Taine a apporté dans la critique un esprit autrement clair et fort : il cherche le rapport de l’auteur avec son œuvre, et le rapport des auteurs avec l’ensemble social dont ils font partie. […] « C’est de l’examen seul de l’œuvre, déclare-t-il expressément (p. 65), que l’analyste devra tirer les indications nécessaires pour étudier l’esprit de l’auteur ou de l’artiste qu’il veut connaître, et le problème qu’il devra poser est celui-ci : étant donnée l’œuvre d’un artiste, résumée en toutes ses particularités esthétiques, de forme et de contenu, définir en termes de science, c’est-à-dire exacts, les particularités de l’organisation mentale de cet homme. » Je ne mets pas en doute qu’on puisse atteindre à d’excellents résultats par la méthode interrogative de M. […] « L’effet de l’œuvre, écrit-il (p. 167), étant l’émotion qu’elle suscite, et cette émotion accompagnant l’image sensible de son contenu dans l’esprit de son sujet, c’est la reproduction de l’œuvre qu’il faudra tenter, en l’accompagnant de son indice émotionnel. […] H. n’est pas du reste, et cela seulement m’importe à dire, effectivement liée à la doctrine qui la soutenait dans son esprit. […] Indiquer un ordre de travail, et avoir donné l’exemple d’une méthode, c’est la marque d’un vigoureux et solide esprit : on en jugera déjà par l’application faite à Victor Hugo dans l’appendice du livre même.
Soury toute une légion d’honnêtes esprits, qui vont se laisser imposer d’autant plus par le galimatias scientifique qu’ils sont incapables d’en comprendre un mot. […] Ceci était réservé à un écrivain du xixe siècle, — un animalcule d’écrivain, en comparaison de Byron et de Voltaire, — et, selon moi, pour qu’on dise cela hautement et avec impunité en plein xixe siècle, il faut que le siècle dans lequel on le dit soit aussi perdu d’esprit et aussi perverti que l’écrivain ! […] L’inconséquence de ces deux esprits est plus forte qu’eux. […] Esprit harmonieux ! […] Elles ne mériteraient même pas d’être relevées, si le monde de cette heure du siècle avait encore assez de droiture dans le sens pour rester inflexible aux efforts d’un esprit faussé par la haine la plus volontaire, la plus réfléchie, la plus forgée à froid ; car M.
Or, le moyen de réagir le plus simple et le plus puissant qu’il y ait dans sa simplicité, c’est de demander à ceux qui, dans des articles développés, dans des articles de grande cérémonie, nous ont ressassé la cinquantaine d’anecdotes, à peu près, plus ou moins connues ou suspectes, dont Feuchtersleben a illustré son petit almanach de morale et d’hygiène, quel intérêt ils avaient à agir ainsi, si ce n’est l’intérêt d’un article à faire avec des anecdotes qui ne leur ont pas coûté un sou, puisque l’histoire des faits appartient à tout le monde, comme les lettres de l’alphabet ; si ce n’est, enfin, la ressource d’une copie trouvée dans un livre, commode quand l’imprimeur est là et que l’esprit n’y est pas,., ou, si vous voulez, n’y est plus ? […] Mais il ajoute : « C’est que la nature n’est qu’un écho de l’esprit, que l’idée est la mère du fait, et qu’elle façonne graduellement et nécessairement le monde à son image. » Et voilà l’étincelle, l’étincelle de l’hégelianisme le plus pur ! C’est sur ce principe que « l’idée est la mère du fait », que le baron de Feuchtersleben aurait bâti son système, s’il avait su bâtir ; car ce principe, que l’Allemagne a depuis vingt ans appliqué aux sciences, aux religions, à l’art, à l’histoire, l’avait pénétré, et il aurait pu l’appliquer à son ordre de connaissances et d’études, à la condition de posséder la vigueur de déduction que doivent avoir tous les grands esprits secondaires qui viennent après les inventeurs. […] Malheureusement, le petit baron de Feuchtersleben, si cher, pour le moment, aux professeurs de philosophie discrète, était, de fait, un esprit trop débile, malgré ses hygiènes et ses médications, pour lever la grande mécanique du système de Hégel et s’en servir avec ses petites mains de pygmée. […] que tous les gens d’esprit étaient malades et devaient l’être, en raison même de leur esprit, et il a fait, dans ce style charmant qu’il a, même en français, ronfler ce paradoxe comme le plus vibrant et le plus étincelant tambour de basque, sous le pouce de sa fantaisie !
un oubli de littérature, parce qu’il ne fallait pour l’écrire que la première femme d’esprit venue, ce qui ne vient pas, du reste, tous les matins : ce furent les Lettres parisiennes. […] Selon nous, Mme de Girardin, dans ces lettres charmantes, est beaucoup plus femme d’esprit qu’elle n’avait été poète du temps de Mlle Delphine Gay ; mais être femme d’esprit, c’est plus et c’est moins que d’avoir du talent, et nous n’avons à juger aujourd’hui que le talent de Mme de Girardin et ses poésies. Les amis de son salon, qui, dans ce temps-là, il faut bien le dire, étaient les premiers esprits de France, se crurent obligés à faire du génie de ce talent — très relatif — et ils n’y manquèrent point ! […] Pour l’homme, elle est partout, quand il sait la trouver, quand il a la mystérieuse baguette d’Aaron qui la fait jaillir, même des rocs ; mais pour la femme, la femme normale, que l’esprit monstrueux des décadences n’a pas dégradée, elle n’est que dans les deux seuls grands sentiments à sa portée : l’amour et la maternité. […] On trouve, en effet, dans ce poème, un mélange de cœur blessé et de mélancolie railleuse, de l’esprit du monde et de révolte contre lui, qui n’a pas, il est vrai, la fierté de la poésie du terrible, cousin que Mme de Girardin se donnait par ce poème, mais qui la compense par la grâce chaste d’une femme se souvenant encore qu’elle est femme, comme après ce poëme elle a pu l’oublier.
Seulement, Barthélemy et Barbier, ces Archiloques, sont des Tristes, des Violents, des Amers, et par ce côté-là ils sont plus romantiques que Pommier, qui, en revanche, mêle souvent à la vigueur de sa satire la vis comica de l’esprit gaulois. […] Il est, je viens de le dire, de la famille française des Rabelais, des Régnier, des Molière, des Boileau, de ces esprits les plus mâles d’entre nous, et par là il se retrouve plus classique que Barthélemy et Barbier. […] , c’est l’esprit gaulois, c’est l’homme de la vis comica capable de tourner le large vers de Molière, que Balzac, le grand Balzac, qui filait alors dans son cocon la chrysalide de sa gloire, voulut un jour embaucher et s’associer pour le Théâtre. […] III Fier et franc esprit s’il en fût jamais, artiste de lettres de la plus pure indépendance ! […] Il était resté actif d’esprit comme un jeune homme.
Jules Sandeau est un esprit doux, et il vient de prouver une fois de plus que c’est aux doux qu’appartient l’empire de la terre. […] Quand la lumière, mal distribuée, mal ménagée, mal tamisée, a été, tout le jour, âpre et dévorante, les esprits comme M. […] Jules Sandeau veut et répand, la paix des esprits et des âmes. […] Toutes les données dramatiques, tous les types humains (et le cercle en est vite parcouru ; ce n’est pas l’esprit de l’homme qui est infini, mais son cœur !) […] Singuliers contrastes de l’esprit et de la destinée !
Mais l’esprit de famille et l’esprit de contradiction, qui créent si vite l’esprit d’opposition contre ce qui gouverne, nous rendaient généralement plus hostiles au régime militaire de l’empereur que nous ne l’aurions été sous d’autres maîtres. […] Il y avait un esprit public dans ce collège composé de trois cents jeunes gens ; cet esprit public était républicain et royaliste. […] Il était impossible de joindre plus de loyauté et de bravoure à plus de jovialité et à plus de candeur et d’agrément dans l’esprit. […] Au reste, elle était paresseuse, n’aimant pas à prendre la peine de montrer son esprit, et c’était une faveur qu’elle n’accordait pas à tout le monde. […] Mme la comtesse de Menthon, mère d’une de mes écolières, était une femme de beaucoup d’esprit, et passait pour n’avoir pas moins de méchanceté.
Goncourt, si riche en recherches originales, mais si dépourvu d’esprit critique, et l’Étude sur Chateaubriand et son époque, de Sainte-Beuve, le fin et malicieux critique. […] Le naturalisme moderne, cette queue du romantisme, n’a pu encore rencontrer dans la nature et dans la vie sociale ni esprit, ni gaieté, ni raillerie sceptique. L’esprit et la gaieté étaient également bannis du théâtre. […] Les esprits, en se calmant, réclamaient une nourriture intellectuelle moins lourdement poivrée. […] « L’esprit qui se fait en France, écrivait un anonyme, ne pouvant suppléer à la consommation du pays, j’ai fondé un assez joli commerce sur l’importation de l’esprit du Nord.
On me traite d’esprit ondoyant. […] Si tel de ses jugements particuliers paraît « étroit », comme on dit, ce n’est que par une illusion ou un abus de mots : car toute une conception de l’esprit humain et de la destinée humaine tient dans l’ampleur sous-entendue de ses considérants. […] Dans le premier cas, on cherche si l’œuvre est conforme aux lois provisoirement « nécessaires » du genre auquel elle appartient, ou simplement aux exigences ou habitudes de l’esprit et du goût latins, et, d’autres fois, si elle est conforme aux intérêts de la moralité publique et de la conservation sociale. […] Et elle suppose, chez ceux qui la pratiquent, une grande superbe intellectuelle, une extrême surveillance de soi, et comme une terreur de jouir d’autre chose que des démarches, jeux et prouesses dialectiques de son propre esprit.
Mais un dédommagement s’offre à nous ; c’est le tableau d’une société d’élite, qui s’éleva, avec le xviie siècle, au sein de la capitale ; unit les deux sexes par de nouveaux liens, par de nouvelles affections ; mêla les hommes distingués de la cour et de la ville, les gens du monde poli et les gens de lettres ; créa des mœurs délicates et nobles, au milieu de la plus dégoûtante dissolution ; réforma et enrichit la langue, prépara l’essor d’une nouvelle littérature, éleva les esprits au sentiment et au besoin de jouissances ignorées du vulgaire. […] Sans doute, et c’est un malheur fort ordinaire dans la société, au milieu des esprits élégants et délicats que rassemblait l’hôtel de Rambouillet, se trouvèrent des copies chargées et ridicules qui présentaient des affectations mensongères et hypocrites à la place des nobles délicatesses de leurs modèles. […] Plusieurs au bel esprit de Voiture ; D’autres à la cour de Marie de Médicis et à ses cercles, ou les pointes, les jeux de mots, les concetti, que sa cour apporta d’Italie, acquirent de la vogue ; D’autres à la cour d’Anne d’Autriche, belle-fille de Marie de Médicis, qui introduisit, dit-on, en France, l’esprit des romans espagnols. Dans ces différentes suppositions, l’hôtel de Rambouillet n’aurait eu que le tort de développer et de répandre l’esprit dont il aurait été infecté par des influences étrangères.
La plus grande partie de ses Ouvrages annonce un esprit cultivé, solide, un Ecrivain consommé dans la connoissance du monde & du cœur humain. […] « Il y a un point dans la décadence des Etats, où leur ruine seroit inévitable, si on connoissoit la facilité qu'il y a de les détruire ; mais pour n'avoir pas la vue assez nette, ou le courage assez grand, on se contente, du moins quand on le peut, tournant en prudence ou la petitesse de son esprit, ou le peu de grandeur ». […] Il n'en est pas ainsi de ces Gens austeres, qui, par un changement d'esprit, viennent goûter les voluptés. […] Cet Auteur a pu être imprudent, mondain, voluptueux : il a pu laisser transpirer de temps en temps des traits d'un esprit indifférent & médiocrement religieux ; mais il s'est bien gardé d'afficher l'incrédulité, de dénaturer la Morale, de justifier les vices, d'insulter à la Société.
Il paraît bien dur de blâmer la chauve-souris de s’être tirée d’affaire par un trait d’esprit et d’habileté, qui même ne fait point de mal à son ennemie la belette ; mais La Fontaine a tort d’en tirer la conclusion qu’il en tire. […] Au reste, ce qui peut justifier La Fontaine, c’est que ces deux vérités sont si près l’une de l’autre, que l’esprit les réduit aisément à une moralité seule et unique. […] Il y a bien de l’esprit et du goût à savoir tout anoblir sans donner aux petites choses une importance ridicule. […] Cette exposition montre la finesse d’esprit de La Fontaine.
La cause de cet effet montre une activité à laquelle nous pouvons bien attribuer la difference qui se remarque entre l’esprit et le génie des nations et des siecles. N’agit-elle pas déja sensiblement sur l’esprit des hommes en rendant la temperature des climats aussi differente qu’on la voit en differens païs comme en differentes années ? […] Tout le monde n’attribue-t-il pas l’esprit des florentins et la grossiereté des bergamasques à la difference qui est entre l’air de Florence et celui de Bergame ? Mais, objectera-t-on, si ces changemens que vous supposez arriver successivement dans la terre, dans l’air et dans les esprits étoient réels, on remarqueroit dans le même païs quelque changement dans la configuration du corps des hommes.
C’est un esprit sans sympathie. […] Mais il ne l’avait pas parce qu’il était un janséniste de tempérament encore plus peut-être que de doctrine, et qu’il s’accotait sans effort dans des idées qui convenaient à l’aridité naturelle de son esprit. […] Pour montrer combien Nicole est petit, il faut le comparer à un tempérament qui lui ressemble, à un autre esprit exsangue, mortifié, d’une pâleur, certes ! […] Fénelon, qu’on a trop grandi de toutes manières, bel esprit bien plus que grand esprit, continuant la Renaissance sous Louis XIV, Fénelon, ce grec en français, mais dont la forme antique pâlit devant celle d’André Chénier comme un poncif pâlit devant la vie, Fénelon n’a vraiment de talent personnel et incontestable que dans son Existence de Dieu, le plus éloquent fragment de métaphysique qu’on ait écrit, et ses Lettres spirituelles, ses œuvres de conseil et de direction.
Loin qu’elle ait songé, comme le christianisme, à diviser l’esprit du corps, elle donne forme et visage à tout, même aux essences, même aux intelligences. […] En même temps, naissait l’esprit d’examen et de curiosité. […] Les personnages parlants ou agissants ne sont pas les seuls qui gravent dans l’esprit du spectateur la fidèle empreinte des faits. […] L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. […] Le travail qu’il perdrait à effacer les imperfections de ses livres, il aime mieux l’employer à dépouiller son esprit de ses défauts.
Il y a chez cet homme de tant d’esprit un fond de candeur. […] Les pages où il a de l’esprit, et tant d’esprit ! […] L’esprit est amusé et les nerfs fortement secoués. […] C’est un esprit étroit, qui a des œillères. […] Tout cela, c’est le pur esprit français.
Par quel jet de lyrisme rendre l’esprit qu’exhale cette masse brute. […] Ou plutôt, mettons-nous un peu de musique dans l’esprit. […] Prenons un peu d’esprit géographique. […] Boutroux, dit Curtius, a caractérisé l’esprit allemand en disant qu’il conçoit sous la catégorie du tout, l’esprit français sous la catégorie de l’un. […] La différence « se ramène peut-être à ceci, que l’esprit français va de l’un au tout, l’esprit allemand du tout à l’un ».
Il est vrai que M. de Sacy fut toujours plus jaloux des sentimens du cœur, que des talens de l'esprit ; mais si ses Plaidoyers & son Traité de l'Amitié n'ont rien qui le distingue de la foule des Ecrivains, le Traité de la Gloire méritoit certainement des éloges, quoique l'élocution en soit fatigante, parce qu'elle est trop maniérée, quoiqu'il y regne un choc presque continuel de contrastes & d'antitheses. […] Il s'agissoit de faire passer dans notre Langue un Original dont l'esprit brillant & épigrammatique exigeoit un génie semblable au sien. […] Les Ouvrages qui ne se soutiennent que par l'esprit & les ressources de l'art, ne seront jamais lus deux fois avec la même approbation.
Il connaît mieux la marche des globes célestes qui roulent à des millions de lieues de la portée de ses faibles sens, qu’il ne connaît les routes terrestres par lesquelles la destinée humaine le conduit à son insu ; il sent qu’il gravit vers quelque chose, mais il ne sait où va son esprit, il ne peut dire à quel point précis de son chemin il se trouve. […] Je me souviens qu’à mon entrée dans le monde, il n’y avait qu’une voix sur l’irrémédiable décadence, sur la mort accomplie et déjà froide de cette mystérieuse faculté de l’esprit humain. […] C’est à la fois sentiment et sensation, esprit et matière, et voilà pourquoi c’est la langue complète, la langue par excellence qui saisit l’homme par son humanité tout entière, idée pour l’esprit, sentiment pour l’âme, image pour l’imagination, et musique pour l’oreille ! […] Elle ne veut plus de mannequin, elle n’invente plus de machine ; car la première chose que fait maintenant l’esprit du lecteur, c’est de dépouiller le mannequin, c’est de démonter la machine et de chercher la poésie seule dans l’œuvre poétique, et de chercher aussi l’âme du poète sous sa poésie. […] Non, il n’y eut jamais autant de poètes et plus de poésie qu’il n’y en a en France et en Europe au moment où j’écris ces lignes, au moment où quelques esprits superficiels ou préoccupés s’écrient que la poésie a accompli ses destinées, et prophétisent la décadence de l’humanité.
Il a voulu mettre à la portée des lecteurs les plus humbles les chefs-d’œuvre de l’esprit humain. […] Giraud est celle où il nous montre toute l’influence de Hegel sur l’esprit et les œuvres d’Hippolyte Taine. […] Et l’on reconnaît là l’humeur plaisante, ironique et légère, qui est le trait distinctif de ce charmant esprit. […] Dans cette extrême faiblesse du corps il y avait visiblement une vive énergie de l’esprit. […] Il n’y a plus, ici, moine un soupçon d’esprit chrétien.
Robert Dreyfus montre avec esprit qu’au fond M. […] Il y montre une grâce charmante et un esprit souvent éblouissant. […] Deux esprits aussi différents ne pouvaient évidemment s’accorder. […] C’est un esprit foncièrement subjectif. […] André Gide établit une distinction entre l’esprit et l’âme.
Il a causé avec une comtesse poitevine, « assez jeune et de taille raisonnable », qui avait de l’esprit, déguisait son nom et venait de plaider en séparation contre son mari, « toutes qualités de bon augure ; j’y aurais trouvé quelque sujet de cajolerie, si la beauté s’y fût rencontrée. […] » Et il envoie à la divine Amaranthe des vers un peu risqués, pleins d’insinuations vives et d’adorations mythologiques, Ces sourires et ces rires, cette galanterie caressante, ces douceurs, ce mélange d’esprit gracieux et de tendresses fugitives composent l’amour en France ; La Fontaine n’en a guère connu d’autre, et il y a passé le meilleur de son temps. […] Ces sortes d’esprits ont ce don d’oublier tout de suite les choses qui les ennuient. […] C’est que son esprit était ailleurs. Il était dans ce monde charmant où les hommes sensés n’entrent jamais, qui n’est ouvert qu’aux simples d’esprit, aux gens un peu fous, aux rêveurs.
La vie de l’esprit y était intense : dans ce monde inquiet et ardent, les poètes étaient nombreux, et les poétesses presque autant. […] Dans l’école lyonnaise apparaît comme une première ébauche de l’esprit de la Pléiade. […] Dès le premier moment donc, quelque chose d’artificiel s’insinue dans l’excellente entreprise des novateurs : un vice primordial, tout au fond de leur esprit, menace la vitalité et, si je puis dire, la santé de leur œuvre. […] Bien des mots manquaient encore à la langue ; quand l’esprit se gonflait de tant d’idées, il fallait bien que le vocabulaire se remplît : il était impossible de ne pas innover beaucoup dans l’expression. […] Tout au moins d’un chacun qui soit honnête homme, de bon esprit et suffisamment cultivé.
Contre cette loi, le poète n’est pas sans s’être rebellé, mais, en somme, il la subit, et le drame de sa vie lui a fait la douloureuse atmosphère nécessaire au drame de son œuvre, — le simple duel du rêve et de la vie, de l’esprit et de la chair. […] Verlaine représente pour moi le dernier degré soit d’inconscience, soit de raffinement, que mon esprit infirme puisse admettre. […] Un faune, plein de malice et d’esprit, déguisé en frère mendiant, disant qu’il a la foi du charbonnier et, à force de le dire, finissant par le croire, me donne un spectacle qui ne me touche guère, et devant lequel j’abandonne volontiers les amateurs de conversions faciles et de fausse simplicité. […] La chair et l’esprit se sont disputé son âme. La lutte fut celle que tous subissent et subiront, jusqu’au jour où l’esprit chrétien s’affaiblissant de plus en plus, l’accord des deux antiques adversaires rendra la paix et l’unité à la conscience humaine.
Mais un singulier esprit de douceur et de bonté, un sentiment profondément populaire, pénétraient toutes ces fables, et en faisaient un supplément de la prédication 691. […] Il faut se rappeler que nulle idée des lois de la nature ne venait, dans son esprit, ni dans celui de ses auditeurs, marquer la limite de l’impossible. […] Ivre de l’amour infini, il oubliait la lourde chaîne qui tient l’esprit captif ; il franchissait d’un bond l’abîme, infranchissable pour la plupart, que la médiocrité des facultés humaines trace entre l’homme et Dieu. […] Tout l’ensemble d’idées que nous venons d’exposer formait dans l’esprit des disciples un système théologique si peu arrêté que le Fils de Dieu, cette espèce de dédoublement de la divinité, ils le font agir purement en homme. […] Mais la sincérité avec soi-même n’a pas beaucoup de sens chez les peuples orientaux, peu habitués aux délicatesses de l’esprit critique.
Son aïeul était ce Théodore-Agrippa d’Aubigné, célèbre par son esprit et sa bravoure, par ses écrits et ses actions, illustré par la confiance et l’amitié de Henri IV, prix d’un dévouement sans réserve, et par la familiarité que le prince lui permettait avec lui, au risque de voir quelquefois Agrippa sortir des bornes du respect, et se permettre les saillies d’un camarade74. […] Là on traita ce jeune esprit avec ménagement. […] On fait trop d’honneur à un but si commun et à des moyens si vulgaires, en leur attribuant cette prodigieuse élévation : c’est aussi méconnaître le pouvoir d’un excellent esprit, d’une âme parfaite, jointe aux charmes de la figure. […] Voilà ce qui donna du charme à sa beauté, de la grâce et de la vie à son esprit éminemment sage et éclairé, et une puissance infinie à sa conversation. […] À sa beauté elle joignait la grâce qui faisait passer dans ses traits, dans ses mouvements, dans sa parole quelque chose de l’âme la plus douce, la plus sensible, et de l’esprit le plus sage et le plus délié.
Mais je veux qu’ils n’aient pas eu dans l’esprit ces réflexions aussi analysées qu’elles l’ont été depuis : on ne peut au moins nier raisonnablement qu’ils n’en aient eu le fond et la substance, et qu’ils les ont développés peu à peu, à mesure qu’ils voyaient le succès bon ou mauvais de leurs spectacles. […] C’est donc un effort d’esprit considérable dans Eschyle, d’avoir le premier aperçu cette différence de l’épique et du tragique, en faisant naître l’un de l’autre avec tant d’art que le disciple en ceci l’emporte sur le maître. […] Les poètes grecs, pleins du génie d’Homère, y trouvèrent, sans contredit, ce balancement de raisons, de mouvements, d’intérêts et de passions, qui tient les esprits suspendus et qui pique jusqu’à la fin la curiosité des auditeurs. Sur ce principe, l’art de varier à l’infini les mouvements de la balance du théâtre, se présente de soi-même à l’esprit. […] C’est encore la nature qui le veut ainsi ; car l’esprit impatient court avidement à l’issue.
Oui, pour rester inconnue, excepté de Dieu, il ne s’en est fallu que de la mince épaisseur de l’homme qui admira, sans réserve et sans peur, le spectacle qu’elle faisait à elle seule et qui était d’une sublimité si déconcertante que les cœurs les plus forts en tremblaient, et que les esprits les plus ouverts aux choses de la foi se fermaient presque au témoignage de leurs yeux qui le contemplaient. […] Emmerich, décloîtrée par les événements qui ruinèrent son couvent, dans les premières années de ce siècle, était retombée aux mains d’une famille à l’esprit étroit, peureux et abaissé ; et, par le fait, elle était plus durement cloîtrée entre les deux rideaux de son lit de douleur, qu’entre les murs d’un monastère. […] regardez les acteurs de ce drame qui se joua une fois sur la terre et dont le ciel fut spectateur, et jugez si la vision de notre Mystique ne nous les a pas reproduits, dans l’esprit éternel de leur personnage, quoique éclairés par mille côtés et mille détails que, pour des raisons de providence, l’Évangéliste avait laissés dans l’ombre. […] Ils sont là tous, plus humainement particularisés avec le détail, les mille petits ou profonds coups de poinçon, qui les gravent dans l’esprit au fond duquel ils étaient déjà (mais moins avant), dans la beauté pure de leurs grandes lignes lumineuses ! […] On n’analyse point les soupirs, les cris, les oracles des Sibylles et des Prophètes, et la sœur Emmerich fut de cette race mystérieuse d’esprits.
Elle en eut qui naquirent uniquement de son charme, de cette féconde amabilité qui n’était pas l’esprit, — car, ne vous y trompez pas ! elle n’était pas spirituelle, — mais qui était moins et plus que l’esprit, qui était le tact de l’âme à travers la grâce corporelle. […] L’idéal de la femme n’est peut-être ni la beauté splendide, ni le feu de l’esprit, ce diamant du front, ni le feu de l’amour, cet autre diamant de la poitrine, mais un peu de bonté dans un peu de grâce, et en voilà assez pour le ravissement de l’humanité ! […] Tous ces gens-là, dont quelques-uns sont officiellement des génies dans leurs livres, et quelques autres des esprits de la plus brillante fumée de réputation, n’ont plus qu’une élégance uniforme et une politesse effacée dans leurs lettres. […] Si ces lettres pétillaient d’esprit ou de renseignements inconnus, à la bonne heure !
Le mérite de ses Lettres, qu'on lit toujours avec un nouveau plaisir, ne consiste pas dans un étalage d'esprit ou dans une emphase de sentiment, comme celui d'une infinité d'Auteurs qui nous ont donné des volumes d'Epîtres, sans approcher en aucune façon du naturel, de l'aisance, de la délicatesse, du sel, & de l'agrément, qui présidoient à tout ce que Madame de Sévigné écrivoit. […] Si l'expression de la sensibilité inépuisable de son cœur paroît quelquefois emprunter le langage de l'esprit, ce n'est que pour produire de ces traits fins & délicats, fruit d'une imagination tendre & vive, & rendus dans un style qui peint & anime tout. […] On ne s'est dégoûté ni de l'un ni de l'autre, mais bien des Tragédies de Pradon, qu'elle protégeoit ; ce qui prouve combien les séductions de Société sont excessives, & principalement dans l'esprit des femmes.
Il a l’esprit non pas audacieux (cela est trop facile !) […] C’est un sot qui a beaucoup d’esprit. […] Il n’y a pas un abîme entre ces deux dispositions d’esprit. […] Elles ont de la fantaisie, de l’esprit et du cœur ! […] il n’avait que du sens, ou, si l’on veut, de l’esprit.
René Bazin, et ce qui était auparavant dans vos esprits et dans vos cœurs. […] L’esprit de votre société est excellent : il n’a rien d’étroit, rien d’administratif ni de formaliste. […] L’esprit et la sensibilité qui s’y rencontrent sont trop « miens », j’entends qu’ils sont trop l’esprit et la sensibilité d’aujourd’hui pour que je ne risque point soit de m’y complaire, soit de m’en défendre avec un zèle excessif. — Et ce n’est pas tout. […] … Comme il sut préserver son cœur des basses corruptions de l’amour, son esprit des pestilences de l’art ! […] quelle liberté d’esprit !
Le maître qui joue avec les légendes des âges éteints est le même dont l’esprit visionnaire pressent les époques futures. […] Ces trois grands génies ont formé le cœur et l’esprit des hommes de ma génération. […] Il me semble plutôt que l’on soit porté vers l’un ou l’autre, au gré des dispositions momentanées de l’esprit et de la sensibilité, influencés par le lieu, la saison, le jour et l’heure. […] C’est, en général, celui que je lis pour rêver ; je songe et il dit les paroles : mon esprit et ses vers s’identifient. […] Et l’effort qui soutient, inlassable, la joie — la Joie — de ceux des esprits contemporains que nous aimons.
Ce phénomène du génie hérité, accumulé, croissant et enfin fructifiant dans un grand homme frappe l’esprit en étudiant, dans l’histoire ou dans la biographie, les origines morales des hommes supérieurs. […] Toutes deux d’une beauté célèbre, quoique différente, et d’un esprit cultivé, elles rassemblaient dans leur personne la grâce de la France et la passion de l’Italie. […] Léonora elle-même prévint le Tasse du danger de cette rivalité poétique avec un homme si puissant sur l’esprit de son frère. […] Nous sommes heureux de rencontrer dans l’esprit si juste et si infaillible de Voltaire notre propre opinion de l’immense supériorité de l’Arioste sur son copiste naïf mais négligé, la Fontaine. […] Un esprit sagace mais commun, Boileau, ravala Ronsard et méprisa le Tasse.
Mais, comme j’ai au fond l’esprit timide, j’ai besoin, avant de tenter l’aventure, de m’entourer de quelques précautions. […] Verlaine représente pour moi le dernier degré soit d’inconscience, soit de raffinement, que mon esprit infirme puisse admettre. […] Comment l’esprit du poète va-t-il de l’un à l’autre ? […] Tendez-moi votre main, que je puisse lever Cette chair accroupie et cet esprit malade. […] Car, en permettant d’aimer Dieu déraisonnablement, comme on aime les créatures, elle résout toutes les difficultés qui naissent dans notre esprit du spectacle de l’univers.
Ces rites accomplis, leurs péchés s’effacent, l’innocence rentre dans leur âme : sous le souffle absolvant du Dieu, l’esprit du mal s’est retiré d’eux. […] Son esprit plane dans l’Agora, sur l’orateur qu’elle inspire, et sur le peuple qu’elle incline aux votes raisonnables. […] Il est des hommes pour qui la terreur est un frein salutaire, des esprits qu’elle doit surveiller. […] La noble naïveté de l’esprit antique s’édifiait d’un pareil spectacle. […] L’esprit grec, amolli par l’élégance et la sophistique, n’était plus au ton violent du vieux poète.
Béranger mériterait littérairement, par ses chansons non politiques, toute la célébrité que lui a faite l’esprit de parti, le plus bête de tous les esprits. […] Les brillantes qualités de leur esprit, la vivacité prodigieuse de leur conversation, la coquetterie de leurs mœurs, sont en opposition directe avec le sentiment poétique, qui ne se développe que dans une vie recueillie ou passionnée. […] On ne peut s’expliquer que par l’esprit d’imprudence et d’erreur, la négligence ou l’oubli du Théâtre-Français à l’égard d’un tel ouvrage. […] S’il avait encore besoin d’apologie auprès de quelques esprits timorés, qu’ils lisent les belles et éloquentes leçons de M. […] Cet abbé, avec tout son esprit et tout son talent, a singulièrement appauvri la langue poétique, en croyant l’enrichir, parce qu’il nous donne toujours la périphrase à la place du mot propre.
Esprits raccourcis et passionnés, nous ne pensons, guères qu’à ce bout de toile historique dont nous sommes les tisserands d’un jour ou à ce qui peut directement s’y rattacher, et nous oublions trop que l’Histoire est particulièrement, dans sa notion pure et profonde, le récit des choses entièrement finies, des mondes entièrement disparus. […] Les individualités assez fières pour se mettre à l’écart de leur temps et se consacrer vaillamment à un travail qui n’importe qu’à quelques esprits d’un ordre élevé sont des exceptions qui, chaque jour, deviennent plus rares, et l’Histoire des ducs de Normandie n’en a pas révélé une de plus. […] N’était-il pas aisé de pressentir que Labutte, dont l’érudition est toute matérielle et s’adosse à la philosophie négative du xviiie siècle, qui traîne encore en un si grand nombre d’esprits, verrait moins dans l’histoire des ducs de Normandie un vigoureux tableau à peindre qu’une petite embrasure à ouvrir par laquelle il pût tirer de son côté, non seulement sur le xe siècle, mais sur l’ensemble du Moyen Âge qu’il ne comprend pas ? […] , ni Guizot, qui a vu les mélanges du bien et du mal, mais qui n’a pu les expliquer, ni personne, enfin, parmi les gloires modernes, n’a porté la lumière et la main sur le nœud gordien de ce temps et son implication formidable, tandis que quelques vers de Shakespeare, quelques pages de Walter Scott, en font du moins passer l’âme dans nos esprits, comme une vision trop tôt évanouie ! […] C’est un de ces pleurards historiques qui versent, sur les malheurs de l’humanité au Moyen Âge, ces larmes de crocodile qui ont toujours le même succès sur les esprits ignorants et les âmes sensibles.
Métier de dupe, affreux casse-tête, partie d’échecs jouée entre deux langues et entre deux esprits, toute traduction est une œuvre ingrate, difficile, à peu près impossible. […] Soit cette admiration naïve comme en ont souvent les esprits qui vivent sur les idées d’un grand homme, car la moyenne de l’humanité n’est guère plus qu’une plèbe servile de rabâcheurs, soit la spéculation qui déchiquète à son profit toute célébrité nouvelle, les imitateurs de Cervantes se levèrent de toutes parts au premier coup de cloche de sa gloire. […] ce n’est pas une admiration sans réserve, comme le Don Quichotte en a inspiré à beaucoup d’esprits (car le génie, comme Dieu, fanatise), qui nous fait repousser le livre d’Avellaneda comme indigne de toute comparaison avec l’épopée romanesque de Cervantes. […] C’est un fou sans placidité, sans excuse majeure et touchante de sa folie, sans les longues et sereines intermittences de raison, d’esprit, de goût, de politesse et de grandes manières qui rendent le héros de Cervantes le plus aimable et le plus respectable des gentilshommes. […] M. de Lavigne aura prouvé une fois de plus la justesse du mot de Montesquieu, qui disait que les gens d’esprit faisaient les livres qu’ils lisaient.
L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui. En effet, je suis frappé (et je l’ai toujours été) de la consanguinité de ces deux hommes, tous les deux de la même double race : tous les deux Juifs, tous les deux Allemands, tous les deux poètes et reflétant dans leurs poésies leur double nationalité, entraînés tous les deux, par aptitude et par goût, vers la philosophie et la science ; mais dont l’un a brisé tout : religion, race, philosophie, système, pour s’asseoir, isolé et désespéré, au milieu des massacres de son esprit, comme un meurtrier au milieu de ses meurtres, et dont l’autre s’est conservé intégral, — noble, ferme et pur. […] L’influence de la race juive sur les esprits les plus vigoureusement individuels est ineffaçable. Voyez Spinosa et une foule d’autres, Heine lui-même, — Heine l’apostat, qui, en se jetant dans le vif argent de l’esprit français, est devenu le Voltaire allemand, et qui n’a pu enlever complètement cependant le caractère juif à son génie. […] Or, si cela est pour les Juifs négateurs qui se sont dépouillés de leur foi pour se faire des croyances nouvelles, que sera-ce pour ceux qui sont restés fidèles à l’esprit de leur race ?
Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] Il est facile d’examiner l’effet que cet esprit général dut, au bout de trois siècles, produire sur la poésie, l’éloquence et le goût. […] On y avait moins à craindre, moins à espérer ; et les esprits n’étaient pas sans cesse occupés, comme à Rome, par cette espèce de férocité inquiète, que donne l’habitude des dangers et le spectacle des crimes. […] Tout cela réuni, disposa peu à peu les esprits à cette fermentation utile, d’où naît l’amour des lettres et des arts.
Enfin, en plaçant le christianisme avec lui sur le trône, il fit la plus grande révolution qu’il y ait jamais eu dans les idées, les lois, les mœurs, l’esprit général des nations, changeant tout ce qui avait gouverné les hommes jusqu’alors, et devant influer, sans le savoir, sur presque tous les événements politiques et sacrés de l’histoire moderne ; tel fut le sort attaché au règne de Constantin. Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés. […] Toutes les fois qu’un homme à grand caractère est à la tête d’une nation, les esprits s’agitent, les âmes s’élèvent, les lettres et les arts ou fleurissent, ou renaissent, ou font effort pour renaître, ou suspendent leur chute. […] Du temps de Cicéron et de César, on avait vu fleurir l’éloquence républicaine animée par la liberté et de grands intérêts ; sous les premiers empereurs, une espèce d’éloquence monarchique, fondée sur la nécessité de flatter et de plaire ; vers les temps de Marc-Aurèle, l’éloquence des sophistes, qui, n’ayant aucun intérêt réel, était un jeu d’esprit pour l’orateur et un amusement de l’oisiveté pour les peuples.
Antoine de Latour Ses compositions, remarquables par la vivacité d’esprit et une rare finesse d’observation, se distinguent aussi par une fleur d’élégance et une convenance de style qu’il faut admirer. […] Et, en réalité, elle fut reine du royaume le plus difficile à conquérir, le plus périlleux à gouverner, le plus impossible à conserver : reine de ce Paris épique, magnanime, railleur, excellent, qui fabrique la poésie de notre siècle et tout ce qui se nomme Esprit dans le monde entier. L’esprit !
Une imagination brillante, noble, vive ; un esprit lumineux & plein de sagacité ; un pinceau aussi délicat que nerveux, ou, pour mieux dire, la force du burin réunie à la mollesse du pinceau, sont les bienfaits précieux qu’elle lui a prodigués, & dont il a fait un si noble usage. […] Sa maniere & son style ont su faire goûter aux esprits les plus frivoles une science d’observations, qui n’avoit été négligée, que parce que ses prédécesseurs n’avoient pas eu, comme lui, le talent de la rendre piquante & de l’embellir. […] Le prestige de sa plume est tel, que ses tableaux deviennent des originaux qui attachent l’esprit & ravissent l’imagination, lors même qu’ils ne sont pas d’accord avec la vérité.
Le Traité de l’amour de Dieu, l’Introduction à la vie dévote, ses Lettres à différentes personnes & sur différens sujets, sont autant de chef-d’œuvres de lumieres & de sentiment, capables de dompter les esprits rebelles, & d’émouvoir les cœurs endurcis. […] Qu’on les lise donc, si l’on veut juger sainement du véritable esprit du Christianisme, & des devoirs de la tendre & solide piété. […] Les malheureuses célébrités qui ne sont fondées que sur les ravages de l’esprit, se dissiperont avec les erreurs qui les ont enfantées.
Madame de Lassey disoit de lui, qu'il n'y avoit qu'un homme de beaucoup d'esprit qui pût être d'une pareille imbécillité. L'Abbé Terrasson avoit beaucoup d'esprit, en effet, mais il l'appliqua aussi mal en littérature qu'en finances. […] La trempe d'ame de l'Abbé Terrasson ressembloit à celle de son esprit, c'est-à-dire qu'elle étoit pleine d'élévation & de simplicité.
Du reste il a la bonne grâce et l’esprit d’être le premier à en convenir. […] Il était d’un esprit original, et avait des saillies très piquantes. […] Il eut le talent de ne mettre que de l’esprit là où tout autre n’eût mis que de l’amour-propre. […] Ce bouffon ne manquait pas d’esprit. […] Mais l’esprit inventif de la future mariée trouva un singulier moyen pour éluder cet ordre.
Vinet était connu, consulté ; le protestantisme dans ses différentes formes, et à proportion que la forme y offusquait moins l’esprit, le vénérait comme un des maîtres et des directeurs les plus consommés dans la science et dans la pratique évangéliques. […] Oui, il y avait en ce temps-ci un critique sagace, précis, clairvoyant, et, quand il le fallait, sévère, qui obéissait en tous ses mouvements à un esprit chrétien de charité. […] Vinet comprenait si bien Pascal, il ne sentait pas moins vivement les esprits d’une autre famille, et il y eut un jour où lui, l’un des pasteurs du christianisme réformé, il songea à écrire l’Histoire de saint François de Sales. […] En fait, ç’a été dans le canton de Vaud le triomphe brutal de la force et des cupidités grossières mises en lieu et place de l’esprit, du droit et de la liberté.
En France comme ailleurs, il semble que l’esprit humain subisse une éclipse. […] Hors d’elle, il n’y a qu’ignorance et faiblesse d’esprit. […] Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent. […] Il portait et préparait l’avenir : quoi que l’esprit français ait reçu plus tard du dehors, il fallait qu’il pût le recevoir sans se dissoudre et périr, et ce qu’il fut alors détermine plus qu’on ne pense ce qu’il a été depuis.
On aura beau prendre pour héroïne une vestale grecque ou romaine, jamais on n’établira ce combat entre la chair et l’esprit, qui fait le merveilleux de la position d’Héloïse, et qui appartient au dogme et à la morale du christianisme. […] Nous nous permettrons de relever ici une erreur de Colardeau, parce qu’elle tient de l’esprit de son siècle et qu’elle peut jeter quelque lumière sur le sujet que nous traitons. […] Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles ! […] C’est ainsi que l’esprit irréligieux détruit la vérité, et gâte les mouvements de la nature.
Quand un de ces esprits indéterminez, qui ne sont propres à tout que parce qu’ils ne sont propres à rien, est conduit sur le Parnasse par les conjonctures, il apprend les regles de la poësie, assez bien pour ne point faire des fautes grossieres. […] Il se nourrit l’esprit des pensées de son original, et il charge sa mémoire de ses expressions. […] Ces esprits médiocrement propres à beaucoup de choses, ont la même destinée quand on les applique à la peinture. […] L’idée de ce que nous avons peint est toûjours plus présente à notre esprit que l’idée de ce qu’ont peint les autres.
« Ce philosophe astronome s’élève de l’hypothèse des forces motrices de la nature à l’idée d’un grand esprit moteur et régulateur de tout esprit de matière. » Mais, un peu plus tard, lorsque la physiologie ionienne eut pris un nouveau développement, Anaxagore de Clazomène s’éleva de l’hypothèse des forces purement motrices à l’idée d’un esprit distinct de toute espèce de matière, mais intimement mêlé à toutes les molécules homogènes. […] L’esprit ordonnateur qui, selon Anaxagore, gouverne l’univers, était-il la Divinité elle-même, ou n’était-ce qu’une conception panthéistique, un principe spirituel qui soufflait la vie à toute la nature ? […] Mais ma vie ne se compose pas seulement de pensées comme celle d’un pur esprit qui n’a d’autre objet que la contemplation. […] Voilà pourquoi elle lui inspire une aversion dont triomphent seuls l’esprit d’aventure et la nécessité. […] Bates, sont le paradis du naturaliste, et pour peu qu’il soit porté à la contemplation, il n’y a point ailleurs de milieu plus favorable à l’esprit rêveur.
Cet Auteur a été en cela un exemple très-capable de prouver combien un esprit caustique, indépendant, aidé d’une mémoire prodigieuse, est propre à enfanter d’erreurs, & à les débiter avec assurance. […] Nous ne dissimulerons pas qu’il est des Censeurs, dont la sévérité peu éclairée, les difficultés minutieuses, la foiblesse, la pusillanimité, l’esprit de parti, peuvent donner de justes mécontentemens aux Auteurs les plus irréprochables. […] Mais nous n’en sommes pas moins convaincus de la nécessité de donner des entraves aux esprits fougueux qui cherchent à égarer les autres, après s’être égarés eux-mêmes.
Ton esprit, d’en haut, se pencha-t-il sur ton fils désolé, malheureux déjà dans ce voyage à peine commencé de la vie ? […] Son esprit réveillé, et, à quelques égards, réparé par un si long repos, le tourmentait par accès, et il ne savait qu’en faire. […] s’écriait-il, le jour où il envoyait à un ami cette fable du rossignol et du ver luisant, que puis-je faire de mon esprit ? […] Je dois en agir avec mon esprit comme je fais avec ma linotte : je la garde le plus habituellement en cage ; mais de temps à autre je lui ouvre la porte, afin qu’elle puisse voleter un peu autour de la chambre, et puis je la renferme de nouveau. Mon esprit voletant a donc produit la petite pièce que voici… Et c’était cette fable qu’il envoyait.
Très peu d’esprits ont le loisir et la faculté de tout lire, d’avoir présents au même instant à la pensée les différents termes de comparaison, et de ne se décider qu’après examen et toutes pièces vues, toutes parties entendues. […] La Révolution commençait déjà dans les esprits. […] Voilà à quoi sert un Mentor homme d’esprit qui parle à demi-mot à qui sait entendre. […] N’allons pas en faire un trop grand sujet d’éloges pour celle qui s’échappe devant nous à ces aimables gaietés ; c’est encore plus de son âge que de son esprit. […] Un doute, un germe de méfiance, je l’avoue, se glissa dans mon esprit ; ce germe mit du temps à se développer, et il fallut que la discussion publique extérieure y aidât.
Le cœur opprimé par l’esprit se soulage et respire enfin. […] Il y a là des mots, tranchants et coupants, qui font à l’esprit les blessures spéciales des instruments de la chirurgie. […] M. de Ryons, au milieu des saillies qu’il lance, a souvent l’air d’un démon d’esprit persiflant dans un enfer de fusées. […] L’esprit aussi a sa cruauté. […] L’esprit est là pour protéger ses manœuvres, un esprit roulant et solide, sagace et soudain, dont chaque mot porte, dont chaque trait s’enfonce.
Mais autre temps, autres lieux, autre esprit ! […] Les qualités des deux armées, l’esprit militaire des deux peuples, sont en présence, et M. […] Napoléon prépare donc à Erfurt, pour septembre et octobre de cette année, une de ces grandes représentations politiques et théâtrales comme il les entend si bien, faites pour agir sur l’esprit des souverains et sur l’imagination des peuples. […] Esprit clair, vigoureux et net, par sa longue pratique positive il n’a fait que se fortifier dans son premier instinct et y ajouter l’arrêt de l’expérience. […] On est touché d’un sentiment de respect en voyant avec quelle fermeté d’esprit, au milieu des préoccupations politiques qui l’environnent, M.
Un écrivain et un confrère que j’honore infiniment pour son esprit sérieux et élevé comme son caractère, M. de Noailles, dans son Histoire de Mme de Maintenon (t. […] Le grand moraliste La Rochefoucauld a défini la gravité de certaines gens, « un mystère du corps inventé pour cacher les défauts de l’esprit ». […] Il en est de même de certaines époques ; et, vers la fin, le règne de Louis XIV avait grand besoin de cette sorte de gravité et de cérémonial à distance, pour se défendre contre les esprits trop perçants. […] Sans aucun esprit, elle avait tellement captivé Mme de Maintenon, etc. […] Que les plaisirs des sens sont inférieurs à ceux de l’esprit, et qu’il est véritable que la proportion des maux est celle-là même des biens qui les finissent !
Ce digne père, homme très remarquable, ayant quitté le service à trente-quatre ans, épousa une fille de finances de Paris, très belle, de plus de sens que d’esprit. […] Il pensait jusqu’en ses dernières années qu’un homme, pour rester tout à fait comme il faut, doit passer, chaque jour, quelques heures d’entretien avec les femmes : cela maintient l’esprit et la délicatesse. […] Marmont n’est pas seulement un homme de guerre, c’est un homme d’esprit qui juge, qui a des aperçus supérieurs, et qui, en toute matière, pénètre à la philosophie et à la moralité de son sujet. […] Son esprit naturellement profond avait déjà acquis une grande maturité, plus que son âge ne semblait le comporter. […] Un Français, un Allemand et un Anglais seront toujours très inférieurs sous ce rapport, toutes choses égales d’ailleurs en facultés, à un Corse, un Albanais ou un Grec ; et il est bien permis de faire entrer encore en ligne de compte l’imagination, l’esprit vif et la finesse innée qui appartiennent comme de droit aux méridionaux, que j’appellerai les enfants du soleil.
Béranger est venu, et il a résolu la question pour les esprits cultivés d’une part, et pour le peuple de l’autre. […] Ce qui caractérise Béranger entre ceux de nos poëtes contemporains les plus justement célèbres, c’est d’avoir tous les traits purs du génie poétique français, de reproduire en plein ce génie dans tous les sens, d’y atteindre naturellement par tous les bouts : bon sens, esprit, âme, il réunit en lui ces qualités éminentes dans une mesure complète, auparavant inconnue, mais qui ne pouvait se rencontrer que chez nous. […] On ferait preuve d’un esprit bien superficiel en n’y voyant que des accidents particuliers auxquels se serait pris le poëte : Béranger a dramatisé, sous ces figures populaires, toute une économie politique impuissante, tout un système d’impôts écrasants ; il a touché en plein la question d’égalité réelle, du droit de chacun à travailler, à posséder, à vivre, la question, en un mot, du prolétaire. […] L’esprit gaulois, nous l’avons remarqué déjà, est imprescriptible, et il se perpétue par une veine facile, même sous les nouvelles qualités sérieuses qu’il a acquises. […] Mais sous la forme particulière dont Béranger a fait usage, la mise en œuvre de cet esprit national nous semble pour longtemps interdite.
Robert a grand soin d’avertir qu’il ne prétend nullement indiquer les sources où notre immortel fabuliste a puisé : « Je suis bien persuadé, dit-il, que la plupart lui ont été totalement inconnues. » Un tel aveu dans la bouche d’un commentateur est la preuve d’un excellent esprit. […] Un critique éclairé du Journal des Débats, séduit par quelques traits de vague ressemblance, et cédant aussi à cette influence secrète qu’exerce le paradoxe sur les meilleurs esprits, estime que La Fontaine doit beaucoup « et à nos contes, et à nos poëmes, et à nos proverbes, depuis le Roman de Renart, dont on ne me persuadera jamais qu’il n’ait pas eu connaissance, jusqu’aux farces de ce Tabarin qu’il cite si plaisamment dans une de ses fables. » Quant aux farces de Tabarin, quant à nos contes, à nos poëmes imprimés, je pourrais tomber d’accord avec le savant critique ; mais le Roman de Renart, alors manuscrit et inconnu, où le bonhomme l’eût-il été déterrer ? […] L’esprit léger, moqueur, grivois, qui de tout temps avait animé nos auteurs de fabliaux, de contes, de farces et d’épigrammes, ne s’était pas éteint vers le milieu du xvie siècle, avec l’école de Marot, en la personne de Saint-Gelais. Malgré Du Bellay, Ronsard, Jodelle, et leurs prétentions tragiques, épiques et pindariques, cet esprit, immortel en France, avait survécu, s’était insinué jusque parmi leur auguste troupe, et tel qu’un malicieux lutin, au lieu d’une ode ampoulée, leur avait dicté bien souvent une chanson gracieuse et légère. […] Ce Guillaume Colletet, singulièrement enclin, selon l’expression de Ménage, aux amours ancillaires, avait épousé, l’une après l’autre, trois de ses servantes, et en était, pour le moment, à sa troisième et dernière, appelée Claudine, dont la beauté, jointe à la réputation d’esprit que lui faisait son mari débonnaire, attirait chez elle une foule d’adorateurs.
Duval ; maintenant en voici les effets désastreux : Comme les jeunes rédacteurs d’un journal scientifique et littéraire emploient beaucoup de talent et d’esprit à prouver que tous les ouvrages français n’ont pas le sens commun et à proposer pour modèles les étrangers, qui n’ont pas d’autre théâtre que le nôtre, il s’en est suivi : 1° que, de nos jours, tout vise à l’originalité, au bizarre ; que la vraisemblance et la raison sont bannies ; et que, à force de chercher la vérité, on arrive au trivial pour tomber bientôt dans l’absurde ; 2° que les jeunes gens, égarés par les prédicateurs des nouvelles doctrines, ne sachant plus quelle est la meilleure route, de celle qu’ont suivie nos pères ou de celle qu’on leur indique, se bornent, en attendant la solution du problème, à faire des tiers de vaudevilles, ou à mettre de petits articles dans les journaux littéraires ; et que notamment l’un d’entre eux, à force d’esprit et de savoir-faire, en est venu (ô scandale !) […] La conversation sur les unités, que soutint l’auteur avec une dame fort distinguée par son esprit et fort attachée aux opinions nouvelles, prouvera de plus qu’on peut combattre avec courtoisie et railler sans injure. […] Ces raisons spirituellement superficielles pourraient trouver grâce auprès de quelques jeunes esprits dominés par leurs penchants philosophiques ou politiques, et trop disposés à faire bon marché de leurs opinions littéraires : nous y répondrons avec quelque détail. […] Cette œuvre du loisir et du recueillement, où viendront sans doute contraster et se confondre en mille effets charmants ou sublimes la vérité et l’idéal, la raison et la fantaisie, l’observation des hommes et le rêve du poète, arrivée dans le monde réel, exposée aux regards de tous, enchantera les âmes et ravira les suffrages ; les esprits les plus graves, philosophes, érudits, historiens, se délasseront à la contempler, car l’impression d’une belle œuvre n’est jamais une fatigue ; les politiques surtout, en n’y cherchant que du plaisir, y puiseront plus d’une émotion intime, plus d’une révélation lumineuse, qui, transportée ailleurs et transformée à leur insu, ne restera stérile ni pour l’intelligence de l’histoire, ni pour les mouvements de l’éloquence ; la tribune et la scène, en un mot, rivales et non pas ennemies, pourront retentir ensemble et quelquefois se répondre. […] Scribe, malgré son esprit et son talent, fasse une complète illusion et qu’il semble un Shakspeare moderne : on sait à quoi s’en tenir sur cette verve fine et pétillante ; mais en espérant mieux, l’on en profite et l’on s’amuse.
Je crois ne pouvoir leur rendre un plus grand service, que de leur présenter une Histoire de la littérature française qui s’adresse à tous les esprits cultivés ou désireux de se cultiver, et qui élargisse leur étude en la désintéressant. […] La littérature se réduit à une sèche collection de faits et de formules, propres à dégoûter les jeunes esprits des œuvres qu’elles expriment. […] Elle délasse des besognes professionnelles, et elle élève l’esprit au-dessus des savoirs, des intérêts, des préjugés professionnels ; elle « humanise » les spécialistes. Plus que jamais, en ce temps-ci, la trempe philosophique est nécessaire aux esprits : mais les études techniques de philosophie ne sont pas accessibles à tous. […] En littérature plus qu’ailleurs, les doctrines ne valent tout justement que ce que valent les esprits qui les appliquent.
L’esprit politicien, qui pénètre tout de nos jours, est aussi pour quelque chose dans le discrédit de la casuistique. […] C’est un scandale pour de tels esprits que de discuter son devoir et jeter par là un doute sur l’infaillibilité de la conscience et la certitude de la loi. […] Il est dans la logique de cette morale de vouloir pénétrer malgré tout jusque dans l’intimité des esprits et des cœurs. […] Parfois même elle semble aspirer à une sociabilité supérieure, exemple d’hypocrisie, éprise d’intelligence et de science (Vigny, La Bouteille à la mer, Le Pur Esprit) ; puissante, par la science accrue et la solidarité élargie (Ibsen, l’Ennemi du peuple). […] L’aristocrate en arrive à perdre la foi sinon dans ses propres pensées, du moins dans leur efficacité sociale et il n’a plus de refuge que dans l’individualisme pessimiste dont Vigny et Gobineau restent les parfaits prototypes, dans la tour d’ivoire du penseur misanthrope où les esprits blessés trouvent un dernier, hautain et silencieux abri.
Un autre médecin célèbre, Georget, quoique très organicien, confirme l’opinion d’Esquirol ; il insiste sur ce point important, que les altérations ne se rencontrent que dans des folies déjà anciennes, et que, lorsque les aliénés succombent promptement, les organes intellectuels ne présentent rien de bien remarquable et qui ne puisse se retrouver également chez les hommes de l’esprit le plus sain36. […] Il peut y avoir en effet des lésions qui échappent à nos sens ; nier tout ce qui ne se voit pas serait d’un esprit bien peu scientifique. […] Dans l’état normal, ce même fait se reproduit souvent : nous sentons notre esprit traversé par des idées fortuites, accidentelles, qui rompent la suite de nos conceptions ; mais nous avons la force de les écarter pour suivre un certain ordre d’idées, ou, si nous nous y livrons, c’est avec conscience, et sans prendre des rapports tout subjectifs pour des rapports réels. […] En outre, parmi les causes de la folie que l’on appelle des causes morales, il en est qui certainement n’agissent sur l’esprit que par l’intermédiaire des organes : par exemple, l’abus des boissons, le libertinage, ne causent la folie qu’après avoir altéré l’organisme. […] C’est ainsi que dans l’état normal même nous employons, pour exciter la pensée, tantôt des moyens physiques, tantôt des moyens moraux, l’espoir d’une récompense ou une tasse de café ; mais le trouble de l’esprit est un phénomène du même ordre que l’excitation de l’esprit, et il peut être produit par les mêmes causes.
Doué d’une imagination facile, il excellait dans l’à-propos ; mais il dédaignait ces triomphes que l’esprit obtient aux dépens du cœur. […] Laujon avait donné l’édition complète de ses œuvres ; on y reconnaît un esprit fin, un travail facile, une aimable négligence. […] Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] C’est à cette heureuse fécondité, c’est à ce tour d’esprit délicat que M. […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce.
Son esprit a, pour cela, trop de côtés déplaisants, ambitieux, pédantesques. […] Les reins de son esprit sont soudés, et c’est l’institutrice qui se dégage avec le plus de netteté de tout l’ensemble de ses livres, à cette Enseignante, — il faut bien le dire, un peu cuistre, — qui professe l’instruction obligatoire et la morale indépendante et qui écrit des romans pour élargir, à la mesure d’un plus grand cercle, la petite classe qu’elle faisait peut-être autrefois, et pour, de cette manière, continuer son ancien et rogue plaisir de professer. […] Mme Sand rappelle le marquis de Lafayette, qui, platement révolutionnaire, et voulant s’aplatir encore davantage, est toujours resté, de manière et d’esprit, un grand seigneur. Dans un temps où la poésie du siècle était l’adultère, il fallut les adultères de toute sa vie et son existence de bohème (délicieusement affolante au regard des esprits d’alors) pour qu’on pardonnât à Mme Sand ne n’être pas, en réalité, aussi voyou qu’elle se vantait d’être. […] Mme de Staël l’a touchée un jour, avec l’éclat d’esprit qui caractérise sa manière ; mais bas-bleu ce jour-là, car, malheureusement, cette adorable femme avait des jours de bas-bleuisme, elle avait montré que nulle créature de son sexe n’a la pensée assez mâle pour résoudre une question à la taille du grand Bonald, puisqu’elle-même, Mme de Staël, ne le pouvait pas !
Mais le feuilleton creuse dans tout cela ; il est le détail, mis en lumière et jamais assez fouillé au gré de personne, de la vie, de l’esprit et jusqu’à des modes du comédien ou de la comédienne, ces deux illustrations du monde renversé ! […] Dans une pareille société, que devient l’esprit ? […] Entre le tabac, qui narcotise l’esprit des modernes dans des proportions que la science et l’histoire constateront plus tard, et le théâtre, cette passion de gens fatigués et de nation en décadence, l’esprit meurt, la conversation s’éteint. […] à ces esprits-là tout est possible ; mais quand l’importance des vaudevilles ou des tragédies de salon paraîtrait à ces forts penseurs un droit à maintenir au génie, quand tel hôtel, à la porte blasonnée, serait devenu pour le théâtre français une succursale d’émulation honorable et utile, il resterait toujours la question qui prime toutes les autres, — la question des mœurs. […] Demandez pourtant au christianisme, demandez à l’Église, et à la conscience qu’elle pénètre de son esprit, si elle ne voit nul inconvénient à ces amusements artistiques et littéraires, si c’est simplement insignifiant et destiné à nous faire passer agréablement quelques heures que ces comédies de société, qui tuent la société, et que des mères jouent devant leurs filles, quand elles ne les jouent pas en camaraderie avec elles ?
Le vrai et secret motif de ce livre, c’est de constater que le plus beau mouvement de l’esprit humain qui s’est produit en Angleterre (le plus beau, j’en conviens, mais je l’explique autrement !) est une éclosion démocratique, à l’état d’enveloppement d’abord, à l’état de développement ensuite, et qui tout à l’heure éclate de partout, comme la fleur du cactus après son incubation mystérieuse et centenaire, Odysse Barot proclame., avec la tuméfaction à la tête de l’orgueil, — car l’orgueil est hydrocéphale, — que l’esprit humain va de ce côté ; que l’avenir, ô bonheur du ciel mis sur la terre ! […] Les grands esprits que je viens de nommer ne sont à ses yeux que les pierres d’attente d’une littérature plus grande que la leur, parce qu’elle sera plus pratique et plus politique, et qu’elle servira davantage à l’émancipation définitive de l’humanité. […] Mais il a gratifié de têtes de génie ceux qui représentent le mieux cette idée de démocratie dont son malheureux esprit est féru. […] Trop de bonté pour un homme d’esprit !
Il y a de l’esprit dans sa date. […] Il a vu, en effet, avec un bon sens que sa préoccupation de tolérance n’a pas toujours égaré, que la nation française était encore, à cette époque, catholique jusque dans le fond de ses entrailles, et que le Protestantisme, qui éteint tout, était essentiellement antipathique à l’esprit français, qui n’aime que ce qui est brillant. […] Mais, malgré la ruse de son effort, il ne l’y trouve pas, et sa tolérance, à lui, n’en reste pas moins sous sa plume une bâtarde du Catholicisme et de l’esprit moderne accouplés. […] Voilà quel fut, partout et toujours, l’esprit de l’Église. […] Pour qui regarde attentivement l’état des esprits à cette époque, il n’est nullement prouvé que Henri IV, même sans conversion, ne pût être Roi.
Mais ce n’est qu’un happe-mouche que Michelet, tandis que Quinet, ce large bec spatulé, cet esprit gros, qui a toujours fait gros, est, lui, un happe-monde. […] La science moderne est trop importante, trop avancée et trop sûre de son fait pour, à propos de création, parler de Dieu et de Moïse, ces grands bonshommes qui ont été les amusettes de l’enfance de l’esprit humain. […] , tous les mots d’une langue hier inconnue, comme Sganarelle ses bribes de latin dans la comédie, n’a dans la pensée ni consistance, ni point de vue supérieur, ni principe de philosophie… Tout son fait et toute sa méthode ne sont qu’une perpétuelle et superficielle induction, la plus aisée des opérations de l’esprit, et qui n’a aucune portée de conclusion quand elle est seule. […] de l’homme fossile, il explique comme quoi l’esprit intérieur a moulé les crânes : « Certainement, — dit-il, en ce chapitre gorgé d’erreurs qui ressemblent à des folies, — certainement ! […] Le fossoyeur d’Hamlet disait ce qu’il y avait eu dans le crâne d’Yorick, parce qu’il l’avait connu durant sa vie ; mais Quinet, le fossoyeur des cimetières antédiluviens, raconte tout le monde… qu’il ne connaît pas. « Dans le crâne surbaissé du Néanderthal », dit-il, il voit apparaître « les premières opinions grossières de l’esprit, de l’homme, les embûches tendues aux espèces gigantesques, l’émulation avec l’elephas antiquus — (le bonus, bona, bonum de Sganarelle !)
C’est par les qualités, jusqu’ici les moins soupçonnées, que ces poésies frapperont les esprits amis ou familiers du talent de l’auteur et qui croyaient bien le connaître. […] Roger de Beauvoir dont la nature ouverte et sympathique s’imprègne des contagions aussi bien que des parfums, a dû porter sur sa pensée l’influence de la littérature générale de l’époque qu’il a trop étreinte avec le feu de son esprit. […] C’est une condamnation positive, car on peut très bien ne pas avoir les défauts de ses qualités, et c’est là même ce que tout esprit qui s’observe et qui se cultive doit éviter. […] Ainsi Pétrarque, par exemple, ce poète qu’on aime à la rage quand on l’aime, — car on ne peut l’aimer qu’en raison d’une certaine dépravation de l’esprit. […] En effet, ce n’est pas l’esprit du poète qu’elle doit plaindre, mais son travail et sa volonté qu’elle peut accuser.
Il est vrai que d’esprit, M. […] La plupart, sinon tous (et je ne vois guère que Shakespeare qu’on puisse excepter), n’ont presque jamais eu dans l’esprit qu’un seul sujet qu’ils reprennent, retournent, renouvellent et transforment ; préoccupation qui n’est qu’un esclavage sublime, thème incommutable, posé par Dieu dans leur pensée, et sur lequel ils sont condamnés, pour toute gloire et pour tout génie, à faire d’éternelles variations ! […] Quinet ne craint pas d’y parler, en son propre et privé nom, à son lecteur, comme fait l’Arioste, et il s’y permet, avec un esprit à gros ventre, d’imiter les ondulations ravissantes de ce demi-Dieu de la grâce et de la fantaisie, moitié cygne et moitié serpent ! […] Quinet, ne fera donc, comme ressource d’esprit ou d’art, illusion à personne. […] Quinet, l’auteur de Merlin l’Enchanteur, a toujours, en sa qualité d’esprit allemand, été panthéiste ; son Dieu a toujours été « le Dieu inconnu du bon Merlin » qu’il appelle, ce bâtard d’un incube et d’une Sainte violée : « Le prophète des jours heureux dans les temps futurs », et c’est ce Dieu-là, dont le livre de M.
Ils sont l’expression d’une pensée qui devra progresser, sous peine de n’être plus au niveau d’elle-même, car qui n’avance pas recule dans cette exigeante vie de l’esprit. […] En France, nous aimons, avant tout, tout ce qui est facile, ce qui fait jouer l’esprit au lieu de le faire s’efforcer ; et, nous l’avons dit, l’auteur de Germaine a une qualité dont il doit mourir, la facilité. […] About est un charmant esprit capable de tout, s’il voulait en prendre la peine, mais qui a jugé son temps et la vie, et qui ne se gêne pas, ma foi ! […] About, qui a dans l’esprit, et qui l’outre, la légèreté insupportable aux esprits vulgaires et aux vanités rengorgées et dignes, M. […] Ils lui trouvent étonnamment d’esprit, et c’est bien honorable.
Henri Heine, que, pour mon compte j’aime infiniment, quoique ce phalène des clairs de lune de l’Allemagne soit tombé et ait embarbouillé ses ailes de gaze dans la crème fouettée de Voltaire, ce fouetteur ; Henri Heine, comme les gens d’esprit, les génies et les jolies femmes n’y manquent jamais, a tourné toutes les têtes jeunes qui se croient de l’humour parce qu’elles n’ont ni raison ni suite dans les idées, mais, à la place, beaucoup de fumée de cigare sur la netteté de leur esprit. […] On s’étonnerait même qu’un homme animé d’un sentiment ou d’un ressentiment si personnel pût se traduire avec tant de verve et de mouvement et de vérité dans l’émotion sous des formes d’une imitation si complète, si on ne savait combien les habitudes de l’esprit sont impérieuses et enveloppantes. […] , plus turbulente que celle de La Bruyère, — le seul coloriste et le seul pittoresque pourtant, dans le sens moderne, que le xviie siècle ait produit, car Fénelon n’est qu’une bergerie et Bossuet ce n’est pas un reflet, mais un embrasement de la Bible et des Pères, — vous n’en trouverez pas d’autres le long de cette galerie de trente-six dévotes, dont les noms choisis : Pétronille, Scholastique, Dosithée, Gorgonie, Hilarione, etc., rappellent les noms, admirablement appropriés à ses types, du grand moraliste du xviie siècle : Gnaton, Cléophile, Acis, Ménalque, Onuphre, etc., etc., noms que le génie a touchés de son phosphore et qui sont à l’état de choses inextinguibles dans nos esprits ! Et pourtant il y en a une autre qui sera tout à l’heure la vraie voix d’Arthur de Gravillon, et dont ici il n’a donné qu’une note, quand, esprit poétique qui a tout vu de la poésie que ce type de dévotes cachait, il a fait sa spirituelle réserve : « On dit les dévotes comme on dit les champignons, et l’on ne songe souvent point que, parmi tous ces poisons, il y a d’excellents champignons et de vénérables dévotes », et qu’alors il nous a écrit cette délicieuse page attendrie sur la piété des femmes vraiment pieuses, pour nous prouver qu’il pourrait faire des portraits exquis et reposés de dévotes adorables, et que c’est là sa vocation En effet, la colère n’a duré qu’un moment, elle est évaporée maintenant dans cet Hogarth de colère ! […] Telle est ma réserve de chrétien ; mais s’il a l’âme chrétienne, a-t-il l’esprit chrétien comme nous, les catholiques, les inaccessibles aux idées du temps et les fidèles ?
Seulement, dans la loi expérimentale, il ne suffit pas, comme dans le théorème mathématique, de mettre la main chaque fois sur le bon coffret et de l’ouvrir ; on ne l’a pas sous la main, dans l’esprit : il faut sortir de l’esprit, aller le prendre où il est, c’est-à-dire dans la nature, l’en retirer à grand renfort d’expériences et d’inductions. […] Car on a vu que le nombre, la ligne, la surface, le solide, le mouvement, la vitesse, la force existent non seulement dans l’esprit, mais encore dans la nature ; c’est dans la nature que l’esprit les trouve, et c’est d’elle qu’il les extrait. […] Ainsi, du tracé et de l’ellipse provisoires, qui, étant trop simples, n’étaient qu’approximatifs, l’esprit passe peu à peu à l’ellipse et au tracé définitifs, qui, en se compliquant, deviennent exacts. […] Ici, Helmholtz semble croire que cette contrainte a pour cause dernière la structure de notre esprit. — Avec lui et avec Claude Bernard, nous reconnaissons en fait la contrainte ; mais nous ne pensons point qu’elle ait pour cause dernière la structure de notre esprit ; car nous avons déjà vu bien des nécessités de croire analogues. […] Enfin les signes qui les résument et les remplacent forment des idées générales et, par suite, des jugements généraux. — Tels sont les matériaux de notre esprit, et telle est la façon dont ils s’ajustent ensemble.
Complexe, mais on peut le voir un double esprit. […] Mais cela est peu important, car l’esprit souffle où il veut, et, quand il souffle sous la peau des grenouilles et les rend démesurées, c’est pour se distraire, car le monde est triste. […] La préface de ce roman décèle un esprit très hautain et très dédaigneux du public : le même esprit avec du talent et une nervosité plus aiguë, — vous avez Tristan Corbière. […] Et malgré et contre mes rechutes de chaque jour, je m’efforce, selon la parole de Jésus à la Samaritaine, à l’adoration en esprit et en vérité. » M. […] C’était un esprit doué de tous les dons et riche d’acquisitions importantes.
Bussy, [Roger de Rabutin, Comte de] de l’Académie Françoise, né à Epiri dans le Nivernois en 1618, mort à Autun en 1693 ; Bel-Esprit de la Cour de Louis XIV, & un des plus polis Ecrivains de son siecle ; nous ne disons pas des meilleurs, parce qu’avec de la vivacité dans l’esprit, de la facilité pour écrire, il a peu de littérature, trop de penchant à la satire, plus de finesse que de justesse dans le raisonnement, & sur-tout un ton de prétention qui dépare toutes ses bonnes qualités. […] L’Ouvrage dans lequel il fournit moins à la critique, est l’Instruction pour se conduire dans le monde, Instruction qu’il fit pour ses enfans, & où il annonce l’homme qui connoît le monde, un esprit qui fait penser sagement, un Philosophe qui apprécie à leur juste valeur les biens & les maux de la vie. […] Il rétracta, long-temps avant sa mort, les égaremens de sa jeunesse, & sur-tout ces Productions malignes & licencieuses, où l’esprit se pare des vices du cœur, comme dit M. le Duc de Nivernois.
L’esprit d’observation & la solidité du raisonnement égaloient dans elle les richesses du savoir. […] Par-là elle se seroit épargné le juste reproche qu’on lui a fait de n’avoir pas été aussi polie que M. de la Mothe, son adversaire ; ce qui fit dire, avec raison, que celui-ci écrivoit comme une femme galante pleine d’esprit, & Madame Dacier comme un Pédant de Collége. […] Les Auteurs qu’elle défendoit avec tant d’intrépidité, exigeoient un pareil tribut de la justesse de son esprit & de la bonté de son goût.
Si l’on avoit besoin d’exemple pour prouver qu’un esprit juste & un cœur droit ne peuvent long-temps persister dans l’erreur & l’impiété, celui de M. de Ramsay viendroit à l’appui de cette vérité. […] Les Esprits indépendans, qui s’agitent & se consument à tout éclaircir & à tout analyser, finissent ordinairement par une lassitude qui ne leur permet plus de se decider pour rien, ni sur rien. […] Ses Ouvrages prouvent trop en faveur de son esprit & de ses lumieres, pour que nos Philosophes, qui savent si bien travestir & les motifs & les démarches, puissent attribuer sa conversion à l’ignorance ou à la foiblesse.
Le Cardinal du Bois appeloit ses projets les Rêves d'un homme de bien, expression plaisante, qui peut être juste à certains égards ; mais ces Rêves supposent, dans celui qui étoit capable de les avoir, une grande étendue d’idées, l’esprit de combinaison dans les détails, & par-dessus tout un grand amour du bien public. […] Le plus connu de ses autres Ouvrages est celui qui a pour titre, Annales politiques de Louis XIV, où l’Auteur offre un tableau frappant des progrès de l’esprit chez notre Nation, pendant le regne de ce Monarque, & où M. de Voltaire. a puisé l’idée si mal remplie de son Siecle de Louis XIV, & le plan de son prétendu Essai sur l’Histoire générale. […] Ces qualités le distingueront toujours des Ouvrages prétendus philosophiques, qui fatiguent l’esprit par l’emphase du style, & tendent à dissoudre la Société par le danger des systêmes.
Dans le fait, l’esprit humain ne procède guère autrement. […] L’esprit humain se partage en diverses manières d’être. […] D’un coup d’œil, il est permis de suivre les progrès qui se sont faits dans l’esprit et le pinceau de M. […] Quant à la laideur, elle ne peut exister, en fait d’art, qu’à condition de n’être, sous un certain point de vue, qu’un masque diaphane sous lequel perce l’esprit, que cet esprit soit objectif ou subjectif, qu’il vienne du peintre ou du modèle. […] Champfleury plaira aux esprits droits et honnêtes.
Faisons quelque chose d’analogue dans le monde de l’esprit et de la société. […] Mais il y eut bien des inégalités nécessaires et des interruptions qui furent peu comprises des esprits prosaïques et soi-disant positifs. […] Ces honorables représentants ou héritiers du xviiie siècle ne soupçonnaient pas la grande révolution morale qui allait s’opérer dans les esprits des générations naissantes. […] Les notes que l’auteur y avait jointes, écrites en 1820, et dans un esprit de justification religieuse et monarchique, servaient à séparer l’Essai de ce qui a suivi plutôt qu’à l’y rattacher. […] Ces mots ne sont le plus souvent que de l’esprit, de la verve comique et mordante, mais qui ne se présente pas en ces endroits à l’état direct et simple.
Caractère et esprit : orgueil, rêve, ennui ; médiocrité des idées : puissance d’imaginer et de sentir. — 3. […] Il avait de l’esprit. […] Ils aident, si l’on veut, des tendances à se fixer, et donnent une impulsion vigoureuse aux esprits dans une voie déjà ouverte. […] Un préjugé créé par les philosophes faisait le christianisme barbare, absurde, ridicule ; il n’y avait que des petits esprits, des imbéciles pour y croire. […] On a imprimé en 1842 un recueil de ses Pensées et Correspondance : c’est d’un esprit fin, chercheur, de cet esprit qui empêche un homme de rien créer et qui souvent fatigue le lecteur, parfois aussi l’illumine.
* * * — Tous ces jours-ci, mélancolie vague, découragement, paresse, atonie du corps et de l’esprit. […] Ils n’ont changé de rien, ni de gilet, ni d’esprit, ni de maîtresse, ni de situation. […] Là-dedans, Monselet, Scholl, Audebrand, Busquet, le doux poète à lunettes et à manchettes bouillonnées, et des femmes en cheveux du quartier, et d’amusants déclassés comme ce Bourgogne, à la laideur d’un Mirabeau, avec une fièvre pétillante d’esprit dans les yeux, et qui vous dit : « Moi, je suis un plumitif, on ne me demande que de l’exactitude et de la paresse ! […] Donner les nouvelles sociales, la philosophie des aspects des salons et de la rue, — commencer par un premier article sur l’influence de la fille dans la société présente, — un second sur l’esprit contemporain et sur ce que le monde et même les jeunes filles ont emprunté à la blague et à l’esprit de l’atelier, — un troisième sur la bourse et la plus-value des charges d’agent de change, etc., etc. […] Il n’est plus un homme, mais un pur esprit, que rien, rien au monde, ne semble rattacher à l’humanité.
C’est le privilège de l’art que de ne rien démontrer, de ne rien « prouver », et cependant d’introduire dans nos esprits quelque chose d’irréfutable83. […] Le savant aura beau sourire des larmes du poète ; même dans l’esprit le plus froid, il y a une multitude d’échos prêts à s’éveiller, à se répondre ; une simple idée, venue par hasard, suffit à en appeler une infinité d’autres, qui se lèvent du fond de la conscience. […] Notre esprit vient se retremper dans la notion de l’infini, y prendre force et élan, comme les racines de l’arbre plongent toujours plus avant sous la terre, pour y puiser la sève qui étendra et élancera les branches dans l’air libre, sous le ciel profond. […] Le regard de la chair ne peut pas voir l’esprit ! […] Les esprits conducteurs des êtres Portent un signe sombre et doux.
La physiologie n’est pas pour lui une belle passion scientifique, levée tard, et qui doit mettre dans le couchant d’un grand esprit des lueurs d’aurore. […] Devait-il s’essuyer enfin de toute cette physiologie dans laquelle il avait l’esprit et les mains, et revenir à l’Histoire, cette grande Pureté ? […] L’ambition du Christianisme était de faire des âmes et des esprits. […] L’esprit humain peut s’agiter tant qu’il voudra, et battre du pied et s’ébrouer comme un cheval encastré dans l’entrepont d’un vaisseau, il ne peut pas plus sortir du Christianisme que, de l’entrepont du vaisseau qui remporte, la bête hennissante ! […] Cet ennemi du Christianisme, pour instituer sa société révolutionnaire a rabâché le Christianisme, dont il méconnaît l’esprit, la vie, la puissance immortelle.
Voltaire appelait la métaphysique le roman de l’esprit ; Voltaire avait raison. […] L’œil et l’esprit s’abîment d’admiration à la vue de ces marbres ; un groupe de Phidias détaché des bas-reliefs du Parthénon d’Athènes et transporté dans les musées de Londres par lord Elgin, ce missionnaire de l’art indignement calomnié, fait mesurer à l’esprit des distances incalculables entre la perfection de l’antiquité et la décadence des modernes. […] Après une matinée passée dans l’atelier de Canova, le Phidias vénitien, on visitait les ateliers de Thorwaldsen, le Michel-Ange du Nord ; on assistait à la création de toiles ou de fresques magiques sous le pinceau de dix écoles de peintres de toutes les nations, presque tous hommes d’un esprit de conversation transcendante (car le pinceau, je ne sais pourquoi, aiguise l’esprit plus qu’aucune autre profession artistique ; c’est peut-être parce que l’intelligence pense pendant que le pinceau, qui se promène de la toile à la palette, repose l’esprit et le rend plus dispos au doux exercice de l’entretien. […] Le peintre français Gérard l’avait déjà exécuté en homme d’esprit qu’il était. […] Quelle sérénité, quelle paix, quel apaisement des soucis de la vie, quelles images de félicité, d’amour, d’ivresse rêveuse, ne fait-il pas monter des sens à l’esprit !
L’art en apparence le plus ennemi de l’esprit scientifique, c’est la poésie : des objections particulières lui sont adressées. […] Sans le savoir, un pacifique joueur d’échecs obéit encore à l’esprit conquérant de ses ancêtres. […] Cependant elles finissent toujours, comme disait Pascal, par éclater « aux esprits ». […] Ces tentatives ont été généralement faites en dehors de tout esprit scientifique et sans méthode raisonnée. […] Hugo, comme Lebeau croyait parler celle de Virgile ; et en effet ils ont retrouvé la lettre, mais où est l’esprit ?
Un historien, homme d’étude et d’esprit, très curieux de recherches, et ennemi du lieu commun, ancien royaliste d’ailleurs, M. […] Ce qu’il avait surtout, et bien mieux que l’étude première et la discipline, c’était la source, le jet, l’esprit vif, ouvert, primesautier et perfectible, un tour particulier d’imagination, et c’est ce qui lui assure son originalité à côté des plus grands princes et capitaines qui ont bien parlé ou bien écrit. […] Henri a de l’esprit, de la gaieté et de la familiarité dans l’esprit ; il appelle l’ennemi le nouveau marié, le beau danseur, toutes choses qui supposent le sourire sous la moustache déjà grisonnante. […] C’est assez, et il ne faut pas attacher des commentaires trop longs à cet esprit si rapide et tout de rencontre. […] Jung est de trop appliquer la méthode de Quintilien à Henri IV, de lui vouloir prendre la mesure comme à un ancien, de trop diviser et subdiviser son esprit, sa manière de penser et de dire, de séparer dans des compartiments divers ce qui n’a jamais fait qu’un, et ce qu’il vaudrait mieux accepter sous sa forme naturelle ; en un mot, de trop vouloir traiter comme un livre ce qui est un homme.
Cet esprit si orné, cet éditeur classique de Boileau, n’avait que du dédain pour l’Académie française, telle que M. […] Gozlan est un homme d’esprit dans la force du terme ; il a d’heureux mots, comme on en cite d’autrefois : il a des fantaisies qui réussissent à la scène, des nouvelles dont l’idée est piquante. […] Il a reçu un esprit distingué, délicat, tout fait, un esprit héréditaire. […] N’y mettons ni esprit de parti ni préjugés d’aucune sorte. Dans la chaire, on cite pour leur talent et pour leur succès quelques Pères jésuites ; mais ceux-là, l’esprit de leur institut leur défend de songer à l’Académie : le grand Bourdaloue n’en a pas été. — Je cherche parmi les autres prédicateurs en renom.
Je l’ai entendu de mes oreilles : tant ce ministre, d’ailleurs excellent homme, mais archi-monarchique d’esprit et d’affiche, tenait mordicus pour ce qu’il croyait de l’honneur de Louis XV ! Ces sortes de pièces, en effet, qui n’ont ni montre ni bouffissure, et qui sont l’envers de tout faste, ne sont pas faites pour les esprits de la nature de M. de Salvandy, mais tout au plus pour les observateurs de l’étoffe de Montaigne : deux races bien opposées ! […] Le premier, Vallot (1652-1671), est savant, droit, honnête, un peu antique ; le second, d’Aquin (1672-1693), est courtisan, hautain, avide, d’une véracité suspecte ; le troisième, Fagon, est excellent, habile, discret, spirituel : il faut qu’un premier médecin soit homme d’esprit. […] Il a infiniment de l’esprit et très-agréable. […] Ce qui aide à persuader de la délicatesse de son esprit, c’est qu’il n’a jamais donné son cœur qu’à des personnes qui en eussent infiniment.
Magnin, va plus loin : dans ses ingénieuses recherches sur les origines du Théâtre moderne, il tendrait à admettre qu’il y a eu aussi peu d’interruption que possible dans l’exercice de cette faculté dramatique qui est inhérente à l’esprit humain, et il en recueille partout des vestiges. […] Il y a eu incontestablement en ces siècles reculés une première époque assez simple et sévère, fervente, se suffisant à elle-même, et dont on peut retrouver à certain degré le sentiment, l’esprit d’édification et d’adoration, en se replaçant par la pensée en présence de cette liturgie vivante, à distance respectueuse de l’autel, au vrai point de vue des fidèles d’alors et des célébrants. C’est le point de vue le plus opposé, sans doute, à l’esprit de la Renaissance des xve et xvie siècles, à cet esprit à demi païen, à demi moderne, qui renouvelait l’alliance avec l’antiquité, pour partir de là d’un pied ferme et reconquérir le monde. Mais la première condition de l’esprit critique bien entendu est (sans cependant tout niveler dans son estime) de reprendre, chaque grand fleuve à sa source, chaque grande production et végétation humaine à sa racine, et de la suivre dans son vrai sens et comme de droit fil pour la bien posséder tout entière et être ensuite à même d’en juger tout à fait pertinemment, par comparaison avec d’autres, et en pleine connaissance de cause. […] Cela complète la série des faits humains, sans que le trésor de l’esprit humain en soit augmenté.
Fénelon et Addison, deux esprits polis et doux, de la même famille littéraire, ont loué ce passage de Térence comme d’une beauté et d’un naturel inimitables. […] Ne rencontrerai-je pas une âme, pas un curieux qui me suive, qui me persécute et m’obsède de questions, pourquoi je suis gai, pourquoi je bondis, où je vais, d’où je viens, où j’ai pris cet habit (il est encore déguisé), ce que je cherche, si je suis sain d’esprit ou fou ? […] As-tu perdu l’esprit ? […] Térence est la joie et les délices des esprits délicats et justes, qui n’aiment pas le fou rire, qui aiment un rire modéré qui aille avec les pleurs et qui ne dépare pas le sourire. […] Ce ne sont pas des jeux d’esprit que je me permets : chaque écrivain ou poète classique a sa qualité distinctive et singulière, sa vertu à lui, souveraine, et qui est faite pour guérir du défaut littéraire opposé.
La véritable éducation, celle du monde et des affaires, commença alors pour ce droit et judicieux esprit : « C’était, nous dit-il, un bienfait inappréciable pour moi que cette vie intérieure (l’intimité du comte de Merle), toute différente de celle que j’avais menée auparavant. […] J’y trouvai toute la Correspondance de Colbert ; je fis l’extrait de tous ses règlements, auxquels tant d’autres ont été si inutilement ajoutés, car ce grand ministre est le premier et le seul qui ait laissé dans tout ce qu’il a fait l’empreinte d’un esprit aussi juste qu’étendu : aucun de ses successeurs n’a pu le remplacer. […] Il est permis, d’après son récit même, de conjecturer que cet esprit juste et modéré, ce caractère honnête et droit de Malouet, n’étaient pourtant pas toujours accompagnés d’une adresse pratique et d’une insinuation suffisantes ; que la modération même de ses vues et les raisons combinées qu’il y introduisait n’étaient propres à réussir qu’à demi auprès d’esprits entiers, prévenus en faveur d’idées absolues, ou intéressés à des systèmes contraires. […] Ses services administratifs durant cette mission complexe et si bien comprise, il est donné à tous les esprits sérieux de les apprécier dans la collection de ses mémoires et rapports spéciaux, imprimés dans le temps même ou publiés depuis sous le Consulat. […] Esprit cultivé comme il l’était, il trouvait à exercer ses goûts avec agrément et dignité.