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1248. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Cela, au moment même où les trônes s’écroulent, où l’opérette triomphe avec Hervé et Offenbach, où Renan ironise, où Taine coupe l’essor de l’âme en lui rognant les ailes et prétend que le crime et la vertu sont des produits naturels du cerveau comme le vitriol et le sucre ; mais tandis que la France s’étourdit de flonflons, Wagner y introduit le mysticisme et l’influence de Schopenhauer se marque par une explosion soudaine de pessimisme.

1249. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

« Je suppose, dit-il, le tic-tac d’un métronome se produisant à intervalles réguliers et avec une intensité toujours égale ; en ce cas, tout le monde sait que nous pouvons grouper deux par deux, trois par trois, quatre par quatre, les sensations successives : ce groupement volontaire est dû à l’aperception. » — Selon nous, ce groupement ne diffère pas des effets habituels et nécessaires de l’association : nous associons un souvenir de rythme, avec temps forts et temps faibles, aux battements indifférents du métronome, d’autant plus que tous nos mouvements et toutes nos réactions cérébrales tendent, en vertu même de la constitution des organes, à prendre une forme rythmée comme le balancement de notre jambe.

1250. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

*** Dans tous ces cas la vérité se montre un principe arbitraire qui s’exprime dans la croyance qu’elle inspire et dont la vertu consiste à contredire une force contraire qui lui résiste.

1251. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Des observations justes & impartiales ne lui auroient pas attiré tant de brocards & de libèles diffamatoires, & l’on n’eût pas dit de lui : Il n’a point de vertus, il n’a que des talens.

1252. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Telles femmes, pendant la révolution, ont donné des preuves multipliées d’héroïsme ; et leur vertu est venue depuis échouer contre un bal, une parure, une fête.

1253. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Même dissolues, il fallait qu’elles fussent hypocrites, — qu’elles rendissent ce dernier hommage à la vertu qu’elles n’avaient pas, sous peine d’être chassées immédiatement, par l’opinion, de tout honnête milieu social.

1254. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les penchants, les besoins, les vices ou les vertus ont décidé des attributs qu’on a loués dans la divinité.

1255. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Le grave auteur des institutions oratoires, à la tête de son quatrième livre, ne rougit pas de donner le nom de censeur très saint, et de divinité favorable, à Domitien, à ce tyran jaloux, capricieux et lâche, sous qui le nom même de la vertu fut proscrit, qui n’eut que des vices, ne fit que des crimes, empoisonna peut-être Titus, et teint de sang, voulait être homme de lettres et passer pour juste.

1256. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Des principes qui tendaient à élever la faiblesse, à rabaisser l’orgueil, à égaler les rangs par les vertus, devaient donner à l’éloquence un mélange de force et de douceur ; enfin, l’étude et la méditation des livres sacrés, répandirent souvent sur ces discours une teinte orientale, inconnue jusqu’alors aux orateurs de l’empire ; d’un autre côté, le mépris d’une vaine gloire, l’absence des passions, l’impression que l’orateur faisait souvent par la seule idée du Dieu dont il était le ministre ; enfin, la persuasion qu’entre les mains de la divinité tous les instruments sont égaux, durent ou retarder, ou affaiblir les progrès de ce genre d’éloquence.

1257. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Déjà héros par leur naissance, puisqu’ils étaient nés de Jupiter, c’est-à-dire nés sous ses auspices, ils devinrent héros par la vertu.

1258. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Soutenez l’État sur son penchant… Vous, juges vertueux, intègres administrateurs, que vos départements ont le bonheur de conserver encore, continuez à exercer dans l’ombre des vertus que sentent vos concitoyens et qu’ignorent vos tyrans ; que des mesures atroces s’adoucissent en passant par vos bienfaisantes mains, et que du moins le magistrat se montre meilleur que la loi. […] J’ai le bonheur de le pouvoir dire, c’est celui de nos plus vrais citoyens, de tous les hommes faits, par leurs lumières et leurs vertus, pour servir de guides à l’opinion. […] Ne le perdez pas, ce talent ; c’est, après mon père, la dernière voix de la vertu sur la terre. […] Je crois que c’est une grande erreur de borner les devoirs au cercle des vertus domestiques. […] — On peut encore accomplir toutes les vertus, quand on serait trop susceptible de goût pour les agréments et les qualités ; mais de quoi reste-on capable quand on recherche la faveur aux dépens dû l’amitié, aux dépens des consolations qu’on peut donner aux malheureux ?

1259. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

A côté de vertus très-réelles, de croyances assurément très-conservées, et dont les Adry, les Tabaraud et tant d’autres ont donné jusqu’à la fin des exemples persistants, il y avait un courant d’incrédulité qui circulait. […] Je me défie de l’enthousiasme, lors même qu’il s’allie à des vertus douces et qu’il provoque des actions généreuses ; mais l’enthousiasme qui condamne est toujours férocité, et ce n’est qu’à l’équité froide, à la raison tranquille et calculante qu’est réservé le droit de punir. […] Quoique sa vertu se tienne plutôt d’ordinaire dans les ligues strictes de l’équité, de la probité, et que le mot de grandeur semble jurer avec lui, il offre, dans ces moments d’après Thermidor, une sorte de grandeur morale par cette tenue si ferme et si simple en des circonstances de toutes parts si émues. […] Nous repousserons la Terreur qui t’opprima, comme le royalisme qui te proscrivit, et nous maintiendrons cette Constitution de l’an iii, qui fut le constant objet de ton dévouement, de tes vœux, de tes espérances ; nous saurons, à ton exemple, résister aux factions, braver les périls, et ne connaître sur la terre d’autres puissances irrésistibles que celles devant qui seulement a pu fléchir ton âme républicaine : la loi, la vertu, la nécessité et la mort. » Daunou me paraît représenter très-bien l’éloquence d’alors, celle de l’an in dans son meilleur ton, caractère romain, style latin (conciones), marche un peu lourde, très-grave du moins, ferme, nombreuse, un rare éclat, mais qui frappe d’autant plus, un air stoïque : des Latins, si l’on veut, qui ont eu leur Condillac, mais qui sont d’un bon siècle encore. […] Tes vertus sont ses mœurs.

1260. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Elle ne peut en conclure qu’une chose, cette logique : c’est que tout dépend du hasard et de la fatalité ; qu’il n’y a par conséquent ni droit ni devoir ; que rien n’est vrai, que rien n’est juste ; que vérité, vertu, justice, sont des mots et ne sont que des mots. […] Le crime aussi, dans la société, est hasard, et la vertu hasard. […] Sublime effort de la vertu et de la sagesse de nos législateurs ! […] La terre est pleine de confusion et en proie à mille fléaux ; l’immense majorité des hommes vit et meurt dans la souffrance ; on rencontre à chaque pas l’iniquité triomphante et la vertu sacrifiée et méconnue : n’y a-t-il pas, oh ! […] Or, cet idéal, cette lumière, ce point d’appui, ce terme de comparaison nécessaire, manque aujourd’hui à l’homme ; l’homme ne sait plus ce que c’est que la vertu, la vérité, le devoir : donc la liberté morale n’existe plus pour lui.

1261. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Nous n’en sentons pas la vertu et la grâce ; nous ne le sentons que quand il est nouveau, de récente création. […] De toutes les vertus, c’étaient encore les vertus proprement chrétiennes qu’il avait en dilection toute particulière. […] Espérer contre toute espérance est, paraît-il, une vertu. […] On sait qu’il suffit d’une vertu quand elle est poussée jusqu’à la passion pour faire toute une âme vertueuse. […] « Le christianisme est trop uniquement moral ; la beauté chez lui est trop sacrifiée… aux yeux d’une philosophie complète, la beauté est un don de Dieu, comme la vertu, vaut la vertu.

1262. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Au temps de Tacite, c’était la Germanie qui, par ses vertus barbares, faisait rougir les décadents de la Ville éternelle. […] Ce n’est pas d’hier, comme vous voyez, que les dramaturges ont accoutumé de nous dépeindre consciencieusement le vice, afin de nous mieux disposer à embrasser la vertu. […] Ils n’ont pas de grandes passions, et ils pratiquent (accordons-leur ceci) un tas de petites vertus. […] Nous devions apprendre, à leur contact, ce que valent certaines vertus dont les démocraties cherchent volontiers à s’affranchir. […] Cette vertu ne consiste pas seulement à éviter le barbarisme et la cacophonie et à fuir comme la peste ce que j’appellerai volontiers le verbiage de rédaction d’histoire.

1263. (1876) Romanciers contemporains

Sandeau a tant d’art qu’il force le vice à rendre malgré lui un hommage à la vertu. Où a-t-il appris à rendre si aimable, non le vice, mais, ce qui est plus difficile, la vertu ? […] La vertu, de son essence un peu monotone, est moins que le vice féconde en péripéties nombreuses. […] Libre d’elle-même, elle pouvait avouer tout haut l’amant qu’elle avait ; mais elle préférait jouer doucement, devant le monde, qui n’était point sa dupe, la comédie de la vertu. […] Il va où son imagination le conduit ; mais, comme son imagination n’est pas pervertie et qu’il n’a aucun parti pris, le vice et la vertu ont une part à peu près égale dans ses œuvres, sans que la vertu soit monotone, sans que le tableau du vice soit démoralisateur.

1264. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

On se plaît à dire que l’apprentissage des vertus civiques se fait dans la famille, et que de même, à chérir sa patrie, on se prépare à aimer le genre humain. […] Ce qui encourage d’ailleurs l’illusion, c’est que, par une heureuse rencontre, la première partie du raisonnement se trouve être d’accord avec les faits : les vertus domestiques sont bien liées aux vertus civiques, pour la raison très simple que famille et société, confondues à l’origine, sont restées en étroite connexion. […] Socrate va plus loin encore ; de la vertu même il fait une science ; il identifie la pratique du bien avec la connaissance qu’on en possède ; il prépare ainsi la doctrine qui absorbera la vie morale dans l’exercice rationnel de la pensée. […] Avant de répondre à cette question, admirons la vertu magique du langage, je veux dire le pouvoir qu’un mot confère à une idée nouvelle, quand il s’étend à elle après s’être appliqué à un objet préexistant, de modifier celui-ci et d’influencer le passé rétroactivement. […] Celui qui voudrait pratiquer l’égoïsme absolu devrait s’enfermer en lui-même, et ne plus se soucier assez du prochain pour le jalouser ou l’envier. il entre de la sympathie dans ces formes de la haine, et les vices mêmes de l’homme vivant en société ne sont pas sans impliquer quelque vertu : tous sont saturés de vanité, et vanité signifie d’abord sociabilité.

1265. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Comme la vertu est un sacrifice, c’est-à-dire une immolation de tous les intérêts, un effacement de toutes les raisons, et une abolition de tous les mobiles, devant un commandement intérieur qui ne donne pas de raisons ; de même le patriotisme, loin qu’il soit une association du moi au tout pour en tirer profit, est une absorption du moi dans le tout sans autre but que le sacrifice. […] Après avoir promis par cette première phrase et le chapitre qui la suit une sociologie systématique, il a été surtout un critique sociologue ; il s’est placé tour à tour en face de chaque complexion et tempérament social, et il a dit, de celui-ci et de celui-là, quelle était la force intime, le vice caché aussi, et les ressources possibles contre ce vice, et les limites probables de cette force, et les maladies à craindre, et le régime à suivre, et les palliatifs à employer, et les demi-guérisons, et les rechutes ; — et, à la différence de tous les sociologues peut-être, si confiants dans la vertu éternelle de l’hygiène qu’ils recommandent, c’est le voisinage perpétuel et les approches constantes de la mort qu’il semble voir sans cesse ; très convaincu que la destinée de tous les peuples est de périr très vite ; très persuadé qu’une constitution sociale un peu durable est un prodige d’équilibre de forces contraires toujours sur le point de se rompre ; disant à chaque instant : si telle chose manque, ou telle autre, « tout est perdu » ; ayant à peine un système, parmi tous les systèmes, qu’il croie un peu moins imparfait que les autres ; théoricien, en un mot, du contingent et du probable, et écrivant surtout un admirable cours de pathologie sociale. […] Supposer toutes les puissances humaines, vertus, idées, talents, en un progrès éternel ; voir l’humanité comme un homme qui marche et qui sait son chemin, toujours plus sûr de sa route et plus ferme dans sa marche : il est très vrai que c’est une conception du bonheur général. […] Très librement, ne s’astreignant à aucun système, prenant de chacun ce qui agréait à son esprit et à son cœur, et, au besoin, corrigeant Kant par Jacobi, elle se fit un ensemble d’idées qui a la conception du devoir pour fondement, qui admet le libre arbitre, la spiritualité de l’âme, la vertu comme une force particulière à l’homme, et l’immortalité de l’âme comme une conséquence logique de tout cela. […] Ses élans mêmes ne sont que d’estimables efforts, et ses vertus ne sont que de bonnes qualités.

1266. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Vous les protégez : c’est à eux qu’il appartient d’éterniser le souvenir de vos vertus. […] On l’a surnommé le Chansonnier, eu égard à ses chansons, & le Grand en faveur de ses vertus. […] Et l’heureuse situation que je donne au temple de la Vertu ? […] Il découvre & célebre la vertu par-tout où elle se manifeste. […] Il faut qu’un tel personnage porte la vertu héroïque & militaire aussi loin qu’elle peut aller : il faut, sur-tout, qu’il acheve glorieusement son entreprise.

1267. (1927) Des romantiques à nous

La hiérarchie de valeur entre les vertus de l’âme n’est pas, du point de vue de la critique et de celui de la morale, tout à fait la même. […] Trop de critiques, tant du côté rationaliste que du côté chrétien, nous ont fait voir que la religion naturelle n’était qu’un christianisme privé de sa vertu spécifique, dépouillé des croyances mystiques et surnaturelles qui en font le nerf et le feu. […] Il ne montrait pas d’un doigt rigide à cet aimable sujet le pic redoutable de la vertu en lui enjoignant impérieusement d’y grimper. […] Il figure un personnage aussi laïque qu’il soit possible, et qui prêche aux dames (pas à elles seules d’ailleurs) non la vertu, mais la raison, sa cousine : M.  […] Une illusion, un mythe, que la froide critique peut dévoiler, sans que la sensibilité refuse d’en goûter, à l’occasion, la vertu inspiratrice, a joué dans l’œuvre de ces chercheurs de sources un rôle important : l’illusion, le mythe du « populaire ».

1268. (1887) George Sand

C’est bien, mon enfant ; mais ce cœur renferme-t-il le germe de quelque mâle vertu ? […] … Tu souris, mon gracieux poète, endors-toi ainsi. » Je ne peux souffrir cette sollicitude pour la vertu future de Sténio en un pareil moment. […] Je ne sais pas non plus si j’ai des qualités et des vertus. […] Ce vice seul est une force, l’honneur et la vertu n’en sont pas ? […] Ne prends pas la vertu vraie pour un lieu commun en littérature.

1269. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Les poètes charmants du Chat-Noir professent l’ironie et la pitié, qui de toutes les vertus humaines sont, à y bien regarder, les seules innocentes et les seules exquises. […] Le chanoine Docre prouve précisément sa croyance à la vertu de la messe par la peine qu’il prend pour rendre les paroles de l’office sacrilèges. […] si j’étais devenu prêtre et si j’étais monté de degré en degré jusqu’à être archevêque de Paris, grâce à la simonie, s’entend, point pour mes vertus, naturellement. […] Pauvreté est vertu, mais non pour celui qui n’aurait pas dû l’être, et qui ne sait pas être pauvre. […] Les anciens déjà considéraient la sobriété comme une vertu.

1270. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

N’ont-ils pas, en revanche, d’autres vertus : plus de spontanéité, plus de liberté, plus de naturel ? […] Il accomplit sa tâche courageusement, infatigablement, — soigneusement, car ce romantique a les deux plus hautes vertus bourgeoises : le sacrifice aux siens et la probité. […] Quelque opinion que l’on professe sur son parti pris final, il faut du moins reconnaître qu’il y déploya des vertus qui, par elles seules, demeurent un bienfait d’exemple. […] Il ne saurait le faire sans des déformations qui prouvent que le monde de l’art n’est pas toujours celui de la vertu. […] Il en aimait les très grandes et les très petites vertus : l’héroïsme et la tenue.

1271. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Puis, l’imagination populaire, amoureuse de la force et du succès, transforma peu à peu le personnage, et s’en fit une idole, parée et embellie de toutes les vertus. […] Chimène, désespérée, confesse sans ménagement l’amour que sa vertu lui a fait jusque-là dissimuler. […] De même qu’il y a, dans l’éloquence, ce que l’on nomme les mœurs oratoires, où l’on paraît orné de toutes les vertus sans avoir l’air d’y songer, il y a dans les sentiments dramatiques un certain grossissement nécessaire, comme dans les décors. […] si ma mère vous est chère, ne déshonorez pas son nom et sa vertu, en faisant de moi un fils indigne de vous deux ! […] J’en voyais, là, beaucoup passer pour gens d’esprit, Et faire encore état de Chimène et du Cid, Estimer de tous deux la vertu sans seconde.

1272. (1903) Propos de théâtre. Première série

N’estimes-tu pas la vertu ?  […] Ta vertu solitaire t’a-t-elle fait cesser de te souvenir d’eux ? […] Je veux comprendre Philoctète. » De là son mot, en fin d’acte : « Philoctète, enseigne-moi la vertu !  […] Il convient de rappeler la femme à ses vrais emplois, c’est-à-dire à ses vraies vertus. […] Défiez-vous des coureurs de dots qui flatteront votre manie littéraire ; défiez-vous de vous-même : votre maison est mal tenue et vos filles sont mal élevées » ; — à Alceste : « L’écueil de la vertu, c’est l’orgueil ; un peu d’humilité ! 

1273. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Sa vertu fait mon supplice ; mais dois-je l’accuser, quand elle se défend contre elle-même comme elle se défendait d’abord contre moi ? […] Donnez-lui seulement un témoignage de pitié ; la vertu prendra les armes contre la fureur, et le combat sera court. […] Toute vertu meurt, et le pouvoir appartient à un autre maître qui promet une vie plus tranquille. […] La vertu est morte et avec elle la beauté, disaient tristement les femmes réunies autour de son chaste lit. […] Parmi les vertus de Giusti, je ne crois pas qu’il faille compter l’humilité.

1274. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Je sais que les arts n’ont pas toujours, et ne peuvent avoir la sévérité que prescrit la morale ; je sais que l’imagination et le goût ne s’effrayent pas de tout ce qui peut blesser une austère vertu ; mais ici, je dois indiquer, plutôt que définir. […] On n’a aucune idée de cette race d’hommes fiers et belliqueux ; on n’imagine pas les vertus qui se mêlaient à leur courage féroce ; on ne conçoit ni leur grossièreté ni leur génie. […] Un chevalier, un troubadour illustre, Blacas, meurt : voilà les troubadours qui célèbrent en lui le guerrier vaillant, généreux, dont la vertu faisait honte aux plus puissants monarques. […] Ce n’est plus l’héroïsme des guerriers d’Homère, cet héroïsme qui s’accommodait de la fuite et du pillage ; c’est le merveilleux des miracles et la pureté des vertus chrétiennes. […] L’imagination, entourée de tant d’êtres fabuleux, ne tarda pas à personnifier les vices, les vertus, les pensées.

1275. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Les prétendues natures poétiques, qui auront cru atteindre au sens vrai des choses sans la science, apparaîtront alors comme chimériques ; et les austères savants, qui auront fait fi des dons plus délicats, soit par vertu scientifique, soit par mépris forcé de ce qu’ils n’avaient pas, rappelleront l’ingénieux mythe des filles de Minée, changées en chauves-souris pour n’avoir été que raisonneuses devant des symboles auxquels il eût fallu appliquer des procédés plus indulgents. […] Les hommes sérieux concevaient comme idéal de la vertu des caractères grossiers et incultes, et comme idéal de la société un développement tourné exclusivement vers le dévouement à la patrie et le bien faire (Sparte, l’ancienne Rome, etc.). […] De là ces lieux communs, supériorité du bien faire sur le bien dire, de la vertu grossière sur la civilisation raffinée, mépris du Graeculus, chargé de grammaire, etc.

1276. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Il vante la vertu et la simplicité de Cincinnatus. […] Une transformation analogue s’est produite pour le prix de poésie, créé par Pellisson ; pendant un siècle environ, le sujet imposé fut la mise en relief de l’une des vertus du souverain  ; mais il arriva que le nombre de ces vertus royales, si grand qu’il pût être, finit par s’épuiser, et, à partir de l’an 1753, le choix des sujets à traiter prit une variété qui n’est plus aujourd’hui emprisonnée dans aucune limite.

1277. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Certes, l’invocation qui termine le Système de la nature a vieilli et nous fait sourire, mais elle est en somme moins fausse philosophiquement que tous ces blasphèmes qui vieilliront plus vite encore et feront bientôt hausser les épaules à nos descendants. « Vertu, raison, vérité, disait d’Holbach, soyez à jamais nos seules divinités… Ecartez pour toujours et ces fantômes hideux et ces chimères séduisantes qui ne servent qu’à nous égarer. […] Je poursuivais le monstre sans me laisser effrayer ni attendrir, et c’est ainsi que je l’ai frappé jusque dans ses avatars les plus subtils ou les plus séduisants, j’entends le concept de cause, la foi dans une loi, l’apothéose de la science, la religion du progrès. » Honte aussi à ces « faux matérialistes qui honorent la vertu ! » La vertu, comme la raison, l’idéal, etc., fait partie des monstres auxquelle nouvel Hercule va faire la chasse. « Somme toute, je suis allé loin plus qu’on ne le fit jamais sans la franche expression de l’hypothèse matérialiste. » Franche, sincère, est-ce bien certain ?

1278. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Toutefois ses animosités contre l’antimoine et ceux qu’il appelait les chimistes ou les charlatans persistèrent, et il ne contint jamais la liberté de ses propos : il en faisait une affaire d’honneur et de vertu. […] Gui Patin, s’il en eut l’excès, eut du moins en lui de cette vertu.

1279. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Ne pas avoir le sentiment des lettres, cela, chez les anciens, voulait dire ne pas avoir le sentiment de la vertu, de la gloire, de la grâce, de la beauté, en un mot de tout ce qu’il y a de véritablement divin sur la terre : que ce soit là encore notre symbole. […] Mais les Athéniens n’ont su remplir qu’une moitié de son vœu, et cette œuvre rêvée, — et mieux que rêvée, proposée par Périclès —, œuvre de constance, d’énergie durable et d’empire politique universel, ce sont les Romains qui se sont chargés de l’accomplir dans des proportions tout autrement vastes, et non plus sur mer, mais sur terre ; et en même temps que les Grecs déchus, privés de l’exercice des vertus publiques, devenaient (sauf de rares exceptions) plus légers, plus volubiles, plus sophistiques, plus flatteurs, plus fabuleux qu’ils n’avaient jamais été, les vainqueurs se saisirent du précieux élément divin, d’une part de ce feu de Prométhée, et en animèrent leur vigueur pratique et leur sens solide, dans un tempérament qui unit la vivacité et la consistance.

1280. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Le héros de son choix, et qu’elle a une fois épousé, acquiert ainsi, à chaque génération, une vertu nouvelle, la vertu régnante et à la mode dans chaque temps.

1281. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

J’ai fait autrefois quelques réserves à son sujet, lorsqu’il m’a semblé qu’on voulait le porter un peu trop haut ; j’en ferai peut-être encore quelques-unes ; mais ce sera le plus souvent en me servant de ses paroles mêmes et toujours en rendant hommage à son mérite, à son caractère et à ses vertus. […] —  Michel Lévy. toujours en rendant hommage à son mérite, à son caractère et à ses vertus.

1282. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

» Ce grain à grain me rappelle qu’elle disait encore, pour exprimer cette vertu de patience laborieuse, et en y mettant son humble geste de femme : « Il faut faire de la vie comme on coud, point à point. » J’ai encore beaucoup à dire, je ne suis presque qu’au commencement. […] Toutes les vertus habitent le cœur de notre roi ; il est sensible au dernier point, et son cœur est d’une piété douce.

1283. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

. — « Si cela est, repartit l’évêque, vous ne pouvez mieux faire que de vous adresser à moi ; je connois ces montagnes, j’y ai passé souvent en faisant mes visites : j’y sais des endroits si affreux et si éloignés de tout commerce, que, quelque difficile que vous puissiez être, vous aurez lieu d’en être content. » Rancé, avec sa vivacité naturelle, prenant cette parole à la lettre, pressait déjà M. de Comminges de les lui montrer : « Je m’en garderai bien, lui répondit le prélat en souriant, ces endroits sont si tentants, que, si vous y étiez une fois, il n’y auroit plus moyen de vous en arracher. »  C’était en vain que cet évêque aimable et d’autres amis conseillaient à Rancé, jusque dans son repentir, « cette juste médiocrité qui fut toujours le caractère de la véritable vertu. » Cette médiocrité était précisément ce qu’il y avait de plus contraire à son humeur et de plus insupportable à ses pensées. […] Cependant il est une exception à cette infirmité des choses humaines : il arrive quelquefois que dans une âme forte un amour dure assez pour se transformer en amitié passionnée, pour devenir un devoir, pour prendre les qualités de la vertu ; alors il perd sa défaillance de nature, et vit de ses principes immortels. » Que dites-vous maintenant ?

1284. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Quoi qu’il en soit, dans la préface d’Arthur, et auparavant dans celle de Latréaumont, l’auteur semble près de s’amender ; il ne croit plus au mal absolu ni à son triomphe inévitable sur le bien ; du point de vue plus élevé d’où il juge, « les illusions du vice lui paraissent, dit-il, aussi exorbitantes à leur tour que lui paraissaient jadis celles de la vertu. » L’auteur arrive évidemment à sa maturité d’éclectisme et de scepticisme. […] Mais que sera-ce donc si j’ai à faire parler dans mon récit un de ces hommes dont le nom seul enferme tout un culte et un héritage évanoui de vertu, de gravité et d’éloquence, quelque Daguesseau, quelque Lamoignon ?

1285. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Il faut donc qu’ils aient une bonté médiocre, c’est-à-dire une vertu capable de faiblesse, et qu’ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester. » J’insiste sur ce point, parce que la grande innovation de Racine et sa plus incontestable originalité dramatique consistent précisément dans cette réduction des personnages héroïques à des proportions plus humaines, plus naturelles, et dans cette analyse délicate des plus secrètes nuances du sentiment et de la passion. […] Au reste, comme nul sentiment profond n’est stérile en nous, il arrivait que cette poésie rentrée et sans issue était dans la vie comme un parfum secret qui se mêlait aux moindres actions, aux moindres paroles, y transpirait par une voie insensible, et leur communiquait une bonne odeur de mérite et de vertu : c’est le cas de Racine, c’est l’effet que nous cause aujourd’hui la lecture de ses lettres à son fils, déjà homme et lancé dans le monde, lettres simples et paternelles, écrites au coin du feu, à côté de la mère, au milieu des six autres enfants, empreintes à chaque ligne d’une tendresse grave et d’une douceur austère, et où les réprimandes sur le style, les conseils d’éviter les répétitions de mots et les locutions de la Gazette de Hollande, se mêlent naïvement aux préceptes de conduite et aux avertissements chrétiens : « Vous avez eu quelque raison d’attribuer l’heureux succès de votre voyage, par un si mauvais temps, aux prières qu’on a faites pour vous.

1286. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Les enfants qui ont actuellement dix ans se trouveront alors des hommes préparés pour l’État, affectionnés à leur pays, soumis, non par crainte, mais par raison, à l’autorité, secourables envers leurs concitoyens, accoutumés à reconnaître et à respecter la justice. » — Au mois de janvier 1789434, Necker, à qui M. de Bouillé montrait le danger imminent et les entreprises immanquables du Tiers, « répondait froidement et en levant les yeux au ciel qu’il fallait bien compter sur les vertus morales des hommes »  Au fond, quand on voulait se représenter la fondation d’une société humaine, on imaginait vaguement une scène demi-bucolique, demi-théâtrale, à peu près semblable à celle qu’on voyait sur le frontispice des livres illustrés de morale et de politique. […] On les exhortera « à l’étonner par leurs vertus, pour qu’il reçoive plus tôt le prix des siennes436 ».

1287. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

La souveraineté l’enivre, le sang l’allèche, l’amour le corrompt ; mais il ne perd point son génie poétique avec sa vertu ; il est à lui-même son propre barde. […] Revenant sans cesse au prix inestimable des louanges distribuées par le poète à ses héros : « Comme le vent emporte le navigateur sur la plaine liquide, « Comme les rosées abondantes engraissent la terre et la fécondent, « Ainsi les louanges des poètes contemporains aux hommes qui veulent illustrer leurs noms par leurs vertus ou par leurs victoires, « Les hymnes plus douces que le miel, transmettent leurs exploits aux siècles à venir !

1288. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

L’amour dispense de toute raison, donne toute vertu, et peut tout l’impossible. […] Un autre narrateur, qui vers le même temps que Robert de Boron, et sans doute sans le connaître, traitait la même matière, montrait l’adultère Lancelot et le léger Gauvain s’épuisant en vains efforts, malgré leurs chevaleresques vertus, pour conquérir le précieux plat : cet honneur était réservé à l’impeccable Perceval.

1289. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Il écoute très décemment, très dévotement les sermons, les propos édifiants, il voit avec révérence les hautes vertus, les faits admirables des saints personnages. […] Il ne croit pas aux vertus qu’il n’a pas.

1290. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Sa peinture de l’homme est juste, un peu banale ; c’est l’homme de Montaigne, de La Rochefoucauld et de Pascal : égoïste, léger, inconstant, toujours en deçà et au-delà du vrai, prenant pour raison sa fantaisie, son habitude et son intérêt, incapable d’un sentiment profond et durable, plus capable d’un grand effort d’un instant que d’une vertu moyenne et constante, allant aux belles actions par vanité, ou par fortune, soumis à la mode dans ses mœurs, dans ses idées comme dans son vêtement. […] La Bruyère la voit fondée sur la naissance, idolâtre de l’argent, dont il annonce le règne ; les femmes coquettes, menteuses, perfides, êtres d’instinct, meilleures ou pires que les hommes, dominant dans les salons, et y imposant l’esprit l’utile et banal, attirant autour d’elles l’essaim des fats et des ridicules ; les financiers, partis de bas, durs, sans scrupules comme sans pitié, méprisables absolument ; la ville, rentiers, marchands, magistrats, commençant à échanger les fortes vertus bourgeoises pour les airs et les vices de la cour ; la cour, abjection et superbe, férocité et politesse, où le mobile unique est l’intérêt ; les grands, extrait de la cour dont ils manifestent le vice dans sa plus pure et naturelle malice, sans âme, sans esprit, tout à l’orgueil et au plaisir, bien pires que le peuple ; le souverain — mais ici La Bruyère ne voit plus.

1291. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Mais les mots, après tant de siècles de littérature, sont tout imprégnés de sentiments et de pensée : ils devaient donc, par la vertu de leurs assemblages, le forcer à penser et à sentir. […] Il fut un surprenant travailleur ; il eut des vertus de citoyen et des qualités de bourgeois.

1292. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Et si j’ai des objections contre le critique « académique » ou « universitaire » c’est que, pour des raisons aisées à comprendre, il me paraît bien difficile qu’il réunisse la moitié seulement de ces vertus. […] Gillouin a des objections contre le critique « académique » ou « universitaire », c’est qu’il lui paraît « bien difficile qu’il réunisse la moitié seulement de ces vertus ».

1293. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

De même, la vertu est bonne primitivement parce qu’elle tend à produire le bonheur. Par suite il se forme dans la pensée une association indissoluble entre la vertu et le bonheur ; puis par la force de l’habitude, nous en venons à pratiquer le devoir pour lui-même, sans préoccupation du bonheur qu’il procure et même au prix du sacrifice conscient et délibéré du bonheur.

1294. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Pour peu que, l’accès redoublant toujours, je m’écriasse : Fléaux du genre humain, illustres tyrans de vos semblables, hommes qui n’en avez que le titre, Rois, Princes, Monarques, Empereurs, Chefs, Souverains, vous tous enfin, qui, en vous élevant sur le trône & au dessus de vos semblables, avez perdu les idées d’égalité, d’équité, de sociabilité, de vérité, je vous assigne au Tribunal de la Raison ; écoutez : si ce globe malheureux a été votre proie, ce n’est point à la sagesse de vos prédécesseurs ni aux vertus des premiers humains que vous en êtes redevables, c’est à la stupidité, à la crainte, à la barbarie, à la persidie, & à la superstition : voilà vos titres Le Prophete Philosophe, Part.  […] Je tâche de les lire, comme les ont lues de tout temps les Sages & les Littérateurs éclairés : les Sages, pour n’y admettre que des mœurs, des sentimens, des caracteres, des maximes propres à donner à l’ame de l’énergie & des vertus ; comme les Littérateurs éclairés, pour condamner & rejeter les vains efforts de l’Art, les bizarreries de l’imagination, le clinquant de la fausse parure, la manie des sentences & des déclamations.

1295. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Elles ont le mal du pays, sinon de la vertu, du moins de la considération reconquise. […] Mais à peine y est-elle entrée que la vertu lui pèse et que le calme l’énerve ; elle s’ennuie de sa nouvelle existence, comme une sauvage baptisée qu’on aurait mise au couvent.

1296. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

La vertu, la dignité, le respect d’elle-même n’entrent pour rien dans sa résistance. […] Elle lui déclare qu’il ne l’aura jamais, non par vertu, mais par orgueil ; parce qu’elle a du sang royal dans les veines et qu’il est indigne d’une fille de roi de se vendre.

1297. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Je ne sais pas si j’aurais la vertu de cet état, mais heureusement ce n’est pas le mien ; je suis chargé d’une police qui concerne les gens de lettres, les savants, les auteurs de toute espèce, c’est-à-dire des gens que j’aime et que j’estime, avec qui j’ai toujours désiré de passer ma vie, qui font honneur à leur siècle et à leur patrie. […] Mais, franchement, Malesherbes ne pouvait croire que Les Cacouacs, malgré leur vogue d’un jour, eussent tant de vertu que de guérir radicalement le public et de tuer net l’Encyclopédie.

1298. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Nous sommes trop sensibles à la gloire pour ne pas admirer ce lord Wellington, qui retrace d’une manière si frappante les vertus et les talents de notre Turenne. […] Il s’élève derrière nous une génération impatiente de tous les jougs, ennemie de tous les rois ; elle rêve la République, et est incapable, par ses mœurs, des vertus républicaines.

1299. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Aujourd’hui les peuples ont une grande vertu, ils sont avares. […] L’aristocratie anglaise, qui a parfois de ces bonnes idées-là, a imaginé de donner à une opinion politique le nom d’une vertu.

1300. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Une fois trouvée la formule qui paraît douée de cette vertu, le processus est achevé. […] Le langage, pris en lui-même, n’y est pour rien ; toute sa vertu réside dans les idées qui l’accompagnent.

1301. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

L’exactitude, disait un homme d’esprit, est la vertu d’un sot ; cet homme d’esprit avait tort en cela ; mais il est au moins certain que ce devrait être la vertu d’un critique qui reprend dans un ouvrage les points et les virgules, et qui assaisonne sa censure de beaucoup d’invectives.

1302. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

On imitera certains caractères de la matière vivante ; on ne lui imprimera pas l’élan en vertu duquel elle se reproduit et, au sens transformiste du mot, évolue. […] Les grands hommes de bien, et plus particulièrement ceux dont l’héroïsme inventif et simple a frayé à la vertu des voies nouvelles, sont révélateurs de vérité métaphysique.

1303. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Ils représentaient, avec le rayon de feu sur le front, ce même combat de l’intelligence et de la vertu contre l’invasion homicide du dehors et la tyrannie homicide du dedans. […] Après avoir cherché dans la vieille Asie les plus hautes inspirations de l’enthousiasme lyrique, après en avoir contemplé la vertu guerrière dans les luttes d’un coin de terre monothéiste et civilisé contre l’Assyrie barbare et idolâtre, on est mieux préparé à le reconnaître dans l’immortelle victoire de cette petite péninsule de la Grèce, ingénieuse et libre, sur l’Orient despotique de Suse et d’Ecbatane, traînant à sa suite les descendants des anciens esclaves des rois et jusqu’à des milices de ce peuple juif tombé, du joug de Babylone sous celui de la Perse.

1304. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Tout est bien, tout est mieux, me disais-je ; mais à force de mieux et par la vertu même de ce progrès continu que rien désormais ne saurait enrayer, ne serait-il pas possible que l’équivalent de cette grande catastrophe et de ce grand naufrage d’oubli se retrouvât un jour pour nous aussi, pour nos âges si superbes ?

1305. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Thiers a noblement relevé ce pur et courageux citoyen du reproche d’incapacité dont on a trop généralement chargé sa vertu.

1306. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Condorcet, dans son bel éloge de Franklin, où perce toutefois une velléité de réticence, n’a pu s’empêcher de dire de ce dernier : « Il croyait à une morale fondée sur la nature de l’homme, indépendante de toutes les opinions spéculatives, antérieure à toutes les conventions ; il pensait que nos âmes reçoivent dans une autre vie la récompense de leurs vertus et de leurs fautes ; il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait dans le secret de sa conscience un hommage libre et pur. » Tel fut aussi Jefferson, tel Washington ; tels ont dû être, en effet, sur cette terre d’Amérique, en présence de cette vaste nature à demi défrichée, au sein d’une société récente, probe, industrieuse, où les sectes contraires se neutralisaient, tels ont dû être ces grands et stables personnages, nourris à l’aise, au large, sous un ciel aéré, loin du bagage des traditions, hors des encombrements de l’histoire, et dont pour quelques-uns, comme pour Washington, par exemple, l’éducation première s’était bornée à la lecture, l’écriture et l’arithmétique élémentaire, à laquelle plus tard il avait ajouté l’arpentage.

1307. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

La grivoiserie implique la conscience d’un manquement à la pudeur : or il semble que Maupassant ait toujours aussi complètement ignoré cette vertu-là qu’un faune dans les grands bois.

1308. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Il leur sourit plutôt, sans se faire la moindre illusion sur leur vertu, mais assuré qu’un avenir révolutionnaire ne vaudrait pas mieux.

1309. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

C’est le simple, c’est le vrai qui, dans cette âme candide, l’attire et le retient, et n’est-il pas évident, qu’au milieu des dandies amers, secs, brûlés, que sont les autres, la spontanéité, disons l’ingénuité de style et de pensée de Desbordes-Valmore frappe comme un rappel d’enfance et séduit comme une vertu ?

1310. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

» et sans doute parce qu’il est instruit de la vertu du nombre sept et de ses multiples, il opine pour l’année 1914.

1311. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On remarquait comme précieux dans un autre ouvrage : que Daphné avait toute son âme dans ses jeux ; Dans un autre : qu’un malheureux avait le front chargé d’un sombre nuage ; Dans un autre : qu’un grand homme voit les troubles des petites âmes du haut de sa vertu… qu’il échappe un sourire de son sérieux… que la frayeur court dans une assemblée.

1312. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

La bravoure n’est pas la vertu favorite des auteurs ; ou plutôt Corneille méprisa de pareils ennemis.

1313. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

C’est la mesure de cette nécessité, de l’effort qu’on fait pour s’y soustraire, de la douleur qu’on éprouve en s’y soumettant, qui devient la mesure du caractère moral de l’homme, qui, plutôt que de s’y soumettre, consent à s’immoler lui-même (en n’immolant toutefois que lui-même et non ceux dont le sort lui est confié), et s’élève par-là au plus haut degré de vertu auquel l’humanité puisse atteindre.

1314. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Ce modèle de tombeau est simple et beau, l’ensemble en est pittoresque, et l’on ne désire rien à la figure de l’amitié de tout ce qui tient aux parties de l’art ; la position, l’expression, le dessin, la draperie, sont bien ; mais qu’est-ce qui désigne l’amitié plutôt qu’une autre vertu ?

1315. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

… Comme Philippe d’Orléans était un fanfaron de vices, La Grange-Chancel, qui n’avait ni l’honnêteté rigide du vieux Boileau, ni l’âme magnanime de d’Aubigné, ces grands satiriques, La Grange-Chancel n’était qu’un fanfaron de vertus.

1316. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Malheureusement, il a succombé par deux qualités charmantes, qui sont presque des vertus : le respect de ses prédécesseurs et la modestie.

1317. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Le Louis XVI des opinions faites vivait un peu sur le mot de Mirabeau : « Il avait d’inertes vertus. » Mais le Louis XVI du Journal n’est ni si vertueux (l’est-on sans combat ?)

1318. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Magnier a raconté en quelques traits cette vie du Dante, dont on sait si peu de chose et dont pourtant on sait trop encore ; — car cet homme fut un égoïste énorme dont le génie peut-être était toutes les vertus.

1319. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Il y a mandé les doctrines les plus opposées, et en vertu de sa modération, vertu moderne, et de ce style modéré qui est le style de la maison dans laquelle il juge, il a tout arrangé à l’amiable entre la Scolastique et la Philosophie, entre les ténèbres du Moyen Âge et les lumières de cet Âge-ci, entre la foi et la raison… Les esprits absolus n’accepteront probablement pas les décisions onctueuses, gracieuses et officieuses de M. 

1320. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Et comment pourrait-il supporter le capucin, le héros des vertus humbles, simples et fortes qui dominent le corps et le font magnifiquement obéir ?

1321. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Que n’ai-je les vertus de l’ancienne magie Pour connaître où tu vis quand tu me fais mourir Mais, après tout, et malgré la mélancolie de la touche du poète, ces deux poèmes ne donnent pas la valeur réelle, et que la Critique doive mettre le plus en relief, du livre et du talent de M. 

1322. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Avec leur stoïcisme révolutionnaire, sont-ils rien de plus que des décalques de ces vertus républicaines, qui n’ont qu’un profil, dans leur perfection monotone ?

1323. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

C’est aussi un moyen de fixer au passage, en de brèves esquisses, la figure des vaillants hommes qu’il a connus là-bas, et dont il aime à se rappeler la mâle vertu. […] Il pensait qu’on n’a encore rien inventé de mieux, comme laboratoires de vertus, que la famille et la patrie. […] Sa vertu est exempte de raideur puritaine et d’arrogance jacobine. […] Pays sans courage et sans vertu, admirable parterre pour les apostats politiques. […] Les quatre arpents de la moindre province peuvent contenir toutes les dimensions, de nos vices et de nos vertus.

1324. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Que ne fera-t-on pas un jour du mélange de l’esprit français et de l’esprit germanique, chacun ayant sa vertu propre, et droit tous deux à une égale admiration ? […] Telle est la vertu de notre influence, que Demolder mit dans sa peinture presque autant de mesure élégante que, jusqu’alors, de verve outrée. […] La vertu dominante d’Albert Giraud semble bien la distinction. […] Telle est la philosophie des drames de Maeterlinck, philosophie désespérante qui nie la vertu de l’effort et encourage à la passivité lâche. […] Le Cloître est une minuscule humanité en marge de la grande, composée, comme elle, de puissants et de faibles, avec, comme en elle, plus de tares que de vertus.

1325. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Vous ajouterez, si vous voulez, qu’elle peut être bienfaisante, propagatrice de générosité, de foi, de vertu, et qu’à ce titre également nous la devons révérer… Et encore, il y a légende et légende. […] Je me figure le diplomate poète, à Florence, dans ce milieu cosmopolite, passant ses soirées à la Pergola « entre des abbés et des filles », comme Hercule entre la Vertu et la Volupté ; le lendemain, improvisant ses vers dans les jardins de Boboli ou aux Cascine, l’oreille encore pleine des fioritures du ténor ou de la « prima donna » : quelque chose de leur manière rossinienne s’y glissa malgré lui, à son insu. […] Il reprend son fardeau que la vertu soulève, S’élance et dit : « Marchons à la clarté du jour !  […] La douleur pouvait être, pour cette adolescente, un ferment de vertu  comme elle le devient pour son chaste amoureux. […] Mais cette souffrance, d’ailleurs démesurée et, si je puis dire, gigantesque, il n’en comprend pas la vertu purificatrice, il ne l’accepte pas ; il maudit à la fin la terre et Dieu même ; il se réfugie dans le suicide.

1326. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Il a toutes les vertus, détachement, charité, héroïsme. […] », mais alors exhibez vos titres, génie ou vertu. […] Ce fils, ce sera la revanche et le rachat de son déshonneur ; ce sera sa vertu, et ce sera surtout sa pensée. […] Déroulède aime encore mieux être loué pour ses vertus que pour sa littérature. […] Or, toutes les vertus se ramènent au courage, même la bonté.

1327. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

La seconde vertu sacerdotale dont se glorifie M.  […] Vice de ce côté du Tropique, vertu de l’autre côté. […] Où est donc l’Augier de Gabrielle, gratifié d’un prix de vertu par l’Académie française ? […] J’ai dégagé surtout ce qui accuse l’intention du poète, qui a voulu opposer à l’honneur et à la vertu selon le monde l’honneur vrai et la vertu selon la conscience. […] Ô grande puissance du quiproquo, ô singulière vertu du calembour !

1328. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Loin d’être regardé comme une faute, il est la source de toute vertu. Troïlus en devient plus brave, plus généreux, plus honnête ; ses discours roulent maintenant « sur l’amour et sur la vertu, il a en mépris toute vilainie », il honore ceux qui ont du mérite, il soulage ceux qui sont dans la détresse. […] Elle me mène si bien à la vertu Que de jour en jour ma volonté s’amende. […] Elle est rare dans les littératures du Midi ; les Italiens, au moyen âge, faisaient une vertu de « la joie », et vous voyez que ce monde chevaleresque, tel qu’il a été inventé par la France, élargit la morale jusqu’à la confondre avec le plaisir.

1329. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Qu’on en jouisse, qu’on y trouve avec vertu le bonheur, mais toute inspiration n’est pas là.

1330. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

On entend par ce mot tout ce qui est non pas extraordinaire, mais merveilleux, tout ce qui est hors de la possibilité naturelle, tout ce qui n’arrive pas, les combinaisons trop ajustées d’événements, les rencontres trop heureuses du hasard, les coups de vertu ou de passion inexpliqués dans leur grandeur, les perfections et les bonheurs incroyables dans leur continuité.

1331. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Rostand, à un égal degré, possède les deux vertus romaines de l’imagination : l’abondance et le choix.

1332. (1890) L’avenir de la science « I »

Un système de philosophie vaut un poème, un poème vaut une découverte scientifique, une vie de science vaut une vie de vertu.

1333. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Qui peut calculer ce qui fût arrivé de la philosophie, si la cause de Dieu, défendue en vain par la vertu, eût été aussi plaidée par le génie ?

1334. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Alors don Salluste serait l’égoïsme absolu, le souci sans repos ; don César, son contraire, serait le désintéressement et l’insouciance ; on verrait dans Ruy Blas le génie et la passion comprimés par la société, et s’élançant d’autant plus haut que la compression est plus violente ; la reine enfin, ce serait la vertu minée par l’ennui.

1335. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Tout est illustre en lui, ses vertus, ses aïeux, Ses ouvrages, sa mort, ses miracles nombreux, Son rang parmi les saints dans le bonheur suprême, Son esprit transporté de l’aspect de Dieu même.

1336. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Chez les Grecs & chez les Romains, comme aussi chez les Anglois, & généralement dans toutes les républiques où l’on est continuellement occupé de grands intérêts publics, il se peut qu’on réduise toute la force de l’éloquence à sçavoir persuader & faire réussir ses desseins ; qu’on ne lui reconnoisse aucune autre vertu, parce que toutes les autres qualités doivent être subordonnées à celle-là, & qu’il est juste que le principal l’emporte sur l’accessoire : mais, en France, & partout ailleurs où le gouvernement républicain n’a pas lieu, on doit distinguer ces deux choses.

1337. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Les vertus devraient être sœurs.

1338. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Il ne subsiste presque plus aucune de ces infâmes et belles estampes que le Jule Romain a composées d’après l’impur Arétin ; la probité, la vertu, l’honnêteté, le scrupule, le petit scrupule superstitieux, font tôt ou tard main basse sur les productions déshonnêtes.

1339. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

tous les souvenirs qui l’honorent le plus, évoquez vos vertus premières, vos agréments naturels ou étudiés (roulez donc, période, roulez donc !)

1340. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

L’hypocrisie est le seul vice qui soit aussi pénible, aussi difficile qu’une vertu.

1341. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

de la sobriété historique, de cette vertu qui empêche et prévient la dangereuse soif de l’originalité, laquelle certainement n’est pas défendue, comme l’absinthe, pour cause de santé, aux jeunes professeurs.

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