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1005. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Je ne sais pas non plus si je dois admirer sa conduite, ou m’abandonner au petit mouvement de répugnance qu’elle m’inspire lorsque j’y réfléchis. […] Si elle se détermine subitement à le sauver, c’est par un mouvement irréfléchi de sa chair : et il n’y a pas de raison pour que ce mouvement ne se produise pas cinq minutes plus tard, — quand il ne serait plus temps. […] » Ce mouvement n’est-il pas naturel et vrai ? […] M.Got, par son débit éminemment militaire, par ses mouvements d’épaules, par sa brusquerie cordiale, est une adorable vieille brisque. […] Les bons figurants ne bronchent pas : pas un mouvement, pas un geste.

1006. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Enfin il reçoit, il a un salon qui est celui de la Compagnie même, un salon où l’on discute à l’avance les choix, où on les prépare, où l’on respire un air attiédi, tempéré, où les candidats prochains s’acclimatent, où les visages s’accoutument, où les aspérités non académiques s’émoussent ; et, pour peu que le secrétaire perpétuel ait de tact, de connaissance du monde et d’urbanité, il imprime insensiblement à tout ce cercle poli un mouvement dont il est l’âme. […] Auger, et, dès ce moment, l’Académie en corps devint ou parut tout à fait hargneuse et ouvertement hostile au mouvement nouveau qui, depuis quelques années, se dessinait sous le nom un peu vague et complexe de Romantisme. […] Pourquoi, deux ou trois fois l’an, des rapports spéciaux et succincts, confiés à deux ou trois de ses plus jeunes membres, ne lui permettraient-ils pas de connaître, à point nommé, le mouvement et le courant des esprits, le degré d’importance et d’intérêt des productions en vogue ?

1007. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

En toutes choses, il faut surtout demander à ce prince généreux de nature le premier mouvement et l’intention. […] On vient de voir dans les Poésies de François Ier qu’une des pièces qu’on y distingue pour la chaleur de ton et le mouvement se trouve être une traduction de l’Arioste. […] Comme mouvement bien sincère de piété non moins que de poésie, je signalerai un très-bel et très-vif élan de prière à Dieu, père de Christ (page 181) ; le jet de l’oraison s’y soutient d’un bout à l’autre ; c’est un curieux exemple de verve puritaine à cette époque.

1008. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Quand la cloche tinte, elle met en mouvement les sonneries, et, le tintement achevé, les sonneries continuent, s’affaiblissent, s’effacent, mais sont capables de se renforcer et de reprendre toute leur énergie primitive, lorsqu’une circonstance favorable permet au son persistant d’une ou deux sonnettes de faire vibrer toutes les autres à l’unisson. — D’ordinaire, la cloche est mise en branle par le cordon. […] Selon que le rapport des extrémités de l’image avec les extrémités de la sensation actuelle est différent, le mouvement de bascule s’accomplit dans un sens ou dans l’autre, et nous sommes à chaque instant témoins en nous-mêmes de ces étranges glissements. […] Quand je pense à la vieille pendule qui est dans l’autre chambre, quand, au moyen de paroles mentales, je suis dans ma tête un long raisonnement, quand je me développe ce qui pourrait bien arriver si je faisais telle démarche, non seulement j’ai dans l’esprit l’image de la pendule, l’image des sons et des mouvements vocaux que comporterait mon raisonnement prononcé à haute voix, l’image des gestes, émotions, événements que provoquerait en moi et hors de moi ma démarche, mais encore je sais que toutes ces images sont de simples images actuelles.

1009. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Voici La Fayette toujours enchanté de promener sa figure populaire à travers les mouvements dont il n’était pas le maître : « il humait le parfum des révolutions ». […] Il demande à Calliope, dans un mouvement virgilien, de lui dire le nom du premier Natchez qui périt dans une mêlée. […] Il jouissait par les yeux, il avait cette sensibilité du peintre qui perçoit des beautés invisibles à la foule dans le dessin d’une attitude ou d’un mouvement, dans les transparences ou les brumes de l’air, dans l’harmonie des tons et des lignes d’un paysage immobile ou d’une foule grouillante.

1010. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Non pas qu’au vray nous croyions que les astres, Qui sont réglés permanans en leurs âtres Ayent devoyé de leur vrai mouvement, Et que les jours tels soient asseurement, Que cil quant print Josué Gabaon, Car ung tel jour depuy n’arriva on Ou que les nuyctz croyions estre semblables ? […] Est-il vrai que le jour même de son arrivée, ayant suivi la foule qui allait assister à une thèse sur la botanique médicale, son mécontentement de la médiocrité des tenants se manifesta par des mouvements si expressifs et si étranges, qu’il fut invité par le doyen à entrer dans l’enceinte et à donner son avis, et que prenant la parole, après s’être excusé de son audace, il traita de la matière avec tant d’esprit et de savoir, qu’il fut dispensé des épreuves du baccalauréat ? […] Platon n’a jamais plus de séduction qu’alors qu’il descend des hauteurs de la spéculation la plus sublime à des peintures familières de la vie, ou qu’il mêle un sourire aimable ou railleur aux plus graves entretiens, faisant couler l’âme, pour ainsi dire, d’un ton à un autre, par un mouvement si insensible et si naturel, qu’elle ne s’aperçoit pas du passage.

1011. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Henri Estienne, le plus illustre de cette famille, noble aussi par l’hérédité du savoir et du dévouement aux lettres, est plein de mouvement et d’enthousiasme dans ces ouvrages un peu confus, où il défend l’idiome français contre l’imitation italienne, et l’égale à la langue grecque mêlant toutes choses, la philologie et la polémique, la dissertation et les anecdotes contre les catholiques, sa passion de réformé et sa passion d’érudit. […] Le médecin de l’homme n’est plus l’homme, c’est Dieu lui-même, entourant l’âme chrétienne de sa providence, et s’insinuant dans ses plus secrets mouvements. […] C’était la première fois que la religion se distinguant de la théologie, au lieu de régler l’homme par des formules, condescendait à l’examiner dans le détail, et à reconnaître sa liberté par le soin même qu’elle prenait d’en surveiller tous les mouvements.

1012. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Mais les compliments sans restrictions, sans réserves, sans atténuations, à l’orchestre qui semble avoir atteint l’expression adéquate de la pensée du maître ; c’est, en toute exactitude (donc en toute perfection), le rendu de toutes les indications de mouvement, de nuance, d’expression ; MM.  […] Dans la nuit de la salle, le prélude s’élève, en un mouvement d’abord extrêmement lent ; et maintenant va s’épandre ce flux ininterrompu d’émotions qui est le drame. […] Par l’Anneau du Nibelung av, Richard Wagner voulut, totalement, expliquer le monde : c’est le symbole de l’Or opposé à l’Amour, et il voulut, totalement représenter la vie de l’Ame ; il créa toutes ces âmes, spéciales chacunes, chacunes proprement vivantes, que symbolisent Wotan, Freia, Loge, — Fafner, — Alberich, Mime, — Siegmund, Sieglinde, Hunding, — Brunnhilde, Siegfried … Et parmi cette énormité d’efforts inégalement heureux, dès là, en quelques figures, je sens réellement créée la supérieure vie : ainsi, l’âme qu’est Wotan, — l’âme originairement stagiaire46, contente en le repos introublé de sa puissance, que rien n’agite ; et la vie de cette âme se fait plus vive, une contemplation des choses plus active, une pensée de quelque chose nouvelle, un mouvement, un besoin de plus, un souhait ; le désir, oh !

1013. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Parlant de l’Ancien Régime et de l’ancien monde, il écrivait, vers 1774 : « Le genre humain est un corps gangrené d’une part, et dont les mouvements sont convulsifs de l’autre. […] Ils se méfient du mouvement intellectuel qui résout un problème politique, comme d’une machination scélérate. […] Mais ils me choquent, et mon premier mouvement, si je m’y livrais, serait de leur dire : Fi !

1014. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Le mouvement instinctif du nouveau-né, lorsqu’il sort de son premier domicile, et qu’il est encore oscillant à l’ouverture, ce mouvement, ce premier acte de vie, est de redresser la tête et de la soulever vers la lumière : cœlumque tueri jussit . […] Affecté d’une myopie qui lui donnait un perpétuel mouvement grimaçant dans la face, c’était le type du gobe-mouche, mais un gobe-mouche avec une latinité énorme, et si passionné de Virgile, qu’il avait taillé les deux grands buis de l’entrée de son jardin : l’un en un Enée, l’autre en une Lavinie.

1015. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

je suis malheureux, et ça a mis au dedans de moi une irritation colère, qui fait que je ne suis plus toujours maître des mouvements de mon âme… Donc je lui ai dit que je sortais et qu’il ne m’attendît pas, parce que je ne savais pas quand je rentrerais. […] * * * À toute demande, sa réponse de premier mouvement est un « non », ainsi qu’un pauvre enfant, qui vit dans une perpétuelle crainte d’être grondé. […] Je suis effleuré, à tout instant, du frôlement de son bras sortant de son lit, pendant que dans sa bouche avortent et se brisent des paroles qu’on ne comprend pas… Par la fenêtre ouverte, par-dessus le noir des grands arbres, entre et s’allonge, sur le parquet, la blanche clarté électrique d’une lune de ballade… Il y a de sinistres silences, où s’entend seul le bruit de la montre à répétition de notre père, avec laquelle, de temps en temps, je tâte le pouls de son dernier né… Malgré trois prises de bromure de potassium, avalées dans le quart d’un verre d’eau, il ne peut dormir une minute, et sa tête s’agite sur son oreiller dans un mouvement incessant de droite à gauche, bruissante de toute la sonorité inintelligente d’un cerveau paralysé, et jetant par les deux coins de la bouche, des ébauches de phrases, des tronçons de mots, des syllabes informulées, prononcées d’abord avec violence, et qui finissent par mourir comme des soupirs… Dans le lointain j’entends distinctement un chien qui hurle à la mort… Ah !

1016. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

… Oui, quoi qu’on dise, je crois que mon talent a grandi dans le malheur, dans le chagrin… Et oui, mon frère et moi, avons mené, les premiers, un mouvement littéraire qui emportera tout, un mouvement, qui sera peut-être aussi grand que le mouvement romantique… et si je vis encore quelques années, et que des milieux bas, des sujets canailles, je puisse monter aux réalités distinguées, c’est alors que le vieux jeu sera enterré, et que ni ni, ce sera fini du conventionnel, de l’imbécile conventionnel.

1017. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Dès 1822, dans la préface aux Odes et Ballades, il explique pourquoi l’ode française est restée monotone et impuissante : c’est qu’elle a été jusqu’alors faite de procédés, de « machines poétiques », comme on disait alors, de figures de rhétorique, l’exclamation depuis et l’apostrophe jusqu’à la prosopopée ; au lieu de tout cela, il faut « asseoir la composition sur une idée fondamentale » tirée du cœur du sujet, « placer le mouvement de l’ode dans les idées, plutôt que dans les mots ». […] L’éternel mouvement qui régit la nature N’est rien que cet élan de toute créature Pour conformer sa marche à l’éternel dessein, Et s’abîmer toujours plus avant dans son sein. […] Tiraillé entre ceux qui croient et ceux qui nient, ne pouvant trouver de motif d’absolue certitude, ni se résigner, ne fût-ce qu’un instant, à penser que l’espérance pourrait être vaine, son premier mouvement est de recourir à l’oubli, sa première pensée est de s’étourdir toujours, mais il ne le peut : Je voudrais vivre, aimer, m’accoutumer aux hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1018. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Capefigue ne défend pas uniquement Mme Du Barry contre ceux qui l’attaquent, il se défend de la défendre… Premier mouvement d’un esprit qui s’ébranle pour revenir peut-être, mais, tentative inutile ! […] Pas de doute que Mme Du Barry n’ait été un de ces pions sensibles et qu’avec la souplesse de la courtisane, qui n’est que la souplesse cultivée de la femme, elle ne se soit mêlée fort bien aux mouvements de la main qui jouait avec elle : main multiple ! […] Dressée à cette politique de l’intrigue et de la coterie, comme un faucon qui n’a pas même besoin du sifflet de ses fauconniers pour obéir, ils la lançaient et la ramenaient à leur gré… Elle avait la souplesse, la docilité et les jolis mouvements de la femme qui reste femme.

1019. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

En somme, ce qu’on peut dire des deux volumes de voyages de Fromentin, c’est qu’ils sont d’une exacte vision ; modernes par le procédé de style ; qu’ils renferment quelques belles pages, mais aussi beaucoup de passages et de chapitres même où la distinction de la forme cache mal l’absence de mouvement, de vie et de large humanité. […] Mais les purs artistes savent où s’arrête le mouvement d’amour d’une âme qui voit ; ils savent où commence le métier d’auteur et où finit la poésie sentie et vécue, et ils ne franchissent pas la limite. […] Si Dominique paraissait aujourd’hui, on trouverait, par comparaison, qu’il a du mouvement, et que c’est déjà bien joli quand les personnages se déplacent.

1020. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Quoi qu’il en soit, venons aux Romans proprement dits, à ceux qui, dans une narration plus ou moins longue, embrassent la peinture des passions & des foiblesses humaines, développent les replis du cœur, épient ses moindres mouvements, deviennent la peinture des pensées encore plus que celle des actions, & rapprochent beaucoup mieux que l’histoire même le héros de son lecteur. […] Il en développa tous les replis, il en épia tous les mouvements. […] J’ai tâché de soutenir & de nourrir l’intérêt, qui est au Roman ce qu’est le je ne sais quoi dans une femme aimable, & j’ai essayé d’y jetter ces détails qui en font la parure ; mais je les ai souvent sacrifiés au mouvement de l’action : il ne faut point que la parure d’une femme l’embarrasse.

1021. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Mouvement , &c. […] Il parloit, c’étoit Mithridate ou César ; ni ton, ni geste, ni mouvement qui ne fût celui de la nature. […] Le jeu muet doit donc être une expression contrainte & un mouvement reprimé. […] Il leur faut quelque mouvement, quelque agitation ; mais un mouvement & une agitation qui s’ajuste, s’il se peut, avec la sorte de paresse qui les possede : & c’est ce qui se trouve le plus heureusement du monde dans l’amour, pourvû qu’il soit pris d’une certaine façon. […] Ce n’est pas la premiere fois qu’on a confondu, en Poésie, l’action avec le mouvement.

1022. (1910) Rousseau contre Molière

— Rien du tout. » Philinte et Eliante se retrouvent l’un en face de l’autre. « Il faut se donner du mouvement, dit Philinte ; vingt démarches à faire, vingt personnages à solliciter », la moitié de Paris ensemble à parcourir. […] Le ridicule, au contraire, le travers, le défaut, excite sa joie, sa malice, son ironie, ses facultés épigrammatiques, ses facultés de parodie ; le voilà tout entier en action et en mouvement. […] Il n’y a que des vices, mouvements naturels, s’il en est, qui finissent par être vaincus par une intervention divine. […] Ici, il y a une lutte entre la convention sociale représentée par Philinte et aussi par Célimène et le mouvement naturel représenté par Alceste. […] Chose étrange — encore que l’on soit si féru de l’idée que Molière a pour agréable l’obéissance aux mouvements les plus fougueux de la nature, — que l’on en vienne à dire qu’il n’a jamais attaqué ni l’ambition ni la débauche !

1023. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Son enthousiasme religieux effraya celle qui vous remplaçait auprès de votre fils (une belle-sœur de Mme de Costa)  ; elle pria l’anachorète exalté de diriger ailleurs ses pensées et de ne former aucun vœu dans son cœur, de peur que son désir ne fût une prière  : beau mouvement de tendresse, et bien digne d’un cœur parent de celui d’Eugène !  […] M. de Maistre a très-bien vu le premier que, le mouvement révolutionnaire une fois établi, la France et la monarchie (c’est-à-dire l’intégrité des États du roi futur) ne pouvaient être sauvées que par le jacobinisme200. […] Sous la question, toute civile et politique en apparence qu’elle était devenue, il découvre le caractère religieux, le sens théologique si vérifié par ce qui s’est produit à nos yeux depuis quarante ans, et lors de la grande réaction de 1800, et dans ce mouvement actuel, persistant et encore inépuisé des esprits. […] Je regrette de n’avoir pas été mis à même de publier cette page qui m’avait été si précieuse à entendre ; mais voici ce que j’ai pu recueillir auprès de quelques personnes bien compétentes qui, à cette seconde époque de sa vie, l’ont beaucoup connu, et dont je voudrais combiner les dépositions, sans trop en altérer le mouvement et la vie. […] « Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir, et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution qui pût en écrire l’histoire.

1024. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Autant qu’au mouvement historique, Hugo est indifférent au mouvement de la philosophie et de la science de son temps, et on voit de reste, sitôt qu’il s’avise de les citer, quelle est sa prodigieuse inintelligence ou ignorance des penseurs de tous les temps. […] Dans chacun des « morceaux » exécutés par le poète, on retrouverait la coupe et le mouvement qui sont ceux de l’ode. […] Le mouvement littéraire, issu des exemples de Chateaubriand, n’est-il pas lui-même marqué par un retour au christianisme ? […] Et par conséquent quelle place lui appartient dans le mouvement de la pensée contemporaine et dans la suite du développement philosophique ? […] Nul n’avait plus que lui admiré l’Allemagne pour son mouvement intellectuel, pour le labeur opiniâtre et fécond de ses savants.

1025. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Une remarque très-juste que j’entendais faire, c’est que, au temps d’Hernani, Hugo avait contre lui presque tous les journaux, mais pour lui le mouvement du public ; aujourd’hui, le lendemain des Burgraves, il a pour lui… tous les journaux et contre lui tout le public15.

1026. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Voilà à quoi se réduit ce grand mouvement vers l’infortune.

1027. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

« Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet ; il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; et lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir5. » Voilà bien comme il faut procéder.

1028. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Comment faut-il les choisir pour faire apercevoir au lecteur les gestes, les détails, les mouvements ?

1029. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Les plus légères nuances de la pensée, les plus fugitifs mouvements de la sensibilité peuvent être rendus par le langage : tout ce qui peut être senti, peut être nommé.

1030. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Ou bien résignons-nous ; laissons faire et considérons les premiers mouvements d’une formation linguistique nouvelle.

1031. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Qui ne croirait sur le sujet qu’il est rempli de variété et de mouvement ; que des Amours les uns s’exercent à percer un cœur de flèches, les autres à s’élancer comme des traits, à voler avec vitesse et légèreté, à dérober un baiser, à déranger un mouchoir, à relever un jupon, à donner le croc-en-jambe à une bergère, à tromper un mari jaloux[,] à rendre adroitement un billet, à grimper à des fenêtres, à séduire une surveillante, etc. ?

1032. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

L’art d’écrire lui semble peu compliqué et, en somme, tenir à peu de chose. « Si vous avez, dit-il, le grand mouvement, la suite réglée de Bossuet, ou la suite enragée de Saint-Simon, vous pouvez vous dispenser de tout le reste. » Mon Dieu, oui, et nous l’avons dit déjà : « Ayez du génie, vous pourrez vous passer d’avoir du talent. » Malheureusement, Saint-Simon et Bossuet, eux-mêmes, ne se sont point, malgré cela, passé de tout le reste, et principalement ne se sont point passé de l’originalité.

1033. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Enfin le cliché véritable, comme je l’ai expliqué antérieurement, se reconnaît à ceci : l’image qu’il détient en est à mi-chemin de l’abstraction au moment où, déjà fanée, cette image n’est pas encore assez nulle pour passer inaperçue et se ranger parmi les signes qui n’ont de vie et de mouvement qu’à la volonté de l’intelligence.

1034. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Le littérateur, au contraire, n’est ce qu’il doit être qu’à la condition de se tremper dans le mouvement social. […] Le mouvement du seizième siècle, moral avant tout, s’empreint d’une dignité rare, aux yeux de l’observateur qui sait lui reconnaître ce grand caractère. […] En dehors du mouvement de la Réforme et de son esprit, la recherche personnelle de la vérité, presque tout était incohérence ou excentricité. […] L’esprit français a du goût, du mouvement, de l’entrain, peu de spiritualité sérieuse. […] Aujourd’hui, la société, quels que soient ses défauts, forme un corps organisé, souple, dispos, où les articulations transmettent les mouvements de l’une à l’autre extrémité.

1035. (1894) Études littéraires : seizième siècle

C’est un signe d’un grand mouvement dans les esprits, d’une crise d’activité intellectuelle, en un mot d’une révolution. […] Ses pièces sont courtes à l’ordinaire, bien conduites et d’un mouvement vif, quelquefois rapide. […] Quel mouvement, et quelle aisance, et quel art de peindre ! […] Dès son séjour à Paris, en 1527, le jeune homme avait fait la connaissance de Farel, beaucoup plus âgé que lui, très mêlé déjà à tout le mouvement protestant, et avait commencé à lire Luther. […] Le mouvement protestant français avait de grandes chances d’être féodal s’il était aristocratique, ou communaliste s’il était populaire, dans les deux cas peu monarchique.

1036. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Dès le commencement de mon travail, une objection s’est dressée : était-il possible et séant d’étudier le mouvement poétique de trente années environ, en l’isolant de tout ce qui l’avait précédé ? Au contraire, n’était-il pas indispensable de faire voir, par l’évocation de quelques âges précédents du Vers, en quoi et de quelle façon le mouvement nouveau s’accorde à notre primitif instinct lyrique et épique, ou en diverge ? […] Il ne fut, après la révolution, qu’une sorte de modérateur ; il a ralenti le mouvement de la Renaissance, il ne l’a pas interrompu ; il n’est pas moins grec, pas moins latin que les poètes dont il crut rebrousser et abolir l’influence. […] Tout le mouvement social et guerrier, produit suprême de tant de siècles, va, sous la fin des illusions sociales et des conquêtes guerrières, sous l’accablement de la lente et opaque réaction, se retourner, se résorber en idées et en poèmes. […] Sa méchanceté, d’ailleurs adroite et qui s’affinait jusqu’à la caresse, faillit enrayer un noble mouvement poétique.

1037. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Ce mouvement s’accélère encore en se communiquant. […] Jusque-là désœuvrée et solitaire, elle devient active et mêlée au mouvement des affaires publiques. […] Quelquefois même il se laisse aller à des mouvements de fureur. […] L’espoir en Dieu qui suit la lettre à Lamartine nous permet d’assister à ces douloureux mouvements de son âme. […] Je dois me renfermer dans la période de sa vie où elle a suivi le mouvement imprimé par l’école mélancolique.

1038. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Les événements de 1815 accélèrent le mouvement. […] Mais, quelle différence y a-t-il entre l’éloquence et le lyrisme, si d’ailleurs les mêmes « mouvements », et les mêmes « images », et les mêmes « qualités de langue » les caractérisent l’un et l’autre ? […] Ce que le mouvement même de la vie nous dérobe, nous ne lisons ses romans que pour l’y découvrir. […] Tous les rayons étaient égaux avant qu’on eut tracé de circonférence de cercle, et ce n’est pas Galilée qui a mis la terre en mouvement autour du soleil ! […] Pellissier, Le Mouvement littéraire au xixe  siècle, Paris, 1889 ; — F. 

1039. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Les hommes distingués, qui passent par cette double phase et arrivent promptement à la seconde, n’y acquièrent, en avançant, qu’un talent critique fin et sagace, comme M. de La Rochefoucauld, par exemple, mais pas de mouvement animateur ni de force de création. […] Il avoit les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandoient des dentelles ; il paroissoit attentif à leurs discours, et il sembloit, par le mouvement de ses yeux, qu’il regardoit jusqu’au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disoient pas. […] Dans ce poëme sur la peinture, il a travaillé comme les peintres à l’huile, qui reprennent plusieurs fois le pinceau pour retoucher et corriger leur ouvrage, au lieu que dans ses comédies, où il falloit beaucoup d’action et de mouvement, il préféroit les brusques fiertés de la fresque à la paresse de l’huile. » Ce jugement de Boileau a été fort contesté depuis Cizeron-Rival. […] Mais Molière s’y complut bien vite et s’y exalta comme éperdument ; il fit même des ballets et intermèdes au Malade imaginaire, de son propre mouvement, et sans qu’il y eût pour cette pièce destination de cour ni ordre du roi. […] A l’égard de son caractère, il étoit doux, complaisant, généreux ; il aimoit fort à haranguer, et quand il lisoit ses pièces aux comédiens, il vouloit qu’ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels. » Ce qui apparaît en ce peu de lignes de la mâle beauté du visage de Molière m’a rappelé ce que Tieck raconte de la face tout humaine de Shakspeare.

1040. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Dimanche 26 février Rodin m’avoue que les choses qu’il exécute, pour qu’elles le satisfassent complètement, quand elles sont terminées, il a besoin qu’elles soient exécutées tout d’abord, dans leur grandeur dernière, parce que les détails qu’il y met à la fin, enlèvent du mouvement, et que ce n’est qu’en considérant ces ébauches dans leur grandeur nature, et pendant de longs mois, qu’il se rend compte de ce qu’elles ont perdu de mouvement, et que ce mouvement, il le leur rend, en leur détachant les bras, etc., etc., en y remettant enfin toute l’action, toute l’envolée, tout le détachement de terre, atténués, dissimulés par les derniers détails du travail. […] Son livre sera l’histoire d’un mari qui pardonne, et il s’étend sur la bêtise de tuer, pour l’homme qui aime, et qui détruit à jamais l’objet de cet amour. « Oui, reprend-il, ce sera une œuvre de mansuétude. » Et il mettra dans un coin de ce livre de pardon, toutes les notes qu’il a prises derrière les persiennes fermées de son beau-père, devant cette fontaine, à un carrefour de routes : notes écrites au crayon, où il fixait, comme un peintre, les mouvements, les poses, les attitudes des pauvres errants, et pour ainsi dire la mimique de leurs tergiversations, devant l’énigme et la chance des chemins, s’étendant devant eux. […] Ils ne voient pas sur une tête de faux cheveux, dans une bouche, de fausses dents, n’aperçoivent pas même une légère déviation de l’épine dorsale, chez une femme bien habillée, mais perçoivent les moindres mouvements moraux de la physionomie, percent sur une figure, — ce qui se passe dans sa cervelle ou son cœur. […] Et causant de l’intérêt qu’aurait, le Livre de vérité, de ce cabaret au siècle dernier, nous arrivons à parler de l’étude d’après nature des êtres et des choses de notre vieux territoire, étude commencée au dix-huitième siècle, par Restif de la Bretonne, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, et complètement enrayée par ce mouvement littéraire, rapporté des pays exotiques par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, et ne correspondant pas au tempérament français.

1041. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

La création des flottilles de bateaux plats pour transporter à travers le détroit l’invasion française en Angleterre, la concentration de deux mille bâtiments de guerre ou de transports à Boulogne, à Étaples, à Wimereux, à Ambleteuse ; une armée d’élite de cent soixante mille hommes campés comme une menace permanente au bord de ces rades, en vue de leur conquête, les revues, les exercices, les combats partiels des chaloupes canonnières contre les brûlots anglais, donnés comme un spectacle à l’armée dans ce cirque maritime pour entretenir son ardeur ; les négociations avec l’Autriche, la Hollande, la Russie, la Prusse, l’Espagne, pour faire concourir ces puissances à ce plan de la haine du monde contre la domination britannique des mers ; les lâchetés de l’Espagne, les réticences de la Russie, les temporisations de l’Autriche, les marchandages intéressés et les trahisons de la Prusse, mêlés à tout ce mouvement des flottes et des armées sur le littoral ; de grandes fautes diplomatiques commises par le premier Consul au milieu de ces prodiges d’activité militaire ; la pire de ces fautes, la confiance obstinée dans ce cabinet de Berlin, aussi peu sûr pour l’Allemagne qu’il démembre que pour la France qu’il trompe ou pour l’Angleterre qu’il trahit, tout cela forme du dix-septième livre de M.  […] Les divers corps de l’armée française étaient en mouvement, et descendaient de la position qu’ils avaient occupée pendant la nuit, pour traverser le ruisseau qui les séparait des Russes. […] Le mouvement ascendant et perpétuel à tout prix était le lot et le caractère de l’homme qui n’asservissait la France qu’à la condition de l’éblouir. […] Arrêtons-nous à cet apogée de sa gloire, qui n’est pas encore l’apogée du mouvement historique de M. 

1042. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Mon arrivée interrompit la conversation entre ces deux femmes, conversation qui paraissait être animée, quoique à voix basse, car l’une d’elles (l’inconnue) avait sur les joues cette coloration fugitive du sang en mouvement sur un fond de pâleur qui prouve qu’on a poussé tête à tête un entretien jusqu’à la lassitude. […] Cette grâce du mouvement, ce pas cadencé, tout créole ou tout oriental, contrastaient tellement avec la vivacité un peu turbulente des femmes de Paris que j’en conclus sur-le-champ que cette belle personne était étrangère. […] Elle avait aux yeux l’âge qu’on voulait, car les âges étaient réunis dans ses traits : grâce d’enfant, gravité noble d’âge mûr, mélancolie du soir, sérénité d’immortalité, tout y était selon le pli de lèvres ou de sourcils que donnait la conversation au visage ; comme dans les instruments bien accordés le mode change le ton, le mouvement changeait l’impression. […] Séduisant de figure, aimant, aimable, léger, ami du luxe et de tous les plaisirs, il s’était attaché à madame Bernard comme un commensal de la maison ; la Révolution, dont il n’était ni partisan ni intimidé, n’avait été pour lui qu’un de ces mouvements accélérés de la vie politique dans lesquels les occasions de ruine ou de richesse se multiplient pour les hommes d’argent ; en 1793 il était déjà au premier rang des spéculateurs du temps.

1043. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Il définit la passion un mouvement violent du cœur en disproportion avec la raison. […] Cicéron définit ensuite avec la même justesse toutes les passions qui affligent l’homme, et il distingue la passion, qui n’est qu’un mouvement instantané, du vice, qui est une habitude d’infirmité ou de dépravation de l’âme. […] Cette apostrophe rappelle les pages les plus lyriques des philosophes modernes ; Rousseau y a puisé certainement ses mouvements d’âme qui chantent au lieu de parler. […] Ainsi les arbres, les vignes et jusqu’aux plus petites plantes, ou conservent une perpétuelle verdure, ou, après s’être dépouillées de leurs feuilles pendant l’hiver, s’en revêtent tout de nouveau au printemps ; il n’y en a aucune qui, par un mouvement intérieur et par la force des semences qu’elle renferme, ne produise des fleurs ou des fruits ; de sorte qu’à moins de quelque obstacle, elles parviennent toutes au degré de perfection qui leur est propre.

1044. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Depuis ce temps, auquel nous touchons encore, la jalousie et la défiance populaires, ces seules vertus de la démocratie américaine, qui la rendent stupide quand elles ne la rendent pas féroce, n’ont pas permis à une seule grande nature de citoyen d’arriver à la présidence de la république américaine ; ils ont craint que leur premier magistrat n’eût des pensées plus élevées qu’eux ; ils n’ont pardonné qu’à une certaine médiocrité du parti bourgeoisement probe et intellectuellement incapable de prévaloir dans les élections et d’exercer pour la forme une autorité centrale sans pouvoir, un certain rôle de grand ressort neutre de leur anarchie réelle, ressort qui obéit au doigt de la constitution démagogique, mais qui n’imprime ni halte ni mouvement. […] Les branches supérieures des arbres tressaillirent ; puis ce mouvement se communiqua aux branches inférieures. […] Étonné de ces mouvements et de ces signes, je le suis des yeux. […] Une meule à repasser se trouvait dans un des coins ; elle la fit tourner lentement, aiguisa soigneusement son arme ; je vis l’eau tomber goutte à goutte sur la meule, et ne perdis pas un des mouvements de l’infernale créature ; le foyer à demi éteint éclairait ses traits décharnés, les jeunes gens ses complices chancelaient sur leurs jambes avinées ; le sauvage, toujours calme, restait debout ; sa main qui serrait le tomahawk fatal était prête à abattre le premier assaillant.

1045. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il est difficile de juger au vrai si c’est le bon ou le mauvais esprit qui vous pousse à désirer ceci ou cela, ou si c’est un mouvement de votre esprit ; plusieurs ont été trompés à la fin, qui semblaient d’abord conduits par le bon esprit. […] Nous donnons le passage presque entier, comme la plus complète et la plus pieuse définition de la philosophie de la lutte, de l’abnégation, de la douleur divinisée : Mon fils, dit le Maître, observez bien les mouvements opposés de la nature et de la grâce. […] La nature travaille toujours pour son propre intérêt, pour se contenter et pour s’établir ; mais la grâce ne travaille que pour l’intérêt de Dieu, et veille incessamment sur les mouvements du cœur, pour le préserver du péché. […] Mais combattre les mouvements déréglés de l’âme, et mépriser les sollicitations du démon, c’est un grand sujet de mérite, et la marque d’une solide vertu.

1046. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Le cheik Rifaa, dans l’intéressante relation de son voyage en Europe, insiste vivement sur les déplorables erreurs qui déparent nos livres de science, comme le mouvement de la terre, etc., et ne regarde pas encore comme impossible de les expurger de ce venin. […] Nous acceptons l’héritage des trois grands mouvements modernes, le protestantisme, la philosophie, la révolution, sans avoir la moindre envie de nous convertir aux symboles du XVIe siècle, ou de nous faire voltairiens, ou de recommencer 1793 et 1848. […] Mais ce beau mouvement fut comprimé par la persécution des musulmans rigides. […] Je ne connais rien de plus touchant et de plus naïf que les efforts que font les croyants, emportés forcément par le mouvement scientifique de l’esprit moderne, pour concilier leurs vieilles doctrines avec cette formidable puissance, qui les commande quoi qu’ils fassent.

1047. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

L’intelligence est certainement un instrument merveilleux, mais c’est seulement un instrument, qui ne fonctionnerait pas, si la partie sensitive, c’est-à-dire vraiment vivante de notre être, ne lui fournissait pas le mouvement et les matériaux. […] Carl Heckel, se signala dans ce mouvement. […] Les sphères seules, diffèrent, où se meuvent, élargis, les héros, et les lois de leur mouvement. […] FÉVRIER-JUILLET 1885 Revue Wagnérienne Sommaires des six premiers numeros I — 8 Février 1° Chronique de Janvier (Drame musical ou Opéra ; les Concerts ; le mouvement Wagnérien)35 2° Wagnérisme, par Fourcaud.

1048. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Une destinée sur la terre, qui commence à sa naissance et qui finit à sa dernière respiration, à sa petite place sur ce petit atome en mouvement qu’on appelle le globe, destinée toute correspondante à cette matière dont nos sens, empruntés pour quelques jours à la terre, sont formés. […] Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style. […] Le mouvement et la richesse de ce siècle de Louis XIV nous ont entraîné au-delà des limites que nous nous étions fixées.

1049. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Avec un fond d’inertie plus ou moins considérable, nature qui veille à notre conservation nous a donné une portion d’énergie qui nous sollicite sans cesse au mouvement et à l’action. […] C’est celui-là, Monsieur Robert, qui sait avec un art infini entremêler le mouvement et le repos, le jour et les ténèbres, le silence et le bruit ! […] On puise de l’eau, on se repose, on se promène, on converse ; voilà bien du mouvement et du bruit. […] Le mouvement, l’action, la passion même sont indiqués par quelques traits caractéristiques, et mon imagination fait le reste.

1050. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Ce qu’il y a de piquant, c’est qu’avec tout cela Stendhal s’est cru romantique et a sonné la charge du mouvement romantique dans son fameux Racine et Shakspeare. […] Cela tient à ce qu’il a la vue la plus confuse du mouvement littéraire auquel il assiste. […] Il y a donc au moins un premier mouvement de répulsion que l’homme cultivé rencontre chez les électeurs qui ne le sont pas. […] Le premier mouvement de Proudhon est de nier en haussant les épaules dès qu’il est en présence d’une idée, fût-elle de lui, quoique moins souvent, moins vite et moins complaisamment dans ce dernier cas. […] Ne voit-on pas que, même quand elle se trompe, l’humanité, à chaque grand mouvement qu’elle fait, marche vers la justice, alors même qu’elle semble chercher autre chose ?

1051. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

De geste et de ton, il tient d’un Moïse ; il y mêle dans la parole des actions du Prophète-Roi, des mouvements d’un pathétique ardent et sublime ; il est la voix éloquente par excellence, la plus simple, la plus forte, la plus brusque, la plus familière, la plus soudainement tonnante. […] Ses cheveux, de teinte brune, étaient soyeux ; un épi involontaire en relevait au sommet du front une ou deux boucles comme le diadème de Moïse ou comme les cornes du bélier prophétique ; ces cheveux ainsi plantés, dont on retrouve le mouvement jusque dans ses portraits d’un âge avancé, donnaient du vent et de l’inspiration à sa chevelure.

1052. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Les affections de son cœur étaient douces, les mouvements de son esprit impétueux. […] Bientôt ce moyen se présenta à sa pensée, ou plutôt à son cœur : il se dépouilla de ses vêtements, il en couvrit Gessner, et, le regardant avec complaisance, il jouit de ce spectacle sans se permettre aucun mouvement, dans la crainte d’en interrompre la durée.

1053. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

C’était une personne toute de mouvement ; je n’ai jamais rien vu de si vif ; quand la dispute s’échauffait entre elle et mes parents, je ne pouvais m’empêcher de trembler pour eux : les cris, les interruptions, les démentis, les sorties furibondes en brisant les portes, tout faisait croire qu’ils ne se reverraient de leur vie. […] En attendant la catastrophe, la société était délicieuse ; la diversité des manières de voir, la vivacité des espérances ou des inquiétudes, la nouveauté des objets d’intérêt, y imprimaient un mouvement sans exemple.

1054. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !

1055. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Si l’on peut trouver qu’il insiste un peu trop sur quelques élèves, dont les noms sont restés parfaitement inconnus, par exemple sur Gautherot « à la dartre vive », il résulte de cette suite de croquis d’après nature une impression totale pleine de vie et de mouvement. […] » « … Après le mouvement oratoire de Maurice, et pendant le repos du modèle, Moriès, Ducis, Roland, de Forbin, M. de Saint-Aignan, Granet et beaucoup d’autres qui représentaient assez bien le parti aristocratique à l’atelier, vinrent prendre les mains de Maurice et le féliciter sur son élan généreux.

1056. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Mais bientôt, s’échappant de ces combinaisons avortées et sans issue, il s’élançait par un autre mouvement bien naturel vers les souvenirs les plus frais, les plus purs, et son esprit s’envolait sur les cimes dorées de la jeunesse. […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes.

1057. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Ce que je sais, comme spectateur et témoin des mouvements et variations de notre temps, c’est que la plupart des idées et des réformes indiquées étaient depuis longtemps dans la pensée et dans les discours des hommes éclairés qui s’occupaient le plus de beaux-arts en dehors des Académies, et qu’elles venaient, bien qu’un peu tard, réaliser des vœux qu’ils n’avaient cessé d’exprimer. […] Les hommes influents, les Corps dont la réforme opérée diminuait radicalement, — ou plutôt momentanément, comme je le crois, — l’autorité et l’influence, ont parlé haut et se sont récriés : la jeunesse, qui ne demande jamais mieux que de remuer et de s’agiter, ne fût-ce que pour le mouvement seul, s’est partagée en deux camps, fort inégaux, il est vrai.

1058. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Cette tentative, qui n’est point la seule de son espèce et qui se rattache à tout un mouvement provincial en faveur des anciens idiomes ou patois, vaut pourtant la peine qu’on la remarque, et peut prêter à quelques réflexions. […] Il y aurait à faire de Jasmin un choix exquis ; on aurait soin d’en bannir tous les compliments, exagérations, dédicaces, madrigaux empommadés et fadeurs : ce qui resterait serait bien d’un poëte. — Je recommanderai à ceux qui voudraient se faire une idée assez complète du mouvement actuel et de l’entreprise des Félibres une Étude sur la Littérature et la Poésie provençales, par M. 

1059. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

On a vu des poètes eux-mêmes dont la pensée était volontiers en révolte et en humeur de secouer tous les jougs rentrer par instants, et comme par un mouvement involontaire, dans cette atmosphère et ce courant de croyances élevées. […] Ravaisson et Lachelier, comme un mouvement d’affinité naturelle et un redoublement d’estime pour la large et libre source méditative de Maine de Biran, laquelle me paraît supérieure en sincérité et en plénitude à ce qui en est sorti du côté de l’éclectisme.

1060. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Que les faciles et soudains mouvements de cette âme se ralentissent et se perdent ; que ce jeu de physionomie devienne calculé et de pure convenance ; qu’on sourie, qu’on éclate, qu’on grimace, qu’on fasse la folle à tout propos, et voilà la Muse devenue une femme à la mode, sotte, minaudière, insupportable ; c’est à peu près ce qui arriva de l’art au xviiie  siècle. […] Rousseau calque le dessein de la pièce et tâche d’en reproduire le mouvement.

1061. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Plus de modestie, plus d’indulgence dans les principes, plus d’abandon dans les aveux permettaient davantage au caractère de l’homme de se montrer ; et la philosophie, qui a pour but l’étude des mouvements de l’âme, a beaucoup acquis par la religion chrétienne. […] La raison, avec l’aide des siècles, s’empare de quelques effets de ces grands mouvements ; mais il est de certaines idées que les passions font découvrir, et qu’on aurait ignorées sans elles.

1062. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Assujettis, aux bienséances, ils sont gênés dans leurs mouvements. […] George Sand, V, 59 : « On me reprenait sur tout, et je ne faisais pas un mouvement qui ne fût critiqué. » 299.

1063. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

D’inoffensifs savants, Larcher, Foncemagne, Guénée, purent avoir raison sur des points particuliers, sans avoir d’influence sur le mouvement général des esprits. […] Nous pouvons donc négliger toutes les divergences de doctrine et les incompatibilités d’humeur : ce qui lie le parti, et caractérise le mouvement philosophique, c’est la foi dans la raison.

1064. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Les moins profonds sentent vaguement qu’il y a là quelque chose d’indestructible ; mais leur premier mouvement est de se révolter, de prendre fait et cause pour la nature humaine, comme s’ils étaient les représentants de ses droits ou les types de sa pureté. Qu’ils aillent au-delà de ce premier mouvement ; qu’ils pénètrent ces vérités impitoyables qui nous poursuivent jusqu’au sein de notre innocence, et nous font voir un piège jusque dans l’orgueil si pardonnable des honnêtes gens ; qu’ils tâchent de se démêler, à l’aide de cette main si habile : ils confesseront la vérité des Maximes.

1065. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Sortie d’une cour littéraire et artificielle, elle n’avait rien pour comprendre ces grands et sourds mouvements des peuples, et pour les retarder ou les détourner à son profit en s’y accommodant : Elle revenait, a dit M.  […] À cet effet, elle attend, elle dissimule, elle prend sur elle pour la première fois de sa vie et contient ses mouvements.

1066. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

On la dirait imitée d’une tempête de l’Énéide, et faite de seconde main ; par exemple : Cependant l’horizon se chargeait au loin de vapeurs ardentes et sombres ; le soleil commençait à pâlir ; la surface des eaux, unie et sans mouvement, se couvrait de couleurs lugubres dont les teintes variaient sans cesse, etc. […] Mme de Choiseul, aussitôt qu’elle en eut la nouvelle, se mit en mouvement et fit des démarches auprès du représentant Courtois, qui se rendit au Comité de sûreté générale.

1067. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Si la plupart des peintres et des écrivains réalistes ont une mémoire essentiellement visuelle, les dessinateurs japonais et les de Goncourt reproduisent plus particulièrement des sensations de mouvement ; des musiciens descriptifs, tels que Berlioz, sont des auditifs. […] La plupart des artistes montrent, dès l’abord, par tout l’aspect extérieur de leurs œuvres, qu’ils font ouvertement appel à la sympathie, à la sentimentalité du public ; ils usent des modes d’expression propres à causer une certaine émotion, la décrivent et la désignent clairement soit en des passages éloquents, s’il s’agit d’un livre, soit par le sujet ou le mouvement s’il s’agit d’un tableau, soit en général par quelque excès peu harmonieux de la forme.

1068. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Il veut encore qu’en composant on imite les gestes et l’action de ceux qu’on fait parler ; car, de deux hommes qui seront d’un égal génie, celui qui se mettra dans la passion sera toujours plus persuasif : et une preuve de cela, c’est que celui qui est véritablement agité, agite de même ceux qui l’écoutent ; celui qui est en colère, ne manque jamais d’exciter les mêmes mouvements dans le cœur des spectateurs. […] C’est un sujet d’incidents, lorsque, d’acte en acte et presque de scène en scène, il arrive quelque chose de nouveau dans l’action ; c’est un sujet de passion, quand, d’un fonds simple en apparence, le poète a l’art de faire sortir des mouvements rapides et extraordinaires, qui portent l’épouvante ou l’admiration dans l’âme des spectateurs.

1069. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

À la tête des nouvelles de Babou se trouve une préface dont la verve, l’entrain, le mouvement, rappellent Diderot (le rappellent trop peut-être), mais qui justifient ce que nous venons d’exprimer. […] Lui, le satirique qui veut être critique aussi par-dessus le marché ; lui, l’esprit malin, taquin et lutin, — car sa grâce tient parfois du prestige, — a certainement bien trop d’entrain et de mouvement dans la moquerie pour pouvoir, la main encore vibrante du trait qu’il vient de lancer, être l’opérateur patient et à la main sûre qui en dépeçant l’œuvre d’un homme n’a pas pour but de le faire souffrir.

1070. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Un souffle puissant pousse et soutient cette vaste machine ; suspendue deux fois, elle reprend son mouvement sans peine, par les tours les plus naturels et les plus simples : l’émotion va croissant ; elle est si vraie et si bien justifiée, qu’elle autorise deux mots qui ailleurs seraient emphatiques. Avant de l’avoir lue, on croyait que cette phrase : sur un trône ou dans les fers, ne pouvait être employée qu’en style de tragédie ; et l’on s’aperçoit en la lisant que le mouvement des idées l’amène, que l’esprit ne se guinde pas pour y atteindre, que la noblesse du ton l’y conduit.

1071. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Luxe d’adjectifs, mouvements oratoires, tout y est. […] Cousin à La Rochefoucauld, ce n’est pas pour plaire à Mme de Longueville que vous vous êtes engagé dans la Fronde ; vous vous y êtes jeté de vous-même par la passion du mouvement et de l’intrigue. » — Voulez-vous des rentrées d’éloquence philosophique et de l’indignation vertueuse ?

1072. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Il faut agir, n’importe en quel sens ; or, et c’est le principe même de là loi d’inertie, il n’y a pas de mouvement sans cause. […] Si l’écrivain ne voit pas ce qu’il décrit, ce qu’il raconte, paysages et figures, mouvements et gestes, comment aurait-il du style, c’est-à-dire, en somme, de l’originalité ? […] Il faut qu’il meure ou qu’il rentre dans la vie, alternative naïve, comme la vie elle-même qui n’est qu’une propagation inlassée de mouvements circulaires. […] C’est un bon livre, et un bon prétexte à rechercher quelles sont les tendances du mouvement littéraire appelé le Symbolisme, et aussi quelles furent ses véritables origines. […] C’est d’ailleurs ainsi que finissent, en tout pays, tous les mouvements littéraires.

1073. (1887) George Sand

De son propre mouvement, dans cette période de sa vie commençante, elle ne lisait pas, elle était paresseuse par nature et avec délices ; elle avouait qu’elle n’avait pu se vaincre plus tard qu’avec de grands efforts. […] Il faut tenir compte d’un mouvement de réaction très marqué qui s’opère dans les esprits en faveur du théâtre idéaliste, pour comprendre ce genre de succès qui fait honneur au public lettré. […] Cependant, dès le début, sa langue était formée, déjà ample et souple, pleine de mouvement et de feu. […] C’est l’image du style de George Sand, toujours fidèle au mouvement intérieur de sa pensée, qu’il représente et dessine dans ses élans, dans ses agitations, comme dans ses soudains apaisements. […] Peignez en réaliste ou en poète les choses inertes, cela m’est égal ; mais quand on aborde les mouvements du cœur humain, c’est autre chose.

1074. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Ajoutez le mouvement du jour de l’an ; jamais le courant à cette entrée du détroit n’aura paru plus tourbillonnant ni plus tumultueux.

1075. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Ce magot sautèle d’une patte sur l’autre, d’un mouvement de crapaud infirme.

1076. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Nous croyons devoir répéter ici ce que nous avons déjà dit à ce sujet : qu’une littérature est, comme tout ce qui vit, matière et mouvement et que par suite la formule cherchée doit être double.

1077. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

Au lieu de ces brèves périodes d’activité automatique et qui n’intéressent qu’un nombre de mouvements coordonnés relativement minime, on peut imaginer dans une vie sociale mieux réglée, de laquelle on serait parvenu à éliminer l’accident et l’imprévu, des suites beaucoup plus longues d’actes automatiques.

1078. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Le mouvement qui les termine pourrait être avoué d’un grand poète.

1079. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

Albalat, du premier choc de l’idée, du premier mouvement de l’imagination. » J’en demeure d’accord, et je l’ai dit.

1080. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Vulcain, fils de Junon, conseille à sa mère la soumission ; il lui représente le danger d’irriter le maître des dieux, qui, dans un mouvement d’impatience, le précipita lui-même par le pied du ciel dans l’île de Lemnos. […] Quand au contraire le sage Ulysse se levait pour parler, immobile, les yeux baissés, les regards attachés à la terre, il tenait son sceptre sans mouvement dans sa main sans le balancer à droite et à gauche, comme un adolescent novice dans son art ; vous auriez cru voir un homme foudroyé de colère ou bien un faible idiot ; mais, aussitôt que sa voix harmonieuse s’échappait de son sein, ses paroles se précipitaient semblables à d’innombrable flocons de neige dans la saison d’hiver !  […] Homère semble avoir assisté à tous les détails de la guerre comme à tous les mouvements du cœur humain. […] Semblables à une colonne immobile sur le tombeau d’un homme ou d’une femme, ils demeurent sans mouvement, attachés au char magnifique et la tête baissée vers le sol. […] Le plus apprivoisé de ces coursiers, Xante, répond à son maître par un mouvement de tête qui répand sa crinière, en signe de deuil, sur le collier, sur le joug et jusqu’à terre.

1081. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Jusque-là tu vivras : mais tu vivras comme tu vis aujourd’hui, tellement assiégé (grâce à mes soins) de surveillants et de gardes, tellement entouré de barrières, que tu ne puisses faire un seul mouvement, un seul effort contre la république. […] Quel magnifique pouvoir que celui qui soumet à la voix d’un seul homme les mouvements de tout un peuple, la religion des juges et la dignité du sénat ! […] C’est ce qu’il ne faut pas même chercher… Quand vous voyez l’ordre du monde et le mouvement réglé des corps célestes, n’en concluez-vous pas qu’il y a une intelligence suprême qui doit y présider, soit que cet univers ait commencé et qu’il soit l’ouvrage de cette intelligence, comme le croit Platon, soit qu’il existe de toute éternité et que cette intelligence en soit seulement la modératrice, comme le croit Aristote ? […] Puisque donc le consentement de tous les hommes est la voix de la nature, et que tous les hommes, en quelque lieu que ce soit, conviennent qu’après notre mort il y a quelque chose qui nous intéresse, nous devons nous rendre à cette opinion, et d’autant plus qu’entre les hommes ceux qui ont le plus d’esprit, le plus de vertu, et qui, par conséquent, savent le mieux où tend la nature, sont précisément ceux qui se donnent le plus de mouvement pour mériter l’estime de la postérité……………………………………………………………………………………………… « C’est ce dernier sentiment que j’ai suivi dans ma Consolation, où je m’explique en ces termes : On ne peut absolument trouver sur la terre l’origine des âmes, car il n’y a rien dans les âmes qui soit mixte et composé, rien qui paraisse venir de la terre, de l’eau, de l’air ou du feu. […] Dieu lui-même ne se présente à nous que sous cette idée d’un esprit pur, sans mélange, dégagé de toute matière corruptible, qui connaît tout, qui meut tout, et qui a de lui-même un mouvement éternel…………………………………………………………………………………………………… « Car, enfin, que faisons-nous en nous éloignant des voluptés sensuelles, de tout emploi public, de toute sorte d’embarras, et même du soin de nos affaires domestiques, qui ont pour objet l’entretien de notre corps ?

1082. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Tous mes lecteurs se souviennent que j’ai écrit, en 1847, un livre qu’il ne m’appartient pas de juger littérairement ; livre qui produisit, lors de son apparition, un effet tellement universel que les critiques du temps ne purent le comparer qu’au mouvement de curiosité de l’Émile de J. […] De plus, ma fausse situation dans les chambres de 1830 à 1848 ne me laissait pas la liberté de mes mouvements ; je n’étais d’aucun parti actif, et, par conséquent, j’étais en suspicion légitime à tous les partis. […] Au lieu de suivre en hésitant un mouvement désordonné qui allait mener de convulsions en convulsions désormais irrésistibles aux derniers abîmes, je fis résolument la république ; je la fis seul, quoi qu’on vous en dise ; j’en assume seul la responsabilité ; je nommai seul les chefs les plus en vue et les plus populaires qui pouvaient lui apporter l’autorité des différentes factions auxquelles ils appartenaient ; je me nommai moi-même, parce que je n’appartenais à aucune, et parce que, soutenu par le peuple, seul je pouvais être arbitre dans ce conseil souverain du gouvernement. […] Cette occasion de sagesse perdue, le câble me paraissait rompu, le vaisseau en dérive, la France livrée au hasard de tous les vents, la révolution compromise par ses excès, la royauté engagée contre les royalistes, des règnes courts, des partis au lieu de nation, des républiques précaires, des dictatures militaires comme celles qui précédèrent la décomposition césarienne de la constitution romaine sous les Gracques, les Marius, les Sylla ; enfin une oscillation désordonnée qui brise les institutions politiques et qui donne le vertige aux nations, au lieu du mouvement régulateur qui maintient la vie et qui la modère. […] — Votre Majesté, répondis-je avec une vraie douleur de ne pouvoir céder, m’a vivement ému, m’a convaincu de son éloquence ; elle serait aussi élevée à la tribune que sur son trône ; mais l’admiration n’est pas de la conversion, et je la supplie de trouver bon que je sorte de sa présence comme j’y suis entré, nullement hostile, mais libre de tout lien avec sa dynastie. » Il lâcha le bouton de mon habit, qu’il tenait encore, avec un mouvement saccadé de mécontentement visible sur ses traits, et je sortis triste mais résolu de sa présence.

1083. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Je ne peux pas vous expliquer ça : c’est des mouvements intérieurs qui répandent l’aise partout. […] Attendant toujours une douleur nouvelle, comme les martyrs attendaient un nouveau coup, tout mon être dut exprimer une résignation morne sous laquelle les grâces et les mouvements de l’enfance furent étouffés, attitude qui passa pour un symptôme d’idiotie et justifia les sinistres pronostics de ma mère. […] Elle le fascine tellement qu’il effleure involontairement d’un mouvement de tête ses blanches épaules. Elle se lève et s’éloigne avec un mouvement d’indignation concentrée. […] Là se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces doubles collines, une magnifique coupe d’émeraude au fond de laquelle l’Indre se roule par des mouvements de serpent.

1084. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Nous le voyons pour les opinions profanes : adhérer à la doctrine commune n’est pas le premier mouvement. […] La liberté humaine a toujours résisté à ces législateurs qui ont prétendu régler ses moindres mouvements. […] Vouloir des lois d’un détail infini, attachées à tous les mouvements de l’homme comme les fils à tous les membres de l’automate, élever des murailles d’airain non seulement dans la société entre les diverses classes, mais dans l’homme entre ses diverses facultés ; vouloir la vie, et prescrire l’immobilité ; établir le commerce, et prohiber le luxe ; allumer le flambeau des arts et des sciences, et en empêcher le rayonnement avec la main ; permettre la gloire, et châtier le triomphe : tout cela n’est pas d’un grand législateur, mais d’un rêveur ingénieux et, selon le mot de Louis XIV, d’un bel esprit chimérique. Serai-je trop sévère pour Fénelon si j’ajoute que cette inquiétude de tous les mouvements de la liberté humaine, ces prodigieuses inventions de moyens préventifs, pourraient presque faire douter de sa charité comme chrétien et de sa tolérance comme philosophe ? […] Il tranche par articles courts et laconiques, et sa froide intelligence se plaît à ce spectacle d’une société qui exécute tous les mouvements avec la précision d’un mécanisme.

1085. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

je n’ai jamais rien pu y faire… Il me faut du mouvement autour de moi. […] Cette espèce de travail incessant, qu’on fait sur soi, sur ses sensations, sur les mouvements de son cœur, cette autopsie perpétuelle et journalière de son être, arrive à découvrir les fibres les plus délicates, à les faire jouer de la façon la plus tressaillante. […] Les filles de Gautier ont un charme singulier, une espèce de langueur orientale, des regards lents et profonds, voilés de l’ombre de belles paupières lourdes, une paresse et une cadence de gestes et de mouvements qu’elles tiennent de leur père, mais élégantifiées par la grâce de la femme : un charme qui n’est pas tout à fait français, mais mêlé de toutes sortes de choses françaises, de gamineries un peu masculines, de paroles garçonnières, de petites mines, de moues, de haussements d’épaules, d’ironies montrées avec les gestes parlants de l’enfance ; toutes choses qui en font des êtres tout différents des jeunes filles du monde, de jolis petits êtres personnels, d’où se dégagent franchement, et d’une manière presque transparente, les antipathies et les sympathies. […] Et des gestes lents, lents, des gestes, pour ainsi dire, de somnambule, des gestes au bout desquels on voit incessamment — et toujours avec les mêmes mouvements méthodiques — le frottement d’une allumette de cire jeter une petite flamme, et une cigarette s’allumer aux lèvres de la femme. […] Un élégant jeune homme ayant un peu de raideur dans les bras, et les mouvements de corps, à la fois mécaniques et fiévreux d’une personne attaquée d’un commencement de maladie de la moelle épinière, et avec cela d’excellentes façons, une politesse exquise, une douceur de manières toute particulière.

1086. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Et l’on ne peut s’imaginer la musique harmonieuse de ses paroles, comme soupirées, et l’élégance de ce vieux corps, se remuant avec les mouvements las d’une coquette malade. […] Samedi 29 juillet Soudain, au milieu du silence de nous tous, Léon, jetant en bas d’une chaise ses pieds, sur laquelle ils sont posés, s’écrit, se parlant à lui-même, dans un mouvement de révolte intérieure : « Je n’ai qu’un regret, je me trouve emberlingué de trop de philosophie… À quoi, ça sert ?  […] Enfin, il nous les montre, dans un accident, gravement blessés, courant au disque, pour constater que le mouvement n’a pas été fait. […] Dans ces gares, au passage incessant des trains, la pensée de ceux qui les habitent, ne doit avoir le temps de se poser sur rien, elle est sous le coup d’un ahurissement, produit par ce mouvement perpétuel. […] Au milieu de cela, une cage, où un perroquet et un singe vivent en famille, un perroquet à l’immense bec, que tourmente, que martyrise, que plume, le petit singe, toujours en mouvement, toujours faisant du trapèze autour de lui, et que couperait en deux de son formidable bec, le perroquet, qui se contente de pousser des cris déchirants.

1087. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Son Napoléon est beau en son genre, mais simplifié comme un mécanisme construit de main d’homme, où tout le mouvement est produit par un seul rouage central : ce n’est là ni la complexité de la vie réelle ni celle du grand art. […] L’action totale du drame est une sorte de chaîne sans fin qui communique à chaque personnage des mouvements divers, liés entre eux, quoique individuels, et qui réagissent sur l’ensemble en pressant ou en ralentissant le mouvement général. […] Lui est Basque et vieux chrétien, il porte le don ; c’est un dragon timide et violent entièrement dépaysé hors de sa « montagne blanche ». — « Je pensais toujours au pays, et je ne croyais pas qu’il y eût de jolies filles sans bleues et sans jupes nattes tombant sur les épaules. » — Elle, c’est une effrontée, une coquette jusqu’à la brutalité ; « elle s’avançait eu se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de Cordoue. » D’abord elle ne lui plaît pas ; il se sent trop loin avec elle de toutes les choses de son pays ; « mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, s’arrêta devant moi et m’adressa la parole. » Ses premières paroles sont des railleries ; puis la rencontre de ces volontés dures et frustes toutes deux, hostiles au fond, se résume dans un geste qui vaut une action : « Prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. […] ce romancier du grand monde français ou italien qui ne quitte jamais ses gants, surtout quand il touche la main de certains personnages suspects ; Stendhal est un pur psychologue, et il y a bien autre chose que de la psychologie dans le roman contemporain. — Ces raisons sont bonnes assurément, et pourtant nos naturalistes n’ont pas tort : le détail psychologique, qui abonde chez Stendhal, y est en effet toujours lié à la vue nette de la réalité, de chacun de ses personnages, de ses mouvements, de son attitude, d’une fenêtre qu’il ouvre ou d’une taille qu’il enveloppe discrètement de son bras58.

1088. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il y a dans cette fin de Bérénice comme un grand mouvement ascensionnel, une contagion montante d’héroïsme qui rappelle, malgré la différence de la matière, le dernier acte de Polyeucte, et qui est d’une suprême beauté, — et si triste ! […] » Sur quoi, Catherine a un mouvement de pitié si évidemment innocente que Lefebvre est enfin rassuré. […] Le mouvement de la conversation l’amène à dire qu’elle a connu l’empereur autrefois… il y a longtemps… quand il était sous-lieutenant, et qu’elle le blanchissait pour l’amour de Dieu. […] C’est une âme sérieuse et sans agilité, aux mouvements profonds et lents, qui, une fois commencés, continuent et se prolongent en lui, et quelquefois contre sa volonté. […] La partie comique de ce dernier acte a beaucoup de mouvement et d’agrément.

1089. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Intérêt, vie, émotion, mouvement, dépendent de ce qu’on y a mis de talent. […] Ce qui séduit d’abord, c’est l’intérêt, le mouvement, la vie, le but de la composition. […] On sait que le grand mouvement littéraire de la Renaissance fut une rénovation de la littérature gréco-latine. […] C’est le mouvement vrai, le premier mouvement. […] De peur que les corps ne se déforment par des mouvements libres, on se hâte de les déformer en les mettant en presse.

1090. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Des figures éblouissantes, des idées inconnues se levaient tout d’un coup dans le cerveau échauffé ; l’homme était soulevé et traversé de mouvements extraordinaires. […] On n’aperçoit plus sous ses récits les angoisses et les brutalités que les événements recèlent ; le conte file prestement, éveillant un sourire, puis un autre, puis encore un autre, si bien que l’esprit tout entier est emmené, d’un mouvement agile et facile, du côté de la belle humeur. […] C’est le point de départ des mathématiques qu’il donne aux sciences morales, lorsqu’il pose que la sensation est un mouvement interne causé par un choc extérieur, le désir un mouvement interne, dirigé vers un corps extérieur, et lorsqu’il fabrique avec ces deux notions combinées tout le monde moral. […] Elle renvoie son mari par une comédie improvisée ; puis, avec un mouvement de danseuse : « Va-t’en, mon mari, et viens, mon ami. […] Le décor change à chaque mouvement et à vue.

1091. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

. — Mais, monsieur le ministre, le mouvement est fait. — Ah ! […] J’en vois un, porteur d’un long fusil, dont la mine gamine fait retourner les passants, dans un mouvement de pitié. […] Thiers, pas plus que ses généraux, n’eût été maître de ce mouvement, et tout le pays aurait été entraîné dans une reprise à outrance de la guerre. […] Aujourd’hui, dans Paris, grand mouvement d’artillerie et de camions de vin, annonçant une action prochaine. […] Ce soir, on commence à entendre le mouvement de la vie parisienne qui renaît, et son murmure ressemblant à une grande marée lointaine.

1092. (1890) Dramaturges et romanciers

Lorsque le tempérament parle en lui et que la spontanéité lui vient en aide, il trouve des mouvements d’éloquence sauvage, ou des mots amers et sanglants ; mais lorsqu’il est de sang-froid et que le secours momentané que donnent ces mouvements de l’âme lui fait défaut, alors il tombe affaissé sur lui-même et se traîne péniblement. […] » Si la science des passions et des mouvements de l’âme est inconnue à M.  […] Ce sont des documents et des chroniques dialoguées qui nous font apercevoir l’état du goût public, la situation morale des esprits, le mouvement des mœurs. […] Combien de fois n’avons-nous pas éprouvé un désappointement amer en découvrant que telle personne vers laquelle nous nous sentions portés par un mouvement de sympathie ne partageait pas notre vie morale ! […] Il a le don du mouvement si nécessaire au poète dramatique, et l’entente des jeux de la scène ; mais ne lui demandez pas l’agitation nerveuse et les tours d’adresse de M. 

1093. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Elle tombait, elle se flétrissait sur le sable, si, d’un mouvement plus prompt que la pensée, Élie ne l’avait retenue. […] Quelle simplicité dans ce début, Viviane, quel mouvement rythmique ! […] Notre premier mouvement fut de fuir, mais trop tard ; on nous avait aperçues, on m’appelait. […] Je ne sais quel souffle sibyllin porte partout avec lui la chaleur et le mouvement. […] Il prend une part active au mouvement des affaires et de l’opinion

1094. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Jules Sandeau » pp. 322-326

Ce qu’il dit est réellement un discours, ayant souffle, animation et mouvement.

1095. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Jeté par sa position militaire dans le midi de la France, pendant les premières années de nos troubles, transporté tour à tour d’Uzès à Avignon et de Carpentras à Jalès, il aurait pu sans doute nous exposer avec clarté et franchise les déplorables agitations de ces provinces tant de fois ensanglantées ; nous dire comment la patrie des plus ardents fauteurs de l’ordre nouveau se trouva si proche du camp où le régime ancien se retrancha ; comment ces Cévennes, encore retentissantes de la voix des pasteurs proscrits, prêtèrent leurs asiles à la monarchie et à la religion déchues de Louis XIV ; comment, en un mot, les partis se caractérisèrent dans ces vives contrées, s’y constituèrent en présence l’un de l’autre, d’autant plus terribles et inexorables qu’ils s’alimentaient de rivalités plus immédiates et pour ainsi dire plus domestiques, que de vieilles haines inextinguibles se rallumaient aux haines récentes, et que les séductions étrangères les plus habilement ménagées s’y combinaient avec ce qu’ont de plus irrésistible et de plus spontané les mouvements populaires.

1096. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Tissot les a trop fait disparaître ; et si l’on y rencontre et plus de raison et moins d’abus d’esprit que dans l’auteur, on y regrette, d’un autre côté, l’absence des mouvements simples, redoublés, variés en cent façons, jeux de la muse, images des jeux de l’amour.

1097. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Il est beau, il est consolant sans doute de voir, dans les mouvements des peuples, les inspirations de l’esprit de Dieu, et, dans le sentiment qui les pousse au bien-être, la marque infaillible et divine qu’ils l’atteindront ; il serait doux de penser que les obstacles apparents contre l’affranchissement des Hellènes n’en sont que des moyens dans l’ordre de la providence ; qu’Ali-Pacha, par exemple, a servi la Grèce en détruisant les Armatolikes et en renversant les peuplades libres ; que surtout les puissances d’Europe la servent par leur politique indifférente ou ennemie ; que la Russie la sert, que l’Autriche la sert, que la France et Soliman-bey aident à son triomphe : tout cela, encore une fois, serait doux à croire.

1098. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

Calixte Toesca Ici, la splendeur sans défaut de la Symphonie initiale, sa profondeur d’accent et de pensée, l’harmonie parfaite et formidable de son mouvement s’allient aux grâces divines de la Fontaine des Muses pour faire de cette œuvre le plus beau des monuments.

1099. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Un don indispensable est ici qualité maîtresse : c’est l’œil, la faculté de voir intensément ses personnages, de les suivre sans brouillard dans leurs mouvements.

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