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903. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Ce que cette publication a de neuf et d’opportun m’a déterminé à en parler cette fois encore. […] Personne ne peut parler du roi à Paris sans se faire rire au nez. […] Le nom du duc d’Orléans (depuis Louis-Philippe) revient de temps en temps dans cette correspondance, et chaque fois Mallet parle de ce jeune prince avec une remarquable estime, avec une prévision singulière. […] Il est difficile d’avoir l’esprit plus juste, plus formé, plus éclairé, de mieux parler, de montrer plus de sens, de connaissances, une politesse plus attirante et plus simple. […] … Votre continent me fait horreur avec ses esclaves et ses bourreaux, ses bassesses et sa lâcheté ; il n’y a que l’Angleterre où l’on puisse écrire, parler, penser et agir : voilà ma place, il n’y en a plus d’autre pour quiconque veut continuer la guerre.

904. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Ensuite, un jour par semaine, elle invitait quelques-unes de ses voisines et, devant elles, lui faisait rendre compte de ses lectures, persuadée que cela lui donnerait de la hardiesse et de la facilité à parler. […] Dans nos entretiens, il me parlait de diverses choses ; mais, pour moi, je ne lui parlais que de son Astrée. […] On y voit Patru partagé alors entre la volupté et la gloire, s’occupant du choix d’un genre de vie et du problème de la destinée, travaillé d’agitations, de nobles inquiétudes, de ces « divines maladies » qui sont également inconnues aux courtisans et au peuple ; plein surtout d’un beau feu pour l’éloquence, se met tant aux champs dès qu’on n’en parle pas à son gré, critique déjà en ce point, très docile sur tout le reste. […] Les bureaux furent partagés et départagés plusieurs fois… C’est un ennemi de l’Académie qui parle, ne l’oublions pas ; mais il est certain en effet que Patru avait conçu le plan et l’exécution du Dictionnaire tout autrement qu’on ne l’adopta alors ; il aurait voulu appuyer les jugements et définitions sur des citations de bons auteurs. […] On raconte que Bossuet l’étant allé voir, lui dit : « On vous a regardé jusqu’ici, monsieur, comme un esprit fort ; songez à détromper le public par des discours sincères et religieux. » — « Il est plus à propos que je me taise, répondit Patru mourant ; on ne parle dans ses derniers moments que par faiblesse ou par vanité. » Il mourut le 16 janvier 1681, à l’âge de soixante-dix-sept ans.

905. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Mais ce que j’ai fait, et ce que j’aurais fait en tout état de cause, j’ai beaucoup lu et feuilleté Beaumarchais, qui est l’homme le moins discret quand il parle de lui-même, et il me semble qu’à le bien écouter dans ses aveux et ses confidences familières, on en sait déjà presque assez. […] Lorsque plus tard, dans ses fameux procès, on lui reprocha son extraction bourgeoise, Beaumarchais parla de ce père d’une manière charmante, et qui rappelle Horace : Vous entamez ce chef-d’œuvre, disait-il à Mme Goëzman (sa partie adverse), par me reprocher l’état de mes ancêtres. […] Lorsqu’il débuta dans les lettres, assez tard, tous ceux qui parlent de lui ont relevé, dès l’abord, cet air d’assurance et de fatuité. […] L’incident dont je parle et qui lui servit de champ de bataille quand tout lui semblait enlevé, était celui-ci : prisonnier au For-l’Évêque, et devant, selon l’usage, solliciter ses juges, il avait obtenu la permission de sortir durant trois ou quatre jours, accompagné d’un agent. […] Sur les femmes, toutes les fois qu’il a à en parler, il y a de petites hymnes galantes et comme de petits couplets destinés à plaire aux belles et sensibles lectrices ; il a de ces tirades dans le procès Goëzman, il en aura plus tard dans le procès Kornman : « Et je serais ingrat au point de refuser, dans ma vieillesse, mes secours à ce sexe aimé qui rendit ma jeunesse heureuse !

906. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

retentit au loin et parla vivement à l’imagination des hommesh. […] Il aimait, en général, plus à écouter qu’à parler, et on pourrait citer telle femme du monde, qui, venue le soir par curiosité dans le même salon que lui, s’est plainte de son silence. […] Alors, quand il parlait, il aimait à aller jusqu’au bout et à ne pas être interrompu. […] Tous les savants s’empressent de le voir et de conférer avec lui. » Il n’aurait fallu à Franklin que de parler un peu plus pour être déjà très recherché et pour devenir à la mode en 1767. […] Mais une telle scène, avec les mots qu’y prononça Voltaire, retentit au loin et parla vivement à l’imagination des hommes.

907. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On a beaucoup parlé, depuis tantôt deux années, de la réaction classique ; elle est assez réelle, très-légitime ; il n’y faudrait pourtant pas voir plus qu’il n’y a véritablement. […] Mais il parle : adieu, songe vain ! […] Quand je parle ainsi de l’Empire et de sa grande route régulière, il va sans dire que M. de Chateaubriand et Mme de Staël sont toujours en dehors. […] Philoctète, Ulysse, regardent les flots et ne leur parlent pas. […] Ici, loin de la multitude, De la fidèle solitude Le silence parle bien mieux.

908. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

D’autre part, le mot tem (donne, prends, regarde), dont j’ai parlé, est depuis deux mois tombé en désuétude ; elle ne le dit plus, et je ne vois pas qu’elle l’ait remplacé par un autre. […] Si on lui parle d’un objet un peu éloigné, mais qu’elle peut se représenter nettement parce qu’elle l’a vu ou qu’elle en a vu de semblables, sa première question est toujours : « Qu’est-ce qu’il dit ? […] « Si un chien aboie, c’est un signe qu’il est en colère, content ou surpris ; tous les chiens parlent ce langage, tous les chiens l’entendent, et d’autres animaux aussi, les chats, les moutons, même les enfants apprennent à le comprendre. […] Quand un animal, ou un enfant qui ne sait pas encore parler, voit un chien ou un arbre, il en a l’intuition, il ne va pas au-delà, il ne range pas cet objet dans une classe d’objets semblables. […] La preuve en est que, si cette double condition manque, l’homme ne peut plus acquérir le langage ni les talents distinctifs dont on a parlé.

909. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Parle donc ! mais parle donc ! […] pas du tout, il y est tout entier avec moi ; je le vois, je le sens, je l’entends, je lui parle. […] Mais la foule d’une ville où tout le monde vous regarde, où personne ne vous connaît, où l’œil du bon Dieu lui-même semble vous perdre de vue dans la confusion de la multitude, les bruits confus et tumultueux qui sortent, comme des chocs des feuilles ou des vagues, des hommes rassemblés, allant çà et là, sans se parler, où leur pensée inconnue les mène. […] Qui sait, peut-être me laissera-t-on lui parler et soutenir ses fers pour le soulager dans son travail ?

910. (1900) La culture des idées

On parle souvent des idées ; on a écrit sur l’évolution des idées. […] La rose qui parle est-elle thé ou mousse ? […] Saint Paul parle de l’amour avec le même mépris matérialiste que Spinoza. […] Esmeijer que revient l’honneur d’avoir introduit aux Pays-Bas, pour l’étude des langues vivantes, la méthode directe ou intuitive, qui consiste à parler à l’enfant et à le faire parler dès le début. […] Parfois il entendait « la voix qui parle aux solitaires ».

911. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Mais c’est à peine si cet oubli est indiqué dans la pièce dont je parle. […] Sue ignore complètement la langue philosophique, comment serait-il reçu à parler philosophie ? […] Nous ne sommes pas seul à juger M. de Chateaubriand comme nous le jugeons, mais nous sommes seul à parler de lui franchement, sans réserve, sans ménagement, comme s’il ne vivait plus à l’heure où nous parlons. […] Car sa traduction de Milton n’est, à parler nettement, ni littérale, ni française, ni fidèle. […] L’histoire de la peinture et de la statuaire parlerait plus haut que l’orgueil blessé.

912. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Rappelé après bien des années, il fut reçu froidement du roi, qui, même quand il le voyait, évitait de lui parler. […] Néron, Agrippine, Burrhus, Britannicus, revivent à nos yeux ; ils parlent, ils agissent comme Tacite les fait agir et parler. […] Que parlez-vous, madame, et d’époux et d’amant ? […] L’honneur parle, il suffit ; ce sont là nos oracles. […] Quelques connaisseurs, qui l’avaient lue, eurent le courage d’en parler au régent, qui aimait et protégeait tous les arts.

913. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Dans de semblables conditions on ne peut pas accuser le romancier de mensonge : il cite des hommes et des faits, il prend les hommes tels qu’ils sont, les fait agir et parler comme ils agissent et comme ils parlent, et c’est le lecteur qui conclut. […] Et vive la poésie, réalistes, et n’en parlez plus ! […] Donc quand un personnage agit et parle autrement qu’il ne devrait agir et parler, il y a contradiction entre le caractère et l’action. […] Mais vraiment pourquoi continuer à parler de ces hommes-là ? […] Oui ; quand je dis que je n’ai rien fait, c’est une manière de parler. — Oh !

914. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

On me dit que Benjamin Constant parlait mal de Roederer ; je le crois bien : ils s’étaient connus, ils s’étaient rencontrés et même rendu de bons offices ; Benjamin se vantait d’avoir une fois rapproché Roederer de Sieyès qui le boudait ; Roederer avait eu souvent à écrire sur les brochures de Benjamin Constant : tout cela était bien ; mais un jour, dans une circonstance capitale, Roederer l’avait déjoué et blessé. […] Roederer prévoyant ou peut-être prévenu de la veille que Benjamin Constant devait parler contre, écrivit le matin dans le Journal de Paris, 15 nivôse an VIII (5 janvier 1800), les lignes suivantes, qu’il signa : Sait-on bien ce que c’est que le Tribunat ? […] c’est en partie ce qu’il a voulu. — Dans tous les cas, il a gagné un point ; il n’est plus permis, après l’avoir lu, de parler de l’hôtel Rambouillet du ton de dédain qu’on y mettait auparavant. […] II, p. 266, 311 et 348. — « Il parle au nom du Sénat comme il ferait dans un article de journal ; il me met à côté de Machiavel, etc., etc. » (Lettre de Napoléon au roi Joseph, du 3 juin 1806). […] (Elles ont été publiées depuis dans les Œuvres de Roederer données par son fils ; on a dû y supprimer quelques mots un peu trop crus.) — Il est question de Roederer à la cour de Naples, en plusieurs endroits des Souvenirs de Stanislas Girardin, qui était alors attaché au roi Joseph comme premier écuyer, et toujours il est parlé de lui dans les meilleurs termes (t. 

915. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Cette vivacité d’esprit dont je parle a cela de beau qu’elle éclaire ceux qu’elle touche, elle les pénètre d’évidence : on en aperçoit la sagesse et le vrai, d’une manière qui porte le caractère de ces deux choses, c’est-à-dire distincte ; elle ne fait point un plaisir imposteur et confus, comme celui que produit le feu de l’imagination ; on sait rendre raison du plaisir que l’on y trouve. […] Est-il du parti des modernes, il aura à peine commencé à parler que déjà on le tiendra pour suspect de manière et de trop de finesse. […] Montesquieu, dans les Lettres persanes, est plein de ces expressions neuves et vives, qui parlent à l’imagination, et qui se font applaudir et accepter. […] Il est vrai que dans le monde on m’a trouvé de l’esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n’est bon qu’à être dit, et qu’il ne vaudra rien à être lu. » Une partie de l’art de l’auteur dans ce roman consiste à imiter le style parlé, à en reproduire les négligences, les petits mots qui reviennent souvent, et, pour ainsi dire, les gestes. […] Il fait parler sa Mme Dutour, assez bonne femme et très vulgaire, comme il croit qu’elle a dû parler en réalité.

916. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il avait déjà parlé à une précédente séance et obtenu quelques amendements qu’il demandait sur ces expressions exagérées, faire nos idées, créer nos idées, etc., qu’il voulait qu’on réduisît à leur juste valeur et sans préjudice pour la faculté intérieure naturelle qui seule avait réellement ce pouvoir. […] Saint-Martin, dans ce débat, forcé à regret de se produire et de parler devant la galerie, le prend d’emblée avec Garat sur le pied non plus d’un élève, mais d’un maître : on reconnaît l’homme qui a longtemps médité sur les plus grands et les plus intimes problèmes de notre nature, et qui souffre d’avoir à en démontrer les premiers éléments. […] Après avoir parlé, puisqu’il le faut, de Condillac, de ce fameux Traité des sensations, de cette statue « où tous nos sens naissent l’un après l’autre, et qui semble être la dérision de la nature, laquelle les produit et les forme tous à la fois », il en vient à la lecture qu’il a faite également de Bacon : Quelle impression différente j’en ai reçue ! […] Tels sont les articles où je parle des prêtres et de la religion, dans ma Lettre sur la Révolution française, et dans mon Ministère de l’homme-esprit. […] Il parle de lui absolument comme si c’était un sorcier avec qui on l’eût fait dîner57.

917. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

On parlait depuis longtemps d’Homère, et peu de gens le lisaient. […] On se rappelle ce grand seigneur qui un jour, dans la galerie de Versailles, devant Boileau, Racine et Valincour, fit taire de jeunes étourdis qui riaient aux éclats de ce qu’Homère avait parlé des Myrmidons ; mais ensuite, prenant à part les trois amis dans l’embrasure d’une fenêtre, le même seigneur leur demanda sérieusement : Maintenant que nous sommes entre nous, dites-moi s’il est bien vrai, messieurs, qu’Homère ait parlé des Myrmidons ? […] La cause de M. de La Motte n’est assurément pas moins victorieuse que celle de Descartes ; le préjugé ne parle pas plus haut en faveur de l’un qu’il ne parla autrefois en faveur de l’autre. […]  » L’abbé ne se paye pas de ces mots d’école et de ce galimatias ; le poème épique, selon lui, sans tant de façons, c’est tout uniment celui dans lequel le poète raconte l’action, de même que tout poème dans lequel les personnages parlent et agissent est plus ou moins du genre dramatique. […] Le fait est, pour choisir un exemple qui parle à tous, que souvent les mots sont ou ont l’air plus à l’aise chez Racine que chez Montesquieu.

918. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

J’ai parlé d’observation ; et qui donc, si l’on cherche parmi les noms d’auteurs ceux qui peuvent le plus prétendre en notre temps à ce genre de mérite, qui pourra-t-on citer de préférence à Gavarni ? […] Prenez la plus innocente de ces fourberies, celle de la jeune fille au bras de son papa qui la devine. — « Comment saviez-vous, papa, que j’aimais mosieu Léon f » — « Parce que tu me parlais toujours de mosieu Paul. » Allez à la plus calme, à la mieux établie et la mieux réglée de ces fourberies conjugales : un jeune homme dans un salon est assis bien à l’aise, installé dans un fauteuil, lisant comme chez lui, le chapeau sur la tête ; avec lui une jeune femme près de la fenêtre, debout, tient à la main son ouvrage et regarde en même temps dans la rue ; et, pour toute légende, ces mots : « Le v’là ! […] » Il les écoute parler ou plutôt il les devine parler, et il devine juste. […] « Un soir que nous parlions à Gavarni de ses légendes, racontent MM. de Goncourt, et que nous lui demandions comment elles lui venaient : « Toutes seules, nous dit-il ; j’attaque ma pierre sans penser ‘a la légende, et ce sont mes personnages qui me la disent… Quelquefois ils me demandent du temps… En voilà qui ne m’ont pas encore parlé… » Et il nous montrait les retardataires, des pierres lithographiques adossées au mur, la tête en bas. » Ces mots décisifs, ces paroles stridentes qui ouvrent des jours soudains sur une action, sur un ordre habituel de sentiments, et qui sont comme des sillons de lumière à travers la nature humaine, font de Gavarni un littérateur, un observateur qui rentre, autrement encore que par le crayon, dans la famille des maîtres moralistes. […] Il a dans son crayon de cette aisance et de cette grâce dégagée qu’avait ce premier élève dis Balzac, qui eût pu être supérieur au maître si un disciple l’était jamais, et si surtout il eût plus fait, et si enfin il eût vécu ; je veux parler de Charles de Bernard.

919. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

cette façon de louer nous paraît fade ; nous voulons mieux quand nous parlons d’un écrivain : malgré la difficulté de juger plus à fond et de percer plus avant quand il s’agit d’un contemporain, d’un ami, notre plaisir est d’y viser, de nous jouer même autour de la difficulté : …. […] Cela s’est vu surtout lorsqu’il a eu à parler, en ces derniers temps, de certaines représentations dramatiques, et, en général, dans ce qu’il a écrit sur les œuvres de l’école poétique moderne depuis 1830. […] Le grand bibliothécaire par excellence, Gabriel Naudé, en parle étrangement en son style plus énergique qu’élégant : « Les bibliothèques, dit-il, ne peuvent mieux être comparées qu’au pré de Sénèque, où chaque animal trouve ce qui lui est propre : Bos herbam, canis leporem, ciconia lacertam 181. » Et arrivant à la connaissance des livres des novateurs, il la conseille en temps et lieu, comme fournissant à l’esprit une milliasse d’ouvertures et de conceptions, le faisant parler à propos de toutes choses, et lui ôtant l’admiration, qui est le vrai signe de notre faiblesse. […] Magnin vient de publier présentent toute espèce de choix et de variété : Grèce, romantisme, Portugal et Chine, nul échantillon n’y manque ; cette qualité de style dont nous parlons en fait l’harmonie. […] L’homme d’esprit dont je parle sait bien à quoi s’en tenir.

920. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Auparavant, il parlera à Tebaldo, son homme de confiance, et, suivant son conseil, il prendra un parti. […] Ils parlent de ce qu’ils ont vu la nuit, lorsque Virginia introduisit chez elle Fabio et Zucca. […] Pandolfo entre le premier, en disant que Ricciardo lui a fait dire qu’il veut lui parler. […] Ricciardo arrive, lui parle avec douceur. […] Fabio demande de qui il veut parler.

921. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La foi laisse peu de chose à faire à la raison, ou, pour parler plus juste, la raison n’est qu’un doux acquiescement à la foi. […] L’abbé d’Olivet, qui parle de sa mort, de la surdité qui lui survint tout à coup quatre jours auparavant, au milieu d’une compagnie, et de l’apoplexie qui l’emporta en moins d’un quart d’heure, donne, sur ouï-dire, quelques traits de son caractère. […] C’est de cette sorte que nous nous parlons à nous-mêmes ou que nous causons avec nos amis. […] Tel vice que nous n’avons pas nous indigne dans l’orgueil de notre innocence, et nous parlons d’autrui en Catons, les mêmes qui tout à l’heure allons fort baisser le ton, à la vue d’un défaut déjà vieux, planté en nous ou qui y pousse. […] Ainsi, pour La Bruyère, moraliste et peintre de portraits, cette variété, cette finesse, cette originalité des formes, dont parle Suard, seront, si je puis parler ainsi, les qualités du genre.

922. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Voici des fabliaux moqueurs qui choisissent pour victimes les curés et les nonnes et qui parlent de l’autre monde en termes fort peu révérencieux. […] Je ne parle pas des évêques, tels que Bossuet et Fénelon, qui brillent au premier rang des orateurs et des écrivains de l’époque. Je ne parle pas de la controverse, qui est alors uniquement religieuse ou littéraire. […] « C’est aux académistes de bien parler, dit Saint-Cyran ; il suffit que le style n’ait rien de choquant ». […] C’est un Dieu abstrait, qui parle à l’intelligence et peu au cœur.

923. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Je parlais l’autre jour de Voltaire, parlons un peu de Béranger ; rien de plus naturel. […] Ceux de ses amis qui les connaissent n’en parlent qu’avec admiration. […] C’est là un faible essentiel chez l’homme excellent dont nous parlons, un trait par lequel le Béranger véritable et réel diffère du Béranger de convention et de légende qui court les rues et qu’on voit sur les vignettes. […] Il m’a parlé en très peu de minutes de Chateaubriand, de Lamennais, pelotant à plaisir ces noms ; il m’a fait entendre qu’il était le conseiller de Lamennais. […] Je parle à M. de Pontmartin le langage qui lui est familier et qu’il aime.

924. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Car, pour les pièces consacrées à célébrer des événements publics, il n’en faut point parler. […] Ne viens point, quand tu les as en foule devant toi, ne viens point parler de ce silence de mort qui a succédé à des chants. […] Qu’est-ce que ce savant bibliothécaire, à qui la reine parle du front du penseur, de l’indépendance et quasi de la royauté littéraire ? […] Je remarque aussi que, plus loin, elle parle bien en détail de Cicéron et a l’air de le connaître par ses harangues. En toute occasion, elle parle du climat d’Égypte comme n’y étant pas accoutumée, et comme ferait une Parisienne qui a trop chaud.

925. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

On lui parlait dès lors de l’établir, de la marier, soit avec le roi, soit avec le cardinal-infant, frère de la reine, soit avec le comte de Soissons ; on l’en amusait. Pendant plus de trente ans encore on lui parlera de ces sortes de projets à l’infini ; elle en parlera sans cesse elle-même, mais en enfant, sans jamais pouvoir se résoudre, et sans s’apercevoir à la fin que cette indécision éternelle devient une fable. Celle qui s’appelait Mademoiselle par excellence ne pouvait se décider à cesser de l’être, et cela dura jusqu’au moment où la nature tant ajournée reprit ses droits et parla une fois pour toutes à son cœur. […] Mademoiselle, dans des lettres adressées à Mme de Motteville en 1660, lui parle de la conversation comme étant, « à votre goût et au mien, dit-elle, le plus grand plaisir de la vie, et presque le seul à mon gré ». […] Le président Viole en parla à Mademoiselle, qui fut réduite à lui dire : « Vous le connaissez, je ne réponds rien de lui.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Je cause rarement ici de poésie, précisément parce que je l’ai beaucoup aimée et que je l’aime encore plus que toute chose : je craindrais d’en mal parler, ou du moins de n’avoir pas à en bien parler, à en dire assez de bien. […] Aujourd’hui pourtant, je parlerai de deux poètes qui ont chanté avec quelque nouveauté ; dont l’un a déjà un nom, un nom consacré par une mort lamentable, et dont l’autre qui, heureusement, est plus en voix que jamais, obtient une sorte de vogue en ce moment : Hégésippe Moreau et Pierre Dupont. […] Il nous siérait peu à nous qui parlons, de nous montrer trop sévère, l’ayant ressentie à notre jour et même décrite autrefois dans notre jeunesse. […] Ailleurs il parlera du livre des Évangiles : Page de vérité qu’à sa ligne dernière Le Golgotha tremblant sabla de sa poussière. […] On n’aurait point parlé convenablement de Moreau, si l’on ne rappelait chaque fois à son sujet ces vers délicieux, où il a comme rafraîchi son talent et son âme : S’il est un nom bien doux, fait pour la poésie, Oh !

927. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Celui qui, ce soir-là, en parla le plus énergiquement, était M.  […] Comme il parlait de passer la Seine et d’aller attaquer l’ennemi là où on avait combattu devant Paris deux jours auparavant, il fallut que Marmont lui rappelât que la Marne était sur la route, et que tous les ponts de cette rivière avaient été détruits. […] On parlait de l’expédition d’Alger ; bien des personnes en haut lieu paraissaient la croire impossible. […] On est revenu de bien des illusions aujourd’hui, et je continuerai pourtant de parler des Ordonnances de Juillet à peu près comme on en pensait alors. […] Les généraux et les troupes de la Garde (je ne parle pas des autres) exécutèrent prudemment et vaillamment ce qui leur était commandé.

928. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Est-ce dans l’individualité restée inconnue ou dans les impressions des hommes qui en parlent ? […] Si, dans une phrase de rhétorique assez heureuse, on a parlé des Gestes de Dieu par les Francks (Gesta Dei per Francos), les gestes de Dieu par les Barbares sont moins une phrase qu’un fait, bien plus visible encore. […] Il en parle ici et là, il est vrai, mais en passant et sans appuyer. […] On a beaucoup trop parlé (et nous-même) de la pureté, de la santé et de la vigueur du sang barbare, de la généreuse transfusion qu’il venait opérer dans les sources mêmes de la vie des vieux peuples. […] Quand il parle de saint Siméon Stylite, il dit hardiment sans branlement de tôle et sans ironie : « Siméon Stylite, qui passa quarante ans sur une colonne auprès d’Antioche. » Il ne nous en fait pas un fakir.

929. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Ce livre, en effet, s’annonçait comme une large composition d’histoire littéraire et de critique, dominée par une philosophie, — ou comme parle l’auteur, et nous aimons ce langage — par une théodicée, il devait donc être cela, — purement et doctement. […] La cause s’en trouve peut-être dans une déviation de l’intelligence générale ; seulement, comment parler de la déviation quand on n’a pas posé la loi ? […] Et cependant, il y est parlé de toutes les choses qui ont ébranlé puissamment le sol de ce siècle et qui l’ont retourné sous le glaive qui lue ou sous la charrue qui féconde. Le Rationalisme, le Panthéisme, le Romantisme, passent devant l’auteur, qui en parle comme tant de gens en ont parlé depuis qu’on en parle et dont le regard ne voit pas plus loin que le regard de tout le monde. […] Nettement n’a pas plus dans sa phrase incorrecte, nombreuse, et comme grasse, que dans son esprit qui n’est jamais tendu que parce qu’il est un peu enflé, les jointures dont parle quelque part La Rochefoucauld.

930. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Parle donc ! […] Laisse-moi lui parler. […] Parle-moi ! […] je parlerai en ta faveur — gratis. […] Que nous parlez-vous de bon sens ?

931. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Moi jamais sommeil quand parler Dahomey… Écoute. […] qui est-ce qui parle de mourir ? […] Zola a déjà fait beaucoup parler de lui et pour cause. […] fit d’un ton léger le sous-préfet, qui, s’adressant à la mourante, lui dit : — Parlez, parlez tout à votre aise, brave femme. […] On parlait à haute voix et jamais sans nécessité.

932. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

La Bruyère parle quelque part des grands et sublimes artistes qui sortent de l’art pour l’étendre et l’ennoblir ou le rehausser, qui marchent seuls et sans compagnie, et qui tirent de leur irrégularité même des avantages supérieurs ; et il ajoute : « Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter. […] Parlons un peu moins de Robespierre et un peu plus de Washington. […] Je n’y allais pas non plus pour m’offrir d’en parler, ni pour faire des avances : j’étais trop critique, même dans ma jeunesse, pour aller d’emblée me jeter à la tête des auteurs dont je pouvais avoir à parler.

933. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Aujourd’hui le débat peut être considéré comme à peu près clos ; et, sans parler de l’état des esprits qui ont assez à faire ailleurs, toutes les raisons, tous les arguments sont sortis tour à tour, tellement que la question semble épuisée. […] Il y parlait de Bourdaloue et de La Bruyère. […] J’ai tant de fois parlé de M.  […] Saint-René Taillandier entre autres) ont parlé un peu au hasard.

934. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Je parlerai d’un des deux autres tout à l’heure, et mes lecteurs savent bien le troisième, familiers du charme original des Palais nomades, plus parfait des Chansons d’amant. […] Vielé-Griffin n’a usé que discrètement de la poésie populaire — cette poésie de si peu d’art qu’elle semble incréée — mais il eût été moins discret qu’il n’en eût pas mésusé, car il en a le sentiment, et le respect… Je ne parle pas de la part très importante qu’il a eue dans la difficile conquête du vers libre ; mon impression est plus générale et plus profonde, et doit s’entendre non seulement de la forme, mais de l’essence de son art : il y a, par Francis Vielé-Griffin, quelque chose de nouveau dans la poésie française. […] Ils sont les plus sensibles de tous ceux qui ont parlé auprès de nous, et, entre eux pourtant, il y a des distances profondes. […] D’anciennes racines ne le lient point à ce sol, ni à ce splendide parler auquel, avec une noble humilité, il a dédié son livre le mieux achevé.

935. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Il faudra le génie, qui a le droit de parler de ce que tout le monde sait, parce qu’il y ajoute quelque chose que ne sait pas tout le monde, pour faire excuser la hardiesse d’un auteur qui s’en vient raconter ou décrire ce que tout le monde a vu ou pu voir, maintenant, à si bon marché : un coin quelconque de la planète ! […] En voir plus long que les surfaces, pour avoir le droit d’en parler, est donc une nécessité rigoureuse pour ces messieurs qui viennent de loin et qui ne craignent pas d’attacher à leurs relations le je détesté de Pascal, — cet homme de génie qui ne comprenait pas que l’on pût sortir de sa chambre. […] Parler du bout des lèvres ne suffit pas. […] Nous n’aurions pas parlé si sévèrement de ce volume, nous n’aurions pas attaché le plomb de notre critique à cette gaze que le premier vent emportera sans avoir besoin de la déchirer, si, par-dessus la tête et l’ouvrage d’About, nous n’avions vu toute une plaie d’Égypte, nous n’avions aperçu le long zigzag de tous les touristes de France venant apporter leurs notes de voyage à toute bibliothèque qui se croira obligée de les accepter !

936. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Hebel11 Jean-Pierre Hebel est un poète allemand que nous ne connaissions guères, malgré notre allemanderie, comme parlait déjà le prince de Ligne bien avant que madame de Staël eût écrit son livre De l’Allemagne et que nous fussions coiffés du chapeau sans fond de la philosophie hégélienne, qui ne sera pas pour nous, par parenthèse, le petit chapeau de Fortunatus. […] Mais, puisque nous avons parlé de l’Écosse, il est un poète de ce pays qui se rapproche bien plus que Walter Scott du talent tout local de Hebel : c’est Burns, le fils du meunier, le grand poète jaugeur. […] Buchon, et puisque selon nous il n’y a pas plus moyen de transfuser la poésie dans une langue étrangère que le sang d’un être vivant dans les veines taries d’un homme mort, nous aurions mieux aimé le mot à mot français plaqué tout uniment sur le texte allemand que tous les à peu près du traducteur-poète, de ce lutteur contre un Protée, qui veut saisir et reproduire le rhythme par le rhythme, le tour parle tour. […] Versificateur exercé, il a peut-être moins souffert qu’un autre de ces liens terribles de la langue qu’il a voulu parler, mais il les a sentis, et, quoi qu’il ait fait, il en porte la marque encore.

937. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Et Véron, qui nous parle de ses indiscrétions à la page 333 de son livre, Véron, l’homme à la plume familière et facile, qui causait autrefois dans ses articles comme on cause en faisant sa barbe, l’homme du cure-dent à la bouche et de toutes les breloques de l’anecdote et du commérage, Véron ressemblait par là à M. de Retz. […] Or, c’est toujours une faute, quand ce n’est pas un crime, de parler la langue des ennemis ! […] Arrivé du théâtre ou du loisir à la politique, membre du Corps législatif, s’il n’a pas de tribune dans laquelle il puisse encadrer sa docte et florissante personne il a une assemblée d’hommes bienveillants et compétents qui l’écoutent suffisamment quand il parle, et devant laquelle il peut exercer ses impatientes facultés. […] Les quatre ans du règne de Napoléon III, rappelés en quelques pages, ne sont là que comme un prétexte pour parler d’un autre règne au Constitutionnel, la grande époque de Véron, quand cette forte tête gouvernementale passait des jours sans repos et des nuits sans sommeil : … On  ne dort pas quand on a tant d’esprit !

938. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Mais si c’était pour vous un pur néant, vous n’en parleriez pas. […] Ils en concluent que le livre parle, et qu’en l’approchant de leur oreille ils percevront un son. […] Ne parlons donc pas ici d’esprits différents du nôtre. […] Ne parlons donc pas d’une ère de la magie à laquelle aurait succédé celle de la science. […] Il n’est pas jusqu’à l’incapacité de parler qui n’ait servi l’animal en l’auréolant de mystère.

939. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Alors en effet on se plaisait à concevoir une sorte de drame à la fois réel et idéal, qui reproduirait avec étude et fidélité les mœurs et les personnages de l’histoire, y associerait les passions éternelles de la nature humaine, et ferait parler le tout d’un ton plus simple et plus sincèrement poétique à la fois qu’on n’avait osé jusqu’ici. […] La critique, pendant tout ce temps-là (je parle de la critique qui compte) ; faisait son office avec zèle et courage ; elle s’attachait à réfuter les sottes querelles des adversaires, à démontrer qu’il y avait quelque chose de possible en dehors de l’ancien système, que le siècle devait avoir son drame à la scène comme il l’avait eu dans l’histoire. […] nous sommes très-certain que plus d’un, parmi les critiques-ingénieurs dont nous parlions tout à l’heure, a été honteux de voir pour qui il avait travaillé.

940. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

La Porcia de Shakespeare parle quelque part de cette musique que tout homme a en soi. — Malheur, dit-elle, à qui ne l’entend pas ! […] Le foyer, qui est notre cœur même ; le champ, où la nature nous parle ; la rue, ou tempête, à travers les coups de fouet des partis, cet embarras de charrettes qu’on appelle les événements politiques. […] Sans parler même ici de son influence civilisatrice, c’est à lui qu’il appartient d’élever, lorsqu’ils le méritent, les événements politiques à la dignité d’événements historiques.

941. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Avec quelle bénignité Jésus-Christ lui-même ne parle-t-il pas aux femmes dans l’Évangile ! […] Un chevalier ne parle pas ainsi. […] Monté sur un coursier rapide, Godefroi parcourt les rangs de son armée ; il parle, et son discours est un modèle d’éloquence guerrière.

942. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

Mais bien-tôt elle s’appercevra de son égarement momentanée, ou, pour parler plus juste, de sa distraction. […] Mais dans le tableau dont je parle, Attila représente si naïvement un Scythe épouvanté, le pape Leon qui lui explique cette vision, montre une assurance si noble et un maintien si conforme à sa dignité, tous les assistans ressemblent si bien à des hommes qui se rencontreroient chacun dans la même circonstance où Raphaël a supposé ses differens personnages, les chevaux mêmes concourent si bien à l’action principale ; l’imitation est si vrai-semblable, qu’elle fait sur les spectateurs une grande partie de l’impression que l’évenement auroit pû faire sur eux. […] Des hommes ont souvent adressé la parole à des portraits, croïans parler à d’autres hommes.

943. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Au temps de sa ferveur royaliste, il représente Napoléon comme un fléau de Dieu ; mais il en parle. […] Lamartine n’a pas d’esprit, et même il est assez bizarre de parler d’esprit à propos de Lamartine. […] « Beaucoup parler, dit Fantasio, voilà l’important. » Il parle beaucoup. […] Dans l’époque classique, il était entendu que l’écrivain ne doit pas parler de lui-même. […] Attendez un peu que je vous parle de la poésie symboliste.

944. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

On évite de parler de la platitude qu’on va faire. […] Quel plaisir de les faire parler chacun selon son caractère ! […] Penser, c’est parler tout bas ; parler, c’est penser tout haut. […] Il ne faut pas parler du roman, ni de la poésie. […] Le comte en parla à sa fille, et elle lui répondit que bien lui plaisait.

945. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

On vous parle des droits de la vérité. […] Je veux parler de Sainte-Beuve et de Balzac. […] En quels termes il parle d’eux ! […] Il parle quelque part du fieri de la conscience divine. […] Les livres, de quel accent il en a parlé !

946. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Je ne parle point du faux éclat qu’ils ont prêté à des pensées communes, je parle des vices que la Poésie a embellis & des crimes qu’elle a canonisés. […] Sa Muse est sur le Théatre comme la Dame Romaine dont parle Horace est dans une danse sacrée, toujours craignant la censure des gens de goût. […] Sans parler des anciennes versions, nous en avons eu un grand nombre de nouvelles que j’examinerai en partie d’après l’Abbé des Fontaines. […] Sous prétexte de faire parler le satyrique latin en vers françois, il verse sa bile sur les Poëtes ses contemporains. […] Nous ne parlerons même que de ceux qu’on a traduits ou imités en françois.

947. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Mais s’il la nommait mal, cette langue nécessaire à une traduction de Shakespeare, François Hugo la comprenait et pouvait la parler. […] » C’est parler un peu comme à l’Événement. […] Embarras très grand, qui, pour parler comme Hazlitt, est l’impertinence du génie. […] François Hugo a bien raison de parler de famille. […] L’archevêque de Canterbury parlait en évêque, en disant les paroles que je citais plus haut, mais, croyez-le !

948. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

En fait de raisonnement et d’esthétique, nous ne recommencerions donc pas à parler de lui, à ajouter à ce que nous avons dit ailleurs, à ce que d’autres ont dit mieux que nous. […] Parle, est-ce toi, Clytie, ou dois-je attendre encore ? […] si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore, Rêver au peu de jours où j’ai vécu pour toi, Voir cette ombre qui t’aime et parler avec moi, D’Élysée à mon cœur la paix devient amère, Et la terre à mes os ne sera plus légère. […] Quand soudain, se levant, un sage d’Italie, Maigre, pâle, pensif, qui n’avait point parlé, Pieds nus, la barbe noire, un sectateur zélé Du muet de Samos qu’admire Métaponte, Dit : « Locriens perdus, n’avez-vous pas de honte ? […] Pour certaines variantes du premier texte, on m’a parlé d’un curieux exemplaire de M. 

949. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Comment donc, en ces conditions, osera-t-on parler de « Métaphysique positiviste » ou de « Positivisme métaphysique ?  […] Renan, pour nous l’expliquer, s’en prend alors à la « science anglaise », qui, dit-il « n’a jamais compris d’une façon bien profonde la philosophie des choses. » Ce jeune homme parle là bien irrévérencieusement de Newton ! […] Ou plutôt il l’a très bien vu, et là même est l’explication du mépris doux et transcendant avec lequel, — dans son Avenir de la science et ailleurs, — il a toujours parlé d’Auguste Comte. […] Nous reviendrons sur ce point quand nous parlerons de La Religion comme sociologie. […] C’est le titre d’un livre encore assez récent où le professeur Hæckel, ayant réduit le nombre des « Énigmes de l’univers » à sept, puis à trois, et finalement à deux, ne les a peut-être pas résolues, mais n’en a pas moins affirmé la possibilité de les résoudre, et son droit de parler comme s’il les avait résolues.

950. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Le Ventre de Paris (je parle du livre de M.  […] Il parle dans ce livre-ci d’un homme abandonné sur un écueil et qui fut mangé par les bêtes de la mer. […] Zola, nous n’en parlerions même pas. […] malgré sa préface à patte blanche, je ne suis pas assez bête pour parler morale à M.  […] Dépravé par son sujet, il parle, en ce roman de L’Assommoir, comme les personnages qui y vivent.

951. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Pourtant, elle parle encore le langage d’une femme. […] Et que je n’entende plus parler de ce vagabond. […] Mais si vous ne parlez pas, je dois parler. […] Je parle très sérieusement. […] Elle le tient à l’écart et ne lui parle jamais.

952. (1902) Propos littéraires. Première série

La critique n’avait jamais parlé ni de l’un ni de l’autre. […] il faut que nous en parlions. […] C’était encore là qu’ils parlaient le mieux. […] Je parle de l’évolution littéraire de M.  […] Bourgeois ; c’est lui qui parle réellement.

953. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

C’est peu de parler de la « déférence filiale » du roi. […] Je le traduirai mot pour mot, et je le laisserai parler presque toujours. […] Les modernes passent pour des hommes positifs, et on leur parle comme à des poètes ; les Grecs passent pour poètes, et on leur parlait comme à des hommes positifs. […] Il parle autrement que les autres, parce qu’il pense autrement que les autres. […] Si les auteurs parlent tout haut de Rome ou de l’Angleterre, c’est pour parler tout bas d’autre chose.

954. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle a besoin de confiance dans les relations : « J’ai besoin, dit-elle, de croire aux gens que je vois. » Ceux qui ont l’honneur de l’approcher, pour peu qu’ils l’aient connue en diverses rencontres, ont droit de parler de son cœur et des délicatesses qu’il lui suggère. […] Ne lui parlez pas de ces idées complexes, ambiguës, où il entre du pour et du contre, de ces pensées entre chien et loup : ces nuances, ces crépuscules d’idées n’existent pas pour elle. […] Sans parler de sa gouvernante, la baronne de Reding, elle y reçut des soins particuliers d’une tante, la comtesse de Survilliers (née Clary). […] La princesse Mathilde est, en effet, artiste dans l’âme, et je me suis réservé exprès jusqu’à ce moment le plaisir de parler avec quelque détail de ce côté si caractérisé de sa nature. […] Après le plaisir de travailler, elle n’a rien de plus agréable que de visiter les grandes galeries, notre musée du Louvre, et d’y revoir les chefs-d’œuvre ; et si on lui parle des tableaux modernes qu’elle a chez elle et dont ses salons sont ornés : « Ici ce sont mes amis, dit-elle, mais là-bas ce sont mes admirations. » Le goût de la princesse est classique : on a remarqué que le goût des princes l’est naturellement73.

955. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

. — Pour bien parler de Lucrèce au Moniteur, il serait bien bon que le Moniteur redevînt libre, et que le mot d’officiel y disparût. […] « À vous tout de respect et de cœur, cher et illustre confrère, « Sainte-Beuve. » Le Temps était le lieu le mieux indiqué pour parler de Lucrèce, mais M.  […] On a beaucoup parlé de son scepticisme : sceptique, pour la plupart de ceux qui lui ont si souvent jeté ce mot comme une injure à la face, et qui l’ignorent peut-être, vient du verbe grec σκέπτομαι, j’examine. […] — Ainsi parle M. de Pongerville dans la préface qui précède sa traduction ; mais, depuis Louis XIV, l’admirable poème de la Nature des choses était tombé dans un véritable discrédit. […] Soyons bref et parlons sérieux.

956. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Le second volume de ces œuvres ayant paru avant le premier, nous en avons parlé dans la Revue de Paris du 11 juin dernier ; la publication actuelle du premier volume, qui contient des fables, des poëmes académiques et quelques autres poésies, ne pourrait que modifier très-peu notre premier jugement, et nous n’y insisterions pas aujourd’hui, si la Vie de Victorin Fabre, que l’honorable éditeur, M. […] Certainement si la France, en perdant au printemps de 1831 le très-estimable écrivain Victorin Fabre, avait perdu le tome cinquième en personne de Montesquieu, de Voltaire, de Jean-Jacques et de Buffon, on n’en parlerait pas autrement que M. […] Sabbatier parle de Ginguené en de très-bons termes que nous ne contesterons pas ; Ginguené était un littérateur de grand mérite, plus instruit que La Harpe, bonne plume, bon critique, mais non point d’un goût exquis, comme M. […] Ainsi, dans un sens plus léger, Martial parle quelque part de la dame romaine qui, allant aux eaux de Baies, y arrive Pénélope, dit-il, et s’en retourne Hélène :… Penelope venit, abit Helene. […] Mais que viens-je ici parler de goût et d’aménité ?

957. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

L’illustre président du 15 avril avait ainsi à parler de la question romantique et de Lesueur, et l’auteur des Barricades devait aborder ce qui assurément y ressemble le moins, la dernière tragédie de Clytemnestre. […] Vitet eut pour mission d’appliquer aux beaux-arts les principes de cette psychologie qui venait enfin, on le croyait, d’être rendue à ses hautes sources : qu’il parlât musique, qu’il traitât d’architecture surtout, comme plus tard de peinture, il multiplia et fit fructifier en tous sens la branche féconde. […] À son ami le poëte Guiraud qui faisait d’assez beaux vers, mais qui bredouillait en les récitant : « Prends garde, Guiraud, lui disait Soumet : tu es comme les dieux, tu te nourris d’ambroisie, tu manges la moitié de tes vers. » Au même qui, dans une discussion, en était venu à forcer le ton sans s’en apercevoir : « Guiraud, lui disait-il, tu parles si haut qu’on ne t’entend pas. » Il disait de son gendre, en le présentant comme un homme savant et qui parlait peu : « C’est un homme de mérite, il se tait en sept langues ! » — Soumet était, caressant et malin, un peu creux d’idées, voulant par moments faire croire à je ne sais quelle métaphysique qu’il ne possédait pas, très-aimable quand il ne parlait que de vers, pourtant très-comédien toujours, même dans les moindres circonstances de la vie, ne s’étant jamais consolé de la fuite de la jeunesse, et en prolongeant l’illusion jusqu’à la fin.

958. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Le Globe a parlé, il y a quelques mois, du Charles II de M.  […] L’ouvrage une fois reçu au théâtre, on en parlait dans tous les salons ; les lectures se renouvelaient ; on en retenait les morceaux les plus éloquents, les vers les plus remarquables ; il devenait le sujet de toutes les conversations dans les soupers, et l’auteur, promené, recherché dans Paris, subissait d’avance son immortalité. […] Les recettes parleraient plus haut que les raisonnements. […] Toutes les fois que le Constitutionnel ne s’en tient pas à la littérature payée, c’est-à-dire à la librairie, il parle avec une urbanité qui lui est propre et un ton qui fait éclat. […] Ils ne parlent qu’à leur coterie, et ce n’est pas là que se font les réputations durables ; ils en savent eux-mêmes quelque chose, et s’humanisent volontiers lorsqu’ils ont besoin d’appeler l’attention publique sur leurs propres productions.

959. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

« Vous me parlez, écrit Flaubert, de la critique dans votre dernière lettre, en me disant qu’elle disparaîtra prochainement. […] Il faudrait pour cette critique-là une grande imagination et une grande bonté, je veux dire une faculté d’enthousiasme toujours prête, et puis du goût, qualité rare, même dans les meilleurs, si bien qu’on n’en parle plus du tout39. » Flaubert a ici marqué excellemment les qualités des vrais critiques. […] Dans ces moments-là, le maître devient, pour ainsi parler, son propre disciple. […] Les grandes œuvres d’art sont comme la terre labourable dont parle La Fontaine : « un trésor est caché dedans » ; pour le trouver, il faut tourner, retourner. […] Elle parle moins à notre jugement qu’à nos sentiments de sympathie et de sociabilité.

960. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Je ne sais pourquoi La Fontaine parle ainsi. […] C’est après avoir parlé du ciel, qu’il ferme sa porte a ces pauvres gens. […] On voit que La Fontaine parle ici d’abondance de cœur. […] Elle a d’ailleurs l’inconvénient de retomber dans la moralité de la précédente, qui vaut cent fois mieux ; aussi personne ne parle de Messire Jean Chouart, mais tout le monde sait le nom de la pauvre Perrette. […] Rien de plus naturel que cette expression, après avoir parlé de la guerre de Troie.

961. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Le bonhomme était furieux et parla des gendarmes. […] Il est trop fier (j’ai déjà parlé de cette fierté pure et solide comme le diamant), il est trop digne, — je ne sais comment dire, — trop lui enfin pour discuter un prix avec l’acheteur : on l’a déjà augmenté, du reste, d’une quarantaine de sous par chef-d’œuvre. […] Cette société, il ne s’en plaint pas, il ne parle point d’en « réformer les abus », quoiqu’il ait vécu autrefois avec des réformateurs et des Messies de toute sorte. […] Par l’arbre dont j’ai déjà parlé, par ce chêne où le dessinateur a jeté tout un monde de poésie religieuse. […] Si je ne vous parle que de la Sainte Famille et de la Comédie de la Mort, lorsque Rodolphe Bresdin a produit tant d’autres œuvres remarquables, hélas !

962. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Ses goûts s’annoncèrent dès son enfance ; il parlait à peine, qu’il chantait déjà : sa vie ne fut, pour ainsi dire, qu’une longue fête ; parvenu à son dix-septième lustre, il tirait encore des sons mélodieux de sa lyre octogénaire ; enfin, les Muses avaient présidé à sa naissance, et les Muses ont reçu son dernier soupir. […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or. […] On parle de modération avec orgueil, de sagesse avec arrogance ; on met tout en doute, et l’on ne souffre pas la contradiction ; la religion avait eu des sectateurs cruels ; la tolérance a des apôtres fanatiques. Ce serait ici le lieu de parler d’une comédie qui dut causer un grand scandale ; mais je ne la nommerai point, parce que, s’il est certain que cet ouvrage a signalé des sophistes dangereux, il n’est pas moins vrai, que son titre a calomnié des sages. […] À Dieu ne plaise que je parle, dans le sanctuaire des lettres, du triomphe de la barbarie, et que je rappelle, devant les statues de Corneille et de Racine, l’époque déplorable où leurs chefs-d’œuvre furent mutilés par des mains sacrilèges.

963. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

II Et pour ne parler que de celle-là, à qui l’Opinion, cette femelle, décerne actuellement le titre d’homme de génie, Mme George Sand, qui, dans sa Lélia, ayant voulu montrer des abstractions et des types revêtus d’une humanité agrandie, a glissé bien vite, de cette hauteur de conception et de résolution, dans cette fatalité des portraits, imposés, de par la nature, à la femme, laquelle ne pense guère que quand elle se souvient. […] Elles parlent, ces honnêtes personnes, comme les déshonnêtes personnes de Lélia, des mystères de l’âme, de la vie et de la destinée, dans des paysages, un palais et des clairs de lune trop sandesquement décrits, et quoiqu’elles ne disent pas les mêmes choses, elles les disent avec les mêmes attitudes emphatiques, le même bombast que dans Lélia et le même amphigouri de poésie fausse et de solennité. […] Elle y parle un pathos et un ithos transcendants que les meilleures intentions n’éclaircissent pas… « Les amis, ces grands inutiles, dit-elle (que les siens saluent !) […] Mme de Blocqueville, qui fut belle, dit-on, — qui est grandement née, — qui est peut-être aimable dans son salon, — et je suis sûr qu’elle l’est, car il est impossible qu’on y parle comme dans sa Villa des Jasmins ; elle n’y aurait plus personne, — Mme de Blocqueville n’aurait pas du tout de talent littéraire qu’elle aurait dix raisons pour pouvoir très bien s’en passer ; et d’ailleurs, ce n’est pas un si grand malheur que de n’avoir point de talent, quand on sent le talent des autres ! […] Vous verrez ce que l’affectation, les prétentions, l’orgueil, la visée au génie et à l’âme ont fait des idées et du style d’une femme, d’esprit probablement, au début ; qui eut bien peut-être une heure de simplicité et d’abandon dans toute sa vie ; qui sut sans aucun doute, comme les autres femmes de son monde, tourner joliment un billet, mais qui n’a plus le moindre gracieux monosyllabe à son service et qui ne parle plus qu’avec des phrases en tire-bouchon ou en queue de comète !

964. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

À travers ses compilations d’histoire et de voyages, écrites sans expression et sans couleur et où un déisme insignifiant est affirmé comme pour couvrir des marchandises suspectes, on sent le libre penseur qui, au tournant d’une phrase, salue presque respectueusement le honteux, grotesque et simiesque Darwin, — la Bête du temps, — et on croit ailleurs deviner çà et là le positiviste très peu positif qui se dissimule… Au vague de son esprit, sans conclusion comme sans vue fixe, Faliés ajoute le vague des doctrines, et si, parmi les civilisations qu’il pouvait étudier et dont il a oublié les principales, il a choisi (pour parler comme lui) les civilisations américaines, c’est qu’il a obéi — la chose n’est pas plus grosse que cela — au hasard de ses lectures et à la préférence de ses admirations. […] Faliés parle même, dans ses Études, de quatre-vingt mille hommes massacrés de sang-froid, en quelques jours, sur l’autel des dieux du Mexique. […] Torquemada (un historien renseigné comme vous allez le voir), Torquemada, dit ingénument Faliés, parle beaucoup de la littérature des Astèques, qui était superbe, mais qu’il ne connaît pas. […] En ses Études, aucune question, ni sur l’origine, ni sur le développement des civilisations dont il parle, n’est coulée à fond. […] Il parle la langue qui est une friandise aux Inscriptions… Qu’il se moque donc bien de ma critique, et qu’il pose sa candidature !

965. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Un incomparable éventeur de gibier, un admirable limier littéraire, Philarète Chasles, presque Anglais lui-même, tant il savait l’anglais l’avait un jour parlé de Carlyle et montré, dans un fragment de traduction, combien il était difficile de traduire ce rude génie saxon compliqué de germanisme ; mais il en eut bientôt assez, malgré sa vaillance, et personne, après Chasles, ne fut tenté de s’y frotter. […] La littérature et les arts n’ont à se préoccuper que d’une chose, tout aussi importante d’ailleurs que l’émancipation de l’humanité : c’est de la beauté à exprimer, — à inventer ou à reproduire, — mais à exprimer dans des œuvres fortes et parfaites, si l’homme de lettres ou l’artiste peuvent atteindre jusque-là… La littérature et les arts sont désintéressés de tout, excepté de la beauté qu’ils expriment pour obéir à cette loi mystérieuse et absolue de l’humanité, qui veut de la beauté, pour le bonheur de son être, tout aussi énergiquement qu’elle veut des vêtements et du pain… Je parle, bien entendu, de l’humanité à son sommet, élevée à sa plus haute puissance ; je ne parle pas d’elle à l’époque de ses besoins inférieurs… Mais c’est le vice justement des libres penseurs, strangulés par la logique que leur a faite l’épouvantable matérialisme de ce temps, de ne voir jamais que les besoins les plus bas de l’humanité. […] … Lisez-le avec attention, et vous verrez que les hommes de génie, ou de talent, dont il parle dans son histoire, sont bien moins pour lui par la personnalité de leur génie ou de leur talent que par la tendance qu’ils expriment, Michelet a un jour, dans son Histoire de la Révolution française, décapité les chefs de cette révolution, ces cerveaux troublés, mais puissants, au profit de la masse acéphale. […] Il fut certainement l’esprit le plus aristocratiquement esthétique d’un siècle et d’une nation également voués au génie bas de l’utilité, Edgar Poe n’a jamais fait, toute sa vie, que de la poésie et de la littérature inutiles, — et c’est encore un de ceux-là que les Omar de la Démocratie qui marche sur nous brûleront un jour avec le plus de plaisir, et, pour parler leur langue abjecte, comme « un faignant ! 

966. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

ils écrivent presque tous comme ils parlent, et c’est affreux, la grammaire du Palais ! […] Il avait cette espèce d’étendue en long dont parlait un jour le prince de Ligne, et qui finit par une pointe, comme un obélisque. […] Il parle décemment de toutes ces misères. […] L’auteur y parle des jésuites et — comme c’est peu avocat !  […] Il y parle du xviiie  siècle, et il ne salue pas jusqu’à terre ce gros ventre de Messaline, plein de l’enfant de tout le monde qui va sortir tout à l’heure, et qui sera la Révolution française !

967. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello, quoique sa gloire ne soit pas faite encore, n’est pas un inconnu, du moins pour moi qui en ai souvent et vainement parlé, et qui aimerais tant à être le héraut de sa gloire future ! […] Excepté son dernier et son plus magnifique ouvrage, intitulé « Les Paroles de Dieu », d’une hauteur de mysticisme qui épouvante l’admiration et dont je ne me suis pas senti digne de rendre compte, j’ai toujours parlé de ses livres avec l’intérêt passionné qu’ils excitent. […] Aujourd’hui, je vais parler du moraliste et du critique, mais d’un moraliste et d’un critique dont on n’a plus actuellement la moindre idée, — car voilà le caractère du talent de M.  […] J’ai voulu la faire ; j’ai voulu la penser ; j’ai voulu la parler ; j’ai voulu mettre à leur place les hommes et les choses ; j’ai voulu prendre leur mesure et la donner… J’ai promené la balance à travers le monde intellectuel, n’ayant qu’un poids et qu’une mesure, et j’ai laissé les plateaux monter et descendre comme ils voulaient, abandonnés aux lois de l’équilibré… Les chapitres de ce livre ne sont pas juxtaposés par une unité mécanique, mais ils sont liés, si je ne me trompe, par une unité organique, et cette unité, c’est la faim et la soif de la « Justice. » Et comme le mystique ne s’éteint jamais, ainsi que je Fai dit, dans M.  […] Pour les attardés qui parlent encore de Dieu, et qui bourrent leurs livres de ce vieux fagot avec lequel les hommes ne veulent plus se chauffer, il n’y a désormais, par ce temps sans Dieu, que l’enterrement vivant du silence, et le sacrifice des œuvres les plus belles et les plus pleines de lui, à brûler comme un dernier encens sur l’autel secret des Catacombes !

968. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette ! […] Et qui en a parlé ? […] Il a appliqué plus ou moins légèrement des idées faites à l’Amérique et à ses femmes, mais, lui qui parle de l’individualité, de sa grandeur et de ses droits, avec l’orgueil ivre de l’eau qu’il a troublée, on cherche en vain celle de son esprit… on ne la trouve pas ! […] Nous avons parlé de Diogène, mais que disions-nous ? […] Ce n’est pas avec de tel sang qu’on rajeunira ses vieilles veines Des penseurs malappris, confondant la vitalité morale d’un peuple avec la nouveauté de ses institutions politiques, nous parlent sans cesse de la jeunesse des Américains, comme s’ils n’étaient pas aussi vieux que nous, — comme si la décrépitude européenne ils ne l’avaient pas emportée, ces fils de vieillards, en quittant le sol de leurs pères !

969. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Déjà avancée dans la vie quand le prince Poniatowski lui présenta son fils, — car on en était alors arrivé à cette dégringolade de tout que les princes polonais venaient dans leurs grosses bottes, droits et heureux comme des princes, ainsi que le dit Sterne de son postillon, demander pour leurs fils les bontés de femmes dont on eût à peine parlé sous Louis XIV, mais qui étaient devenues des puissances parce qu’elles donnaient à dîner à quelques impertinents écrivassiers ! […] Le Geoffrin, pour parler avec le respect qu’on lui doit, était le type de ces maris comme on en voit passer, silencieux et inconnus, — et quelquefois il y en a de superbes !  […] En vain, cette femme, plus jeune que son âge, parle-t-elle à chaque instant, dans toutes ses lettres, comme Mademoiselle de Lespinasse, bouillante de ses trente ans contenus et impatients, parlerait à M. de Guibert : « J’irai jusqu’à vous, tant que terre pourra me porter, et, là, je mourrai dans vos bras, de joie, de plaisir et d’amour !  […] Elle vint romanesquement enivrée, mais s’en retourna triste d’une mystérieuse tristesse que la correspondance n’explique pas, et dans laquelle on peut voir encore de l’amour… Qu’on l’y voie ou qu’on ne l’y voie pas, du reste, il y en a assez dans ces lettres, où elle parle à Stanislas-Auguste comme à Dieu, pour qu’on soit sûr qu’elle a aimé, Madame Geoffrin !

970. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire la forcera à parler. […] … Je m’arrête, moi, tremblant d’en dire trop ; mais le Père Lacordaire s’arrêterait-il dans ce détail de l’humanité de Jésus-Christ, dans ce naturalisme d’appréciation, substitué à la difficulté des mystères, dont il faut parler moins, parce que l’homme ne veut plus comprendre que l’homme aujourd’hui ! […] le journaliste de L’Ère nouvelle que l’on croyait enfin détourné du monde auquel, disait-on, il ne voulait plus même parler de cette voix dont le souvenir devenait plus grand dans le silence, est ressorti de son cloître, une fois de plus, pour devenir un candidat d’Académie, et vient de payer sa bienvenue dans la compagnie où il est entré entre deux philosophes, avec ce livre de Sainte Marie-Madeleine, sacrifice aux idées les plus malsaines d’une époque qui aime tant ses maladies ! J’ai parlé plus haut de M.  […] Lacordaire, car de ces incorrections qui tiennent à l’absence d’attention et à la fatuité dans le travail comme celle-ci, par exemple, dont je pourrais multiplier le nombre : « les premiers disciples dispersés par la croix où ils étaient nés » (p. 160), de ces incorrections, je n’en parle pas !

971. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain, et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler ! Mais, nous, nous parlerons. […] Or, si, avec quelques mots, toujours cités quand on parlait d’elle, elle exerçait je ne sais quel irrésistible empire sur les imaginations les plus ennemies, que sera-ce quand on pourra lire et goûter tant d’écrits, marqués à l’empreinte d’une âme infinie, de cette âme qui, sans en excepter personne dans l’histoire de l’esprit humain, — quand elle fut obligée d’écrire, soit pour se soulager d’elle-même, soit pour remplir un grand devoir, — fit tenir, dans les limites étouffantes d’une langue finie, le plus de son infinité ? […] Il y a celle de la perfection même de l’âme qui parle ce langage, inouï d’humilité, dans le fond, comme il est inouï de simplicité dans la forme. […] Nous parlons surtout de ses grandes œuvres spirituelles, sa Vie écrite par elle-même et ce Château de l’âme, sur lequel un jour nous reviendrons.

972. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Quinet ne craint pas d’y parler, en son propre et privé nom, à son lecteur, comme fait l’Arioste, et il s’y permet, avec un esprit à gros ventre, d’imiter les ondulations ravissantes de ce demi-Dieu de la grâce et de la fantaisie, moitié cygne et moitié serpent ! […] Les personnages nécessaires et importants de ce long récit ne seraient pas nombreux, si, dans cette mêlée historique et panthéistique, tous les êtres ne devenaient pas personnages ; si tous les peuples de la terre, les oiseaux des airs, les fleurs des champs, ne parlaient pas et ne jouaient pas leur bout de rôle, au gré du poète. […] Au travers de ce style inouï qui fait abus des fleurs qui parlent et des oiseaux bleus, commissionnaires de l’Amour, il y a cependant quatre vers qui reviennent sans cesse, mêlés à la prose de M.  […] Nous qui savons le prix du temps mieux que lui, nous n’en aurions pas tant parlé, si les lâchetés de l’amitié, des partis et de la camaraderie, n’étaient pas en train de lui arranger une gloire hypocrite et dont on ne pense pas un mot. Croira-t-on qu’à propos de cette interminable légende de Merlin, bonne pour faire dormir forcément les enfants trop éveillés, quand ils ne sont pas sages, on a parlé d’un Essai d’histoire idéale, qui doit féconder et transfigurer le champ épuisé de l’histoire réelle ?

973. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

pour l’avoir éprouvé, mais je ne hais pas une bonne et franche morsure), Frédéric Morin, a parlé de lui, une seule fois je crois, et sans morsure, et certainement il l’avait lu et il en a parlé parce qu’il l’avait lu ; mais si l’auteur obscur de J’aime les Morts, de l’Histoire du feu par une bûche, et des Dévotes 37, n’avait pas été lyonnais et petit-fils de Camille Jordan (une réputation établie), Morin, qui est un lyonnais, un lettré, et, si je ne me trompe, un philosophe, l’aurait-il seulement lu ? […] Il est évident qu’il n’y a là que la main fébrile d’un jeune homme ardent, peut-être blessé : Et voilà justement parler en vrai jeune homme ! […] J’aime les Morts est un livre de cœur, profond et bizarre comme la chose même dont il parle. […] Il a ce fil de la Vierge dont Guérin parlait quand il disait : Comme une vierge va dévidant son fuseau, L’imagination déroule en mon cerveau Son fil doré de poésie.

974. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

On a beaucoup parlé de l’esprit de Fontenelle ; ce genre d’esprit ne paraît nulle part autant que dans ses éloges. […] Il n’entre point dans mon plan de parler de tous ceux qui, du temps de Fontenelle, ou après lui, ont écrit dans le même genre ; ce détail serait immense, et peu utile. […] Je ne puis finir cet article sur les éloges des gens de lettres et des savants, sans parler encore d’un ouvrage de ce genre, qui porte à la fois l’empreinte d’une imagination forte et d’un cœur sensible ; ouvrage plein de chaleur et de désordre, d’enthousiasme et d’idées, qui tantôt respire une mélancolie tendre, et tantôt un sentiment énergique et profond ; ouvrage qui doit révolter certaines âmes et en passionner d’autres, et qui ne peut être médiocrement ni critiqué ni senti : c’est l’éloge de Richardson, ou plutôt, ce n’est point un éloge, c’est un hymne. L’orateur ressemble à ces grands prêtres antiques qui, à la lueur du feu sacré, parlaient au peuple aux pieds de la statue de leur divinité. […] Nous n’en parlerons pas ici, parce qu’ils sont trop près de nous ; les indiquer, c’est les faire connaître.

975. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Ne semble-t-il pas qu’il faille tant de cérémonie pour parler à madame ? On parle bien à Perrette ! […] Nous ne parlerons pas de lui en ce lieu. […] Zola nous ne parlerons pas pour l’instant. […] Le père Goriot parle comme un amant.

976. (1922) Gustave Flaubert

Tu parles de perles. […] On ne saurait nier qu’il possède un style parlé et un style écrit. […] Il a besoin de parler pour lui, d’apporter des réflexions d’auteur. […] Il est fait pour vivre et pour parler aux femmes. […] Personne ne parle plus sa langue.

977. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Je parle avec autorité. […]Parlez, puisque vous y tenez tant. […] (C’est une femme qui parle.) […] Avec ce caractère-là elle doit parler ; elle parlera. […] Donnay la fait parler.

978. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Je ne parle pas de ce Boulanger de Chalussay qui fut immonde. […] Pour faire cesser l’anarchie intellectuelle dont parlait un jour M.  […] Il faut que je parle à une foule de peuple et à peu de gens d’esprit ! […] Pure affaire de boutique, pour parler vulgairement. […] Nous avons déjà parlé des portraits contenus dans le livre de M. 

979. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Les chapelles dont je viens de parler sont toujours solitaires, isolées dans des landes, au milieu des rochers ou dans des terrains vagues tout à fait déserts. […]Parlez-moi de lui, dis-je ; je ne sais pourquoi, je l’aime. […] Il ne parlait à personne ; mais son œil timide avait beaucoup de douceur. […] C’était là pour le clergé une sorte de puits de l’abîme, dont on parlait avec horreur. […] Elle pouvait avoir deux ans de plus que moi, et la façon dont elle me parlait tenait le milieu entre le ton d’une sœur aînée et les confidences de deux enfants.

980. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Jusqu’à présent nous n’avons parlé que des trois évangiles dits synoptiques. Il nous reste à parler du quatrième, de celui qui porte le nom de Jean. […] L’auteur y parle toujours comme témoin oculaire ; il veut se faire passer pour l’apôtre Jean. […] Si Jésus parlait comme le veut Matthieu, il n’a pu parler comme le veut Jean. […] Ajoutons que le vocabulaire de Jésus ne se retrouve pas dans les morceaux dont nous parlons.

981. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Parlez-nous de lois d’amour, et chantez-nous les bergeries de la nature et les maternités de la Providence ! […] Mais rassurez-vous ; ce n’est que l’instinct qui parle ainsi en lui et en nous, ce n’est pas la raison ; c’est encore moins la foi, quand on a eu le bonheur de s’en former une. […] Depuis ce pèlerinage dans le désert, j’ai parlé tant d’autres langues que je dois demander indulgence pour ces réminiscences de poésie. […] Nulle autre voix que toi, voix d’en haut descendue, Ne parle à ce désert muet sous l’étendue. […] Parle à l’esprit humain, cet immense Israël !

982. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Reste alors que le sentiment dont parle M.  […] Mais entendons-nous bien : le souvenir dont nous allons parler sera toujours un état psychologique, tantôt conscient, tantôt semi-conscient, le plus souvent inconscient. […] Quand on parle de « fausse reconnaissance », ou devrait spécifier qu’il s’agit d’un processus qui ne contrefait pas réellement la reconnaissance vraie et qui n’en donne pas l’illusion. […] Et c’est à peine si l’on peut parler de fausse reconnaissance, puisqu’il n’y a pas de reconnaissance vraie, d’un genre ou d’un autre, dont celle-ci serait l’exacte contrefaçon. […] Des observateurs qui ne se connaissent pas entre eux, qui parlent des langues différentes, s’expriment ici en termes qui sont la traduction textuelle les uns des autres.

983. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

On parlait français. […] … Et il ne parla plus. […] … Il a parlé ? […] Maxime n’osera plus parler de répulsion. […] J’avais parlé avec quelque chaleur.

984. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Leur génie (je parle même des plus vastes) est marqué à un coin particulier qui tient du moment où ils sont venus, et qui eût été probablement bien autre en d’autres temps. […] Tout parle dans l’amour, et sur cette matière Le moindre jour doit être une grande lumière. […] Mascarille, dans les Précieuses, se moque des comédiens ignorants qui récitent comme l’on parle ; Molière et sa troupe étaient de ceux-ci. […] On le faisait venir pour égayer ce bon vieux cardinal, pour l’émoustiller un peu ; madame de Sévigné en parle sur ce ton. […] Deux mois avant sa mort, il reçut cette visite de Boileau dont nous avons parlé.

985. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Le lecteur éprouve de la haine et du dégoût pour elle à mesure qu’elle parle. […] Vous parlez à des gens sociables, délicats, vaniteux, qu’il faut ménager et flatter. […] Il s’est maîtrisé avant de parler. […] Osera-t-il en parler ? […] Parlez à mistress Hoggarthy.

986. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Mais c’est lui pourtant qu’on aurait voulu entendre, et lire sur l’intérieur et la familiarité de Bossuet ; c’est à lui qu’il eût été séant plus qu’à aucun autre d’en parler. […] On les voudrait taire, mais puisque Le Dieu nous les a transmis, nous ne pouvons plus les ignorer : Le samedi au soir (23 janvier 1700, Bossuet étant à Versailles), il fut fort parlé de Télémaque. […] Telle n’est pas la doctrine de Bossuet, qui remontre dès le premier jour à l’Assemblée qu’elle a tout pouvoir de s’occuper des questions de doctrine, et qu’il est séant qu’elle le fasse ; que c’est l’usage, la tradition constante, « et que jamais les évêques ne se sont trouvés réunis pour quelque sujet que ce fût, pour la conservation des églises, pour le sacre des évêques leurs confrères, ou dans tout autre cas, qu’ils n’en aient pris occasion de traiter des affaires spirituelles de leur ministère, suivant les occurrences et les besoins présents », L’Assemblée, dès ce moment où Bossuet a parlé, et sous l’impression de cette grave remontrance, se trouve conduite, bon gré mal gré, à faire acte de concile, et tous les évêques, même ceux qui diffèrent avec lui d’opinion, lui accordent la louange d’avoir parlé comme un apôtre et un Père de l’Église. […] — « Monsieur, je vous ai toujours cru honnête homme, disait un jour à Bossuet un incrédule au lit de mort ; me voici près d’expirer, parlez-moi franchement, j’ai confiance en vous : que croyez-vous de la religion ? […] M. de Bausset, si agréable biographe, et dont je vois que l’on parle aujourd’hui beaucoup trop légèrement (car n’est-ce pas lui qui a créé chez nous la biographie vraiment littéraire ?)

987. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Il est permis maintenant de parler du général Joubert comme de l’un des hommes que l’on connaît le mieux. […] Tandis que la Convention triomphait (en vendémiaire), on y parlait de nous ; je commandais, en effet, sous les ordres du général Miollis, la colonne qui brûlait le camp austro-sarde. Eh bien, on en parlera encore pendant l’établissement du nouveau gouvernement (le Directoire) dont nous attendons notre bonheur. […] Énumérons un peu : Sentiment de famille, on l’a vu ; — fidélité au pays, je ne parle pas du grand pays, de la patrie et de la France, mais du pays de Bresse et de tous les camarades qui en sont : (Avril 1795. […] Je l’ai vu en passant à Sospello, une amie le soignait ; et comme tout le monde longtemps m’avait cru mort, il avait, dans ses douleurs souvent parlé de moi et souvent envié mon sort.

988. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

J’aurais maintenant à parler avec quelque détail des, deux volumes publiés. […] C’est ainsi qu’on parle (n’en déplaise aux rhétoriqueurs) quand on est dans le vrai des choses et qu’on ne marchande pas. […] Ne parlons point de cette passion ; je la déteste : quoiqu’elle vienne d’un fonds adorable, les effets en sont trop cruels et trop haïssables. […] Il est abondant, débordant (exundans), irrégulier ; mais quand on est à ce degré chez soi, dans le plein de la langue et de la veine françaises, on peut tout oser et se permettre, on peut hardiment écrire comme on parle et comme on sent, on n’est pas hasardé. Mme de Sévigné n’est jamais plus en train de verve et de gaieté que quand elle parle de son fils et de ses fredaines, de ses mésaventures ; on dirait que l’honnête femme se dédommage.

989. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Gœthe répondait : « Les extrêmes et les déviations dont je parlais disparaissent peu à peu, et il ne reste que l’avantage d’avoir conquis et une forme plus libre et un fonds plus riche et plus varié ; on n’excluera plus les sujets comme anti-poétiques, on pourra les prendre partout dans le monde et dans la vie. […] Gœthe a encore parlé aujourd’hui avec admiration de lord Byron : « J’ai encore lu, m’a-t-il dit, son Deformed transformed, et je dois dire que son talent me semble toujours plus grand. […] … » Ainsi parlait-il le 17 février 1832, moins de cinq semaines avant sa mort. […] Un jour donc, qu’il parlait de l’indécision des hommes, de leur lenteur et de leur résistance à faire ce qu’ils savent même le meilleur et le plus utile, — sur ce qu’il leur faudrait à chacun un démon toujours présent pour les guider, pour les exciter, pour les empêcher, après un éclair de vue supérieure et nette, de retomber dans le tâtonnement, dans le vague et l’obscurité : « Napoléon, s’écrie-t-il tout à coup, c’était là un homme ! […] Ce sont, hommes et femmes, des marionnettes incapables de vivre ; elles ont des proportions habilement conçues, mais, sur leur charpente de bois ou d’acier, ces poupées n’ont absolument que du rembourrage ; l’auteur les fait manœuvrer sans pitié, les tourne et les disloque dans les positions les plus bizarres, les torture, les fustige, déchire leur âme et leur corps, et met sans pitié en pièces et en morceaux ce qui, il est vrai, n’a aucune chair véritable : — et tout cela est l’œuvre d’un homme qui montre de grandes qualités d’historien éloquent, et auquel on ne peut refuser une vive puissance d’imagination, sans laquelle il lui serait impossible de produire de pareilles abominations. » — Vous qui parlez sans cesse de liberté, qui la voulez dans l’art et en tout, soyez conséquents ; sachez admettre et supporter les manières de sentir, même les plus opposées à la vôtre, quand elles sont sincères.

990. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Nous le laisserons dorénavant parler sans presque l’interrompre. […] Cour par ordre ou du moins avec l’agrément du roi. » Cependant, dans une lettre que l’on connaît d’ailleurs et que Racine écrivait à son fils, alors à Versailles, il lui parlait de la tumeur qu’il avait toujours au côté : « Je n’en ressens presque aucune incommodité, lui disait-il. […] Je vois bien qu’il faut prendre patience sur cela, en attendant le beau temps. » Racine parlait ainsi, le 30 janvier 1699, à la veille d’une rechute. […] Racine ce que j’apprenais et le priai de former lui-même le langage que je tiendrais aux personnes qui m’en parleraient comme me croyant son ami. […] Je m’acquitterai du devoir de l’offrir à Dieu et en même temps tous ceux qui y ont part, afin qu’il daigne se trouver à ces noces chrétiennes et y apporter de ce bon vin que lui seul peut donner, qui met la vraie joie dans le cœur, et qui donne aux vierges une sainte fécondité en plus d’une manière : Vimim germinans virgities, comme parle un prophète. » Vous éprouvez sans doute, monsieur, qu’il n’est besoin de vous nommer l’auteur, ni de vous le désigner plus clairement. » Ainsi échangeaient de loin leurs bénédictions, ainsi s’exprimaient entre eux avec une prudence mystérieuse ces hommes de piété et de ferveur dont le commerce semblait un crime, et en qui l’esprit de parti prétendait découvrir de dangereux conspirateurs.

991. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Mais, après avoir parlé ainsi de Raphaël, M. de Lamartine n’a plus qu’une réponse à faire à ceux qui lui demanderaient si Raphaël ce n’est pas lui-même ; il devra répondre comme faisait Rousseau à ceux qui lui demandaient s’il avait voulu se peindre dans Saint-Preux : « Non, disait-il, Saint-Preux n’est pas ce que j’ai été, mais ce que j’aurais voulu être. » Le roman commence par une description des lieux, du lac et des montagnes qui vont être comme la décoration de cet amour : On ne peut bien comprendre un sentiment que dans les lieux où il fut conçu… Ôtez les falaises de Bretagne à René, les savanes du désert à Atala, les brumes de la Souabe à Werther, les vagues imbibées de soleil et les mornes suants de chaleur à Paul et Virginie, vous ne comprendrez ni Chateaubriand, ni Bernardin de Saint-Pierre, ni Goethe. […] … » L’incrédule Julie a tort de vouloir chercher des raisons là où il n’y en a point pour elle ; elle parle en ces moments comme aurait pu le faire une platonicienne. […] Je dirai donc, en raisonnant exactement comme M. de Lamartine, et en opposant les éléments contradictoires dont il compose l’amante de Raphaël : Si Julie est incrédule, elle ne doit point parler de Dieu à chaque instant. […] Trois endroits m’ont particulièrement frappé en bien dans le volume, et ils ne se rapportent point au roman : c’est d’abord la visite aux Charmettes, où M. de Lamartine a parlé de Rousseau avec éloquence et vérité. […] Pour ne parler que littérature, dans toutes ces pages et dans cent autres, l’auteur abuse démesurément des harmonies, des images champêtres, de la verdure, des murmures et des eaux.

992. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Est-ce que cela parle ? […] Parlez-leur de ça. […] Vous n’y parlerez que de vous. […] Vous n’y parlerez que de vous. […] Vous n’y parlerez que de vous.

993. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Le sublime n’éclate pas toujours par les paroles, ni même par les actions ; mais quelquefois, par le refus d’agir ou de parler. […] Il ne conseillait doctoralement à Despréaux rien moins que de savoir sa langue et de parler français. […] Certes, et je puis m’exprimer figurément, puisque je parle de poésie et d’éloquence, ce serait couper les ailes à Pégase et à Mercure. […] Parlerai-je des Iphigénies et de l’Œdipe à Colone ? […] Vous ai-je dit que je n’estimasse pas la règle fondamentale dont nous parlons ?

994. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Qu’on ne s’en étonne pas : l’Étrangère a plus de pâleur qu’Izolette ; elle a un sourire plus vague, sans parler de l’apparence de sublimité morale qu’elle présente. […] Je parlerai peu du style ; tout ce qu’on en a déjà dit, il faudrait ici le redire. […] C’est à quoi j’en voulais venir : l’éditeur, chose toute simple, a étalé dans une préface officieuse toutes les preuves authentiques de la gloire et du génie du grand homme calomnié ; il nous a représenté son illustre client se composant une bibliothèque de toutes les éditions, traductions, imitations de ses œuvres bien-aimées, impénétrable rempart contre l’envie ; il a parlé du goût pur, universellement reconnu au vicomte par les étrangers, et a écrit en lettres italiques l’admiration de l’univers.

995. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Je ne parle ici d’un fait si connu que pour faire observer quel hôtel de Rambouillet prit chaudement le parti de Corneille, et contre Scudéry, et contre l’Académie elle-même ; ce qui était se déclarer en même temps contre le cardinal, qui aurait voulu voir Corneille humilié. […] On se persuade qu’on peul suppléer à la nouveauté des assertions ou racheter ce qu’elles oui de suranné parle mérite d’une rédaction plus énergique, et qu’on est plus énergique quand on est plus absolu et plus outré. […] J’observe, en finissant ce chapitre, que vers la fin de la période dont il traite (en 1637) parut le premier ouvrage de Descartes, celui qui l’ait son plus incontestable titre de gloire ; je parle de son Discours sur la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences.

996. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Il parla fort à mademoiselle de Gournai des ouvrages qu’elle avoit fait imprimer, & qu’il avoit étudiés exprès. […] Il ne faisoit que de sortir, lorsque M. de Racan, en original, demanda à parler à mademoiselle de Gournai. […] Il s’en trouveroit fort peu qui voudroient prendre cette peine ; &, pour ce qui est dit qu’elle a servi le public, ç’a été si particulièrement, qu’on n’en parle que par conjecture.

997. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Mais pénétrons dans ce sujet : et, avant de parler de l’amour champêtre, considérons l’amour passionné. […] « C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe. […] Est-ce au nom des dieux, au nom d’un sceptre, qu’elle parle ?

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