondérante auprès de son ancien élève, M. de La Harpe, qui mena à bonne fin et qui consomma si honorablement en 1815 l’œuvre de la Suisse reconstituée, était absent dans ces premiers mois, et il n’arriva qu’un peu après au quartier général. […] Qu’il aille en France, en Russie, qu’il entre au service des czars ou des rois, il reste Suisse au fond du cœur : la petite patrie, il ne l’abdique jamais au sein des empires, et au moment critique, à l’heure du péril, il se retrouve patriote suisse comme au premier jour, comme au jour du départ du pays natal, prêt à répondre à son appel et à le servir. […] Cet homme d’étude, qui, dans sa jeunesse, avait été précepteur du comte Tanneguy Duchâtel (les Suisses sont volontiers précepteurs dans leur jeunesse), n’avait pas varié une minute au fond du cœur ni faibli dans sa première et vieille trempe helvétique ; et quand je pense à cet homme de bien, vétéran des universités, ancien membre de la Diète aux heures difficiles, si modeste de vie, mais intègre et grand par le caractère, je me le figure toujours sous les traits d’un soldat suisse dans les combats, inébranlable dans la mêlée comme à Sempach, la pique ou la hallebarde à la main.

1424. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Ils montent par degrés, parcourent les intervalles et ne s’élancent pas au but du premier bond ; leur génie grandit avec le temps et s’édifie comme un palais auquel on ajouterait chaque année une assise ; ils ont de longues heures de réflexion et de silence durant lesquelles ils s’arrêtent pour réviser leur plan et délibérer : aussi l’édifice, si jamais il se termine, est-il d’une conception savante, noble, lucide, admirable, d’une harmonie qui d’abord saisit l’œil, et d’une exécution achevée. […] Les impressions pieuses et sévères qu’il avait reçues de ses premiers maîtres s’affaiblirent par degrés dans le monde nouveau où il se trouva entraîné. […] Jusque-là, Racine n’avait trouvé sur sa route que des protecteurs et des amis ; son premier succès dramatique éveilla l’envie, et, dès ce moment, sa carrière fut semée d’embarras et de dégoûts, dont sa sensibilité irritable faillit plus d’une fois s’aigrir ou se décourager. […] Il s’agit du premier crime de Néron, de celui par lequel il échappe d’abord à l’autorité de sa mère et de ses gouverneurs. […] J’aurais plus d’un point à modifier aujourd’hui dans mon premier jugement ; il a commencé à me paraître moins juste, quand des continuateurs exagérés me l’ont rendu comme dans un miroir grossissant.

1425. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Cette scène des premiers exploits de l’enfant poète surgit devant moi comme une pastorale de Théocrite. […] David paraît avoir été à cette époque un des premiers exemples de cette chevalerie errante et héroïque, toujours pratiquée en Arabie, redressant les torts, protégeant les faibles, punissant, pillant, tuant les oppresseurs, et se faisant ainsi parmi les tribus des campagnes une renommée de tuteur ou de vengeur du peuple qui devait inévitablement le porter au trône ou au supplice. […] Saül avait enlevé à David sa première épouse Michol ; il l’avait donnée à un autre de ses favoris, Phalti, fils de Laïs, qui était de Gallim. […] Cette prosodie de la consonance de deux pensées se répondant, comme deux voix, du commencement du vers et à la fin de la strophe, avait sans doute été inspirée aux premiers poètes ou prophètes hébreux par la nature de leur contrée. […] Qu’est-ce que la rime elle-même dans nos langues modernes, si ce n’est la consonance du premier vers se faisant écho dans le second ?

1426. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Il s’applique aussi à varier les tours, il multiplie les figures ; il use surtout de l’antithèse, tantôt ramassée en deux traits rapides, tantôt développée en vastes membres symétriques, tantôt curieusement inégale, par l’extension du premier membre et le resserrement du second, qui surprend d’autant plus. […] Remontant, comme fait Platon, aux principes premiers et évidents, il ramène l’éloquence de la chaire à l’éloquence en général, et de là il passe aux beaux-arts, pour chercher son principe dans une théorie contestable et dangereuse : il pense que l’œuvre d’art doit avoir un but moral. […] Il faut lire le Télémaque à temps, dans l’innocence de la première jeunesse, dans l’étourdissement des premières connaissances, pour sentir le charme de l’ouvrage. […] L’éducation du duc de Bourgogne et les lettres de direction de Fénelon nous dénoncent un second trait de cette nature, qui n’est à vrai dire qu’une transformation du premier : l’amour-propre devient esprit de domination. […] Et puis, il se souvient à peine de la chute ; Homère l’emporte sur l’Évangile dans son imagination ; il voit la nature innocente, bonne, heureuse en son premier état.

1427. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Pour lui, le sens des belles formes n’a pas dû être, comme chez d’autres, développé par l’étude, la comparaison, la « mesure » de toutes choses qui se fait en nous vers l’adolescence ; il a compris sans doute l’eurythmie aux premiers mots qu’il ouït prononcer, au premier paysage dont s’éblouit son regard d’enfant. […] Ou bien elle glissait, espaçant ses vers pour donner naissance à maintes strophes qui s’y enroulaient, ou bien quelques mots de vieille cantilène, au début de chaque pièce, bien que développés avec des richesses plus modernes et conduits loin de leur sens premier, ajoutaient au poème leur vert parfum agreste. […] Cette adolescente expansion dans l’enthousiasme des choses soudain comprises, cet élan vernal et clair dont j’ai parlé aux premières pages de cette étude, M. de Régnier semble en avoir trop tôt réglé la bondissante énergie ; l’artiste est né précocement à côté du poète qu’il a voulu dominer jusqu’à l’asservir. […] La règle du premier paraît être : rien de trop peu ; il prétend exprimer toute la pensée, toute l’image, avec toutes leurs nuances, avec toutes leurs complémentaires musiques.

1428. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

La seule chose qu’il y aurait injustice à ne pas reconnaître, c’est une certaine grandeur dans la pensée première, et ce qu’il y a eu de généreux dans les illusions qui s’y mêlèrent et dans la passion qui la mit à fin. […] J’ai lu bien des fois Paul et Virginie, pour éprouver ce que le temps m’avait ôté ou laissé de mon admiration première. […] Il y a une belle description de tempête au moment même des premiers troubles des deux amants ; mais elle est moins belle comme peinture de phénomènes inconnus à l’ancien monde, que par l’à-propos des images de destruction qu’elle mêle à nos pressentiments sur la destinée de ces deux jeunes cœurs, où gronde l’orage des passions humaines. […] Sous l’inspiration des premières œuvres de Chateaubriand, une école littéraire s’était formée, représentée par des hommes jeunes et bientôt illustres. […] Il y aura toujours, sur le rang où doit être placé Chateaubriand dans la glorieuse élite, une dispute entre ceux qui ne peuvent le souffrir au premier et ceux qui ne se contentent pas pour lui du second.

1429. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

« Ces demoiselles n’ont rien de si démoniaque, je vous assure », leur rétorque l’un des premiers manifestants du symbolisme, le poète René Ghil9. […] Remy de Gourmont nous invite à retrouver la joie païenne, l’innocence première, à chercher le repos dans la pure délectation sensuelle. […] Il jette de la boue sur le commencement, sur la condition première de notre vie. » À merveille, et je comprendrais cela dans la bouche d’un énergumène décidé, coûte que coûte, à « vivre sa vie » et à suivre en dépit du gendarme et des lois, ses inclinations orageuses, mais que signifie cette protestation chez Nietzsche qui nous ramène à l’ascétisme et prescrit l’abstinence avec rigueur ? […] tout cela pour me brider au premier élan, avec le frein de Sénèque : Imperare sibi maximum imperium est. […] Lassitudes, c’est le titre que Louis Dumur donne à son premier recueil de vers.

1430. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le duc de Richelieu, au contraire, était opposé à celle-ci : il avait un autre candidat en vue, une grande dame ; car il semblait que, pour devenir maîtresse du roi, la condition première fût d’être dame de qualité, et l’avènement de Mme Le Normant d’Étiolles, de Mme Poisson, comme maîtresse en titre du roi, fit toute une révolution dans les mœurs de la Cour. […] Ce bois était sans doute la forêt de Sénart, témoin des premières entrevues. […] … » Quand, pour distraire le roi, elle fit jouer la comédie dans les petits appartements, Montesquieu avait l’air de s’en railler dans une lettre écrite à un ami (novembre 1749) : Je ne puis vous dire autre chose, si ce n’est que les opéras et comédies de Mme de Pompadour vont commencer, et qu’ainsi M. le duc de La Vallière va être un des premiers hommes de son siècle ; et, comme on ne parle ici que de comédies et de bals, Voltaire jouit d’une faveur particulière. […] Une autre lettre toute familière de Mme de Pompadour, adressée à Pâris-Duverney, qui lui en avait suggéré l’idée première à elle-même, nous la montre poursuivant l’exécution de ce noble projet avec sollicitude : Le 15 août 1755. […] Il tenait cette sournoiserie de sa première éducation sous le vieux cardinal de Fleury. — Enfin, elle s’écrie avec un sentiment secret de sa misère et une expression qui ne laisse pas d’étonner : « Ah !

1431. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Il a commencé par conter, cela a été évidemment sa première vocation. […] En dehors de cette traduction, ses premières œuvres sont l’Adonis, imité de l’Adone du cavalier Marin, et puis Clymène, qui est de l’invention même de La Fontaine et qui déjà le caractérise singulièrement. […] Par exemple, ceci nous donne une petite vision du premier état d’âme de La Fontaine amoureux, et en tout cas cela me paraît tout à fait digne de vous être soumis. […] Elle est même un peu postérieure à la publication du premier recueil des Contes. […] Psyché n’a pas été assagie par sa première et très cruelle mésaventure ; elle ouvre la boîte et elle s’endort.

1432. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un philosophe éloquent du dernier siècle a voulu surprendre et décrire l’entrée du premier homme dans la vie, son action instinctive, l’éveil de ses sensations, et ce qu’il nomme les plaisirs de sa grande et noble existence. […] Pour qui veut conjecturer ce passé ineffable, ne vaudrait-il pas mieux recourir à l’hymne que Milton fait chanter dans le paradis, et qui semble la reconnaissance du premier homme saluant son créateur avec la voix et dans l’idiome qu’il en a reçus ? […] et n’a-t-il pas en même temps prétendu que cette première imposition des noms venait d’une nature divine et supérieure il l’homme ? […] On sait quelle était la puissance de ce souvenir chez le peuple d’Israël, et comment, après ses premières dispersions, ce chant se retrouvait en Égypte parmi les Thérapeutes et marquait leur filiation hébraïque. […] Un pieux lettré, qui, à la fin du dix-septième siècle, commentait cette inspiration des premiers temps, disait « qu’au prix de ce cantique, Virgile lui paraissait tout de glace » ; malheureusement, il glaçait lui-même de ses analyses ce qu’admirait sa foi.

1433. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils lui firent des noirceurs, & voulurent le perdre auprès de Jacques premier & de Charles premier, dont il étoit médecin. […] Il eut encore recours, en cette occasion, à François premier. […] La duchesse de Ferrare s’employa surtout en sa faveur auprès de François premier. […] François premier n’eut pas plutôt approuvé les pseaumes traduits, que tout le monde, à la cour, les chanta. […] Il fit paroître vingt autres pseaumes dans le goût des premiers.

1434. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Vous connaissez, Mesdames et Messieurs, l’intention première et le plan général de ces conférences. […] — Nécessité de remonter, pour traiter la question, aux premières comédies de Corneille lui-même : Mélite, la Veuve, la Galerie du Palais. — Qualités et défauts de ces premières pièces. — II. […] Vous voyez pourquoi j’ai tant insisté sur le style de ses premières comédies. […] Tout sort ici de la donnée première, tout s’y rapporte et tout y est d’abord contenu. […] Je lis en effet, dans le Prologue du Négligent, sa première pièce, les curieuses réflexions que voici.

1435. (1902) Le critique mort jeune

Si dans sa première manière, qui date du temps où M.  […] On le voit, à de certains moments, qui brûle d’en avoir fini avec son premier office. […] Qu’il dise tant de choses fines et curieuses dans une langue coulante et dépouillée, c’en est assez pour qu’il passe premier homme de son temps. […] C’est notre plaisir et le leur qu’ils se proposent pour premier objet. […] Toujours préoccupé de faire leur juste part aux sentiments et aux idées (il avait réuni ces deux mots dans le titre de son premier volume d’essais), M. 

1436. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Dès lors, nous n’avons affaire qu’à la matière, et non aux causes premières ou à la force vitale directrice qui en dérive. […] La vie n’est ni plus ni moins obscure que toutes les autres causes premières. […] Schultze ramène à ce type les éléments qui au premier abord s’en écartaient davantage, à savoir les fibres musculaires. […] Ce premier état transitoire donne bientôt naissance à des états plus complexes. […] Première origine des confusions que nous avons annoncées !

1437. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Les procédés théologiques des premiers peuples rentrent dans cette catégorie. […] L’esprit souffle où il veut et nul n’a le droit de chicaner sur les conditions premières d’un poème. […] Dans La Belle Thérence, par exemple, l’élément fixe, formé de cinq syllabes, est au premier hémistiche. […] Ce premier chapitre qui donne son titre à l’ouvrage de M.  […] Nos premiers parents, disent les Ecritures, ne purent, devenus mortels, rester dans le Paradis terrestre, lequel était situé en Orient.

1438. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Souvent, je l’ai abandonné, doutant de la possibilité de réaliser une entreprise trop téméraire ; toujours, et imprudemment peut-être, j’y suis revenu, et j’ai persisté dans mon premier dessein. […] Jouissant, dès ma première jeunesse, des conseils et de la bienveillance d’hommes supérieurs, je m’étais pénétré de bonne heure de la persuasion intime que, sans le désir d’acquérir une instruction solide dans les parties spéciales des sciences naturelles, toute contemplation de la nature en grand, tout essai de comprendre les lois qui composent la physique du monde, ne seraient qu’une vaine et chimérique entreprise. […] « Tant que l’on s’en tint aux extrêmes dans les variations de la couleur et de la figure, et qu’on se laissa prévenir à la vivacité des premières impressions, on fut porté à considérer les races, non comme de simples variétés, mais comme des souches humaines, originairement distinctes. […] En vain la pensée se plongerait dans la méditation du problème de cette première origine ; l’homme est si étroitement lié à son espèce et au temps, que l’on ne saurait concevoir un être humain venant au monde sans une famille déjà existante…… Cette question donc ne pouvant être résolue ni par la voie du raisonnement ni par celle de l’expérience, faut-il penser que l’état primitif, tel que nous le décrit une prétendue tradition, est réellement historique, ou bien que l’espèce humaine, dès son principe, couvrit la terre en forme de peuplades ? […] « Les langues, créations intellectuelles de l’humanité, et qui tiennent de si près aux premiers développements de l’esprit, ont, par cette empreinte nationale qu’elles portent en elles-mêmes, une haute importance, pour aider à reconnaître la ressemblance ou la différence des races.

1439. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Quelquefois cette propagation aboutit à une véritable métamorphose : on voit alors se manifester une loi étudiée par Wundt, placée même par lui au premier rang, mais qui n’est, à notre avis, qu’une conséquence particulière de la loi d’équivalence. […] Reprenons donc le problème du côté psychologique, et essayons de remonter ainsi jusqu’à l’effet premier de l’émotion agréable ou de l’émotion douloureuse. […] Telles sont les émotions primitives, avec le mouvement général du corps qui les exprime au premier moment. […] Au premier moment, l’affaissement d’activité s’exprime par un affaissement général de force motrice. […] Le Français exprime tout ce qu’il sent par sa physionomie et ses gestes ; aussi se reconnaît-il au premier coup d’œil et ne peut-il rien cacher. » — « La mimique de l’Anglais, selon Mantegazza, est fière et dure, celle de l’Allemand lourde, bienveillante et toujours disgracieuse.

1440. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Le seul synonyme à peu près plausible est le mot de hasard, qui désigne l’apparition d’un phénomène sans cause, du « premier commencement » d’une série soumise pour le reste à la causalité. […] Il a sa première origine dans la réelle activité du désir, qui n’est point un état passif ni reposant en soi, mais un effort vers l’avenir. […] Le second vol commis par un voleur n’est jamais identique au premier ; ce n’en est pas moins un vol, et on peut prévoir que, si Cartouche a une bonne occasion de voler pour la seconde fois, il en profitera. […] Par la conscience, un lien s’établit entre les deux termes, sans supprimer encore l’action nécessitante du premier sur le second. […] Concluons que la volition appelée libre est celle qui a pour première condition l’idée même de notre liberté comme pouvoir de choisir avec conscience entre deux contraires, dont aucun ne peut se réaliser sans ce choix.

1441. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Aussi, plusieurs années se passèrent sans que je pensasse à recourir à ce moyen ; et ce premier germe de désir, déposé dans mon esprit par Sacountala elle-même, y demeura longtemps enseveli dans la plus profonde inaction. […] Dans les œuvres de l’Inde, comme dans celles de la Grèce ou de l’Italie, le caractère pour ainsi dire granitique des premiers poètes est une certaine brièveté mâle et sobre qui calque la nature de plus près, et qui ne pare d’aucun vêtement et d’aucun ornement inutile le nu et le muscle de la pensée. […] Le chef-d’œuvre des littératures perfectionnées est de remonter à la simplicité, ce premier mot du sentiment. […] On vérifie au premier coup d’œil ce caractère de virilité dans l’antique, de raffinement et d’afféterie dans le moderne, en comparant le poème antique de Sacountala avec le drame relativement plus moderne qui porte ce nom. […] XIII Après cette première partie le poème se presse vers l’infortune et vers le dénouement.

1442. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Le Cheval, depuis que les Espagnols l’ont importé dans l’Amérique du Sud, s’y est naturalisé à l’état sauvage ; il s’est multiplié dans toute la contrée avec une vitesse de propagation sans pareille ; je devais donc me demander quel pouvait avoir été la cause de son extinction première sous des conditions de vie en apparence si favorables. […] Enfin, lors même que les quelques espèces fossiles qui sont communes au vieux monde et au nouveau seraient retranchées de l’ensemble, le parallélisme général des autres formes successives de l’organisation, pendant les périodes paléozoïques et tertiaires, serait cependant évident à première vue et suffirait pour établir la corrélation des diverses formations. […] Pour en donner un seul exemple, il suffit de rappeler de quelle manière les fossiles du système devonien furent du premier coup reconnus par les paléontologistes comme intermédiaires en caractères entre ceux des terrains carbonifères qui les suivent et ceux du système silurien qui les précèdent. […] Mais l’extinction complète d’un groupe entier d’espèces peut souvent être beaucoup plus lente que sa première formation, grâce à ce qu’un petit nombre de ses représentants peuvent souvent survivre et se perpétuer languissamment dans quelque station isolée et protectrice. […] C’est ainsi que peut-être le monde microscopique représente aujourd’hui la photographie réduite des premières faunes ou flores créées, comme nos prêles et nos fougères nous offrent un diminutif des Calamites et des Lépidodendrons carbonifères.

1443. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Rien ne peut paraître plus difficile à croire au premier abord que les organes et les instincts les plus complexes aient été perfectionnés, non par des moyens supérieurs bien qu’analogues à la raison humaine, mais par l’accumulation de variations innombrables, quoique légères, et dont chacune a été utile à son possesseur individuel. […] La stérilité des hybrides est un cas très différent de la stérilité des premiers croisements : car leurs organes reproducteurs sont plus ou moins impuissants, tandis que dans les premiers croisements les organes des deux espèces sont en parfait état. […] Comme les groupes descendus d’un ancien progéniteur ont généralement divergé en caractères, cet ancêtre commun et ses premiers descendants seront souvent intermédiaires entre ses descendants plus récents ; et nous voyons ainsi pourquoi plus un fossile est ancien, plus il présente souvent des caractères intermédiaires entre des groupes alliés existants. […] D’après le principe que les variations successives surviennent non pas exclusivement à l’une des premières périodes de la vie embryonnaire, mais pendant le cours de la vie des individus, et que ces variations sont héritées par leurs descendants à un âge correspondant, nous voyons clairement pourquoi les embryons de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et de poissons, peuvent être si semblables entre eux et si différents des formes adultes. […] Mais le point unique de convergence de toutes ces diverses séries organiques, c’est la cellule primordiale, c’est la vésicule germinative, premier archétype universel de toute l’organisation et dont toute l’organisation se compose.

1444. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Dans ce premier volume, M.  […] Tel qu’il est, ce premier volume sera, nous l’espérons, un livre d’intérêt d’autant plus grand qu’il permettra de juger par des exemples l’ensemble des quatre premières années de notre mouvement littéraire. […] Toute comparaison faite, je préfère cette première version à la dernière. […] C’est l’premier aide qu’est dans la charrette ; je le connais bien, M.  […] Il s’agit de sa première cause.

1445. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Le titre complet du premier, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, marque déjà une date. […] Il est un des premiers à avoir mis en lumière la nature de la société, comme d’un vivant qui transcende les individus, qui est créé directement par Dieu, qui a pour organe le pouvoir. […] Première idée saint-simonienne. […] Le contact avec l’Orient le ramène à ses premiers projets d’une grande épopée religieuse. […] En 1838, Hugo fait son premier voyage en Allemagne.

1446. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Sa première industrie fut de garder les chevaux des seigneurs à la porte des théâtres. […] Il avait perdu cette première épouse par la mort ; il n’avait renoncé ni au bonheur ni à l’amour. […] Lainé, le Cicéron et le Platon des premières années de la Restauration, le connut, le prit en estime et en affection, et le fit parvenir promptement aux honneurs de la questure de la Chambre. […] Quant à sa femme, elle portait dans son regard et dans les traits de sa bouche tout le cœur à la fois si tendre et si sublime de son premier mari, et tout le bonheur qu’elle devait au second. […] Molière, qui était incommodé, n’avait pu voir le petit Baron les deux premiers jours ; mais tout le monde lui en dit tant de bien, qu’il se fit porter au Palais-Royal à la troisième représentation, tout malade qu’il était.

1447. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Voici leur commune division : La crainte de la méprise dans la vocation et la nécessité d’y consulter Dieu et ses ministres pour l’éviter, premier point : et le second fut le danger de la méprise, laquelle est si ordinaire. […] Celle du premier est plus abondante et plus soutenue.

1448. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Plus rien de ce second paragraphe : « Les uns croient que c’est outrager les hommes, etc. » Après la fin du premier, où il est question des jugements bien différents qu’on a faits du livre, on saute tout de suite au troisième, en ces termes : « L’on peut dire néanmoins que ce traité est fort utile, parce qu’il découvre, etc., etc. » Les autres petits changements ne sont que de style. […] Cousin, s’emparant du sujet de Mme de Sablé comme c’était son droit, mais ayant soin d’oublier que j’avais été l’un des premiers à puiser dans le fonds des portefeuilles de Valant, affectant d’ignorer que j’avais à y revenir et à parler nécessairement et en détail de Mme de Sablé dans mon ouvrage de Port-Royal qui importunait, je ne sais pourquoi, ce grand esprit, M. 

1449. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

— Cette lettre est adressée à M. le duc d’Escars ; — l’auteur est premier vicaire de la paroisse Saint-Thomas d’Aquin : « (10 décembre 1843). […]  » Cependant si cette première manifestation, qui a si bien réussi et qui a généralement imprimé une direction très-heureuse à l’opinion, ne laisse aucune trace sensible, elle tombera dans l’oubli ; et dans un mois d’ici il ne sera plus question de rien.

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