/ 1980
426. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Perroneau » p. 172

L’épaule est prise si juste qu’on la voit toute nue à travers le vêtement, et ce vêtement est à tromper : c’est l’étoffe même pour la couleur, la lumière, les plis et le reste ; et la gorge, il est impossible de la faire mieux : c’est comme nous la voyons aux honnêtes femmes, ni trop cachée, ni trop montrée, placée à merveille, et peinte, il faut voir.

427. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux » pp. 71-72

Nous y retrouvons la chair des hommes, et nous reconnoissons dans ses païsages les differens effets de la lumiere et la couleur naturelle de tous les objets.

428. (1902) La poésie nouvelle

Il y a quelque chose de désagréablement systématique dans cette manière sordide de peindre et d’accumuler, avec les vilaines couleurs, les odeurs infâmes et toutes turpitudes, jusqu’à la nausée. […] Et lui-même, Rimbaud, n’en plaisante-t-il pas, quand il écrit, un peu plus tard : « Histoire d’une, de mes folies… J’inventai la couleur des voyelles ! […] Il est né au bord d’une mer « dont la couleur passe en douceur le saphir oriental des lys y poussent dans le sable », et il ne cesse d’entendre « le tremblement de la mer natale ». […] Oui, c’est au sang latin la couleur la plus belle,‌ Les plus riches moissons sont toujours à Cybèle.‌ […] A cette fadeur, Verhaeren opposa toute la truculence de son génie…‌ Certains tableaux des Flamandes sont d’une éclatante couleur.

429. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gineste, Raoul (1849-1914) »

Dans l’une, le poète a concentré sa rêverie : là, dans quelques échappées de philosophie mélancolique et résignée, apparaît peut-être mieux qu’ailleurs « la couleur de son âme ».

430. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lafargue, Marc (1876-1927) »

Yves Berthou Ses vers sont à la fois pleins de couleur et d’émotion.

431. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 363-365

Il a cultivé différentes branches de la Littérature ; & ses Productions, soit didactiques, soit historiques, soit morales, annoncent en général l’homme instruit, l’observateur éclairé qui connoît les hommes, & sait peindre les vices & les vertus avec les couleurs qui leur sont propres ; mais trop de diffusion, quelquefois de la sécheresse, & assez souvent un ton peu naturel, défigurent son style, & l’excluent du nombre des bons Ecrivains.

432. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — La Grenée » p. 97

Le reste, c’est de la couleur, de la toile et du temps perdus.

433. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Il n’y manque que peu de choses : la couleur et la vie. Mais la couleur, c’est de bien mauvais goût ; et les livres vivants, vous savez, le grand public n’en veut pas : il trouve que ça fait peur.

434. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Ainsi que le peintre imite les traits et les couleurs de la nature, de même le musicien imite les tons, les accens, les soupirs, les infléxions de voix, enfin tous ces sons, à l’aide desquels la nature même exprime ses sentimens et ses passions. […] C’est ainsi que la peinture fait ses imitations par le secours du trait, du clair-obscur et des couleurs locales.

435. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Je ne saurais pas qui elle est, l’auteur de Robert Emmet, et elle n’aimerait que Villemain, je ne serais pas bien sûr qu’elle fût une femme, car Villemain a le pédantisme sec que les femmes doivent détester, — il est vrai que celle-ci est de race doctrinaire, — mais l’amour de Sainte-Beuve m’aurait fait reconnaître la femme si, malgré la faiblesse du livre et ce bariolage d’opinions avec lesquelles les femmes font un livre comme elles font des tapis avec des petits morceaux d’étoffes de diverses couleurs, j’avais pu, une minute, en douter ! […] On ne soulèvera pas ce domino couleur de muraille pour voir ce qu’il y a dessous.

436. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Elle n’est d’aucune couleur, si ce n’est de la couleur de la lumière.

437. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Nous sortons des Œuvres inédites pour entrer dans la Correspondance, qui est le fond réel et sérieux de cette publication, et nous n’avons plus devant nous que le Tocqueville connu, et qui n’est pas couleur de rose, le Montesquieu du xixe  siècle pour la vieillesse de Royer-Collard, devenue indulgente ; car c’est un singulier Montesquieu, il faut le reconnaître, qu’un Montesquieu fluide et pâlot, sans épigrammes et sans facettes ! […] Et puisque ces écrits répondent, avec le calme qui est en eux, à cette lubie d’être un passionné qui le reprenait après l’avoir lâché un instant, pourquoi donc avoir voulu produire ces deux Tocqueville inconnus, — le Tocqueville de feu et le Tocqueville couleur de rose, — quand avec celui que nous connaissons il est impossible de les admettre et même de les supposer !

438. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Que si on tient absolument à fourrer de la couleur locale partout, comme les femmes fourrent des épingles, je dirai qu’il peut y avoir de la neige dans les œuvres de ce Suédois, mais que je n’y ai jamais vu briller les arcs-en-ciel qui parfois étincellent, comme une pluie d’escarboucles, sur les glaçons de son pays. […] Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne.

439. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Talent de teintes spirituelles, tempérament calme, cœur sensible, rempli jusqu’aux bords de son frère, il n’est pas simplement Musset par le nom : il l’est encore par la goutte détiédie du sang d’Alfred qui passe dans son cœur, — pour le faire, il est vrai, moins battre, et qui teint son esprit, quoique ce ne soit pas de la même couleur éclatante. […] A l’âge où Byron écrivait ses Heures de Loisir, si justement sifflées par la Revue d’Edimbourg, Alfred de Musset débutait par les Contes d’Espagne et d’Italie, d’une couleur inconnue et immortelle, qui étonna le Romantisme, lequel pourtant ne s’étonnait de rien !

440. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Quelle couleur allait à sa figure ? […] N’ouvrez pas votre aile aux gloires défendues, De tous les lointains juge-t-on la couleur ?

441. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Seulement de cette vie goûtée il est résulté dans son imagination assombrie ce bistre si souvent sinistre qui se mêle à ses couleurs les plus fraîches et les plus brillantes. […] Joséphin Soulary, qui a le riant des teintes, comme on vient de le voir, est bien plus profondément lui-même, quand il est grave, fort et poignant dans sa couleur âprement foncée, ainsi qu’on peut le voir dans ses Métaux, par exemple, ou dans son Hydre aux sept têtes, lesquelles ne sont rien moins que les sept péchés capitaux.

442. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Ce qu’il y a de commun entre eux, c’est la force, — la force, bien plus que la couleur. — Barbier et Barthélemy sont supérieurs comme coloristes. […] Mais sous leur couleur, Barbier et Barthélemy sont nerveux et musclés comme les Esclaves de Michel-Ange.

443. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Mais il la rend toute, c’est-à-dire non pas seulement l’idée pure, l’élément intelligible, mais tous les éléments sensibles qui l’enveloppent, lui donnent corps et couleur, émotions du cœur, formes de l’imagination, et jusqu’aux plus délicates vibrations de la personnalité intime. […] Mais souvent l’imagination est exubérante ; le style, d’une vigueur tendue et d’une couleur chargée, va jusqu’au mauvais goût et aux trivialités répugnantes ; la science, de fraîche date, s’étale, subtile ou pédante, théologique ou profane ; il y a trop de citations plaquées, trop de raisonnements en forme, un mélange de sèche logique et de grande rhétorique. […] Quand il arrive à Paris, il est maître de son talent et de sa forma : cependant dans cette suite de chefs-d’œuvre qu’il accumule pendant onze ans, on peut distinguer deux manières : les sermons des premières années sont plus voisins des sermons de Metz, par la vigueur de l’appareil logique, par la chaude couleur du style. […] Son imagination, toute pleine d’images et de visions bibliques, pleine aussi de toutes les formes, de toutes les impressions de la réalité prochaine et vivante, répand une couleur pittoresque sur le dessin de l’argumentation. […] Ces portraits ne sont point abstraits précisément, mais purement moraux et psychiques, absolument dépourvus de couleur et d’éléments sensibles.

444. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Vouloir refaire la montagne serait insensé ; l’imiter en petit, comme les Chinois, est une absurdité puérile ; la dessiner, la peindre pour elle-même, pour en retracer exactement les formes, les proportions, les couleurs, c’est de l’habileté graphique, ce n’est pas de l’art. […] La poésie est cette aile mystérieuse qui plane à volonté dans le monde entier de l’âme, dans cette sphère infinie dont une partie est couleurs, une autre sons, une autre mouvements, une autre jugements, etc., mais qui toutes vibrent en même temps suivant certaines lois, en sorte qu’une vibration dans une région se communique à une autre région, et que le privilège de l’art est de sentir et d’exprimer ces rapports, profondément cachés dans l’unité même de la vie. […] Laissez donc de côté, pour un moment, toute cette couleur de Christianisme qui est comme le fard dont une femme malade voilerait sa pâleur ; entrez dans le fond de leur pensée, et voyez ce qu’ils sont. […] Sa poésie est comme l’univers, dont Pascal a dit : Centre partout, circonférence nulle part ; la vie, qui pour Lamartine est un tout, une unité, un océan, paraît dans Victor Hugo comme la lumière qui inonde tous les corps, mais qui, tout en les éclairant, en les baignant de ses flots, disparaît elle-même devant eux, et ne se manifeste qu’en dessinant leurs contours et en peignant leurs couleurs. […] Il en peindra hardiment toutes les misères, et les couleurs ne lui paraîtront jamais trop fortes, les lignes trop arrêtées.

445. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Foulon de Vaulx, André (1873-1951) »

Il s’est fait, pour parler ainsi et pour user d’une expression du moyen âge, un joli chapel de fleurs, composé des mêmes guirlandes et où brillent les mêmes couleurs.

446. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Bug-Jargal » (1826-1832) — Préface de 1826 »

Ces documents lui ont été singulièrement utiles pour rectifier ce que le récit du capitaine d’Auverney présentait d’incomplet sous le rapport de la couleur locale, et d’incertain relativement à la vérité historique.

447. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Napoléon voulait la même couleur, mais dans l’île ne se trouvait pas de pièce de ce drap ; on trouva bien un drap vert, mais d’une couleur fausse et tirant sur le jaune. Le maître du monde ne pouvait obtenir la couleur qu’il désirait ; il ne resta qu’un moyen, ce fut de faire retourner le vieil uniforme et de le porter ainsi. — Que dites-vous de cela ? […] Napoléon nous donne un exemple des dangers qu’il y a à s’élever à l’absolu et à tout sacrifier à l’exécution d’une idée. » Après dîner, Goethe, parlant de la théorie des couleurs, a exprimé des doutes sur la possibilité de frayer un chemin à sa doctrine si simple. […] C’est vrai : je ne vois plus chez nous ni Français, ni Italiens, mais, à leur place, je vois des Cosaques, des Baschkirs, des Croates, des Magyares, des Tartares et des Samoyèdes ; des hussards de toutes les couleurs. […] Ses traits étaient bouleversés, son teint couleur de cendre ; ses yeux, livides et enfoncés dans l’orbite, avaient perdu tout éclat ; son corps, froid comme une glace, dégouttait de sueur ; sa soif était ardente ; quelques mots péniblement articulés firent comprendre qu’il craignait une hémorragie pulmonaire. — Son médecin, par des soins énergiques et prompts, fit disparaître en une heure et demie ces symptômes.

448. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Prenons un exemple : soient A et B deux phénomènes externes : la couleur et le goût d’un fruit ; — soient a et b les sensations visuelle et gustative produites dans l’organisme par ce fruit : tant que nous n’examinons que le rapport À B, nous faisons une étude physique ; tant que nous n’examinons que le rapport a b, nous faisons une étude de physiologie, « Mais nous passons dans le domaine de la psychologie dès que nous cherchons comment il peut exister dans l’organisme un rapport entre a et b qui d’une manière ou de l’autre répond au rapport entre A et B. […] Dans l’évolution de la faculté visuelle, par exemple, il se produit une aptitude toujours croissante à distinguer les diverses intensités des couleurs, les teintes intermédiaires, les teintes de lumière et d’ombre. […] L’œil saisit non-seulement la couleur, la grandeur et la forme, mais la distance dans l’espace, le mouvement, son espèce, sa direction, sa rapidité. « Tel est le cas du minéralogiste qui, pour reconnaître si une masse de matière peut être appropriée à un certain usage, en examine le mode de cristallisation, la couleur, la texture, la dureté, le clivage, la fracture, le degré de transparence, l’éclat, le poids spécifique, le goût, l’odeur, la fusibilité, les propriétés électriques et magnétiques, et dirige sa conduite d’après toutes ces choses prises ensemble. » La correspondance entre l’être et son milieu s’est donc constituée pleinement par des conquêtes successives ; il ne reste plus qu’à coordonner ces divers éléments. […] « Se rappeler la couleur rouge, c’est être à un faible degré dans cet état psychique que la présentation de la couleur rouge produit.

449. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

 » Les nominalistes répondent que la conception d’un triangle suppose une certaine détermination de l’espace, que cette détermination consiste en lignes, que ces lignes supposent des mouvements ou des couleurs, et que ce qui reste finalement dans l’esprit, c’est une représentation plus ou moins vague des états de conscience correspondant soit au mouvement, soit à la vue des lignes colorées. Un concept relatif à des objets de perception, comme le cheval, l’homme, la couleur, le triangle, etc., ne peut être formé lui-même que de perceptions ; le total, ici, ne peut différer en nature de ses parties ; il est plus vague, mais il est toujours une représentation, une image, fut-ce à l’état naissant. […] Quand nous avons vu successivement un grand nombre de fois le bleu, le vert, le rouge, etc., il y a en nous tendance à nous mouvoir d’une représentation à l’autre, il y a mouvement intérieur d’oscillation d’une couleur aux autres. De même, il y a tendance à passer du nom d’une couleur particulière au nom des autres. […] Je vois sur ma cheminée un disque couleur orangé ayant des rugosités ; d’après la disposition des ombres j’induis que c’est une sphère, que cette sphère a un coté que je ne vois pas, qu’elle est une orange, que cette orange a une écorce amère, un intérieur d’une acidité agréable, etc.

450. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

La ville était bâtie en pierre rose, qui la faisait paraître couleur de chair, et cette pierre est remplacée, à l’heure présente, par de la brique et de la tuile de Marseille d’une horrible couleur rouge de Saturne, rouge vilainement orangé. […] À ma demande, s’il travaille, il hésite d’abord, puis me dit que oui, qu’il travaille au lit, les longues heures qu’il ne dort pas, ajoutant bientôt que malheureusement, le matin, les mots à couleur, les sonorités qu’il a trouvées, — ce sont ses expressions, — c’est délavé, éteint. […] Vendredi 18 avril En ce temps tout pratique, un groupe de Français intelligents devrait afficher ce programme aux prochaines élections : « Nous nous foutons de la Légitimité, de l’Orléanisme, de l’Impérialisme, de la République opportuniste, radicale, socialiste ; — ce que nous demandons, c’est un gouvernement de n’importe quelle couleur au rabais : le gouvernement qui s’engagerait dans une soumission cachetée, à gouverner la France au plus bas prix. » Dimanche 20 avril Montegut, le peintre passionné de musique, est allé, avec une bande de dilettantes, exécuter du Wagner dans la forêt de Fontainebleau, la nuit, sur des partitions éclairées par des bougies, tenues par les jeunes et jolies filles de Risler, et c’est un plaisir de l’entendre parler du velours de la musique, en plein air, sous des sapins. […] Samedi 13 septembre Du coin de mon cabinet de travail, pendant que j’écris, j’ai devant moi, sur la porte de mon cabinet de toilette et dans la pénombre, une courtisane d’Hokousaï sous une robe semée de grues volantes, et par cette porte entr’ouverte, tout au fond de ma chambre à coucher, un meuble en laque aux faucons argentés, et au-dessus un grand vase céladon, aux reliefs blanc et or, se détachant d’une tapisserie crème, représentant une bergerie du xviiie  siècle : un trou lumineux tout plein de couleurs et de clartés charmeresses. […] Un ciel comme teinté du rose d’un incendie lointain, des arbres ressemblant à d’immenses feuilles de polypiers violets, une glace mate, de couleur neutre, sans brillant.

451. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Delphine est certainement un livre plein de puissance, de passion, de détails éloquents ; mais l’ensemble laisse beaucoup à désirer, et, chemin faisant, l’impression du lecteur est souvent déconcertée et confuse : les livres, au contraire, qui sont exécutés fidèlement selon leur propre pensée, et dont la lecture compose dans l’esprit comme un tableau continu qui s’achève jusqu’au dernier trait, sans que le crayon se brise ou que les couleurs se brouillent, ces livres, quelle que soit leur dimension, ont une valeur d’art supérieur, car ils sont en eux-mêmes complets. […] Un peu après, quand Gustave, passant durant la nuit près de la chambre de Valérie, chastement sommeillante, ne peut résister au désir de la regarder encore une fois, et qu’il l’entend murmurer en songe les mots de Gustave et de mort, c’est là un songe officiel de roman, c’est de la fable sentimentale toute pure, couleur de 1803. […] Le style de Valérie a, comme les scènes mêmes qu’il retrace, quelques fausses couleurs de la mode sentimentale du temps : je ne saurais aimer que le Comte envoie, pour le tombeau de son fils, une belle table de marbre de Carrare, rose (dit-il) comme la jeunesse, et veinée de noir comme la vie. […] Un grand poëte, le Tasse, sujet à l’illusion comme Mme de Krüdner et idéalement touchant comme elle, dut, ce me semble, offrir à sa pensée, dans le tableau qu’elle essaya, quelques tons de la même harmonie, et je me figure que cette Othilde pouvait être écrite et conçue dans la couleur de Clorinde baptisée.

452. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Ce petit monde de convention, qu’on trouverait bien fade maintenant, nous charmait par ses couleurs pastorales, tellement que quelques années après je fis un pèlerinage à la maison de Gesner dans une pittoresque vallée de Zurich, comme j’en fis un aux Charmettes de J. […] Estend ses brasselets ; s’espand sur lui le somme ; Se clost son œil ; plus ne bouge… il s’endort… N’estoit ce tayn floury des couleurs de la pomme, Ne le diriez dans les bras de la mort…. […] Quel feu secret de fécondes chasleurs Va pénétrant sillons, arbres, pascages, Et, mesme entour des tristes marescages, Quel charme espand ces vivaces couleurs ! […] Mais ces légères additions ne font que confirmer par leur couleur l’irrécusable authenticité du reste.

453. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Y a-t-il autre chose dans le romantisme que la mélancolie de René et l’amour de ce qu’on appellait en 1880 la couleur locale, c’est-à-dire le sens de l’histoire avivé par la passion des belles lignes et des belles couleurs ? […] Sauf de rares exceptions, les épithètes appartiennent à l’ordre physique, rappellent des sensations, expriment des contours et des couleurs. […] Etre convaincu que toute émotion est vaine ou malfaisante, sinon celle qui procède de l’idée de la beauté extérieure ; regarder et traduire de préférence les formes de la Nature inconsciente ou l’aspect matériel des mœurs et des civilisations ; faire parler les passions des hommes d’autrefois en leur prêtant le langage qu’elles ont dû avoir et sans jamais y mettre, comme fait le poète tragique, une part de son cœur, si bien que leurs discours gardent quelque chose de lointain et que le fond nous en reste étranger ; considérer le monde comme un déroulement de tableaux vivants ; se désintéresser de ce qui peut être dessous et en même temps, ironie singulière, s’attacher (toujours par le dehors) aux drames provoqués par les diverses explications de ce « dessous » mystérieux ; n’extraire de la « nuance » des phénomènes que la beauté qui résulte du jeu des forces et de la combinaison des lignes et des couleurs ; planer au-dessus de tout cela comme un dieu à qui cela est égal et qui connaît le néant du monde : savez-vous bien que cela n’est point dépourvu d’intérêt, que l’effort en est sublime, que cet orgueil est bien d’un homme, qu’on le comprend et qu’on s’y associe ?

454. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Et par-dessus et au-delà du parapet, un paysage à la Ciceri, un ciel couleur de mine de plomb, les toits de zing bleuâtres, les dévalements jaunes de terrains, les grandes pierres aux larges arêtes semées avec les caprices de leurs angles, les maisons blanches du premier plan s’enlevant sur la cantonade violacée du fond, — le paysage grisâtre du climat parisien. […] Ce sera l’Histoire même, et ses grandes scènes et ses hauts faits figés, immortalisés à la fois dans la forme et dans la couleur. […] Une bouche sans couleur et sans lèvres. […] Dans la grande allée où, seules, les ornières ne sont pas couvertes de feuilles, des coups de jour entrant par les trouées du feuillage et la balayant de lumière, et l’extrémité de l’allée, toute légère, toute claire, toute transparente, toute septentrionalement lumineuse, et apparaissant dans la couleur locale idéalisée d’une apothéose de l’automne.

455. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Il a, en somme, une couleur à lui, une saveur sui generis ; n’eût-il que le charme de la volonté, c’est déjà beaucoup !

456. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lacroix, Jules (1809-1887) »

Anonyme S’il manque de souplesse et de couleur, il possède, par contre, de réelles qualités d’énergie.

457. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

Le désir du mieux, quand il ne mène pas tout simplement au bien, n’est que la tentation de se laisser aller à ce que les peintres appellent empâter les couleurs, ce qui est proprement charger de fard un visage où l’on n’a pas su mettre la vie.

458. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Différent d’opinion avec elle sur un point délicat qui touche à la réputation de l’antique Lesbienne, il s’exprime avec une politesse et une galanterie inusitées chez les commentateurs : « Mlle Le Fèvre, dit-il, a eu sans doute ses raisons pour n’être pas de ce sentiment, et il faut avouer qu’elle a donné au sien toute la couleur qu’il était possible de lui donner. » Enfin, de même que deux jeunes cœurs se font des signes d’une fenêtre à l’autre ou à travers le feuillage des charmilles, Mlle Le Fèvre et M.  […] Et, dans une comparaison spirituelle, elle suppose qu’Hélène, cette beauté sans pareille chez Homère, est morte en Égypte, qu’elle y a été embaumée avec tout l’art des Égyptiens, que son corps a été conservé jusqu’à notre temps et nous est apporté en France ; ce n’est qu’une momie sans doute : On n’y verra pas ces yeux, pleins de feu, ce teint animé des couleurs les plus naturelles et les plus vives, cette grâce, ce charme qui faisait naître tant d’amour et qui se faisait sentir aux glaces mêmes de la vieillesse ; mais on y reconnaîtra encore la justesse et la beauté de ses traits, on y démêlera la grandeur de ses yeux, la petitesse de sa bouche, l’arc de ses beaux sourcils, et l’on y découvrira sa taille noble et majestueuse… C’est en ces termes véridiques et modestes que Mme Dacier annonçait sa traduction, et elle n’a rien dit de trop à son avantage. […] J’aime, au reste, à marier ces productions, par quelque côté parentes, bien plutôt qu’à les opposer : la Bible de Royaumont, le Télémaque, Rollin, l’Homère de Mme Dacier, me paraissent aller bien ensemble pour la couleur.

459. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Elle regrettait sa Sophie durant la promenade délicieuse, et les lettres suivantes redoublaient cette teinte du sentiment, grand mot d’alors, couleur régnante durant la dernière moitié du dix-huitième siècle. […] Dans ces pages que les yeux contemporains, atteints du même mal et épris de la même couleur jaunissante, admirent comme également belles, et qu’une sorte d’unanimité complaisante proclame, le temps, d’une aile humide, flétrit vite ce qui doit passer, et laisse, au plein milieu des objets décrits, de grandes plaques injurieuses qui font mieux ressortir l’inaltérable du petit nombre des couleurs légitimes et respectées.

460. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Ses chefs-d’œuvre sont les Satires d’où l’abstraction et le raisonnement sont éliminés, et qui sont purement et simplement des images de la vie, qui en décomposent et fixent le mouvement : c’est cette pièce du Fâcheux, où il a surpassé Horace par la richesse de l’observation morale ; c’est cc Repas ridicule, dont Boileau n’a pu, tant s’en faut, égaler la chaude couleur et la verve comique ; c’est cette Macette, l’hypocrite vieille, que Tartufe ne fait point pâlir. […] Il est de la famille de Molière et de Regnard, par la franchise de son vers, par la couleur, la plénitude, la largeur qu’il sait lui donner. […] Deux œuvres mettent alors en lumière l’avortement du genre historique : d’abord l’admirable corps d’Histoires du président de Thou259, si exact, si informé, si impartial, et qui, écrivant en latin avec les mots et la couleur de Tite-Live, n’arrive qu’à faire un pastiche ; en second lieu la célèbre Histoire Romaine de M. 

461. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

L’art poursuit deux buts distincts : il cherche à produire, d’une part, des sensations agréables (sensations de couleur, de son, etc.), d’autre part, des phénomènes d’induction psychologique aboutissant à des idées et à des sentiments de nature plus complexe (sympathie pour les personnages représentés, intérêt, pitié, indignation, etc.), en un mot, tous les sentiments sociaux. […] Le monde de l’art est toujours de couleur plus éclatante que celui de la vie : l’or et l’écarlate y dominent avec les images senglantes ou, au contraire, amollissantes, extraordinairement douces. Supposez un univers fabriqué par des papillons, il ne sera peuplé que par des objets de couleur vive, il ne sera éclairé que par des rayons orangés ou rouges ; ainsi font les poètes.

462. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Il est resté le caméléon singulier qui prend toutes nos couleurs et nous les renvoie, mais qui a parfois l’heureux privilège de les concentrer, de les épurer, de les faire plus belles, en nous les renvoyant ! […] Elle en a la couleur, elle en a l’organisme de la phrase si svelte et si souple ; le tour, l’harmonie, la chute heureuse, la résonnance du dernier mot. […] Dans une couleur plus sombre et plus terrestre, il y a un Pauvre garçon qui commence, net, cru et observé comme un conte de Crabbe, — qui se transforme et s’illumine dès que l’Évangile entre dans le grenier du scrofuleux, — puis finit brusquement dans une beauté vraiment tragique.

463. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Dès vingt-huit· ans, il écrivait à un ami : « La vie que je mène est un drame si ennuyeux que je prétends toujours que c’est Mercier qui l’a fait. » Cet homme, le dandy de ce temps frivole, qui portait des habits fleur de pêcher et de la poudre de la couleur des cheveux de la Reine, regrettait de ne s’être pas fait homme des champs. […] Un détail piquant que j’en veux citer, c’est que le bel et éblouissant Rivarol, — ce lettré mondain et plus que mondain, dont la fatuité heureusement avait assez d’esprit pour faire une peur blême aux imbéciles, qui sans cette peur se seraient peut-être moqués d’elle, — c’est que l’homme enfin de l’habit rouge du Comte d’Artois et de la poudre, comme le Prince de Ligne, de la couleur des cheveux d’or de la Reine, avait été un instant l’abbé, le petit et modeste abbé Rivarol. […] Et alors il est beau, comme le Romulus nu de David dans Les Sabines, de la seule beauté de la pensée… De tous les Rivarols qui faisaient de Rivarol une gerbe de tant de couleurs différentes, c’est ce Rivarol-là que M. de Lescure a plus spécialement voulu nous faire admirer dans son édition, manifestement plus historique que littéraire· C’est le Rivarol très mâle au fond, sous son luxe de Sardanapale, qu’il savait grandement brûler comme Sardanapale brûle le sien, non pas quand il fallait mourir, mais quand il s’agissait d’écrire l’histoire.

464. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Si notre Montaigne croyait la reconnaître dans la chanson du cannibale Iroquois célébrant une couleuvre, dont il voudrait dérober les vives couleurs pour en parer le collier de sa maîtresse, si ce chant barbare semble au philosophe français tout anacréontique, même passion, même fantaisie ne dut-elle pas cent fois se produire dans les épreuves de la vie du moyen âge ? […] Lors même que Dante les imitera et prendra, comme eux, les couleurs de sa Dame, on sentira que c’est une autre voix ; et le titre de son premier écrit célèbre, Vita nuova, n’est pas moins le signe d’un art nouveau que la révélation d’une âme transformée par l’amour. […] À chaque côté m’apparaissait je ne sais quoi de blanc ; et de là sortaient peu à peu d’autres couleurs.

465. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

D’abord, bien que la couleur politique, à proprement parler, ne soit pas celle qui domine dans le volume, Béranger, en quatre ou cinq places mémorables, a fermement marqué sa pensée, sa sympathie et ses pressentiments prophétiques dans le duel qui se continue ; par son éloge de Manuel, par son Conseil aux Belges. par la Restauration de la Chanson, et surtout par sa Prédiction de Nostradamus, il a fait acte de présence dans les rangs de la pure démocratie ; il a d’avance (bien qu’à une date inconnue) signé de son nom imposant les registres de la Constitution future. […] La variété, la couleur et l’émotion y circulent comme dans ses autres produits des saisons antérieures et des régions plus embrasées.

466. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

On entrevoyait à peine ce que deviendrait chez le poëte cette inspiration personnelle élevée à la suprême poésie, en lisant la pièce intitulée Promenade, qui est contemporaine des Ballades, et la Pluie d’été, qui est contemporaine des Orientales ; le sentiment en effet, dans ces deux morceaux, est trop léger pour qu’on en juge, et il ne sert que de prétexte à la couleur. […] Victor Hugo a su dès longtemps la contraindre ; jamais toutes les ressources et les couleurs de l’artiste n’avaient été à ce point assorties.

467. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Si le saint-simonisme s’était maintenu plus longtemps à cet état vague de petite église, si le jeune Bucheille lui-même avait plus vécu, il est possible qu’il eût essayé d’en consacrer l’esprit et la couleur. […] En ouvrant le tome V des Contes de toutes les couleurs, je tombe sur Cyprien, fragment philosophique de Jules Sand12, ce nom de Sand m’ayant tout d’abord alléché.

468. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

L’invention des faits surnaturels a son terme ; ce sont des combinaisons très bornées, et peu susceptibles de cette progression qui appartient à toutes les vérités morales, de quelque genre qu’elles soient : lorsque les poètes s’attachent à revêtir des couleurs de l’imagination les pensées philosophiques et les sentiments passionnés, ils entrent en quelque manière dans cette route où les hommes éclairés avancent sans cesse, à moins que la force ignorante et tyrannique ne leur enlève toute liberté. […] Cette sombre imagination, quoique plus prononcée dans Young, est cependant la couleur générale de la poésie anglaise.

469. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

De là vient que, contrairement à ce que souvent on s’imagine, ce n’est pas en se privant des mots abstraits qu’on donnera au style la vie, la couleur et l’éclat. […] Une demi-heure après tout s’éteignait ; Il ne restait plus qu’un pan du ciel clair derrière le Panthéon ; des fumées roussâtres tournoyaient dans la pourpre mourante du soir et fondaient les unes dans les autres leur couleur vague.

470. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

C’est donc par un excès de loyauté et de délicatesse artistique que les Parnassiens se déclaraient impassibles, ne voulaient exprimer que la beauté des contours et des couleurs ou les rêves et les sentiments des hommes disparus. […] Il joignait à l’ivresse des sons et des couleurs le goût d’une forme dont la brièveté, l’exactitude et la plénitude rappelassent en quelque façon nos écrivains classiques.

471. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe  Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide. Ce fut un art tout do mouvement et de couleur, de sentiment et d’action.

472. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

L’homme primitif ne connaît que les analogies grossières, celles qui frappent les sens, celles des couleurs ou des sons. […] Si l’on veut me permettre de poursuivre ma comparaison avec les beaux-arts, le mathématicien pur qui oublierait l’existence du monde extérieur, serait semblable à un peintre qui saurait harmonieusement combiner les couleurs et les formes, mais à qui les modèles feraient défaut.

473. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

un style plein de couleur et de mélodie, et le mot, plus rare que le style, qui le diamante et le couronne, le mot qu’elle recherche et qu’elle aime, la parure de sa phrase de femme, aux mêmes contours qu’elle, mais qui n’a ni les attaches, ni les articulations, ni les manières de marcher, animalement puissantes, de la phrase des hommes de génie. […] Que si parfois elle a de la couleur pour paysage, prise aux deux palettes de Chateaubriand et de Rousseau, elle n’a point le coloris des idées, si ravissant dans Mme de Staël !

474. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Il y en a de « couleur de soleil », comme la robe de Peau d’Âne, mais sans la peau ; il y en a « de tulle noir, de mousseline, avec le burnous par-dessus la taille ». […] La couleur des burnous est oubliée !)

475. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Assurément, ici pas plus qu’ailleurs, je ne vois la couleur locale et cosaque à laquelle, avec son titre, je m’attendais. […] Même dans les Lettres d’une religieuse portugaise, par exemple, à l’authenticité desquelles je crois cependant assez peu, il y a un accent… qui n’est pas plus dans les Souvenirs d’une Cosaque que la couleur locale et l’accent cosaque de son pays… Franchement, voyons !

476. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Mais ce phénomène est… un phénomène, c’est-à-dire, une chose exceptionnellement rare, et ce n’est pas ordinairement de ce côté que s’envole ce bel oiseau bleu de bas-bleu, qui est au xixe  siècle le bel oiseau bleu, couleur du temps ! […] Je n’ai pas l’honneur de connaître Mlle Bader ; mais je me figure une fille tempérante, estimable, ayant plus de moralité dans le talent que de talent même, lequel n’eut jamais, chez elle, les chaudes couleurs de la jeunesse et manqua toujours de la beauté du diable ; car la beauté du diable existe chez les femmes pour l’esprit autant que pour le visage.

477. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Plus tard, seulement, c’est-à-dire deux ans après, on put juger, quand parut la Grande Kabylie 20, d’un genre de talent qu’on n’avait fait encore que soupçonner et qu’entrevoir ; car ce talent donna largement sa mesure et sa couleur dans ce vivant morceau d’histoire. Et je dis sa couleur à dessein, parce que Daumas est surtout un grand coloriste.

478. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Louis Vian, qui en est un, inconnu dans les lettres, mais très certainement ingénu, s’est imaginé probablement que ce serait très couleur locale, appropriée à son sujet, de faire écrire, sur le président de Montesquieu, un avocat. […] Il n’a pas sa couleur reposée.

479. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Il a de Lamartine l’abondance fluide, la sinuosité, les contours  noyés, la facilité dans le rhythme et l’absence de toute matérialité dans la peinture, la couleur puisée seulement et prise dans le sentiment, — ce qui est absolument le contraire du procédé le plus en honneur parmi les poètes et les écrivains d’aujourd’hui. […] Les arts plastiques, qui sont la tyrannie de l’imagination et de la curiosité moderne, et qui ont pris parmi nous un développement qui tient de la rage, les arts plastiques ont profondément modifié la notion du style en le surchargeant d’ornementations et d’images, en le poussant aux reliefs et à la couleur, qui est un relief de plus… On voudrait écrire en rondes-bosses peintes, pour mieux entrer dans l’imagination.

480. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

il n’y a pas trop de mépris en littérature pour ceux-là qui, plus épris du succès que fermes dans leur conscience d’artistes, renoncent à leur originalité, courbent leur talent jusqu’à des compositions infimes, et détrempent les brillantes couleurs de leur palette dans l’eau des lavoirs où la Vulgarité s’abreuve. […] Elle le laissa dans ce manteau couleur de muraille qu’on prend la nuit et qu’il avait pris de jour pour être remarqué, et il eût passé dans un incognito de prince… qu’il était (un vrai prince de la pensée !)

481. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Assurément, France est trop un homme d’après Balzac pour ne pas savoir ce que la plume de Le Sage vaut, pour ne pas trouver absolument dénuées de passion, de couleur et d’observation profonde, les aventures de Gil Blas ou du Diable boiteux, ces lanternes magiques sans magie ! […] La couleur locale, de nécessité dans le roman comme dans la vie elle-même, n’était pas encore inventée.

482. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le dix-huitième siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, — car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon dans ses plus belles pages qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères !

483. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

., etc. » Cette voix, cette langue, cette allure, cette coupe de phrase, à laquelle notre langue à nous du xixe  siècle a jeté une couleur plus vive, et, si l’on veut (qu’est-ce que cela me fait ?) […] Je n’ai point voulu percer devant vous une croisée régulière, à carreaux blancs, sobrement encadrée, selon les règles de la maison bourgeoise ; mais, disposant capricieusement ces quarante chapitres autour d’une idée centrale, j’ai prétendu élever, tout au fond de votre cœur, avec des images entassées jusqu’au fouillis et des couleurs étendues jusqu’à la profusion, la flamboyante rosace de la mort. » Et ce qu’il a voulu faire, il l’a fait, cet enlumineur de vitrail jusqu’à l’incendie, ce faiseur de rosace de la mort, dont il grave les feuilles de flamme jusque dans les plus noires obscurités de nos cœurs !

484. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il avait le souci des mots, comme un peintre a le souci des couleurs qu’il emploie. […] La couleur d’Aman-Jean, on la dirait, d’abord, un peu éteinte. […] Les couleurs sont franches et peuvent même sembler hardies. […] Toutes ces couleurs, il les combine sans timidité. […] Mais, dans une infinie douceur de l’air, une incomparable harmonie des couleurs tempérées et des plus gracieuses lignes.

485. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Cependant on ne peut nier que Béranger n’ait trouvé pour la peinture du plaisir amoureux des couleurs vives et charmantes. […] Il commence par prodiguer les couleurs ; puis, quand les couleurs lui manquent, il se réfugie dans l’infini, et nous perdons de vue tout ce qu’il a voulu nous montrer. […] La justice divine ne tient pas compte de la couleur du suppliant. […] L’amour paternel est profondément senti, et l’auteur trouve pour le peindre des couleurs dignes du sujet. […] Les transformations du gland qui devient chêne sont racontées avec une richesse, un éclat de couleur qui étonnent et ravissent.

486. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIII » pp. 291-293

Ces noms, de loin, disent peu de chose et sont assez ternes : de près, ils essayent de prendre de la couleur et de faire nuance en se rapprochant de celui de M.

487. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Châtillon, Auguste de (1808-1881) »

Son Auberge de la Grand’Pinte, entre autres, vaut, par ses tons roux, sa chaude couleur enfumée, un cabaret d’Ostade.

488. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

Aussi fut-elle tout cela, comme l’exigeaient impérieusement la mode et les convenances ; mais quels démentis cruels donnaient à ce parti pris nécessaire son beau front droit, ses grands yeux plus éveillés que les cloches de matines, son petit nez retroussé comme ceux qui changent les lois d’un empire, et l’arc de sa jolie bouche, et son menton rose, et les énormes boucles de cheveux clairs, lumineux, couleur d’or, tombant à profusion sur un buste dont les blanches, éclatantes et superbes richesses chantaient glorieusement à tue-tête la gloire de Rubens, ivre de rose !

489. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Philippe (1831-1901) »

Philippe Gille demeure surtout un poète parisien, dans son Herbier, où il ne conserve pas que des fleurs desséchées : loin de là, les fleurs poétiques de ce charmant recueil ont l’éclat et les vives couleurs d’une moisson toute fraîche.

490. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mockel, Albert (1866-1945) »

Un recul de légende irise et transfigure la matérialité des choses, nulle couleur n’est externe, toute clarté s’effuse avec la spiritualité d’un feu de gemme.

491. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Les trois Déesses y sont présentées sous des couleurs riantes & très-distinctes, selon les attributs que la Fable leur a départis.

492. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Ces pèlerins, allant par troupes et s’arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient, le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d’images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever un théâtre où l’on représenterait ces moralités les jours de fêtes, autant pour l’instruction du peuple que pour son divertissement.

493. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Pastorales et paysages de Boucher. » pp. 120-121

Quelles couleurs !

494. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il y a, dans les Orientales, une couleur, une lumière, des visions matérielles qui n’avaient pas encore paru dans la poésie. […] Victor Hugo, quand il regarde en lui, y trouve des images matérielles, y trouve des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Il y a des gens qui sont ainsi, ils entrent dans une chambre : demandez-leur ensuite de quelle couleur était le papier, ils ne sauront pas vous le dire. […] Vous ne savez peut-être pas que chaque voyelle a sa couleur ? Eh bien oui, chaque voyelle a sa couleur, et il ne faut pas confondre.

495. (1901) Figures et caractères

Il faut la suivre en tous ses visages, les noter d’un crayon rapide, d’une brève couleur. […] Ils ont une couleur, une densité, un parfum, un bruit. […] Même écrites, pourtant, ces histoires ont un mouvement et une couleur. […] Vous pourriez presque les manier, bien qu’ils soient faits des seules couleurs du verbe. […] Debout en pleine vie, elle se drapa de couleurs éclatantes.

496. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Puis je me trouvais couché dans une grande salle, sur un lit, dont la couverture était faite de deux figures pareilles à ces monstrueux masques de grotesques des baraques de saltimbanques, et cette couverture à images en relief se levait et s’abaissait sur moi, et bientôt la couverture ne fut plus faite de ces visages de carton, mais d’un dessus d’homme et d’un devant de femme, semblables à ces peaux de bêtes dont on fait des descentes de lit, et d’un immense semis de fleurs, à propos desquelles je faisais la remarque que j’avais la sensation de leurs couleurs, mais non la perception : — la couleur dans le rêve est comme un reflet dans les idées et non une réflexion dans l’œil. […] * * * — Il y a une certaine couleur raisin de Corinthe, qui paraît affectée aux redingotes des vieux acteurs. […] Dans les petites rues du quai à gauche, la nuit semble sortir de terre, des pavés, des devantures de boutiques sombres, monte dans les jambes de ceux qui vont, et ne laisse de couleur que le bleu d’une blouse, le linge d’un bonnet ; en haut, dans le ciel, une petite fumée rousse coupe la lanterne du Panthéon, en blanchissant dessus. […] Au-dessus de l’eau couleur d’étain, la perspective des deux ponts se rejoint et se perd dans un brouillard de pierres, dans une fumée de toits. […] » 10 octobre Dans l’atelier de Thierry, le décorateur, qu’on va enterrer, impression poignante de ce dernier tableau interrompu par la mort, de cette fête romaine, de cette fête de couleurs, disparaissant sous les habits noirs des invités qui s’accotent à la grande toile lumineuse.

497. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Mais si ce miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu’une image terne et sans relief, fidèle, mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion simple. […] Non qu’il convienne de faire, comme on dit aujourd’hui, de la couleur locale, c’est-à-dire d’ajouter après coup quelques touches criardes çà et là sur un ensemble du reste parfaitement faux et conventionnel. Ce n’est point à la surface du drame que doit être la couleur locale, mais au fond, dans le cœur même de l’œuvre, d’où elle se répand au-dehors, d’elle-même, naturellement, également, et, pour ainsi parler, dans tous les coins du drame, comme la sève qui monte de la racine à la dernière feuille de l’arbre. Le drame doit être radicalement imprégné de cette couleur des temps ; elle doit en quelque sorte y être dans l’air, de façon qu’on ne s’aperçoive qu’en y entrant et qu’en en sortant qu’on a changé de siècle et d’atmosphère. […] Car le génie moderne a déjà son ombre, sa contre-épreuve, son parasite, son classique, qui se grime sur lui, se vernit de ses couleurs, prend sa livrée, ramasse ses miettes, et semblable à l’élève du sorcier, met en jeu, avec des mots retenus de mémoire, des éléments d’action dont il n’a pas le secret.

498. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Quand secouerai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs ? […] Quand secouerai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs ? […] Quand secouerai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs ? […] Quand secouerai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs ? […] Oui, je secouerai la poussière Qui ternit tes nobles couleurs !

499. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanchecotte, Augustine-Malvina (1830-1897) »

Ceux qui aiment exclusivement les tableaux voyants, les couleurs brillantes et criardes, les éclats de la passion sensuelle, ne goûteront point ces chants, ceux qui aiment les émotions tendres, les sentiments élevés, les accents purs, les liront et les reliront avec plaisir.

500. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fabié, François (1846-1928) »

Cladel a écrit pour lui une préface curieuse et il a eu bien raison de signaler la Chatte noire comme un chef-d’œuvre en son genre : Dans le moulin de Ponpeyrac, Se tient assise sur son sac Une chatte couleur d’ébène, Il est bien certain qu’elle dort : Ses yeux ne sont que deux fils d’or Et ses griffes sont dans leur gaine.

501. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Méry, Joseph (1797-1866) »

Le grand ressort de ce talent-là, c’est l’esprit, un esprit souple, toujours dispos, plein de saillies et de couleur.

502. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

503. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Ses Périodes ne sont ni décousues ni hachées, comme celles de la plupart des Orateurs de ce siecle ; mais les incises en sont trop symétriques, ce qui donne à son élocution, d’ailleurs forte de pensées & de couleur, un air maniéré qui la dépare.

504. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Le christianisme rehausse nécessairement l’éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux.

505. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Machy » pp. 174-175

Le premier morceau était faible de couleur, ces autres-ci sont encore pis.

506. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

On a quelquefois besoin d’un exemple de platitude, de platitude de composition, d’ordonnance, de couleur, de caractère, d’expression.

507. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Aucun peintre n’a pu trouver des lignes et des couleurs pour le reproduire ; la nature en elle a défié le pinceau de David, de Girodet, de Proudhon, de Gérard, de Camuccini ; le ciseau de Canova y a échoué. […] Son costume faisait aux yeux partie de sa personne ; il ne la parait pas, il la vêtissait ; on voyait qu’elle n’y avait pas songé, ou, si elle y avait songé, elle n’avait eu en vue que de la faire entièrement oublier ou de la confondre avec elle-même dans un tel accord de forme et de couleurs que sa robe et elle ne fissent qu’un dans le regard. […] Elle portait ce jour-là, et je l’ai presque toujours vue depuis, une robe à plis flottants de soie grise, nouée par une ceinture noire et montant en chaste tunique jusqu’à son cou ; ses souliers de soie sombre disparaissaient sous les bords un peu traînants de sa robe ; un châle oriental de couleur blanche recouvrait ses épaules et serrait sous une contraction de ses coudes sa taille élancée ; un chapeau de paille de Florence aux larges ailes flottantes ombrageait sa tête, contrastant par sa nuance légèrement dorée avec le blond sombre de ses cheveux et avec les tons marbrés du front et des joues ; elle roulait dans une de ses mains les bouts d’un large ruban puce qui descendait comme de la gance d’un chapeau de berger jusqu’à sa ceinture. […] Quand je vous aurai dit des yeux bleu de mer azurés jusqu’à la nuit par l’ombre des voiles ; des cheveux de fils de la Vierge brunis au feu du soleil ; des joues de pêche veloutée dont le velours renaissait tous les matins comme pour tamiser le jour sur une peau d’enfant ; des couleurs nuancées et fondues où le blanc et le rose ne formaient qu’une teinte ; un regard qui s’ouvrait et se refermait sous des cils ruisselants d’ombre ou de lumière ; des lèvres où la langueur pensive ou la joie épanouie donnait toutes les inflexions de l’âme ; un sourire qui caressait l’air ; une taille ni grande ni petite, mais qui, par sa flexibilité, se prêtait à la majesté autant qu’à la grâce ; une démarche de reine ou de bergère tour à tour ; un étonnement de l’impression qu’elle faisait partout, comme si les regards de la foule eussent été autant de miroirs qui lui répercutaient sa figure et qui la faisaient rougir de sa miraculeuse beauté ; les pas qu’elle entraînait sur sa trace ; les murmures d’admiration qui s’élevaient à sa vue ; les exclamations mal contenues ; les femmes charmées, mais jalouses ; les hommes attirés, mais contenus par le respect de tant d’innocence sous tant d’enivrements ; quand je vous aurai dit tout cela, je ne vous aurai rien peint de visible à votre imagination. […] Nul homme n’a plus soigné les couleurs de sa robe de chambre afin de se présenter à la mort comme un apôtre pour les chrétiens, comme un chevalier pour les royalistes, comme un tribun de l’avenir pour les républicains les plus avancés.

508. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La poésie, comme nous la concevons, n’est en effet rien de ce qu’ils disent ; elle n’est ni le rythme, ni la rime, ni le chant, ni l’image, ni la couleur, ni la figure ou la métaphore dans le style ; elle n’est même pas le vers ; elle est tout cela dans la forme, bien qu’elle soit aussi tout entière sans forme ; mais elle est autre chose encore que tout cela : elle est la poésie. […] et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Ensuite, la mer est transparente ; elle ressemble au firmament ou à l’éther, qui répercutent la lumière de l’astre du jour ou des étoiles de la nuit ; elle se transfigure sans fin comme le caméléon par ses couleurs changeantes, roulant tantôt la lumière, tantôt la nuit dans ses vagues. — Émotion ! […] Les grands poètes se rencontrent égaux en dessin et en couleur devant leur éternel modèle la nature, à travers tous les siècles, toutes les mœurs, toutes les langues. […] Ici le poète devient le plus sublime des peintres ; la palette humaine n’a en Europe ni dessins ni couleurs comparables à la description du monde végétal au milieu duquel erre Damayanti sur les pentes de l’Himalaya, au milieu des glaciers, des torrents, des volcans, des rochers, des arbres d’une nature vierge et primitive.

509. (1876) Romanciers contemporains

En vérité, en énergie, en couleur, sa peinture ne le cède en rien à celle des écrivains qu’il veut combattre. […] Il est de notre temps par la vivacité du récit, l’éclat des couleurs, la fidélité des peintures. […] Il a également évité l’apologie systématique et les noires couleurs du pamphlet. […] A-t-il voulu prouver par là la richesse incomparable des couleurs que porte sa palette ? […] Sans doute, toutes les richesses du coloris s’étalent sur la surface de la terre ; mais, de toutes les couleurs dont la nature dispose, c’est la couleur verte qu’elle offre le plus à nos regards parce que c’est la moins éclatante.

510. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ils veulent jouir par l’imagination, par les yeux, comme ces nobles d’Italie qui en ce moment sont tellement épris des belles couleurs et des belles formes, qu’ils couvrent de peintures non-seulement leurs appartements et leurs églises, mais encore les dessus de leurs coffres et les selles de leurs chevaux. […] Est-ce qu’il est possible de ne pas croire un homme qui nous peint les choses avec un détail si juste et des couleurs si vives ? […] Comme chez Rubens, l’allégorie chez lui enfle les proportions hors de toute règle, et soustrait la fantaisie à toute loi, excepté au besoin d’accorder les formes et les couleurs. […] Il y a ici des tableaux tout faits, des tableaux vrais et complets, composés avec des sensations de peintre, avec un choix de couleurs et de lignes : les yeux ont du plaisir. […] Au lieu d’écrire pour dire les choses, on écrit alors pour les bien dire ; on enchérit sur son voisin, on outre toutes les façons de parler ; on fait tomber l’art du côté où il penche, et comme il penche en ce siècle du côté de la véhémence et de l’imagination, on entasse l’emphase et la couleur.

511. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Son manteau est vert, et sa robe a la couleur d’une flamme vive. […] Ses yeux brillent d’un feu ardent, et son visage, malgré sa douceur, est peint de couleurs trop vives. […] C’est une publication luxueuse, ornée d’un grand nombre de dessins en couleur. […] Et il se demande si les chattes de cette couleur n’ont pas dans leurs yeux ce piquant qui est le partage des brunes. […] La porte, large, massive, d’une couleur vert-bouteille, a conservé son marteau.

512. (1913) Poètes et critiques

Écartez les images orientales, et, sous cette couleur, qu’exigeait le sujet, vous reconnaîtrez le grand sentiment de tel récit de bataille des Perses. […] Son imagination s’est imprégnée de ces couleurs, et, cessant d’être un étranger, les sentiments dont avaient vécu, dont vivent encore les habitants de ce pays qu’il visitait, se sont, au fil de l’heure, insinués jusqu’au fond de lui-même. […] Sur les Lapons, que la plupart des voyageurs « depuis notre Regnard » ont peint avec des couleurs qui les ont surtout enlaidis et rendus répugnants, M.  […] Giraud, lorsqu’il s’agit de tel de ceux qu’il aime, je ne dis pas une couleur de partialité, mais un reflet d’involontaire et secrète faveur. […] Giraud : “ Tracer le tableau de l’Ame française dans cette fin de siècle qui prend parfois une noire couleur de fin du monde et parfois une rose couleur d’aube nouvelle.”

513. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

À l’élégance du vêtement, à l’éclat des couleurs, on le prendrait presque pour un morceau de Boucher ; et puis si on ne savait pas le sujet, on ne le devinerait jamais.

514. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

c’est tout ce qu’il vous plaira d’imaginer de froid, de maussade, de mal peint ; couleur, lumières, figures, arbres, eaux, montagnes, terrasses, tout est détestable.

515. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ne demandez point à cette histoire les formes, les allures nouvelles, ces surprises de vues et de couleurs, ce paradoxe des conclusions, ni tout cet imprévu auquel maintenant l’on est fait et auquel on s’attend. […] On croirait lire une idylle ; il en faut rabattre sans doute ce qui est de l’exagération propre à chacun quand on se met à revoir flotter à l’horizon du passé cet âge d’or des jeunes saisons : il en restera toujours un sentiment bien vrai et d’une couleur non feinte. […] Quand les bonnes gens faisaient les noces de leurs enfants, c’était un plaisir d’en voir l’appareil ; car, outre les beaux habits de l’épousée, qui n’étaient pas moins que d’une robe rouge et d’une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étaient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu’ils tiraient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin ; je dis les hommes aussi bien que les femmes, car c’est ainsi qu’ils appelaient le manteau froncé qu’ils mettaient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit comme celui du manteau de quelques religieux ; et les paysannes, proprement coiffées, y paraissaient avec leurs corps de cotte de deux couleurs.

516. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Ce personnage, alors inconnu et bien oublié de nos jours, qui s’appelait lui-même à travers le désert bruyant de son époque le Robinson de la spiritualité, que M. de Maistre a nommé le plus aimable et le plus élégant des théosophes, créature de prédilection véritablement faite pour aimer, pour croire et pour prier, Saint-Martin s’écriait, en s’adressant de bien loin aux hommes de son temps, dans ce langage fluide et comme imprégné d’ambroisie, qui est le sien : « Non, homme, objet cher et sacré pour mon cœur, je ne craindrai point de t’avoir abusé en te peignant ta destinée sous des couleurs si consolantes. […] Lamartine, vers 1808, devait beaucoup lire les Études de Bernardin ; il devait dès lors s’initier par lui au secret de ces voluptueuses couleurs dont plus tard il a peint dans le Lac son souvenir le plus chéri : Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface  De ses molles clartés ! […] Quoique attaché par des affections antiques aux dynasties à jamais disparues, quoique lié de foi et d’amour à ce Christianisme que la ferveur des peuples semble délaisser et qu’on dirait frappé d’un mortel égarement aux mains de ses Pontifes, M. de Lamartine, pas plus que M. de La Mennais, ne désespère de l’avenir ; derrière les symptômes contraires qui le dérobent, il se le peint également tout embelli de couleurs chrétiennes et catholiques ; mais, pas plus que le prêtre illustre, il ne distingue cet avenir, ce règne évangélique, comme il l’appelle, du règne de la vraie liberté et des nobles lumières.

517. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Très proche encore des chansons de geste, il en a le ton, les formules, la couleur : mais, à l’exemple des traducteurs du faux Turpin, il allège le genre du poids inutile des rimes, simple embarras quand elles ne sont pas moyen d’art et forme de poésie ; d’autre part, suivant les premiers narrateurs des croisades, et plus rigoureux qu’eux encore, il saisit les événements avant toute déformation, tels que ses yeux, et non son imagination, les lui donnent : enfin, de la même épopée qui achevait en ce temps-là de dégénérer en roman, il dégage définitivement l’histoire. […] Il faut retenir aussi la chronique que vers 1260 rédigea un ménestrel de Reims : ce recueil confus et sans chronologie de tout ce qui se disait parmi le peuple sur les hommes et les choses de Terre Sainte, de France, d’Angleterre, entre 1080 et 1260, nous rend la couleur et le mouvement de la vie du temps. […] Il semble que l’univers ait été créé pour lui, et que ce soit le premier regard de l’humanité sur le monde des formes, des couleurs et du mouvement.

518. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il est aisé de relever certaines peintures exactes et frappantes : mais combien d’erreurs de fait, combien de fausses couleurs néglige-t-on ? […] Il n’a même pas beaucoup de couleur, sinon dans les sujets où l’imagination espagnole jette encore ses feux à travers le langage raisonnable de l’auteur français. […] Dans aucune tragédie romaine de Corneille, il n’y a la moitié de la couleur qu’on trouve dans Britannicus.

519. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Si nous cherchons la poésie dans son œuvre, nous ne la trouverons ni dans les pièces purement morales, qui sont banales dans le lieu commun et lourdes dans le paradoxe, sans intérêt et sans vie, ni dans les satires littéraires, où il y a de la couleur, de l’éloquence même, une éloquence un peu courte et essoufflée, mais décidément rien de plus : des morceaux épiques ou lyriques, nous tirerons la conclusion que Boileau est à peu près aussi épique que Chapelain, et aussi lyrique que La Motte. […] Dans le Repas ridicule, dans les Embarras de Paris, dans la Lésine de la satire X, la réalité vulgaire est traduite avec une exactitude puissante : et dans le Lutrin, ce qui est purement pittoresque et traduisible par le dessin et la couleur, profils et gestes de chanoines, de chantres, meubles, flacons, « natures mortes », tout cela est indiqué d’un trait sûr et léger, avec une charmante sincérité. […] Boileau définit un certain nombre de genres fixes, où la couleur, l’impression peuvent varier, non le mètre ; il énonce minutieusement les règles du sonnet, pour qui il semble avoir la dévotion d’un précieux, ou d’un Parnassien.

520. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Il est clair que je n’ai aucune raison pour faire un choix aussi arbitraire parmi toutes les sensations visuelles possibles, pour réunir dans une même classe toutes les sensations de même couleur, quel que soit le point de la rétine affecté. […] Deux sensations de même couleur affectant deux parties différentes de la rétine m’apparaîtraient comme qualitativement distinctes, au même titre que deux sensations de couleur différente.

/ 1980